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CIIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent du commerce international


NUMÉRO 020 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 26 mai 2009

[Enregistrement électronique]

  (0915)  

[Traduction]

    Désolé de commencer en retard.
    Il y a beaucoup de conversations ce matin, mais je voudrais que nous passions à nos témoins d'aujourd'hui pour poursuivre notre étude du projet de loi C-24, Loi portant mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange entre le Canada et la République du Pérou.
    De l'Association canadienne du droit de l'environnement, nous recevons aujourd'hui Mme Theresa McClenaghan; du Syndicat des Métallos, Me Mark Rowlinson et, à titre personnel, M. Maxwell Cameron, professeur à la Faculté de science politique de l'Université de la Colombie-Britannique, qui connaît assez bien le Pérou, crois-je comprendre.
    Sur ce, si tout le monde est prêt, je pense que nous pouvons consacrer l'heure qui vient aux témoignages, après quoi nous passerons à l'étude article par article. Une fois que ce sera fait, nous devons nous occuper de questions très importantes aujourd'hui, y compris l'examen de témoins supplémentaires, l'ordre du jour de jeudi et aussi la visite prochaine. Cela devra être fait après les exposés des témoins d'aujourd'hui.
    Sur ce, j'aimerais commencer. Je vais demander à Mme Theresa McClenaghan, de l'Association canadienne du droit de l'environnement, de commencer. Nous entendrons les déclarations liminaires de cinq à dix minutes de chaque témoin, puis nous passerons aux questions.
    Madame McClenaghan.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître devant vous ce matin pour discuter du projet de loi C-24 relatif à l'Accord de libre-échange signé récemment par le Canada et le Pérou.

[Français]

    Bonjour, mesdames et messieurs. Je m'excuse si je parle seulement en anglais aujourd'hui.

[Traduction]

    L'Association canadienne du droit de l'environnement, à laquelle j'appartiens, est une ONG sans but lucratif constituée en vertu d'une loi fédérale, ainsi qu'une clinique ontarienne d'aide juridique spécialisée. Nous offrons des services juridiques directs, notamment pour des causes-types et pour des causes qui font jurisprudence en matière environnementale, aux gens qui n'ont pas les moyens de s'offrir un avocat. Notre mandat comprend la réforme du droit, l'information juridique de la population et les services communautaires.
    Pour mon intervention de ce matin, j'ai mis à contribution la longue expérience de l'ACDE en matière de commerce extérieur et d'environnement, dont les travaux de feu Michelle Swenarchuk, ex-directrice de notre programme du commerce extérieur et de l'environnement. Il y a trois messages que je veux vous transmettre aujourd'hui. Je signale qu'ils ne portent pas uniquement sur l'accord bilatéral à l'étude.
    Premièrement, la disposition concernant l'accès direct de l'investisseur aux mécanismes de règlement des différends opposant un investisseur et un État, dans le chapitre sur les investissements, pose en soi un problème dans la mesure où elle invite, à mon avis, la contestation à répétition des mesures réglementaires relatives à la sécurité et à la santé environnementale prises par le Canada et les provinces. Je vais développer ma pensée.
    Deuxièmement, si l'accès direct de l'investisseur est maintenu, les ententes bilatérales de libre-échange doivent être explicitées de manière à s'appliquer aux situations de véritable expropriation et à ne pas s'appliquer aux mesures réglementaires prises par le Canada et les provinces en matière d'environnement, de santé, de sécurité et de protection des travailleurs, à tout le moins.
    Troisièmement, j'aimerais discuter de la multiplication des accords de libre-échange bilatéraux, aussi bien au Canada que dans d'autres pays, qui crée un ensemble hétéroclite de règles relatives à la protection, ou à l'absence de protection, des droits souverains du Canada, des provinces et d'autres pays pour ce qui est d'adopter des lois et règlements visant la santé de l'environnement, la sécurité et les droits du travail que les gouvernements jugent nécessaires. L'existence même de cet ensemble hétéroclite complique l'évaluation du risque des contestations commerciales et entrave encore plus la prise de mesures réglementaires.
    Au sujet de mon premier point, l'accès direct des investisseurs aux mécanismes de règlement des différents opposant un investisseur et un État, dans le chapitre sur les investissements, je dirais qu'il n'est pas nécessaire d'offrir aux investisseurs l'accès direct aux États dans les ententes bilatérales de libre-échange, même si l'on souhaite offrir une protection contre l'expropriation. Les accords commerciaux prévoient normalement que les investisseurs ont droit au même traitement que les ressortissants. En conséquence, le droit interne — aussi bien la common law que le droit législatif — qui vise l'expropriation peut être invoqué. C'est ce qui se fait dans l'Accord de libre-échange États-Unis-Australie, le deuxième accord bilatéral de libre-échange négocié par les États-Unis avec un pays développé, comme ils le disent dans leur examen environnemental de 2004.
    L'Accord de libre-échange États-Unis-Australie ne prévoit pas de recours direct en cas de différend opposant un investisseur et un État, même s'il renferme certaines dispositions concernant l'expropriation. Dans le dernier examen environnemental, le comité d'examen a déclaré ceci:
Vu le caractère unique de cette entente — y compris... les liens économiques de longue date entre les États-Unis et l'Australie, leurs traditions juridiques communes et la confiance de leurs investisseurs qui souhaitent exercer leurs activités dans leurs marchés respectifs — les deux pays ont convenu de ne pas incorporer dans cet ALE des mécanismes qui permettraient aux investisseurs de faire arbitrer des litiges avec les gouvernements. Les mécanismes de règlement des différends de gouvernement à gouvernement restent disponibles...
    Cet accord comprend — ce qui est normal — des dispositions relatives à l'expropriation, prévoyant qu'elle doit servir une fin publique, qu'elle ne doit pas être discriminatoire et que le dédommagement doit être rapide et raisonnable, et conforme à l'application régulière du droit. J'aimerais commenter ceci. Il s'agit de conjectures de ma part, mais jusqu'en 2004, l'ALENA avait fait l'objet de certains contestations opposant un investisseur et un État et de demandes de dédommagement par suite d'une mesure réglementaire; j'imagine que les négociateurs voulaient éviter ce genre de demandes.
    C'est pourquoi, au lieu d'offrir ce type de recours direct aux mécanismes de règlement des différends entre un investisseur et un État, l'Accord de libre-échange États-Unis-Australie offre la possibilité de consultations. De cette façon, s'ils souhaitent ultérieurement offrir un recours à un investisseur donné, ils pourront tenir des consultations sur la façon de le faire. Mais ce sur quoi ils se sont entendus dans l'accord, ce sont les règles normales d'expropriation de chaque pays. En cas de plainte les concernant, ils en feraient l'objet des mécanismes de règlement des différends de l'accord.

