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CIIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent du commerce international


NUMÉRO 019 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 14 mai 2009

[Enregistrement électronique]

  (0910)  

[Traduction]

    Mesdames et messieurs, je suis désolé que nous commencions nos travaux un peu en retard ce matin.
    Bienvenue à la 19e séance du Comité permanent du commerce international. Ce matin, nous aborderons les relations commerciales canado-américaines. Nous accueillons des témoins du Syndicat des Métallos, du Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier et de l'Association des manufacturiers et exportateurs du Canada. Nous accueillons également Elliot J. Feldman, avocat spécialisé en droit commercial, de Washington.
    Je vais présenter le groupe de témoins, puis prier chacun d'entre eux de faire une brève déclaration préliminaire, après quoi nous passerons aux questions.
    Tout d'abord, j'aimerais accueillir M. Feldman, un avocat spécialisé en droit commercial de Washington. Merci de comparaître à nouveau devant nous. J'aimerais également accueillir Erin Weir, du Syndicat des Métallos; Guy Caron, du Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier et Jayson Myers, de l'Association des manufacturiers et exportateurs du Canada. Merci à tous d'être venus ici ce matin.
    Je vais vous demander de débuter. Chacun d'entre vous fera une brève déclaration.
    Nous pourrions peut-être commencer avec M. Caron.

[Français]

    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité permanent du commerce international, je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant vous.
    Notre secrétaire trésorier, M. Gaétan Ménard, devait au départ vous faire une présentation, mais malheureusement, la situation qui touche AbitibiBowater l'a retenu à Montréal.
    Le Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier représente 150 000 membres d'un bout à l'autre du Canada, dont environ 60 000 dans le domaine de la foresterie, incluant 7 500 membres d'AbitibiBowater. Les questions reliées à la situation de l'industrie forestière nous touchent de très près.
    Je vais vous parler brièvement de deux sujets particuliers qui affectent les relations commerciales entre le Canada et les États-Unis dans le domaine de la foresterie, c'est-à-dire du bois d'oeuvre, mais plus particulièrement de la liqueur noire. En ce qui a trait au bois d'oeuvre, le Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier avait appuyé l'entente, mais un peu à reculons parce qu'on pouvait déjà percevoir les effets pervers de cet accord. Ces effets pervers se sont malheureusement concrétisés. En effet, l'industrie a perdu beaucoup de sa capacité de concurrencer l'industrie américaine.
    Par exemple, sur les graphiques suivants, vous pouvez voir que le prix de référence mensuel du bois d'oeuvre, depuis la signature de l'entente, n'a jamais dépassé le montant minimum qui permettrait qu'une taxe moins élevée ou des quotas plus élevés soient appliqués. Par conséquent, depuis qu'on a signé l'entente, les taxes à l'exportation, pour les options A et B, ont été à leur niveau maximum, c'est-à-dire 15 p. 100 et 5 p. 100 respectivement, et le quota auquel ont été assujettis ceux qui ont choisi l'option B a toujours été à son niveau minimum, soit 30 p. 100 du marché américain.
    Dans ce sens, l'accord sur le bois d'oeuvre a été satisfaisant pour l'industrie américaine. L'impact sur les exportations a été majeur. Le graphique de la page 3 indique que depuis la signature de l'entente, les exportations canadiennes ont été réduites de moitié. Ça démontre encore une fois que l'accord a eu un impact. Par contre, il n'est pas la seule cause. En effet, l'impact est aussi imputable à la crise immobilière majeure qui sévit aux États-Unis. La combinaison de ces deux facteurs a donné lieu à la situation très difficile que vit présentement l'industrie canadienne.
    Plutôt que de vous parler de bois d'oeuvre, je vais maintenant aborder un sujet qui nous préoccupe beaucoup présentement, mais dont vous n'avez probablement pas beaucoup entendu parler, soit la liqueur noire. Celle-ci est un résidu de la transformation des copeaux de bois en pâte kraft. Ce résidu, qui vient de la production forestière, est considéré comme un carburant renouvelable. Les usines elles-mêmes l'utilisent pour s'alimenter, s'autosuffire en matière d'énergie et réduire leur consommation d'électricité ainsi que d'autres formes d'énergie provenant de l'extérieur.
    En 2005, les États-Unis ont adopté un crédit d'impôt sur le carburant de remplacement qui visait particulièrement l'éthanol. Pour chaque gallon d'énergie renouvelable mêlé à des carburants fossiles, on obtenait 50 ¢. Or, dès l'an dernier, soit quatre ans après la mise en vigueur de ce crédit d'impôt, l'industrie forestière des États-Unis s'est rendu compte qu'elle pouvait bénéficier de ce crédit d'impôt en ajoutant 0,5 p. 100 de diesel, un carburant fossile, à la liqueur noire, un carburant renouvelable dont elle disposait déjà.
    Au bout du compte, en ajoutant un polluant à un carburant renouvelable, l'industrie forestière profite grandement de ce qu'on peut qualifier d'échappatoire. On estime en effet que pour 2009, ce crédit d'impôt procurera à l'industrie forestière américaine des pâtes et papiers des subventions qui, selon les estimés, se situent entre 5 et 10 milliards de dollars. L'impact est majeur également parce que plusieurs usines américaines qui étaient fermées ont rouvert leurs portes pour pouvoir bénéficier de ce crédit d'impôt. Donc, l'industrie américaine inonde le marché nord-américain de pâtes et papiers subventionnés.
    Pour vous donner une idée de l'importance de ce crédit d'impôt, je précise qu'à 50 ¢ par gallon, l'avantage se chiffre aux environs de 200 $ ou 250 $ par tonne de pâte produite. Le coût de production actuel est d'environ 500 $ par tonne. Autrement dit, le crédit d'impôt américain subventionne présentement à peu près la moitié des coûts de production de pâtes aux États-Unis.

  (0915)  

     International Paper, qui est le plus grand producteur de carton ondulé aux États-Unis, prévoit bénéficier à lui seul d'environ un milliard de dollars pour 2009. À ce jour, il a déjà bénéficié de 330 millions de dollars. L'impact au Canada est massif. On parle déjà de commandes perdues à Espanola, dans le Nord de l'Ontario. L'usine Domtar qui s'y trouve a transféré ses commandes à des usines américaines, de façon à bénéficier du crédit d'impôt. Vous avez probablement entendu parler de l'usine Fraser, à Thurso, qui a malheureusement fermé ses portes pour une période indéterminée. Cette fermeture est directement reliée à la liqueur noire. L'usine d'Edmundston, au Nouveau-Brunswick, est en danger, et on peut prévoir que d'autres usines canadiennes vont fermer pour ce motif.
    Que peut-on faire face à ces situations? D'abord, il faut comprendre que l'industrie forestière a de l'avenir. On dit souvent que cette industrie est en déclin, mais ce n'est pas vrai. Au Canada, l'industrie forestière a de l'avenir. Nous disposons de la ressource et de l'expertise pour la développer. Cette industrie a commis des erreurs dans le passé, on ne s'en cachera pas, mais il faut maintenant qu'elle réagisse et commence à s'adapter aux nouvelles réalités. Elle doit explorer de nouveaux créneaux, s'éloigner des produits de base comme le papier journal et la pâte marchande et commencer à développer de nouveaux produits. Il pourrait s'agir notamment de biocarburants à base de déchets, donc de produits secondaires pouvant être développés.
    L'industrie forestière n'est pas une industrie de faible portée, au Canada. Elle est aussi importante, en termes de poids économique, que celle de l'automobile. De plus, elle emploie deux fois plus de gens que l'industrie automobile. Pourtant, cette dernière a bénéficié de beaucoup d'appui de la part du gouvernement fédéral. C'est pourquoi on demande que l'industrie forestière, pour qu'elle puisse s'adapter aux nouvelles réalités du marché, bénéficie du même type d'appui dont a bénéficié l'industrie automobile à ce jour.
     On a applaudi les garanties de prêts offertes à AbitibiBowater par le Québec. En revanche, MM. Blackburn et Lebel ont dit qu'il était impossible de réaliser ces garanties de prêts. Ce qu'on entend de la part du gouvernement, c'est que ça peut contrevenir à l'accord américano-canadien sur le bois d'oeuvre. Or, on dispose de deux avis juridiques. Un des deux nous a été envoyé, et l'autre a été envoyé au Conseil de l'industrie forestière du Québec. Ils démontrent que les garanties de prêts sont conformes à l'accord sur le bois d'oeuvre. Il est donc impossible d'invoquer cette excuse pour refuser de donner à l'industrie l'aide dont elle a besoin. Il faut aussi comprendre que l'accord sur le bois d'oeuvre sert à faciliter la gestion du commerce du bois d'oeuvre entre le Canada et les États-Unis. Il n'a jamais été question qu'il devienne un pacte de suicide pour l'industrie canadienne.
    En ce qui a trait à la liqueur noire, ni le Congrès ni la Maison-Blanche ne semblent vouloir bouger. L'élimination de cette échappatoire aurait été la solution idéale, mais le lobby américain est très puissant, présentement. On parle même d'un crédit d'impôt qui devrait se terminer en décembre 2009, mais qui, selon certaines rumeurs, serait reconduit pour quelques années encore, ce qui sonnerait définitivement le glas pour l'industrie canadienne. Si on ne peut convaincre ni la Maison-Blanche ni le Congrès d'abolir cette échappatoire, la seule recommandation qu'il nous reste à faire est que le gouvernement canadien offre le même crédit d'impôt à l'industrie forestière pour lui permettre d'évoluer sur un terrain de jeu équivalent.
    Vous aurez sans doute beaucoup de questions à me poser à ce sujet, et je vous invite à le faire.

  (0920)  

[Traduction]

    Merci monsieur Caron.
    Monsieur Feldman, je vous en prie.
    Je suis une fois de plus honoré de comparaître devant le comité, et je vous remercie de l'invitation. J'ai fourni un texte plus détaillé au greffier, et, pour tirer le meilleur parti de la très courte période qui m'est accordée, je serai bref.
    Il me faut sans doute me décrire un peu plus en détail. J'étudie les relations entre le Canada et les États-Unis depuis 35 ans. J'ai été professeur à la faculté de commerce et d'administration des affaires à l'Université de la Colombie-Britannique, et j'ai ensuite dirigé le University consortium for Research on North America à l'Université Harvard.
    Pendant 20 ans, j'ai représenté des intérêts canadiens en tant qu'avocat aux États-Unis, surtout dans des différends commerciaux. J'ai été parmi les premiers à représenter des intérêts canadiens dans le cadre de l'Accord de libre-échange canado-américain, et je crois que j'ai comparu plus que tout autre avocat devant des groupes spéciaux du chapitre 19 de l'ALE et de l'ALENA. J'ai figuré pendant certain un temps au tableau de service des États-Unis relativement au chapitre 20. Je me suis aussi occupé de procès afférents au chapitre 11.
    Je suis le premier avocat de l'extérieur retenu par la Commission de la frontière internationale depuis un siècle, et j'ai défendu la Commission dans la première poursuite intentée contre elle aux États-Unis. La Commission de la frontière internationale a été créée par les traités de 1908 et de 1925 entre les États-Unis et le Royaume-Uni au nom du Canada. Elle est généralement considérée comme la contrepartie « terrestre » de la Commission mixte internationale.
    Le thème de mon allocution est l'indépendance, non pas en matière de souveraineté, mais plutôt en ce qui a trait à la neutralité et à l'impartialité. L'indépendance est l'ingrédient essentiel de la primauté du droit et la garantie la plus sûre de la justice. Je vais laisser entendre que ce concept est mis à mal dans les relations canado-américaines, qu'il a été lessivé de l'ALENA et qu'il est bafoué par la Commission de la frontière internationale. Les deux gouvernements fédéraux sont responsables de la situation. Cette perte d'indépendance signifie que les deux pays vont se retrouver aux prises avec un nombre croissant de différends de plus en plus difficiles à résoudre équitablement. Une autre solution pourrait être que le Canada et les États-Unis cherchent un nouveau terrain d'entente. Bien que je privilégie de réparer ce qui peut l'être, je suis d'avis que, particulièrement en ce qui concerne l'ALENA, le Canada doit regarder ailleurs, trouver un nouvel objectif, c'est-à-dire rechercher rien de moins qu'un nouveau traité pour l'Amérique du Nord, adapté aux enjeux du XXIe siècle.
    Au coeur de l'ALENA se trouve un règlement des différends innovateur, encadré par trois chapitres: 11, 19 et 20. Il n'est pas nécessaire d'invoquer l'ALENA pour les mécanismes de règlement des différends relatifs aux investissements entre États. Le chapitre 11 a été traité d'une manière telle que les Canadiens se sont vu accorder moins de droits que ceux acquis par des ressortissants d'autres pays au moyen de traités d'investissement bilatéraux. Il vaudrait sans doute mieux que les Canadiens établissent de nouvelles ententes avec les États-Unis et le Mexique plutôt que de chercher à pallier les lacunes du chapitre 11 de l'ALENA.
    Le chapitre 20 n'a pas été invoqué une seule fois par le Canada ou les États-Unis en dix ans. Si vous voulez résoudre des différends relatifs à la clause Buy American, le chapitre 20 est la voie désignée dans l'ALENA. Les mésententes relatives à l'ALENA ont été pléthoriques, mais les gouvernements n'ont pas cru bon d'utiliser le mécanisme que l'Accord a créé pour les résoudre.
    Le chapitre 19 est unique. D'après ses propres règles, il a été créé pour l'examen « rapide, juste et peu coûteux » des différends commerciaux. Le gouvernement canadien ne s'est jamais gêné pour critiquer les groupes spéciaux de l'ALENA, dont il déplore la lenteur et les coûts élevés. Les graphiques et tableaux que j'ai distribués, et que j'espère que vous avez entre les mains, montrent qu'ils sont devenus d'une lenteur notoire, bien que rien ne prouve qu'ils soient plus onéreux que d'autres solutions juridiques. Ces groupes spéciaux ont souvent bien servi le Canada.
    Cependant, plutôt que de s'engager à corriger les problèmes du chapitre 19, le gouvernement canadien, tout en clamant le contraire, a fait une croix dessus. Le gouvernement fédéral a collaboré avec les États-Unis pour empêcher un groupe spécial binational de parachever la décision selon laquelle le bois d'oeuvre canadien n'était pas subventionné. Le gouvernement a pris 50 millions de dollars de l'industrie canadienne pour financer une autre solution au chapitre 19, qui répudiait tous les principes de ce dernier; ladite solution a exposé l'industrie canadienne à des dommages pécuniers pour la première fois en commerce international, avec une première sentence de 68 millions de dollars de plus, qui sera fort probablement suivie de nombreux autres.
    Cette façon de faire a coûté plus d'argent à l'industrie canadienne que toute autre contestation menée aux termes du chapitre 19, et les résultats ont été résolument pires. Malheureusement, on ne peut revenir en arrière. Les États-Unis n'accepteraient pas de remédier au chapitre 19 même si le Canada était prêt à essayer. L'indépendance réelle du chapitre 19 est bel et bien morte, tout comme l'innovation et l'utilité réelle de l'ALENA.
    L'ALENA a été conçue pour réduire les tarifs, pour accroître les échanges et pour améliorer le règlement des différends commerciaux. Les tarifs ont été réduits. Cependant, le commerce canado-américain stagne depuis plus de 10 ans, comme l'illustrent les tableaux et les diagrammes que je vous ai remis.
    À l'opposé, il y a eu une croissance importante du commerce avec l'Union européenne. Le système de résolution des différends de l'ALENA a été mis de côté. Cela a eu pour conséquence le déclin de la concurrence nord-américaine et l'absence d'institutions pour faire face aux enjeux du XXIe siècle.

