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FINA Rapport du Comité

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INTRODUCTION

En février 2005, le Sous-comité sur le déséquilibre fiscal du Comité permanent des finances de la Chambre des communes a lancé une série d’audiences pancanadiennes sur la question capitale du déséquilibre fiscal — vertical et horizontal — dans la fédération canadienne. Le Sous-comité est parti du postulat que les deux types de déséquilibre fiscal coexistent au Canada et qu’ils doivent tous deux être corrigés dans l’intérêt du contribuable. Il n’y a après tout qu’un seul contribuable, qui paie des impôts aux deux ordres de gouvernement dont il attend à juste titre en contrepartie des services publics de haute qualité.

Or, les contraintes budgétaires sont devenues telles que beaucoup de provinces et de territoires — sinon la plupart — ont de plus en plus de mal à offrir à la population les services de haute qualité qu’elle attend d’eux. Ces contraintes budgétaires concernent surtout les secteurs dans lesquels les coûts des services publics augmentent le plus rapidement, notamment celui de la santé, mais d’autres aussi, qui relèvent de la compétence exclusive des provinces et des territoires. À l’heure actuelle, les transferts du gouvernement fédéral aux provinces et aux territoires sont insuffisants pour permettre à ceux-ci de fournir ces services, et les provinces et les territoires ne peuvent pas relever leurs propres taux d’imposition pour diverses raisons. Bref, les provinces et territoires sont coincés : les coûts des services publics augmentent, mais ils ne peuvent pas hausser leurs taux d’imposition pour accroître leurs revenus.

Le Sous-comité estime urgent de revoir les arrangements financiers actuels entre le gouvernement fédéral et les provinces et les territoires et de prendre des mesures pour rééquilibrer la fédération. Il faut intervenir dès maintenant pour le bien des contribuables qui souhaitent et méritent des services publics de haute qualité de la part des deux ordres de gouvernement. Il faut intervenir pour le bien aussi des gouvernements : ceux-ci doivent être en mesure de financer les services publics dans leurs secteurs de compétence sans devoir imposer pour cela une charge fiscale excessive. Les mesures en question doivent corriger à la fois le déséquilibre fiscal vertical et le déséquilibre fiscal horizontal, et les arrangements fiscaux qui en résulteront doivent être adéquats, durables, équitables, efficients, transparents, imputables et compatibles avec les responsabilités constitutionnelles.

Le présent rapport résume les vues exprimées par les témoins que le Sous-comité a entendus dans tout le Canada. Ceux-ci ont parlé du déséquilibre fiscal, vertical et horizontal, débattu de son existence et de son ampleur, et proposé des solutions. Nous espérons que nos recommandations, inspirées de celles qui nous ont été soumises, entraîneront les changements nécessaires pour rééquilibrer la fédération pour le bien du contribuable unique.

IMPÔTS ET TRANSFERTS : QUOI ET COMBIEN?

A.        Type et valeur des prélèvements fiscaux

Le gouvernement fédéral et les provinces et les territoires se partagent plusieurs sources de revenus : impôt sur le revenu des particuliers, impôt sur les bénéfices des sociétés, taxes de vente et charges sociales. Chaque ordre de gouvernement jouit d’une totale autonomie au niveau de la politique fiscale dans ces secteurs. Les provinces et les territoires ont en outre l’exclusivité des redevances sur les ressources naturelles sur leur territoire, des taxes sur le jeu et les boissons alcooliques et des impôts fonciers (fiscalité municipale). Enfin, le gouvernement fédéral a l’exclusivité des droits de douane et des taxes qui frappent les non-résidents.

GRAPHIQUE 1 : Distribution des recettes fiscales tirées d’assiettes fiscales partagées entre les ordres de gouvernement, exercice financier 2003-2004 (%)

Nota : Les chiffres de l’impôt sur le revenu des particuliers ont été corrigés pour tenir compte de l’abattement fiscal du Québec.
Source : Statistique Canada et calculs de la Bibliothèque du Parlement.

On constate au graphique 1 que le gouvernement fédéral perçoit approximativement 66 p. 100 du total de l’impôt sur le revenu des particuliers, 71 p. 100 de l’impôt sur les bénéfices des sociétés, 50 p. 100 des taxes de vente générales et un peu moins de la moitié des taxes sur les boissons alcooliques et le tabac. Pour leur part, les administrations provinciales, territoriales et municipales engrangent environ 97 p. 100 des taxes d’amusement, 60 p. 100 des taxes sur l’essence et les carburants et 81 p. 100 des revenus tirés des autres assiettes fiscales partagées.

Le graphique ne fait pas état des recettes fiscales exclusives du gouvernement fédéral et des administrations provinciales, territoriales et municipales. Comme on l’a dit précédemment, il s’agit notamment des impôts qui frappent les non-résidents et des droits de douane pour le gouvernement fédéral, et des impôts fonciers, des prélèvements sur les ressources naturelles et des droits de permis pour les administrations provinciales, territoriales et locales.

Quand on étudie l’ensemble des revenus de toutes les assiettes fiscales, celles qui sont partagées et celles qui relèvent exclusivement de l’un ou l’autre ordre de gouvernement, on constate que la distribution des revenus entre les deux paliers de gouvernement était essentiellement égale en 2003-2004.

GRAPHIQUE 2 : Revenus autonomes en pourcentage du PIB, exercices financiers 1988-1989 à 2003-2004

Nota : Les chiffres de l’impôt sur le revenu des particuliers ont été corrigés pour tenir compte de l’abattement fiscal du Québec.
Source : Statistique Canada et calculs de la Bibliothèque du Parlement.

Le graphique 2 illustre l’évolution des revenus autonomes (transferts exclus) du gouvernement fédéral et des administrations provinciales, territoriales et locales en pourcentage du PIB. Entre 1988-1989 et 2003-2004, la proportion a varié pour les deux ordres de gouvernement. On observe que les revenus autonomes du gouvernement fédéral ont oscillé entre 16 et 20 p. 100 du PIB durant la période de référence, mais que la proportion pour les administrations provinciales, territoriales et locales a été supérieure de 4 points en moyenne à celle-là.

La différence entre les pourcentages est attribuable presque entièrement aux revenus autonomes des administrations locales composés surtout d’impôts fonciers et d’autres prélèvements connexes. Quand on exclut les revenus autonomes des administrations locales, les proportions obtenues pour le gouvernement fédéral et les gouvernements des provinces et des territoires convergent.

GRAPHIQUE 3 : Projection des revenus autonomes totaux du gouvernement fédéral et des provinces et territoires, 2005-2015

Source : Annexe A, tableaux 2 et 3, Fiscal Prospects for the Federal and Provincial/Territorial Governments, Conference Board du Canada, mise à jour d’août 2004.

Le graphique 3 illustre l’augmentation projetée des revenus autonomes du gouvernement fédéral et des provinces et des territoires sur les 10 prochaines années. On remarque que les revenus des deux ordres de gouvernement devraient croître à peu près au même rythme, mais ceux du gouvernement fédéral un peu plus, durant la période 2005-2015. Bien sûr, les prévisions concernant les provinces et territoires sont agrégées et les résultats individuels varieront.

B.        Types et valeur des transferts fédéraux aux provinces et territoires

1.         Péréquation et Formule de financement des territoires

Le Programme de péréquation et la Formule de financement des territoires (FFT) sont conçus pour corriger des déséquilibres fiscaux horizontaux. Le Programme de péréquation a pour objet d’aplanir les inégalités de moyens des provinces en augmentant le revenu des provinces moins nanties que les autres. Pour cela, le gouvernement fédéral accorde aux provinces concernées des paiements inconditionnels pour leur permettre d’offrir des services publics relativement semblables à ceux qu’offrent les autres provinces sans imposer un fardeau fiscal excessif à leurs contribuables. Le Programme de péréquation est renouvelé tous les cinq ans pour garantir l’intégrité de la formule de calcul des paiements.

Les territoires, eux, bénéficient d’une formule de financement particulière aux termes de laquelle ils touchent des subventions inconditionnelles du gouvernement fédéral. La formule tient compte de la capacité fiscale des territoires, mais aussi des coûts plus élevés et des particularités de la vie dans le Nord. Comme dans le cas du Programme de péréquation, la formule est révisée tous les cinq ans.

Le premier Programme de péréquation en bonne et due forme a été institué en 1957. À l’époque, on cherchait à égaliser la capacité fiscale par habitant des provinces pour trois assiettes fiscales — l’impôt sur le revenu des particuliers, l’impôt sur les bénéfices des sociétés et les droits de succession — par rapport à la moyenne des deux provinces les plus riches, l’Ontario et la Colombie-Britannique. Par conséquent, toutes les provinces sauf l’Ontario, la province la plus riche, avaient droit à des paiements de péréquation.

Au fil des ans, le Programme de péréquation a gagné en complexité. Depuis 1967, la mesure de la capacité fiscale des provinces repose sur le «  régime fiscal représentatif  » (RFR), c’est-à-dire que l’on applique des taux d’imposition moyens aux diverses assiettes fiscales prises en compte dans la formule de péréquation de manière à évaluer la capacité fiscale potentielle de chaque province indépendamment de sa politique fiscale. Le nombre des assiettes fiscales visées a progressivement augmenté pour passer de 16 à 33 actuellement (voir l’annexe A).

De 1967 à 1982, on comparait la capacité fiscale de chaque province à la moyenne nationale, procédé qu’on a appelé la norme des 10 provinces. En 1982, le gouvernement fédéral a exclu l’Alberta et les provinces de l’Atlantique du calcul, si bien que le point de référence est devenu la capacité fiscale moyenne des cinq autres provinces, ce qu’on appelle la norme des cinq provinces.

GRAPHIQUE 4 : Droits à péréquation totaux en pourcentage du produit intérieur brut (PIB), exercices financiers 1981-1982 à 2005-2006

Source : Ministère des Finances et Statistique Canada; calculs de la Bibliothèque du Parlement.

Le graphique 4 présente les droits à péréquation en proportion du PIB de 1981-1982 à 2005-2006. Le pourcentage a commencé à baisser en 1982 quand l’Alberta et les provinces de l’Atlantique ont été exclues du calcul de référence. La baisse a été particulièrement abrupte depuis 2000. Cette tendance à la baisse pourrait être le résultat de trois facteurs :

 l’aplanissement régulier des disparités provinciales au niveau de la capacité fiscale (c’est-à-dire que l’économie et les assiettes fiscales des provinces bénéficiaires ont crû relativement plus que celles des autres provinces);  
 la réduction des taux d’imposition provinciaux; 
 les modifications de la formule de calcul et des politiques en matière de péréquation. 