  (0920)  

    Avant de terminer sur ce point, je dirais que l'absence de recours direct en cas de différend entre un investisseur et un État dans l'Accord États-Unis-Australie constitue en soi une protection pour les États sur le plan de leur capacité de prendre des règlements visant la santé environnementale, la sécurité et la protection des travailleurs, entre autres choses. Si un investisseur avait une véritable demande d'expropriation, celle-ci pourrait suivre la filière normale du droit intérieur. En revanche, pour attirer l'attention en cas d'expropriation indirecte réputée fondée sur une mesure réglementaire prise par l'État, il faudrait qu'un investisseur réussisse d'abord à convaincre son propre gouvernement de la légitimité de sa plainte et du fait que la mesure réglementaire en question constitue un de ces rares cas d'expropriation indirecte.
    Comme les États-Unis et l'Australie tenaient clairement à protéger leur propre droit de maintenir leurs normes élevées de réglementation environnementale — je vous renvoie au chapitre 19 de l'accord australien —, j'estime qu'ils hésiteraient beaucoup à donner suite à une plainte et qu'il serait très peu probable que cela se produise. Les gouvernements démocratiques doivent tenir compte d'un éventail de facteurs concurrentiels, y compris de nombreuses questions d'intérêt public comme la protection de l'environnement, la santé humaine, la sécurité, les droits des travailleurs et les conséquences socioéconomiques de leurs réglementations, et c'est là leur prérogative.
    Ma recommandation au sujet de ce premier point, c'est que le droit d'accès direct par les investisseurs à une réclamation contre les parties soit supprimé et que l'on adopte à la place la formule américano-australienne, autrement dit, donner accès aux mécanismes intérieurs canadiens du droit pour les causes de véritable expropriation et ne pas permettre de réclamations pour l'expropriation indirecte. Il s'agirait au moins là de mesures réglementaires prises par le Canada ou les provinces en matière de santé environnementale, de sécurité et de protection des travailleurs.
    La deuxième chose, c'est que s'il doit y avoir accès direct de l'investisseur à l'État, contrairement à ce que je viens de proposer, il vaut mieux que ce ne soit explicitement applicable qu'à une véritable expropriation. Certes, je comprends que l'accord de libre-échange a été négocié et que votre rôle est d'approuver ou non la loi qui le met en oeuvre. Je dirais que les arguments que j'ai présentés à propos des conséquences réglementaires de l'accès direct de l'investisseur sont suffisamment importants pour marquer une pause à ce moment-ci, particulièrement avant de poursuivre cet accord ou tout accord ultérieur, et pour revenir en arrière et passer en revue ce qui s'est passé au sujet de ces réclamations d'expropriation indirecte. De plus, sûrement pour tout accord futur, la démarche prise par l'Australie est celle qu'il faudrait suivre.
    Pour ce qui est du libellé qui limiterait les questions aux véritables expropriations, je préciserai d'abord que mon association ne s'est jamais élevée contre l'expropriation en droit interne ou international, en termes de dispositions appropriées d'indemnisation. Il existe d'importantes protections de longue date qui couvrent, par exemple, les autoroutes, les lignes de transmission et ainsi de suite, mais en revanche, nous avons longtemps combattu les arguments selon lesquels la réglementation relative à l'intérêt public équivaut à de l'expropriation ou qu'une indemnisation est due lorsque des activités sont limitées par une réglementation d'intérêt public. En sont des exemples les décisions concernant l'utilisation du sol, l'approbation des installations et les contrôles de l'émission de pollution. Ce sont toutes là des mesures de réglementation valables dans l'intérêt public, même si elles peuvent imposer des coûts aux propriétaires ou empêcher certaines activités.
    Pour ce qui est de limiter les revendications à l'expropriation directe, j'estime que le libellé de l'accord devrait expressément limiter l'accès direct de l'investisseur aux réclamations de véritable expropriation. J'estime qu'il vaut mieux choisir cette façon de faire, plutôt que la formule au cas par cas qui figure dans l'Accord de libre-échange Canada-Pérou. Même si l'on tente, dans l'accord, de préciser que ces affaires ne correspondent pas généralement à de l'expropriation indirecte, le simple fait que la réclamation puisse être déposée montre qu'il y a incertitude concernant les décisions du groupe spécial d'arbitrage et que cela peut avoir un effet dissuasif sur la prise de mesures réglementaires.
    Vous avez déjà entendu des témoignages l'autre jour à propos de la réclamation récente déposée par Dow Chemical contre le Canada pour les mesures prises au Québec en vertu de son code sur les pesticides. Lorsque la réclamation a été déposée, comme vous le savez peut-être, l'Ontario avait mis en oeuvre des modifications à sa Loi sur les pesticides visant l'emploi à des fins cosmétiques et l'usage de pesticides de gazon et de jardin et procédait à des consultations relatives aux règlements parallèles à cette loi. Le ministre ontarien de l'Environnement à l'époque s'est senti obligé de faire des déclarations publiques dans les médias à la fin de l'année dernière, indiquant que la contestation de Dow contre le Québec n'amènerait pas l'Ontario à revoir ses positions. À mon avis, le simple fait que ces réclamations puissent être faites constitue un problème puisque cela risque d'empêcher la prise des mesures réglementaires valides. Le risque de ces réclamations donne plus de poids ou d'importance aux intérêts commerciaux représentés, même si la réglementation envisagée par le gouvernement n'est pas une expropriation en droit national ou interne. La difficulté vaut non seulement pour le gouvernement fédéral, mais aussi pour les gouvernements provinciaux et territoriaux.

