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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 3 novembre 2005




¸ 1410
V         Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.))
V         Mme Carmen Ferland (Artistes pour la Paix)
V         M. Pierre Jasmin (à titre personnel)
V         Mme Carmen Ferland
V         M. Pierre Jasmin
V         Mme Carmen Ferland

¸ 1415
V         M. Pierre Jasmin
V         Mme Carmen Ferland

¸ 1420
V         M. Pierre Jasmin

¸ 1425
V         Mme Carmen Ferland
V         M. Pierre Jasmin

¸ 1430
V         Le président
V         Mme Dorothy Hénault (Voisins et voisines du Mile-End pour la paix)

¸ 1435

¸ 1440
V         Le président
V         M. Kevin Sorenson (Crowfoot, PCC)
V         Le président
V         M. Kevin Sorenson
V         Le président
V         M. Pierre Jasmin

¸ 1445
V         M. Kevin Sorenson
V         M. Pierre Jasmin
V         M. Kevin Sorenson
V         M. Pierre Jasmin
V         M. Kevin Sorenson
V         M. Pierre Jasmin
V         M. Kevin Sorenson
V         Mme Dorothy Hénault

¸ 1450
V         M. Kevin Sorenson
V         Mme Dorothy Hénault
V         M. Kevin Sorenson
V         Mme Dorothy Hénault
V         M. Kevin Sorenson
V         Mme Dorothy Hénault
V         M. Kevin Sorenson
V         Mme Dorothy Hénault
V         M. Pierre Jasmin
V         M. Kevin Sorenson
V         Mme Dorothy Hénault
V         Mme Carmen Ferland
V         M. Kevin Sorenson
V         Mme Carmen Ferland
V         Le président
V         Mme Sarah Humphrey (à titre personnel)
V         M. Kevin Sorenson
V         Mme Sarah Humphrey
V         Le président
V         M. Kevin Sorenson

¸ 1455
V         Le président
V         M. Pierre Paquette (Joliette, BQ)
V         Mme Dorothy Hénault

¹ 1500
V         M. Pierre Jasmin
V         M. Pierre Paquette
V         Mme Dorothy Hénault
V         M. Pierre Paquette
V         M. Pierre Jasmin
V         M. Pierre Paquette
V         Le président
V         M. Pierre Paquette
V         M. Pierre Jasmin
V         M. Pierre Paquette

¹ 1505
V         Mme Dorothy Hénault
V         M. Pierre Paquette
V         Le président

¹ 1510
V         Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.)
V         Le président
V         Mme Beth Phinney
V         M. Pierre Jasmin
V         Le président
V         M. Pierre Jasmin

¹ 1515
V         Le président
V         Mme Beth Phinney
V         M. Pierre Jasmin
V         Mme Beth Phinney
V         M. Pierre Jasmin
V         Mme Beth Phinney
V         Mme Dorothy Hénault
V         Mme Beth Phinney
V         Le président
V         M. Pierre Jasmin
V         Le président
V         M. Pierre Jasmin
V         Le président
V         M. Pierre Jasmin
V         Le président
V         M. Pierre Jasmin

¹ 1520
V         Le président
V         M. Pierre Jasmin
V         Le président
V         M. Pierre Paquette
V         M. Pierre Jasmin
V         M. Pierre Paquette
V         M. Pierre Jasmin
V         Le président
V         M. Kevin Sorenson
V         Mme Dorothy Hénault
V         M. Kevin Sorenson
V         Mme Dorothy Hénault
V         M. Kevin Sorenson
V         Mme Beth Phinney
V         Mme Dorothy Hénault
V         M. Kevin Sorenson
V         Mme Dorothy Hénault

¹ 1525
V         M. Kevin Sorenson
V         Mme Dorothy Hénault
V         M. Kevin Sorenson
V         Mme Dorothy Hénault
V         M. Kevin Sorenson
V         Mme Dorothy Hénault
V         M. Kevin Sorenson
V         Mme Dorothy Hénault
V         M. Kevin Sorenson
V         Mme Dorothy Hénault
V         M. Pierre Paquette
V         M. Kevin Sorenson
V         Mme Dorothy Hénault
V         M. Kevin Sorenson
V         M. Pierre Jasmin
V         M. Kevin Sorenson
V         Mme Dorothy Hénault
V         M. Pierre Jasmin
V         Le président

¹ 1530










CANADA

Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


NUMÉRO 069 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 3 novembre 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

¸  +(1410)  

[Français]

+

    Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.)): Bonjour à tous.

    Conformément à l'ordre du jour, nous continuons l'examen de l'Énoncé de la politique internationale du Canada.

    Nous avons le plaisir de recevoir cet après-midi Mme Carmen Ferland et M. Pierre Jasmin de l'organisme Artistes pour la Paix, ainsi que Mme Dorothy Hénault et Mme Sarah Humphrey, de Voisins et voisines du Mile-End pour la paix.

[Traduction]

    Soyez les bienvenus au comité. Nous sommes en retard, mais il y a une bonne raison à cela. C'est aujourd'hui l'anniversaire de notre vice-président, et nous sommes très heureux de l'annoncer.

    Mais ne vous inquiétez pas. Nous devions siéger de 13 h 45 à 14 h 45; au lieu de cela, nous allons siéger de 14 h 15 à 15 h 15. Nous avons le temps, et nous n'abuserons pas du vôtre.

[Français]

    Je cède la parole à Mme Ferland.

+-

    Mme Carmen Ferland (Artistes pour la Paix): Mesdames et messieurs, vous êtes membres d'un comité que Artistes pour la Paix estiment très important pour la cause de la paix. Pierre Jasmin et moi vous ferons part de nos réflexions des derniers jours. Veuillez nous pardonner le caractère improvisé de notre intervention; c'est dû au délai très court qui nous fut imparti.

    Au mois de mars dernier, la réponse du gouvernement au rapport du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international a été rendue publique. Elle portait le titre suivant: « Regard sur les relations du Canada avec les pays du monde musulman ». On pouvait y lire ceci:

+-

    M. Pierre Jasmin (à titre personnel):

    Nous ne pouvons continuer à jouir de la sécurité ici, en Occident, sans égard à la situation qui règne dans le reste du monde. En contribuant à ce que les sociétés de ce reste du monde soient mieux gouvernées et mieux informées, nous augmentons les chances de sécurité collective à long terme.

+-

    Mme Carmen Ferland: [Note de la rédaction: inaudible] sa touche ethnocentrique, c'est un admirable énoncé, sauf que le vrai énoncé contient le mot « prospérité » ou « prospère » à trois reprises, ce qui alourdit les deux phrases et leur enlève, selon nous, la portée positive que notre lecture éditée rétablit.

+-

    M. Pierre Jasmin: Pourquoi nous opposons-nous à la prospérité? Il nous semble que le Canada doit aider les pays en voie de développement en remettant d'abord en question ce qui établit notre prospérité à leur détriment. Nos compagnies minières et pétrolières exploitent-elles le Soudan, le Congo, le Nigéria, les Philippines, le Pérou, la Colombie et d'autres pays du tiers monde à leur avantage, ou en compromettent-elles l'environnement et la sécurité en étant parfois même complices de massacres de civils par des forces militaires régulières ou par des milices armées dans des pays trop pauvres pour résister à l'appel de certains de nos prospères hommes d'affaires qui veulent leur bien?

    Nos compagnies d'armement aident-elles la paix mondiale en exportant à des dictatures? Les Artistes pour la Paix furent les premiers à dénoncer, dès 1992, le Programme de productivité de l'industrie du matériel de défense. Le PPIMD n'a-t-il pas subventionné la prospère SNC, dont la filiale de Le Gardeur exportait ses mines antipersonnel grâce à l'argent des impôts prélevés en trop pour des emplois d'été pour étudiants?

    La politique du gouvernement conservateur des Brian Mulroney, Jean Charest et Lucien Bouchard, ce porte-parole d'un Québec lucide aux côtés de Guy Saint-Pierre, ex-PDG de SNC-Lavalin, consacrait trois fois plus d'argent des contribuables annuellement, c'est-à-dire 280 millions de dollars, à la promotion et à l'exportation canadienne d'armement qu'à l'aide à la production artistique, à la promotion et aux tournées mondiales de tous nos orchestres symphoniques, troupes de ballet, de théâtre et d'opéra, aux expositions, aux musées, aux projets cinématographiques, aux bourses à la création artistique et littéraire provenant du Conseil des Arts du Canada.

+-

    Mme Carmen Ferland: Parlons de décisions politiques en faveur de la paix. Rappelons qu'à la suite du lobbying, en 1989, de la présidente des Artistes pour la Paix, Antonine Maillet, contre le projet d'acheter des sous-marins nucléaires au coût de 12 milliards de dollars, M. Mulroney s'est souvenu qu'il était progressiste-conservateur et a eu la sagesse d'y renoncer. Pourtant, de retour d'un tournage pour l'Office national du film du Canada à Moscou, Pierre Jasmin, alors vice-président des Artistes pour la Paix, avait dû essuyer l'accusation du ministre de la Défense, M. Bill McKnight, qui le tenait personnellement responsable de l'invasion imminente du Canada par l'URSS; cela à six mois de la chute du mur de Berlin. Il s'agit d'un exemple flagrant de ce qu'est une analyse politique du ministère de la Défense quand elle n'est ni soumise à Affaires étrangères Canada ni élaborée conjointement avec celui-ci.

    C'est pourquoi nous réclamons un changement majeur et demandons que les budgets liés aux affaires étrangères et à l'aide internationale soient augmentés au détriment de celui du ministère de la Défense. Ces trop nombreux généraux grassement rémunérés n'ont toujours aucune obligation de se renseigner auprès d'Affaires étrangères Canada sur les vraies menaces qui pèsent sur la sécurité des Canadiens. Ils continuent donc à gaspiller des milliards de dollars pour contrer des menaces qui ont cessé d'exister depuis 10 ans.

    Nous soumettons à l'examen de votre comité ce qui constitue pour nous un objectif prioritaire: l'éducation de nos dirigeants militaires en politique internationale. On pourrait sans doute compter sur la collaboration de notre Gouverneure générale et commandante en chef des forces armées, Mme Michaëlle Jean, dont la préoccupation pour la paix mondiale est bien connue.