GRAPHIQUE 5 : Disparités provinciales au niveau de la capacité fiscale avant droits à péréquation, exercice financier 2004-2005

Source des données : Mémoire de T. J. Courchene de l’Université Queen’s présenté au Sous-comité sur le déséquilibre fiscal du Comité permanent des finances de la Chambre des communes le 4 mai 2005.

Le graphique 5 montre les disparités provinciales au niveau de la capacité fiscale telles qu’elles sont exprimées par la formule de péréquation actuelle. La capacité fiscale varie beaucoup d’une province à l’autre et, dans une certaine mesure, d’une région à l’autre. Les provinces de l’Atlantique, par exemple, ont une capacité fiscale d’environ 4 500 à 5 000 $ par habitant comparativement 6 700 $ environ pour l’Ontario et plus de 10 500 $ pour l’Alberta. Il importe de noter cependant que les chiffres du tableau ne reflètent pas le nouveau cadre de péréquation adopté en octobre 2004, qui ne consiste plus en l’application stricte de la formule de péréquation pour déterminer les droits à péréquation d’une province donnée. Par ailleurs, une entente a été conclue sur les droits à péréquation pour 2004-2005 et 2005-2006.

La loi de mise en œuvre de la nouvelle formule de péréquation et de la nouvelle Formule de financement des territoires adoptées par les premiers ministres en octobre 2004 a reçu la sanction royale en mars 2005. «  Au cours des 10 prochaines années et en fonction d’un examen effectué après cinq ans, le nouveau cadre fournira un montant supplémentaire de 33 milliards de dollars en paiements de péréquation et de FFT aux provinces et aux territoires par rapport aux montants annuels pour 2004-2005 qui avaient été estimés dans le budget de février 20041  ». Le nouveau cadre vise à garantir aux provinces et territoires bénéficiaires un financement croissant, stable et prévisible.

Pour 2004-2005, le nouveau cadre :

 fixe le montant total des paiements de péréquation à un minimum de 10 milliards de dollars et le financement des territoires à au moins 1,9 milliard de dollars, ce qui représente une augmentation d’environ 600 millions de dollars par rapport au montant total qui était prévu à ce chapitre dans le budget fédéral de février 2004 et 1,2 milliard de dollars de plus que dans les estimations d’octobre 2004; 
 garantit que les paiements de péréquation et les droits des territoires en vertu de la FFT ne seront pas inférieurs aux niveaux prévus dans le budget fédéral de février 2005 pour chacune des provinces et chacun des territoires2.  

Pour 2005-2006 et au-delà, le cadre :

 porte à 10,9 milliards de dollars et 2 milliards de dollars respectivement les droits à péréquation des provinces et le financement des territoires pour 2005-2006;  
 porte que le montant total des droits à péréquation des provinces et du financement des territoires progressera de 3.5 p. 100 par an à partir de 2006-2007.  

Le nouveau cadre prévoit aussi la création d’un groupe d’experts indépendant chargé de fournir des conseils sur la distribution des paiements de péréquation et des paiements aux termes de la FFT en 2006-2007 et après. Ce groupe aura plusieurs attributions. Entre autres, il :

 évaluera les pratiques actuelles utilisées pour mesurer les disparités de moyens entre les provinces et les territoires;  
 examinera d'autres approches, comme celles fondées sur des indicateurs macro-économiques globaux (p. ex. PIB, revenu disponible) ou sur les besoins au niveau des dépenses;  
 examinera l'évolution des disparités de moyens entre les provinces, ainsi que les coûts de la prestation des services dans les territoires, afin d’aider les gouvernements et les citoyens à évaluer le niveau général de soutien envers la péréquation et la FFT;  
 conseillera le gouvernement du Canada quant à la pertinence d’établir ou non un organisme indépendant qui le conseillerait en permanence sur la répartition des paiements aux termes de la péréquation et de la FFT dans le cadre des niveaux imposés par la loi3.  

En outre, le groupe consultatif étudiera les problèmes non résolus concernant la distribution des paiements de péréquation entre les provinces et le traitement des revenus des provinces au titre des ressources naturelles dans la formule de péréquation.

Le 28 janvier 2005, le gouvernement fédéral a conclu une entente avec les gouvernements de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve-et-Labrador qui protège ces provinces contre toute réduction des paiements de péréquation causée par les revenus tirés de l’exploitation du pétrole et du gaz extracôtiers. Auparavant, l’Entente Canada–Nouvelle-Écosse sur la gestion des ressources pétrolières extracôtières et l’Accord atlantique Canada–Terre-Neuve — signés au milieu des années 1980 — comportaient des dispositions permettant d’atténuer les réductions des paiements de péréquation qui frapperaient autrement ces provinces en raison de l’augmentation des revenus associés à l’exploitation du pétrole et du gaz extracôtiers. La loi de mise en œuvre de ces ententes — le projet de loi C-43 — est actuellement étudiée par le Parlement.

L’entente conclue en janvier 2005 avec ces deux provinces est valable jusqu’en 2012, avec possibilité de prolongation jusqu’en 2020. Le gouvernement fédéral a accepté de verser des paiements initiaux de 2 milliards de dollars et de 830 millions de dollars respectivement à Terre-Neuve-et-Labrador et à la Nouvelle-Écosse. Selon les prévisions, les ententes rapporteront au total environ 2,6 milliards de dollars à Terre-Neuve-et-Labrador et 1,1 milliard de dollars à la Nouvelle-Écosse en paiements compensatoires.

Les revenus provenant de l’exploitation du pétrole et du gaz extracôtiers bénéficient aussi de la «  solution générique  » du Programme de péréquation, introduite en 1994. La solution générique réduit de 30 p. 100 la baisse des droits à péréquation déclenchée par les revenus de l’exploitation pétrolière et gazière extracôtière à Terre-Neuve-et-Labrador et en Nouvelle-Écosse. Chaque année, ces provinces peuvent opter soit pour la protection de l’Accord, soit pour la solution générique du Programme de péréquation.

GRAPHIQUE 6 : Droits à péréquation pour 2004-2005 et 2005-2006 en fonction du nouveau cadre et droits à péréquation pour 2004-2005 suivant la formule de péréquation (estimation de février 2005) plus les montants estimatfs prévus dans l’entente de 2005 sur les ressources extracôtières

Sources : Ministère des Finances, Statistique Canada et mémoire de T. J. Courchene de l’Université Queen’s présenté au Sous-comité sur le déséquilibre fiscal du Comité permanent des finances de la Chambre des communes le 4 mai 2005; calculs de la Bibliothèque du Parlement.

Le graphique 6 illustre les droits à péréquation suivant le nouveau cadre de péréquation pour les années 2004-2005 et 2005-2006 comparativement aux droits à péréquation que la formule aurait produits suivant les estimations de février 2005. En outre, les droits indiqués comprennent les montants estimatifs découlant des ententes conclues avec la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve-et-Labrador sur les ressources pétrolières et gazières extracôtières qui sont actuellement étudiées par le Parlement dans le contexte du projet de loi C-43. Toutes les provinces bénéficiaires sauf le Québec toucheront davantage d’argent en 2004-2005 suivant le nouveau cadre qu’elles n’en auraient reçu selon l’ancienne formule de péréquation. La Saskatchewan et la Colombie-Britannique en particulier n’auraient sans doute pas eu droit à des paiements de péréquation suivant l’ancienne formule.

GRAPHIQUE 7 : Capacité fiscale après péréquation compte tenu des ententes de 2005 sur les ressources pétrolières et gazières extracôtières, par province, exercice financier 2004-2005

Sources : Ministère des Finances, Statistique Canada et mémoire de T. J. Courchene de l’Université Queen’s présenté au Sous-comité sur le déséquilibre fiscal du Comité permanent des finances de la Chambre des communes le 4 mai 2005; calculs de la Bibliothèque du Parlement.

Le graphique 7 donne un aperçu de la capacité fiscale des provinces concernées pour 2004-2005 compte tenu des droits à péréquation aux termes du nouveau cadre et de la mise en œuvre des ententes de 2005 sur les ressources pétrolières et gazières extracôtières. On constate que, même avec les droits à péréquation et les autres montants, il subsiste d’importantes variations de la capacité fiscale d’une province à l’autre. Il importe de noter à cet égard que la capacité fiscale de Terre-Neuve-et-Labrador et de la Saskatchewan en 2004-2005 dépassaient celle de l’Ontario, une province qui ne bénéficie pas de la péréquation. Signalons aussi que la capacité fiscale du Québec en 2004-2005 était, d’après les estimations de février 2005, inférieure à la norme des cinq provinces.

2.         Grands transferts conditionnels

Certains transferts fédéraux visent à combler la différence entre les revenus autonomes des provinces et des territoires et leurs dépenses et ainsi atténuer les déséquilibres verticaux. Le gouvernement fédéral partage avec les provinces et les territoires le coût des grands programmes sociaux depuis leur création. Actuellement, les provinces et les territoires touchent des transferts conditionnels du gouvernement fédéral par la voie du Transfert canadien en matière de programmes sociaux (TCPS) et du Transfert canadien en matière de santé (TCS) autrefois combinés dans le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux.

L’entente conclue en septembre 2004 avec les premiers ministres des provinces et des territoires au sujet d’un plan décennal visant à consolider les soins de santé prévoit des augmentations annuelles de 6 p. 100 de la portion pécuniaire du TCS à partir de 2006-2007. De 2004-2005 à 2013-2014, le plan transférera 35,3 milliards de dollars additionnels aux provinces et aux territoires dans le cadre du TCS. En outre, 5,5 milliards de dollars de plus doivent permettre de réduire les temps d’attente et 500 millions de dollars sont alloués au matériel diagnostique et médical.

Avant 1977, le gouvernement fédéral assumait la moitié de la plupart des coûts des grands programmes sociaux — assurance-maladie, éducation postsecondaire et Régime d’assistance publique du Canada (RAPC) — à la condition que les provinces et les territoires respectent certaines conditions.

En 1977, le système de partage des coûts de l’assurance-maladie et de l’éducation postsecondaire a été abandonné au profit d’un financement de base aux termes du Financement des programmes établis (FPE) où la contribution du gouvernement fédéral n’était plus fonction des dépenses des provinces et des territoires suivant une formule de partage des coûts. La moitié environ de la valeur du transfert fédéral a été cédée en permanence aux provinces sous la forme de points d’impôt égalisés dans le cadre de la péréquation, le reste prenant la forme d’un transfert pécuniaire par habitant. Quant au RAPC, il est demeuré un programme à coût partagé.

En 1995, le RAPC et le FPE ont été combinés dans le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux (TCSPS), lequel a été révisé de telle sorte que la partie du transfert qui représentait le RAPC, auparavant attribuée suivant les besoins, était désormais calculée par habitant, comme le FPE. À partir de 2001-2002, la totalité de la partie pécuniaire du TCSPS était déterminée en fonction du poids démographique des provinces et des territoires4. Par conséquent, les provinces et les territoires où les besoins d’assistance sociale par habitant dépassaient leur poids démographique ont touché moins d’argent, et inversement.