  (0925)  

    Pour clore cette question, l'Accord de libre-échange Canada-Pérou comprend-il cette limitation explicite? Non, je ne pense pas. Le libellé pourrait être perçu comme une amélioration par rapport à l'ALENA. Toutefois, l'accord de l'annexe 812.1, quand il s'agit de déterminer si une mesure constitue une expropriation directe, dit que cela sera décidé au cas par cas. Plusieurs facteurs sont énumérés, comme les conséquences économiques, la mesure dans laquelle elle nuit aux décisions fondées sur des investissements et le caractère de la mesure, et on y trouve la disposition que vous avez déjà examinée, je le sais, et selon laquelle sauf en de rares circonstances — quand une mesure ou une série de mesures est si radicale, vu sa finalité, qu'elle ne peut pas être raisonnablement considérée comme ayant été adoptée et appliquée de bonne foi — des mesures non discriminatoires conçues et appliquées pour protéger des objectifs légitimes de bien-être public, comme la santé, la sécurité et l'environnement, ne constituent pas une expropriation indirecte.
    Ce qui m'inquiète, premièrement, c'est que ce genre de dispositions — il ne s'agit pas du seul accord bilatéral à utiliser ce libellé — n'ont été incluses dans les accords commerciaux bilatéraux que récemment. Je signale qu'on a inséré exactement le même paragraphe dans l'accord australo-américain dont j'ai parlé tout à l'heure, mais qu'on n'a pas jugé nécessaire d'y inclure une réclamation directe de l'investisseur.
    Quoi qu'il en soit, le fait que les réclamations puissent être faites au cas par cas signifie que c'est le tribunal qui va les évaluer. Par exemple, s'agit-il ici d'un de ces rares cas? La mesure est-elle radicale? Était-elle raisonnable? A-t-elle été adoptée de bonne foi? Était-elle peut-être discriminatoire? Était-elle conçue pour protéger des objectifs légitimes de bien-être public?
    Chose intéressante, Howard Mann, avocat de l'Institut international du développement durable, a déclaré à propos de la décision de l'ALENA concernant Methanex en 2005 que le tribunal avait tracé une démarcation nette entre ce qui constitue une véritable expropriation et ce qui ne l'est pas. Cet article dans l'accord avec le Pérou suscite des questions.
    La dernière chose, que j'ai déjà mentionnée, c'est que l'existence même de la multiplication des accords bilatéraux de libre-échange entre de nombreux pays, assortis de moyens légèrement différents de protéger le droit d'adopter des règlements, est en train en soi de devenir un problème. L'analyse de l'endroit où la réglementation est sujette à contestation est en train de devenir beaucoup plus complexe et il y a de légères différences entre elles.
    Merci.
    Merci, madame McClenaghan.
    Je dois dire à regret aux témoins que nous essayons de limiter la durée des exposés pour qu'elle se situe entre cinq et dix minutes, si possible. Celui-ci était d'un peu plus de 13 minutes.
    Nous allons maintenant passer à M. Rowlinson.
    Je m'appelle Mark Rowlinson. Je suis l'avocat du Syndicat des Métallos et je siège également au comité des affaires internationales de l'Association canadienne des avocats du mouvement syndical.
    Le Syndicat des Métallos est un syndicat international qui compte environ 250 000 membres au Canada. Grâce à notre travail international, nous avons conclu des alliances stratégiques et des liens de travail étroits avec des syndicats partout en Amérique du Sud, en particulier au Pérou. Notre syndicat est le principal syndicat du secteur minier au Canada et, pour cette raison, il s'intéresse particulièrement aux liens entre le Canada et le Pérou et au mouvement syndical au Pérou.
    Je comparais également ici ce matin au nom de l'Association canadienne des avocats du mouvement syndical, une association de 350 avocats progressistes qui représente les travailleurs syndiqués du pays. L'ACAMS s'est vigoureusement employée à promouvoir les avantages des droits syndicaux dans les Amériques et à défendre devant les tribunaux diverses affaires visées par l'accord parallèle sur la main-d'oeuvre de l'Accord de libre-échange nord-américain.
    Je comparais devant vous ce matin pour vous présenter des observations précises et une analyse des dispositions relatives à la main-d'oeuvre dans l'Accord de libre-échange Canada-Pérou. Ce sont les seuls aspects de l'accord que je vais aborder ce matin.