¸  +-(1415)  

+-

    M. Pierre Jasmin: La politique libérale canadienne, de 1993 jusqu'à l'an dernier, a heureusement suivi un cours plus logique, balisé notamment par six décisions constructives:

    La première fut l'anéantissement du PPIMD.

    La deuxième fut l'annulation de l'achat des hélicoptères EH-101 équipés pour la lutte aux sous-marins nucléaires de Mme Kim Campbell. On se souvient qu'il lui avait été imposé par le secrétaire général de l'OTAN, M. Claes, emprisonné plus tard pour avoir reçu un pot-de-vin de la compagnie Agusta, qui fabriquait les hélicoptères. Récemment, hélas, le gouvernement libéral en a acheté quelques exemplaires défectueux.

    La troisième fut la production du rapport du Conseil Canada 21, où siégeait un membre éminent des Artistes pour la Paix, feu l'honorable Gérard Pelletier, et qui recommandait une diminution draconienne des dépenses militaires.

    La quatrième fut la formation, sous le leadership mondial du Canada, d'une coalition de plus d'une centaine de pays — excluant hélas la Chine et les États-Unis — bannissant les mines antipersonnel, dont 90 p. 100 des victimes sont des civils, en particulier en Angola, au Mozambique, en Bosnie, en Afghanistan et au Cambodge.

    La cinquième fut le refus de suivre les États-Unis dans la deuxième guerre d'Irak, grâce en partie aux manifestations massives de Montréal que nous avons activement suscitées.

    La sixième fut le paiement d'un milliard de dollars à la Russie pour le démantèlement des ogives nucléaires à bord de ses sous-marins nucléaires, missiles intercontinentaux et bombardiers, pour que la matière fissible ne tombe pas entre les mains des terroristes.

    À ces six exemples de politique éclairée, ajoutons un développement majeur du travail de notre diplomatie canadienne, reconnue par le monde entier, admiratif. Nous la félicitons donc de la nomination de deux éminents Canadiens, Louise Arbour et Philippe Kirsch, à titre de présidents de tribunaux internationaux pour juger les criminels de guerre.

    Ces modèles de réussite montrent la voie à suivre pour le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, qui doit dénoncer les politiques guerrières et assurer la sécurité collective globale, non pas en s'appuyant sur l'hypocrite souci de prospérité des hommes d'affaires, mais sur des efforts d'équité, grâce à une justice internationale respectée et à d'authentiques efforts d'information.

    Le ministère devrait, par exemple, favoriser les échanges universitaires culturels et scientifiques et l'envoi des journalistes des émissions de Radio-Canada, par exemple Zone libre, qui a subi, comme vous le savez, des coupures scandaleuses cette année.

+-

    Mme Carmen Ferland: Le contexte politique actuel est préoccupant. Les Artistes pour la Paix dénoncent la pensée conservatrice envahissante, tant celle des présidents d'Iran, de Chine et des États-Unis que celle de M. Harper, pour qui accroître les dépenses militaires représente une panacée universelle.

    Nos voisins viennent d'approuver des dépenses annuelles de 440 milliards de dollars pour le Pentagone, avec comme résultat que leurs citoyens sont de plus en plus la cible des terroristes du monde entier.

    Selon nous, la paix est incompatible avec un rapprochement éventuel du Canada et de l'équipe actuelle au pouvoir aux États-Unis. Avec la complicité des compagnies prospères d'armement, de pétrole, de tabac, de produits pharmaceutiques brevetés et d'OGM, comme Monsanto, l'équipe belliqueuse de Bush s'est attaquée à Kyoto et à toute initiative internationale qui favoriserait la paix, la santé ou le respect de l'environnement, sans mentionner leur délinquance honteuse face aux règles commerciales de l'ALENA.

    En politique intérieure, le gouvernement minoritaire libéral mérite en un premier temps des félicitations pour ses décisions en faveur des citoyens, grâce aux initiatives du Nouveau Parti démocratique, dont nous louons le souci de travailler pour les plus pauvres de notre société.

    Dès le mandat de 1984 à 1988 du premier président des Artistes pour la Paix, l'honorable Jean Louis-Roux, notre raison d'être était et demeure d'oeuvrer pour la paix et la justice sociale, les deux étant à notre avis indissociables.

    Nous déplorons, hélas, en un deuxième temps, que malgré l'appel en ce sens lancé par le Bloc québécois, ce gouvernement n'ait jamais trouvé la volonté de s'attaquer aux échappatoires fiscales et aux scandaleux profits des banques, des sociétés pétrolières et des multinationales expertes en fuites de capitaux canadiens dans des paradis fiscaux.

    N'y aurait-il pas là, pour le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, matière à agir courageusement?

    Nous invoquons ici l'essentielle vigilance de tous les Canadiens contre l'érosion indécente des revenus d'impôt, solution qui a échappé à l'examen récent de nos lucides Québécois.

¸  +-(1420)  

+-

    M. Pierre Jasmin: Plus que jamais, nous croyons en la paix sans les armes. En politique extérieure, le bilan des 18 derniers mois est peu reluisant, et devant ce comité, qui désire entendre ce que les Canadiens pensent de la direction que notre gouvernement devrait suivre en ce domaine, il est de notre devoir de dénoncer la préoccupante tangente prise par le gouvernement libéral. Car dès les premiers instants où il fut nommé premier ministre, M. Paul Martin a procédé non pas à l'ajustement, réclamé par l'ONU et par son ami Bono — notre ami Bono, devrais-je dire —, de l'aide internationale canadienne à 0,7 p. cent de notre produit intérieur brut — en fait on s'en est encore éloigné —, mais plutôt à la plus grosse augmentation du budget militaire canadien jamais effectuée depuis la Seconde Guerre mondiale: constatation de l'Institut Polaris.

    Des 13 milliards et demi de dollars additionnels sur cinq ans aux 13 milliards de dollars annuels accordés aux militaires, en particulier la portion consacrée à l'achat d'équipement offensif, par exemple des véhicules militaires d'Oerlikon Contraves, cela constitue pour nous la pire politique qui soit. Comment le Canada, n'ayant de frontières terrestres communes qu'avec les États-Unis, peut-il justifier le fait qu'il soit parmi les 12 nations au monde qui ont le plus de dépenses militaires? C'est pourquoi les Artistes pour la Paix lançaient en fin de semaine dernière un envoi de 56 000 cartes postales dénonçant cette politique désastreuse pour la paix. Il s'agit d'un premier envoi depuis nos 42 000 cartes contre les hélicoptères EH-101, enjeu majeur de la campagne électorale de 1993 qui n'avait reporté au Parlement que deux députés conservateurs. Ce nouvel envoi massif et coûteux pour nous fut, hélas, bien motivé par l'orientation militariste catastrophique du nouveau gouvernement.

    Ce n'est pas en subventionnant la guerre qu'on obtiendra la paix. Tout le monde est contre la guerre. Si elle persiste dans le monde, c'est qu'elle est une entreprise qui rapporte à une poignée de capitalistes de l'industrie militaire, alors qu'elle déchire et appauvrit la vie de milliards d'individus qui restent totalement démunis face aux famines, pénuries d'eau potable, ouragans, inondations, feux de forêt, tremblements de terre, tsunamis et pandémies.

    Notre ministère des Affaires étrangères devrait être le premier au monde à prôner la reconversion des armées nationales en équipes humanitaires prêtes à intervenir au secours des victimes de cataclysmes. CARE Canada et Oxfam révélaient récemment que les équipes civiles coûtaient dix fois moins cher que les soi-disant missions humanitaires des forces armées. On ne peut porter efficacement à la fois des brancards et des fusils.

    Ce gouvernement libéral est intervenu militairement contre l'Afghanistan, un pays où les talibans n'avaient réussi à conquérir le pouvoir que grâce à l'appui massif de la CIA et des compagnies américaines d'armement. Les Canadiens ne sont-ils pas en train de compromettre leur intégrité, en accentuant leurs interventions armées? Le ministère des Affaires étrangères devrait se méfier d'alliances avec des gouvernements qui sont influencés par des traditions militaristes. Nous pensons à la Chine, la Turquie, l'Indonésie, les États-Unis et la Birmanie.

    Parfois, en politique extérieure, il est plus sage d'écouter les porte-parole de pays non militarisés, donc non pervertis par les illogismes guerriers, du Vatican au dalaï-lama, du Costa Rica à l'Islande, ce dernier pays étant membre de l'OTAN sans avoir d'armée.

    Les Artistes pour la Paix croient que le Canada devrait se retirer de l'OTAN, qui n'a plus de raison d'être, et déplorent l'inquiétante et récente perte d'indépendance de l'état-major canadien au sein du NORAD, de plus en plus contrôlé par les faucons du Pentagone.

¸  +-(1425)  

+-

    Mme Carmen Ferland: Rendons quand même justice au gouvernement actuel. En saluant son refus de participer au projet de bouclier antimissile de M. Donald Rumsfeld, le groupe Pugwash, fondé en 1955 par les savants Bertrand Russell et Albert Einstein, estime que le bouclier antimissile est un obstacle aux efforts de non-prolifération nucléaire, efforts auxquels nous espérons que le gouvernement canadien continuera d'adhérer pleinement dans la lignée des Lester B. Pearson, Pierre-Elliott Trudeau et Jean Chrétien.

    Nous estimons imprudente la volonté de vendre nos réacteurs CANDU — une autre politique de prospérité — aux gouvernements indien, pakistanais, chinois et coréen. En tant qu'ex-membre du Conseil de sécurité de l'ONU — conseil fort mal nommé d'ailleurs, puisque formé à la base des cinq plus grands exportateurs d'armement au monde —, le Canada devrait s'inspirer du rapport du secrétaire général de l'ONU, M. Kofi Annan, intitulé « La responsabilité de protéger », publié en 2001.

    Rappelons que lorsque l'honorable Lloyd Axworthy était en fonction, il voulait faire adopter un plan portant sur la sécurité et le bien-être des personnes, comme la prévention des conflits, la consolidation de la paix et le respect des droits de la personne et des libertés fondamentales.