  (0925)  

    Cette perte d'indépendance, de règlement judiciaire de différends fiable et neutre, n'a pas touché que l'ALENA. Quand le président Bush affirmé que l'organisme international qui délimite et surveille la frontière entre le Canada et les États-Unis, la Commission de la frontière internationale, ou CFI, est en réalité un organisme des États-Unis, tel que le clamait son administration, et que le commissaire nommé pour participer au processus décisionnel mixte consensuel avec le Canada devait en réalité suivre les instructions présidentielles, le gouvernement du Canada n'a rien dit.
    Pourtant, l'administration Bush a supplié le Canada de lui accorder son appui dans la bataille qu'elle menait devant les tribunaux américains pour assurer le pouvoir présidentiel, et l'a éventuellement obtenu, d'abord grâce à une note diplomatique de l'ambassade canadienne à Washington, et, par la suite, par une lettre de confirmation du commissaire canadien. Ainsi, le gouvernement du Canada a cherché à gagner la faveur de l'administration Bush en coopérant à la conversion d'un organisme international en une extension de la Maison Blanche.
    Malgré l'aide du Canada, l'administration Bush n'a pas obtenu ce qu'elle voulait. Les ports américains n'ont pas accepté les nouvelles positions proposées avec le soutien du Canada. Malgré tout, l'avenir de la CFI et son indépendance dans ses fonctions de délimitation et de surveillance de la frontière sont sérieusement mis en jeu, en grande partie en raison du rôle autodestructeur joué par le Canada.
    Il faut protéger et préserver les traités, comme les traités de 1908 et de 1925 qui ont créé la CFI, qui font du Canada un partenaire égal et qui assurent la continuité de fonctions bilatérales essentielles. Les ententes qui portent atteinte à la capacité du Canada de gérer ses propres affaires et qui ralentissent la prospérité et la concurrence nord-américaine n'ont pas à être protégées et préservées. Les enjeux de la fin du XXe siècle qui ont justifié la création et la promotion de l'ALENA — réduire les tarifs, faciliter le commerce et résoudre les différends commerciaux — ne sont plus à l'ordre du jour. Les enjeux bilatéraux d'aujourd'hui concernent les technologies vertes et la concurrence asiatique. Ils concernent l'indépendance énergétique et la sécurité terrestre du continent, le risque émanant plus vraisemblablement de particuliers transportant des bagages dangereux que de missiles balistiques intercontinentaux.
    La pandémie de grippe porcine est un avertissement. Certains la surnomment ostensiblement « grippe de l'ALENA » parce qu'elle semblerait provenir d'un élevage de porcs au Mexique dont le propriétaire-exploitant est la société Smithfield Farms de Virginie. La grippe porcine pourrait devenir emblématique du souhait du président Obama de modifier les ententes environnementales nord-américaines.
    L'architecture de l'ALENA convient mal à ces nouvelles priorités. L'Accord contient peu de dispositions sur les menaces à la frontière, car il se concentre surtout sur les mouvements de marchandises et non de personnes et sur le franchissement de la frontière et non sur sa protection. Rien dans l'ALENA n'est utile pour contrer la pandémie de grippe. L'ALENA n'a rien à offrir non plus contre la tentative de prise de contrôle de la frontière par la présidence américaine grâce à l'appropriation de la Commission de la frontière internationale. L'ALENA cherche à stimuler la production d'énergie et non à la diversifier et à assainir l'environnement.
    L'ALENA est devenu une entrave à l'intégration économique institutionnelle qui est pourtant essentielle à la prospérité et à la sécurité de l'Amérique du Nord. La crise économique qui nous affecte depuis septembre dernier atteste la réalité de la mondialisation, un phénomène qui n'a pas que des avantages. L'interdépendance canado-américaine est inévitable, mais échappe largement à tout contrôle. L'Amérique du Nord aurait dû avoir une réaction coordonnée, cohérente, face à la crise financière mondiale, d'autant plus que le Canada possède des institutions financières supérieures et plus stables, mais l'ALENA n'a rien fait en ce sens, et cela ne risque pas de changer tant qu'il demeurera la caractéristique institutionnelle dominante.
    Devant la possibilité d'une plus profonde intégration de l'Amérique du Nord, l'alternative pour le Canada est non pas un splendide et prospère isolement, mais plutôt une marginalisation dans l'économie mondiale et les affaires mondiales. Le Canada a maintenant l'occasion de faire preuve de leadership, mais il a peu de temps pour la saisir.
    Je ne suis pas le premier à dire qu'il nous faut penser en fonction des priorités du XXIe siècle, mais je suis peut-être le premier à demander la conclusion d'un nouveau traité nord-américain pour y arriver: assainissement de l'environnement lié au commerce et à la santé publique; technologies vertes au coeur du commerce international; sécurité des frontières continentales suffisamment fiables sur le périmètre pour relâcher les frontières internes; institutions financières qui coordonnent au moins leurs activités en réponse aux pressions émanant du reste du monde; véritable partage des responsabilités en matière de sécurité; revitalisation des institutions internationales qui régissent les frontières communes. Cette série d'enjeux doit être vue non pas comme une liste de tâches séparées affectées à divers ministères et organismes, mais comme une responsabilité unique qui peut être abordée par la voie d'un traité et d'un ensemble d'institutions coordonnées et gérées conjointement.

  (0930)  

    Cela fait longtemps que les Canadiens s'imaginent qu'ils sont plus verts, plus écologiques et plus responsables sur le plan social que les Américains. Ils se pensent souvent supérieurs tout en étant forcés d'admettre leur dépendance. Les Canadiens vantent la règle de droit, mais se replient souvent sur la diplomatie. Maintenant, ils peuvent se servir de la diplomatie pour rétablir la règle de droit et, de ce fait, leur influence en Amérique du Nord et dans le reste du monde.
    Je vous remercie.
    Merci, monsieur Feldman.
    Nous allons passer à Erin Weir, du Syndicat des Métallos.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Quand j'ai comparu devant le comité des finances par le passé, on ne me laissait jamais dépasser cinq minutes, de sorte que je suis ravi d'avoir un peu plus de temps ici, au comité sur le commerce international.
    Je comparais ici au nom du Syndicat des Métallos, qui représente 250 000 membres provenant de tous les différents secteurs de l'économie canadienne; plusieurs d'entre eux fabriquent des produits qui sont exportés ou qui font la concurrence à des produits importés dans le marché canadien. J'aimerais vous présenter un aperçu de l'état du commerce international au Canada, puis faire des propositions précises en matière de politique.
    En janvier 2009, le Canada a connu son premier déficit commercial depuis 1976. En février et en mars, nous sommes retournés à un excédent, mais il est fort probable que la balance commerciale globale du Canada est toujours déficitaire si l'on inclut les services. Nous saurons la réponse à cette question le 29 mai, quand Statistique Canada publiera les plus récentes informations à ce sujet. La cause réelle de cette détérioration de la balance commerciale canadienne est la chute des prix des marchandises, qui ont réduit la valeur des exportations de ressources canadiennes. Cette situation a révélé un grave déséquilibre sous-jacent à notre commerce de produits manufacturiers, c'est-à-dire que d'autres pays vendent beaucoup plus de produits manufacturés sur le marché canadien qu'ils n'en achètent du Canada.
    Il est important d'établir une distinction géographique. Malgré cette détérioration, le Canada continue d'avoir un maigre excédent commercial avec les États-Unis. En réalité, nos problèmes commerciaux se situent outre-mer. Et un autre ensemble de problèmes est lié à des dispositions d'ententes de libre-échange dont l'incidence sur les échanges commerciaux réels est négligeable, mais qui limite la capacité du gouvernement canadien d'établir des politiques d'intérêt public.
    Je suis d'avis que nous pouvons apporter des solutions à ces deux types de problèmes en collaboration avec l'administration Obama.
    Le premier domaine politique précis dont j'aimerais vous entretenir sont les mesures législatives portant sur les recours commerciaux. L'un des éléments qui contribuent au déséquilibre commercial du Canada en matière de produits manufacturés est le fait que certains producteurs étrangers font du dumping de leurs produits dans les marchés canadiens ou utilisent des subventions gouvernementales pour exporter des produits au Canada à un coût moindre que le coût de production. La Loi sur les mesures spéciales d'importation du Canada prévoit l'imposition de droits compensateurs pour combattre les prix injustes de tels produits. Cependant, l'application et la portée de cette loi doivent être améliorées. L'une des raisons pour lesquelles la Loi sur les mesures spéciales d'importation a été si faiblement mise en application au Canada est le fait que les syndicats n'ont pas le droit de comparaître, que ce soit pour déposer des plaintes ou pour participer à des plaintes commerciales aux termes de la loi. Dans ce domaine, j'estime que les États-Unis disposent d'un bien meilleur modèle. Chez nos voisins du Sud, les syndicats ont le droit de comparaître avant de déposer des plaintes commerciales, ce qui fait que les lois relatives aux recours commerciaux sont mises en application de manière beaucoup plus énergique aux États-Unis.
    Abordons maintenant la question de la portée de la loi, qui traite des subventions gouvernementales directes aux exportations. Elle ne tient pas compte des subventions qui sont parfois fournies quand les gouvernements ferment les yeux sur les violations des droits des travailleurs ou les violations des normes environnementales. Je suis d'avis que le Canada devrait, en collaboration avec les États-Unis si c'est possible, élaborer un régime qui impose des droits d'importation de valeur égale à tout avantage financier que les producteurs étrangers obtiennent en enfreignant les droits relatifs aux normes du travail ou aux normes environnementales. Fondamentalement, si un producteur d'un autre pays obtient un avantage financier par rapport aux producteurs canadiens en transgressant des normes du travail reconnues à l'échelle internationale ou en n'appliquant pas des dispositions environnementales élémentaires, le Canada devrait pouvoir imposer des droits compensateurs pour annuler cet avantage financier. Cela protégerait les producteurs canadiens contre la concurrence injuste, et cela présenterait également l'avantage de lutter contre le nivellement par le bas à l'échelle internationale, par lequel des pays réduisent continuellement leurs normes relatives au travail et à l'environnement pour obtenir des avantages concurrentiels.