    Pour vous situer, je dirais que les dispositions relatives au travail qui figurent dans l'ALE Canada-Pérou proposé suivent évidemment généralement le schéma que l'on trouve dans les accords commerciaux de l'hémisphère, en particulier l'ALENA, l'accord Canada-Costa Rica et l'accord Canada-Chili. Évidemment, les dispositions de l'ALE Canada-Pérou sont très semblables à celles de l'ALE Canada-Colombie proposé.
    Au sein du mouvement syndical, assurément au Canada et ailleurs, on s'entend généralement pour dire que les mesures de protection des travailleurs des accords commerciaux actuels qui ont été négociés à ce jour par le gouvernement du Canada laissent beaucoup à désirer. Elles comportent un certain nombre de problèmes communs. Je vais vous les énumérer rapidement.
    Premièrement, les accords commerciaux actuels se concentrent sur l'application des normes du travail nationales plutôt que sur leur amélioration.
    Deuxièmement, les mécanismes d'application des accords qui visent les droits du travail sont uniformément insatisfaisants. Ils sont lents et lourds. Le mécanisme d'instruction des plaintes n'est ni indépendant ni transparent. Au contraire, les plaintes sont examinées et évaluées par les bureaucraties créées à cette fin par les gouvernements signataires. Elles ne sont pas actuellement examinées et évaluées par un organe judiciaire ou quasi judiciaire indépendant. Cela tranche évidemment nettement avec les chapitres consacrés aux investissements dans les accords commerciaux que nous avons signés jusqu'à présent et dans lesquels, comme on l'a entendu, les parties, les investisseurs en particulier, bénéficient de recours efficaces et solides imposés par des organes quasi judiciaires indépendants.
    Il faut signaler qu'en vertu de l'accord parallèle de l'ALENA relatif au travail, en vigueur depuis maintenant 14 ans, pas une seule affaire n'est allée jusqu'en arbitrage. Cela tranche à nouveau nettement avec les dispositions relatives aux investissements de l'ALENA, qui ont fait l'objet de multiples actions en justice par les investisseurs tant aux États-Unis qu'au Canada.
    En ce qui concerne les dispositions de l'ALE Canada-Pérou, celles qui portent sur le travail marquent une évolution par rapport aux dispositions actuelles de l'accord parallèle relatif au travail de l'ALENA. Dans l'accord proposé, le chapitre 16, consacré au travail, renferme des dispositions plus générales qui énoncent les objectifs et les obligations des parties en matière de travail. En particulier, les parties, c'est-à-dire le Canada et le Pérou, réitèrent leurs obligations comme membres de l'OIT et leur attachement à la Déclaration de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail. Toutefois, le chapitre 16 de l'accord se contente d'affirmations et d'objectifs généraux. Ces formules générales n'accordent pas aux parties de droits exécutoires. Comme dans le cas des accords commerciaux hémisphériques canadiens précédents, l'essentiel des droits et obligations en matière de travail sont plutôt énoncés dans ce que l'on appelle l'accord de coopération dans le domaine du travail, souvent désigné sous le nom d'accord parallèle en matière de travail. Pour comprendre les droits des travailleurs dans ces accords commerciaux, il faut naturellement examiner de près l'accord parallèle.
    La première partie de l'accord de coopération dans le domaine du travail renferme généralement les droits fondamentaux de l'accord. Les deux parties, le Canada et le Pérou, doivent s'assurer que leurs lois protègent les normes fondamentales du travail internationalement reconnues qui sont contenues dans la Déclaration de 1998 de l'OIT et le programme de l'OIT en faveur du travail décent. Cet article énonce des droits fondamentaux des travailleurs supérieurs à ceux qui se trouvent dans l'un ou l'autre des accords commerciaux auxquels le Canada est actuellement partie. À la différence de l'ALENA, cet accord exige des signataires que leurs lois se conforment aux normes de l'OIT. Je dis au comité qu'il s'agit là d'une amélioration importante par rapport à l'accord parallèle relatif au travail de l'ALENA.

  (0930)  

