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PACP Rapport du Comité

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La diffusion prématurée des rapports de la vérificatrice générale dans les médias avant leur présentation à la Chambre des communes

INTRODUCTION

Conformément à la Loi sur le vérificateur général, la vérificatrice générale du Canada dépose des rapports à la Chambre des communes plusieurs fois par année. Les parlementaires ayant le privilège de prendre connaissance du contenu de ces rapports avant qu’ils ne soient rendus publics, le Bureau de la vérificatrice générale tient, les jours de dépôt des rapports, une séance d’information à huis clos pour les parlementaires et une pour les médias. Cependant, il est arrivé à de nombreuses reprises que le résultat de certaines vérifications soit communiqué aux médias avant même ces séances d’information et le dépôt des rapports en question au Parlement.

Le Comité trouve très préoccupantes ces atteintes au privilège parlementaire et il s’est réuni deux fois pour traiter de la question : une fois le 15 mai 2006 pour parler d’une fuite au sujet de la vérification du Programme des armes à feu[1] et une autre fois, le 5 février 2007, pour discuter d’une fuite relative à la vérification des marchés de services de réinstallation[2] . Lors de sa réunion du 15 mai 2006, le Comité a entendu la vérificatrice générale du Canada Sheila Fraser et Jean Ste-Marie, vérificateur général adjoint et conseil juridique. Le 5 février 2007, le Comité a rencontré Mme Fraser, Ronnie Campbell (vérificateur général adjoint), Brian Aiken (chef de la vérification interne à la Gendarmerie royale du Canada), Daphne Meredith (sous-ministre déléguée de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada), Alister Smith (secrétaire adjoint, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada) et Colleen Volk (sous-ministre adjointe, Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique du Canada).

OBSERVATIONS ET RECOMMANDATIONS

Les fuites de renseignements au sujet des vérifications du Bureau du vérificateur général sont un phénomène qui n’est ni nouveau, ni, malheureusement rare,. La vérificatrice générale a confié au Comité que, depuis 2001, le contenu d’au moins dix vérifications de l’optimisation des ressources avait été révélé à des journalistes avant même que les rapports aient été déposés à la Chambre des communes, ce qui, aux yeux du Comité, est dix de trop. Cela représente environ sept pour cent des 147 vérifications de l’optimisation des ressources présentées à la Chambre durant cette période.

La vérificatrice générale est convaincue que les fuites ne sont pas imputables à des membres de son équipe du Bureau du vérificateur général (BVG). Elle a dit que le BVG avait institué des mesures internes de sécurité pour protéger l’information contenue dans ses rapports. Le BVG veille à ce que tous ses employés connaissent et respectent les consignes de sécurité énoncées dans la politique et les lignes directrices sur la sécurité. Il s’assure aussi que tous les employés de l’imprimeur qui manipulent les rapports possèdent la cote de sécurité nécessaire et exercent un contrôle rigoureux sur les exemplaires imprimés.

Cependant, l’information contenue dans les ébauches de rapport du BVG est exposée à un certain risque sur le plan de la sécurité. En effet, pour vérifier si les faits présentés dans les rapports de vérification sont exacts et complets et pour donner aux ministères et organismes concernés la possibilité de préparer leur réponse à ses recommandations, le BVG consulte les organisations visées au sujet du contenu de ses rapports et leur fournit des exemplaires des ébauches de ses rapports accompagnés d’une lettre les informant des précautions à prendre : le document doit être traité avec la discrétion qui s’impose jusqu’à ce qu’il soit déposé à la Chambre des communes; il est interdit d’en faire des copies; il faut en restituer tous les exemplaires au BVG ou les détruire. Tous les exemplaires sont numérotés pour mieux les retracer et les récupérer.

La vérificatrice générale a aussi signalé que, dans les jours qui précèdent le dépôt d’un rapport, son bureau offre des séances d’information aux ministres responsables des ministères et organismes visés par les vérifications puisqu’ils devront répondre publiquement au rapport.