  (0935)  

    Les changements climatiques sont l'un des domaines où le lien entre l'environnement et le commerce international revêt d'une grande importance. Bien entendu, le Canada devrait mettre un prix sur les émissions de carbone afin de réduire nos émissions de gaz à effet de serre. La difficulté d'une telle politique consiste toutefois à empêcher les sociétés de réagir en déménageant tout simplement leurs activités à intensité carbonique élevée vers d'autres pays qui choisissent de ne pas tarifer les émissions de carbone.
    L'une des principales parties de la solution à ce problème consiste à faire en sorte que le prix du carbone soit le même au Canada et aux États-Unis. Je recommanderais au Canada de trouver le moyen de participer au plan de quotas et d'échange de l'administration Obama, parce que, si c'était le cas, les producteurs canadiens auraient à assumer les mêmes coûts en carbone que leurs concurrents américains, et ils ne seraient pas alors incités à déménager leur production au sud de la frontière pour éviter la politique canadienne de prix pour le carbone.
    Cependant, même en adoptant une approche nord-américaine en matière de changements climatiques, l'Amérique du Nord serait tout de même confrontée aux sociétés qui envisageraient de déménager outre-mer leurs activités à intensité carbonique élevée pour éviter d'avoir à payer pour leurs émissions carboniques. Cela aurait pour effet de non seulement éliminer des emplois, mais cela aurait également tendance à accroître les émissions carboniques, puisque la production mondiale serait davantage concentrée dans des pays aux technologies plus sales et aux normes environnementales moins strictes.
    La solution à ce problème consiste à utiliser la même grille tarifaire pour le carbone dans le cas de tous les biens vendus en Amérique du Nord, peu importe l'endroit où ils sont produits. Le mécanisme pour arriver à cette fin pourrait consister en un tarif du carbone sur les importations provenant de pays qui choisissent de ne pas mettre de prix sur leurs émissions carboniques, ou encore il pourrait s'agir d'obliger les importateurs à acheter des permis en vertu de l'entente de quotas et d'échange s'ils apportent des biens provenant de tels pays sur le marché canadien.
    Le dernier domaine de politique dont j'aimerais vous entretenir est l'Accord de libre-échange nord-américain. Vous savez tous sans doute que le président Obama a récemment pris ses distances par rapport à certaines propositions visant la renégociation cet accord. Mais je suis d'avis qu'il a changé d'idée en partie parce que le Canada rejetait la perspective d'une renégociation. Toutefois, il existait des problèmes bien réels avec l'ALENA.
    Je pense que ce comité pourrait jouer un rôle très utile en élaborant un ensemble de propositions canadiennes de changements à apporter à l'ALENA pour régler ces problèmes. Selon moi, l'une des principales priorités serait d'abroger le chapitre 11 de l'ALENA, qui permet aux sociétés de contester directement les politiques publiques qui, selon leurs allégations, nuisent à leurs futurs produits possibles.
    Le Canada a fait l'objet de certaines contestations outrancières en vertu du chapitre 11. Par exemple, en juillet 2008, environ 200 hommes d'affaires américains ont déposé une contestation de 155 millions de dollars en vertu du chapitre 11 contre l'assurance-maladie canadienne, sous prétexte qu'elle allait nuire à une éventuelle possibilité d'affaires, à savoir la mise en place de cliniques médicales privées au Canada. Le dernier résumé exhaustif des contestations déposées en vertu du chapitre 11 que j'ai vu couvre la période allant jusqu'au 1er janvier 2008. À ce moment-là, le Canada avait essuyé la plus grande partie des assauts menés en vertu du chapitre 11: le Canada avait fait l'objet de plus de contestations déposées par des investisseurs étrangers que les États-Unis ou le Mexique. La plus grande partie des contestations déposées en vertu du chapitre 11 portaient sur des mesures relatives à l'environnement ou à la gestion des ressources.
    En revanche, face à cette mise en application excessive des droits des investisseurs, il n'y a eu pratiquement aucune mise en application des droits du travail aux termes de l'ALENA. En réalité, l'ALENA ne prévoit aucune amende pour les États membres qui violent les droits du travail.
    En bref, le Syndicat des Métallos est convaincu que les changements visant à réformer l'Accord de libre-échange nord-américain devraient serrer la bride aux droits des investisseurs tout en renforçant les droits du travail pour que, au bout du compte, ils se retrouvent sur un pied d'égalité.
    Je vous remercie de m'avoir écouté. Cela a été un réel plaisir de comparaître devant vous.
    Je vais maintenant céder la place à M. Myers.

  (0940)  

    Merci. Permettez-moi de le faire.
    Jayson Myers, président de l'Association des manufacturiers et exportateurs du Canada.
    Monsieur Myers.
    Merci beaucoup, monsieur le président, et bonjour, mesdames et messieurs. Merci de m'avoir invité à venir vous parler d'un certain nombre d'enjeux en matière de relations canado-américaines.
    Assurément, nous avons bon nombre de préoccupations en ce moment, allant de la complexité croissante des coûts et des retards à la frontière au manque de zèle du Canada à mettre en application des règles qui empêcheraient l'entrée aux États-Unis de produits de contrefaçon provenant du Canada, en passant par l'imposition de contrôles sur l'exportation, ainsi que les nombreuses occasions que les entreprises canadiennes et américaines ont de travailler ensemble, comme l'ont mentionné, je le crois, de précédents témoins.
    J'aimerais faire porter mes commentaires sur un enjeu précis, qui est le problème que nous pose actuellement l'imposition des dispositions législatives de la clause Buy American. J'ai remis un mémoire aux membres du comité sur cette question. Je ne vais pas le passer en revue point par point, mais je vous donnerai un aperçu des points saillants. Il s'agit du même mémoire que celui qui a été distribué au cabinet du premier ministre, au bureau du ministre du Commerce international et au bureau du ministre de l'Industrie. Il a été distribué dans tout le gouvernement canadien. Il a été distribué à des représentants du Congrès aux États-Unis et à bon nombre d'associations d'affaires américaines. Nous avons la version la plus récente du mémoire.
    En bref, ce sont les dispositions qui étaient d'abord contenues dans l'American Recovery and Reinvestment Act qui ont été promulguées par le président en février. Cette disposition exige que tout le fer, l'acier et les produits manufacturés utilisés dans des projets de travaux publics financés en vertu de cette loi soient produits aux États-Unis. Il reste encore beaucoup de questions pour définir ce que cela signifie exactement, mais nous croyons que cela signifie qu'une transformation considérable des biens a lieu aux États-Unis. Cette loi contient également trois types de dérogations. La règle ne s'appliquerait pas si une dérogation était accordée parce que l'application de la clause augmenterait considérablement le coût de l'ensemble du projet, n'était pas conforme à l'intérêt public, ou si des produits précis n'étaient pas disponibles aux États-Unis.
    La Recovery Act exige également que ces dispositions soient mises en oeuvre conformément aux obligations des États-Unis envers nous. Nous constatons l'apparition de ces dispositions non seulement dans la Recovery Act elle-même, mais également dans d'autres lois émanant du Congrès. Nous sommes d'ailleurs au courant de sept autres lois en ce moment, dont la Water Quality Investment Act, qui est celle qui nous donne le plus de maux de tête. Cette loi prévoit l'octroi de 13,5 milliards de dollars sur cinq ans pour des projets d'assainissement des eaux usées municipales et de l'eau potable, mais nous voyons également ces dispositions figurer dans d'autres lois; tout récemment, mardi dernier, nous les avons vues dans le cadre d'une loi présentée devant la Chambre des représentants, la Green Schools Act, portant sur les matériaux de construction pour les écoles aux États-Unis.
    Ce qui préoccupe le Canada, c'est que, en vertu des dispositions de l'ALENA, l'approvisionnement à l'échelle des États ou des municipalités n'est pas couvert. Rien dans les dispositions de l'ALENA ne protège les exportateurs canadiens qui vendent leurs produits aux États-Unis. L'ALENA, l'accord de l'OMC sur les marchés publics, ne couvre que l'approvisionnement fédéral en ce qui concerne les exportateurs canadiens, même si je ferais valoir que ce qui a changé ici est le fait que ces dispositions sont contenues dans une loi fédérale. Ce sont des dispositions qui ont une incidence sur la manière dont les fonds fédéraux sont dépensés à l'échelle des États et des municipalités, et j'affirmerais qu'il y a un argument selon lequel, au moins en ce qui concerne l'esprit de l'ALENA, cela devrait être couvert aux termes de l'Accord. Je considère que c'est un bon argument de négociation à faire valoir pour le gouvernement canadien, mais, fondamentalement, il n'y a actuellement aucune protection claire pour les exportateurs canadiens. Les dispositions Buy American en matière de contenu existent depuis longtemps à l'échelle des États et des municipalités. Il s'agit généralement de dispositions relatives à des seuils de contenu. Les dispositions qui se retrouvent dans les lois fédérales qui apparaissent maintenant constituent carrément des restrictions qui s'appliqueront aux exportateurs de certains produits, particulièrement dans le domaine de l'eau et du traitement des eaux usées, qui est le domaine visé à l'heure actuelle, même si les producteurs d'acier de construction et les producteurs de fonderies sont également touchés.

  (0945)  

    Ces marchés étaient relativement ouverts aux exportateurs canadiens. À la suite de l'introduction de la Water Quality Investment Act, nous voyons maintenant des entrepreneurs américains qui exigent de leurs fournisseurs canadiens qu'ils signent des affidavits confirmant que le produit est bien fabriqué aux États-Unis. Si les fournisseurs canadiens ne sont pas en mesure de les signer, ils perdent des contrats. Bon nombre d'entreprises ont été touchées et ont perdu des contrats aux États-Unis. Un entrepreneur américain s'est débarrassé de toute la tuyauterie qui provenait d'une entreprise canadienne appelée IPEX, située à Don Mills. Et ça, tout simplement parce que les entrepreneurs ne veulent pas être obligés d'avoir à retirer l'équipement si ces dispositions finissent par être effectivement appliquées. C'est un enjeu de plus en plus important qui devient très préoccupant. Il touche directement les exportateurs canadiens et bon nombre de collectivités canadiennes.
    Le résultat de cette situation, c'est que nous observons également une vaste gamme d'émotions de la part des entreprises canadiennes qui se retrouvent exclues du marché américain, alors que les portes des marchés publics provinciaux ou municipaux au Canada restent grandes ouvertes pour les fournisseurs américains. Bon nombre de municipalités adoptent des résolutions qui leur permettent d'avoir une certaine forme d'accès réciproque. Ce mouvement a débuté à Halton Hills et fera l'objet d'un débat au sein de la Fédération canadienne des municipalités. En vertu de ces résolutions, les municipalités permettraient aux fournisseurs d'autres pays d'avoir accès à leurs marchés, tant et aussi longtemps que ces pays rendent la pareille aux exportateurs canadiens. Ainsi, il existerait une certaine forme d'accès réciproque aux marchés.
    Je peux vous assurer qu'il y a une pression de plus en plus importante pour que le Canada prenne des mesures de rétorsion. Je pense que cela pourrait servir comme levier de négociation. C'est l'un des leviers les plus importants dont nous disposons. S'il existe une chose que les entreprises américaines et les représentants américains prennent très sérieusement, c'est la menace de mesures de rétorsion de la part de leurs partenaires commerciaux. Si d'autres pays adoptent également des mesures de rétorsion, nous nous retrouverons dans un monde qui remonte aux années 1930, avec l'imposition de barrières commerciales. En pleine crise économique mondiale, je ne crois pas que l'on peut rétablir la situation en limitant les possibilités d'affaires. Il vaut beaucoup mieux garder les marchés ouverts afin de collaborer à favoriser les possibilités d'affaires. Mais, dans d'autres secteurs, la possibilité de mesures de rétorsion est très réelle.
    Depuis que, en novembre dernier, les leaders du G20 se sont engagés à ne pas limiter l'accès aux marchés, l'OMC a dénombré 137 cas autour du monde d'augmentation des tarifs, d'obstacles non tarifaires ou de nouvelles restrictions sur les marchés publics. Malgré l'engagement du président Obama de ne pas limiter l'accès au marché, ces dispositions Buy American imposent des restrictions considérables, particulièrement à l'égard d'entreprises canadiennes qui exportent dans les marchés publics à l'échelle des États et des municipalités.
    L'Association des MEC cherche à dresser la liste des entreprises touchées. Nous voulons nous assurer que le gouvernement est au courant des répercussions de cette situation. Nous sommes la seule association d'affaires au Canada qui possède un bureau et un représentant à Washington. Notre représentant a travaillé activement sur ce dossier et a trouvé des alliés commerciaux aux États-Unis. Au bout du compte, il est important que les entreprises américaines expliquent aux législateurs que ces politiques Buy American sont mauvaises pour les États-Unis parce qu'elles ralentissent les projets d'infrastructure, les rendent compliquées et en accroissent les coûts. Si des entreprises canadiennes perdent des occasions d'affaires aux États-Unis, alors les fournisseurs canadiens de ces entreprises perdront également des emplois. Je pense qu'il est très important pour nous d'avoir des alliés américains de notre côté.