Enfin, en avril 2004, le TCSPS a été scindé en deux, le TCPS et le TCS.

GRAPHIQUE 8 : Grands transferts fédéraux conditionnels en proportion du produit intérieur brut (PIB) 1981-1982 à 2005-2006

* Les grands transferts conditionnels sont la partie pécuniaire du FPE plus le RAPC pour la période 1981-1982 à 1995-1996, la partie pécuniaire du TCSPS pour la période 1996-1997 à 2003-2004 et les parties pécuniaires du TCS et du TCPS pour la période 2004-2005 à 2005-2006.
Sources : Ministère des Finances et Statistique Canada; calculs de la Bibliothèque du Parlement.

Le graphique 8 présente les grands transferts fédéraux conditionnels aux provinces et aux territoires en proportion du PIB pour la période 1981-1982 à 2005-2006. La valeur des points d’impôt a augmenté à peu près au même rythme que le PIB durant la période observée. Par contre, la partie pécuniaire des transferts conditionnels en proportion du PIB a baissé tous les ans sauf deux entre 1983-1984 et 1998-1999. Elle a fortement chuté entre 1994-1995 et 1997-1998, tombant de 2,6 p. 100 environ du PIB à approximativement 1,4 p. 100. Depuis 2000-2001, la partie pécuniaire des transferts conditionnels en proportion du PIB augmente relativement rapidement, mais demeure en deçà du niveau de 1993-1994.

GRAPHIQUE 9 : Augmentation des grands transferts pécuniaires fédéraux conditionnels par province, 1994-1995 à 2004-2005

* Les grands transferts conditionnels sont la partie pécuniaire du FPE plus le RAPC pour 1994-1995 et le TCS plus le TCPS pour l’exercice 2004-2005.
Sources : Ministère des Finances et Statistique Canada; calculs de la Bibliothèque du Parlement.

Le graphique 9 montre que, de 1994-1995 à 2004-2005, les grands transferts pécuniaires fédéraux au titre de la santé, de l’éducation postsecondaire, des services sociaux et de l’assistance sociale par habitant ont crû à des rythmes différents d’une province à l’autre. En particulier, ils ont très peu augmenté au Québec et à Terre-Neuve-et-Labrador; ils ont en revanche beaucoup progressé en Saskatchewan et en Colombie-Britannique durant la période observée.

3.         Autres transferts et dépenses

Outre la péréquation et la Formule de financement des territoires et les grands transferts au titre de la santé, de l’éducation postsecondaire et des programmes sociaux, un certain nombre d’ententes bilatérales conclues entre le gouvernement fédéral et les gouvernements des provinces et des territoires concernent la prestation de services publics. Ces ententes couvrent des domaines comme l’établissement des immigrants, les infrastructures, l’agriculture, la formation des salariés et les prêts aux étudiants, pour ne nommer que ceux-là.

Par ailleurs, le gouvernement fédéral consent des dépenses directes et des dépenses fiscales pour financer entre autres la Prestation fiscale canadienne pour enfants, des programmes conçus pour lutter contre l’itinérance et offrir des logements abordables, et les infrastructures municipales. Il a par exemple investi environ 12 milliards de dollars depuis le milieu des années 1990 dans des programmes d’infrastructure à coûts partagés. Dans le budget fédéral de 2004, il a annoncé une remise totale de la TPS aux municipalités, mesure qui devrait faire épargner à celles-ci plus de 7 milliards de dollars en 10 ans. Dans celui de 2005, il a confirmé son engagement à céder une partie du produit de la taxe sur l’essence aux ville et collectivités — l’équivalent de 5 cents le litre — ce qui totalisera 2 milliards de dollars par an d’ici 2009-2010.

Le gouvernement fédéral a annoncé aussi dans le budget de 2005 qu’il consacrera 5 milliards de dollars sur cinq ans à l’élaboration d’un cadre portant sur une initiative d’apprentissage et de garde des jeunes enfants — en collaboration avec les provinces et les territoires — respectant quatre principes : qualité, universalité, accessibilité et développement. D’autres formes d’aide aux familles sont offertes notamment par la voie de la Prestation fiscale canadienne pour enfants, du Supplément de la prestation nationale pour enfants et de la déduction pour frais de garde d’enfants.

Outre le TCPS, le gouvernement fédéral facilite l’accès aux études postsecondaires par diverses mesures, notamment les régimes enregistrés d’épargne-études, le Programme canadien de prêts aux étudiants, le Bon d’études canadien et la Fondation canadienne des bourses d’études du millénaire. Il finance la recherche dans les établissements postsecondaires par la voie notamment des conseils subventionnaires fédéraux, du Programme des chaires de recherche du Canada, de la Fondation canadienne pour l’innovation et de Génome Canada. Il consent par ailleurs des dépenses directes dans le domaine du logement social et de la recherche en santé.

Avant le milieu des années 1990, le gouvernement fédéral enregistrait rarement des dépenses de programmes directes dans des domaines relevant de la compétence des provinces et des territoires, mais la situation a changé dernièrement. On se rappellera que la participation directe du gouvernement fédéral à l’assurance-chômage en 1940 et à la sécurité de la vieillesse en 1951 avait exigé une modification de la Constitution pour légaliser l’intervention du pouvoir fédéral.

SERVICES OFFERTS : RAISON D’ÊTRE DES IMPÔTS ET TRANSFERTS

Les citoyens paient des impôts pour financer les services publics. Dans certains cas, les services publics assurés par un ordre de gouvernement sont financés en totalité par les revenus qu’il perçoit; dans d’autres, les services publics sont financés aussi par un autre ordre de gouvernement par la voie de transferts.

GRAPHIQUE 10 : Dépenses publiques totales par catégorie, 2003-2004

Sources : Statistique Canada, Statistiques sur le secteur public; calculs de la Bibliothèque du Parlement.

Le graphique 10 illustre la répartition des dépenses publiques totales consolidées des administrations fédérales, provinciales, territoriales et locales. En 2003-2004, le gros des dépenses — 27 p. 100 — est allé aux services sociaux. La santé — 19 p. 100 des dépenses — et les établissements d’enseignement et de recherche — 15 p. 100 des dépenses — venaient au second et au troisième rang respectivement cette année-là. La catégorie Autre, qui représente 20 p. 100 du total, englobe des services publics comme les transports et les communications, la conservation des ressources et le développement industriel, les services gouvernementaux généraux, les loisirs et la culture, l’environnement, les affaires étrangères et l’aide internationale, le logement, le travail, l’emploi et l’immigration, et l’aménagement et le développement régionaux.

Le graphique 11 présente des renseignements plus détaillés sur chacune des cinq grandes catégories de dépenses : les services sociaux, la santé, les établissements d’enseignement et de recherche, les frais de la dette publique et la protection des personnes et des biens. Il donne une idée de la distribution des dépenses publiques au titre des principaux services publics suivant l’ordre de gouvernement qui fournit les services en question.

GRAPHIQUE 11 : Prestation des principaux services publics par ordre de gouvernement (2003-2004, exprimé en pourcentage des coûts totaux de prestation du service)

Sources : Statistique Canada, Statistiques sur le secteur public; calculs de la Bibliothèque du Parlement.

Ce sont surtout les provinces, les territoires et les administrations locales qui se chargent de la prestation des services dans les secteurs de la santé et de l’éducation, tandis que le gouvernement fédéral, lui, assume la part du lion des dépenses dans le secteur des services sociaux et de la protection. Globalement, en 2003-2004, le tiers environ des dépenses de tous les ordres de gouvernement au titre des services publics — y compris les frais de la dette publique — a été alloué à des services dont la prestation est assurée par le gouvernement fédéral. La plus grande part des dépenses — les deux tiers environ — concernait des services publics assurés par les administrations provinciales, territoriales et locales.

Les services de santé sont fournis en grande majorité par les administrations provinciales, territoriales et locales. Ils vont des services hospitaliers aux soins des médecins dispensés en cabinet en passant par des services connexes subventionnés comme ceux des organisations du domaine de la santé, la formation, les services ambulanciers et l’administration de la santé. Le gouvernement fédéral offre des services de santé limités, notamment aux Autochtones et aux anciens combattants, et assure d’autres fonctions liées à la santé comme la santé publique, la protection de la santé et la recherche en santé.

Si le gouvernement fédéral offre lui-même très peu de services de santé, il contribue en revanche au financement des soins de santé par la voie de transferts fiscaux — surtout le TCS — et d’autres dépenses ciblées comme le financement du Fonds pour l’équipement diagnostique et médical.

Comme dans le cas de la santé, le gros des dépenses publiques concernant les établissements d’enseignement et de recherche était le fait des administrations provinciales, territoriales et locales. Ces dépenses financent par exemple les systèmes d’enseignement primaire, secondaire et postsecondaire et des services d’éducation connexes. La part du gouvernement fédéral concerne principalement le Conseil national de recherches du Canada et les autres organisations dont la mission première est la recherche et la promotion des produits qui en sont issus. Ces dépenses comprennent également des crédits d’impôt remboursables à la recherche et au développement. Comme dans le cas des services de santé, le gouvernement fédéral finance par ailleurs certaines des dépenses des provinces, des territoires et des administrations locales au titre de l’éducation postsecondaire par la voie de transferts fiscaux.

Le gouvernement fédéral assume le plus gros des dépenses au titre des programmes sociaux, soit environ les deux tiers. Ces dépenses concernent des programmes variés, notamment l’assurance-emploi, la Sécurité de la vieillesse, le Supplément de revenu garanti, la Prestation fiscale canadienne pour enfants, le régime de retraite des fonctionnaires fédéraux, les prestations aux anciens combattants et d’autres encore. Les provinces et les territoires financent des services comme l’assistance sociale, l’indemnisation des accidentés du travail, les régimes de retraite des fonctionnaires provinciaux et territoriaux, les allocations familiales, l’indemnisation des accidentés de la route et d’autres encore, comme la garde des enfants. Le gouvernement fédéral finance en outre en partie les programmes d’aide sociale et les autres services connexes des provinces et territoires par la voie de transferts.

Les dépenses afférentes à la protection des personnes et des biens sont distribuées à peu près également entre le gouvernement fédéral et ceux des provinces et des territoires et les administrations locales (54 p. 100 contre 46 p. 100 respectivement). Ces dépenses concernent notamment la défense nationale, la police, les tribunaux, les services correctionnels et les services de réadaptation et d’autres services connexes.

Pour ce qui est des frais de la dette publique, les administrations provinciales, territoriales et locales et le gouvernement fédéral ont assumé environ 52 p. 100 et 48 p. 100 respectivement de l’ensemble des dépenses publiques à ce titre en 2003-2004. C’est bien différent de ce que l’on observait il y a 15 ans, quand le gouvernement fédéral assumait la plus large part des dépenses à ce titre, soit 61 p. 100.

