Passer au contenu
Début du contenu

CHPC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain







CANADA

Comité permanent du patrimoine canadien


NUMÉRO 065 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le vendredi 25 mai 2007

[Enregistrement électronique]

  (1345)  

[Traduction]

    Soyez les bienvenus cet après-midi. Cet après-midi, lors de sa 65e séance, le Comité permanent du patrimoine canadien poursuit, conformément à l'article 108(2), son enquête approfondie du rôle d'un diffuseur public au XXIe siècle.
    Je vous fais d'avance mes excuses, car je m'efforce de parler un peu en français, et je vais le faire en annonçant le nom des organisations qui vont être nos témoins.
    Nous souhaitons la bienvenue cet après-midi à l'Association des producteurs de films et de télévision du Québec et à l'Association des réalisateurs et des réalisatrices du Québec.
    Excusez-moi encore, mais j'ai fait mon possible.
    Soyez les bienvenus. Nous allons avoir de bonnes discussions cet après-midi.
    Qui va parler en premier?
    Madame Samson, voulez-vous commencer?

[Français]

    Bonjour. Je m'appelle Claire Samson et je suis présidente et directrice générale de l'APFTQ, l'Association des producteurs de films et de télévision du Québec. Je suis accompagnée du président du conseil d'administration de notre association, M. Vincent Leduc, qui, dans la vie de tous les jours, est vice-président de Zone 3, l'une des plus importantes maisons de production télévisuelle indépendantes au Québec.
    Comme vous le savez sûrement, l'APFTQ représente la très grande majorité des entreprises indépendantes de production de films et de télévision du Québec. Nos membres font affaire régulièrement avec l'ensemble des diffuseurs québécois privés et publics, conventionnels et spécialisés. Dans le mémoire écrit que nous vous avons soumis en février dernier, nous avions formulé quatre grands principes généraux qui, à notre avis, devraient guider le Comité permanent du patrimoine canadien dans son enquête sur le rôle du diffuseur public national au XXIe siècle. Je vais d'abord rappeler ces quelques principes et ensuite demander à Vincent de vous exposer brièvement les raisons qui nous poussent à les mettre de l'avant.
    Le premier principe est celui de l'importance qui doit continuer d'être accordée à l'existence d'un diffuseur public national fort dans l'environnement qui caractérise ce début de XXIe siècle. Le second principe est la nécessité d'assurer que ce diffuseur public national reçoive des crédits parlementaires annuels d'une ampleur suffisante pour lui permettre de remplir adéquatement la mission que lui confie la Loi sur la radiodiffusion. Le troisième principe est la nécessité de conserver le caractère généraliste de la programmation des réseaux de télévision de base de Radio-Canada tout en accordant la priorité à certaines catégories d'émissions. Le dernier principe, mais non le moindre, est que le diffuseur public national doit jouer un rôle exemplaire et de premier plan en matière de recours à la production indépendante.
    Monsieur le président, dans un univers médiatique de plus en plus fragmenté, où se multiplient les services de radiodiffusion classiques comme les nouvelles fenêtres et plateformes de diffusion, il est plus que jamais essentiel de conserver ce point d'ancrage qui relie tous les Canadiens que constitue un diffuseur public national, un diffuseur dont la programmation distinctive, diversifiée et très majoritairement canadienne est largement accessible dans toutes les régions du Canada et se décline dans les deux langues officielles aussi bien à la radio qu'à la télévision et dans les nouveaux médias. Pour nous, la reconnaissance de ce principe est primordiale, car elle est au coeur de ce qui caractérise le système canadien de radiodiffusion depuis des décennies et qui devrait continuer, croyons-nous, de le caractériser pour le siècle à venir, c'est-à-dire l'existence de composantes publiques et privées, toutes deux solidement enracinées et fortes, qui se complètent et s'émulent, offrant ainsi aux citoyens canadiens une réelle diversité de programmation et de voix éditoriales.
    Il va sans dire qu'un tel diffuseur public national ne peut jouer pleinement son rôle qu'à la condition de disposer de ressources financières adéquates. Il est très important que ces ressources proviennent majoritairement de l'État, des crédits parlementaires. En effet, ce qui distingue un diffuseur public d'un diffuseur privé, c'est que le premier n'est pas majoritairement dépendant des lois du marché et des revenus commerciaux. C'est cette indépendance qui lui permet d'accorder préséance à l'intérêt public et aux objectifs sociaux et culturels de la loi. C'est cette indépendance qui est garante du caractère distinctif et complémentaire de sa programmation et de sa capacité à remplir sa mission de service public.
    D'autre part, les ressources financières en provenance de l'État doivent être d'une ampleur suffisante pour lui permettre d'accomplir dans toute sa plénitude le mandat que lui confie la Loi sur la radiodiffusion. À cet égard, s'il est vrai, comme le soutient CBC/Radio-Canada, qu'entre 1990 et 2005, les crédits parlementaires qui lui ont été alloués n'ont progressé que de 2,3 p. 100 en dollars courants et ont régressé de 33 p. 100 en dollars constants, soit près de 375 millions de dollars canadiens, il y a de quoi s'inquiéter, monsieur le président. Il est surtout urgent de corriger le tir et de redonner à CBC/Radio-Canada les moyens de ses ambitions et la pleine capacité de remplir la mission que lui a confiée le législateur. Il est aussi essentiel, selon nous, que les réseaux de télévision de base de Radio-Canada continuent d'être généralistes et d'offrir à la population canadienne une gamme diversifiée et équilibrée d'émissions d'information et de divertissement de tous les genres.
    Radio-Canada doit tenter de rejoindre tous les segments socioéconomiques et groupes d'âge au sein de la population canadienne en proposant des émissions et des genres variés susceptibles de répondre aux besoins, aux goûts et aux attentes des hommes, des femmes et des enfants canadiens. Bien sûr, cette mission généraliste n'est pas incompatible avec la nécessité d'accorder la priorité à certaines catégories d'émissions qui sont insuffisamment présentes dans la composante privée du système de radiodiffusion ou qui revêtent une importance exceptionnelle en matière de valorisation de la créativité artistique et de l'identité culturelle québécoise et canadienne. Dans le contexte actuel, Radio-Canada devrait consentir des efforts particuliers pour encourager la production d'émissions originales canadiennes dans les secteurs suivants: les dramatiques, les émissions pour enfants, les documentaires et les émissions culturelles.
    La Loi sur la radiodiffusion stipule que la programmation offerte par le système canadien de radiodiffusion doit faire appel de façon notable aux producteurs canadiens indépendants. Cette obligation contribue à une diversification essentielle des lieux de création et offre en retour à des milliers de créateurs, d'artistes et artisans canadiens pigistes une diversité des voies d'accès au système canadien de radiodiffusion. Ce sont là des acquis essentiels qui ne doivent être ni remis en question ni compromis.
    En cette époque où, dans le secteur privé, le niveau de concentration de propriété, de convergence, d'intégration verticale et de propriété croisée multimédia s'accroît sans cesse, il est indispensable que le diffuseur public national joue un rôle exemplaire et accru en matière de soutien au développement d'un milieu de production indépendante canadien polyvalent, pluriel et dynamique.

  (1350)  

    C'est pourquoi nous croyons qu'une portion croissante des dépenses annuelles de programmation originale canadienne de Radio-Canada devrait être statutairement allouée au financement d'émissions indépendantes produites par une grande variété de producteurs canadiens dans tous les champs de programmation que nous avons identifiés comme prioritaires.
    Claire, voulez-vous conclure?
    Merci.
    Nous espérons que ces quelques principes, simples mais fondamentaux, pourront aider le comité à préciser la mission de notre diffuseur public national et à convaincre le Parlement canadien de le doter de ressources financières adéquates pour la remplir. Nous croyons que la mise en oeuvre de ces quatre principes est essentielle si les Canadiens veulent conserver un système de radiodiffusion dynamique, performant et ouvert à la diversité.
    Nous vous remercions de votre attention et nous sommes, bien sûr, disposés à répondre à vos questions.
    Merci.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Nous allons maintenant passer la parole à Monsieur Jean-Pierre Lefebvre.

[Français]

    Monsieur le président, messieurs, je vous présente Lise Lachapelle, qui est directrice générale de l'Association des réalisateurs et des réalisatrices du Québec. Merci de nous accueillir.
    On pourrait s'en aller, car on est d'accord sur ce que viennent de dire les producteurs. D'ailleurs, qui dira que nous ne sommes pas d'accord avec eux? Donc, il y aura unanimité, en quelque sorte, entre ce que nous avons à vous dire, ce que nous vous avons écrit et ce que les producteurs viennent de vous dire.
    Je vous rappelle que nous représentons environ 550 réalisateurs pigistes au Québec et que nous avons la reconnaissance de tout le territoire québécois pour tous les films tournés en toutes langues, sauf ceux tournés en anglais, qui appartiennent à nos collègues du Conseil du Québec de la Guilde canadienne des réalisateurs. Donc, nous sommes les premiers clients de Radio-Canada. Nous sommes sur la ligne de front avec les producteurs. Pour cette raison, nous souhaitons à peu près que les mêmes choses se maintiennent, d'une part, et, d'autre part, qu'elles soient accrues dans d'autres secteurs.
    Je vais lire brièvement le préambule que vous avez sans doute entre les mains. Depuis sa fondation, la Société Radio-Canada a joué un rôle historique indéniable et capital dans le développement de la communication et de la création au Canada et peut-être encore davantage au Québec, où elle a permis l’enracinement et la floraison d’une langue et d’une culture uniques en Amérique du Nord.
     Certes, le paysage télévisuel, celui qui nous concerne directement, s’est substantiellement transformé depuis une quarantaine d’années avec la venue des chaînes privées, de la télé à péage, des chaînes spécialisées et de l’Internet. Ces bouleversements, toutefois, plutôt que de mettre en jeu le rôle de la SRC, en démontrent au contraire l’absolue nécessité. Ils démontrent qu’à l’instar de son modèle originel, la BBC, elle doit rester le lieu privilégié d’échanges et de créations démocratiques, libres de diktats politiques et commerciaux. Nous affirmons même qu’elle ne survivra qu’à la condition de se démarquer de ses concurrents directs et indirects, et d’ouvrir ses antennes aux populations et aux cultures diverses qui cohabitent d’un océan à l’autre, soit le Pacifique, l’Arctique et l’Atlantique, et non pas, comme l'a déjà dit Jean Chrétien, « d'un Atlantique à l'autre ».
     Enfin, si le seul paysage télévisuel constitue l’objet de nos réflexions, nous croyons que le modèle de la radio de la SRC, toutes chaînes confondues, montre la voie à suivre en consacrant de belle et efficace manière l’ensemble de ses activités à l’information et à la culture.
     Je ne ferai pas lecture des onze principes et recommandations que vous retrouverez dans notre mémoire. Nous voulons que Radio-Canada soit indépendante, pluraliste, qu'elle ne soit pas privatisée, qu'elle soit une télévision de pointe qui montre l'exemple, une télévision populaire, mais pas populiste.
     J'insisterai peut-être sur un point, soit la recommandation n° 8 qui dit que:
La SRC doit contribuer davantage à la croissance du cinéma québécois et canadien en investissant de manière substantielle  — ou peut-être même obligatoire — dans le développement, la production et la diffusion des films.
    C'est curieux à dire, mais je pense que cela aiderait beaucoup, surtout le Canada anglais, si une telle mesure existait. Vous savez que le Canada anglais a beaucoup de difficulté à l'égard du contact à faire avec son auditoire. Le Québec réussit beaucoup mieux. N'empêche qu'il pourrait aussi profiter d'une aventure conjointe entre l'industrie privée du long métrage ici, au Canada, et la société d'État.
    Ce système existe dans plusieurs autres pays du monde. En particulier, le modèle français produit un nombre incroyable de longs métrages pour la télévision. Nous y avons toujours vu une façon de mettre de l'avant des productions en plus grand nombre et aussi de former tous les niveaux de techniciens, de comédiens de même que le public.

  (1355)  

    En conclusion, nous disons que Radio-Canada doit être le véhicule privilégié d'information, de connaissances et de culture entre et pour tous les Canadiens. Nous insistons sur le fait que, comme je l'ai dit, elle peut être une télévision populaire, mais il lui faut à tout prix éviter les pièges du populisme.
    Sans Radio-Canada, sans CBC, nous ne voyons pas comment pourrait se maintenir et progresser la culture au Canada. La culture, c'est une chose qui se cultive, qui s'enseigne. Prenez l'état de la gastronomie aujourd'hui à Toronto par rapport à il y a 40 ans et vous vous rendrez compte que le Canada anglais a fait un bon extraordinaire. Donc, il ne faut pas penser donner aux gens le fast food culturel qu'ils réclament à tout prix sous prétexte que c'est plus payant que le culturel. Il ne faut pas tomber dans ce piège. Au contraire, il faut que Radio-Canada et le gouvernement fédéral affirment de plus en plus leur mission d'informateurs, d'agents culturels canadiens pour tous et entre tous les Canadiens.
    C'était là l'essentiel de ce que nous avions à vous dire, en plus de ce que je n'ai pas lu. Merci beaucoup de votre attention.

[Traduction]

    Nous vous remercions.
    M. Scarpaleggia va vous poser la première question.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue et merci pour vos présentations.
     En fait, je crois que tout le monde ici est sur la même longueur d'onde. On comprend tous le rôle du radiodiffuseur public et on veut qu'il affirme la culture, la diversité d'opinion, une programmation généraliste mais pas superficielle. On est tous d'accord à cet égard.
    Évidemment, beaucoup de groupes comme les vôtres se présentent devant nous pour demander parfois des sommes additionnelles afin d'appuyer leur radiodiffuseur public. Certains diraient que vous prêchez pour vos paroisses. Vous dites que vous voulez développer davantage de produits, et SRC/CBC est la seule qui s'intéresse aux oeuvres culturelles canadiennes. Il faut le dire, je crois. Donc, comme le gouvernement est le distributeur des fonds, vous aimeriez qu'il en donne davantage à Radio-Canada. Vous avez mentionné l'idée de statuer sur l’octroi d’une enveloppe budgétaire dédiée à la production de films. En ce sens, je pense que vous avez raison.
    Par ailleurs, il faut parler un peu d'imputabilité. Vous ne l'avez peut-être pas mentionné, mais d'autres ont dit qu'en même temps, on enlève les publicités parce qu'il faut enlever l'impératif commercial si on veut un vrai bon produit culturel.  Alors, d'où vient l'imputabilité? À la longue, qui va juger de la pertinence du produit que SRC/CBC met en onde? Qu'est-ce qui empêcherait SRC/CBC de diverger vers un champ où les Canadiens ne sont plus, faisant en sorte que cela joue contre ses intérêts à long terme? Les Canadiens et les Canadiennes pourraient dire, à un moment donné, qu'ils ne l'écoutent pas, alors, pourquoi cela devrait-il être subventionné? On a même accueilli des gens qui haïssent SRC/CBC. J'en connais beaucoup qui n'écoutent pas SRC/CBC. Ils se demandent de plus en plus pourquoi on la subventionne.
    Dans l'intérêt de tous, comment pourrait-on assurer une imputabilité? Il faudrait peut-être conserver la publicité afin de savoir si les commanditaires jugent que la programmation est pertinente, et ce, sans aller trop loin ou sans que cela devienne un impératif commercial.
    Je vous pose en quelque sorte une question philosophique. 