  (0950)  

    En ce qui concerne nos recommandations de ce que le gouvernement canadien peut faire, il y en a quatre.
    Tout d'abord, le premier ministre et le président doivent discuter de cette question et convenir qu'il ne faudrait pas imposer de conditions sur la manière dont le financement fédéral est dépensé à l'échelle des États et des municipalités, dans l'esprit de l'ALENA.
    Deuxièmement, nous devons faire des présentations très claires devant le Congrès américain. Je sais que c'est ce que fera le ministre du Commerce international, mais je pense qu'il est encore plus important que nous continuions d'établir un réseau d'alliés aux États-Unis, afin que les entreprises américaines fassent part de leurs préoccupations à leurs représentants au Congrès et à leurs sénateurs.
    Troisièmement, il s'agit d'une occasion pour les États-Unis d'ouvrir des négociations pour élaborer une nouvelle entente sur les marchés publics. Je suis d'avis que les autorités américaines attendent une proposition du gouvernement pour le faire, et je pense qu'elles accueilleraient très bien cette proposition.
    Quatrièmement, très franchement, le gouvernement canadien doit présenter à son homologue américain le message de négociation très fort selon lequel les municipalités canadiennes pourraient imposer des restrictions réciproques. La motion actuelle qui sera examinée par la Fédération canadienne des municipalités pourrait être une arme à deux tranchants. Cette motion prévoirait des restrictions réciproques. Mais vous pourriez également l'envisager comme une motion qui offre un accès réciproque aux marchés: les marchés municipaux canadiens resteront ouverts aux fournisseurs provenant de pays dont les marchés restent ouverts aux Canadiens.
    Merci.
    Nous allons maintenant passer aux questions.
    Nous aurons probablement une heure à consacrer aux questions. Nous avons quelques travaux à régler à la conclusion de la séance, mais nous pourrons terminer un tour si nous nous en tenons à sept minutes pour la première série de questions et réponses.
    Greffier, je vais vous demander de surveiller l'heure de manière plus serrée aujourd'hui afin que tout le monde puisse avoir son mot à dire. C'était un exposé fascinant, mais je pense que tout le monde veut avoir le temps de poser des questions.
    La première série de questions durera sept minutes, et si nous avons le temps pour une deuxième série, elle en durera cinq.
    Pour les sept premières minutes de questions et réponses, je vais céder la parole à M. Brison. Il semble que vous aimeriez partager une partie de votre temps avec M. Silva.
    Il va faire la deuxième série.
    D'accord, procédons ainsi.
    Vous avez donc sept minutes, monsieur Brison.
    Grand merci à chacun de vous pour vos exposés.
    Monsieur Feldman, vous avez remis en question la sagesse populaire, et c'est toujours rafraîchissant dans un comité. J'attends avec impatience d'avoir l'occasion d'avoir une conversation plus longue avec vous à ce sujet.
    En ce qui concerne l'ALENA et certains des problèmes que vous avez soulevés, l'approche trilatérale émergente aux États-Unis présente un risque en matière de frontières et possiblement de différends commerciaux. Les États-Unis semblent considérer le Mexique et le Canada comme étant identiques ou très similaires et envisagent de les traiter de manière similaire. Ce n'est pas bon pour nous pour toutes sortes de questions de sécurité et en raison de la possibilité que la frontière devienne encore plus hermétique. Il pourrait également être très mauvais pour nous d'être traités sur un pied d'égalité avec le Mexique si nous entreprenons la négociation d'un nouvel accord commercial, en raison des différences considérables des normes environnementales et des normes du travail.
    Par le passé, c'était généralement considéré comme une approche à deux vitesses. Les États-Unis travaillaient avec le Canada à une vitesse, étant donné les conditions similaires, et avec le Mexique à une vitesse plus lente, vu la différence des conditions. N'est-il pas considérablement risqué pour nous d'ouvrir l'ALENA à l'heure actuelle, pendant une période où le sentiment protectionniste est particulièrement élevé aux États-Unis, ce qui occulte souvent des initiatives de sécurité?

  (0955)  

    Merci pour cette question. Elle est complexe et comporte plusieurs volets.
    Permettez-moi de l'analyser un petit peu...
    Il faudrait que la réponse soit relativement courte, parce que j'ai d'autres questions.
    Merci, monsieur.
    Permettez-moi d'essayer de l'analyser un peu.
    J'étais là quand la secrétaire Napolitano a présenté l'allocution à laquelle je crois que vous faites référence. Il y a un danger pour le Canada. Je pense que les commentaires que j'ai faits sur la Commission de la frontière internationale vont au coeur de ce problème.
    Le Canada a l'occasion de protéger un traité séparé, distinct, relativement à sa frontière avec les États-Unis, et il ne le fait pas. Au contraire, en ce qui touche ce qu'il a fait avec l'administration précédente, il capitule sur les modalités de ce traité. C'est dangereux. C'est exactement ce que je cherchais à démontrer.
    Dans votre perspective élargie relative à la réouverture de l'ALENA, je m'oppose à cette réouverture, mais pas pour les motifs habituellement soulevés au Canada. Je ne considère pas qu'il soit de bon aloi de pousser un soupir de satisfaction quand le président affirme qu'il n'est pas intéressé à aller immédiatement dans cette direction. Au contraire, il faudrait que ce soit interprété comme une occasion de faire autre chose.
    Il me semble que les préoccupations énoncées par tous les membres de ce groupe de témoins étaient reflétées par l'incapacité de l'ALENA de fournir un soutien institutionnel pour apporter une solution aux problèmes des 12 derniers mois. Mentionnons notamment, en particulier, la question des marchés publics. Si vous vous souvenez, les négociations de l'ALENA devaient être suivies d'autres négociations pour assurer la réciprocité entre les provinces et les États et l'ouverture des gouvernements des États et des administrations municipales. Cette négociation a débuté et a échoué. Elle n'a jamais été reprise.
    Les Australiens, à l'aide d'une entente vieille de seulement quatre ans, ont négocié des ententes avec 33 États. Le Canada n'a d'ententes avec aucun d'entre eux.
    En ce qui concerne les éléments soulevés par M. Myers sur la politique d'achat aux États-Unis, les Américains exercent des pressions sur le Canada pour que nos provinces signent l'entente sur les marchés publics infranationaux. Le fait que nous n'ayons pas réussi à engager nos gouvernements provinciaux à adhérer à ces dispositions législatives sur les marchés publics infranationaux ne constitue-t-il pas l'une de nos plus grandes vulnérabilités?
    Une partie importante du plan de relance américain sera exécutée par les gouvernements d'États et les administrations locales. Cela permet à Obama de dire « Nous allons respecter nos traités commerciaux » et il a raison. Mais ils peuvent quand même nous arnaquer sur le plan des marchés publics infranationaux parce que ce n'est pas couvert.
    Que devrions-nous faire? Est-ce que nous ne devrions pas ajouter cela à vos recommandations en matière de politiques, monsieur Myers?
    Voilà une question qui nous préoccupe assurément. Vous avez raison quand vous affirmez qu'il n'est pas évident que les exportateurs canadiens sont protégés ici aux termes de l'ALENA à l'échelon des États et des municipalités. Bien entendu, il a fallu encore plus de temps au Canada pour négocier une entente interne sur les marchés publics qu'il n'en a fallu pour signer l'ALENA. Alors il y a certainement des problèmes. Je pense également que nous tirons de l'arrière sur cette question précise parce que nos provinces s'orientent sur la négociation d'une entente sur les marchés publics alors que nous envisageons d'entreprendre des négociations sur un traité Canada-États-Unis. Continuons de cultiver cette relation, mais, même à l'échelle provinciale et avec l'entente d'approvisionnement général de l'OMC, cela ne couvre pas les dépenses municipales et locales. Même les pays qui ont signé l'entente d'approvisionnement général ne sont pas couverts...

  (1000)  

    Vous avez dit une chose intéressante, c'est que votre bureau, votre représentant à Washington, travaille à faire en sorte que des intervenants américains exercent des pressions sur leurs législateurs. Un membre du Congrès qui veut se faire réélire cherche de l'argent un an et des votes l'année suivante. Si vous êtes un législateur canadien, vous ne représentez ni des votes ni de l'argent; ce sera donc une rencontre polie, mais pas particulièrement efficace.
    Êtes-vous en train de suggérer que nous adoptions une approche plus mercenaire aux États-Unis et que nous embauchions le type de lobbyistes que les gens embauchent pour faire bouger les choses à Washington? Nous suggérez-vous d'établir un réseau de ces intervenants et, franchement, d'adopter une approche plus pragmatique? Pensez-vous que cela vaudrait la peine d'au moins étudier la question de façon plus approfondie? Il ne s'agit pas de n'importe quel partenaire commercial. Devrions-nous avoir une approche différente?
    Je pense que c'est juste, mais comme vous le constatez vous-même avec vos propres électeurs, les personnes à qui vous accordez le plus d'attention sont celles qui se trouvent dans votre propre district électoral, votre propre circonscription. Bien entendu, c'est la même chose pour le législateur américain. Ce qui fera une différence, ce sont des groupes d'affaires américains ou des groupes de droits du travail américains qui s'adresseront à leur membre du Congrès ou à leur sénateur et leur diront « C'est une mauvaise politique parce que cela élimine des emplois dans votre district ». Au bout du compte, c'est ce qui permettra d'obtenir leur attention.
    J'ai une brève question pour M. Caron.
    En ce qui concerne la « liqueur noire » — pas le rhum Lamb's Navy qu'on retrouve en Nouvelle-Écosse —, selon le conseil prodigué par l'Association des produits forestiers, le gouvernement ne devrait pas appliquer la même politique ici, parce qu'il s'agit d'une mauvaise politique sur le plan environnemental et sur le plan économique, et que les Américains, y compris des gens comme Max Baucus, s'élèvent contre elle et vont s'en débarrasser de toute façon.
    Donc, nous ne voulons pas prendre la même mesure de rétorsion, mais nous devons faire quelque chose. Cependant, vous nous dites que nous devrions leur rendre la pareille, et je voudrais que vous précisez ce que vous entendez par là.
    Leur rendre la pareille est en fait notre deuxième option. La première option consiste à convaincre la Maison-Blanche ou le Congrès de changer d'idée. C'est assurément la première option.
    J'aimerais être sûr que M. Baucus et le Congrès vont effectivement combler ce vide juridique. Je ne suis pas si optimiste. À l'heure actuelle, ce que j'entends dire, plus particulièrement à la Maison-Blanche, c'est que le crédit d'impôt restera en place jusqu'en décembre 2009, date à laquelle il est censé arriver à échéance, mais le lobby exerce d'intenses pressions pour qu'il soit prolongé après 2009.
    J'ai également une question pour M. Weir. Mais merci à tous.
    Nous allons tenter de vous rattraper pendant le deuxième tour. Nous cherchons à respecter le plus possible notre temps aujourd'hui.
    Monsieur Cardin.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Bonjour, messieurs et merci d'être présents. Vous nous avez inondés d'informations que nous partageons à plusieurs niveaux.
    Monsieur Feldman, vous constatez l'échec de l'ALENA. M. Obama ne veut pas rouvrir l'entente pour parler des préoccupations du Canada. Nous constatons que c'est un échec. Cependant, comment doit-on procéder Serait-ce par le biais de lettres d'entente mais sans rouvrir l'ALENA? Faut-il fonctionner par lettres d'entente pour tenter de corriger tous les irritants?

[Traduction]

    Merci pour cette question.
    Ma proposition consiste à lancer, en faisant preuve de créativité, des négociations axées sur de nouvelles priorités et de mettre de côté l'ALENA. L'ALENA est ce qu'il est. Une grande partie de ce qui se trouve au coeur de l'ALENA ne peut pas être corrigée. Le chapitre 19 aurait pu être corrigé il y a des années, et nous avons décortiqué cette question en profondeur. J'en ai discuté devant votre comité. Mais personne n'a manifesté suffisamment d'intérêt pour que cela se fasse. Il y a eu un bref moment au cours duquel le premier ministre Martin a dit qu'il voulait corrigé le chapitre 19, mais il n'a pas trouvé preneur.
    Ce que j'affirme maintenant, c'est qu'il y a de nouvelles priorités et vous les entendez ici en ce moment. Vous en entendez parler par rapport aux marchés publics, vous en entendez parler par rapport à la liqueur noire, vous en entendez parler à propos des changements climatiques. Ces nouvelles priorités doivent faire l'objet d'une entente différente. Si le Canada devrait prendre l'initiative de structurer cette négociation et d'affirmer que nous voulons un terrain d'entente différent en Amérique du Nord, que nous voulons faire les choses conjointement, que nous voulons faire preuve de créativité à l'égard des nouvelles priorités dont nous entendons parler à la Maison-Blanche par le président Obama, je pense que cela changerait la relation d'une manière qui ne pourrait être qu'avantageuse pour le Canada. Mais, selon moi, si vous continuez de rouvrir les plaies de l'ALENA, cela ne sera pas avantageux pour le Canada ni pour le continent.