    Le Canada devrait en outre appuyer davantage les efforts de paix de l'UNESCO. Nous sommes très fiers, d'ailleurs, du travail accompli par M. Pierre Curzi, président de l'Union des artistes, qui a bâti un vaste front commun en faveur de l'exception culturelle face aux prospères lois américaines de marché.

    Enfin, il va de soi que pour nous, les meilleurs alliés de la diplomatie canadienne au service de la paix, que ce soit aux États-Unis ou en Russie, au Nord comme au Sud, se sont les artistes du Cirque du soleil, de l'Orchestre symphonique de Montréal, du Théâtre du Nouveau-Monde, nos peintres et sculpteurs qui exposent dans les musées du monde entier, nos écrivains, conteurs, chanteurs qui exportent nos valeurs démocratiques, nos cinéastes récompensés par les festivals internationaux, nos artistes autochtones et les médecins, les juristes, les reporters et les clowns sans frontière.

+-

    M. Pierre Jasmin: Notre cri du coeur contre l'inclusion de la prospérité, comme si elle était une valeur à défendre, s'accompagne d'un appel pour que le ministère des Affaires étrangères se fasse plutôt champion d'un développement durable et équitable. Nous l'invitons aussi à appliquer sa politique très ferme contre tout racisme et contre tout sexisme, à appuyer plus étroitement le formidable travail effectué par les ONG canadiennes et à maintenir un cadre souple mais régulier de consultations avec elles — auxquelles nous aimerions bien être invités d'ailleurs —, afin de mieux saisir les défis posés par la mondialisation et la nouvelle alter-mondialisation.

    En conclusion, nous avons trouvé que le discours annonçant la nouvelle politique extérieure de notre pays reflétait la confusion et l'improvisation du gouvernement ces derniers mois. Nous l'incitons plutôt à revenir à une diplomatie non mercantile et aux missions de paix sans équivoque militaire qui ont façonné la réputation du Canada, hélas compromise par les dérapages des derniers mois, incluant le scandale honteux de corruption des commandites.

    Croyez-en les Artistes pour la Paix qui voyagent de par le monde dans l'exercice de leur art et qui ont des oreilles privilégiées pour vous avertir des premiers signaux de ce changement néfaste de l'opinion internationale. Ce renversement de l'opinion mondiale n'est pas irréversible et il n'est pas trop tard pour agir avec courage.

    En dernier lieu, nous voulions seulement vous signaler que nous sommes membres de l'Alliance canadienne pour la paix, dont les représentants qui nous ont précédés vous ont présenté un rapport auquel nous avons évidemment contribué.

¸  +-(1430)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, madame Ferland, monsieur Jasmin.

    Avant de passer à notre deuxième groupe d'invités, je voudrais simplement vous informer que le comité a adopté récemment un rapport concernant les droits de la personnes et les compagnies minières qui oeuvrent à l'étranger. La réponse du gouvernement est peut-être insatisfaisante pour le comité, mais nous avons fait notre travail.

    Ensuite, vous avez mentionné le rapport intitulé « The Responsibility to Protect (“R2P”) », en français, « La responsabilité de protéger », de M. Koffi Annan. Ce rapport a été rédigé à sa demande, à la suite de la guerre au Kosovo, pour savoir quand nous devions intervenir et si nous devions intervenir ou non. Le Canada en est le responsable. Tout cela pour vous dire qu'on y adhère et que cela a été accepté à la dernière réunion qui a eu lieu aux Nations Unies, et ce, grâce à la volonté du Canada d'aller de l'avant.

    Je vais maintenant donner la parole à Mme Hénault, qui va vous expliquer ce qu'est le Mile-End . Par la suite, vous entendrez Mme Humphrey.

+-

    Mme Dorothy Hénault (Voisins et voisines du Mile-End pour la paix): Le Mile-End est un petit coin du Plateau Mont-Royal.

    Nous vous remercions de nous offrir la possibilité de présenter nos préoccupations au comité parlementaire. Nous sommes un groupe de 50 voisins et voisines, des Québécois ordinaires, qui s'intéressent au rôle que joue le Canada dans la recherche de la paix dans le monde. Nous avons commencé à militer dans le mouvement pour empêcher la guerre en Irak qui a fait sortir 250 000 personnes dans les rues de Montréal. Nous sommes restés préoccupés par la situation.

[Traduction]

    Nous avons présenté à nos députés une pétition recueillie dans la région, qui demande au Canada de ne pas adhérer au système américain de défense antimissile. Nous sommes heureux que le Canada ne s'est pas engagé officiellement, mais nous vous demandons de ne pas inciter nos industries et nos forces armées à y collaborer aussi étroitement.

[Français]

    Nous nous opposons sérieusement à l'idée et au processus d'intégration profonde avec les États-Unis d'Amérique qui se traduirait par une profonde dépendance à sens unique par rapport aux États-Unis et par de profondes difficultés pour la population canadienne. Il suffit de voir l'attitude des États-Unis sur la question du bois d'oeuvre pour comprendre que notre « partenaire » n'a aucun respect ni pour nous ni pour sa parole donnée.

[Traduction]

    Plus notre économie s'intègre à celle des États-Unis, plus la situation se dégrade pour les Canadiens et plus le Canada devient la marionnette des États-Unis. La souveraineté du Canada lui est indispensable pour jouer un rôle de chef de file dans la création de solutions réalistes susceptibles de remplacer les politiques américaines erronées.

    Pourquoi faudrait-il s'intégrer à un pays dont les politiques militaires et économiques le mènent à la ruine? Pourquoi se joindre à un pays arrogant qui est en train de perdre le respect de la communauté internationale, qui pratique la torture en toute impunité, qui fait fi de toute éthique et de toute conscience et qui, à en juger par les événements de la Louisiane, est totalement incompétent?

[Français]

    Tout comme nous avons prédit avec une remarquable exactitude le caractère insensé et tragique de la guerre en Irak, nous prédisons que le Canada pourrait ne jamais se remettre des effets du Partenariat pour la sécurité et la prospérité dont votre gouvernement a déjà pris l'initiative à la demande pressante du Conseil canadien des chefs d'entreprise.

[Traduction]

    Nous considérons qu'il faudrait abroger l'ALENA, notamment à cause de son chapitre 11, qui limite les pouvoirs des autorités canadiennes, aussi bien fédérale, provinciales que municipales, de protéger l'environnement au bénéfice des citoyens de notre pays. Il incombe au gouvernement canadien de protéger les intérêts de ses citoyens, et non pas ceux des multinationales lorsque leurs intérêts se heurtent aux nôtres.

[Français]

    Nous prions le gouvernement de travailler 10 fois plus fort afin de trouver des marchés alternatifs en Asie et en Amérique latine pour réduire notre dépendance des Américains.

[Traduction]

    Quatre-vingt-quinze pour cent des actes de terrorisme sont le fait d'êtres humains qui résistent à l'occupation. De toute évidence, il y a davantage de terroristes aujourd'hui qu'avant que l'Irak ait été mis à feu et à sang. On ne peut combattre le terrorisme que par le respect et la justice économique et sociale, et toute politique qui stigmatise certaines populations au plan racial ou qui supprime les droits civils ne peut avoir pour effet que d'attiser le terrorisme.

    Nos pratiques de sécurité qui imitent celles des Américains, notamment les certificats de sécurité, sont dangereuses pour la vie de certains Canadiens. Plus nous nous lions à des politiques américaines, plus nous allons attirer les terroristes. Comment une démocratie peut-elle s'attendre à protéger ses libertés démocratiques en les abrogeant? Voilà une logique qui relève d'Alice au pays des merveilles.

¸  +-(1435)  

[Français]

    Si nous voulons améliorer notre sécurité, nous devons augmenter l'aide internationale à 0,7 p. 100 de notre PNB, non pas par une aide qui lie les pays aidés, mais par une aide réelle qui leur donne les moyens de gérer leurs propres affaires.

[Traduction]

    Il est évident que les politiques de rajustement structurel de la Banque mondiale et du FMI ont été des facteurs déterminants de la spirale descendante où se trouvent actuellement l'Afrique et de nombreux autres pays en développement. Le rajustement structurel impose de privatiser tous les services publics comme l'eau et les hôpitaux, et d'obliger les utilisateurs à payer pour l'enseignement et la santé. Comme ils n'ont pas d'argent, ils meurent dans la pauvreté et l'ignorance à cause des politiques des banques, que nous aurions la possibilité d'infléchir. Si Brian Mulroney a pu prendre l'initiative du mouvement d'embargo contre l'Afrique du Sud qui a finalement permis de vaincre l'apartheid, il est certain que le gouvernement actuel devrait avoir le courage de lancer la charge contre le rajustement structurel.

[Français]

    Nous nous opposons au fait que les troupes armées canadiennes soutiennent les activités américaines en Afghanistan. Nos troupes devraient être rapatriées ou envoyées dans d'autres pays en tant que forces de paix. Votre Énoncé de politique internationale implique qu'une force de paix n'est plus à la mode et que la nouvelle force militaire canadienne devrait être à l'image de celles des Américains. Que Dieu les aide.

[Traduction]

    Avez-vous comparé le rôle et l'attitude des troupes américaines à la Nouvelle-Orléans avec le style des troupes canadiennes de secours envoyées il y a quelques années à Winnipeg lorsque la région était inondée? Les soldats canadiens viennent en aide à la population; les soldats américains la terrorisent. Est-ce là ce que nous voulons?

[Français]

    Nous considérons que les guerres préventives, les invasions illégales et les armes empoisonnées, telles que l'uranium appauvri, sont absolument odieuses.

[Traduction]

    Il est honteux de voir les Canadiens suivre servilement les Américains et les Français pour destituer le président légalement élu d'Haïti et d'assister ensuite à une détérioration rapide de la situation, qui s'est transformée en désastre. Nous ne faisons qu'aggraver les choses et gaspiller l'argent du contribuable, qu'on aurait pu consacrer à une aide qui aurait permis aux citoyens d'Haïti de s'extraire de la pauvreté. Évidemment, la situation est complexe, mais le Canada devrait être en mesure de favoriser la négociation d'une paix réelle. Les soldats canadiens devraient être la force agissante de la démocratie.