  (1400)  

    À l'heure actuelle, Radio-Canada, en tant que télédiffuseur généraliste, fait appel aux crédits publics et dépend du marché pour une certaine partie de ses revenus. On dirait en anglais « it keeps her honest », et elle a intérêt à être gardée comme telle. Je pense que tout le monde veut une Société Radio-Canada forte. Je suis d'accord avec vous pour dire qu'elle doit aussi être pertinente. Une partie de sa pertinence va venir du fait que le public va l'écouter. Radio-Canada joue un rôle important de leader dans les marchés télévisuels. C'est toujours là que s'est faite la meilleure télévision au Canada, et c'est là que se créent les normes, les jalons à partir desquels les autres se mesurent.
    Je pense qu'au Québec — et Jean-Pierre va être d'accord avec moi, je crois —, plus Radio-Canada est performante et plus la qualité de ses produits est bonne, plus les autres intervenants du milieu vont dans cette direction. C'est comme la saucisse Hygrade, si vous voulez. Dans le financement mixte actuel de Radio-Canada, les fonds publics sont prépondérants, ce qui préserve l'indépendance, l'audace et la créativité de la société, de même que les notions culturelles. L'aspect commercial, qui génère une partie de ses revenus, équilibre sa pertinence. Je trouve que le modèle actuel n'est pas mauvais en soi.
    Vous n'êtes pas insatisfait du modèle existant?
    Bien sûr, il pourrait être peaufiné. Si vous me demandiez mon avis sur une émission ou un champ de compétence donné, je pourrais dire que je n'en veux pas, alors que ce serait le contraire pour quelqu'un d'autre. Il reste que dans l'ensemble, je pense que le modèle actuel est...
    Êtes-vous satisfait de la programmation?

[Traduction]

    Monsieur Scarpaleggia, il me semble que M. Lefebvre pourrait dire quelque chose.

[Français]

    Puisque nous voulons absolument que Radio-Canada reste une télévision généraliste plutôt que de devenir l'équivalent d'ARTV, de Télé-Québec ou de PBS, il est évident que la publicité doit être l'une des composantes. L'Association des réalisateurs et réalisatrices du Québec ne prône absolument pas l'élimination de la publicité. La grande erreur de Radio-Canada, du moins au Québec francophone, a été d'abolir le hockey, ce que n'a pas fait la CBC. Dieu merci, l'équipe d'Ottawa va participer aux finales, que je suis au moins sûr de voir à la CBC. Je ne les verrai pas à Montréal. Cela nous coûte, à mon fils et à moi qui sommes amateurs de sport, 700 $ par année pour voir des sports qui étaient diffusés à Radio-Canada auparavant. On a pu commencer à mesurer l'impact de la chose sur les ondes de Radio-Canada la fin de semaine passée.
    Je donne cet exemple pour insister sur le fait que Radio-Canada ne doit absolument pas devenir sèche et s'intéresser uniquement à des formes ultimes de culture et d'art. Le bon goût est dans tout, que ce soit dans les sports ou la culture. Mais je dis bien « bon goût ».
    Vous demandiez plus tôt comment la CBC et la SRC pouvaient déterminer si les émissions qu'elles mettent en ondes sont bonnes pour l'auditoire. Je pense que ça va de soi. Quand on travaille auprès du public, qu'on consulte ce dernier et qu'on connaît ses préférences, on peut orienter la programmation de façon à satisfaire son bon goût. Certaines émissions de gastronomie diffusées sur des réseaux culturels de pointe comme PBS, Télé-Québec et Radio-Canada sont vraiment très populaires partout dans le monde. Pour ma part, je les regarde tous.
    On veut une télévision généraliste, mais on ne doit pas tomber dans le mauvais goût. Le bon goût est difficile à définir, mais on sait plus ou moins ce que c'est. Je ne vais pas donner d'exemples de son contraire. Ce serait facile de vous parler de chaînes spécifiques ou même de certaines chaînes de Radio-Canada et de la CBC. C'est du mauvais goût et ça ne marche pas. Il va de soi que les gens qui font la programmation à Radio-Canada ou à la CBC sont compétents et qu'ils doivent écouter leurs collaborateurs, qui, de leur côté, doivent écouter le public. En travaillant de cette façon, Radio-Canada et la CBC vont survivre. C'est une des télévisions essentielles dans l'histoire du monde.

  (1405)  

     Mais si...

[Traduction]

    Vous pouvez poser rapidement une question.

[Français]

     Nous avons reçu ce matin le groupe Réalisatrices équitables. Ces personnes demandaient une plus grande participation des femmes réalisatrices.
    Êtes-vous êtes d'accord pour dire qu'il y a du chemin à faire pour assurer que plus de réalisatrices présentent et distribuent leurs produits? Vous appuyez leur position?
    Vous trouvez qu'il y a une lacune à combler à ce niveau?
    Oui, et je pense que d'autres associations pourraient également appuyer ces personnes éventuellement.
    Merci.
    C'est un regroupement qui vient de chez nous.
    En effet.

[Traduction]

    Aviez-vous quelque chose à dire à ce sujet?

[Français]

    Vincent et moi sommes des anciens de Radio-Canada. Je ne sais pas si c'est le cas de Lise et Jean-Pierre. Nous sommes 12 autour de cette table. Si nous nous retirions chacun de notre côté et que nous préparions notre propre grille de programmation optimale, le résultat serait 18 ou 12 propositions différentes. Radio-Canada doit offrir quelque chose à tout le monde, que ce soit de l'information internationale, des magazines scientifiques, des émissions jeunesse ou de grandes dramatiques canadiennes. Tout le monde doit y trouver son compte, peut-être pas continuellement, mais une partie du temps. C'est la raison pour laquelle Radio-Canada est en quelque sorte condamnée au succès.
     Si ce succès permet aux gestionnaires de Radio-Canada de générer des revenus publicitaires autonomes, je ne vois pas pourquoi le système de radiodiffusion s'en priverait. C'est son succès en matière de cote d'écoute qui génère ces revenus supplémentaires. Il serait difficilement justifiable de s'en passer, vu que ce potentiel existe, au même titre que toute autre ressource dont dispose le pays.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Nous allons faire en sorte que les questions et réponses soient courtes afin que tout le monde puisse intervenir.
    M. Angus.

[Français]

    Je vous remercie de votre présentation. Je crois que la conversation d'aujourd'hui va être profitable. Bien sûr, on nous a dit qu'il fallait augmenter le financement, contribuer au développement de dramatiques et de variétés à la télévision, et nous avons écouté ce message. Cependant, je voudrais discuter aujourd'hui de la nécessité de développer un plan pour les nouveaux médias.

  (1410)  

[Traduction]

    Nous avons entendu dire que les amis de Vidéotron voulaient modifier le FCT parce qu'ils estiment ne pas avoir les coudés franches pour programmer les émissions sur les plates-formes multiples pour une question de droits, et ils aimeraient bénéficier des droits accessoires.
    C'est là une autre question que nous devons aussi soulever. Nous avons vu que l'ensemble du catalogue de la BBC peut être vu à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit parce que la BBC possède tous ses droits. Où que vous soyez dans le monde, il vous est possible de voir la BBC.
    Pourtant, nous avons encore au Canada un système qui nous amène à payer des émissions que l'on va peut-être voir deux ou trois fois et qui resteront ensuite dans les archives. On peut donc bien évidemment se demander si nous parviendrons à entrer dans le XXIe siècle à partir du moment où nous n'avons pas réglé cette question. Nous avons cherché à obtenir ici une réponse à la question de savoir si nous parviendrons à faire passer nos émissions sur toutes les plates-formes multiples.
    Certains radiodiffuseurs accusent les producteurs, certains producteurs accusent les radiodiffuseurs.
    Nous ne savons pas quelle est la valeur financière des émissions diffusées sur Internet. Ce ne sont encore que des spéculations. Mais ne pourrait-on pas élaborer une simple formule en termes de pourcentage pour nous assurer qu'une production, à partir du moment où elle est indépendante, pourrait être vue ad vitam æternam, en fonction d'un certain pourcentage, ou diffuser pendant 10 ans, cinq ans, pour être sûr au moins qu'elle soit disponible partout sur Internet?
    Je pense qu'il y a quelque part une solution. Il y a un an et demi, l'APFTQ a entrepris d'étudier au sein d'un comité des nouveaux droits et les nouvelles plates-formes. Nous avons fait notre travail. Nous avons fait un certain nombre de recherche, par exemple, pour savoir quels étaient les différents modèles dans le monde et comment ils opéraient. Nous avons cherché à aller voir ce qui se faisait ailleurs. Nous avons rédigé un rapport que nous avons remis à tous les radiodiffuseurs du Québec, et nous avons eu la possibilité d'en discuter avec eux.
    Bien entendu, comme vous nous le dites — et vous avez bien raison de le faire — on ne connaît pas encore le modèle économique. Nous ne savons pas encore qui gagne de l'argent sur toutes ces choses, que ce soit YouTube ou toutes les autres productions que nous voyons apparaître dans le monde. Mais bien entendu, nous restons ouverts. Les producteurs ont bien fait comprendre aux radiodiffuseurs que nous étions prêts à examiner le nouveau modèle économique. Nous sommes prêts à en discuter avec les détenteurs des droits: auteurs, comédiens, metteurs en scène, etc. Nous sommes disposés par ailleurs à étudier un modèle de partage des recettes pour ces nouvelles plates-formes. Jusqu'à présent, toutefois, aucun radiodiffuseur n'est venu nous demander ce que nous voulions et quelle était la meilleure façon de faire les choses. Quelle est la part qui doit être conservée par les radiodiffuseurs? Que doit-on attribuer aux détenteurs des droits? Que doivent conserver les producteurs? Dans la pratique, en fait, le radiodiffuseur demande au producteur tous les droits sans limite de temps.
    On ne peut pas les leur vendre. Dans le cadre juridique actuel des relations de travail au Québec, ce n'est pas quelque chose qu'on peut vendre parce qu'on n'en dispose pas. Nous n'avons simplement que des licences d'exploitation d'un produit donné sur une plate-forme XYZ. Cela nous obligerait à revoir l'intégralité de la façon dont nous exploitons nos entreprises depuis 40 ans. Ça ne risque pas de se produire dans l'immédiat. Ce n'est pas quelque chose que l'on peut faire en quelques semaines ou en quelques mois. On ne peut l'envisager qu'à partir du moment où l'on se rendra compte que les radiodiffuseurs sont prêts à prendre part à la discussion. Nous ne pouvons pas décider par nous-mêmes. Jusqu'à présent, les radiodiffuseurs ne nous ont pas indiqué qu'ils étaient intéressés.
    Nous sommes convaincus, d'ailleurs, que la CBC/SRC devrait faire preuve d'initiative dans ce cas précis. C'est le radiodiffuseur public. Si CBC/SRC faisait preuve d'initiative en ce qui a trait à sa façon d'opérer dans ce nouveau cadre, cela ouvrirait certainement une voie dans laquelle pourraient s'engager tous les autres radiodiffuseurs, qu'il s'agisse de Vidéotron, de la COGECO ou de Shaw.

  (1415)  

    C'est ce qui me préoccupe ici, étant donné que par l'entremise du Parlement, nous subventionnons probablement un demi-milliard de dollars par an de productions. Là encore, je ne vois pas pourquoi nous devrions payer une production à partir du moment où la population ne pourra pas la voir dans le nouveau système. Voilà qui me paraît purement et simplement du gaspillage.
    Faut-il donc que le gouvernement intervienne, par l'entremise de ses organismes de subvention, afin d'insister pour qu'il y ait un accord en termes de pourcentage, et qu'à partir du moment où l'on produit une émission, on puisse l'avoir plus d'une ou deux fois et qu'elle puisse être mise à la disposition de ceux qui veulent la voir sur leur téléphone portable?
    Y a-t-il un modèle sur ce point? On en a évoqué un certain nombre. Ainsi, on pourrait prévoir des frais de distribution standard, que ce soit par l'intermédiaire de Radio-Canada ou de TVA, un certain pourcentage étant alors versé aux producteurs. Vous auriez alors l'obligation de payer vos auteurs, les musiciens, tout ce monde là. On ne sait pas si l'on touchera 2¢ ou 10 $ au titre de la publicité dans le cadre de cette émission. Ne faut-il pas cependant que ce pourcentage soit fixé dans les contrats effectivement passés avec Téléfilm, FCT et le fonds de vidéo pour s'assurer que l'on tienne compte de la culture canadienne dans nos investissements? Est-ce que ce modèle est possible?
    C'est une possibilité; bien entendu, c'est une possibilité. Dans l'idéal, les radiodiffuseurs, les producteurs et les détenteurs des droits réussiront à établir entre eux la répartition qu'ils jugent équitables. Si nous partons du principe que tout le monde va se montrer raisonnable et de bonne foi, tout va bien. Toutefois, pour y parvenir, nous devons nous pencher sur l'ensemble de la situation financière... à tous les niveaux de l'exploitation.
    Je vais vous donner un exemple. Vous nous avez parlé de Vidéotron. Nous connaissons le principe de fonctionnement d'Illico, par exemple. Imaginons que mon producteur crée une émission pour TVA, que TVA la fasse passer sur Illico, vidéos à la demande, tout en décidant de ne rien faire payer aux téléspectateurs qui voient cette émissions chez eux. Ces téléspectateurs peuvent voir l'émission ainsi produite à toute heure du jour ou de la nuit, tous les jours de la semaine. Ils n'ont rien à payer en retour.
    TVA dit alors à mon producteur qu'elle ne tire aucune recette de cette émission. Pourtant, au bout du compte, elle en tire des recettes. Elle vend la technique et la machine. Le client paie 87 $ par mois pour avoir la machine chez lui et pouvoir télédécharger l'émission à toute heure de la journée ou de la nuit.
    Il n'est donc pas vrai qu'il n'y a pas de recettes correspondantes. Il y a une société qui bénéficie de cette technique quelque part. C'est la même chose pour Internet. C'est pourquoi tout le monde au sein de l'industrie est prêt à revoir l'ensemble du système. Tout le monde veut s'assurer que l'on ne va pas revoir ce que l'on a vu ces 50 dernières années. Ceux qui ont gagné de l'argent ces 50 dernières années sont surtout les radiodiffuseurs et les distributeurs de film. Malheureusement, il n'y a jamais eu...
    J'ai été radiodiffuseur. J'ai vendu de la publicité pour financer mes émissions. Il ne m'est jamais arrivé, en tant que radiodiffuseur, d'appeler un producteur indépendant pour lui dire : Vous savez, cette émission que vous m'avez vendue? Je pensais avoir 600 000 téléspectateurs, mais finalement elle a été vue par un million de personnes. J'ai pu vendre plus cher les publicités que je ne l'avais prévu, et je vous envoie donc un chèque correspondant à la différence; notre rentabilité a été bien plus grande que prévu.
    Voilà 35 ans que je travaille dans le secteur, et je n'ai jamais agi ainsi. C'est une chose que je n'ai jamais vue.
    Et vous ne risquez pas non plus de la voir.
    Il n'y a donc pas de seuil en termes de pourcentage...
    Absolument pas. Vincent pourra vous le confirmer; je peux produire une émission qui aura un million de téléspectateurs et...
    Mais très logiquement, le contraire peut tout aussi bien se produire. Il se peut que le radiodiffuseur se soit attendu à un million de téléspectateur et qu'il n'y en ait que 500 000 qui voient l'émission. Il ne va pas me pénaliser pour autant. Il n'y a donc aucune restitution d'argent.
    C'est bien vrai.
    Si nous voulions revoir l'ensemble du système, la tâche serait considérable. Qui pourrait faire l'arbitrage lors des 10 prochaines années? Je n'en sais rien. Le défi à relever serait cependant énorme.
    Tout le monde est bien disposé à revoir l'ensemble du système, mais à l'heure actuelle nous sommes aux prises avec mode opératoire qui ne pourra être adapté aux nouvelles technologies.
    Vous avez parfaitement raison, monsieur Angus, il faudra aborder le problème dans les meilleurs délais. Le contribuable canadien paie une partie de la facture, et il est normal qu'il puisse avoir accès aux émissions qu'il subventionne.