  (1005)  

[Français]

    Monsieur Caron, l'industrie a refusé d'émettre des plaintes concernant les subventions à la liqueur noire. Ce n'est sûrement pas une politique verte, ce sont vraiment des subventions. Vous vous êtes refusés à le faire. Les subventions doivent cesser à la fin de 2009. Certains parmi vous ont dit qu'il était peu probable que cela se produise.
    Nous savons que les industries américaines sont rapides. Si quelque chose ne fonctionne pas, elles réagissent rapidement. Par exemple, Dow Chemical a réagi assez rapidement, en vertu du chapitre 11 de l'accord. Dès qu'on a parlé de garanties de prêts dans le secteur du bois d'oeuvre, une multitude de gens se sont levés et ont menacé de déposer des plaintes. Donnez-moi la position de l'industrie.
    Je demanderais également à M. Feldman, selon les mesures qui existent présentent dans le cadre de l'ALENA, comment serait faite la plainte en fonction des différents chapitres, de façon à gagner notre cause?
    Merci de votre question. Vous résumez bien la position de l'industrie. Je précise que nous avons beaucoup travaillé avec l'industrie sur cette question. Nous avons participé aux différentes réunions internes pour essayer d'en arriver à une position commune. On se rejoint sur beaucoup de sujets, sur le fait que c'est un problème majeur qui doit être discuté immédiatement.
    D'ailleurs, nous avons participé à l'appel de l'industrie au ministre Stockwell Day, en vue de l'inciter à agir auprès des représentants américains afin d'éliminer cette échappatoire. On diffère d'opinion avec l'industrie, en ce sens qu'on voudrait des solutions plus fortes. L'industrie et nous-mêmes préférerions que la Maison blanche change sa position, que le Congrès américain puisse éventuellement voter pour l'abolition de l'échappatoire.
    Selon ce que j'ai entendu, certains partisans de l'élimination comme le sénateur Baucus sont assez bruyants. D'après ce que l'on peut percevoir jusqu'ici, cela va être extrêmement difficile. En bon français, time is of the essence, présentement. L'industrie elle-même reconnaît que d'ici deux mois, si rien n'est fait en ce qui a trait à la question de la liqueur noire, l'industrie canadienne sera en danger de disparaître. Nous voyons déjà les premiers symptômes: nous l'avons vu à Thurso, nous le voyons à Espanola, à Edmundston. Une par une, nous pouvons voir ces usines fermer. Nous devons donc avoir une réaction immédiate, d'ici deux mois. Si, d'ici là, on ne peut pas convaincre le Congrès ou la Maison blanche de changer leur position par rapport à cette échappatoire, il va falloir envisager des solutions de rechange. C'est la raison pour laquelle nous ne pouvons attendre deux mois pour préparer des options. Nous devons les préparer dès maintenant. Présentement, la meilleure qui nous vient à l'esprit est de nous assurer que nous allons jouer sur un terrain égal, au moins jusqu'à la fin de 2009, pour aider l'industrie à flotter sur la mer houleuse de la tempête. Ensuite, après décembre 2009, nous verrons.
    Je vais profiter du fait qu'il y a un avocat sur place. Le temps presse. Qu'est-ce qu'on fait?

[Traduction]

    Puis-je interpréter votre question comme revenant à celle de M. Brison, à savoir devrait-on faire les choses d'une manière différente à Washington? Et je pense que la réponse est oui. Mais ce n'est pas automatique... De plus, voici ce que j'ai également interprété de la question de M. Brison. Votre solution n'est pas d'aborder le lobby à Washington d'une manière conventionnelle; il ne s'agit pas de gaspiller votre argent sur d'anciens ambassadeurs. Ce qu'il faut. c'est d'établir un réseau d'alliés, comme l'a suggéré M. Myers.
    Le bois d'oeuvre était une occasion de faire ça. Il y avait un groupe, et il y avait des alliés américains très importants en cause, comme Home Depot. Mais ces relations n'ont pas été cultivées. Le gouvernement ne voulait pas y injecter de l'argent. C'est surtout l'industrie qui a fait le travail à partir d'un très petit budget. C'était une occasion perdue. Au départ, c'était une occasion ratée; maintenant, elle est perdue.
    Ce type de lobbying permet d'établir un réseau d'amis et d'alliés. Les importateurs de matière première provenant du Canada, les gens qui ont besoin de vos produits, voilà ceux avec qui vous devez établir des liens. Et il y a des gens à Washington qui peuvent vous aider. C'est cette partie que vous devez changer.
    Je ne suis pas aussi pessimiste que M. Caron concernant la question de la liqueur noire, mais je pense que rien ne sera fait jusqu'à son échéance, à la fin de 2009. Je ne suis pas aussi pessimiste quant à son renouvellement ou à sa prolongation, parce que je pense que la Maison-Blanche considère qu'elle pourrait y perdre beaucoup de revenu, ce qu'elle voit d'un très mauvais oeil. Selon moi, ce serait très difficile de faire arrêter ce crédit d'impôt maintenant, mais je ne crois pas qu'il reprendra par la suite. C'est un excellent exemple de ce que vous pourriez faire avec des alliés... et vous en avez. Beaucoup d'Américains n'aiment pas ce crédit d'impôt, mais vous n'entretenez pas de lien avec eux ni ne collaborez avec eux sur cette question.

  (1010)  

    Monsieur Cardin. Poursuivons? Merci.
    Monsieur Julian. Nous nous débrouillons plutôt bien aujourd'hui — en fait, vos collègues se débrouillent plutôt bien — pour respecter le temps. Vous avez sept minutes.
    En passant, heureux de vous accueillir parmi nous de nouveau.
    Merci, monsieur le président. J'ai bien aimé la soirée des élections en Colombie-Britannique, mais pas autant que je l'avais souhaité.
    Je suis impressionné par ce groupe de témoins. Il est, de loin, le groupe le plus solide que nous avons entendu sur les relations canado-américaines. Je suis déçu par l'absence de la Tribune de la presse parlementaire. Les journalistes pourraient couvrir beaucoup mieux les enjeux économiques. Mais nous allons veiller à diffuser cette information pour qu'ils comprennent la qualité des témoins qui sont devant nous aujourd'hui.
    Je vais commencer avec M. Myers et M. Weir. Vous avez tous les deux parlé de mettre en place une stratégie d'achat au Canada. Je sais que, en ce qui concerne les manufacturiers et les exportateurs canadiens, cela fait longtemps que vous affirmez que nous devrions avoir notre propre programme d'achat au Canada, particulièrement pour négocier les ententes d'accès réciproque qu'il nous faut, compte tenu de ce qui est arrivé aux États-Unis avec la clause Buy America.
    Monsieur Weir, vous avez également abordé cette question, tout comme Ken Lewenza. Nous devons mettre en place des dispositions d'achat au Canada. C'est la position du NPD, que nous avons également fait valoir au Parlement. Ainsi, le gouvernement n'est pas sans savoir l'importance de mettre en place de telles dispositions.
    Monsieur Weir, j'aimerais vous demander pourquoi, selon vous, les conservateurs ont refusé de mettre en oeuvre une politique qui relève du gros bon sens et qui fait largement consensus, tant dans l'industrie que du côté des représentants des droits du travail.
    Jusqu'ici, la position du gouvernement du Canada a été de faire la leçon aux Américains sur les vertus du libre-échange mondial, et de présumer que les intérêts du Canada sont mieux servis si l'on se débarrasse des politiques d'achat aux États-Unis.
    Je pense que j'illustrerais la situation de la manière suivante: les producteurs canadiens ont certainement besoin d'avoir accès au marché américain; le meilleur scénario au Canada n'est pas le retrait effectif des dispositions d'achat aux États-Unis, mais plutôt une exemption spécifiquement canadienne de ces dispositions, parce qu'ainsi nos producteurs pourraient vendre sur le marché américain tout en subissant une concurrence moindre des producteurs outre-mer.
    Je suis d'avis que ce but n'est pas complètement irréaliste. Quand les États-Unis ont imposé des tarifs sur les importations d'acier en 2002, ils en ont effectivement exempté le Canada. C'est la position que mon syndicat a soutenue devant le Congrès aux États-Unis: nous appuyons la politique d'achat aux États-Unis, mais nous aimerions que le Canada en soit exempté.
    Et vous avez certainement raison quand vous affirmez qu'une politique d'achat au Canada constituerait un outil de négociation très valable, parce que cela nous permettrait de dire aux Américains « Nous allons vous exempter d'une politique d'achat au Canada tant et aussi longtemps que vous nous exempterez d'une politique d'achat aux États-Unis. Je pense que c'est la façon de faire.

[Français]

    Merci.
    J'ai beaucoup de questions; on pourrait sûrement vous poser des questions pendant deux heures. Monsieur Caron, vous avez parlé d'Edmundston, mais quelle est l'importance des pertes d'emplois causées par les subventions à la liqueur noire, dans le marché actuel d'exploitation? Savez-vous combien d'emplois sont effectivement menacés si rien n'est fait?
    Je n'ai pas les chiffres exacts ici. J'aurais peut-être dû les apporter, mais je ne les ai pas.
    En ce qui a trait à Edmundston même, il faut comprendre que la situation est particulièrement difficile. Au Maine, de l'autre côté de la frontière, la sénatrice Olympia Snowe est en faveur du maintien du crédit d'impôt. Le Maine et le Nouveau-Brunswick se complètent parfois, en ce sens que le bois venant du Maine pourrait être traité au Nouveau-Brunswick, mais ils sont également en concurrence.
    Par exemple, si on parle de l'usine Fraser Papers, à Edmundston, je crois qu'il y a 400 ou 500 employés, dont 50 à 75 ont déjà été mis à pied. De plus, Peter Gordon, président de Fraser, a effectivement mentionné que l'usine d'Edmundston pourrait être la prochaine à fermer ses portes. On ne parle pas que de quelques emplois. C'est l'ensemble de l'industrie qui est à risque présentement si rien n'est fait d'ici deux mois.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Monsieur Feldman, je suis heureux de vous retrouver devant le comité. Vos commentaires au sujet de l'entente sur le bois d'oeuvre se sont avérés. J'aurais souhaité que le comité vous ait véritablement écouté quand vous avez comparu, parce que des dizaines de milliers d'emplois ont été perdus en raison de la stupidité de cette entente.
    J'aimerais que vous répondiez à deux questions.
    Qu'est-il arrivé le 13 octobre 2006? C'est arrivé après vos comparutions devant le comité sur le bois d'oeuvre et le lendemain de la mise en oeuvre de l'entente sur le bois d'oeuvre devant le Tribunal américain du commerce international. Je pense qu'il serait utile, particulièrement pour les nouveaux membres du comité, de comprendre ce qui est arrivé avec la décision rendue ce jour-là.
    Dans vos commentaires, vous avez mentionné que nous avons une sentence arbitrale de 68 millions de dollars que les contribuables canadiens vont devoir éponger en raison de l'incroyable irresponsabilité du gouvernement, et vous avez dit que d'autres allaient probablement suivre. Quelles sont ces autres amendes que les contribuables canadiens vont devoir éponger, en plus des énormes pertes d'emploi qui ont résulté de cette incroyablement nocive entente sur le bois d'oeuvre?

  (1015)  

    Je vous remercie de ces questions. Je ne voulais pas trop parler de l'entente sur le bois d'oeuvre aujourd'hui, mais j'étais content que M. Caron le fasse.
    On a précipité l'entrée en vigueur de l'entente le 12 octobre, parce que les deux gouvernements prévoyaient que le Tribunal américain du commerce international rende une décision à ce sujet. Les gouvernements s'inquiétaient du fait que cette décision torpille l'entente, ce qu'elle aurait peut-être fait et qu'elle aurait dû faire. Alors, en plein milieu de la nuit cette semaine-là, l'entente a été changée — 18 pages de changements faits en secret — afin de permettre l'entrée en vigueur de l'entente. En vertu de ses modalités négociées originales et publiques, elle n'aurait pas pu l'être parce qu'elle n'avait pas le soutien de l'industrie, sans égard au fait que, même au moment où j'ai comparu devant votre comité, il y avait des membres qui insistaient pour dire que l'industrie soutenait l'entente, ce qui, nous l'avons su par la suite, n'était pas le cas.
    L'entente a été entérinée à toute vitesse le 12 octobre, et dès le lendemain, le Tribunal américain du commerce international a statué que l'industrie canadienne avait le droit de récupérer tout son argent, jusqu'au dernier sou, pas seulement le montant qui avait été déterminé en juillet. Le Tribunal américain du commerce international avait scindé son processus de décision. Il a statué qu'il n'y avait pas lieu de conclure à l'existence de préjudice ou de menaces de préjudice et que, par conséquent, il n'y avait aucun principe sous-jacent justifiant des ordonnances de perception de dépôts; cependant, le tribunal avait réservé son jugement sur la question de savoir si la somme devait être calculée seulement à partir de la date de la décision ou à partir du début.
    On savait déjà qu'au moins trois milliards de dollars allaient être remboursés, et probablement au moins quatre milliards — c'est difficile à mesurer exactement en raison de l'analyse des intérêts — mais le reste de la somme devait être déterminé dans une décision subséquente. Cela a été décidé le 13 octobre: chaque sou devait être remis, avec intérêt. Au lieu, la veille, un milliard de dollars est resté sur la table. Voilà ce qui s'est produit le 13 octobre.
    Quant aux autres risques, cette première décision d'arbitrage sur les 68 millions de dollars était la conséquence d'une erreur de gestion du quota par le gouvernement fédéral. J'ai bien peur que divers politiciens avaient déclaré qu'il s'agissait d'une punition pour des programmes québécois et ontarien qui cherchaient à atténuer l'impact de l'entente sur le bois d'oeuvre. Ce n'est pas le cas. L'amende de 68 millions de dollars était le résultat d'une mauvaise gestion du quota.
    Mais le prochain tour est un arbitrage déjà en cours qui porte sur les programmes ontarien et québécois dont on allègue qu'ils visaient à atténuer les impacts de l'entente. D'après les estimations que j'ai entendues, les amendes liées à une conclusion défavorable à ce sujet pourraient dépasser 400 millions de dollars. Cette conséquence est exacerbée parce que le nouveau système d'arbitrage inventé pour l'entente sur le bois d'oeuvre, qui a mis de côté le chapitre 19, est un système fondé sur le droit commercial plutôt que sur le droit relatif aux échanges commerciaux. Il appert que l'une des conséquences de cette différence est que le premier tribunal, qui avait statué sur l'amende de 68 millions de dollars, a fondamentalement appliqué une théorie de responsabilité civile délictuelle. Ainsi, le tribunal a appliqué une théorie de dommages pécuniaires, un concept tout à fait étranger au droit relatif aux échanges commerciaux. Si le second tribunal devait faire la même chose — et maintenant, il existe un précédent pour qu'il agisse de la sorte —, alors ces dommages pécuniaires seront dus même si l'entente était annulée, parce qu'ils lui survivraient.
    Enfin, il y a une troisième décision arbitrale que nous attendons tous. Nous ne savons pas quand elle sera déposée, mais tout le monde prévoit que, à tout moment, une demande d'arbitrage sera déposée relativement aux droits de coupe en Colombie-Britannique. Selon l'argument, les droits de coupe visés par des droits sont acquis parce que l'infestation du dendroctone était connue avant l'adhésion des parties à l'entente, et le système d'enchères était expressément visé par des droits acquis dans l'entente. Mais il n'est pas si évident que le prix du bois infesté au dendroctone l'était. Si ce n'est pas le cas, alors, d'après les estimations que j'ai entendues, la pénalité possible pourrait se situer entre 500 millions de dollars et un milliard de dollars.