    Toutefois, l'article 2 de l'ACT Canada-Pérou — ce que l'on appelle la clause de non-dérogation — n'interdit la violation des normes de l'OIT que lorsqu'il peut être prouvé que le but de la violation était d'encourager le commerce ou les investissements. Cela semble laisser entendre que l'on peut violer les droits du travail à la condition de ne pas le faire pour encourager le commerce ou l'investissement. Cela constitue une limitation importante des obligations fondamentales énoncées dans la partie 1.
    Les autres obligations de l'accord parallèle relatif au travail avec le Pérou sont très semblables aux dispositions qui figurent dans les accords commerciaux canadiens actuels, qui se concentrent sur l'application des lois actuelles et la protection des droits en matière de procédure.
    J'aimerais maintenant discuter des dispositions d'application de l'accord parallèle en matière de travail.
    Étant donné que les droits du travail sont encore une fois relégués dans un accord parallèle, l'application de ces droits n'est pas assujettie aux mêmes mécanismes d'application que les autres droits de l'accord. Il s'agit d'une lacune majeure de l'accord qui fait qu'il diffère, par exemple, de celui qu'ont négocié les États-Unis et le Pérou. Dans l'accord États-Unis-Pérou, non seulement les droits relatifs au travail figurent dans le corps de l'accord, mais ils sont essentiellement assujettis aux mêmes mécanismes d'application que les autres droits.
    Dans l'accord parallèle Canada-Pérou, l'article 10 prévoit la présentation, l'acceptation et l'examen de communications dites publiques. Il s'agit du principal mécanisme de plainte prévu dans l'accord parallèle. Comme pour le processus de plainte de l'ALENA, une plainte acceptée peut mener à des consultations entre les ministères du travail des deux pays. Il s'agit de l'article 12.
    À la suite de consultations ministérielles, l'article 13 prévoit qu'un signataire national — c'est-à-dire que ce n'est pas la partie qui a déposé la plainte — peut demander qu'un groupe spécial d'examen soit constitué s'il estime que la question est liée au commerce et que l'autre partie n'a pas rempli ses obligations en vertu de l'accord. Autrement dit, la partie qui a déposé initialement la plainte en vertu de l'accord n'a pas le droit d'en saisir un groupe spécial d'examen si elle n'est pas satisfaite des consultations ministérielles.
    Il s'agit encore une fois à mon avis en tout cas d'une lacune majeure de l'Accord Canada-Pérou. À la différence des dispositions relatives aux investisseurs, lesquels peuvent pousser l'affaire jusqu'en arbitrage, les travailleurs, les syndicats et leurs défenseurs ne peuvent pas en faire autant en vertu de l'accord parallèle.
    Les articles 14 à 20 de l'accord parallèle prévoient un mécanisme d'examen par un groupe spécial. Aux termes de l'examen, le groupe produit un rapport et peut imposer une cotisation financière pouvant aller jusqu'à 15 millions de dollars US, qui est versée dans un fonds. Les sommes sont alors consacrées à des initiatives de travail appropriées sur le territoire de la partie qui a fait l'objet d'un examen.
    Il faut signaler que le mécanisme d'application marque certains progrès par rapport aux mécanismes actuels d'application de l'accord parallèle de l'ALENA. Premièrement, le processus est moins lourd. Deuxièmement, l'étendue du processus d'examen est considérablement plus vaste.
    Toutefois, bon nombre des lacunes qui caractérisent le mécanisme d'application de l'ALENA persistent dans l'accord de coopération en matière de travail Canada-Pérou.
    Premièrement, encore une fois, l'accord de coopération en matière de travail Canada-Pérou dépend de la volonté des États signataires eux-mêmes pour ce qui est de prendre en charge les plaintes. Les plaignants eux-mêmes ne peuvent pas saisir un groupe spécial d'examen. Vu ce que nous avons vécu sous le régime de l'accord parallèle de l'ALENA, il semble très peu probable qu'une plainte ne dépasse jamais le niveau des consultations ministérielles.
    Deuxièmement, l'accord donne peu de possibilités à la partie délinquante de négocier un règlement de la plainte.
    Enfin, les pénalités se limitent à des amendes. Il n'y a pas de possibilité de sanctions commerciales, de tarifs, ou de révocation de l'accord lui-même comme pénalité pour la violation répétée et systématique des droits du travail énoncés dans l'accord.
    Encore une fois, la défaillance de ce mécanisme d'application tranche nettement avec le chapitre 8 de l'Accord Canada-Pérou, relatif aux droits des investissements, qui leur offre un mécanisme d'arbitrage efficace, indépendant et relativement rapide. La décision du tribunal des investissements est définitive et exécutoire. Le tribunal a le pouvoir d'accorder des dommages pécuniaires, la restitution des biens et les dépens à l'investisseur. Aucun droit comparable n'est accordé aux victimes de violation des droits du travail. En résumé, le mécanisme d'application dont jouissent les investisseurs est de loin supérieur à celui qui se trouve dans l'accord de coopération relatif au travail.
    La même inégalité existe évidemment dans l'ALENA. Il n'est donc pas étonnant que, 15 ans après son adoption, on constate une immense disparité entre le nombre de réclamations instruites en vertu des dispositions relatives aux investisseurs et le nombre des réclamations instruites en vertu des droits du travail.

  (0935)  