    Nous avons été outrés d'apprendre que dans toute une série de dossiers, notamment la pauvreté, l'environnement, la santé, l'éducation, les droits de la personne, l'eau et la sécurité alimentaire, les délégations diplomatiques canadiennes sont désormais sous la coupe de fonctionnaires qui s'opposent à toute orientation susceptible d'entrer en conflit avec la libéralisation du commerce au profit du Canada. Nous voulons en particulier dénoncer un récent plan canadien qui vise à favoriser les visées d'énormes sociétés transnationales qui veulent imposer les semences biotechnologiques de type « Terminator », abandonnant ainsi à leur sort des millions de paysans dans le monde entier. Les efforts canadiens pour faire approuver ces semences par un comité des Nations Unies ont été qualifiés de démarche sournoise et sordide. La technologie des semences de type « Terminator » est considérée comme l'application agricole la plus immorale du génie génétique. Les diplomates canadiens peuvent certainement sauvegarder quelques restes de moralité; ils ne sont pas totalement vendus au plus haut soumissionnaire.

[Français]

    Stephen Lewis, envoyé spécial de l'ONU pour le VIH-sida, a dit que le Canada avait adopté plusieurs politiques très utiles, dont l'envoi en Afrique de médicaments génériques à faible coût pour le traitement du sida, et nous vous félicitons pour ce geste. Voilà la vision que nous avons du Canada: un pays fort sur le plan moral qui n'hésite pas à apporter son soutien aux collectivités les moins nanties du monde.

[Traduction]

    Dans sa présentation de l'énoncé de la politique internationale du Canada, le premier ministre Martin a déclaré :

Dans un monde où se côtoient les géants traditionnels et les nouveaux géants, des pays indépendants comme le Canada — des pays à population faible — risquent d'être balayés, de voir leur influence s'amoindrir et d'être atteints dans leur capacité de concurrencer.

    Le Canada a toujours vécu dans un monde de géants; or, depuis Lester B. Pearson, nous avons pu exercer une influence remarquable, parce que nous avions le sens de nos propres intérêts, mais aussi grâce à notre sens des intérêts de la justice internationale et à notre souci de chercher les solutions qui ne font que des gagnants.

¸  +-(1440)  

[Français]

    Il existe dans le monde des valeurs nobles qui ne s'achètent pas et qu'on ne devrait jamais compromettre pour de l'argent. Le monde a immensément besoin d'un leadership actif en ce domaine pour faire échec à la cupidité, au cynisme et au désespoir. Il s'agirait là d'un grand rôle pour le Canada dans le monde.

+-

    Le président: Merci beaucoup, madame Hénault.

    J'ai deux commentaires à formuler. D'abord, le comité a étudié la question du 0,7 p. 100 et a fait des recommandations unanimes au gouvernement. Ensuite, nous avons aussi étudié le chapitre 11 de l'ALENA et produit un rapport à ce sujet. M. Paquette était un des membres du comité à ce moment-là. Ces deux rapports se trouvent sur le site Internet du comité.

    Nous avons étudié ces questions et nous sommes d'accord avec vous en très grande partie.

[Traduction]

    Monsieur Sorenson, êtes-vous prêt?

+-

    M. Kevin Sorenson (Crowfoot, PCC): Tout à fait.

+-

    Le président: À vous de poser la première question.

+-

    M. Kevin Sorenson: Je comptais sur la présence de Mme Humphrey, mais vous êtes tous les deux ensemble. Parfait.

    Je vous remercie de votre présence et de la façon dont vous défendez votre perspective du rôle du Canada dans le monde. J'ai quelques questions à vous poser, mais en cette journée bien particulière, j'éviterais de tomber dans les arguments de pure rhétorique.

    Avez-vous des propositions concrètes concernant la façon dont le Canada peut intervenir de manière décisive pour prévenir les abominations qui se produisent dans le monde entier, comme au Rwanda, au Soudan, au Kosovo et au Darfour?

    Voilà ma première question, et j'aimerais en poser une supplémentaire, monsieur le président.

[Français]

+-

    Le président: Monsieur Jasmin.

+-

    M. Pierre Jasmin: J'ai vu récemment — je ne sais si cela vous a échappé — un film intitulé Le Cauchemar de Darwin,

[Traduction]

Le cauchemar de Darwin, qui a été présenté dans notre cinéma Ex-Centris. Il explique de façon horrible le rapport entre les exportations d'armes provenant d'Europe et d'Amérique et ce qui se passe au Rwanda et dans tous les pays qui entourent le Congo,

[Français]

la région des Grands Lacs. En plus, on y reliait le tout à une catastrophe écologique qui avait lieu au lac Victoria,

[Traduction]

où les Européens ont importé d'énormes poissons originaires d'Europe, qui ont fait disparaître tous les petits poissons africains essentiels à la préservation du lac, car ils se nourrissent de petits organismes. Cette politique a entraîné la mort du lac.

    Les avions qui ont emporté ces gros poissons — à l'exportation, ce qui est censé aider le pays — reviennent de Russie après avoir livré le poisson destiné aux meilleures tables d'Europe, et ils sont remplis d'armes qui sont vendues sur le marché noir et qui sont destinées à empoisonner la situation dans la région. Ces trafiquants créent la situation de chaos que nous voulons éviter, comme vous. Cette situation est créée par des pays qui sont également complices de nos industries d'armement.

    C'est pourquoi il est essentiel de faire preuve de la plus grande prudence en matière d'exportation d'armes. C'est très bien d'aider ces pays, mais l'aide ne contrebalance pas le tort qu'on leur fait en ne dénonçant pas les exportations d'armes de la Russie sous prétexte que nous tenons à ménager les relations diplomatiques au niveau international.

    Voilà un sujet très important. Nous supposons que si vous êtes membres de ce comité, c'est parce que vous vous intéressez à la question, et non pas parce que le chef de votre parti vous y a affecté. Chaque fois que le Canada veut augmenter le budget militaire de plusieurs milliards de dollars, vous devriez vous lever pour dire : « Il y a en ce moment même un enfant africain qui meurt de faim. C'est inadmissible. Nous ne pouvons tolérer que notre gouvernement consacre un sou de plus aux armements avant d'avoir atteint cet objectif de 0,7 %, qui ne représente que la décence minimale demandée par les Nations Unies. »

¸  +-(1445)  

+-

    M. Kevin Sorenson: C'est très bien au plan des idées...

+-

    M. Pierre Jasmin: Non, c'est tout à fait concret : il s'agit des exportations d'armes.

+-

    M. Kevin Sorenson: C'est exact, mais je veux dire que nous sommes en présence de génocides qui se produisent actuellement. Vous dites qu'il faut débarrasser le monde des armements et que ces choses cesseront. C'est très bien, mais dans l'immédiat, je m'occupe d'une famille qui a fait venir des enfants du Congo au Canada. Ces six enfants sont ici parce que leur maman et leur papa ont été massacrés à la machette.

    Nous avons toujours connu des situations de ce genre. Je reconnais avec vous que les armes modernes font beaucoup plus de dégâts qu'un assassin équipé d'une machette mais j'aimerais savoir comment on peut résoudre des problèmes comme celui du Soudan compte tenu de la situation dans laquelle se trouve actuellement le Canada. Il n'est plus question de s'opposer à l'arrivée des armes russes, elles sont déjà sur place.

    Comment faire changer les choses? Il y a des gens qui sont en train de mourir actuellement.

+-

    M. Pierre Jasmin: Je sais. Encore une fois, il s'agit de faire preuve de la plus grande prudence.

    Au Rwanda, par exemple, au cours des trois années qui ont précédé le massacre, le ministère rwandais de la Défense a fait augmenter son budget dans des proportions énormes. Ensuite, des avions ont été abattus. Nous ne savons pas si c'est le fait des intérêts belges, français ou américains, mais c'est la destruction des avions à bord desquels se trouvaient les présidents du Rwanda et du Burundi qui a déclenché ce massacre. Si l'on se contente de parler de massacres à la machette sans reconnaître que le tout a été planifié par des marchands internationaux d'armement, on ignore l'origine même des événements.

+-

    M. Kevin Sorenson: Peut-être, mais il y a eu en certains endroits ce qu'on appelle du « nettoyage ethnique », c'est-à-dire que certains groupes ethniques sont venus tuer des gens simplement parce qu'ils étaient d'origine ethnique différente. Les massacres ne sont pas tous dus au fait que quelqu'un veut vendre des armes; certains sont jugés coupables du seul fait de leur ethnicité.

+-

    M. Pierre Jasmin: Je pense qu'il faut aussi remonter à l'origine politique de ces événements. Lorsque Lumumba a été assassiné au Congo il y a 30 ans, il en a résulté un soulèvement de grande ampleur. À Haïti, ce fut la même chose. Ces phénomènes ne sont pas causés par certains individus enclins à la haine interraciale; les économies de tous ces pays ont été désorganisées par des puissances qui voulaient les dominer et en tirer des profits.

+-

    M. Kevin Sorenson: Mais les gens sont motivés par l'amertume et la haine.

+-

    Mme Dorothy Hénault: Évidemment, dans certains pays d'Afrique, les frontières ont été tracées non pas par les Africains, mais par les pays colonisateurs, qui ont placé plusieurs groupes ethniques différents dans chaque pays. Si les Africains avaient tracé eux-mêmes leurs frontières, ils les auraient peut-être tracées différemment. Il se sont entendus entre eux pendant des siècles, jusqu'à ce que les anciennes puissances coloniales, qui ont officiellement cessé de l'être, interviennent pour s'emparer des mines. Pensons simplement à Shell au Nigeria et au peuple Ogoni. La compagnie pétrolière a dressé ce peuple contre ceux qui occupaient le territoire et contre le gouvernement, créant ainsi une confrontation ethnique qui n'existait pas auparavant. Voilà comment les anciennes puissances coloniales ont agi, que ce soit sur l'ordre de leur gouvernement ou par l'intermédiaire de sociétés transnationales belges, françaises ou américaines, qui continuent sans doute à agir de même aujourd'hui. Elles tirent les ficelles pour créer le chaos de façon à prendre possession des gisements de pétrole et des ressources minières.