Tableau 1 — Autres dépenses publiques, par ordre de gouvernement,
2003-2004

Autres dépenses

Part du gouvernement fédéral

Part des administrations provinciales, territoriales et locales

Transports et communications

10 %

90 %

Conservation des ressources et développement industriel

36 %

64 %

Services gouvernementaux généraux

45 %

55 %

Loisirs et culture

28 %

72 %

Environnement

15 %

85 %

Affaires étrangères et aide internationale

100 %

0 %

Logement

18 %

82 %

Travail, emploi et immigration

70 %

30 %

Aménagement et développement régionaux

18 %

82 %

Divers

0 %

100 %

Total, Autres dépenses

31 %

69 %

Sources : Statistique Canada, Statistiques sur le secteur public; calculs de la Bibliothèque du Parlement.

Le graphique 10 comprenait une catégorie «  Autre  », laquelle justifiait de 20 p. 100 des dépenses publiques en 2003-2004. Le tableau 1 précise les dépenses qui entrent dans cette catégorie et l’importance relative différents ordres de gouvernement dans la prestation des services publics concernés.

Dans l’ensemble, les administrations provinciales, territoriales et locales comptent pour environ 69 p. 100 des dépenses de cette catégorie et le gouvernement fédéral pour le reste. Les premières comptent pour plus de la moitié des coûts des services publics qui figurent au tableau 1, exception faite des affaires étrangères et de l’aide internationale et des services dans le domaine du travail, de l’emploi et de l’immigration.

LE DÉSÉQUILIBRE FISCAL : QU’EN EST-IL AU JUSTE?

Le débat sur la possibilité qu’il existe un déséquilibre fiscal dans la fédération canadienne — et s’il existe, sur sa nature et sa portée — peut se diviser en deux parties : le déséquilibre fiscal horizontal et le déséquilibre fiscal vertical.

Il y a un déséquilibre fiscal horizontal lorsque les provinces et les territoires n’ont pas la même capacité fiscale de fournir à leurs citoyens des niveaux de services publics équivalents à un taux d’imposition semblable. Il y a un déséquilibre fiscal vertical lorsque la capacité fiscale d’un gouvernement est insuffisante pour assumer ses obligations de dépenses et que la capacité fiscale d’un autre ordre de gouvernement excède ce dont il a besoin pour subvenir à ses dépenses, alors que ces deux ordres de gouvernement fournissent des services aux mêmes contribuables.

A.        Le point de vue des témoins

Le professeur émérite Ronald Watts, de l’Université Queen’s, a présenté au Sous-comité une analyse comparative des relations financières intergouvernementales de 11 pays. Dans son étude sur les déséquilibres fiscaux verticaux et horizontaux au Canada, aux États-Unis, en Allemagne, en Australie, en Suisse, en Espagne, au Brésil, en Inde et en Afrique du Sud — des fédérations — et en Suède et au Japon — des systèmes unitaires décentralisés, M. Watts relève l’existence pratiquement universelle d’une disparité entre les revenus autonomes et les dépenses des gouvernements centraux et sous-centraux. À son avis, le déséquilibre fiscal n’existe pas uniquement au Canada : il y a, dans chaque pays étudié, une certaine forme de déséquilibre fiscal vertical — défini comme l’écart entre les revenus autonomes et les dépenses d’un gouvernement —, et le Canada fait partie des pays où ce déséquilibre est le moins accentué.

M. Watts fait également observer que, parmi les pays étudiés et à l’exception de la Suisse, le Canada est plus décentralisé que toute autre fédération en termes de revenus et de dépenses. En outre, il reconnaît que tous ces pays ont d’importants déséquilibres fiscaux horizontaux qui, partout sauf aux États-Unis, sont compensés dans une certaine mesure par des transferts intergouvernementaux. Il fait aussi remarquer que le Canada, l’Allemagne et la Suède sont les 3 seuls parmi les 11 pays étudiés à disposer d’un mécanisme de péréquation distinct des autres transferts, conditionnels ou inconditionnels.

M. Watts a également indiqué au Sous-comité que l’Australie, l’Inde et l’Afrique du Sud ont des commissions de spécialistes, créées par le gouvernement central pour déterminer la formule de répartition. De même, un ancien ministre des Finances du Manitoba a parlé de l’expérience de ces pays, invitant le Sous-comité à envisager la création d’une commission indépendante semblable, adaptée aux besoins du Canada. Les deux témoins ont souligné l’importance de définir clairement le caractère indépendant d’un tel organe pour en assurer l’efficacité.

De l’avis de M. Watts, l’expérience des autres fédérations révèle qu’un écart fiscal vertical — défini comme la différence entre les dépenses d’une administration provinciale, territoriale ou locale et ses revenus autonomes — n’implique pas, en soi, la présence d’un déséquilibre au sein de la fédération. À tout le moins, tant qu’il y a des disparités horizontales dans la capacité des gouvernements des provinces et des territoires de fournir des services publics équivalents à un niveau d’imposition semblable, il faut des transferts intergouvernementaux, ne serait-ce que pour procéder à une redistribution dans la fédération.

D’autres facteurs permettent d’établir s’il existe un déséquilibre fiscal structurel : quels services publics devraient être fournis par les gouvernements; quel ordre de gouvernement devrait être chargé de les fournir; comment devrait-on financer ces services. Plusieurs témoins ont indiqué que ces facteurs sont subjectifs et de nature politique. M. Watts fait remarquer que le concept de déséquilibre fiscal comporte un élément de subjectivité : le degré convenable de dépenses et de revenus gouvernementaux n’est pas de nature objective, mais le produit d’une volonté et de décisions politiques sur ce que chaque ordre de gouvernement devrait faire.

Les témoins ont exprimé au Sous-comité leurs préoccupations concernant les pressions financières considérables auxquelles sont soumis les fournisseurs de services publics; une préoccupation qui revient souvent est l’augmentation des coûts de santé qui crée un fardeau pour le budget des provinces et des territoires. Selon certains, la hausse de ces dépenses compromet le financement d’autres services publics fournis par les provinces ou territoires. C’est aussi l’opinion du professeur Paul Thomas, de l’Université du Manitoba. Il a fait remarquer au Sous-comité que, si les soins de santé constituent la plus grande préoccupation des Canadiens en matière de politique publique et si des forces sociales et des groupes d’intérêts contribuent à l’augmentation des dépenses du secteur de la santé, il reste que celles-ci sont en train d’absorber une part considérable des ressources financières au détriment de l’éducation, des services sociaux, des municipalités et de l’environnement.

Les témoins, dont le ministre des Finances du Manitoba, étaient souvent d’accord pour dire que, dans l’avenir, les plus fortes pressions sur les coûts se feront sentir dans des domaines de compétence provinciale et territoriale. Le Conference Board du Canada et l’Institut C.D. Howe sont parmi les témoins qui ont souligné que les coûts prévus des soins de santé augmenteront avec le vieillissement de la population.

De nombreux témoins, dont le porte-parole en matière de finances du Nouveau Parti démocratique de l’Ontario et le Conference Board du Canada, ont dit au Sous-comité que la récente tendance du fédéral à régler les problèmes fiscaux des provinces et des territoires de manière ponctuelle ou en court-circuitant les mécanismes fédéraux-provinciaux-territoriaux plus généralement, doit cesser. À leur avis, le gouvernement fédéral devrait adopter un cadre global, prévisible pour régler les problèmes de financement et devrait éviter de conclure des accords ponctuels au cas par cas ou province/territoire par province/territoire. Ils ont indiqué que ce type d’accords — bien qu’utiles pour régler des questions précises — ne tient pas compte d’une perspective plus générale à long terme, a un effet déstabilisant et mène à une prestation de services publics moins efficace.

Ainsi, le trésorier provincial de l’Île-du-Prince-Édouard a indiqué au Sous-comité qu’au lieu de proposer des solutions intelligentes à long terme, le gouvernement fédéral a exercé ses pouvoirs financiers pour prendre des décisions ponctuelles et conclure des ententes bilatérales. Il a déclaré qu’il fallait rétablir l’équilibre fiscal dans tout le pays et aplanir les déséquilibres verticaux et horizontaux. M. Watts a également touché à cette question. Selon lui, l’expérience internationale semble indiquer qu’on s’engage sur une pente glissante en réglant ponctuellement des problèmes comme le financement des coûts croissants de la santé et des autres services sociaux. Il insiste sur le fait qu’il faut aborder ce type de problèmes de façon systématique, plutôt que par des mesures ponctuelles prises par opportunisme politique. Il a expliqué que si les accords ponctuels réduisent le déséquilibre fiscal, ils semblent avoir un effet déstabilisant. Le chef du Parti progressiste-conservateur de l’Ontario a observé lui aussi que cette approche est pernicieuse pour le pays : le Canada est un partenariat, une fédération, et des partenaires ne devraient pas conclure d’ententes limitées entre eux.

Enfin, certains témoins croient que les mesures ponctuelles ébranlent l’équilibre que les accords signés entre le fédéral et les provinces et territoires avaient permis d’atteindre. Selon le professeur Robin Boadway, de l’Université Queen’s, les mesures ponctuelles pourraient contribuer à discréditer ce mécanisme.

B.        Le point de vue du Sous-comité

Le Sous-comité prend note des observations formulées par certains témoins voulant que les décisions des gouvernements provinciaux et territoriaux soient le produit d’une volonté et de décisions politiques. Effectivement, ces gouvernements sont «  maîtres de leur destinée  » et libres d’établir des politiques fiscales pour répondre à leurs besoins. Il croit cependant qu’il y a une indication claire que les accords fiscaux intergouvernementaux — au Canada comme dans toute autre fédération — jouent un rôle important dans le financement des services publics essentiels. Ces accords comblent les écarts de capacité fiscale des provinces/territoires et, depuis la création des principaux programmes sociaux et de santé du Canada, aident à financer une partie des dépenses des provinces et territoires.

De plus, le Sous-comité croit que les décisions en matière de fiscalité prises par un gouvernement influent sur celles prises par un autre ordre de gouvernement, tout comme les décisions d’une province ou d’un territoire influent sur celles prises par d’autres provinces ou territoires. Cela est d’autant plus vrai que c’est le même contribuable qui paie des impôts aux deux ordres de gouvernement. De l’avis du Sous-comité, il doit y avoir un équilibre entre les revenus et les dépenses de chacun des ordres de gouvernement. De plus, l’atteinte de cet équilibre doit être une priorité, étant donné que les provinces et territoires ont des perspectives fiscales très différentes, et que le vieillissement de la population accroîtra vraisemblablement la pression budgétaire sur de nombreux secteurs des services publics — notamment celui de la santé — qui relèvent des provinces et des territoires en vertu de la Constitution.