    En conclusion, les mesures de protection des droits des travailleurs comprises dans les accords commerciaux hémisphériques négociés jusqu'à maintenant par le gouvernement du Canada n'ont garanti aucun droit exécutoire réel aux travailleurs. En ce qui concerne les dispositions relatives au travail dans l'accord entre le Canada et le Pérou, nous considérons que, même si des progrès ont été accomplis, la structure fondamentale des dispositions des accords commerciaux précédents a à peine changé. Les principales mesures de protection des droits des travailleurs font toujours partie d'un accord parallèle plutôt que d'être intégrées dans le corps du texte; le respect de ces droits reste à l'entière discrétion des gouvernements signataires; aucune disposition ne permet aux syndicats ou aux associations d'employés d'intenter des poursuites indépendantes qui pourraient mener à de réelles mesures de redressement pour les parties lésées; finalement, l'accord ne prévoit aucune véritable sanction commerciale advenant le cas où une partie violerait systématiquement les droits des travailleurs.
    En général, nous savons d'expérience que les dispositions relatives au travail dans les accords commerciaux, qu'elles fassent partie du corps du texte ou pas, sont peu susceptibles de mener à des améliorations tangibles pour les travailleurs. Les accords commerciaux ne visent toujours pas l'amélioration des normes du travail; en outre, rien ne permet de conclure que ces accords puissent servir à accroître le respect des droits des travailleurs — du moins, pour le moment. Le comité ne sera donc pas surpris d'apprendre que les mouvements syndicaux au Canada et au Pérou ont rejeté en très grande majorité l'accord commercial proposé.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Rowlinson.
    Nous allons maintenant passer au prochain témoin, M. Maxwell Cameron.
    Je vous remercie de m'accueillir ici et de me permettre de vous faire part de certaines réflexions concernant l'Accord de libre-échange entre le Canada et le Pérou.
    Depuis 25 ans, je fais de la recherche sur l'Amérique latine et en particulier sur le Pérou. Lorsque j'ai commencé à donner des cours sur la politique en Amérique latine, c'était au début des années 1990, au moment du débat sur l'ALENA, et je me souviens avoir été très perturbé par certaines affirmations des partisans de l'ALENA qui prétendaient que le Mexique allait devenir un pays développé et prospère, une démocratie capitaliste grâce à l'ALENA, et qui allait représenter un modèle aussi bien pour les pays en développement que pour les États de l'ex-bloc soviétique. Cette image simpliste, anti-historique et unidimensionnelle du Mexique ne cadrait pas avec ce que j'en savais et ce que j'en comprenais; j'en suis venu à me demander si ma formation manquait tout à fait de pertinence, ou si le débat sur l'ALENA n'était pas dissocié de la réalité.
    Ensuite, je me souviens comme si c'était hier des premiers jours de janvier 1994 où, en ouvrant les journaux et en me renseignant sur l'insurrection zapatiste au Chiapas, j'ai trouvé un autre Mexique, un Mexique qui avait toujours été ignoré, qui relevait la tête et qui nous rappelait que le Mexique est une énorme société complexe et très inégalitaire. Il y a deux Mexique, le premier qui a un pied en Amérique centrale, et l'autre qui a un pied au Texas. De la même façon, il y a deux Pérou. Il y a un Pérou qui veut faire concurrence au Chili, et un autre Pérou qui a davantage d'affinité avec la Bolivie.
    Lorsqu'on entend des fonctionnaires qui nous disent que certains pays deviennent des démocraties prospères grâce à des accords de libre-échange, parfois avant même que ces accords aient été mis en oeuvre, il faut véritablement se demander de quels pays il est question.
    Le Pérou est un pays profondément divisé, avec, d'une part, la côte et les enclaves d'industries extractives et, d'autre part, le Sud, les plateaux centraux et les régions de jungle. Depuis cinq ou six ans, plus précisément depuis 2003, on a assisté à une très nette croissance économique dans les régions littorales et dans le secteur minier, avec des avantages dont profitait du moins la population des régions côtières, ce qui a fait passer le taux de pauvreté de 49 à 39 p. 100. En revanche, les avantages de cette croissance stimulée par les exportations ne se sont pas rendus jusqu'au Sud, aux plateaux centraux ni à la région de la jungle amazonienne, où 63 p. 100 de la population indigène vit dans des conditions de très grande pauvreté.
    Ce qui est frappant au Pérou, c'est l'inaptitude des gouvernements récents pour ce qui est de prendre des mesures susceptibles de répartir la richesse de façon que tous les Péruviens bénéficient de la croissance résultant des exportations. En particulier dans l'actuel contexte d'agitation économique des marchés internationaux, on risque véritablement de voir disparaître certains des avantages qui permettraient d'atténuer la pauvreté. J'estime que le principal défi que doive relever le Pérou aujourd'hui consiste à trouver la façon de réorienter les fruits de la croissance résultant des exportations telle qu'elle se manifeste dans les régions côtières et autour des enclaves d'industries extractives vers les populations des régions méridionales, du centre et de la jungle, qui n'ont toujours pas bénéficié des mêmes avantages. Mais cela va nécessiter des investissements publics majeurs, ainsi qu'un véritable engagement à assurer le développement humain et à abattre les obstacles séculaires qui engendrent l'exclusion sociale; les récents gouvernements démocratiques n'ont pas véritablement réussi à prendre un tel engagement.
    Penchons-nous en particulier sur le secteur minier. Il est à l'origine d'environ 60 p. 100 des exportations péruviennes et c'est évidemment un secteur auquel le Canada s'intéresse de près. On remarque immédiatement que de nombreuses mines, en fait la plupart d'entre elles, sont situées exactement dans les régions les plus pauvres du Pérou. Il y a donc un très important risque de conflit entre les industries minières et les collectivités locales.
    Il existe un système appelé « canon » en vertu duquel les redevances provenant des industries extractives sont reversées aux collectivités locales. Mais ce système a engendré des conflits importants, notamment à cause de l'évolution du pouvoir centralisateur au Pérou, qui a fait en sorte que les autorités locales, qu'il s'agisse des municipalités ou des gouvernements régionaux, n'ont que des pouvoirs très limités pour ce qui est de demander au gouvernement central l'accès aux ressources naturelles; elles sont souvent incapables de formuler des propositions convaincantes. Lorsqu'elles y parviennent, le gouvernement central leur impose de longues périodes d'attente. Les propositions que les autorités locales réussissent à mettre en oeuvre concernent la construction de monuments ou, dans le meilleur des cas, d'infrastructure. Ce sont souvent des sortes d'éléphants blancs qui contribuent très peu au développement. Il n'y a pas d'investissement dans la santé, dans l'éducation ni dans la formation, c'est-à-dire dans les domaines qui permettraient à la population d'assurer elle-même plus efficacement son développement.