¸  +-(1450)  

+-

    M. Kevin Sorenson: Très bien. Est-ce que les Canadiens...

+-

    Mme Dorothy Hénault: Je ne pense pas, par exemple, que la compagnie pétrolière canadienne qui était présente au Soudan...

+-

    M. Kevin Sorenson: Talisman.

+-

    Mme Dorothy Hénault: Talisman y a été présente pendant des années. Personne n'a rien vu, alors qu'on s'affairait à massacrer dans le sud du pays.

+-

    M. Kevin Sorenson: Vous parlez de talisman?

+-

    Mme Dorothy Hénault: Non. Talisman payait le gouvernement pour qu'il se charge lui-même des massacres.

+-

    M. Kevin Sorenson: Bien. Mais faudrait-il interdire aux sociétés canadiennes de s'établir dans d'autres pays?

+-

    Mme Dorothy Hénault: Je pense qu'il faudrait les réglementer.

+-

    M. Pierre Jasmin: Les pays dictatoriaux devraient leur être interdits.

+-

    M. Kevin Sorenson: Il faudrait leur interdire tous les pays dictatoriaux?

+-

    Mme Dorothy Hénault: Il faudrait les réglementer.

[Français]

+-

    Mme Carmen Ferland: Il ne faut surtout pas tirer avantage des conflits d'ethnies. C'est un problème au sein de ce peuple, et il faut comprendre où se trouve la source de ce problème plutôt que d'en tirer avantage, profiter du fait qu'il y a deux clans pour pouvoir fournir des armements à l'un d'eux, dans le but de défendre nos propres intérêts. Il faut voir quels sont nos intérêts dans cela. Il s'agit d'intervenir pour essayer de résoudre le conflit.

    Nous avons des ONG, et il faut faire confiance aux organismes dont on...

[Traduction]

+-

    M. Kevin Sorenson: Qui devrait le faire? Le gouvernement canadien?

[Français]

+-

    Mme Carmen Ferland: Nous nous sommes dotés d'organismes qui sont sur le terrain. Je me souviens que les ONG avaient donné l'alerte presque une année et demie avant que le drame n'éclate au Rwanda. Elles étaient au courant parce qu'elles étaient sur le terrain et qu'elles sentaient l'animosité grandir. On a quand même pris une année et demie pour intervenir.

    J'écoutais ce matin l'intervention de M. Normand Beaudet du Centre de ressources sur la non-violence. C'est ce genre de ressources que nous devons fournir, en tant que pays occidental et en tant que pays voulant apporter une aide humanitaire. Nous devons porter secours à ces gens et leur fournir des ressources. Il faut des travailleurs sur le terrain qui vont les aider à comprendre ce qui se passe.

+-

    Le président: Madame Humphrey.

[Traduction]

+-

    Mme Sarah Humphrey (à titre personnel): Je pense que c'est aux Nations Unies de donner la réponse.

+-

    M. Kevin Sorenson: Merci.

+-

    Mme Sarah Humphrey: Ce que nous disons, c'est aussi ce qu'ont dit 250 000 personnes dans les rues de Montréal par moins 40. Nous n'avons pas à suivre les États-Unis qui décident unilatéralement de renverser un régime ou d'invoquer n'importe quel prétexte pour envahir un pays. Voilà ce que nous dénonçons : les États-Unis ont abandonné les Nations Unies. Ils n'y croient plus. Ils méprisent l'institution. Le Canada a un rôle de premier plan à jouer pour renforcer l'autorité des Nations Unies.

    On apprécie d'autant mieux la décision canadienne de ne pas participer avec les États-Unis à l'invasion de l'Irak lorsqu'on pense à ce que serait la situation actuelle dans l'éventualité d'une décision contraire. Où en serions-nous si les soldats canadiens étaient en Irak actuellement? Et cela aurait parfaitement pu se produire.

+-

    Le président: Rapidement, s'il vous plaît.

+-

    M. Kevin Sorenson: Je vous remercie. J'entends constamment parler d'armement et de tout le reste, mais vous répondez très concrètement à ma question en invoquant les Nations Unies. L'ONU a un rôle à jouer.

    Voilà qui m'amène à une autre question. Que se passe-t-il lorsque les Nations Unies ne font rien? Comment faut-il réformer cette institution pour lui permettre d'agir dans le sens de la paix comme elle devrait le faire?

    On s'en prend ici et là aux États-Unis et aux Nations Unies. Les États-Unis sont le plus gros bailleur de fonds de l'ONU. Le financement de l'organisme provient à raison de 23 p. 100 des États-Unis et de 19 p. 100 du Japon. Comme vous le dites à juste titre, ces deux pays sont mécontents des Nations Unies, à tel point qu'un sénateur américain — nous étions à Washington il y a trois semaines — voudrait que les Américains retirent leur contribution aux Nations Unies à moins que l'organisme ne se plie à certaines exigences américaines.

    Je cherche à savoir si le Canada a un rôle à jouer à cet égard. S'il n'en a pas, s'il faut attendre que les Nations Unies... Nous avons tous un rôle à jouer, dans la mesure où nous exerçons notre influence dans différents pays, mais par ailleurs, nous comptons énormément sur l'ONU, alors que tout le monde reconnaît qu'il faut la réformer, qu'elle a perdu de sa crédibilité et de son influence, même si tout le monde dénonce l'attitude des États-Unis envers les Nations Unies, alors que les Américains en sont le principal bailleur de fonds; voilà un problème de taille, parce que ce sont eux qu'on accuse principalement.

    Vous soulevez, madame... C'est là une question différente, qui sera abordée plus tard.

¸  +-(1455)  

[Français]

+-

    Le président: Je voulais simplement préciser que personne n'avait répondu à la première question de M. Sorenson. Que fait-on maintenant? Vous nous avez parlé du Rwanda, soit. Or, ce que le Canada a fait depuis le Rwanda et le Kosovo constitue également une question très importante. Dans le cas du Kosovo, les Nations Unies ne voulaient pas intervenir. L'Union européenne, pour sa part, ne pouvait pas le faire. On a alors demandé aux États-Unis d'intervenir. On a demandé une coalition, non pas au sujet de la guerre en Irak, puisque nous nous y opposions, mais pour qu'il y ait une intervention de la part de l'OTAN.

    Le Canada a répondu à la demande de Kofi Annan concernant la responsabilité de protéger. Ce principe a été accepté lors du dernier sommet réunissant les chefs d'État aux Nations Unies. Pour nous, parlementaires, il s'agit d'un changement très important. Accepter la responsabilité de protéger plutôt que de considérer comme immuable et intouchable la souveraineté des États est à notre avis un grand pas en avant. Nous voulons savoir ce qui peut être fait dans un État comme le Soudan.

    Je suis allé au Soudan et au Darfour avec le premier ministre, où nous avons rencontré le président. Que fait-on? Doit-on intervenir ou non? Au Darfour, on assiste à un génocide indirect. Que doit-on faire, comme parlementaires? Que doit-on suggérer à nos gouvernements? On ne veut pas que la situation du Rwanda se répète. Ce matin, on nous a parlé de ce qui se passe au Burundi et du fait que d'ici cinq ans, la situation risque d'être pareille à celle du Rwanda. Que faut-il faire en matière de prévention? C'est une question qui nous importe particulièrement.

    Je vais céder la parole à M. Paquette.

+-

    M. Pierre Paquette (Joliette, BQ): Il est intéressant d'aborder ce sujet.

    Je vais vous poser une question. Vous avez parlé, madame Humphrey, de l'importance de l'ONU et du multilatéralisme. Je partage cette préoccupation. D'autre part, les pays qui siègent au Conseil de sécurité — la France, la Grande-Bretagne, etc. — ont des intérêts et sont de grands exportateurs d'armes. On a été chanceux, parce que le Conseil de sécurité n'a pas donné son aval à l'opération américaine en Irak. S'il l'avait fait, pour des raisons qui tiennent aux intérêts de ces pays, on aurait été drôlement embêté. C'est pourquoi la réforme de l'ONU nous semble importante.

    Si le Conseil de sécurité avait donné son aval à l'opération américaine en Irak sur la base de l'existence d'armes de destruction massive — qu'on n'a toujours pas trouvées d'ailleurs: c'est la preuve qu'elles sont bien cachées —, le Canada aurait-il été légitimé de participer à cette intervention, selon vous? Je vous pose la question, parce que ce sont des choses auxquelles le Bloc québécois a été confronté, comme vous le savez.

    Je crois que tous les partis en ont beaucoup discuté. Au plan du discours public, nous étions contre l'intervention en Irak, mais heureusement, le Conseil de sécurité, grâce à la présence de la Russie et de la Chine, n'a pas donné son aval. Ce n'était pas une opération cautionnée par l'ONU. Si elle l'avait été, on aurait été drôlement embêté.

+-

    Mme Dorothy Hénault: Quand on parle de réforme de l'ONU, il y a deux courants très différents. D'un côté, il y a ceux qui aimeraient qu'on donne moins de voix aux grandes puissances et plus de poids aux pays moyens et autres. L'importance de l'ONU se situe beaucoup plus au Conseil de sécurité qu'à l'Assemblée générale de l'ONU. Certains aimeraient que les Américains aient davantage de poids. Ils veulent la réformer parce qu'elle ne leur obéit pas au doigt et à l'oeil. Il y a deux positions très différentes, et le Canada doit décider quel type de réforme il souhaite. Je me souviens que les États-Unis, pendant des années, refusaient de payer ce qu'ils devaient à l'ONU parce que celle-ci ne dansait pas assez rapidement sur leur musique. Le Canada doit décider quel genre d'ONU il veut et mobiliser sa diplomatie pour qu'il ne soit pas possible que le Conseil de sécurité puisse rendre légale une guerre immorale et illégale. Tel est le défi. Comment faire une ONU qui ne risque pas de tomber dans les poches des grandes puissances afin de servir leurs besoins et bâtir leur empire?