Le Sous-comité croit qu’un gouvernement ne devrait pas avoir un excédent budgétaire important et réduire régulièrement son rapport dette-PIB à 25 p. 100 sur 10 ans si l’autre ordre de gouvernement s’est engagé sur une voie budgétaire sans issue. Il faut un cadre budgétaire stable à long terme qui prend en compte les besoins des deux ordres de gouvernement : un cadre budgétaire fédéral-provincial-territorial pouvant s’adapter à l’évolution des besoins et de la situation dans le temps. Le Sous-comité croit à l’existence du déséquilibre fiscal horizontal et vertical, et que ce phénomène requiert un examen attentif et continu.  En conséquence, le Sous-comité recommande :

RECOMMANDATION 1 :

Que sur une base triennale, le Comité permanent des Finances de la Chambre des communes, en collaboration avec le Conseil de la Fédération, procède à un examen de l’évolution de la capacité fiscale relative du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux et territoriaux afin que chaque ordre de gouvernement puisse s’acquitter de ses responsabilités constitutionnelles. Suivant cet examen, le Comité devra faire rapport à la Chambre des communes.

Le Sous-comité croit également que le gouvernement fédéral ne devrait pas conclure d’accords bilatéraux ponctuels à court terme avec les provinces ou les territoires. Il faudrait plutôt adopter des mesures d’ensemble pour répondre aux besoins des provinces et territoires dans le cadre d’accords fédéraux-provinciaux-territoriaux. À son avis, l’existence de priorités de dépenses différentes en matière de services publics entre les gouvernements des provinces et territoires ne justifie pas les mesures bilatérales ponctuelles. Le Sous-comité croit que ce type de mesures est déstabilisant et qu’il mène à une prestation de services publics moins efficace. En conséquence, le Sous-comité recommande :

RECOMMANDATION 2 :

Que le gouvernement fédéral adopte des mesures d’ensemble pour répondre aux besoins des provinces et territoires dans le cadre d’accords fédéraux-provinciaux/territoriaux et minimise  l’usage d’accords ponctuels avec les gouvernements des provinces et territoires.

LE DÉSÉQUILIBRE FISCAL VERTICAL : DÉFINITION ET AMPLEUR

A.        Le point de vue des témoins

La majorité des témoins entendus par le Sous-comité estiment qu’il existe une certaine forme de déséquilibre fiscal vertical de nature structurelle. Certains étaient toutefois d’un avis contraire, comme l’Atlantic Institute for Market Studies et le Centre canadien de politiques alternatives, pour lesquels il ne peut y avoir de déséquilibre fiscal d’ordre structurel tant que les administrations provinciales et territoriales ont le pouvoir d’établir leurs propres politiques budgétaires. Les provinces et les territoires ont ainsi le pouvoir de lever des impôts pour financer les services publics qu’ils offrent et, comme l’a fait remarquer l’Institut, leurs administrations en ont la capacité.

Rodney Dobell, professeur émérite de l’Université de Victoria, estime lui aussi qu’il n’y a pas de déséquilibre fiscal vertical d’ordre structurel. Pour lui, le principal argument est que les provinces et les territoires ont accès à toutes les grandes assiettes fiscales et disposent d’un accès exclusif à des assiettes qui connaissent une croissance rapide comme les bénéfices tirés des ressources et les revenus du jeu. Il estime que chaque gouvernement provincial ou territorial peut décider de lever des impôts et doit savoir que tout allègement fiscal se répercute sur les niveaux de dépense pouvant être assumés.

M. Dobell a rajouté que, ayant le pouvoir d’établir sa propre politique fiscale, chaque province ou territoire a le droit d’être différent et de choisir la combinaison de dépenses et d’impôts que sa population appuiera. Selon lui, de nombreux commentateurs parlent de déséquilibre fiscal pour désigner l’incapacité des gouvernements provinciaux et territoriaux de financer les programmes dont ils sont responsables aux termes de la Constitution. Rien ne prouve, estime-t-il, que les provinces et les territoires sont incapables de financer ces programmes. L’Atlantic Institute for Market Studies, le Caledon Institute of Social Policy et le Centre canadien de politiques alternatives étaient du même avis.

M. Dobell a également fait l’historique du déséquilibre fiscal vertical. Il a rappelé qu’au début des années 1980 le gouvernement fédéral aurait accusé, semblait-il, d’importants déficits structurels, alors que les provinces et territoires bénéficiaient de transferts fiscaux substantiels et que certains d’entre eux dégageaient des excédents budgétaires considérables. On estimait à l’époque qu’il n’y avait pas de déséquilibre fiscal. M. Dobell a souligné que la situation est tout à fait inverse aujourd’hui, puisque l’on prévoit à long terme que le gouvernement fédéral dégagera des excédents budgétaires et que les provinces et les territoires accuseront des déficits et que l’on parle de déséquilibre fiscal. Pour lui, l’équilibre s’est nettement renversé au fil du temps.

Plusieurs témoins ont contesté l’argument selon lequel les gouvernements provinciaux et territoriaux peuvent relever leurs impôts pour corriger un déséquilibre fiscal vertical. Pour le ministre des Finances de la province de Québec, par exemple, il est fallacieux de prétendre, comme le fait le gouvernement fédéral, que les deux ordres de gouvernement ont essentiellement accès aux mêmes sources de revenu. S’il est vrai, a-t-il expliqué, que, mises à part les douanes et les assises, les provinces ont à peu près les mêmes sources de revenu qu’Ottawa, il n’y a qu’un seul contribuable, et c’est ce contribuable qui paie des impôts aux deux ordres du gouvernement et sa capacité de payer n’est pas sans limite. Pour le ministre, au-delà d’un certain point, les impôts freinent la consommation et le rendement global de l’économie; la capacité de prélever des impôts est également limitée par la nécessité d’agir pour maintenir une fiscalité concurrentielle par rapport à celle des autres provinces et territoires canadiens et des États-Unis. D’autres témoins étaient du même avis, notamment le ministre des Finances de la province de l’Ontario, le Conseil économique des provinces de l'Atlantique et l'Association canadienne d'études fiscales.

Un certain nombre de témoins, notamment le ministre des Finances de l’Ontario, ont fait référence à une étude du Conference Board du Canada qui prévoit, en s’appuyant sur des projections sur les revenus et les dépenses des gouvernements fédéral et provinciaux et territoriaux, une progression régulière des excédents budgétaires du gouvernement fédéral entre 2004-2005 et 2014-2015. Selon cette étude, les provinces et les territoires accuseront, ensemble, des déficits budgétaires pendant la même période, qui culmineront en 2006-2007 et reviendront en 2014-2015 à leur niveau de 2003-2004. Étant donné que les prévisions sont présentées de façon globale, chaque province et territoire aura une situation différente.

Pour ces témoins, les projections indiquent qu’il y aura dégradation de la situation budgétaire, qui est caractérisée depuis quelques années par des excédents relativement substantiels pour le gouvernement fédéral et une incapacité de certains gouvernements provinciaux et territoriaux d’équilibrer leur budget, cette dernière s’étant traduite par un sous-financement des programmes liés à la santé et à l’enseignement postsecondaire et des programmes sociaux. Ils estiment donc qu’il faut corriger le déséquilibre. Selon le premier ministre de la Saskatchewan, quelque chose cloche lorsque les provinces et les territoires ont pour responsabilité d’assurer les programmes sociaux les plus importants pour la population — la santé et l’éducation — et disposent pour ce faire de maigres ressources financières, tandis que le gouvernement fédéral dégage des excédents budgétaires qui vont croissant.

Selon la plupart des témoins, notamment le Conseil du patronat du Québec et la Fédération étudiante universitaire du Québec, le déséquilibre fiscal vertical a vu le jour dans les années 1990, lorsque les transferts fédéraux pécuniaires aux administrations provinciales et territoriales au titre des programmes sociaux et de la santé ont été diminués unilatéralement –- voir graphique 8 –-, alors même que les dépenses dans ces secteurs augmentaient. Pour plusieurs témoins, le gouvernement fédéral a pu dégager des excédents budgétaires parce qu’il réduisait ses transferts. C’est ainsi que, selon eux, les ressources financières des provinces et des territoires se sont amenuisées puisque les coûts des programmes ont augmenté tandis que les transferts fédéraux diminuaient. Selon le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes du gouvernement du Québec, le gouvernement fédéral a pu, grâce à la progression rapide de ses revenus, assurer le fonctionnement de ses programmes courants, payer les intérêts sur sa dette, abaisser les impôts, réduire son déficit accumulé et dépenser dans les domaines de compétence des provinces. Et les provinces et les territoires, a-t-il ajouté, ont dû réduire leurs dépenses dans certains secteurs de manière à pouvoir faire face à la hausse de leurs coûts dans d’autres, surtout les soins de santé. Le ministre a précisé que les provinces et les territoires ont une marge de manœuvre extrêmement mince pour ce qui est de mettre en place de nouveaux programmes, d’alléger le fardeau fiscal ou de rembourser la dette, point de vue que partage Luc Godbout, professeur à l’Université de Sherbrooke.

Le ministre des Finances du Québec a présenté au Sous-comité le graphique 12, que le lecteur trouvera à l’annexe B, illustrant la contribution pécuniaire du gouvernement fédéral en pourcentage des dépenses des provinces au titre des programmes sociaux et de la santé pour la période allant de 1982-1983 à 2009-2010. La part des coûts des provinces au titre de ces programmes qu’a assumée le gouvernement fédéral a reculé de manière relativement substantielle entre 1985-1986 et 1999-2000. Depuis, elle s’est redressée assez fortement au titre des dépenses en santé, puisque la contribution du gouvernement fédéral permet maintenant de financer 22 p. 100 environ des dépenses en santé des provinces. Les transferts pécuniaires du gouvernement fédéral au titre de l’éducation, de l’assistance sociale et des autres programmes sociaux sont toutefois restés stationnaires depuis 1999-2000 et représentent actuellement environ 11,5 p. 100 des dépenses des provinces dans ces secteurs. De nombreux témoins, notamment la Centrale des syndicats du Québec, ont recommandé que le gouvernement fédéral rétablisse son ancien niveau d’aide aux grands programmes sociaux.

Un certain nombre de témoins ont parlé du recours au pouvoir de dépenser fédéral pour accroître les dépenses de programmes directes dans les sphères de responsabilité des provinces et des territoires, compte tenu des contraintes financières que ces derniers connaissent actuellement. M. Boadway, professeur à l’Université Queen’s, a fait remarquer que le gouvernement fédéral ne devrait pas effectuer de dépenses directes dans les champs de compétence des provinces et des territoires mais devrait plutôt avoir recours aux transferts. À son avis, le gouvernement fédéral a lancé un trop grand nombre de programmes dans des domaines comme l’enseignement postsecondaire, dans le cadre desquels il fait des transferts directement aux particuliers plutôt que par l’intermédiaire des provinces et des territoires.