  (0940)  

    C'est vraiment un problème de capacité de l'État, à l'échelle tant locale que nationale. Il n'est donc pas étonnant que nous ayons assisté à une augmentation réelle des conflits. L'an dernier seulement, entre avril 2008, où l'on enregistrait 104 conflits dans diverses régions du Pérou, et avril 2009, où les conflits totalisaient 250, nous avons observé une augmentation marquée du nombre de conflits, dont 70 p. 100 surgissent dans le secteur minier. Ces différends concernent l'eau, la contamination des terres et des eaux souterraines et de surface, le déplacement des populations, le non-respect des ententes par les entreprises et la question de l'accès aux redevances.
    Le gouvernement péruvien, plutôt que de résoudre ces différends de manière à aider les collectivités locales, a en fait criminalisé des protestataires, qualifié les dirigeants de terroristes et refusé de consulter les communautés autochtones, comme il est obligé de le faire en vertu des traités. Le Pérou a signé la Convention no 169 de l'OIT. De fait, et c'est peut-être ce qui est le plus alarmant, le gouvernement a présenté, dans le cadre des mesures de mise en oeuvre de l'accord de libre-échange Pérou-États-Unis, une série de projets de loi que les tribus amazoniennes considèrent comme une menace fondamentale à leur capacité de défendre leur terre et leur culture. Par conséquent, la région amazonienne s'est littéralement soulevée pour protester contre ces lois.
    Je préférerais que ce soit des sociétés canadiennes plutôt que chinoises qui exploitent des mines au Pérou, car ces dernières ont une réputation exécrable au chapitre des normes du travail ou de l'environnement. Mais ne vous y trompez pas: peu importe les entreprises qui font affaire au Pérou, elles seront entraînées dans ces genres de conflits.
    Permettez-moi de vous donner un exemple récent, celui d'une société minière canadienne qui a décroché un contrat pour faire de la prospection dans une région appelée Tambogrande, dans le Nord du Pérou, à Piura. La société y a découvert un important gisement d'or, mais dans une communauté productrice de mangues et de limes jouissant d'une économie agricole florissante. La communauté a fait front commun et, en vertu de ses propres lois de participation, s'est prononcée contre ce projet parce qu'il entraînerait le déplacement de nombreuses personnes et la contamination des eaux souterraines et de surface. Dans le cas présent, le gouvernement du Pérou a pris le parti de la collectivité, et la société, après avoir demandé un arbitrage, a quitté le pays. Mais je me demande, dans le contexte des choses que Theresa a évoquées concernant les dispositions en matière d'investissement des accords de libre-échange, si l'entreprise n'aurait pas envisagé de poursuivre le gouvernement pour préjudices si un tel accord avait été signé. J'ignore quelle aurait été l'issue d'une telle démarche, mais le simple fait de donner cette arme aux entreprises pourrait leur permettre d'exercer des pressions considérables sur les gouvernements locaux, ce qui, à mon sens, pourrait fort bien envenimer les conflits qui font actuellement rage au Pérou.
    En résumé, je conclurais en soulignant trois points fondamentaux. Tout d'abord, je crois qu'il existe des motifs sérieux de douter que la négociation d'un accord de libre-échange permette une libéralisation multilatérale ou même hémisphérique du commerce. Rien ne laisse envisager que ces négociations nous feront progresser vers la conclusion d'un seul accord couvrant l'hémisphère. Nous nous retrouvons plutôt avec un fouillis complexe d'accords.
    Pour ce qui est de savoir si les accords de libre-échange mèneront à une prospérité commune et durable, je considère qu'ils feront des gagnants — les résidants des régions côtières, les industries extractives et les investisseurs étrangers —, mais que les paysans des terres hautes, les travailleurs et les communautés locales seront souvent laissés pour compte.
    Enfin, en ce qui concerne les effets politiques, je dirais qu'ils sont presque imprévisibles. Je rejetterais toutefois l'affirmation selon laquelle le gouvernement démocratiquement élu au Pérou a appuyé sa plateforme sur le libre-échange. En fait, les élections de 2006 ont été très serrées et Ollanta Humala, très critique à l'égard de l'accord de libre-échange, a remporté le premier tour et perdu le deuxième parce que les électeurs de Lima sont passés du côté du parti de l'APRA, qui est resté neutre sur la question du libre-échange au cours de la campagne. Ce parti a procédé aux négociations lorsque le gouvernement précédent était au pouvoir et est extrêmement impopulaire dans les hautes terres et le centre du Pérou, où la population lui tient rancune.

  (0945)  

    Si nous concluons l'accord de libre-échange, je prévois qu'en l'absence du genre d'investissement nécessaire à l'établissement d'une prospérité commune et équilibrée au Pérou, ce modèle de développement suscitera probablement l'apparition au Pérou de nouveaux marginaux politiques opposés au système comme Hugo Chavez et Evo Morales.