¹  +-(1500)  

+-

    M. Pierre Jasmin: On aurait davantage confiance en une ONU qui comprendrait l'Inde, le Brésil et l'Afrique du Sud, ou le Nigéria, puisqu'ils ne se sont pas entendus en Afrique à ce sujet.

+-

    M. Pierre Paquette: J'aimerais aussi revenir à vos frustrations, qui sont aussi les nôtres. Il y a une consultation sur l'Énoncé de la politique internationale du Canada. Nous avons soulevé le fait que le rôle des parlementaires et de la société civile était peu développé. Je crois qu'il n'en est fait mention qu'une fois, au début. Pourtant, lors de son allocution de lancement, M. Pettigrew a dit, et je cite:

Dans un univers mondialisé, nombre des forces les plus puissantes ne sont pas du tout exercées par des pays, mais par des tendances non étatiques qui se manifestent horizontalement par-delà les frontières nationales et verticalement à l'intérieur des structures de nos sociétés.

    On peut alors penser au mouvement altermondialiste et au mouvement pour le désarmement nucléaire ou le désarmement en général.

C'est pourquoi la deuxième considération importante de l'EPI, c'est que les enjeux mondiaux transversaux qui importent de plus en plus pour la vie quotidienne des Canadiens doivent devenir centraux dans notre politique internationale.

    M. Pettigrew nous dit que l'Énoncé de la politique internationale du Canada devrait se fonder sur le fait que les préoccupations qui ont cours sur toute la planète et qui sont partagées par des Canadiens et des Québécois devraient être au centre de cet énoncé.

    J'ai l'impression que l'Énoncé de la politique internationale du Canada prend en compte les préoccupations que vous avez soulevées concernant le chapitre 11 de l'ALENA. Comme M. Patry l'a dit, le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international ainsi que le Sous-comité du commerce international, des différends commerciaux et des investissements internationaux ont, à plusieurs reprises, demandé au gouvernement canadien d'arrêter de négocier des accords de protection des investissements sur la base de ce chapitre 11. On sait que des négociations sont en cours avec quatre pays d'Amérique centrale: le Nicaragua, le Honduras, le Salvador et le Guatemala. Le Canada essaie d'imposer le contenu du chapitre 11, à l'encontre de l'avis des parlementaires et d'une bonne partie de la société civile. C'est la même chose en ce qui concerne l'approche relative aux intérêts commerciaux du Canada.

    Je pose la question à tout le monde. Avez-vous l'impression que l'Énoncé de la politique internationale du Canada tient compte des préoccupations des Québécois et des Canadiens? Comment s'assurer que la politique étrangère du Canada soit le reflet de leurs préoccupations? Quel genre de mécanisme devrait-on prévoir? On ne peut pas tenir une seule consultation tous les 10 ans comme c'est le cas aujourd'hui.

+-

    Mme Dorothy Hénault: Nous ne sommes pas une compagnie canadienne ou un chef d'entreprise.

+-

    M. Pierre Paquette: Oh, vous n'avez pas un accès privilégié au Bureau du premier ministre!

+-

    M. Pierre Jasmin: D'après nous, la fin du discours de M. Pettigrew est de la prose [Note de la rédaction: difficultés techniques]. Le problème est que l'influence de la société civile est nulle. Avoir réuni en un même ministère le commerce international et les affaires étrangères constitue un grand problème. C'était une erreur dès le départ. À partir de cela, tout est prostitué.

+-

    M. Pierre Paquette: Je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous.

+-

    Le président: Nous aurons une bonne discussion sur ce sujet lors d'une autre étape.

+-

    M. Pierre Paquette: Vous savez que le gouvernement essaie présentement de séparer les deux ministères.

+-

    M. Pierre Jasmin: Je l'espère.

+-

    M. Pierre Paquette: Si l'on divise le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, nous craignons que la politique du commerce international soit complètement détachée de notre politique des affaires étrangères. Nous souhaiterions que la priorité soit accordée à l'approche des affaires étrangères et que la politique commerciale ne soit finalement qu'un instrument au service de la politique des affaires étrangères.

    Je respecte votre point de vue, mais nous avons débattu de cela au cours des derniers mois.

    Madame Hénault, quel genre de mécanisme pourrait-on imaginer pour faire en sorte que le gouvernement soit davantage à l'écoute de vos préoccupations? Ni vous ni moi ne sentons que nous pesons lourd dans la balance.

¹  +-(1505)  

+-

    Mme Dorothy Hénault: J'ai l'impression qu'on ne lit pas les mêmes choses. C'est comme si les gens au pouvoir, de façon générale, vivaient sur une autre planète. Que ce soit sur les événements qui se passent aux États-Unis ou en Irak, une de mes sources d'information est le Centre canadien de politiques alternatives. Il fournit des informations et effectue des recherches très intéressantes. Or, j'ai l'impression que personne au gouvernement n'explore ce côté de la médaille. Les gens du gouvernement consultent tout ce qui sort du Fraser Institute, mais rien d'autre. En matière de justice sociale, ou d'autres sujets qui peuvent nous être bénéfiques autant qu'aux autres, on semble être dans la lune. J'aimerais qu'ils aient plus de sources d'information. Je soupçonne les fonctionnaires de s'informer de façon très restreinte.

    Je connais Ottawa depuis les années 1970. J'ai pris part au programme Société nouvelle/Challenge for Change de l'Office national du film du Canada. À titre de cinéaste, j'étais membre du comité interministériel. À cette époque, les fonctionnaires avaient l'intention réelle d'améliorer le monde. C'était une époque d'espoir. Ils voulaient essayer des choses et ils avaient l'impression qu'il valait la peine d'écouter les citoyens. C'est ce que faisait notre programme Société nouvelle/Challenge for Change.

    J'ai l'impression qu'au cours des années, les fonctionnaires ont été bouffés par le Fraser Institute. Or, il est primordial d'avoir des sources d'information plus variées et ne pas se limiter à ce qui provient de sa petite clique. Nous lisons aussi les sections des journaux touchant l'économie, en plus du CCPA Monitor.

+-

    M. Pierre Paquette: Il est certain que les actions posées, soit par les Artistes pour la Paix, soit par vos groupes, sont importantes et qu'il faut les multiplier. Je me rappelle très bien des manifestations contre la guerre en Irak qui ont eu lieu à Montréal, dans d'autres villes du Canada et un peu partout dans le monde. Elles ont sûrement eu une influence sur la décision du gouvernement de ne pas y participer. Les cartes postales, comme les Artistes pour la Paix en ont envoyé, ont souvent beaucoup plus d'impact qu'on ne le pense. Il serait bon de réfléchir à la possibilité d'avoir des lieux d'échange plus formels, parce qu'il est plus difficile pour vos groupes que pour d'autres d'avoir accès à l'oreille du ministre des Affaires étrangères.

    Auriez-vous des suggestions à nous faire en ce sens? Nous allons sûrement proposer de renforcer le rôle de notre comité. Je ne sais pas encore comment faire exactement, mais il faudra s'assurer que notre contribution soit plus formelle. Si vous avez des idées, ne vous gênez pas pour nous les faire connaître. Nous allons faire des recommandations afin de nous assurer que l'Énoncé de la politique internationale soit enrichi par les éléments qui ont été suggérés, par exemple le 0,07 et d'autres choses. Je lance donc un appel, car je voudrais être sûr de recevoir les textes.

+-

    Le président: Nous allons passer à Mme Phinney, mais j'aimerais auparavant m'adresser à M. Jasmin. Bien que je n'aie pas de commentaire à formuler là-dessus, vous avez parlé des Nations Unies. Vous avez dit que vous aimeriez que le Conseil de sécurité soit élargi. Vous auriez davantage confiance en lui si on y trouvait aussi, par exemple, l'Inde, le Nigéria ou le Brésil.

    Pourriez-vous développer votre pensée à cet égard?

    En ce qui a trait à la scission du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international en deux entités distinctes, le Parlement a rejeté cette option, tout comme notre comité d'ailleurs. Nous trouvons que cela risquerait d'entraîner une politique de silos. En d'autres mots, la main droite ne saurait pas ce que fait la main gauche, alors qu'il serait très important, selon nous, de le savoir. Cette scission n'a pas été acceptée par le Parlement, mais, de fait, elle est en vigueur.

    Le nerf de la guerre est toujours, bien évidemment, l'argent. Le commerce international va siphonner beaucoup plus d'argent que les affaires étrangères. De plus, il y a aussi la question du rôle des ambassadeurs. Nous sommes également préoccupés par le fait qu'à la suite d'un décret, la vente des petites armes est simplement considérée comme une vente, alors qu'auparavant, elle était conditionnelle à l'approbation du ministère des Affaires étrangères. On considère que le commerce international doit entraîner la création d'emplois et permettre des ventes à d'autres pays, mais s'il n'y avait pas de lien avec le ministère des Affaires étrangères, cela nous priverait du volet humanitaire.

    C'est pourquoi j'aimerais connaître votre réaction. Vous avez formulé des critiques à notre égard et soulevé de bons points, ce qui est le but du dialogue d'aujourd'hui, mais nous aimerions connaître votre opinion sur la réforme plus des Nations Unies plus en profondeur.

    Je vais maintenant passer la parole à Mme Phinney.

¹  +-(1510)  

[Traduction]

+-

    Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.): Voulez-vous que je vous dise comment il faut réformer les Nations Unies?

+-

    Le président: Non.

+-

    Mme Beth Phinney: J'ai été moi-même surprise lorsque M. Sorenson a dit qu'il faudrait intervenir dans ces pays de façon préventive et prendre des mesures à l'avance lorsqu'ils sont en danger. Nous avons l'ACDI. Si la moitié du budget des armements était versé à l'ACDI, ne serions-nous pas en mesure de régler le problème? Je ne pense pas que M. Sorenson soit d'accord pour qu'on donne la moitié du budget des armements à l'ACDI, mais j'estime qu'on peut se servir de cet organisme. Nous avons des ONG dans l'ensemble du pays. Nous avons des quantités de gens très brillants qui peuvent se rendre sur place et s'efforcer de résoudre le problème.