  (1020)  

    Merci.
    Merci monsieur Julian. Neuf minutes et demie.
    Nous allons maintenant passer à M. Keddy.
    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue à nos témoins.
     C'est une discussion intéressante ce matin, très édifiante. Je ne sais pas par où commencer.
    Je pense que je vais commencer par la liqueur noire. Nous, qui sommes du côté du gouvernement et de l'industrie, ainsi que la plupart des Canadiens, sommes convaincus qu'il s'agit d'une subvention injuste. Nous rentrons à peine d'un séjour de trois jours à Washington avec tout le comité. Nous avons parlé au plus grand nombre de membres du Congrès que nous avons pu aborder qui siègent sur le Ways and Means Committee, républicains comme démocrates. Aucun d'entre eux, pas même les membres nouvellement élus, ne croyait que la subvention relative à la liqueur noire allait se poursuivre. Selon moi, la principale raison qui justifie leur point de vue, c'est qu'ils l'envisagent simplement comme étant plus qu'une mauvaise politique; ils y voient également une politique qui va à l'encontre de l'esprit de leurs projets de loi sur les biocarburants et leurs bonnes politiques environnementales. C'est une politique environnementale terriblement mauvaise.
    Mais elle mène à un problème encore plus grand. Les Américains peuvent être des partenaires commerciaux difficiles — nous en sommes tous bien conscients —, mais la question la plus importante est d'abord de savoir comment, dans ce type de loi, on trouve ces vides juridiques, puis comment faire pour y apporter des solutions. Je suis d'avis que c'est là le sens des propos de M. Feldman.
    J'aimerais que M. Caron fasse une déclaration ou un commentaire sur l'industrie canadienne, parce que le crédit d'impôt sur la liqueur noire prendra fin, j'en suis convaincu, le 31 décembre. Je réalise que l'industrie canadienne éprouve déjà de vives tensions, mais bon nombre des commentaires dont elle nous a fait part indiquent que, si le tarif prend fin le 31 décembre 2009, nous serons de retour sur un pied d'égalité. Nous n'avons pas beaucoup de temps pour mettre quoi que ce soit en place pour faire quelque chose à propos de cette mesure ou pour la contrer, alors je pense que nous allons devoir vivre avec pendant les neuf ou huit prochains mois.
    Je vais peut-être atténuer l'intensité de mon propos. Je suis assez d'accord pour dire qu'il existe de bonnes chances que la mesure meure de sa belle mort, parce qu'elle se trouvait sur la liste d'éventuelles réductions d'impôt présentée par M. Obama il y a une semaine, je pense. Cela en fait une possibilité plus réelle. Mais n'allons pas sous-estimer la puissance du lobby de l'industrie américaine, qui se déploie à sa pleine force à l'heure actuelle.
    J'espère que vous avez raison, et j'espère que ce sera la volonté du Congrès de ne pas prolonger ce vide juridique. C'est véritablement un vide juridique; il n'a jamais été conçu pour payer pour un carburant qui sert depuis des dizaines d'années dans l'industrie, ni pour lui accorder des subventions.
    Mais j'ai des documents de l'industrie canadienne dans laquelle elle confirme que si rien n'est fait au cours des deux ou trois prochains mois, l'industrie des pâtes et papier pourrait subir des dommages irrécupérables. Cela ne veut pas dire que chaque moulin au Canada va fermer ses portes, mais cela signifie que la capacité de l'industrie canadienne de faire concurrence à ses compétiteurs, même après décembre 2009, sera affaiblie. Si rien n'est fait, c'est le risque que nous courons maintenant pour quelque chose que l'administration américaine n'aurait jamais dû faire en premier lieu.
    Je comprends.
    Ce qui suit est plus hypothétique, monsieur Feldman.
    Je ne cherche pas à dire que l'ALENA est parfait. Je crois qu'aucun d'entre nous ne croit ça. Je ne sais pas s'il existe des ententes commerciales qui sont parfaites. Le problème, c'est que, sans cet accord, nous n'avons pas de commerce fondé sur des règles. Si vous examinez la question de la liqueur noire, que voyez-vous sous l'entente existante? Qu'il s'agisse d'une contestation aux termes du chapitre 11 ou d'un tarif compensateur lorsque nous demandons des dommages-intérêts aux Américains, cela ne règle rien à court terme. Ce sont des démarches dont la longueur des délais est notoire, et vos graphiques montrent que ces délais s'allongent.
    Selon vous, cette situation pourrait-elle donner lieu à une contestation canadienne ou à un tarif compensateur légitime?

  (1025)  

    Je pense qu'il y aurait une contestation légitime, mais pas légale.
    C'est la question.
    Cette distinction existe parce que les mesures législatives portant sur les recours commerciaux ne sont pas conçues à cette fin. Vous pouvez utiliser vos lois sur les droits compensateurs — qui découlent toutes de l'OMC — mais elles doivent renvoyer à des importations de produits subventionnés américains. Vous n'en avez pas suffisamment pour que cela vous inquiète. Ce qui vous inquiète, c'est le fait que vous ne pouvez pénétrer le marché américain et y faire concurrence, et c'est à cause des subventions. Alors la loi sur les droits compensatoires ne vous aide pas. À mon avis, le chapitre 11 n'est pas non plus d'un grand secours, certainement pas tel qu'il est conçu.
    Je ne demande pas l'abolition de l'ALENA.
    Non, ce n'est pas ce que je laisse entendre.
    Pas plus que je n'appuie son abandon. Tout ce que je dis, c'est que si vous continuez à chercher des solutions dans l'ALENA, vous n'allez pas les trouver. Ce que je dis, c'est qu'il vous faut chercher une solution plus créative, il vous faut faire quelque chose de nouveau.
    Votre industrie souffre non seulement parce que vous n'arrivez pas à pénétrer le marché américain ou parce que l'entente sur le bois d'oeuvre impose des limitations, mais également en raison de cette excuse selon laquelle tout ce que vous pourriez faire pour aider votre industrie viole l'entente sur le bois d'oeuvre. Vous avez laissé cette entente servir à la fois de bouclier et d'épée, et, à mon avis, ce bouclier et cette épée sont en train de détruire votre industrie — pas seulement l'industrie du bois, mais toute votre industrie forestière. C'est pure folie que de l'utiliser à la fois comme épée et comme bouclier.
    J'ai lu votre mémoire avec beaucoup d'intérêt, et je pense que c'est une discussion importante. Je ne crois pas que nous allons être capable de la terminer ici aujourd'hui, mais j'étais très intéressé par le fait que M. Julian ait répudié la politique d'achat au Canada de son parti et toute l'idée que nous pouvons mener une guerre commerciale. Vous avez une politique d'achat aux États-Unis; nous avons une politique d'achat au Canada. Nous pouvons acheter des produits canadiens avec 33 millions d'habitants autant comme autant, mais cela ne va pas nous mener loin dans l'économie mondiale.
     Voilà qui nous ramène à tout l'enjeu de la réciprocité. Nous avons cherché à trouver un mécanisme dans l'ALENA. L'un des problèmes est que, avec l'arrivée de l'ALENA et de l'entente tripartite entre le Mexique, les États-Unis et le Canada, nous semblons avoir été écartés de l'entente encore plus. Nous sommes continuellement poussés à trouver des solutions bilatérales à des ententes commerciales trilatérales.
    J'aimerais que l'un d'entre vous commente cette question.
    Je pense que la question de la politique d'achat aux États-Unis est un bon point de discussion.
    C'est une question sur laquelle nous devons travailler beaucoup plus.
    Elle ne peut être gérée dans le contexte institutionnel de l'ALENA, même si je ferais valoir qu'il y a des motifs pour le faire, parce qu'il s'agit d'une loi fédérale qui impose des conditions fédérales sur la manière dont l'argent fédéral est dépensé. Vous pourriez faire valoir que cela devrait être lié aux ententes fédérales sur les marchés publics aux termes de l'ALENA. Il semble que le gouvernement américain se montre ouvert à une proposition canadienne pour négocier une forme d'entente sur les marchés publics qui va au-delà de l'entente existante aux termes de l'ALENA. Je suis d'avis que nous devrions saisir cette occasion.
    J'aimerais préciser notre position sur la politique d'achat au Canada. Nous n'avons jamais milité en faveur d'une politique d'achat au Canada totale et restrictive. Je pense qu'il est utile que nous examinions les préférences locales et les dispositions quant au contenu local, comme le font la plupart des pays. Les gouvernements d'États et les administrations municipales aux États-Unis le font depuis de nombreuses années. À mon avis, la résolution de Halton Hills est importante en raison de la réciprocité qu'elle apporte à l'entente sur l'accès au marché. Vous pouvez vraiment interpréter cela dans les deux sens. Dans sa forme fondamentale, si les Américains restreignent l'accès à leur marché aux fournisseurs canadiens, nous sommes prêts à imposer des restrictions ici. Cependant, vous pourriez également considérer cela comme une résolution sur les marchés ouverts. Si vous permettez le libre accès aux marchés publics d'États locaux aux États-Unis, nous allons faire de même ici. Selon moi, il y a un vaste consensus entre les municipalités selon lequel le gouvernement canadien devrait se servir de cet argument comme outil de négociation de nouvelles ententes de marchés publics avec les États-Unis au moins à l'échelon fédéral, où les deux gouvernements fédéraux conviendraient de ne pas imposer de restrictions sur la manière dont les sommes fédérales sont dépensées à l'échelon des États et des municipalités.

  (1030)  

    Merci.
    Nous allons maintenant passer rapidement à des tours de cinq minutes. Je vais encore une fois demander aux témoins de répondre brièvement, même chose pour les questions.
    Monsieur Silva, cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais remercier les témoins. Je pense qu'ils nous ont donné beaucoup d'information et j'apprécie la franchise qu'ils apportent à cette discussion. Une discussion particulièrement intelligente.
    Monsieur Myers, j'ai demandé à ce que vous comparaissiez devant notre comité parce que j'avais déjà été en contact avec des entreprises d'IPEX. C'est une entreprise que je connais très bien en raison du temps que j'ai passé comme conseiller municipal. Elle est très préoccupée par les répercussions de cette clause d'achat aux États-Unis. Elle ferme des usines, elle met à pied des travailleurs, c'est donc une grave menace à cette entreprise et, j'en suis certain, à d'autres entreprises membres de votre association.
    Dans l'une de vos recommandations, vous avez précisément demandé que le premier ministre soulève la question de la politique d'achat aux États-Unis, mais vous avez également parlé de menace de mesures de rétorsion. J'aimerais tout simplement savoir jusqu'où nous devrions aller avec cette menace. Selon vous, dans quelle mesure le gouvernement devrait-il se montrer plus actif à cet égard en raison des emplois canadiens menacés?
    Eh bien, cela menace certainement des emplois au Canada. Nous avons dressé une liste d'environ 250 de nos membres qui sont touchés par la seule Water Quality Investment Act, qui vendent dans les secteurs de la technologie des eaux, de l'eau potable et des eaux usées à l'échelon des États et des municipalités. Bon nombre de ces entreprises ignoraient qu'elles allaient être touchées jusqu'à ce que l'entrepreneur les informe qu'elles devaient signer un affidavit confirmant que leur produit est bel et bien fabriqué au Canada. Comme je le dis, nous sommes très préoccupés par la possibilité de voir apparaître d'autres lois provenant du Congrès.
    En ce qui concerne la menace de mesures de rétorsion, je pense que cela inquiète beaucoup les groupes d'affaires américains et les entreprises américaines qui sont nos alliés à Washington et aux États-Unis, et qui s'opposent à la politique d'achat aux États-Unis. Ce n'est pas une bonne politique pour les États-Unis. Ce n'est pas une bonne politique que d'avoir ces restrictions au Canada non plus, particulièrement si vous voulez que l'argent circule rapidement vers les projets d'infrastructure pour conserver les emplois ici en période de récession. Ce n'est pas la façon de faire. Mais je pense que la menace de mesures de rétorsion a eu un certain écho. Selon moi, c'est un puissant outil de négociation. Je pense que la résolution de Halton Hills qui sera examinée par la Fédération des municipalités canadiennes est une bonne forme de cette menace.
    Il ne s'agit pas de menacer d'exclure les fournisseurs américains du marché canadien. C'est simplement une résolution d'accès au marché réciproque, qui contient des dérogations et tout le reste. Il doit y avoir une forme de menace crédible, selon moi, pour soutenir une solide position de négociation dans ce contexte, et le gouvernement n'a pas besoin de menacer. C'est notre travail. C'est ce qu'il faut faire, et je peux vous dire avec beaucoup d'assurance que, parmi nos membres, nous faisons face à ça tout le temps. Notre entreprise est en train de couler. Que faites-vous pour nous aider? Si les Américains nous excluent de leur marché, pourquoi n'avons-nous pas des dispositions similaires ici? Voilà un sentiment largement répandu parmi nos membres, et je pense que notre gouvernement doit le communiquer très clairement aux représentants américains. Comme je le dis, c'est quelque chose que nous pouvons soulever devant vous ici, mais le gouvernement lui-même devrait manifestement s'en servir comme outil de négociation.
    Merci.
    J'ai une brève question à adresser à M. Feldman et à M. Weir.
    En ce qui concerne tout l'enjeu de la renégociation de l'ALENA, à mon avis, d'après mes nombreuses années d'études de la politique américaine, une partie du problème avec les États-Unis, c'est que nous ne faisons pas affaire avec un seul joueur. Nous ne faisons pas affaire qu'avec l'administration Obama; en réalité, nous devons traiter avec autant de partenaires qu'il y a de membres au Congrès américain. À l'heure actuelle, il y a une tendance chez ces membres à se montrer très protectionnistes, à protéger leurs intérêts. Ils ont également beaucoup d'intérêts d'affaires, parce qu'ils se font élire à coup de millions de dollars.
    Si une négociation devait avoir lieu, je crois que chacun d'entre eux se battrait pour sa parcelle de terrain et pour ses intérêts commerciaux précis, et pas pour le Canada. Alors, quand le Canada négocie de gouvernement à gouvernement, c'est une chose, mais quand nous négocions avec un gouvernement qui compte un si grand nombre de membres au Congrès, et que ces membres détiennent un pouvoir incroyable, c'est autre chose.
    Je viens de terminer un livre de Margaret MacMillan, Paris 1919. Woodrow Wilson était le fondateur de la Société des nations. Quand ce projet a été soumis au Congrès américain, il a été rejeté, même si Woodrow Wilson l'avait signé et qu'il en était le fondateur. Alors, le Congrès américain détient un pouvoir incroyable, et notre entité législative canadienne n'a pas le même type de pouvoir de négociation.