Pour les témoins qui s’inquiètent de la création de programmes et projets fédéraux dans les domaines de compétence provinciale et territoriale, il est ironique que cette hausse des dépenses se soit produite au moment même où le gouvernement fédéral réduisait sa contribution aux grands programmes en matière de santé et aux programmes sociaux. Pour nombre d’entre eux, cela prouve d’une certaine façon qu’il y a une forme de déséquilibre structurel.

Harvey Lazar, professeur à l’Université Queen’s, partage ce point de vue. Pour lui, il y a déséquilibre fiscal vertical lorsqu’un ordre de gouvernement dispose de ressources budgétaires plus importantes que ce dont il a besoin pour assumer ses obligations en matière de dépenses, tandis que l’autre ordre de gouvernement n’a pas de ressources suffisantes pour assumer ses responsabilités. Il y aurait donc à son avis un certain déséquilibre fiscal vertical dans la fédération; si tel n’était pas le cas, le gouvernement fédéral n’aurait pas accru le financement qu’il accorde aux provinces et territoires, puisque ceux-ci auraient eu des ressources suffisantes pour assumer leurs obligations. M. Lazar a ajouté que, étant donné que le gouvernement fédéral a augmenté ses transferts pécuniaires aux provinces et territoires au titre de la péréquation, des soins de santé, de l’aide aux collectivités et autres, tout déséquilibre fiscal qui aurait pu exister ces dernières années est probablement moindre aujourd’hui.

B.        Le point de vue du Sous-comité

Le Sous-comité comprend bien qu’en théorie les gouvernements provinciaux et territoriaux peuvent hausser leurs impôts pour assumer financièrement leurs responsabilités constitutionnelles. Si l’on accepte cet argument, il faut alors se demander si les gouvernements ont la volonté politique de le faire et de rendre compte de leur décision à leur électorat.

En pratique, le Sous-comité convient avec bon nombre de témoins qu’il n’y a en fait qu’un seul contribuable et que le fardeau fiscal que ce contribuable est disposé à assumer — et est capable de supporter — est limité. Ce qui se peut en théorie n’est pas forcément applicable concrètement. Par ailleurs, les gouvernements provinciaux et territoriaux souhaitent adopter des politiques encourageant la croissance économique. Un régime fiscal provincial ou territorial qui n’est pas concurrentiel par rapport à celui en vigueur dans les autres provinces et territoires ou à l’étranger freine cette croissance. De nombreux représentants des gouvernements provinciaux nous ont affirmé qu’il n’est pas envisageable de comprimer les dépenses compte tenu de la hausse des coûts dans les soins de santé, l’éducation postsecondaire et les services sociaux. Les gouvernements provinciaux et territoriaux se trouvent dans une situation difficile : ils estiment ne pouvoir ni augmenter les impôts ni limiter les dépenses au titre des services publics dont ils sont responsables aux termes de la Constitution.

Le Sous-comité comprend bien l’argument avancé par certains témoins selon lesquels la fédération canadienne n’a sans doute jamais connu d’équilibre fiscal et que cette notion n’est peut-être pas compatible avec la notion de fédération. Nous estimons néanmoins que l’évolution des arrangements fiscaux conclus entre les gouvernements fédéral et provinciaux ou territoriaux s’est traduite par un déséquilibre fiscal croissant au sein de la fédération. À notre avis, l’actuel déséquilibre fiscal vertical — dont on ne peut mesurer précisément l’ampleur et qui varie selon les provinces ou territoires et évolue avec le temps — est une conséquence directe de la décision prise unilatéralement par le gouvernement fédéral de réduire sa participation financière aux grands programmes sociaux, notamment en matière de santé.

Pour le Sous-comité, les projections présentées dans l’étude du Conference Board du Canada sont convaincantes. Nous croyons que le gouvernement fédéral continuera de dégager des excédents budgétaires et que les gouvernements provinciaux et territoriaux devront faire face à des dépenses au titre des soins de santé, entre autres, qui iront croissant. Il y a donc de toute évidence un problème. Quels que soient les termes utilisés, il est indéniable que le gouvernement fédéral dispose aujourd’hui et disposera dans un avenir prévisible de ressources plus importantes qu’il n’est nécessaire pour assumer ses responsabilités, et que les provinces et territoires seront dans la situation inverse. Il faut donc rééquilibrer la situation. Nous devons agir dès maintenant au nom du contribuable qui doit payer des impôts au niveau fédéral et provincial et qui s’attend, à juste titre, à bénéficier de services publics de grande qualité à ces deux niveaux.

LE DÉSÉQUILIBRE FISCAL VERTICAL : QUELLES SOLUTIONS?

A.        Le point de vue des témoins

Les témoins ont présenté en gros deux solutions pour corriger le déséquilibre fiscal vertical : accroître les transferts pécuniaires du gouvernement fédéral aux administrations provinciales et territoriales ou réduire la marge fiscale du gouvernement fédéral au profit des provinces et territoires — donc transfert de points d’impôt — dans ce second scénario, le gouvernement fédéral partagerait avec les provinces et territoires un pourcentage établi des revenus qu’il tire d’une assiette fiscale précise, ou bien il abaisserait à titre permanent ses taux d’imposition pour accroître la marge fiscale des provinces et territoires de telle sorte que ces derniers puissent accroître les leurs en conséquence, si tel est leur désir.

Les témoins en faveur d’une hausse des transferts pécuniaires du gouvernement fédéral ont signalé qu’il était nécessaire que ce dernier dispose de revenus fiscaux suffisants pour assurer des programmes nationaux de redistribution de la richesse et honorer ses obligations constitutionnelles. M. Boadway préfère l’accroissement des transferts pécuniaires aux transferts de points d’impôt, car, à son avis, les gouvernements sont essentiellement des institutions de redistribution de la richesse et le gouvernement fédéral applique des politiques qui reflètent ses objectifs d’équité nationale. Pour lui, l’existence d’un impôt fédéral sur le revenu, d’un système d’assurance-emploi et de régimes de pension est la reconnaissance du rôle légitime que joue le gouvernement fédéral pour ce qui est de poursuivre des objectifs de redistribution de la richesse à l’échelle de la nation.

Certains témoins se sont dits opposés aux transferts de points d’impôt, estimant que ceux-ci sont plus avantageux pour les provinces et territoires ayant la meilleure capacité fiscale. Le transfert de points d’impôt conduirait à un régime fiscal plus fragmenté qui favoriserait les provinces et territoires mieux nantis et exacerberait les problèmes de disparité provinciale sur le plan de la capacité fiscale. Plus grande est la marge fiscale des provinces et des territoires, plus forte est l’importance du Programme de péréquation et plus élevé est le coût du Programme pour le gouvernement fédéral. Les points d’impôt sont surtout appréciés des provinces et territoires où les revenus sont relativement élevés; celles dont les résidents ont des revenus relativement faibles devraient accroître leurs taux d’imposition davantage en termes relatifs pour obtenir un montant équivalent de revenus fiscaux grâce à la marge fiscale libérée. Quoi qu’il en soit, la capacité fiscale des provinces et territoires où les revenus sont relativement faibles serait alors relativement moindre, ce qui signifie des droits à péréquation plus importants au bout du compte.

Pour plusieurs témoins, il est plus facile pour le gouvernement fédéral de conserver des normes nationales si une portion substantielle de ses contributions au titre de la santé, de l’éducation postsecondaire et des programmes sociaux se fait sous forme de transferts pécuniaires. C’était l’opinion du premier ministre de la Saskatchewan, selon lequel le Canada est un pays où, que l’on réside en Saskatchewan ou à l’Île-du-Prince-Édouard, on peut s’attendre à avoir raisonnablement accès à un service ou un programme. Et, pour lui, cet accès ne peut être garanti que par des normes nationales dans des domaines comme les soins de santé et non par un transfert de points d’impôt.

Les témoins qui prônaient un transfert de points d’impôt ont soutenu que le système actuel de transferts pécuniaires s’accompagne d’un manque de reddition de comptes, puisqu’un ordre de gouvernement dépense des fonds perçus par un autre ordre. Pour eux, le transfert de marge fiscale aux gouvernements provinciaux et territoriaux afin que ces derniers puissent honorer leurs responsabilités constitutionnelles consoliderait les mécanismes de reddition de comptes au sein de la fédération.

D’après l’Institut C.D. Howe, l’Institut Fraser et le Business Council of British Columbia, dans le système actuel, les contribuables ne savent pas véritablement quel ordre de gouvernement est chargé d’un service public donné et ne savent donc pas à quel ordre de gouvernement demander des comptes. Pour l’Institut C.D. Howe, la cohérence et la durabilité sont menacées lorsque des provinces ou territoires s’engagent à fournir des services pour lesquels ils n’ont pas réuni le financement nécessaire; parallèlement, le gouvernement fédéral perçoit des revenus et finance des services qu’il n’est pas chargé d’offrir et dont il ne peut garantir la prestation. L’Institut estime que la cohérence et la durabilité sont des résultats probables lorsque les provinces et les territoires assument la responsabilité de la perception des revenus fiscaux d’un montant plus ou moins équivalant à leurs engagements de dépenses et lorsque le gouvernement fédéral adopte le rôle plus limité qui consiste à combler les écarts de capacités des provinces et des territoires de financer les services dont ils sont responsables.

Le transfert de points d’impôt présente, selon des témoins, un autre avantage, puisque sa valeur augmente à mesure que croît l’économie, ce qui se traduit par un financement plus prévisible pour les administrations provinciales et territoriales. De même, en misant moins sur les transferts fédéraux, ces dernières peuvent éviter tout risque de modification unilatérale des arrangements fiscaux.

Le Saskatchewan Institute of Public Policy voit dans le transfert de points d’impôt le dernier moyen efficace pour limiter le recours unilatéral au pouvoir de dépenser fédéral dans les domaines de compétence provinciale et territoriale. Il est d’avis que la marge fiscale occupée actuellement par le gouvernement fédéral est à l’origine du déséquilibre fiscal : il faut donc réduire cette marge fiscale de telle sorte que les deux ordres de gouvernement disposent d’une capacité fiscale leur permettant d’assumer leurs responsabilités constitutionnelles une fois que le Programme de péréquation a égalisé les disparités entre les provinces et territoires.