    Je ne sais pas pourquoi certains s'acharnent depuis des années à rogner le budget de l'ACDI. Je pense qu'il faudrait renverser la tendance et donner beaucoup plus de ressources à l'agence. Je ne sais pas ce que vous en pensez.

+-

    M. Pierre Jasmin: Vous appartenez à un gouvernement qui a voté pour la plus grande augmentation des fonds de la défense à une période où cette défense s'exerce non pas contre d'autres pays mais contre des terroristes. Je ne crois pas que l'on peut combattre des terroristes munis de stylets à l'aide de sous-marins nucléaires ou d'hélicoptères comme le EH101. Il est absurde d'affecter des sommes pareilles à ce genre d'initiative.

[Français]

    Je comprends très bien, monsieur Patry

+-

    Le président: D'accord.

[Traduction]

+-

    M. Pierre Jasmin: Bien sûr, je comprends.

[Français]

qu'il est possible que la société civile puisse influencer le commerce international si les deux entités sont réunies plutôt que séparées. Je comprends votre souci. Le problème est que le commerce international gagne à tous les coups, à cause de cette espèce de pensée mercantile.

    C'est le point principal. J'ai dit que j'aimerais voir disparaître le mot « prospère », qui est partout dans tous les documents alors que ce n'était pas le cas auparavant.

    Personnellement, je suis revenu récemment dans ce pacifisme militant parce que je vois justement que notre pays tourne le dos aux solutions pacifiques, en donnant 13 milliards de dollars supplémentaires à la défense. Je suis revenu parce que c'est une catastrophe. Toute la diplomatie devient de plus en plus mercantile, alors qu'auparavant, les principes moraux étaient plus respectés. Cela me préoccupe grandement parce que je vois quand même qu'il y a eu de belles choses en diplomatie, comme la nomination de ces deux Canadiens, Louise Arbour et Philippe Kirsch, à des tribunaux internationaux.

    Donc, ce sont des points dont le ministère des Affaires étrangères devrait se glorifier. Il devrait aller de l'avant et demander plus de fonds pour continuer dans cette direction. Le problème est qu'il va dans la direction opposée. Ce que j'ai dit est caricatural, mais c'est la relation que j'ai eue avec M. Bill McKnight, ancien ministre de la Défense nationale. Il m'a dit carrément en 1989 qu'à cause de moi, l'Union soviétique envahirait le Canada. Il m'a dit en outre que le ministère de la Défense nationale faisait encore ce genre d'analyse politique parce qu'elle ne possédait pas les informations que possédait le Comité permanent des affaires étrangères. Par conséquent, le fossé qui existe entre la Défense Nationale et les Affaires extérieures crée des problèmes majeurs d'allocation de ressources de notre pays, puisque l'an dernier, à cause de M. Martin, 13 milliards de dollars de nos impôts supplémentaires sont allés à la Défense nationale.

    C'est une aberration terrible, puisqu'elle va créer encore plus de problèmes. Elle assujettit le ministère de la Défense nationale de plus en plus aux compagnies d'armement. Elle fera en sorte que le ministère de la Défense nationale interviendra en Afghanistan d'une façon plus armée et beaucoup moins diplomatique. C'est tout cela que nous voyons avec effroi.

    Je crois donc que le pays va dans la mauvaise direction. Si nous sommes venus ce matin, c'est que nous avons espoir que votre comité pourra essayer d'avoir une influence. Cependant, je crois qu'il faut que vous soyez beaucoup plus entendus à la Chambre des communes et que chaque fois que l'on dépense 13 milliards de dollars pour des armements, vous vous leviez pour dire qu'en cette minute précise, il y a un Africain qui meurt de faim et qu'on ne peut tolérer cela. Donc, c'est du concret.

¹  +-(1515)  

[Traduction]

+-

    Le président: Mme Phinney.

+-

    Mme Beth Phinney: Combien de membres compte votre organisation?

+-

    M. Pierre Jasmin: À l'heure actuelle, nous avons 250 membres, nous en avons toujours eu entre 200 et 1 200, donc cette année notre effectif est faible et c'est la raison pour laquelle nous sommes revenus. Nous sommes venus pour accorder plus de soutien à l'organisation.

+-

    Mme Beth Phinney: La raison pour laquelle je pose la question c'est qu'il y a des organisations qui ont comparu devant nous ces derniers jours qui comptent des millions de membres d'un bout à l'autre du Canada.

    La période importante est celle qui précède un budget ou un énoncé budgétaire, et celle qui précède des élections, pas après et pas même le jour des élections, en ce qui me concerne. Si chaque personne au Canada qui partage votre avis — et le mien aussi je crois — écrivait une lettre à titre individuel au premier ministre et une lettre au ministre des Finances et une autre au ministre des Affaires étrangères, vous contribueriez nettement à changer les choses.

+-

    M. Pierre Jasmin: Je vous remercie.

+-

    Mme Beth Phinney: Je suis très sérieuse. Cela permet de changer les choses. Ce n'est pas quelque chose d'extraordinaire et cela ne fera pas de moi... Cette petite lettre arrive par la poste, quelqu'un doit l'ouvrir et la mettre sur une pile. La pile devient de plus en plus haute et on se dit alors qu'il faudrait peut-être prévoir autre chose dans notre budget ou peut-être modifier nos politiques. Songez-y.

+-

    Mme Dorothy Hénault: Et il est plus difficile de se débarrasser de lettres que d'un courriel que vous pouvez supprimer.

+-

    Mme Beth Phinney: Oui, n'envoyez pas de courriel. Écrivez une lettre.

[Français]

+-

    Le président: Monsieur Jasmin, je suis un peu en accord sur ce que vous dites, mais pas complètement, en ce sens que pour chaque dollar dépensé en diplomatie ou en développement, que ce soit pour la démocratie ou pour les armements, on en dépense 4 $ pour la défense.

    Par contre, là où je suis en désaccord, c'est lorsque vous parlez de la somme de 13 milliards de dollars. Comme parlementaires, nous devions quand même voir à la sécurité de nos soldats. En fait, ils étaient très mal payés. Personnellement, comme être humain, je trouvais qu'il était très important de leur offrir de bonnes conditions de vie. On veut envoyer des soldats à l'extérieur en mission de paix. On ne parle pas de guerre, mais de mission de paix. Or, vous connaissez l'état des véhicules dont ils disposaient. Lorsqu'ils passaient sur une mine antipersonnel, tout sautait. Donc, il fallait assurer la sécurité de nos soldats.

    L'opposition a fait ses choux gras du fait qu'un hélicoptère se soit écrasé sur un bateau.

+-

    M. Pierre Jasmin: Les hélicoptères ne lèvent pas, et les sous-marins ne descendent pas!

+-

    Le président: En fait, je pense que certaines sommes d'argent devaient être dépensées.

    En ce qui a trait au montant de 13 milliards de dollars dont vous parlez, je suis d'accord avec vous, c'est probablement trop. Sauf qu'il y avait quand même un besoin d'augmenter immédiatement le budget militaire pour les missions internationales et pour la défense de notre pays. C'est une façon de l'énoncer.

+-

    M. Pierre Jasmin: Monsieur le président, on vous suit là-dessus. Évidemment, nous voulions faire des nuances...

+-

    Le président: Bien sûr. Ce sont des nuances, mais c'est très important pour moi.

+-

    M. Pierre Jasmin: Étant donné que nous ne sommes pas devant un comité de la défense, c'est peut-être pour cette raison que nous n'avons pas donné de détails. Cependant, nous convenons qu'il fallait augmenter la paye des soldats, particulièrement ceux qui sont en mission de paix, car c'est très dangereux pour eux. Nous sommes d'accord avec vous sur ce point.

+-

    Le président: Vous savez qu'on les envoie en mission deux ou trois fois. Donc, ils reviennent ici épuisés mentalement et physiquement.

+-

    M. Pierre Jasmin: En effet.

    Nous approuvons également l'augmentation des soins offerts aux anciens combattants qui ont souffert, pas seulement dans leur chair mais dans leur âme, donc tous les soins psychiatriques.

[Traduction]

On les a traités de façon effroyable.

[Français]

    Sur un total de 13 milliards de dollars, on parle d'un milliard de dollars, à peu près.

¹  +-(1520)  

+-

    Le président: Peut-être un peu plus.

+-

    M. Pierre Jasmin: Le problème est que cela ne s'accompagne pas de mesures. Nous sommes le pays où l'armée compte le plus grand nombre de généraux. Ces derniers sont payés environ 200 000 $ par année; ils ont une maison, ils voyagent quand ils veulent à bord des Challenger canadiens. Ils sont tellement nombreux qu'ils sont inefficaces. Ils ne se renseignent pas et ce sont eux qui devraient être présents au comité pour connaître les problèmes de sécurité internationaux existants. C'est écrit dans la lettre.

+-

    Le président: Je n'ai jamais siégé au Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants, alors je ne peux pas répliquer.

+-

    M. Pierre Paquette: Tout en partageant ce que vous venez de dire au sujet des 13 milliards de dollars, il y a effectivement des choses essentielles pour une armée en mission de paix, mais il y a également des choses inutiles, comme les sous-marins, auxquels je ne crois pas vraiment.

    Avez-vous déjà témoigné devant le Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants?

+-

    M. Pierre Jasmin: Bien sûr. J'ai eu une discussion au réseau CBC avec un général de l'armée canadienne lors de laquelle nous avions justement parlé des EH-101.

+-

    M. Pierre Paquette: Nous sentons qu'il n'y a pas d'approche en matière de défense. Alors, si on donne 13 milliards de dollars à la Défense nationale sans savoir ce qu'en fera l'armée...

+-

    M. Pierre Jasmin: Nous étions contre les EH-101, d'autant plus que l'armée venait d'acquérir des hélicoptères fabriqués à Mirabel qui étaient beaucoup plus légers et appropriés aux missions internationales de paix. Tout avait été dit.