  (1035)  

    J'imagine que, au Syndicat des Métallos, nous nous sentons un peu plus à l'aise avec les nombreux joueurs de la politique américaine parce que nous représentons également des travailleurs américains et entretenons des liens avec les membres du Congrès et ce genre de choses.
    Ce n'est pas comme les Républicains ou les Démocrates. Ce n'est pas le même type de système. Il n'y a pas de ligne de parti là-bas.
    Puis-je continuer ma réponse? Avons-nous dépassé le temps?
    En effet, il ne reste plus de temps. Désolé, monsieur Silva.
    Monsieur Hiebert.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie tous de vous être présentés ici aujourd'hui.
    Monsieur Feldman, vous avez parlé de renégocier une nouvelle entente avec les États-Unis. Devrait-elle inclure également le Mexique, ou s'agit-il d'une entente avec les États-Unis seulement?
    Je vous remercie de cette question, parce que je voulais effectivement souligner l'ironie de la fin du multilatéralisme pearsonien; il est ironique que le thème qui émerge des discussions sur l'ALENA est le fait qu'un arrangement bilatéral soit la solution privilégiée à la suite de l'échec d'une entente multilatérale.
    On m'a posé cette question à de nombreuses reprises. Je ne suis pas certain de la réponse. En ce moment, je pense que je propose une entente entre le Canada et les État-Unis, plutôt qu'une entente qui inclurait le Mexique, mais je n'en suis pas certain. Je dois y réfléchir davantage.
    Ainsi que je l'ai exposé sous la forme des priorités qui peuvent être réglées de manière réciproque, je pense qu'il s'agit d'abord de priorités canado-américaines.
    Dans vos commentaires, vous avez mentionné un différend avec un couple de Blaine, à Washington. Je représente une collectivité située juste l'autre côté de la frontière, face à Blaine, Surrey-Sud — White Rock — Cloverdale. Nous avons le plus important poste frontalier de l'ouest du Canada. Je vois Blaine quand je conduis pour aller travailler.
    Quelle est la nature de ce différend? En bref, qu'est-ce qui est en jeu? Vous avez parlé de l'avenir de la commission qui est en jeu. Quel est le véritable enjeu qui oriente cette poursuite?
    C'est là la véritable question.
    À la surface des choses, un couple a construit un muret trois pieds à l'intérieur de l'éclaircie-frontière, qui, selon les traités et l'entente conclus entre le Canada et les États-Unis en 1908, doit être libre de tout obstacle sur une distance de 10 pieds de part et d'autre de la frontière. Le principe est simple: vous ne pouvez faire respecter une frontière et la protéger si vous ne pouvez pas la voir. Le couple a construit un muret de béton armé de 4 pieds de hauteur et de 85 pieds de longueur trois pieds à l'intérieur de l'éclaircie-frontière. La GRC l'a repéré. Le muret a été inspecté par un agent frontalier de Vancouver, qui a conclu qu'il devait être détruit. La question substantielle est de savoir si le mur peut rester en place.
    L'enjeu plus large, c'est que le département américain de la Justice, sous la gouverne du secrétaire à la Justice Gonzales, a conclu que les droits de propriété privée l'emportaient sur le domaine public et a décrété que le mur devait rester en place, et il a ordonné au commissaire américain d'adhérer à cette décision. Le commissaire a refusé. Le président l'a congédié.
    La question au centre du litige présentement devant les tribunaux consiste à déterminer si le président avait le pouvoir de congédier le commissaire, parce que ce dernier était nommé aux termes d'un traité directement applicable. Cette notion est difficile à comprendre au Canada, parce que vous n'avez pas de traités directement applicables. Vous avez des dispositions législatives de mise en oeuvre pour ce traité, qui précisent que le commissaire canadien est un fonctionnaire canadien. Du côté américain, c'est un traité directement applicable. Le Sénat n'a pas entériné la nomination du commissaire. Il n'est pas un employé des États-Unis, ni de l'organisme.
    Le président a affirmé que cette commission est une extension de la Maison-Blanche, que c'est un organisme des États-Unis. C'est là le véritable enjeu.
    Monsieur Myers, vous avez longuement parlé de la possibilité de mesures de rétorsion provinciales ou municipales. Quel en serait le coût pour les États-Unis? Je sais que le Canada est le plus important partenaire commercial de 36 États américains. Quel serait le coût pour ces États ou pour l'économie américaine si ces municipalités et ces provinces bloquaient effectivement les importations américaines?

  (1040)  

    Cela dépendrait de la gamme réelle de projets de marchés publics, mais dans le cas de l'industrie de l'eau potable et des eaux usées municipales, c'est 1,9 milliard de dollars qui transitent des États-Unis vers le Canada. C'est environ 600 millions de dollars d'exportations du Canada vers les États-Unis.
    Cependant, cela ne tient pas compte de la valeur des fournitures américaines — les matières constitutives vendues aux exportateurs canadiens qui perdent des occasions d'affaires sur le marché américain. Il y aurait donc probablement encore plus d'échanges qui seraient en jeu ici. Mais, encore une fois, j'espère que nous n'aurons pas besoin de faire ça. Je pense qu'un accès restreint au Canada soulève exactement les mêmes problèmes qu'il le ferait aux États-Unis. Cela ralentirait les projets d'infrastructure ou les rendrait plus compliqués. Personne n'a besoin de ça.
    Alors, juste pour résumer, les États-Unis perdraient environ deux milliards de dollars en importations canadiennes s'ils procédaient comme prévu.
    C'est exact.
    Dernière question: les municipalités et les provinces sont-elles disposées à collaborer pour adopter des mesures de rétorsion, ou à tout le moins pour présenter la menace de mesures de rétorsion?
    Trois municipalités ontariennes ont signé la résolution de Halton Hills. Cette résolution sera examinée par la Fédération des municipalités canadiennes pendant sa conférence du 6 juin et est soutenue par les municipalités locales. Alors, le 6 juin, nous allons voir si la Fédération des municipalités canadiennes adopte une résolution.
    Merci.
    Désolé, mais nous devons céder la place à M. Cardin, pendant cinq minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je ferai d'abord quelques petits commentaires. Oui, nous sommes allés aux États-Unis rencontrer des élus, et cela ne faisait pas très longtemps qu'ils avaient été mis au courant de la situation concernant la liqueur noire. Nous ne l'avions pas été non plus, mais il demeure qu'ils n'étaient pas au courant depuis longtemps. Ceux qui semblaient être le plus au courant étaient ceux dont les régions abritaient des entreprises de ce genre. C'est tout dire de l'orientation qui sera prise à la fin de l'année.
    Il y a quelque chose qui me semble quand même surprenant et même aberrant, parfois désarmant, et c'est lorsqu'il y a deux traitements différents pour des entreprises qui font affaire avec les États-Unis. Dans le cas des garanties de prêts, on a beaucoup de difficulté à accepter cela. Selon les normes, c'est acceptable, c'est légal. Quand on l'a fait pour d'autres industries — et je ne nommerai que celle de l'automobile —, il n'y a eu aucun problème.
    Les critiques à peine voilées du comportement du gouvernement canadien, je les accepte. Je suis persuadé qu'on pourrait en faire plusieurs autres.
    Je voudrais revenir sur les propos de M. Weir, qui a parlé à toutes fins pratiques de dumping social et environnemental. Parmi les solutions, vous mentionnez la mise en place d'un mécanisme pour éviter le nivellement vers le bas. Il est certain que vous ne parlez pas seulement des États-Unis, mais de nombreux autres pays. Aux États-Unis, peut-on considérer que sur les plans social et salarial, il y a un nivellement important vers le bas, selon vous?

[Traduction]

    Je dirais que les normes du travail et les normes environnementales aux États-Unis sont suffisamment similaires à celles du Canada pour que ce type de tarifs de dumping social ne soit sans doute pas appliqué contre les États-Unis. Je pense qu'ils seraient davantage appliquées à l'égard de pays comme la Chine, qui violent ostensiblement des normes de travail reconnues à l'échelle international et qui n'ont aucune mesure de protection environnementale.
    Cependant, il y a certaines instances aux États-Unis qui pourraient faire l'objet d'une telle contestation. Par exemple, dans le sud des États-Unis, il y a toute la notion du right to work, qui va certainement à l'encontre des normes de l'Organisation internationale du travail. Et je suis heureux de mentionner que le gouvernement canadien a récemment lancé une contestation de cela en vertu de l'accord parallèle de l'ALENA en matière de travail. Comme je le dis, il y a très peu de mise en application aux termes de l'accord parallèle de l'ALENA en matière de travail, mais je pense qu'il y a au moins un exemple aux États-Unis qui pourrait faire l'objet d'une possible contestation pour cause de dumping social.

  (1045)  

[Français]

    Vous avez parlé aussi de la tarification en ce qui a trait au carbone. Selon vous, quel modèle faudrait-il exactement? Les libéraux ont parlé d'une taxe sur le carbone, et disons que sur le plan du marketing, ce n'était pas nécessairement la bonne façon de présenter l'idée. On sait que les conservateurs ont dénigré tout cela.
     Pour éviter ce dumping environnemental, il est évident qu'il faut faire quelque chose. Lorsque vous parlez de tarification, cela veut-il dire qu'on devrait développer un mécanisme et faire preuve d'imagination, comme nous le rappelle souvent M. Feldman? Faut-il faire preuve d'imagination pour trouver un moyen efficace de tarifier le carbone des pays étrangers, et le faire également par produit? Avez-vous une idée de la forme que cela pourrait prendre?

[Traduction]

    Bien sûr. Si vous croyez, par exemple, que l'Amérique du Nord établira probablement un système de quota et d'échange, ce qui est certainement ce que l'administration Obama propose, alors je pense qu'une manière relativement directe de veiller à ce que les tarifs sur le carbone soient appliqués de façon exhaustive serait de faire en sorte qu'un importateur qui apporte en Amérique du Nord des produits fabriqués quelque part où les émissions carboniques ne sont pas tarifées doive acheter des permis aux termes du système de quota et d'échange. C'est une manière de faire en sorte qu'il y ait un ajustement à la frontière harmonieusement intégré dans le modèle de quota et d'échange.
    De manière plus générale, quant aux autres mesures environnementales, voire même les mesures en matière de droits du travail... Je sais que cela peut sembler compliqué d'établir un droit compensateur équivalent à l'avantage financier qu'un producteur étranger tire de conditions de travail ou de pratiques environnementales inférieures à la norme, mais, fondamentalement, nous utilisons déjà la formule pour les lois portant sur les recours commerciaux. C'est très compliqué de déterminer le type d'avantages pécuniers qui sont obtenus grâce au dumping ou aux subventions gouvernementales. Mais nous faisons le calcul, et nous réclamons les droits compensateurs. Je pense qu'il serait possible d'agir de même à l'égard du dumping social, comme vous l'avez si bien nommé.

[Français]

    Merci.
    Me reste-t-il encore du temps, monsieur le président?