  (1420)  

    Très rapidement, M. Lefebvre.

[Français]

    Je suis d'accord avec ce qui vient d'être dit. On est dans un cercle vicieux. En effet, quand les producteurs disent que les télédiffuseurs veulent tous les droits, nous pouvons dire que les producteurs veulent tous les droits. Donc, parce que tout le monde doit se protéger avec tous les droits, nous n'avons plus de droit, d'une part. D'autre part, lors de la confrontation, il faudra que le gouvernement fédéral fasse un effort de rationalisation entre CBC-Radio-Canada et l'Office national du film. Ce sont deux modèles différents. Malheureusement, l'Office national du film fait trop de choses, ayant tous les droits de tout ce qu'il a produit depuis le début des temps.
    C'est ce que je voulais ajouter.

[Traduction]

    Là encore, très rapidement.

[Français]

    J'aimerais revenir sur ce que vient de dire Mme Samson. En fait, le paysage est devenu beaucoup plus complexe, avec la venue de l'Internet. Il n'est plus seulement question d'un nombre donné de diffusions, il est maintenant devenu impossible de compter le nombre de diffusions. Il y a aussi les moyens par lesquels voyagent ces émissions, qui ne sont pas nécessairement des propriétés locales canadiennes. Donc, les véhicules américains rendent également la question plus complexe. En fait, cet élargissement n'est pas seulement au niveau des gens qui y travaillent plus ou moins directement, mais il existe aussi beaucoup au niveau des interlocuteurs.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    M. Kotto.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Bonjour et bienvenue encore une fois.
    Nous allons échanger des propos très rapidement. J'ai beaucoup de questions à vous poser et je vais essayer d'en sélectionner quelques-unes qui sont essentielles et fondamentales.
    Vous avez parlé de la nécessité de doter la SRC de ressources financières adéquates et de moyens nécessaires pour que celle-ci arrive à couvrir la plénitude du mandat qui lui est conféré par la Loi sur la radiodiffusion.
    Comment faire, quand on dépend d'une seule source de financement, qui est politique par surcroît parce qu'elle vient du gouvernement, pour assurer son indépendance par rapport à celui-ci? Comment faire pour éviter les humeurs d'un changement de gouvernement à l'autre? Comment faire pour éviter ces susceptibilités relativement à ses contenus et à ses programmes quand on le tient comme seule source de financement?
    Cela se fait, puisque cela s'est toujours fait. Jusqu'à maintenant, Radio-Canada a réussi, au fil des ans, à garder son autonomie en grande partie, je crois. Il y a peut-être déjà eu des tentatives d'influence quelconques, mais pendant les années où j'y ai oeuvré, on n'en a pas ressenti les secousses à l'interne, évidemment.
    Par contre, cela fait partie de l'histoire de Radio-Canada. La société a été remise en question de façon cyclique. Tous les cinq ou six ans, on se demande si on devrait fermer ou continuer et quels sont les besoins nécessaires pour opérer. Je pense que c'est l'histoire de Radio-Canada, et il en sera toujours ainsi. J'imagine que c'est la même chose pour toute télévision publique. Il existe des modèles partout dans le monde où on pense que cela s'exerce assez bien. Tout cela est inscrit dans l'esprit d'une loi. De toute façon, le gouvernement qui déciderait de fermer Radio-Canada demain matin devrait livrer toute une bataille auprès de la population canadienne, du moins une bataille nationale importante au Québec.
    Par contre, au Canada anglais, les gens sont peut-être moins portés à appuyer Radio-Canada, malheureusement, parce que leur habitude de consommation est plus axée vers les émissions américaines et leur vedettariat est beaucoup plus américain que chez nous, au Québec. Alors, pendant qu'à Toronto on regarde Entertainment Tonight, au Québec, les gens regardent Flash, qui est une émission du genre de Entertainment Tonight, mais qui est consacrée aux vedettes du Québec. Donc, il y a une différence énorme entre les deux marchés.
    Je pense que le gouvernement qui tenterait d'abolir SRC/CBC demain matin aurait toute une côte à remonter au Québec, du moins en ce qui concerne l'appui de la population à son diffuseur public.

  (1425)  

    Je vais poursuivre dans la même veine. Quand le gouvernement, avec beaucoup de subtilité — je ne désigne pas l'un contre l'autre ou un en particulier — arrive, parce qu'il en a la capacité, à nommer à sa tête des décideurs auxquels il confie le mandat d'atteindre tel ou tel objectif relativement à la société d'État et que ce mandat n'est jamais public, y a-t-il, selon vous, de quoi se poser des questions?
    Nous avons été confrontés à cette réalité sous le gouvernement libéral antérieur et, cette fois-ci, sous le gouvernement conservateur. Nous avons demandé quel était le mandat réel qu'on donnait à telle personne nommée à un poste de décision important sans jamais pouvoir tirer quelque information que ce soit? C'est l'opacité totale. C'est la raison pour laquelle je vous posais la première question, qui n'était pas innocente.
    Normalement, quand un mandat est donné à quelqu'un pour diriger une société comme celle-là, ce devrait être un exercice transparent, mais ça ne l'est pas, dans les faits. C'est ce qui inspirait les craintes qui entouraient la proposition à l'effet de renforcer l'enveloppe parlementaire à l'endroit de la société d'État.
    Ailleurs, par exemple à la BBC ou même en Australie, le diffuseur public se nourrit à même la redevance, ce qui permet le maintien d'une certaine indépendance. En Australie, il est même inscrit dans son mandat la nécessité de maintenir une indépendance vis-à-vis du politique, ce qui n'est pas le cas ici. Ce n'est pas une télévision publique, mais sans faire de procès d'intention, les faits, dans une perspective historique, nous montrent que c'est une télévision d'État, veux veux pas.
    Compte tenu du fait que nous subissons en ce moment ce qu'on peut qualifier de pensée unique, la logique de marché, qui s'applique même dans des institutions publiques avec beaucoup de finesse, dans l'hypothèse où cette logique s'emparerait de la société d'État, c'est-à-dire où l'État se retirerait progressivement de son devoir de soutenir financièrement la SRC, en l'occurrence, quels sont les autres types de financement que l'on devrait envisager, mis à part la publicité? C'est de l'anticipation, c'est une hypothèse.
    On sait ce que cela peut avoir comme conséquences chez un diffuseur public. Plus il y a de la publicité, plus on rejoint le profil d'un diffuseur privé et plus on dégage du contenu canadien, en l'occurrence, et plus celui-ci perd de sa spécificité. Donc, à part la publicité, y a-t-il d'autres avenues de financement, selon vous?
    Pour répondre à la dernière question, je dirai que le système, aussi bien français qu'anglais, fonctionne à partir de redevances. Il en va de même en Australie. Ça n'a jamais été appliqué ici parce qu'on a toujours eu recours à des crédits. Pour ma part, je ne suis pas à jour dans mes lectures. Je sais que Radio-Canada avait demandé un financement pluriannuel dans le but de se prémunir contre les humeurs parlementaires ou gouvernementales, mais j'ignore si cette solution est toujours envisagée. À ma connaissance, depuis les débuts de Radio-Canada, cette solution n'a jamais été approuvée par un gouvernement quel qu'il soit, pas plus du côté de la radio que de la télévision.
    Sauf le respect que je vous dois, je dirai, malgré ce que vous avancez, que l'équilibre entre les subsides gouvernementaux et les revenus autonomes générés par la publicité offre une certaine indépendance à Radio-Canada.
    Par ailleurs, même si je n'ai pas devant moi le texte de la loi habilitante de Radio-Canada, je crois que c'est une création de la loi et qu'elle est gérée par celle-ci. Claire faisait allusion plus tôt à ceux qui voudraient l'abolir. Or, tout changement structurel important à la gouvernance, à la prise de décisions au sein de Radio-Canada, devrait faire l'objet de débats au Parlement en vertu de la loi.

  (1430)  

    C'est la théorie.
     C'est intéressant, remarquez.

[Traduction]

    Très bien, donnez-nous une réponse très courte.
    Chaque fois que vous me donnez la parole, il faut que je fasse très court. Est-ce parce que je suis plus intelligent que les autres?

[Français]

    Monsieur Kotto, vous abordez la grande question des nominations politiques et du financement de la culture au Canada. Radio-Canada fait face au même problème que le Conseil des Arts du Canada, Téléfilm Canada et l'Office national du film. Parce que Téléfilm Canada est dans la bataille depuis longtemps, on sait que parfois, par exemple à l'heure actuelle, quand le gouvernement refuse catégoriquement d'accorder un sou de plus, on est dans la merde. J'ose croire que nous vivons en démocratie et que si un gouvernement quel qu'il soit faisait des manoeuvres pour toucher à une institution aussi importante que Radio-Canada, il y aurait une levée de boucliers et on se battrait fort, à commencer par les gens au gouvernement et les citoyens.

[Traduction]

    Est-ce que c'était assez court?
    Oui, c'était parfait.
    Nous sommes dans les temps. Je sais que nous avons commencé quelque peu en retard. J'ai prolongé un tout petit peu cette séance, et nous demandons à chacun de nous faire gagner du temps.
    Il y a une chose que j'aimerais dire. Nous nous penchons sur le rôle du radiodiffuseur public au XXIe siècle, et je n'ai entendu personne nous dire qu'il nous fallait nous débarrasser de Radio-Canada. Je dois avouer que des compressions budgétaires considérables ont été imposées il y a un certain nombre d'années, et je considère que Radio-Canada est un élément particulièrement dynamique de notre culture et de notre réseau de radiodiffusion, parce qu'en dépit de ces compressions budgétaires draconiennes, cette société a continué à faire un excellent travail. Elle est toujours présente aujourd'hui au moment où nous nous demandons ce que nous allons faire à l'aube du XXIe siècle.
    Merci de vos exposés et de la façon dont vous avez su répondre à nos questions. Si vous avez d'autres questions ou d'autres idées à nous soumettre, n'hésitez pas à le faire.
    Nous allons faire une pause de quelques minutes pendant que nous changeons de témoins.

    


    

  (1435)  

    Soyez les bienvenus cet après-midi à la 65e séance de nos délibérations. Je souhaite la bienvenue à l'Union des artistes et à la Société des auteurs de radio, télévision et cinéma.
    M. Legault, voulez-vous commencer?

[Français]

     On vous a déjà remis un document. Je peux le lire au complet si vous le voulez.

[Traduction]

    Voulez-vous vous en tenir à un exposé de huit à dix minutes? C'est à peu près la durée prévue? Un peu moins peut-être?

[Français]

    Je vais plutôt aborder les grandes lignes du document.
    La position de l'Union des artistes est celle des artistes, mais aussi celle de citoyens canadiens. Dans un monde où la convergence est de plus en plus présente, le rôle du télédiffuseur public est majeur sinon primordial. Le mandat de Radio-Canada est très large: il doit couvrir des régions, des dualités voire des pluralités linguistiques. Ce mandat doit aussi faire en sorte que l'ensemble des régions et des valeurs canadiennes, notre identité canadienne et les identités régionales soient représentées de la côte ouest à la côte est. Je ne pense pas que les sociétés privées de diffusion ou de télévision soient à même de remplir le rôle assumé par Radio-Canada. Pour nous, il est important que Radio-Canada soit maintenue et largement financée, peut-être même plus qu'elle ne l'est maintenant, compte tenu de l'envergure de son mandat.
    Par ailleurs, j'aimerais parler de la présence des femmes. L'équité entre les hommes et les femmes est l'une des valeurs que défend le Canada. Si cette équité existe, il faudrait, en vertu du mandat de Radio-Canada, voir à ce que ce soit visible à l'écran. C'est important pour l'Union des artistes et, je pense, pour l'ensemble des Canadiens.
    En outre, le CRTC a déréglementé récemment un bon nombre d'objectifs reliés à la production de téléromans, de téléséries, d'émissions dramatiques et d'émissions jeunesse. On note que depuis cette déréglementation, les émissions de ce genre sont en perte de vitesse. Or, s'il y a un endroit où Radio-Canada pourrait se démarquer, c'est bien dans ces domaines.
    Nous constatons aussi que notre télévision, de façon générale — et je ne parle pas ici de Radio-Canada, qui diffuse de plus en plus d'émissions de format étranger —, diffuse des émissions un peu adaptées à la sauce d'ici. Nous pensons que c'est dommageable pour l'identité de l'ensemble canadien.
    Pour ce qui est du reste, vous le trouverez en majeure partie dans le document qu'on vous a remis. Je pourrais vous en faire la lecture, mais j'imagine que vous avez eu l'occasion d'en prendre connaissance. Vous le répéter n'ajouterait pratiquement rien à ce qu'on a dit ou écrit jusqu'à maintenant.

  (1440)  

[Traduction]

    Au moment où nous vous poserons des questions par la suite, je suis bien certain que vous disposerez d'un peu plus de temps pour nous répondre plus complètement. C'est parfait.
    M. Grégoire.