Après la dernière fuite, la vérificatrice générale a décrit les nouvelles mesures prises par son bureau pour s’assurer que les ministères et organismes appliquent les procédures voulues pour protéger la confidentialité des rapports du BVG. Elle a dit au Comité que, « au début de chaque vérification, nous écrirons aux hauts fonctionnaires pour leur rappeler qu'ils sont tenus de suivre les procédures appropriées visant à protéger la confidentialité de nos rapports. Nous ne remettrons pas nos ébauches aux ministères avant d'avoir reçu [par écrit l’engagement d’accepter] ces responsabilités» [3]

Un représentant du Secrétariat du Conseil du Trésor, Alister Smith, a dit au Comité que le gouvernement avait effectué deux examens internes au sujet des fuites. Après la fuite du mois de mai, la vérificatrice générale a demandé aux ministères de revoir leurs procédures de contrôle des documents. Après la fuite de novembre, le président du Conseil du Trésor a lui aussi demandé un examen des procédures. Selon M. Smith, les ministères sont persuadés qu’ils appliquent des mesures suffisantes pour assurer la confidentialité des ébauches des rapports. Ces mesures comprennent notamment la centralisation de la gestion des documents, le contrôle de la transmission des documents et des procédures d’entreposage et de récupération des documents.

Or, en dépit de ces assurances, les problèmes perdurent. Avant même que le rapport Le Point de la vérificatrice générale soit déposé le 13 février 2007, un journal faisait état d’une note de service adressée à un ministre et contenant les conclusions d’une vérification[4] . En l’occurrence, il semble que la diffusion du contenu de cette note de service ne soit pas le fruit d’une fuite, mais d’une demande d’information présentée aux termes de la Loi sur l’accès à l’information, mais le Comité trouve néanmoins très inquiétant que le ministère en question ait communiqué l’information demandée. Les leçons des fuites précédentes ne semblent pas avoir été assimilées.

Le Comité est très inquiet de la constance de ces fuites et n’est pas du tout satisfait des mesures prises jusqu’à présent. La fuite d’information susmentionnée, à propos du rapport Le Point de 2007 de la vérificatrice générale, montre que les ministères doivent prendre la chose plus au sérieux. Il faut faire davantage.

Après la fuite de mai 2006, la vérificatrice générale a envisagé de demander une enquête policière, mais elle a dit au Comité que, à son avis, « rien ne nous oblige à rapporter l'incident à la GRC, car aucune loi n'a été violée. Dans ce cas-ci, c'est plutôt la politique du gouvernement sur la sécurité qui n'a pas été respectée»[5] .  Conformément à cette politique, l’administrateur général est responsable de son application et les « ministères sont tenus d'imposer des sanctions à la suite d'incidents de sécurité lorsque, de l'avis de l'administrateur général, il y a eu inconduite ou négligence»[6] .  Cependant, comme dans le cas de la plupart des politiques gouvernementales, il est difficile de savoir dans quelle mesure celle-ci est appliquée avec rigueur et si des sanctions sont imposées.

Qui plus est, la Politique gouvernementale sur la sécurité ne contient pas de directives précises sur les ébauches de rapport de la vérificatrice générale. Le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux s’est pour sa part doté de mesures de sécurité spéciales à l’égard des documents du BVG, dont il nous a fait part. Le Comité est d’avis que tous les ministères et organismes devraient prendre de telles précautions. En conséquence, il recommande :

Recommandation
Que le Conseil du Trésor du Canada, en collaboration avec le Bureau du vérificateur général du Canada, adopte une politique stricte propre à assurer la sécurité des ébauches de rapport de la vérificatrice générale et prévoyant notamment des sanctions comme de la formation en matière d’éthique, une suspension et/ou un congédiement pour ceux qui ne respectent pas à la lettre les mesures de contrôle des documents en question.

MESURES À PRENDRE

Des politiques strictes et des documents de contrôle aideront sans doute, mais ils ne seront peut-être pas suffisants. Le Comité est prêt à envisager des mesures plus importantes si les fuites persistent. 