À propos du pouvoir fédéral de dépenser, le ministre des Finances de la province du Québec a expliqué au Sous-comité qu’en dépensant dans des secteurs comme les services sociaux, les soins de santé, l’éducation postsecondaire et les municipalités, et en créant des conseils ou des institutions qui traitent expressément de questions tombant sous la responsabilité des provinces et territoires, le gouvernement fédéral fausse la prise de décision et les choix budgétaires des administrations provinciales et territoriales. Par conséquent, ce recours unilatéral du gouvernement fédéral à son pouvoir de dépenser doit cesser. C’est également le point de vue qu’a défendu ardemment le Parti Québécois lors de son témoignage devant le Sous-comité.

B.        Le point de vue du Sous-comité

Le Sous-comité est bien conscient qu’il n’existe pas de moyens faciles de régler toutes les questions litigieuses que pose un concept aussi complexe que le déséquilibre fiscal vertical. Mais il faut néanmoins trouver une solution et l’on dispose pour ce faire d’un nombre limité d’outils. Que le déséquilibre vertical soit «  résolu  » par un transfert de marge fiscale du gouvernement fédéral aux administrations provinciales et territoriales ou par une hausse des transferts pécuniaires, nous estimons qu’il faut, pour l’une ou l’autre solution, accroître considérablement le financement fédéral au titre de l’éducation postsecondaire, de l’aide sociale et des services sociaux.

En 1977, au moment où le financement de base dans le cadre du FPE a remplacé les ententes de partage des coûts pour les soins de santé et l’éducation postsecondaire, la contribution pécuniaire du gouvernement fédéral au titre de l’enseignement postsecondaire et de l’assistance sociale — cette dernière assurée par le Régime d’assistance publique du Canada — représentaient environ 34 p. 100 du coût de ces programmes pour les provinces/territoires, tandis que la contribution pécuniaire du gouvernement fédéral au titre de la santé représentait 25 p. 100 environ de l’ensemble des dépenses admissibles des provinces/territoires au titre de la santé. La valeur des points d’impôt transférés équivalait plus ou moins au quart des dépenses admissibles des provinces/territoires au titre de la santé et de l’éducation postsecondaire.

Dans son rapport intitulé Guidés par nos valeurs : l’avenir des soins de santé au Canada, la Commission sur l’avenir des soins de santé au Canada a recommandé qu’au minimum les dépenses futures du gouvernement fédéral au titre de la santé représentent de nouveau à peu près 25 p. 100 des dépenses provinciales et territoriales engagées pour les services assurés par la Loi canadienne sur la santé. Grâce à l'Accord des premiers ministres sur le renouvellement des soins de santé conclu en février 2003 et au Plan décennal pour consolider les soins de santé de septembre 2004 des premiers ministres, la contribution totale fédérale en espèces au titre des soins de santé représente aujourd’hui près du quart des dépenses des provinces et territoires à ce titre.

L’appui que fournit en espèces le gouvernement fédéral à l’assistance sociale, les services sociaux et l’enseignement postsecondaire en vertu du TCPS est toutefois beaucoup plus faible. Le Sous-comité croit que le gouvernement fédéral a bonifié son investissement en soins de santé et qu’il doit faire de même pour l’éducation postsecondaire, l’assistance sociale et les services sociaux.

Le Sous-comité estime que la contribution du gouvernement fédéral aux dépenses qu’engagent les provinces et les territoires pour l’éducation postsecondaire, l’assistance sociale et les services sociaux devrait être plus élevée. Il nous semble que le gouvernement fédéral peut se permettre un réinvestissement, surtout si celui-ci est étalé dans le temps. En fait, nous estimons qu’il ne peut pas se permettre de ne pas y procéder et qu’il doit effectuer les investissements nécessaires pour la population. C’est pourquoi, le Sous-comité recommande :

RECOMMANDATION 3 :

Que le Transfert canadien en matière de programmes sociaux soit restructuré et comporte deux transferts distincts : un transfert pour appuyer l’éducation postsecondaire et un autre pour appuyer l’assistance sociale et les services sociaux.

RECOMMANDATION 4 :

Que le transfert en espèces du gouvernement fédéral aux gouvernements provinciaux/territoriaux, en vertu de chaque composante restructurée du Transfert canadien en matière de programmes sociaux, soit bonifié de telle sorte que la contribution fédérale atteigne un taux comparable à ce qui fut accordé ces dernières années pour les soins de santé.  Cette augmentation devrait être instaurée graduellement sur une période de quatre ans, sans compromettre la politique fédérale actuelle d’équilibre budgétaire.

Le recours unilatéral par le gouvernement fédéral à son pouvoir de dépenser dans des domaines de compétence exclusive des provinces et des territoires aux termes de la Constitution inquiète le Sous-comité. Ce dernier estime que c’est parce qu’il y a déséquilibre fiscal vertical que le gouvernement fédéral peut intervenir unilatéralement dans de tels champs comme l’infrastructure, l’éducation et les collectivités. Cette intervention fausse la prise de décisions stratégiques des provinces et des territoires et crée une incertitude — et peut-être même des pressions d’ordre budgétaire — pour ceux-ci si le gouvernement fédéral décidait de réduire son appui. Éliminer le déséquilibre fiscal vertical de la manière que nous recommandons réduirait les possibilités d’une telle intervention de la part du fédéral.

LE DÉSÉQUILIBRE FISCAL HORIZONTAL : DÉFINITION ET AMPLEUR

A.        Le point de vue des témoins

Les témoins ayant comparu devant le Sous-comité étaient unanimes pour ce qui est du déséquilibre fiscal horizontal : il existe bel et bien et son redressement est la raison justifiant le Programme de péréquation et la Formule de financement des territoires. Un certain nombre de témoins ont expliqué que, dans une fédération, certaines régions seront toujours plus riches que d’autres. On nous a rappelé que le principe fondamental du Programme de péréquation se trouve au paragraphe 36(2) de la Loi constitutionnelle, selon lequel des paiements de péréquation sont versés aux gouvernements provinciaux afin que ceux-ci disposent des revenus nécessaires pour fournir des services publics d’un niveau raisonnablement comparable à des niveaux d’imposition raisonnablement comparables. Nos témoins se sont dits en faveur du maintien de ce principe fondamental.

Pour d’autres toutefois, il est inquiétant que les disparités économiques et budgétaires des provinces aillent croissant, et non l’inverse. De l’avis de plusieurs, notamment le Caledon Institute of Social Policy et le chef du Parti libéral du Manitoba, le déséquilibre fiscal au Canada est horizontal — donc entre les provinces — plutôt que vertical — entre les gouvernements fédéral et provinciaux. On a expliqué au Sous-comité que le déséquilibre fiscal horizontal est une question importante pour le pays et qu’un Programme de péréquation adéquat est un bon outil pour corriger ce déséquilibre. Richard Bird, professeur à l’Université de Toronto, a fait remarquer que, même si le Programme de péréquation n’uniformise pas les règles du jeu, il fait en sorte qu’aucune province ne se trouve complètement isolée. Pour lui, le Programme constitue une assise grâce à laquelle toutes les provinces peuvent se livrer une juste concurrence et représente, dans une certaine mesure, le ciment qui unit le pays. Il a toutefois indiqué qu’y recourir à mauvais escient ou trop souvent pourrait avoir l’effet inverse.

De nombreux témoins, notamment les ministres des Finances des provinces de l’Ontario, du Manitoba et du Québec, ont fait savoir au Sous-comité que le nouveau cadre de la péréquation adopté en octobre 2004 ne nivelle plus les capacités fiscales des provinces (voir graphique 7). Il semblerait que, avec ce nouveau cadre, la capacité fiscale de certaines provinces bénéficiant de paiements de péréquation dépasse celle d’autres provinces qui n’en bénéficient pas.

B.        Le point de vue du Sous-comité

Le Sous-comité reconnaît l’existence de déséquilibres fiscaux horizontaux entre les provinces/territoires et appuie totalement la Formule de financement des territoires et le paragraphe 36(2) de la Loi constitutionnelle, selon lequel :

Le Parlement et le gouvernement du Canada prennent l’engagement de principe de faire des paiements de péréquation propres à donner aux gouvernements provinciaux des revenus suffisants pour les mettre en mesure d’assurer les services publics à un niveau de qualité et de fiscalité sensiblement comparable.

Nous estimons que le Programme de péréquation et la Formule de financement des territoires jouent un rôle indispensable dans la fédération canadienne et contribuent à faire en sorte que chaque Canadien — où qu’il vive — peut recevoir des niveaux analogues de services publics de son gouvernement provincial/territorial pour un niveau de fiscalité analogue. Nous sommes d’avis que la redistribution des revenus des provinces/territoires les mieux nantis aux provinces/territoires moins riches est un rôle fondamental du gouvernement fédéral. Qui plus est, les paiements inconditionnels accordés dans le cadre du Programme de péréquation et de la Formule de financement des territoires permettent au gouvernement fédéral d’assumer ses responsabilités en matière de redistribution de la richesse sans intervenir dans les domaines de compétence des provinces/territoires.

LE DÉSÉQUILIBRE FISCAL HORIZONTAL : QUELLES SOLUTIONS?

A.        Le point de vue des témoins

Certains témoins jugent que le nouveau cadre de la péréquation devrait être abandonné. Luc Godbout, professeur à l’Université de Sherbrooke, estime, par exemple, que ce nouveau cadre éloigne encore plus la péréquation de son objectif constitutionnel. De plus, l’ensemble des droits à péréquation étant préétablis, le plancher — appuyé par certains — pourrait également être perçu comme un plafond; quoiqu’il en soit, les droits ne sont nullement basés sur un véritable écart de capacité fiscale entre les provinces. M. Godbout a ajouté que l’indexation annuelle de 3,5 p. 100, qui peut sembler attrayante, est néanmoins inférieure aux taux de croissance des revenus fédéraux, des dépenses fédérales et du PIB. Il estime qu’à long terme l’ampleur relative des paiements de péréquation ne peut que diminuer. Le ministre des Finances de la province du Manitoba et l’Atlantic Provinces Economic Council ont fait valoir le même argument.

Un certain nombre de témoins, notamment le chef du Parti de la Saskatchewan, ont prôné une réforme du Programme de péréquation auprès du Sous-comité. M. Bird, professeur d’université, estime pour sa part que la formule de péréquation, ainsi que les arrangements connexes, doivent faire l’objet d’un examen. Quant au premier ministre de la Saskatchewan, il a recommandé un examen complet du Programme de péréquation et d’autres moyens de corriger les disparités fiscales des provinces.