[Français]

    Nous représentons les auteurs, donc la base même de la pyramide de la culture télévisuelle, puisque ce sont nos membres qui écrivent les textes. La Loi sur la radiodiffusion disait entre autres ce qui suit:
(ii) favoriser l’épanouissement de l’expression canadienne en proposant une très large programmation qui traduise des attitudes, des opinions, des idées, des valeurs et une créativité artistique canadiennes, qui mette en valeur des divertissements faisant appel à des artistes canadiens [...]
    Cette loi existe depuis 1991, et nous considérons qu'elle est encore tout à fait d'actualité. Le mandat culturel de Radio-Canada est très important. Il a bien servi les francophones du Canada, particulièrement au Québec. On dit souvent que la télévision anglaise fonctionne moins bien, laissant entendre par là que la télévision française ne fait face à aucun problème. Nous nous inscrivons en faux contre cette idée.
    Dans le cas de la télévision francophone, sur les dix missions les plus écoutées en 2001, neuf étaient des dramatiques. En 2005, ce chiffre était tombé à trois. Il y a donc eu une baisse. Bien sûr, je parle des dramatiques parce que parmi tous les domaines prioritaires, c'est celui qui compte le plus pour nos membres, les auteurs. Il permet d'exprimer la culture canadienne au moyen d'histoires écrites par des Canadiens pour des Canadiens.
    Radio-Canada a bien joué son rôle de chef de file pendant le XXe siècle, et nous croyons qu'elle doit continuer à le faire au XXIe siècle. En ce qui concerne la création de dramatiques, elle doit considérer la culture comme la base même de son existence. On doit lui octroyer, bien sûr, le financement qui lui permettra de poursuivre son mandat, mais en plus, il faut absolument faire en sorte que les objectifs culturels soient les mêmes pour les nouvelles plateformes technologiques. Il faut donc trouver le modèle d'affaires qui permettra aux nouvelles plateformes du XXIe siècle d'être payantes pour tout le monde, de façon à ce que tous puissent en vivre et que Radio-Canada reçoive de ces plateformes les fonds lui permettant de continuer à générer des dramatiques. N'oublions pas que les télévisions généralistes, privées et publiques confondues, dont Radio-Canada, sont dans 95 p. 100 des cas celles qui génèrent les fonds pour les licences permettant la création des émissions écoutées par les Canadiens.
    En 2005, les chaînes spécialisées ne consacraient que 1,9 million de dollars sur 41 millions de dollars à la création de dramatiques. On ne peut pas s'attendre à ce qu'elles augmentent cette proportion considérablement. On ne peut pas non plus s'attendre à ce que les producteurs généralistes privés pensent d'abord à la culture plutôt qu'à leurs actionnaires. Pour protéger cet univers culturel, il reste donc Radio-Canada. Voilà pourquoi nous appuyons fortement le mandat passé, présent et futur de Radio-Canada.
    Il s'agit là de bien belles paroles, mais si l'argent nécessaire ne vient pas les appuyer, il va arriver à notre culture ce qu'il advient quand on ferme un pipeline. Dans 15, 20 ou 30 ans, il n'y en aura plus.
    Merci.

  (1445)  

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Nous allons maintenant passer à la première question.
    M. Scarpaleggia, vous avez la parole.

[Français]

    Je n'ai pas tout à fait compris ce que vous vouliez dire quand vous parliez des oeuvres adaptées. Vous êtes mal à l'aise face à ces oeuvres. Pourriez-vous nous donner plus de détails à ce sujet?
    Dans les canaux spécialisés, mais surtout dans les réseaux de télévision disponibles du secteur privé, il y a de plus en plus d'émissions de télévision américaines traduites, avec surimpression vocale. Je parle également des formats américains achetés. On achète le format et on le refait à la sauce d'ici. Le Banquier en est un exemple. C'est ce à quoi je faisais allusion. Je ne veux pas dire qu'il ne faut pas que ces émissions existent, mais avec la disparition de la réglementation du CRTC et l'avènement d'objectifs par rapport aux émissions jeunesses et aux émissions dramatiques, ce type d'émissions entre dans le contenu canadien.
    On a donc assisté, avec la déréglementation, à un déplacement sur le temps d'antenne occupé par les stations. Il devient donc d'autant plus important pour moi qu'une télévision publique soit là et maintienne les objectifs par rapport à ce que soulignait Marc Grégoire tout à l'heure, c'est-à-dire une culture d'ici, des auteurs d'ici, et que ces derniers puissent trouver un endroit où s'exprimer. Je pense aux séries lourdes, qui sont probablement plus onéreuses mais dont la qualité est supérieure à ce qui se fait dans l'ensemble. Je pense beaucoup au modèle de la BBC en Angleterre. Le financement de la BBC lui permet de produire des émissions de qualité qui sont vendues à travers le monde. Alors, je ne crois pas que les investissements dans des émissions de qualité soient nécessairement déficitaires.
    Il y a dans le monde des marchés pour la télévision. De plus en plus, les nouvelles plateformes qui se développent ont besoin de contenu. Or, ce pourrait être une bonne occasion pour Radio-Canada de produire des émissions dont le contenu pourrait être à l'échelle du monde, un peu comme le modèle de la BBC. Évidemment, la BBC est largement subventionnée à partir de redevances. Est-il possible qu'on imagine d'autres modèles qui permettraient à CBC d'avoir de l'argent qui lui permettrait de remplir ce mandat? Le mandat est tellement large, mais en même temps, à l'intérieur de ce mandat très large, je pense qu'il y a possibilité de trouver des moyens pour financer encore plus de production de la part d'une société ou d'un organisme qui est plus neutre et moins assujetti aux lois du marché en termes de profits et d'actionnaires.
    En ce moment, dans le contexte du développement des nouvelles technologies, j'y vois même une opportunité. J'ai souvent eu l'occasion de me rendre sur le site internet du Canada, de même que sur celui du Québec. Toute l'information véhiculée là est phénoménale. Cela donne une chance à chaque région du Canada d'avoir une vitrine pour montrer sa spécificité, puisque le Canada est quand même très large. Vancouver est très différente de Montréal, de Moncton, de Fredericton. Ces nouvelles technologies permettent justement l'apport d'une vision qu'on pourrait avoir de l'ensemble des régions du Canada. Si Radio-Canada, qui est déjà présente sur Internet, est capable de trouver d'autres façons de permettre à moindre coût la présence des régions... Arriver à ce que chaque région soit présente à l'intérieur de la télévision radio-canadienne est souvent un problème, dans le mandat de Radio-Canada.

  (1450)  

    Parlant des régions, nous avons reçu un groupe — ils doivent être vos homologues — d'auteurs, de comédiens du Canada anglais qui se lamentaient du fait que CBC ne fait plus de production locale dans les régions. Pour eux, c'était une source assez fiable d'emplois. Ils pouvaient travailler assez régulièrement à la radio, écrire des radioromans ou autres.
    On revient justement d'une petite tournée de la maison Radio-Canada à Montréal. On a vu qu'à Radio-Canada, comme à Toronto j'imagine, on commande des productions à l'externe.
    Où vous situez-vous par rapport à cette tendance? Est-ce aussi rentable, de votre point de vue, de faire faire des productions à l'externe par des producteurs indépendants? Voyez-vous là matière à corriger la politique de Radio-Canada/CBC? Êtes-vous satisfait ou insatisfait par rapport à quelque chose?
    Oui. On parle de diversité régionale et des modes de production. C'est sûr qu'au Québec — je connais plus la réalité du Québec que celle d'ailleurs au Canada —, il y a des pôles de production qui sont évidemment plus importants. Il y a Montréal, qui est le pôle de production. Même la production indépendante se fait surtout à Montréal. Il y a eu quelques productions à Québec, mais évidemment, il y a des groupes d'artistes aussi à Québec. Je pense que c'est une autre production. Il y a aussi des pôles de production du côté du Saguenay—Lac-Saint-Jean qui pourraient éventuellement profiter de cela. En général, cela se résume à la production du bulletin de nouvelles, qui est beaucoup plus local, mais il n'y a pas d'autre production que la production locale.
    Je ne suis pas sûr de très bien comprendre le sens de votre question par rapport aux producteurs indépendants.
    Ce qu'ils semblaient nous dire, c'est qu'ils préféraient le bon vieux temps, lorsque CBC produisait quasiment la totalité de sa programmation à l'interne, soit à Toronto, à Saskatoon ou ailleurs. Pour les auteurs et les comédiens qui habitent en région surtout, c'était plus rentable que le système actuel où CBC commande des productions indépendantes. Il y a moins de sécurité d'emploi, si vous voulez. Même si ces gens ne travaillaient pas pour Radio-Canada, ils étaient à contrat, à toutes fins pratiques.
    Radio-Canada, contrairement à CBC, a été jusqu'à tout récemment un gros producteur de dramatiques à l'interne. Raymond et moi avons eu l'occasion de travailler ensemble dans le cadre de l'une de ces séries, qui faisait 60 épisodes ou plus, parce que Radio-Canada, ayant les studios, avait la possibilité de planifier à long terme. Marc aussi a écrit l'une de ces séries. Que nous travaillions pour le producteur Radio-Canada ou pour un producteur indépendant, ce sont les mêmes auteurs, les mêmes comédiens.

  (1455)  

    Cela vous est égal.
    Non. Je ne sais pas ce qu'il en est pour les comédiens, mais ce qui fait une différence pour les auteurs, c'est que le producteur soit le diffuseur. Pour l'auteur, qu'il n'y ait pas d'intervention d'autre fonds, comme le Fonds canadien de télévision ou Téléfilm Canada, fait que les décisions sont prises rapidement et qu'il y a moins d'intervenants. D'ailleurs, Radio-Canada a connu de grands succès et a surtout fidélisé son public avec ces séries. Ce n'est plus la tendance à Radio-Canada. La plupart des gens qui assumaient la permanence au niveau de la réalisation sont peu à peu mis à pied. D'un certain côté, c'est un peu dommage parce que c'est difficile pour Radio-Canada, avec la forme de financement qu'elle a présentement, de prévoir à long terme. Elle dépend de ressources extérieures, du Fonds canadien de télévision, etc. Donc, elle peut prévoir des séries de 13 épisodes ou peut-être de 26. Lorsqu'on en voit 13 dans la programmation de Radio-Canada, on attend six mois avant de voir les 13 prochains. Et le public, puisque ses habitudes sont brisées, semble faire ce que le public de CBC a fait, c'est-à-dire s'en aller vers d'autres télévisions. Idéalement, Radio-Canada aurait les moyens d'assumer aussi de la production à l'interne et de pouvoir assurer une plus grande continuité auprès des producteurs privés.
     À la SARTEC, on a toujours prôné la diversité des lieux de production pour des raisons de qualité et de concurrence. Dans le cas de Radio-Canada, il devrait y avoir un équilibre entre les productions internes et les productions achetées des producteurs indépendants, parce que la diversité des lieux de production, croit-on, mettra les gens en concurrence les uns avec les autres et permettra d'avoir une meilleure créativité et probablement à meilleur coût.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Nous allons maintenant donner la parole à M. Angus.
    Je vous remercie.
    Tout au long des entretiens auxquels nous avons assisté à l'échelle du pays, nous avons pu constater chez de nombreux intervenants que Radio-Canada a eu sa période de gloire, notamment pour ce qui est de la CBC en anglais, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. On nous a dit que de nombreux téléspectateurs suivaient alors les émissions. Eh bien, je me souviens moi aussi de cette période: nous regardions tous les mêmes émissions parce qu'il n'y avait qu'une seule chaîne. Les émissions n'avaient rien d'extraordinaire, mais comme c'est tout ce qu'il y avait à voir, tout le monde les regardait.
    Désormais, nous avons un millier de chaînes. Par conséquent, lorsqu'une chaîne a 10 p. 100 de ce marché d'un millier de concurrents, les gens lui disent: « Vous aviez alors 40 p. 100 du marché lorsqu'il n'y avait que deux chaînes et maintenant vous en avez plus de 10 p. 100. » Nous nous efforçons de déterminer l'utilité d'un radiodiffuseur public dans un monde à plates-formes multiples et à chaînes multiples. L'existence d'un radiodiffuseur public m'apparaît plus que jamais nécessaire.
    Prenez la radio, par exemple, je suis le plus souvent dans mon automobile, parce que ma circonscription a la taille de la Grande-Bretagne. J'écoute tout le temps la radio. J'entends dire par les stations de radio privées que les auditeurs écoutent la radio parce qu'ils veulent entendre leur propre voix; ils veulent entendre la voix de leur communauté; ils veulent entendre leurs propres annonces. Le matin et l'après-midi, il y a une pléthore d'excellentes émissions locales. Ensuite, c'est comme si on avait appuyé soudainement sur un bouton, et la radio locale rend le même son que 600 autres stations de radio du pays, parce que le propriétaire de cette station en possède 600 autres. Il y a une intégration verticale des médias. Aujourd'hui, nous avons les mêmes éditorialistes dans 300 journaux, parce que le propriétaire de ces journaux est le même. Pourquoi avoir 300 éditorialistes? Il suffit d'en avoir un, qui va travailler dans tous les journaux.
    Il y a donc une homogénéisation du discours et une disparition des forums. Il m'apparaît que la radio de CBC et de Radio-Canada a terriblement gagné en efficacité parce qu'elle est originale. La population l'écoute parce qu'il y a un contenu.
    Je me demande encore pourquoi la télévision lutte sans succès pour reprendre ce que la radio a su si bien faire. Dans un monde où le discours commence à être partout le même, on voit disparaître les milliers de choix qui s'offraient à nous — le contenu ayant de moins en moins d'importance — nous avons besoin d'un radiodiffuseur solide diffusant des émissions originales qui ne pourront pas manquer d'attirer un public, parce que les gens veulent un contenu.
    J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

[Français]

     Je m'excuse, mais je vais répondre en français.
    Je ne sais pas comment cela fonctionne. Je connais mal la réalité anglaise. Je sais que du côté francophone, beaucoup d'émissions ont ou ont eu des cotes d'écoute — et je ne parle pas de l'ancienne Radio-Canada; je parle de la Radio-Canada actuelle — de 1,2 million, 2 millions, 3 millions, 4 millions de téléspectateurs. Évidemment, la fragmentation des marchés existe à l'heure actuelle. De plus en plus, effectivement, les gens regardent... Il faut que la télévision canadienne développe aussi d'autres marchés, qu'elle développe des canaux spécialisés. La télévision privée — pour ne pas la nommer, TVA ou Quebecor, et j'imagine que Shaw doit le faire du côté de l'Ouest — fait une télévision plus généraliste, plus spécialisée. Radio-Canada doit aussi être présente dans ces contenus, doit aussi y assurer sa présence.
    Comment dirais-je? Pour moi, c'est extrêmement important. Il faut que notre identité et notre culture canadiennes transcendent, à un moment donné, la stricte notion de profit. Or, beaucoup de choix sont faits uniquement en fonction des profits. C'est pourquoi je parlais des émissions qui sont des reprises de formats américains servis avec une sauce canadienne. Dans votre cas, il n'y a pas vraiment de reprises, puisque l'émission est vendue telle quelle. Même Canadian Idol est une reprise d'American Idol. En ce sens, on doit favoriser les artistes et les auteurs qui sont ici, afin qu'ils ne s'en aillent pas nécessairement enrichir la culture américaine. Il faut qu'on ait notre propre identité. Je pense qu'au Canada, on a une identité culturelle différente des Américains. Il faut miser là-dessus pour renforcer notre sentiment d'identité et d'appartenance à nos pays. Quoi de mieux que la culture, selon moi, pour traduire tout cela?

  (1500)  

[Traduction]

    J'ai une dernière question à vous poser à ce stade sur les possibilités qu'offre un radiodiffuseur public, possibilités qui n'existent pas chez les radiodiffuseurs privés. Il me semble que la jeune génération, en particulier, souhaite interagir avec les médias. Elle veut pouvoir mettre la main à la pâte, influer sur les situations et modifier les choses.
    Notre radiodiffuseur public nous donne une infrastructure. Dans les studios de Montréal, nous avons vu les élèves des écoles spécialisées de la ville venir diffuser leurs propres émissions de radio. Ce serait impossible dans un tout autre cadre. Il est possible, par exemple, de tenir un discours national à la radio, comme on le fait avec l'émission de Rex Murphy: À la radio anglaise, deux heures tous les dimanches sont consacrées à un débat à l'échelle du pays sur des questions très complexes, et tout le monde peut y participer.
    J'entrevois cette possibilité avec un radiodiffuseur public, et il me semble que cela nous révèle ce que veut la population au sujet des médias. Elle veut un contenu. Elle veut pouvoir participer à l'entreprise. S'il s'agit simplement d'écouter une débauche de sons en provenance de Los Angeles, les gens vont arrêter la radio et passer à leur iPod, parce qu'ils veulent pouvoir choisir ce qu'ils vont écouter. Ils n'ont pas besoin d'écouter des émissions du radiodiffuseur traditionnel.
    Je me demande simplement si en tant qu'auteurs, vous avez l'impression que l'on a la chance et la possibilité de prendre une orientation véritablement novatrice et intéressante en matière de radiodiffusion publique. Étant donné les défis à relever dans notre domaine, il se pourrait que ce soit encore plus intéressant aujourd'hui.