Bien qu’on ne connaisse pas la source de ces fuites, le Comité se demande à qui elles peuvent profiter le plus. Pour tenter de les décourager, le Comité a l’intention, s’il se produit d’autres fuites, de mener une enquête approfondie et de convoquer au besoin toutes les personnes – ministres, personnel politique et fonctionnaires – qui auront eu une ébauche de rapport entre les mains ou auront été mises au courant de son contenu, afin d’examiner leurs actions. Une des raisons pour lesquelles une personne ne craint pas de divulguer de l’information est le fait de pouvoir s’en tirer sans amende et sans conséquence négative. Même s’il lui sera peut-être difficile d’identifier les responsables, le Comité espère que la menace de sanctions sévères à quiconque divulguera aux médias de l’information sur le contenu des rapports de la vérificatrice va les dissuader de le faire.

Comme il a été mentionné, la vérificatrice générale remet aux ministères des copies de l’ébauche de ses rapports afin de confirmer les faits et obtenir des réponses aux recommandations. Pour éviter les fuites, le Comité pourrait également recommander que la vérificatrice générale confirme seulement les faits de ses rapports avec les ministères avant le dépôt, puis que les ministères répondent aux conclusions et aux recommandations du rapport après son dépôt au Parlement. Le Comité reconnaît que cette mesure entraînerait des inconvénients pour le Bureau du vérificateur général et les ministères visés, mais il faut absolument prendre des mesures drastiques pour résoudre cette situation inacceptable.

Dans le même ordre d’idées, le Comité pourrait songer à recommander à la vérificatrice générale de ne pas informer les ministres et leur personnel avant le dépôt du rapport. Il faudrait alors attendre pour questionner les ministres sur les conclusions des rapports en question.

Quelle que soit l’orientation choisie, le Comité est très mécontent des fuites et est bien déterminé à prendre des mesures plus sévères à l’avenir.

CONCLUSION

Le Comité considère comme un problème sérieux la communication prématurée du contenu des rapports de la vérificatrice aux médias, car elle porte atteinte au droit de la Chambre des communes, prévu par la loi, de recevoir ces rapports et au privilège parlementaire. Comme les Présidents et la Chambre des communes l’ont affirmé à plusieurs reprises, la Chambre a le droit prééminent de prendre connaissance la première de certains rapports et documents qui y sont déposés, avant même qu’ils ne soient rendus publics, spécialement quand ils proviennent d’un haut-fonctionnaire du Parlement qui relève de la Chambre à travers le Président. Ce privilège traduit entre autres le rôle de premier plan que la Chambre des communes joue à juste titre dans les affaires législatives du pays et en tant que représentant de la population s’agissant de demander au gouvernement de rendre compte de son action.  La divulgation prématurée et non autorisée des rapports de la vérificatrice générale avant qu’ils ne soient dûment déposés à la Chambre risque d’entraver les travaux de la Chambre des communes et constitue un outrage au Parlement. Si les problèmes persistent, le Comité, et probablement la Chambre des communes, sera forcé de prendre d’autres mesures pour préserver l’intégrité de notre régime parlementaire.

[1]
Bureau du vérificateur général du Canada, Rapport Le Point de mai 2006, chapitre 4, Le programme canadien des armes à feu. La fuite a donné lieu à un article dans le National Post intitulé « Liberals Buried Gun Costs: Auditor General to Reveal Problems with Firearms Registry Lingered for Years », 11 mai 2006, page A1.
[2]
Bureau du vérificateur général du Canada, Rapport de novembre 2006, chapitre 5, La réinstallation des membres des Forces canadiennes, de la GRC et de la fonction publique fédérale. La fuite a donné lieu à un article dans le Globe and Mail intitulé « $400-million Federal Deal Bungled Twice, Auditor Says Fraser to Come Down Hard on Public Works Over Competition to Manage Forces Moves », 8 novembre 2006, page A4.
[3]
Réunion no 36, 16:10.
[4]
Belleville Intelligencer, « Auditor General to Highlight Botched Coast Guard Project », 7 février 2007, p. 6.
[5]
Réunion no 3, 16:35.
[6]
Conseil du Trésor du Canada, Politique sur la sécurité, 2002, article 10.16.