L’idée de réforme a suscité un appui massif, quoique les témoins ne se soient pas entendus sur la manière de procéder. L’une des solutions les plus souvent proposées était le rétablissement de la norme des 10 provinces pour le calcul de la capacité fiscale moyenne, qui, de l’avis des témoins, serait plus équitable. La plupart des gouvernements provinciaux et d’autres témoins, comme le chef du Parti conservateur du Manitoba et le chef de l’Action démocratique du Québec, ont fait valoir que la décision prise unilatéralement par le gouvernement fédéral en 1982 d’utiliser la norme des cinq provinces pour établir la capacité fiscale moyenne a diminué artificiellement les droits à péréquation des provinces bénéficiaires. On a également expliqué au Sous-comité qu’un retour à la norme des 10 provinces réduirait l’instabilité des droits à péréquation, qui sont aujourd’hui touchés de manière disproportionnée par la plus ou moins bonne tenue de l’économie ontarienne et que seule la norme des 10 provinces est absolument conforme au paragraphe 36(2) de la Loi constitutionnelle.

Les témoins ont présenté des points de vue divergents à propos de l’inclusion — ou de l’exclusion — des revenus tirés des ressources non renouvelables dans le calcul de la capacité fiscale. Pour certains, toutes les sources de revenus provinciaux — sans exception — doivent être prises en compte dans ce calcul. M. Boadway, professeur d’université, et l’ancien directeur de la Direction des finances intergouvernementales de la province du Manitoba, par exemple, ont fait valoir que le paragraphe 36(2) de la Loi constitutionnelle ne peut être entièrement respecté si les revenus tirés de ressources non renouvelables sont exclus des calculs. On nous a dit que l’objectif du Programme de péréquation, établi dans la Loi constitutionnelle, est l’égalisation de la capacité fiscale des provinces. Pour certains témoins, si le gouvernement fédéral souhaite poursuivre d’autres objectifs stratégiques dans une province, comme encourager le développement économique, il a d’autres moyens à sa disposition que le Programme de péréquation.

Certains témoins se sont dits de l’avis contraire et ont préconisé d’exclure les revenus tirés des ressources non renouvelables dans le calcul de la capacité fiscale, puisqu’il y a une différence fondamentale entre les ressources non renouvelables, qui diminuent de façon permanente après l’extraction, et les autres sources de revenus des pouvoirs publics, qui sont permanentes et renouvelables. Le premier ministre de la Saskatchewan a ajouté que sa province est injustement traitée, les provinces de Terre-Neuve-et-Labrador et de Nouvelle-Écosse ayant conclu des ententes concernant leurs ressources extracôtières selon lesquelles les revenus tirés du pétrole et du gaz ne seront pas pris en compte dans le calcul de leur capacité fiscale. La Saskatchewan est injustement traitée, de l’avis de son premier ministre, car chaque dollar de revenus tirés de ses ressources non renouvelables en pétrole et en gaz se traduit par une réduction d’au moins autant de ses droits à péréquation. Le chef du Parti de la Saskatchewan a soulevé le même point.

Tom Courchene, professeur à l’Université Queen’s, a proposé une variante de la norme des 10 provinces comportant au moins certains revenus provenant de toutes les sources. Il a expliqué que le rétablissement de la norme des 10 provinces aboutirait à de fortes augmentations des droits à péréquation, essentiellement en raison des revenus pétroliers et gaziers de l’Alberta; or ces revenus ne contribuent pas véritablement aux revenus du gouvernement fédéral. Ils constituent une source de revenus exclusivement provinciale et le gouvernement fédéral ne peut imposer de redevance sur les ressources. M. Courchene a proposé que l’on adopte la norme des 10 provinces et que l’on inclue dans la formule de péréquation toutes les sources de revenus non tirés de ressources naturelles et 25 p. 100 des revenus tirés de l’énergie.

Plusieurs témoins ont soutenu que la formule de péréquation est trop complexe, et ne peut être comprise que par un petit nombre d’experts et devrait donc être simplifiée.

Enfin, plusieurs témoins ont fait observer que le Programme de péréquation compte parmi l’éventail d’outils que le gouvernement fédéral peut utiliser pour réduire les disparités de capacité fiscale entre les provinces sur le plan de la capacité fiscale. Ils ont expliqué que les programmes et investissements fédéraux conçus pour encourager le développement économique dans les provinces moins nanties contribuent, par exemple, à réduire les disparités fiscales et économiques. M. Boadway a aussi signalé que les transferts fédéraux au titre des programmes de santé et des programmes sociaux sont des mécanismes de péréquation efficaces, puisque le gouvernement fédéral perçoit des revenus à l’échelle nationale et les redistribue également aux provinces et territoires en fonction de leur population.

Le Sous-comité a entendu divers points de vue sur le groupe d’experts établi dans le nouveau cadre pour la péréquation et la Formule de financement des territoires. Plusieurs témoins se sont dits inquiets du processus de nomination des membres de ce groupe et certains ont fait remarquer que quelques candidats n’ont pas l’expertise voulue dans le domaine de la péréquation ou ont déjà exprimé un parti pris au sujet du Programme. Quelques témoins ont soulevé le fait que les provinces et les territoires n’étaient pas représentés au sein du groupe et que ce dernier avait un mandat trop limité et qu’il devrait aussi être chargé d’examiner le bien-fondé du facteur de progression de 3,5 p. 100.

D’autres témoins étaient davantage en faveur du groupe d’experts et de son travail. Ils espéraient que ce dernier serait en mesure de recommander une solution à long terme, bien que l’on se soit inquiété du fait que le gouvernement fédéral n’est pas tenu d’en adopter les recommandations.

B.        Le point de vue du Sous-comité

Le Sous-comité partage l’opinion des témoins pour lesquels le nouveau cadre de péréquation et de la Formule de financement des territoires — en particulier le facteur de progression de 3,5 p. 100 — ne permet pas au gouvernement fédéral d’assumer pleinement le rôle de redistribution de la richesse que lui confère la Loi constitutionnelle et ne contribue pas à une égalisation de la capacité fiscale des provinces/territoires. À la lumière des divers témoignages concernant le Programme de péréquation et la façon dont celui-ci devrait être réformé, nous sommes convaincus que — indépendamment de l’examen du groupe d’experts —il faut revoir en profondeur le Programme de péréquation et le réformer au besoin. En conséquence, nous sommes dans l'attente des conclusions au sujet du Programme de péréquation et de la Formule de financement des territoires qui seront présentées dans le prochain rapport du comité consultatif du Conseil de la fédération sur le déséquilibre fiscal.

CONCLUSION

Comme on a pu le constater, la majorité des témoins entendus par le Sous-comité croient qu’il existe un déséquilibre dans la fédération canadienne et qu’un équilibre doit être trouvé. Il y a un déséquilibre fiscal vertical, et le nouveau cadre pour la péréquation et la formule de financement des territoires ne règle pas véritablement le déséquilibre fiscal horizontal. Le gouvernement fédéral perçoit plus de revenus fiscaux qu’il ne lui en faut pour s’acquitter de ses obligations constitutionnelles, et les provinces et territoires n’en ont pas assez pour s’acquitter de leurs responsabilités.

Le Sous-comité a déjà défini un certain nombre de principes que les arrangements fiscaux fédéraux-provinciaux-territoriaux devraient respecter : adéquation, durabilité, équité, transparence, imputabilité et compatibilité avec les responsabilités constitutionnelles. Nous croyons que tout changement apporté aux arrangements fiscaux de la fédération doit — sans exception — respecter ces principes.

Tous les citoyens veulent et méritent des services publics de grande qualité, et veulent en profiter sans payer des impôts excessifs. Souvent, le contribuable voit l’ensemble des taxes qu’il paie et ne fait pas la distinction entre l’impôt payé au fédéral, celui payé à la province ou au territoire, et les services publics fournis par chaque ordre de gouvernement. De l’avis du Sous-comité, cette situation engendre un manque de transparence et d’imputabilité; nous croyons que ces principes seraient renforcés si le gouvernement fédéral et les provinces et territoires engageaient des dépenses dans leurs domaines de compétence respectifs, tel que définis dans la Loi constitutionnelle, ce qui constitue un troisième principe. De plus, ces deux principes que sont la transparence et l’imputabilité seraient améliorées si le Transfert canadien en matière de programmes sociaux était divisé en deux parties : l’éducation postsecondaire, et l’aide sociale et les services sociaux. Ces changements permettraient de respecter deux des six principes que nous jugeons importants.

En outre, le Sous-comité croit que les trois autres principes — adéquation, durabilité et équité — seraient respectés par un examen continu de la capacité fiscale des provinces et des territoires et un examen du niveau des transfert fédéraux requis pour que les citoyens du Canada bénéficient de services publics de première qualité. Comme les arrangements ponctuels peuvent nuire à ces principes, qu’ils sont déstabilisants et qu’ils faussent la prise de décisions des provinces/territoires, nous croyons que le gouvernement fédéral ne devrait pas conclure d’accords bilatéraux avec les provinces ou les territoires. En fait, pour l’avenir de la fédération — et dans l’intérêt du contribuable unique — il faut une approche globale en matière d’arrangements fiscaux fédéraux-provinciaux/territoriaux qui réponde aux besoins de tous.

Le Sous-comité reconnaît également la valeur des témoignages du ministère des Transports de la Colombie-Britannique sur le déséquilibre dans l’infrastructure des transports, de l’Union des producteurs agricoles et du premier ministre de la Saskatchewan sur le soutien à l’agriculture, et d’un certain nombre de témoins sur le déséquilibre entre les gouvernements provinciaux, territoriaux et municipaux. Des arguments valables ont été présentés sur chacune de ces questions, mais nous ne formulerons pas de recommandation à cet égard, l’objet de notre rapport étant quelque peu différent. Toutefois, nous invitons les parties concernées à prendre des mesures dans leur secteur pour contribuer à la prospérité du Canada.

Le Sous-comité croit que l’application complète et rapide de ses recommandations aurait de nombreux avantages : la fédération retrouverait l’équilibre dont elle a besoin; les six grands principes de transparence, d’imputabilité, de responsabilité constitutionnelle, d’adéquation, de durabilité et d’équité seraient respectés; et des mesures seraient prises dans l’intérêt du contribuable unique. Le déséquilibre fiscal existe. Il est urgent de retrouver un équilibre. C’est le moment d’agir.



1Ministère des Finances, «  Le ministre des Finances dépose un projet de loi pour la mise en œuvre du nouveau cadre pour la péréquation et la Formule de financement des territoires  », Communiqué, 23 novembre 2004, http://www.fin.gc.ca/news04/04-072f.html.
2Suivant les estimations d’octobre 2004, la Saskatchewan et la Colombie-Britannique profiteront de cette protection individuelle, laquelle représente au total 774 millions de dollars de plus en paiements de péréquation.
3Cabinet du premier ministre, «  Le premier ministre annonce le nouveau cadre de la péréquation et de la Formule de financement des territoires  », Communiqué, 26 octobre 2004, http://www.pm.gc.ca.
4Le budget fédéral de 1999 a modifié la formule de calcul pour passer à un montant égal par habitant en 2001-2002. Avant 1999, la partie du TCSPS qui représentait le RAPC continuait d’être allouée suivant les besoins.