[Français]

    Vous parlez de la radio. Bien sûr, l'âge d'or de la radio, lorsqu'il y avait des feuilletons à la radio, est disparu. Je ne crois pas que cela reviendra à court terme, à moins de vouloir avoir une radio nostalgique. Donc, je pense que la radio n'est plus le médium le plus approprié pour les auteurs et pour les histoires à raconter.
    Par contre, la radio française de Radio-Canada connaît un énorme succès depuis plusieurs années, d'abord parce que le contenu est important et que les gens qui y participent sont de haut calibre du point de vue intellectuel, et ensuite parce qu'il n'y a pas de publicité. Il faut bien se rendre compte que la publicité est un irritant monstrueux à la télévision et à la radio. On est obligé de vivre avec, puisque notre système a été un peu calqué sur celui des Américains, mais si on l'avait calqué sur celui de la BBC, on serait peut-être mieux aujourd'hui. Mais c'est ainsi. Alors, un des grands arguments de la radio francophone, à tout le moins ici, c'est que lorsqu'il n'y a pas de publicité pendant 60 minutes, il y a 60 minutes de contenu, ce qui est magistral.
     En ce qui concerne les nouvelles économiques, culturelles et de l'ensemble de la vie de la communauté québécoise, la radio est extrêmement présente et écoutée. L'émission du matin à Radio-Canada intitulée C'est bien meilleur le matin était en première position de toutes les cotes d'écoute, il y a quelques mois. L'an dernier, elle était en deuxième ou troisième position. C'est donc une radio extrêmement dynamique.
    Par contre, je ne pense pas qu'on puisse revenir aux dramatiques. À la SARTEC, les contrats reçus pour des oeuvres dramatiques à la radio ne s'élèvent même pas 100 000 $ par année. Selon moi, c'est disparu, et je ne vois pas comment cela reviendrait.

  (1505)  

[Traduction]

    Vous en avez terminé avec vos questions, monsieur Angus? Je vous remercie.
    M. Kotto.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Bonjour. Merci d'être là pour nous alimenter.
    C'est un exercice difficile, vous devez vous en douter, justement en raison du profil de ce diffuseur public qui doit plaire et ne pas déplaire à la fois, tout en s'adressant à un public extrêmement large et diversifié du point de vue de son identité, de son origine et de son genre.
    Maintenant, je vais vous poser une question et je m'attends à recevoir une réponse simple. Hormis le facteur femme, qu'il va falloir sérieusement considérer dans la redéfinition du mandat, au moment où on se parle, le mandat tel que défini théoriquement, sur papier, est-il satisfaisant, selon vos perspectives?
    Je pense que oui. Le mandat de Radio-Canada tel qu'il est défini sur papier et qui stipule que celle-ci doit être un chef de file des valeurs canadiennes est toujours valable, selon nous. Il peut être amélioré, mais simplement, je vous dirais oui.
    D'accord.
    Monsieur Legault?
    Je pense qu'il pourrait même être élargi, c'est-à-dire peaufiné encore plus dans les détails. Compte tenu des nouvelles technologies, il y a moyen d'être encore plus représentatif. Je pense que les nouvelles technologies peuvent justement aider à faire en sorte que le mandat de Radio-Canada soit encore mieux ciblé.
    On parlait des productions en région. Je pense qu'il y aurait moyen de l'améliorer et d'être un reflet encore plus fidèle de l'ensemble des différentes régions, des différentes communautés à l'intérieur du Canada. On n'a pas beaucoup d'émissions du Grand Nord et des Inuits. Peut-être que s'il y avait des productions, on pourrait voir quelle est cette réalité aussi. Les moyens technologiques d'aujourd'hui le permettent beaucoup plus facilement et beaucoup plus aisément. Je pense à tout ce qui existe en ce moment sur WebTV, qui est une démocratisation. On pourrait le mettre au service... Il serait peut-être beaucoup plus facile pour ces gens de produire quelque chose qui éventuellement pourrait être rendu disponible et diffusé à l'ensemble du Canada, certes, mais aussi permettre à chaque communauté de se reconnaître dans sa propre télévision, sous le grand chapeau de Radio-Canada.
    Monsieur Legault, vous parlez dans votre mémoire de l'appréhension face à la révision du mandat de Radio-Canada. Pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet?
    Mon Dieu! En ce moment, les enjeux sont majeurs. En fait, c'est beaucoup un enjeu économique, je pense. Tout est une question d'équilibre. Ce qu'on appréhende, c'est qu'à cause d'enjeux économiques, le mandat de Radio-Canada soit changé. Je connais plus la réalité québécoise.
    C'est sûr que la télévision généraliste a perdu des auditeurs, même si le nombre d'auditeurs reste important. Les revenus publicitaires ont diminué et, d'après moi, continueront à le faire. Ce n'est pas seulement un problème relié aux télévisions généralistes, ce le sera également du côté des canaux spécialisés, parce que de plus en plus, les gens ont des enregistreurs numériques, coupent les commerciaux. Les gens qui font de la publicité durant les temps d'antenne opteront de plus en plus pour d'autres médias ou d'autres façons de faire de la publicité. Il risque donc d'y avoir une diminution des revenus publicitaires non seulement pour les télévisions généralistes, mais aussi pour les canaux spécialisés, au profit d'autres médias, peut-être plus Internet, d'où la nécessité de s'assurer, pour n'importe quel diffuseur, qu'il soit public ou privé, d'occuper aussi le champ de l'Internet, des canaux spécialisés, pour s'assurer que sa base de revenus soit multiple.
    Dans ce contexte, ce qu'on appréhende, c'est qu'il y a toujours un lien. Le virage de Radio-Canada, on l'a vu. Auparavant, il y avait beaucoup moins de temps de publicité, les choix étaient... Maintenant, beaucoup de choix sont des choix économiquement viables. Je ne veux pas dire par là qu'une émission de qualité n'a nécessairement pas de public, mais il y a parfois un lien direct. Des émissions, des séries lourdes ont été coupées parce que les revenus n'étaient pas suffisants. Notre crainte, c'est cela. Nous craignons que la logique économique fasse qu'il y ait une pression énorme à l'endroit de Radio-Canada. Des pressions ont déjà été faites, entre autres au Fonds canadien de télévision, où on juge insatisfaisant, en tout cas chez des diffuseurs privés, que Radio-Canada puisse profiter de 37 p. 100 du budget du Fonds canadien de télévision. Ce sont des pressions de ce type qui nous font craindre et appréhender que la pression finisse par changer le mandat de Radio-Canada. C'est notre crainte par rapport à cela et c'est ce qu'on appréhende.

  (1510)  

    Et vous souhaitez que cela n'arrive point.
    Non, surtout pas. On pense que c'est important.
    Je vais ajouter une autre chose. Radio-Canada, dans les conditions qu'elle accorde aux artistes, particulièrement dans ses productions maison, est un leader, un exemple à suivre. Quand le déplacement de la production s'est fait de Radio-Canada vers les producteurs indépendants, pour les artistes, comédiens, interprètes, cela a marqué une diminution très nette de leurs conditions de travail, de façon générale. Je ne sais pas ce qui en est pour les auteurs, mais pour nous, il y a eu une très grande différence par rapport à ce qui existait auparavant et par rapport à la qualité, par rapport au temps qu'on avait pour réaliser une émission de télévision quand Radio-Canada assurait la production et la diffusion des émissions. Cela a beaucoup changé lorsqu'on s'est tourné vers la production indépendante, où les gens voulaient rentabiliser tout cela.
    Je ne suis pas certain du coût que représente, dans l'équation, la production indépendante par rapport à ce qui existait auparavant, car beaucoup de crédits d'impôt sont donnés pour les producteurs indépendants, beaucoup d'argent est investi là-dedans.
    C'est un léger commentaire qui rejoint un peu la question dont M. Scarpaleggia parlait tout à l'heure.
    Vous parliez aussi, dans votre mémoire, de la nécessité de réglementer le secteur des nouveaux médias via le CTRC.
    Internet y compris?
    Oui.
    Vous connaissez la position du nouveau président du CTRC à cet effet.
    On a eu la décision, en tout cas.
    Vous pensez que c'est une nécessité, que c'est important, fondamental.
    On va avoir de plus en plus de problèmes à cet égard. Même les Américains trouvent que les téléchargements... Même le copyright américain est aux prises avec la non-réglementation qui existe du côté de l'internet. Que ce soit un copyright, un droit d'auteur, c'est la même chose. C'est la possibilité pour l'ensemble des Canadiens de télécharger sans qu'il y ait un coût. On l'a vu du côté du Sonar. Quand on demande de réglementer le CRTC, je vous dirais que même les diffuseurs privés vont en avoir besoin. Sinon, les revenus seront absents. Or, s'il n'y a plus de revenus, il n'y a plus de production. Il faudra qu'il existe des modèles de ce côté. Les gens de Paramount ont déjà dit que cela ne pouvait plus continuer ainsi. Ils ont même cessé de faire des premières de films à Montréal justement parce qu'ils avaient peur du piratage. Il faut donc tenir compte de tout cela. On l'a vu avec Napsters aux États-Unis.

  (1515)  

    Cela va nécessiter un autre travail de consultation. C'est un gros dossier, mais qui, soit dit en passant, est relié aux technologies émergentes sur lesquelles Radio-Canada s'explique. Je comprends l'allusion dans votre mémoire.
    Je parle des sources de financement parce que c'est un volet très important. Pour l'instant, on n'en a qu'une, c'est l'État, le Parlement. Cette source s'avère insuffisante, vu les coupures qu'il y a eu au début des années 1990 et qui n'ont pas été rétablies. C'est un financement qui n'a pas été indexé non plus. C'est pratiquement unanime: on parle de la nécessité d'augmenter le soutien financier à la SRC.
    Monsieur Grégoire, dans votre mémoire, vous parliez de l'idée de permettre l'accès à la SRC à un tarif d'abonnement provenant des entreprises de distribution. Pouvez-vous développer ce sujet?
    Il nous semble assez aberrant actuellement qu'il y ait deux poids, deux mesures entre les généralistes et les spécialisés. Au départ, la télévision spécialisée était fragile. On a donc créé des conditions extrêmement particulières pour permettre à ces télévisions de s'installer dans l'univers télévisuel. Aujourd'hui, la télévision spécialisée — vous avez vu comme moi les rapports des compagnies, entre autres Astral Media, qui est très présente chez nous — font beaucoup de profits et remettent assez peu en termes de licences de production. Comme je le disais tout à l'heure, c'est de l'ordre de peut-être 10 ou 15 p. 100.
    Donc, comme M. Legault le disait, la publicité diminuant comme source de financement accessoire, il nous semblait à tout le moins logique qu'une partie des redevances données aux satellitaires ou aux câblodistributeurs soit remise à Radio-Canada, parce que la valeur de Radio-Canada fait augmenter la valeur du bouquet offert par Vidéotron, Cogeco ou Bell ExpressVu. On disait qu'une partie de cet argent devrait revenir, bien sûr, à Radio-Canada, mais à la condition qu'une partie de cette nouvelle redevance soit obligatoirement remise dans les émissions prioritaires et spécialement dans les dramatiques, afin que la roue tourne.
    Vous parliez d'Internet, tout à l'heure. On s'entend: rien n'est gratuit. S'il était gratuit d'écrire, de jouer, de réaliser, je ne vois pas pourquoi ces gens feraient cela, à moins d'être des gentlemen artists. Cela n'a aucun sens. Il faudra, bien sûr, légiférer Internet, faire en sorte que nos structures conventionnelles avec ces gens soient reproduites d'une façon ou d'une autre, puisque la seule façon pour un artiste de gagner sa vie, c'est de faire en sorte d'être payé pour le travail qu'il fait. S'il n'est pas payé, je ne vois pas pourquoi il ne serait pas chauffeur de taxi ou autre chose. Donc, c'est la mort de la création et d'une culture générale si une société ne parvient pas à faire vivre ses artistes.
    Internet ne change rien à la donne autre que... Autrefois, il y avait de grandes forges, des chevaux et des gens très équipés en clous et en fers à cheval. Aujourd'hui, il n'y en a plus: on vend des pneus. On a beau avoir la plus belle forge au monde, qui serait l'ancienne télévision, si personne ne l'écoute, il faut emprunter le chemin que prend la culture pour s'exprimer.
    Merci.

[Traduction]

    Nous en avons pratiquement fini. Je me contentais de relever une ou deux choses. On a dit que la Paramount et d'autres responsables de l'industrie cinématographique affirmaient depuis longtemps que le Canada était le producteur de films le plus piraté. Je pense que leur décision de ne pas diffuser de manière anticipée les films américains, que ce soit à Montréal, à Toronto ou ailleurs au Canada... En parcourant tout le pays pour discuter de Radio-Canada, nous avons entendu parler de l'influence américaine. Pourquoi devrions-nous nous inquiéter d'une diffusion anticipée des films américains chez nous, alors qu'en fait ce n'est pas vraiment ce que...? Je considère que le fait de ne pas faire cette diffusion anticipée chez nous est une excellente idée. Si éventuellement le piratage se poursuit, ce n'est pas nécessairement notre faute, mais par la même occasion, ceux qui ne veulent pas être influencés par l'industrie américaine n'auront qu'à attendre un peu plus longtemps avant d'être influencés, parce que les films finiront par arriver chez nous. Je considère que ce pourrait être une grande chance pour certaines de nos productions canadiennes, qui pourraient éventuellement passer à l'écran.
    Ce n'était qu'un simple commentaire.
    J'ai bien apprécié vos exposés, et je vous remercie de nous avoir répondu aussi franchement. Je remercie les députés pour les questions qu'ils ont posées.
    Nous allons faire une pause de quelques minutes. Je vous remercie.

    


    

  (1525)  

    Vous avez entendu le marteau. La séance est officiellement ouverte.
    Je vous souhaite à nouveau la bienvenue cet après-midi à la 65e séance du Comité permanent du patrimoine canadien
    Vous êtes les troisièmes intervenants cet après-midi. Il fait très beau et nous avons cette belle salle. Nous avons entendu d'excellents exposés aujourd'hui, et nous attendons avec impatience les vôtres.
    Nous allons entendre les représentants de Sports-Québec, Raymond Côté et Michelle Gendron. Au nom de Maliseet Nation Radio Inc., nous entendrons ensuite M. Tim Paul et Christopher Collrin. Soyez tous les bienvenus.
    Je vais d'abord demander aux représentants de faire leurs exposés. Si vous le faites assez rapidement, nous aurons la possibilité ensuite de vous poser quelques questions. Je vous remercie.
    Vous avez la parole.