    En 1992, on avait mentionné à Mme Campbell que le EH-101 servait à contenir des armements anti-sous-marins nucléaires. Ces hélicoptères devaient servir à lutter contre des sous-marins nucléaires russes. On lui avait prédit que ces derniers allaient pourrir à Vladivostoket à Odessa et que ce n'était pas ce dont l'armée avait besoin à ce moment-là. Malgré tout, Mme Kim Campbell était prête à aller de l'avant et à dépenser six milliards de dollars. On connaît la suite.

    Les Canadiens ont entendu les arguments des deux côtés. M. Chrétien nous avait écrit deux lettres nous mentionnant qu'il comprenait très bien notre critique et qu'il l'endossait parfaitement. C'était devenu un enjeu majeur.

    Le problème, actuellement, est qu'on ne peut plus créer un enjeu, car toute l'attention est tournée du côté des hommes d'affaires prospères, et le gouvernement canadien n'écoute plus les idéalistes.

+-

    Le président: Avant de conclure, j'aimerais simplement vous rappeler, ainsi qu'aux membres de votre organisme, que nous avons...

[Traduction]

    Oui, je vous laisserez poser une question après...

une consultation électronique. C'est assez important. C'est une question que nous avons posée aux Canadiens. La réponse peut simplement porter sur un domaine. C'est peut-être la diplomatie, la défense ou le développement. Ce serait une très bonne chose si vous y jetiez un coup d'oeil. Parlez-en à vos amis et à tous ceux qui souhaitent répondre dans le cadre de la consultation électronique. Et si vous avez des recommandations particulières à faire, n'hésitez pas à les envoyer au greffier ou à l'attaché de recherche.

    Monsieur Sorenson, vous avez la dernière question.

+-

    M. Kevin Sorenson: En passant, Mme Hénault a mentionné le certificat ministériel. Je me demandais si vous avez étudié un peu la loi antiterroriste que nous avons.

+-

    Mme Dorothy Hénault: Je n'en ai pas fait une étude approfondie, mais ce qui me fait frémir en partie c'est qu'il s'agit d'une imitation servile de l'approche américaine.

+-

    M. Kevin Sorenson: En fait, certaines des dispositions de notre loi antiterroriste vont plus loin que celles qui se trouvent dans la loi américaine.

    Vous avez mentionné en particulier les certificats ministériels...

+-

    Mme Dorothy Hénault: C'est exact.

+-

    M. Kevin Sorenson: ... qui permettent de détenir certaines personnes et d'entendre la preuve en secret de sorte qu'elles ne sont même pas au courant de la preuve présentée contre elles et qui nous permettent de les détenir indéfiniment sans que des accusations soient portées. C'est moins pire aux États-Unis.

+-

    Mme Beth Phinney: Il y a des personnes qui sont détenues là-bas et leurs avocats ne savent même pas pourquoi elles sont détenues.

+-

    Mme Dorothy Hénault: Il ne fait aucun doute dans mon esprit que ce n'est pas la façon de mettre fin au terrorisme. C'est une bonne façon de dresser les gens les uns contre les autres dans notre pays.

+-

    M. Kevin Sorenson: Êtes-vous opposés à l'existence d'une loi antiterroriste?

+-

    Mme Dorothy Hénault: Je ne m'oppose pas à ce que l'on arrête des personnes qui planifient et qui exécutent des activités terroristes, mais je ne suis pas sûre qu'une loi supplémentaire soit nécessaire, sauf les lois que nous avons et qui interdisent certains actes de violence. Il ne fait aucun doute dans mon esprit que la loi antiterroriste que nous avons va à l'encontre de toutes les valeurs de la société canadienne, en raison de l'injustice permanente qu'elle crée. Je ne vois pas comment on peut défendre la démocratie en la bafouant de cette façon-là. Les droits de la personne sont les droits de la personne.

¹  +-(1525)  

+-

    M. Kevin Sorenson: Je n'aime pas toujours dire à quels autres comités je siège, mais je suis vice-président du comité de la sécurité nationale, et nous sommes en train d'étudier le projet de loi C-36. C'est l'un des aspects les plus controversés de ce projet de loi, donc il est toujours intéressant d'entendre des commentaires à ce sujet.

    La plupart des personnes qui ont témoigné devant le comité considèrent que nous avons effectivement besoin d'une loi antiterroriste — non seulement les gens qui sont chargés de l'application de la loi, mais tout le monde qui considère cette loi importante pour prévenir l'acte — tandis que les dispositions du Code criminel portent plutôt sur l'acte criminel après le fait. Le Code criminel ne permet pas de procéder à l'écoute électronique et de prendre le genre de mesures qui permettent de prévenir le terrorisme. C'est donc la raison pour laquelle on considère qu'une loi antiterroriste est nécessaire, c'est-à-dire comme mesure préventive.

+-

    Mme Dorothy Hénault: Mais je ne suis pas sûre que cela permet de prévenir des actes terroristes parce que si vous ciblez une personne innocente, cela risque d'inciter cinq autres personnes rendues furieuses par une telle injustice à commettre des actes terroristes.

+-

    M. Kevin Sorenson: L'une des raisons pour laquelle nous détenons ces personnes, c'est que nous avons à l'heure actuelle une loi qui nous empêche d'extrader ou d'expulser des personnes vers un pays où elles risquent d'être torturées. Si ces personnes risquent la torture, nous devons les détenir et il nous est donc impossible de les déporter...

+-

    Mme Dorothy Hénault: Mais vous pouvez les faire comparaître devant un tribunal approprié au lieu de simplement les détenir.

+-

    M. Kevin Sorenson: Oui, il est possible de les faire comparaître devant...

+-

    Mme Dorothy Hénault: C'est l'habeas corpus. On est en train de supprimer le fondement même de notre démocratie, et je suppose que c'est à cause des pressions exercées par les États-Unis. Je pense que nous devons tout simplement dire que nous avons notre propre façon d'agir.

    En fait, ce que je veux dire, c'est qu'un grand nombre de renseignements qui sont échangés, la collusion entre nos services du renseignement et les services américains du renseignement se trouvent probablement à désinformer nos agents de renseignement. J'ai l'impression que la totalité des milieux du renseignement aux États-Unis vit dans un monde irréel ou dans un film hollywoodien.

+-

    M. Kevin Sorenson: Dans les faits, nous n'avons qu'environ cinq cas pour lesquels des certificats ministériels ont été délivrés au cours des 10 dernières années. Et il ne s'agit pas forcément de gens bien. Contrairement à ce que vous dites, il ne s'agit pas toujours de personnes innocentes dont l'arrestation en incite cinq autres à passer à l'acte. Il peut fort bien s'agir de personnes coupables qui planifiaient effectivement des activités terroristes.

+-

    Mme Dorothy Hénault: Mais on peut les faire comparaître devant les tribunaux.

+-

    M. Kevin Sorenson: On les fait comparaître devant...

+-

    Mme Dorothy Hénault: Nos services policiers ne sont pas toujours compétents. Songez au fiasco d'Air India.

    Ce serait vraiment bien d'avoir un corps policier compétent qui recueille les preuves établissant la culpabilité d'une personne et qui les présente devant les tribunaux afin que cette personne subisse les conséquences de son acte, déterminées par les tribunaux. Je n'ai aucune objection à ce genre de choses. Mais c'est partiellement en raison de l'incompétence de nos corps policiers que nous maintenons ces personnes dans ce genre de no man's land.

[Français]

+-

    M. Pierre Paquette: J'espère que vous ne comptez pas [Note de la rédaction: difficultés techniques] pour retourner à la maison.

[Traduction]

+-

    M. Kevin Sorenson: Nous ne finançons peut-être pas suffisamment nos corps policiers et nous ne leur accordons peut-être pas les ressources suffisantes.

+-

    Mme Dorothy Hénault: Je ne sais pas si c'est un problème de sous-financement ou de formation. Je ne suis pas sûre qu'il soit plus coûteux de leur assurer une formation adéquate que de former...

+-

    M. Kevin Sorenson: Saviez-vous que précisément à ce sujet, le Canada est considéré comme un pays qui a les meilleurs corps policiers au monde. En fait, que faisons-nous? Nous envoyons des policiers canadiens former des policiers en Haïti. Nous envoyons des policiers canadiens former certains policiers en Irak, afin qu'ils puissent...

+-

    M. Pierre Jasmin: En Jordanie.

+-

    M. Kevin Sorenson: Oui, et en Jordanie. Donc nous avons la réputation d'avoir les meilleurs corps policiers au monde, mais ce n'est peut-être pas encore suffisant.

+-

    Mme Dorothy Hénault: Cela dépend des corps policiers.

+-

    M. Pierre Jasmin: Mais ils sont en majeure partie responsables du fiasco de la loi sur les armes qui a coûté des milliards de dollars ici au Canada.

-

    Le président: Très bien, nous allons conclure, mais je tiens simplement à dire que le projet de loi C-36 présente beaucoup de difficulté pour les députés. Il a présenté beaucoup de difficulté lorsqu'il a fait l'objet d'un vote à la Chambre il y a quelques années, et le comité en est saisi à nouveau simplement en raison de la disposition de réexamen qui y est prévue. C'est la seule façon dont il a été accepté, du moins par de nombreux députés ministériels. Nous ne sommes pas sûrs s'il s'agit d'une bonne mesure législative ou non, mais pendant cinq ans nous l'avons acceptée et maintenant elle fait l'objet d'une discussion.

    M. Blair, en Angleterre, vient de retirer son projet de loi antiterroriste qui aurait porté de 30 jours à 90 jours la période de détention, et ils sont aux prises avec plus de problèmes que ceux que nous connaissons ici à l'heure actuelle. Ce projet de loi a été retiré en raison des nombreuses pressions exercées par les députés de son propre parti, et il fait maintenant l'objet de nouvelles consultations.

¹  -(1530)  

[Français]

    Je vous remercie d'être venus aujourd'hui. C'était très intéressant. Nous aimons rencontrer tous les groupes, entre autres les vôtres.

[Traduction]

    Nous allons interrompre la séance jusqu'à l'arrivée des prochains témoins.

[Français]

    Comme le témoin prévu pour cet après-midi ne s'est toujours pas présenté, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 19 heures.

    La séance est levée.