[Traduction]

    C'est terminé.
    Nous allons essayer de prendre deux autres questions.
    Avons-nous des travaux?
    Nous en avons tenu compte. Merci, monsieur Keddy. Vous pourrez comparaître en tant que témoin la semaine prochaine.
    Monsieur Holder.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'aimerais remercier nos invités de s'être présentés aujourd'hui. J'apprécie sincèrement la qualité de vos commentaires. Je souhaiterais pouvoir poser une série de questions à chacun d'entre vous.
    Tout d'abord, j'ai un commentaire. Monsieur Weir, votre commentaire sur le fait que le Canada devrait chercher à se faire exempter de la politique d'achat aux États-Unis a trouvé écho chez moi. Je voulais simplement le dire. Malheureusement, je ne peux approfondir cette discussion avec vous présentement, parce qu'il y a quelques autres choses que j'aimerais demander.
    D'abord, monsieur Myers, vous avez fourni un plan en quatre étapes. Votre quatrième étape m'a parue un peu particulière, et, pour tout vous dire, elle me rend un peu nerveux. C'était en lien avec la position des municipalités canadiennes, plus particulièrement selon les termes de Halton Hills, et votre commentaire selon lequel vous avez le sentiment que cela constitue un solide levier de négociation pour le Canada face aux États-Unis. Dans l'un des commentaires que vous avez offerts en réponse à une question, vous mentionniez le fait que la menace de mesures de rétorsion trouvait de l'écho. Je me demande seulement s'il n'y a pas un risque à adopter cette approche. Croyez-vous réellement que nous pourrions gagner une guerre protectionniste contre les États-Unis?
    Non, je ne crois pas que nous pourrions. Je ne crois pas que nous voulons prendre cette voie. Mais je peux vous dire que c'est le seul enjeu, dans le cadre du processus d'établissement d'un réseau d'alliés dans la collectivité d'affaires et parmi les associations d'affaires américaines, qui peut exprimer clairement le fait que les dispositions d'achat aux États-Unis ne devraient pas entrer en vigueur. C'est le seul enjeu qui attire l'attention et qui réunit nos alliés là-bas.
    Je ne veux pas que nous nous lancions dans une guerre protectionniste; c'est bien la dernière chose que nous voulons faire. Toutefois, je pense que le gouvernement peut légitimement dire que ces sentiments protectionnistes prennent de l'ampleur au Canada et que les dispositions d'achat aux États-Unis n'aident en rien; cela dit, que pouvons-nous faire pour l'éviter?

  (1050)  

    Je dirais que quand notre délégation s'est rendue à Washington, nous avons aussi certainement indiqué que cela n'était pas utile et que, de notre point de vue, cela remet en question la teneur du dialogue que nous cherchons à entretenir.
    Voilà un excellent enchaînement vers la question que je veux adresser à M. Feldman. Comme vous le savez tous, le Canada est le plus grand marché d'exportation pour plus de trois douzaines d'États, et, en tant que principal partenaire commercial...
    Monsieur Feldman, j'aimerais que vous approfondissiez une question. Dans vos commentaires, vous avez déclaré que nous devons établir un réseau d'alliés. Vous n'étiez pas convaincu de l'utilité d'embaucher d'anciens ambassadeurs, ce qui est un commentaire intéressant, mais vous avez affirmé que nous devons établir des liens d'affaires. J'aimerais que vous nous donniez des détails aussi précisément que vous le pouvez dans le cadre du délai restreint. À un moment donné, j'étais un peu dérouté parce que, d'une part, vous avez dit que l'ALENA a été un échec, mais, d'autre part, vous ne voulez pas vous en débarrasser; je dirais que vous cherchez à trouver une nouvelle manière de faire les choses.
    En termes précis, que nous suggérez-vous de faire pour créer ces relations afin que le Canada puisse se faire entendre, pas seulement dans les États, mais, manifestement, à Washington même? Pourriez-vous nous répondre?
    Je serais ravi de répondre, bien que ce soit tout un programme. Mais je vous remercie pour cette question.
    Je pense que, au cours des 35 dernières années, je suis le meilleur ami américain de longue date que le Canada ait connu, mais je me montre également très critique. L'une des choses sur lesquelles je me montre très critique est la difficulté viscérale qu'ont les Canadiens de comprendre les États-Unis.
    C'est un système politique différent, qui n'est pas un système parlementaire comme quelqu'un par ici l'a mentionné. Le Congrès compte 585 membres, et chacun a ses propres priorités, ses propres besoins en argent et ses propres façons de se faire élire ou réélire. Notre système politique est un système complètement différent. Cela signifie que vous devez examiner les choses pour trouver un avantage selon une perspective américaine.
    Par exemple, en ce qui concerne le coût des marchés publics, pourquoi n'y a-t-il pas une seule analyse qui montre les coûts pour les États-Unis? Vous êtes tous enclins, et c'est normal, à dire « Regardez tous les moulins à bois que nous fermons, regardez tous les emplois que nous perdons ». Les Canadiens ne votent pas au Congrès. Aucun de ces 585 membres ne se préoccupe du fait que vous fermez des moulins à bois et que vous perdez des emplois. Ce qui les préoccupe, c'est que le président coupe dans les programmes, qu'il sait qu'il a un budget trop chargé et qu'il doit trouver des économies.
    La clause d'achat aux États-Unis entraîne des coûts, elle est onéreuse. Cette clause de 25 p. 100 plutôt que les 6 p. 100 de la clause traditionnelle d'achat aux États-Unis est une clause très, très chère qui s'est transformée en loi sous la forme d'un projet de loi entériné par le Sénat. Alors, quand vous ferez votre analyse, plutôt que d'examiner ce que la clause vous coûte à vous, analysez ce qu'elle nous coûte à nous, ce qu'elle coûte aux Américains, ce qu'elle coûte aux États-Unis. Voilà le type de recherche qu'il vous faut présenter.
    Commencez à raconter l'histoire comme celle d'un partenaire qui cherche à aider — parce que vous serez toujours le partenaire subalterne, vous ne serez jamais le partenaire principal, et non, vous ne gagnerez jamais une guerre commerciale. Mais si vous agissez comme un partenaire, si vous faites preuve de créativité, vous avez de meilleurs établissements financiers que ceux des États-Unis. Où étiez-vous pendant les huit dernières années pour faire preuve de créativité et faire en sorte que les États-Unis ne se retrouvent pas dans la mauvaise situation dans laquelle ils se trouvent; comment se fait-il que, quand cette crise a éclaté, il n'y a eu aucune réponse nord-américaine?
    Voici ce que je reproche en partie à l'ALENA: l'accord n'a aucune institution qui aurait pu faciliter une réponse nord-américaine. Nous n'avons pas les institutions pour tirer parti des atouts du Canada; nous n'avons pas les institutions pour tirer parti des atouts conjoints du Canada et des États-Unis. C'est pourquoi il nous faut de nouvelles institutions, qui pourraient émaner de nouveaux traités orientés sur les priorités du XXIe siècle. J'ai déjà mentionné ce que sont ces priorités, mais de manière précise et tangible, menez la recherche d'une manière différente, répondez à un ensemble différent de questions. Répondez aux questions qui préoccuperont les Américains plutôt qu'aux questions qui vous intéressent naturellement, mais qui n'auront aucune prise aux États-Unis.
    Merci, monsieur le président.
    Merci.
    Monsieur Julian, vous disposez de trois minutes.
    Monsieur le président, j'ai un rappel au Règlement; notre comité a un système concernant l'ordre de parole. Dans le deuxième tour, nous allons à l'opposition officielle, les libéraux, pendant cinq minutes; puis aux conservateurs pendant cinq minutes...
    Nous en sommes bien conscients, monsieur Keddy.
    ... puis au Bloc pour cinq minutes; ensuite, de retour à nous pendant cinq minutes. Aucun changement n'a été apporté à l'ordre de parole. Je n'ai pas entendu qui que ce soit demander un changement à l'ordre de parole. Nous devons nous prononcer sur une motion avant 11 heures, alors je ne comprends pas très bien ce qui se passe ici.

  (1055)  

    Je serai heureux de vous l'expliquer à un autre moment.
    Il y a déjà un système établi par le comité.
    Présentement, vous gaspillez le temps du comité, monsieur Keddy, et j'aimerais terminer cette série de questions.
    Nous allons prendre trois minutes et passerons ensuite à votre motion.
    Monsieur Julian.
    Merci, monsieur le président. Je ne prendrai pas les trois minutes. Je crois comprendre que M. Keddy veut présenter sa motion.
    Très brièvement, monsieur Feldman, vous avez parlé des coûts associés à la poursuite de l'entente sur le bois d'œuvre. Le contribuable canadien pourrait avoir à débourser de 900 millions de dollars à 1,4 milliard de dollars dans le cadre des poursuites à venir.
    Si nous mettions fin à l'entente et que nous revenions en arrière pour obtenir le type d'accès au marché américain que nous avions le 13 octobre 2006, avec la décision du Tribunal américain du commerce international, quels seraient les coûts juridiques? Je cherche à comparer ces 1,4 milliard de dollars aux possibles coûts juridiques liés au fait de revenir à la décision que nous avons gâchée.
    Et pour insister là-dessus, il y a déjà un coût juridique considérable. Votre chef en Colombie-Britannique a souligné l'autre jour qu'elle ne voulait pas payer des avocats pour la question du bois d'œuvre. Eh bien, ce pays a versé beaucoup d'argent à beaucoup d'avocats. Ce sont eux qui représentent les gouvernements fédéral et provinciaux dans cet arbitrage. C'est beaucoup d'argent. Vous devriez jeter un coup d'œil à certains de ces chiffres. Vous n'avez pas échappé aux coûts juridiques.
    Quant aux conséquences de mettre fin à l'entente, d'abord, vous savez sans doute que la coalition aux États-Unis a demandé, il y a presque un an — en août dernier —, de mettre fin à l'entente. L'administration Bush a refusé. On s'attend à ce que la coalition présente la même demande dans un avenir rapproché, et à ce que l'administration Obama ne refuse pas. Tôt ou tard, quelqu'un va mettre fin à cette entente.
    L'enjeu est la clause d'exemption qui se trouve dans l'entente. Est-ce que cela signifierait que des restrictions commerciales seraient immédiatement imposées? Si les États-Unis mettent fin à l'entente conformément aux modalités de cette dernière, alors il y a une clause d'exemption d'une durée de un an. Si les Canadiens devaient mettre fin à l'entente, il n'y aurait aucune clause d'exemption. Mais si les États-Unis devaient y mettre fin en raison d'une rupture, alors la clause d'exemption ne s'appliquerait plus. C'est ce que nous prévoyons que la coalition va demander au gouvernement, de sorte qu'il y aurait des conséquences immédiates de toute manière.
    Votre principal problème est le suivant: en entrant sur le marché américain en payant des taxes de 15 p. 100, vous faites tous du dumping — probablement avec des marges considérables. Vous faites donc face à un nouvel obstacle, parce que, le 12 octobre, quand cette entente est entrée en vigueur, vous payiez moins de 11 p. 100, pas 15 p. 100, avant même que le tribunal ne statue. Maintenant, vous avez le problème de marges élevées de dumping, mais il y a un problème encore plus important, c'est-à-dire que votre part de marché n'est maintenant que de 29 p. 100. La Commission américaine du commerce international a trouvé qu'aucun préjudice n'avait été causé par les importations canadiennes aux États-Unis quand votre part de marché était de 34 p. 100. Par conséquent, même si vous faites du dumping avec des marges élevées, ce sera très difficile pour la coalition de faire valoir que vous causez un préjudice. Sans préjudice, il n'y a aucun tarif à appliquer.
    Je ne peux donc pas vous donner de réponse complète. Il vous faudrait mettre cette solution à l'essai. Mais il est bien possible que vous retourniez au libre-échange.
    Merci à tous nos témoins. Je vais devoir vous demander d'achever les travaux rapidement, parce que nous devons partir.
    Je vous remercie une fois de plus de vous être présentés aujourd'hui, et merci également à tous les membres de notre comité de leurs questions; je vous remercie beaucoup.
    Je ne prendrai pas le temps d'aller à huis clos, parce que nous devons nous prononcer sur une brève motion.
    Monsieur Keddy propose de terminer l'étude article par article du projet de loi C-24 le mardi 26 mai 2009 et de faire rapport du projet de loi à la Chambre à la première occasion.
    La motion est appuyée par M. Cannis.
    Y a-t-il un débat? Monsieur Cardin.

[Français]

    Tout d'abord, monsieur le président, je ne pense pas que ce soit nécessaire.
    J'aimerais savoir quel est le délai exigé pour le dépôt d'une telle motion. Je le demande au greffier ou à la greffière. Le délai est bien de 48 heures, n'est-ce pas? Il me semble que ça ne fait pas 48 heures. Je n'étais pas présent mardi, lorsque cela aurait pu être déposé.
    Si je comprends bien, vous posez une question au sujet de la période de 48 heures.
    Oui. Cela ne fait pas 48 heures.
    Selon les annotations, la période de 48 heures équivaut vraiment à deux nuits, et non à 48 heures exactement. Par conséquent, l'avis de motion ayant été déposé mardi, le délai de 48 heures est respecté.
    Qui a annoté cela?

  (1100)  

[Traduction]

    C'est dans le Règlement. C'est également au gré de la présidence, qui a décidé qu'un avis avait été donné dans un délai approprié. S'il n'y a pas d'autre commentaire, j'aimerais procéder à la mise aux voix.
    (La motion est adoptée.)
    Je pense que nous avions d'autres travaux relatifs aux visites au Pérou et au Brésil, mais nous allons devoir les remettre à une autre fois.
    Merci. La séance est levée.
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