[Français]

     Comme vous avez reçu le mémoire, je vais en aborder rapidement le contenu.
     Sports-Québec est une corporation privée qui regroupe 64 fédérations et 17 Unités régionales de loisir et de sport. Pour nous, il est important de rappeler que nous ne sommes pas un organisme gouvernemental mais bel et bien une corporation privée qui rejoint 800 000 membres, québécois et québécoises, 60 000 entraîneurs et 400 000 bénévoles.
    Ce dossier nous intéresse et nous interpelle particulièrement. À l'heure actuelle, les investissements dans le domaine du sport sont minimaux. Aucun investissement majeur et significatif ne s'y fait par les temps qui courent, et il y a des conséquences à cela. Ça nous amène à solliciter les entreprises privées. Or, les exigences de ces entreprises sont de plus en plus importantes. Comme il y a beaucoup de concurrence, les choix qui leur sont offerts sont plus nombreux. Ça augmente d'autant plus leurs exigences, et il est difficile de répondre à celles-ci. Comme les investissements sont minimaux, nous sommes obligés de chercher de nouveaux fonds pour nous financer. Qu'il s'agisse de gens de la base, du niveau de l'initiation ou de haut niveau, les attentes et les exigences de notre clientèle sont grandes, ce qui exerce une pression sur l'ensemble du système.
    Il y a aussi des besoins accrus chez les entreprises. Parce qu'elles ont plusieurs choix, elles demandent que nous leur offrions beaucoup d'avantages. Elles disent avoir besoin de visibilité et vouloir que l'argent investi chez nous soit rentable. Nous avons par le passé entretenu des liens beaucoup plus significatifs avec Radio-Canada. La société offrait gratuitement certains services. Elle a non seulement cessé ses subventions et son soutien en matière de visibilité, mais elle s'est carrément retirée de la présentation. À preuve, sa participation est inexistante ou presque dans le cas des Jeux du Québec et des Jeux du Canada ainsi que des championnats nationaux et internationaux.
    Pour notre part, nous considérons qu'à titre de société d'État, Radio-Canada a des responsabilités. En ce qui a trait aux saines habitudes de vie, on peut dire que le sport est un élément de solution important. En ce sens, le rôle joué par la SRC est vraiment insuffisant.
    Dans notre mémoire, nous avons voulu mettre l'accent sur certains moments particuliers. En 2002, la SRC a mis fin à l'émission Les jeux sont faits. En 2003, c'est le bulletin de nouvelles sportives qui a été retiré de l'antenne, ce à quoi nous avons réagi intensément. C'était une perte importante, compte tenu que c'était diffusé sur le réseau national de Radio-Canada. En 2005, le magazine hebdomadaire Adrénaline a lui aussi été retiré de l'antenne, et une seule émission quotidienne de 30 minutes, soit Au-dessus de la mêlée, a été mise en ondes. Or, celle-ci traite quasi exclusivement de sport professionnel. Enfin, en 2005, la Société Radio-Canada n'a pas obtenu les droits de diffusion pour les Jeux de Vancouver. On parle pourtant ici d'un événement qui aura lieu au Canada. Pour nous, il s'agit d'une perte et d'un effet significatifs.
    Pour voir nos propres athlètes, il faut avoir recours au réseau anglais. Il y a de quoi se poser des questions. Le temps d'antenne alloué aux sports fédérés diminue constamment, et quand ce n'est pas le cas, des frais sont imposés. Cette situation devient difficile voire intenable pour des organismes de notre niveau. Les organismes sans but lucratif doivent assurer leur financement, mais la chose devient d'autant plus difficile, compte tenu des besoins et des attentes.
    Pour ce qui est du mandat de la SRC, nous allons nous attarder aux articles 2, 4 et 7, au sujet desquels nous avons des commentaires à formuler. Nous considérons que le sport fait partie de la culture d'un pays. Quand on parle de culture, on pense naturellement aux arts. Pour nous, le sport a la même signification au sein de la culture d'un pays. Dans ce domaine, la Société Radio-Canada ne joue pas vraiment son rôle. En matière de sports fédérés, sa présence est insuffisante.

  (1530)  

    Quand on parle de sports amateurs, on parle maintenant de sports fédérés, c'est-à-dire qu'ils sont rattachés à un organisme qui est fédéré. Ils sont peu présents dans la grille de la Société Radio-Canada. Il y a effectivement une disparité. Ce n'est pas une comparaison entre la CBC et la SRC, c'est plutôt une constatation. Il y a vraiment un monde entre le temps consacré au sport à la CBC et le temps consacré au sport à la SRC. Il y a, à ce niveau, des aspects du mandat qui ne sont pas respectés, si on parle de présentations anglophones et francophones. On pense que le sport, pour l'ensemble des francophones hors Québec, est absent ou a une présence insignifiante. L'information que nous avons provient des communautés auxquelles on rend des services dans l'ensemble du Canada.
    J'en viens aux recommandations parce que je pense que c'est l'aspect important. On recommande que le mandat législatif de la Société Radio-Canada inclue la responsabilité de contribuer à la promotion de saines habitudes de vie et du sport fédéré. On veut que cela soit inscrit, qu'il soit reconnu et précisé que la Société Radio-Canada a cette responsabilité envers les francophones, y inclus ceux hors Québec.
    Nous recommandons que tous les revenus générés par la couverture olympique et le sport professionnel soient réinjectés systématiquement et automatiquement dans la production d'émissions orientées vers la promotion de saines habitudes de vie et du sport fédéré.
    Nous recommandons également que la Société Radio-Canada établisse des partenariats avec d'autres diffuseurs. Cela s'est fait. Prenons l'exemple de RDS. Comme il est toujours question de coûts, on pense que c'est possible de réaliser une présence et des interventions qui sont à la mesure des moyens financiers de la société.
    Nous recommandons l'établissement d'un véritable service des sports à la Société Radio-Canada. On connaît l'intégration des technologies et des moyens. Le sport fédéré est davantage présent sur Internet, mais quasi absent de la radio et de la télévision. On pense que l'intégration et la mise en place d'une véritable équipe des sports à la Société Radio-Canada serait un avantage et que cela entraînerait une utilisation maximale des compétences de tous les journalistes. Cela se fait et cela devrait se faire dans le domaine du sport.
    Nous recommandons une programmation sportive dédiée aux sports fédérés et offerte par la SRC sur les réseaux conventionnels et spécialisés. À titre d'exemple, on sait fort bien qu'à Montréal, tout le monde n'a pas le câble. Par conséquent, il faut vraiment que la Première Chaîne puisse rejoindre ces gens.
    Nous recommandons que la SRC contribue à la promotion du sport fédéré par la production et la diffusion de bulletins de nouvelles sportives répartis équitablement entre le sport fédéré et le sport professionnel. Nous souhaitons un retour de la société dans les bulletins de nouvelles et aux heures de grande écoute. On en trouve sur les réseaux spécialisés comme RDI, de la chaîne Radio-Canada même et qui rejoint le réseau conventionnel. Il y a peu de présence ou peu de références aux sports fédérés.
    Nous recommandons que la Société Radio-Canada produise et diffuse des éléments de promotion sur l'amélioration de la condition physique des Canadiens et des Canadiennes: des capsules publicitaires, des émissions spéciales, des séries régulières et, au besoin, des magazines spécialisés, en se servant des modèles qui existent et en mettant en évidence nos athlètes. Quand on veut changer la culture et les façons de faire des gens dans l'ensemble, on leur présente des modèles qui sont connus et reconnus.
    Finalement, nous recommandons que la programmation pour les enfants et la jeunesse inclue des segments de vulgarisation des saines habitudes de vie. Il faudrait qu'on profite de ces émissions qui s'adressent particulièrement aux jeunes pour diffuser des messages concernant les saines habitudes de vie.
    On pense qu'en touchant l'ensemble de ces éléments, la SRC jouera véritablement son rôle de société généraliste et nationale pour le Québec et le Canada.

  (1535)  

[Traduction]

    Merci.
    Qui va être notre prochain intervenant?
    Chris, c'est à vous.
    Je suis venu ici aujourd'hui en compagnie de Tim Paul, président de Maliseet Nation Radio Inc. Voilà deux ans que je collabore avec Tim au développement de cette station de radio au Nouveau-Brunswick et dans les Maritimes.
    Je tiens à remercier votre comité de nous avoir invités.
    Je veux vous donner aujourd'hui en quelques minutes un aperçu rapide des principaux points soulevés dans votre mémoire. Nous traiterons tout d'abord du mandat de CBC/Radio-Canada dans la mesure où il s'applique aux premières nations du Canada; en second lieu, nous ferons état de l'action de Patrimoine Canada face à la nécessité de revitaliser les langues des premières nations au Canada; enfin, nous vous parlerons du réseau de Maliseet Nation Radio Inc., qui s'efforce de répondre à cette nécessité de revitaliser les langues des premières nations.
    Tout d'abord, le mandat de la Société Radio-Canada, tel qu'il est énoncé aux alinéas 3(1)l) et m) de la Loi sur la radiodiffusion de février de 1991 ne semble pas envisager, de quelle que façon que ce soit, de répondre aux besoins des premières nations du Canada en matière de radiodiffusion. Ce mandat vise les besoins des minorités linguistiques francophones et anglophones, mais il n'y est pas question des quelque 61 langues autochtones actuellement employées au Canada dont plusieurs figurent parmi les langues menacées qui sont énumérées par le Groupe de travail sur les langues et les cultures autochtones de Patrimoine canadien dans le rapport publié en juin 2005.
    Maliseet Nation Radio Inc. estime qu'il est impératif que le mandat de CBC/Radio-Canada soit élargi pour répondre aux besoins et tenir compte de la situation des diverses langues parlées couramment par les membres des premières nations du Canada et que ce mandat devrait renvoyer expressément aux besoins des premières nations du Canada.
    Ces besoins comprennent, entre autres, la question de l'instruction linguistique, des émissions en langue maternelle, des émissions relatives à la culture, le patrimoine et l'histoire et de la transmission intergénérationnelle. Le mandat de la SRC doit être élargi pour qu'il soit tenu compte directement ou indirectement de ces questions, éventuellement par le biais d'un partage de services et d'infrastructures ou d'un partenariat entre le secteur public et le secteur privé.
    Pour commencer à combler le manque actuel de contenu radiophonique à l'intention des premières nations, Maliseet Nation Radio Inc. (MNRI) a créé et fait fonctionner un modèle réussi de radiodiffusion autochtone qui tient compte des besoins exprimés dans le rapport publié en juin 2005 par le Groupe de travail sur les langues et les cultures autochtones. Cette station de radio diffuse des cours en langue autochtone ainsi que des émissions traitant des questions que j'ai évoquées précédemment: la culture, le patrimoine, l'histoire et la transmission intergénérationnelle.
    Compte tenu des recommandations du Groupe de travail et du succès du modèle appliqué par MNRI, l'entreprise a élaboré une stratégie qui prévoit la création d'un réseau radiophonique autochtone dans les Maritimes, appelés Wabanaki Voices East, lequel pourrait être le précurseur d'un réseau national, pour faire rayonner partout le message des premières nations.
    Je vais maintenant vous exposer rapidement les nouvelles politiques de Patrimoine canadien visant à la revitalisation et à la préservation des langues et de cultures autochtones.
    En décembre 2002, la ministre du Patrimoine canadien annonçait que le Canada créerait un centre des langues et des cultures autochtones dans le cadre de l'engagement pris dans le discours du Trône de 2002 à l'égard de la préservation, de la revitalisation et de la promotion des langues et des cultures des Premières nations, des Inuits et des Métis. Au début de 2003, la ministre a créé le Groupe de travail sur les langues et les cultures autochtones, dont les avis orienteraient cette nouvelle initiative. C'est en juin 2005 que le Groupe de travail a publié son rapport. En février 2007, Maliseet Nation Radio Inc. (CKTP-FM) a élaboré un document conceptuel pour créer un réseau radiophonique autochtone du nom de Wabanaki Voices East, qui offrirait, comme je l'ai déjà indiqué, des cours de langue et des émissions en langue maternelle aux Autochtones.
    Ce document conceptuel est issu du succès du modèle de réseau radiophonique proposé par Maliseet Nation Radio Inc. et répond aux principales constatations et recommandations du rapport du Groupe de travail publié en juin 2005. Dans son rapport, le Groupe de travail formule un certain nombre de besoins, de priorités et d'objectifs concernant la revitalisation, la préservation et la perpétuation des langues et des cultures des premières nations, des Métis et des Inuits, et propose également quelques stratégies qui permettraient de réaliser quelques-uns des buts et objectifs les plus nobles.

  (1540)  

    Le réseau radiophonique Wabanaki Voices East sera orienté en fonction des recommandations formulées par le rapport du Groupe de travail et nous permet de disposer, à mon avis, d'un moyen efficace et rentable de mettre en oeuvre nombre des recommandations du rapport du groupe de travail qui, en l'absence d'un tel réseau de stations radiophoniques des premières nations serait impossible à mettre en pratique, et coûterait, de toute façon, bien trop cher.
    J'aimerais conclure sur un certain nombre des principales constatations faites par le rapport du groupe de travail pour bien vous montrer que Wabanaki Voices East s'inscrit dans le cadre de la revitalisation et de la perpétuation des langues autochtones. Elles ont toutes été reprises dans notre mémoire, mais je tenais à en souligner trois ou quatre.
    Tout d'abord, la diversité des premières nations, des Inuits et des Métis ainsi que la vitalité actuelle de leur langue peuvent aussi bien être florissantes comme se trouver en grand danger. Même les langues ayant un grand nombre de locuteurs peuvent être florissantes dans certaines régions ou certaines communautés et se trouver en grand danger dans d'autres. Les études et les enquêtes qui ont été faites nous donnent une image très diverse des langues des premières nations, des Inuits et des Métis. Certaines d'entre elles ne sont parfois parlées que par quelques anciens, alors que d'autres ont des dizaines de milliers de locuteurs. Les grands groupes linguistiques comme le cri, l'ojibway ou l'inuktitut sont viables, puisqu'ils comptent au moins 25 000 locuteurs, des plus jeunes aux plus âgés. Il n'en reste pas moins que toutes ces langues, même celles qui sont jugées viables, perdent du terrain et sont jugées en danger.
    Le réseau Wabaniki Voices East permet l'installation stratégique de ses stations et répéteurs. C'est donc ainsi que fonctionne le modèle — une station à partir de laquelle les émissions sont créées et diffusées, et un certain nombre de répéteurs installés dans les différentes réserves qui ont besoin de cours de langue et qui apprécient les émissions culturelles et en langues autochtones.
    Il est intéressant de constater que l'on peut mettre en place ces stations là où la langue est viable et, par l'intermédiaire du répéteur, de diffuser dans les régions où la langue est éventuellement menacée. On peut donc cibler très précisément les groupes linguistiques en danger au moyen des émissions.
    Je tiens aussi à signaler que les efforts de conservation et de revitalisation des langues ne doivent pas être du ressort exclusif des établissements officiels et doivent s'étendre aux collectivités, aux familles et aux différents groupes sociaux. C'est une recommandation du rapport du groupe de travail. Bien entendu, notre réseau participe à cette action en produisant des émissions créées par et pour le peuple.
    Nous allons dans les réserves, nous nous attachons les services de linguistes spécialisés et nous faisons appel à des établissements — dans notre cas, l'Institut Mi'kmaq-Maliseet de l'Université du Nouveau-Brunswick — qui se chargent d'élaborer des cours de langue en tenant compte de la vitalité de chaque langue. Ce sera l'équivalent d'un cours de langue de première année dans les régions où la langue est menacée, et éventuellement d'un groupe de langue de quatrième ou de cinquième année, c'est-à-dire plus élaboré, là où la langue est mieux parlée.
    Il y a encore un ou deux points à souligner. Le groupe de travail recommande par ailleurs dans son rapport que les anciens mettent l'accent sur la langue, la culture et les valeurs spirituelles, qui sont des notions inséparables pour assurer l'identité des premières nations, des Inuits et des Métis. Il me paraît évident que la langue est essentielle dans toute culture. Lorsqu'on perd sa langue, la culture elle aussi se perd et lorsqu'il n'y a plus de culture, la population est essentiellement elle aussi perdue. Elle a perdu ce qui fait le fondement de son existence. Lorsque nous perdons notre langue et notre culture, nous perdons les racines même de notre être.
    Notre réseau fait appel à la participation de linguistes spécialisés dans chaque collectivité pour assurer la conception et la mise en place de programmes et de cours de langue. De par leur nature, ces personnes sont, au départ, sensibles à ce lien qui existe entre la langue et l'identité d'une population.

  (1545)  

    Sur un dernier point, je relève que le groupe d'étude a souligné dans son rapport que tout le monde reconnaissait la nécessité d'établir une stratégie de revitalisation partant de la collectivité et engageant la collectivité à définir les priorités et à concevoir et mettre en oeuvre des projets impliquant les personnes de tout âge au sein de la population.
    Par l'intermédiaire de CKTP, notre station FM, Maliseet Nation Radio Inc. demande à chaque participant au réseau de diffuser au minimum six heures d'émission à contenu autochtone tout en prévoyant au minimum dix heures de cours par semaine en langue autochtone. On s'assurera ainsi que le projet contribue à la mise en oeuvre d'une stratégie de revitalisation inspirée par la collectivité.
    Nous recommandons donc à votre comité que le gouvernement fédéral et/ou Radio-Canada envisage la restauration d'un partenariat public et privé pour piloter la mise en place d'un réseau radiophonique des premières nations dans les Maritimes et, au bout du compte, à l'échelle du Canada.
    Je vous remercie.
    Je vous remercie de votre exposé.
    Nous allons d'abord donner la parole à M. Scarpaleggia.
    Je vous remercie. C'était très intéressant à tous égards.
    Pouvez-vous nous faire un petit rappel des activités de la radio et de la télévision de Radio-Canada auprès des premières nations? Il y a CBC North, je crois. Quelle est la participation ou l'implication autochtone à la radio et à la télévision de Radio-Canada à l'heure actuelle?
    Je pense qu'en vertu de son mandat, il lui incombe de diffuser un certain pourcentage d'émissions à contenu autochtone. Elle le fait en partie, mais sur certains sites précis, comme dans le cas des Maliseets, par exemple, il est difficile de recevoir des émissions linguistiques mêlées à toutes les autres émissions que diffuse Radio-Canada. C'est une grosse société. Il y a seulement des Maliseets et des Micmacs dans les Maritimes, et pour différentes raisons les émissions diffusées à leur intention par Radio-Canada ne sont pas nombreuses. Il n'y a pas là-bas d'émissions en langue autochtone. Il n'y a pas d'activités culturelles à Radio-Canada. Il y a de temps en temps des nouvelles, des choses de ce genre, mais c'est tout.
    Elles diffusent de temps en temps les nouvelles en langue autochtone?

  (1550)  

    Non.
    Est-ce que la radio et la télévision de Radio-Canada diffuse ailleurs au Canada des émissions en langue autochtone?
    Je pense qu'elle le fait dans le Nord.
    Dans le nord du Québec ou dans les Territoires du Nord-Ouest?
    Dans les Territoires du Nord-Ouest. Je ne connais pas tous les détails, parce que nous sommes dans les Maritimes.
    En somme, il apparaît donc que la télévision et la radio de Radio-Canada ne desservent pas en fait les collectivités des premières nations a) dans leur langue ou même b) en anglais ou en français. Vous semblez donc nous dire qu'il s'agit là — passez-moi l'expression — d'un marché qui reste ignoré.
    En effet.
    Vous préconisez alors que l'on trouve un moyen pour que cette collectivité soit prise en charge par Radio-Canada. Vous semblez être conscient du fait qu'en vertu des restrictions budgétaires imposées actuellement à Radio-Canada, cette dernière n'a peut-être pas la possibilité, pour le moment du moins, de mettre en place un troisième réseau de radio ou de télévision. Vous proposez donc que l'on instaure un partenariat public et privé avec Radio-Canada, en commençant par votre collectivité.
    Est-ce que j'ai bien compris votre pensée?
    C'est tout à fait cela.
    C'est très intéressant, parce que nous avons entendu d'autres groupements, pas des groupements autochtones, mais des professionnels de la radio communautaire, qui ont tendance à nous faire les mêmes propositions au nom de différentes collectivités. Votre argumentation est donc intéressante.

[Français]

    Monsieur Côté, vous parliez de sport à la télévision, mais vous avez fait la distinction entre le sport professionnel qui est bien couvert par les réseaux privés et le sport amateur fédéré. Est-ce exact?
    Oui, c'est exact.
    Il n'y a presque pas de sport amateur à la télévision maintenant?
    Il y en a très peu à la Société Radio-Canada.
    Et sur les autres chaînes?
    Sur les autres chaînes, sur RDS par exemple, ils sont couverts de façon significative. Ils travaillent avec nous, entre autres lors des Jeux du Québec et à certaines occasions, comme lors de la soirée du Gala Sports-Québec. Il y a donc une collaboration. D'ailleurs, la station RDS a pris la relève de Radio-Canada lorsque celle-ci s'est retirée, parce que les Jeux du Québec ont déjà été réalisés en collaboration avec la société, à ses frais.
    Qu'en est-il des autres chaînes privées, comme TVA, TQS?
    Il y a peu de couverture par TVA. Ils ont choisi de couvrir le sport professionnel, mais de façon différente aussi. Il y a très peu de sports fédérés, de sports amateurs.
    Pensez-vous qu'il y ait de la place sur la grille de Radio-Canada en ce moment pour aller au-delà du sport professionnel? Reste-t-il du sport professionnel à la SRC? Évidemment, le hockey est maintenant à RDS.
    Il en reste un peu. Disons que cela revient lentement. On peut penser à la présentation des matchs de l'Impact, ce qui est tout à fait nouveau. On a appris que la boxe reviendrait aussi. Mais c'est quand même très limité, en ce qui concerne le sport.
    Si vous étiez le roi de la SRC et que vous deviez faire la grille de programmation, avez-vous pensé à ce qu'on serait tenus de déplacer pour y inclure du sport amateur?
    On est conscients des coûts et de ce que cela représente. Mais on sait aussi qu'une société comme Radio-Canada a des responsabilités à assumer. On vous en a nommé quelques-unes, entre autres valoriser l'activité physique. Quand on pense aux problèmes d'obésité, d'embonpoint et d'inactivité, il y a là une responsabilité de la part de la Société Radio-Canada, mais également de la société canadienne.
     La société canadienne a peu d'emprise sur les diffuseurs privés. Ils sont soutenus grâce à des fonds privés. À partir du moment où on parle de fonds publics, je pense qu'on doit identifier des cibles majeures pour la société canadienne et québécoise. Alors, en ce sens, il faut retourner à la couverture des sports fédérés pour présenter le plus souvent possible, dans le meilleur contexte et au meilleur coût possible, les modèles dont on dispose.
     Qu'on pense à des personnes comme Alexandre Despatie, aux nageuses, etc. Actuellement, on est en train de créer le Centre d'excellence des sports aquatiques à Montréal, où on a regroupé quatre sports. Il n'y a pas de couverture à ce niveau, et pourtant, c'est un événement majeur, c'est une situation particulière au Canada. On aimerait que ces événements soient couverts.
    En ce qui concerne les bulletins de nouvelles, si on ne revient pas régulièrement pour tenir les gens informés et soutenir leur intérêt, on perd toute une partie de l'influence, d'autant plus que les informations sont facilement disponibles. Au Québec, on a mis en place un organisme qui s'appelle Sportcom, qui est une agence de communication du sport amateur. Toutes les informations sont connues. Les athlètes, les entraîneurs et les organisations peuvent rejoindre ce réseau 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Alors, si on veut diffuser de l'information, on n'est pas nécessairement obligé d'avoir des gens sur place, on peut se servir de ce qui existe. Des collaborations avec RDS, entre autres, seront possibles. C'est une autre manière d'utiliser les fonds publics de façon appropriée.

  (1555)  

    Merci.

[Traduction]

    Avant de donner la parole à M. Angus, je dois préciser que nous avons effectivement tenu des audiences à Yellowknife. Pour être plus précis — M. Scarpaleggia n'était pas présent — Radio-Canada fait un très gros travail dans le Nord; elle s'efforce de remédier aux problèmes de langue dans cette région. Au Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest, ainsi qu'autour de la Baie James et dans le nord du Québec, elle diffuse non seulement en anglais et en français, mais elle opère dans huit langues inuites et autochtones. Elle dit effectivement couvrir environ la moitié du pays doté d'une population très clairsemée et elle opère dans une certaine mesure en partenariat avec un certain nombre de stations autochtones locales. En un lieu donné, elle a fait appel a une tour de transmission pour contribuer à assurer les émissions.
    Je sais que rien n'a été prévu au Nouveau-Brunswick, mais il existe bien tout un réseau à l'heure actuelle dans le Nord, de sorte que l'on s'efforce de faire avancer les choses.
    C'était juste à titre de précision.
    M. Angus.
    [Le député parle en cri.]
    Je connais un peu de cri car j'ai travaillé sur la côte de la Baie James. Nos collectivités dépendent absolument de la radio Wawatay. Cette radio raccorde les collectivités cries dans un rayon de 1 000 kilomètres dans ma circonscription, elle leur permet de se parler entre elles, elle les intègre à une collectivité plus large, notamment avec les familles qui se sont implantées dans notre principale centre de population, qui est Timmins. Je m'intéresse de près au rôle que joue la radio autochtone dans la protection de la langue pour le développement de la collectivité.
    Vous évoquez la nécessité de rétablir la langue. Je sais que Wawatay s'intéresse principalement au cris dans le nord-est de l'Ontario et à l'oji-cri dans le nord-ouest du Québec. J'ai travaillé au sein de collectivités autochtones du Québec qui ont en partie perdu leur langue et où s'est principalement l'anglais que l'on entend à la radio, mais cette dernière n'en jouait pas moins un rôle en rassemblant les gens et en leur permettant de se parler...
    Allez-vous exclusivement axer votre action sur la langue, ou est-ce aussi un moyen comme un autre de permettre à toutes les collectivités de votre territoire de se rassembler, qu'elles parlent anglais ou...?
    C'est une bonne question.
    C'est effectivement en grande partie le rôle d'un réseau, raccorder les gens et donner une voix aux premières nations. Même si la mission du réseau sera de dispenser des cours de langues autochtones et de diffuser des émissions dans ces langues, une grande partie de ses activités consistera effectivement à assurer ce raccordement, que vous avez indiqué, et qui est si important, non seulement pour communiquer l'information, mais pour donner un sens à la collectivité, pour rassembler les gens, et pour partager certaines connaissances importantes qui ont trait aux premières nations. C'est ainsi qu'il peut y avoir des émissions en anglais sur le réseau national dont toutes les populations, quelle que soit leur langue, tireraient profit en anglais dans la mesure où elles intéressent de manière générale l'ensemble des premières nations.

  (1600)  

    À l'heure actuelle, vous avez une station radiophonique centralisée en exploitation et vous envisagez d'installer des émetteurs pour vous raccorder aux autres collectivités.
    C'est exact. Nous voulons installer des réémetteurs dans toutes les autres collectivités. Nous opérons dans la ville de Fredericton, et nous diffusons d'autres émissions, pour la simple raison que nous avons besoin de la publicité pour pouvoir tourner. Il nous serait très difficile de ne diffuser qu'en langue autochtone. On ne pourrait pas aller chercher de la publicité. Il y a d'autres grandes stations de radio qui prennent 99 p. 100 des budgets de publicité dans notre région, nous ne sommes subventionnés par personne, et nous devons donc passer des émissions de variété que les non-Autochtones vont écouter pour pouvoir obtenir de la publicité non autochtone. Nous avons besoin de la publicité, d'où nos difficultés. Nous arrivons à peine à joindre les deux bouts, parce que nous sommes en concurrence avec de grosses stations de radio qui bénéficient d'énormes budgets de publicité, et nous ne sommes tout simplement pas compétitifs à ce niveau.
    Il ne reste plus que 4 500 Maliseets sur cette terre et il n'y en a probablement pas plus de 2 p. 100 qui sont aujourd'hui en mesure de parler leur langue. La majorité d'entre eux ont dû l'oublier quand on les a embrigadés dans le système scolaire, il y a quelques années, et notre langue se meurt. Notre langue est l'une de celles dont on dit qu'elles seront complètement disparues dans 20 ans si l'on ne fait rien.
    Votre situation est très semblable à celle des Algonquins. J'ai travaillé auprès de la nation algonquine pendant des années au Québec. Nous avions une station de radio dans la région du lac Témiscaming. Nous ne pouvions pas obtenir de la publicité parce que notre diffusion était exclusive. J'ai toujours pensé que bien des non-Autochtones auraient pu aimer nos émissions, parce qu'elles étaient bien plus amusantes. Cette radio n'était pas concurrentielle, toutefois, et elle a donc été très limitée dans sa capacité... et pourtant nous avions 10 collectivités disséminées dans la région de l'Abitibi, jusqu'au parc de La Vérendrye, qui ne pouvaient pas se parler entre elles, en tout une population clairsemée de quelque 8 000 personnes.
    Est-ce que votre situation est essentiellement la même? Avez-vous des collectivités dispersées sur un grand territoire?
    Oui, il y en a partout.
    Nous souhaitons non seulement instruire notre propre population, mais aussi la population non autochtone au sein de nos collectivités et des régions environnantes qui nous écoutent — en leur expliquant, par exemple, pour quelle raison nous avons des droits issus de traités et pourquoi nous faisons certaines choses. Il est important que les non-Autochtones comprennent cette réalité. Ils n'entendent rien à ce sujet en écoutant Radio-Canada; c'est en nous écoutant qu'ils l'apprennent. Lorsque la Cour suprême rend une décision, nous voulons que la population sache pourquoi et ce qui s'est passé. Nous voulons en faire état en donnant notre point de vue.
    Nous avons entendu au Manitoba le témoignage du réseau radiophonique autochtone du nord du Manitoba, qui semble avoir beaucoup de succès. Il s'est d'ailleurs substitué dans certaines régions aux postes de radiodiffusion privées autochtones et non-autochtones en raison de la qualité de ses émissions, et il diffuse sur un très large territoire.
    Avez-vous étudié d'autres modèles susceptibles de vous guider ou de vous inspirer? Êtes-vous en pourparlers avec d'autres organisations?
    Nous nous débrouillons dans une large mesure par nous-mêmes. Nous avons tout fait à partir de zéro. J'ai personnellement obtenu un prêt de ma banque. Nous avons contacté le gouvernement fédéral et tous les organismes fédéraux, personne n'a voulu consacrer le moindre sou au lancement d'une station radiophonique. J'ai demandé un prêt personnel à ma banque pour ce faire. C'était il y a un peu plus de trois ans, et j'ai mené ce projet au point où nous en sommes actuellement sans aucune aide du gouvernement.
    Nous sommes au courant de la situation au Manitoba, mais pour l'instant, nous cherchons tout simplement à implanter notre réseau. Nous ne manquerons pas de consulter ces réseaux qui ont eu du succès à l'échelle du pays une fois que nous aurons assuré notre assise et mis en place notre réseau. Nous nous tournerons alors vers les autres modèles pour savoir ce qui marche. Nous retiendrons le meilleur mode de fonctionnement et nous ne manquerons pas de consulter les administrateurs des réseaux ayant réussi.
    Je vous remercie.
    M. Malo.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
     Messieurs, mesdames, bienvenue.
    Monsieur Côté, vous avez dit une chose fort intéressante dans votre présentation, à savoir que le sport était une forme d'expression qui s'inscrivait dans la culture d'un pays, en d'autres mots, un élément qui servait à forger l'identité collective. Il est intéressant que vous le rappeliez ici, mais on peut constater que les Canadiens le savent déjà puisque la CBC présente beaucoup de sport. En fait, elle en présente beaucoup plus que la Société Radio-Canada. Vous avez dit qu'au cours des dernières années, la proportion d'émissions sur le sport, entre autres le sport fédéré, présentées sur les ondes de la SRC avait diminué de façon assez significative. Aujourd'hui, il n'y en a pratiquement plus.
    Dans votre première recommandation, vous suggérez de donner à la Société Radio-Canada un mandat supplémentaire incluant la responsabilité de contribuer à la promotion du sport fédéré et de saines habitudes de vie. Quand on parle de créer de saines habitudes de vie, on sait que le sport fédéré est en effet un outil important. Étant donné que le mandat actuel de la SRC lui permet de trouver des façons de ne pas présenter de sport, vous avez décidé d'inclure un critère beaucoup plus restrictif, qui l'obligerait à le faire. Je trouve cette recommandation très intéressante et je vous en félicite.
    Pour ce qui est de ma question, j'aimerais savoir si quelqu'un à la SRC vous a dit à un certain moment que le sport n'était plus vraiment important et que la société comptait tranquillement se désengager de tout cela. Comment les choses se sont-elles passées?

  (1605)  

    On nous dit plutôt le contraire, c'est-à-dire que le sport fédéré va être réintégré et qu'une nouvelle programmation va être créée. Or, on l'attend toujours, et c'est ce qui est un peu malheureux. Dans notre mémoire, nous précisons tout ce que nous avons perdu au fil des ans, non seulement à la télévision, mais également à la radio de Radio-Canada. Nous ne voulons pas prendre la place de quelqu'un: nous voulons reprendre un rôle que nous estimons important en ce qui a trait à la valorisation de saines habitudes de vie, à la promotion d'éléments importants du sport fédéré au Québec et aux athlètes qui s'illustrent, plus particulièrement les athlètes francophones. En effet, ce sont eux qui souffrent d'un manque de visibilité et de promotion auprès des francophones. Le mémoire sert à démontrer cela.
    Chaque fois qu'on rencontre des gens de Radio-Canada — et Raymond l'a fait à plusieurs reprises —, ils nous disent avoir l'intention de réintégrer certains éléments et nous recommandent de bien surveiller la prochaine programmation. On est encore à l'étape de la volonté, cependant. Quand nous analysons l'émission Au-dessus de la mêlée, soit le seul et unique magazine qui reste, nous nous disons que dans le cadre de celui-ci, on pourrait parler de nous, des faits saillants sur les athlètes performants et les réalisations marquantes en matière de sport fédéré. Or, on parle tant et plus de hockey et, encore et toujours, de hockey professionnel. Nous pensons que des éléments importants du sport peuvent avoir un effet d'émulation sur les Canadiens et Canadiennes. Nous ne voulons pas usurper la place des autres, mais bien reprendre la nôtre.
    Comment a-t-on justifié auprès de vous les précédentes coupes? Que vous donnait-on comme raisons?
    On n'a rien justifié. C'est plus subtil que cela. Le sport fédéré, c'est certain, n'est pas vendeur ni payant. Ce n'est pas pour rien que TVA et TQS ne sont pas là: ce n'est pas payant pour les commanditaires. Quand on n'y croit pas, c'est tellement facile de ne pas le couvrir, de ne pas en parler et, lentement, de ne pas y aller. Vous voyez dans les quelques éléments qu'on vous a donnés que le retrait s'est fait graduellement. On a remplacé une émission. La venue de Au-dessus de la mêlée, c'est fantastique, cela concerne le sport. Mais cela ne remplace pas le bulletin de nouvelles. On n'y parle pas du sport fédéré, on y parle surtout du sport professionnel, particulièrement du hockey ou de la boxe, parce que c'est plus vendeur. C'est le cheminement qu'on a emprunté.
    Donc, il faut soit une volonté, une croyance ou une obligation pour que la SRC réalise un mandat qui touche le sport fédéré. C'est pour cette raison qu'il y a des recommandations qui sont beaucoup plus spécifiques par rapport aux saines habitudes de vie. Il y a des mandats qu'on identifie quand il y a des revenus spécifiques provenant du sport. On n'a rien contre la présence du sport professionnel, mais qu'on se serve de cela pour appuyer le sport fédéré. À ce niveau, je pense qu'on reflète une volonté et un désir de s'inscrire dans une culture qui est celle du sport.

  (1610)  

    On a parallèlement constaté, dans les rapports annuels de Radio-Canada, que la couverture des Jeux olympiques était rentable en termes de revenus publicitaires. On voit, chez les anglophones et chez les francophones, que ces revenus publicitaires sont importants. Ils sont générés par les Jeux olympiques, qui sont du domaine du sport fédéré. Nous — et c'est une de nos recommandations — disons qu'on a la preuve que des événements de sport fédéré peuvent être rentables pour la société d'État, qu'on a la preuve que des partenariats peuvent être établis avec d'autres diffuseurs, toujours par la société d'État. Les Jeux olympiques ont fait la preuve de cela. On se dit que ce modèle peut être repris dans d'autres événements moteurs en sport fédéré. D'autre part, une partie de ces revenus, puisqu'ils sont importants, doit être réinjectée dans la promotion du sport fédéré et de saines habitudes de vie. On part donc d'un modèle rentable, d'un modèle gagnant-gagnant. La société d'État a perdu, à regret, la couverture des Jeux olympiques de Vancouver, et nous sommes convaincus qu'elle se représentera pour obtenir la couverture des prochains Jeux olympiques.
    Justement, parlant de Jeux olympiques, pourriez-vous me parler des conséquences de la perte de la diffusion des jeux par la Société Radio-Canada pour les athlètes francophones et le public francophone?
    Entre autres choses, Adrénaline était une émission qui permettait de faire la présentation d'athlètes olympiens qui allaient nous représenter à de futurs Jeux olympiques. On découvrait leur environnement, on les suivait dans leurs compétitions, on suivait leurs performances. Cette émission était entièrement dédiée aux sports olympiques; elle n'existe plus. Pourtant, la plage horaire d'une demi-heure a été occupée par une quotidienne, Au-dessus de la mêlée, qui vient maintenant nous parler de sport professionnel. On s'est trouvés privés d'une tribune de promotion. Or, cette tribune de promotion était récurrente. Elle existait sur l'ensemble de la saison, donc, elle permettait, entre deux éditions de Jeux olympiques, de suivre le parcours de nos olympiens et de créer ces modèles d'émulation qui sont importants pour nous au niveau des entreprises. Quand on approchait une entreprise, elle savait qu'elle pouvait régulièrement parler d'athlètes qui s'illustraient en sport fédéré. On n'a plus cette tribune. Le même fait a été constaté à la radio. La perte des émissions a aussi suivi cette appréhension qu'on avait de perdre la couverture des Jeux olympiques. On voit bien que le retrait est maintenant presque total.
    Donc, seriez-vous prête à dire qu'il y a même eu des commanditaires qui étaient prêts à aider des athlètes à se rendre jusqu'aux plus hauts échelons olympiques et que ces commanditaires se sont retirés parce qu'ils avaient une moins grande couverture?
    Ils sont plus difficiles à solliciter.
    On ne pourrait pas s'exprimer de façon aussi précise parce que, évidemment, on n'est pas dans les bottines ni dans les bouquins de la Société Radio-Canada. Cependant, on sait que parmi les jeunes athlètes en cheminement, on peut prendre quelques têtes d'affiche. Mais il n'y a pas qu'eux dans le sport fédéré. Les autres sont moins visibles, moins vus, on les présente moins. Aux yeux des téléspectateurs, c'est moins attirant. Si on veut faire une émission de sports fédérés, les commanditaires vont se demander qui cela va toucher exactement. Cela devient donc une clientèle très étroite.
    Quand on pense à une culture, il faut comprendre que cela ne fait pas référence qu'aux élites. La culture présente une réalité, c'est-à-dire la réalité des jeunes qui se sont engagés dans un cheminement sportif afin d'atteindre l'excellence.
    L'émission Adrénaline couvrait l'ensemble de ce réseau ou l'ensemble de ce palmarès. Quand on limite la couverture à quelques individus, le marché devient beaucoup plus mince et les commanditaires se disent qu'à moins de couvrir certains d'entre eux, ils ne participeront pas. Pour nous, cela représente une perte.
    Il faut une volonté, une exigence à l'endroit d'un organisme comme la Société Radio-Canada de présenter le sport comme un élément de culture, donc, dans sa réalité sur le terrain, dans ce que c'est tous les jours ou de façon régulière, et non seulement quand on présente des championnats internationaux. Telle est la réalité qui devrait être présentée et qui devrait rejoindre les gens. Quand on voit les athlètes grandir, on s'y intéresse davantage et on les suit. Par contre, quand on ne les voit apparaître qu'une seule fois ou quand on n'exploite pas une telle personnalité sportive, cela n'a pas un grand impact. C'est le cas des Jeux olympiques. On voit les athlètes pendant 15 jours, puis ils disparaissent pour réapparaître quatre ans plus tard. Il faut donc entretenir l'intérêt. On souhaite que le mandat de la Société Radio-Canada soit exigeant à cet égard et qu'elle soit présente constamment et au quotidien.
    Le bulletin de nouvelles est un bon exemple; les magazines également. Il peut aussi y avoir des présentations publicitaires où on rappelle des éléments importants pour la société canadienne. Il y a 1001 façons de le faire. Il est certain que cela implique certains montants d'argent. Je pense que le seul réseau sur lequel on peut avoir une certaine influence ou exigence, c'est la Société Radio-Canada, les autres étant des réseaux privés, donc, à moins qu'on ait de l'argent pour les financer, c'est impossible.
    Il est difficile d'en sortir.

  (1615)  

[Traduction]

    Merci.
    Avez-vous rapidement une question à poser?

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Chez nos jeunes ou chez les plus petits, c'est-à-dire ceux à qui il faut inculquer de saines habitudes de vie, car la sédentarité s'est installée, avez-vous vu sur le terrain une différence dans la pratique entre le moment où l'émission Les Héros du samedi était présentée à la télévision et le moment où on a arrêté de diffuser ce type d'émission?
    Il est évident qu'on est moins sensible à ce qu'on ne voit pas. Par contre, on sait qu'après les championnats internationaux ou les Jeux olympiques, il y a des réactions. Qu'on pense aux Jeux olympiques de 1976: des dizaines et des dizaines de Nadia Comaneci sont nées. On a vécu, en 2005, les championnats aquatiques: les inscriptions ont monté en flèche. Si on présente une compétition de patinage de vitesse, que voit-on dans les clubs? Une augmentation des inscriptions a cette discipline.
    Si on ne voit pas ou on ne présente pas un sport, il est certain qu'on perd un impact important. Le fait de le voir fréquemment a un effet sur la pratique et la participation. Les jeunes le voient et s'identifient à des modèles. Régulièrement, on entend des jeunes dire qu'ils ont découvert un sport en voyant untel ou unetelle le pratiquer. Il devient extrêmement important de voir les athlètes régulièrement. On ne peut pas se fier que sur la commandite pour présenter de telles images. Cette responsabilité appartient à une société comme Radio-Canada.
    Puisqu'il faut maintenant nous tourner vers les réseaux spécialisés pour assurer une telle visibilité, cela nous apporte des contraintes financières importantes. Quand Radio-Canada était présente dans nos événements, on n'avait pas de frais. Maintenant, on doit débourser pour être à la télévision.
    Oui, RDS nous couvre bien, mais on doit payer. Quand on sollicite nos commanditaires, quand on va chercher de l'argent pour le sport fédéré, une partie de l'argent qu'on recueille nous sert à en faire la promotion à la télévision. Auparavant, c'était un service qui nous était rendu. L'argent pouvait donc être entièrement dévolu à l'organisation d'événements, au développement du sport et au soutien des athlètes. Maintenant, on doit également en assurer la promotion en payant pour celle-ci.
    Cette précision est très intéressante.

[Traduction]

    Je vous remercie de vos exposés. Je dois dire que j'ai à coeur de voir les populations autochtones se doter de leurs propres réseaux de radio et de télévision.
    Je m'intéresse aussi particulièrement au sport. J'ai joué à la balle molle, à la balle rapide et un petit peu au baseball, au hockey et au football lorsque j'étais à l'école secondaire. Dans trois semaines environ, à peu près à la même heure que maintenant, j'aurais l'honneur de lancer la première balle en soirée lors d'une partie de hockey qui aura lieu entre l'équipe du Canada et celle de l'Australie. Cette partie va se jouer dans la petite ville où je suis né, à Sebringville, en Ontario. N'oubliez pas de venir si vous en avez l'occasion.
    J'ai joué à la balle lente jusqu'à il y a environ cinq ans. J'aurais dû continuer à jouer, j'ai quelque peu perdu la forme depuis.
    Il n'est jamais trop tard pour recommencer.
    Non, il n'est jamais trop tard.
    Monsieur le président, il me faut intervenir ici.
    J'ai eu l'honneur de lancer la première balle l'année dernière lors du championnat national des petites ligues à Timmins. Avant que je lance cette première balle, il a fallu toutefois distribuer des masques de receveur à tous les membres de la foule.
    Des voix: Oh, oh!
    En fait, il va falloir que je lance sous-main et il me faudra donc m'entraîner cette fin de semaine.
    Je dois reconnaître que les séances d'hier soir et d'aujourd'hui ont été superbes, et que nous avons reçu d'excellents témoins. Tous vos exposés ont été excellents et très utiles.
    Je remercie tous les membres de mon comité de leur présence. Nous avions d'autres participants un peu plus tôt, mais ils ont dû partir en avance pour ne pas manquer leur vol. Je remercie tous ceux qui sont restés, qui ont su poser toutes les questions qui s'imposaient.
    Je remercie aussi l'ensemble de notre personnel présent aujourd'hui.
    Passez une bonne fin de semaine. J'espère que nous parviendrons à rédiger un excellent rapport.
    La séance est levée.