  (0950)  

    Je vous remercie, monsieur Cameron.
    Nous passerons maintenant aux questions, en commençant par M. Cannis.
    Merci, monsieur le président. Je partagerai mon temps avec M. Brison.
     Je suis resté captivé tout au long de l'exposé, mais vers la fin, vous avez parlé d'une certaine entreprise qui a dû quitter le Pérou parce que le gouvernement est intervenu et a, si j'ai bien compris, entrepris des démarches juridiques ou a exigé qu'elle se plie à des règles qu'elle n'était pas disposée à respecter. Pourriez-vous m'en dire davantage à ce sujet?
    De plus, vous avez indiqué plus tôt que les entreprises n'honorent pas leurs engagements, mais il semble, selon ce que vous avez dit par après, qu'il existe des lois qui assurent une protection ou qui vont en ce sens.
    Vous avez en outre mentionné que vous préfériez que ce soit des sociétés canadiennes qui exploitent des mines au Pérou, par exemple. J'espère que je ne déforme pas vos propos. Je vous pose cette question parce que lorsque nous négocions ces accords de libre-échange et que l'exploitation minière en constitue un aspect, nous consultons évidemment tous les intervenants ou les parties prenantes. On nous conseille souvent de ne pas faire ceci ou cela, ou de ne pas aller à tel ou tel endroit. Je me réjouis que vous préféreriez les sociétés canadiennes. Pourriez-vous nous dire pourquoi? Est-ce parce qu'elles respectent davantage la loi ou parce que nous adhérons à des normes environnementales?
    Donnez-nous simplement une idée de la raison pour laquelle vous avez fait ce commentaire.
    Merci.
    Je crois que les sociétés canadiennes jouissent en bonne partie d'une réputation d'entreprises socialement responsables dans la région. Ce n'est toutefois pas toujours le cas. Je me rappelle qu'au cours d'un rassemblement tenu à l'occasion de la campagne de 2006, quelqu'un m'a demandé d'où je venais. Lorsque je lui ai répondu que j'étais originaire du Canada, mon interlocuteur s'est exclamé que mon pays détruisait le monde. C'était la première fois que je voyais ce genre de réaction lorsque je disais que je suis canadien. Il se trouve que cette personne venait d'une collectivité minière où une société causait, selon elle, des dommages considérables à l'environnement.
    Il existe des entreprises de toutes tailles. Je crois que souvent, les petites entreprises ne disposent pas de code de responsabilité sociale comme en ont certaines grandes sociétés.
     La loi ne s'appliquerait-elle pas en pareil cas, comme le laisse entendre l'exemple que vous nous avez donné?
    Ce serait fort possible. Dans l'exemple que je vous ai donné, le gouvernement a effectivement décidé d'abandonner le projet en raison de la décision de la communauté, qui n'était toutefois pas contraignante. Il a ensuite dû se défendre en cour. Pareille situation pourrait se reproduire.
    Lorsque nous parlons de la responsabilité sociale des entreprises, je crois que ce que vous voulez réellement dire, c'est que c'est valable pour les deux parties.
    Exactement.
    Il revient au gouvernement local d'agir.
    Monsieur Brison, vous avez la parole.
    Je remercie M. Cannis et chacun de ceux qui sont intervenus ce matin.
    J'aimerais commencer par M. Cameron au sujet de l'écart entre les riches et les pauvres et de l'effet que le changement ou le développement économique pourraient avoir à cet égard. La révolution industrielle, même si elle a accru cet écart, a aussi amélioré considérablement le niveau de vie des pauvres. Je crois que lorsqu'un pays s'industrialise ou développe son économie, il peut créer des disparités entre les riches et les pauvres, mais également améliorer la qualité de vie des plus pauvres. C'est d'ailleurs un fait prouvé au cours des périodes de changement économique.
    Je ne crois pas que le Pérou soit le seul pays où il existe des disparité entre riches et pauvres. C'est un problème qui se pose également au Canada. Si l'on compare les conditions entre les réserves autochtones et Rosendale, on constate des écarts substantiels. Si l'on considère les différences entre les provinces canadiennes et les variations entre nos économies dans les secteurs des ressources naturelles et des finances, je crois qu'il n'y a pas qu'au Pérou qu'il existe des inégalités entre les riches et les pauvres et entre les diverses régions géographiques.

  (0955)  

    L'Amérique latine est la région du monde où les inégalités sont les plus criantes, un fait largement attribuable à la richesse considérable des mieux nantis. Cette situation s'explique par des raisons historiques qui remontent à l'époque coloniale. Ce qui est si troublant au sujet des inégalités en Amérique latine, c'est leur persistance. Même dans un pays comme le Chili, qui est certainement un bel exemple d'économie de marché florissante où l'on a réduit la pauvreté, des inégalités persistent et empirent même ces dernières années.
    Nous devons nous demander si nous sommes dans le monde du cycle de kusnets, où les inégalités augmentent au début pour s'atténuer au fil du temps. Je dois dire qu'il n'y a pas beaucoup de raisons de croire que ce soit le cas aujourd'hui en Amérique latine, en partie parce que nous n'avons pas effectué le genre d'investissements publics qu'il faut pour que les plus démunis en profitent. À mon avis, on fait augmenter les revenus à tous les échelons et on atténue les inégalités en s'assurant que les travailleurs profitent des gains en productivité et en investissant dans leur capacité d'occuper un emploi rémunéré.
    J'abonde dans le même sens, mais ce sont largement des décisions politiques nationales que les gouvernements souverains prendront concernant la mise en oeuvre de la politique publique. Je suis d'accord avec vous au sujet de ce qui est nécessaire. Ces gouvernements subiront des pressions politiques pour prendre ces décisions, et j'espère qu'ils iront en ce sens.
    J'ai une question pour M. Rowlinson concernant l'Accord de libre-échange Canada-Pérou. Vous avez affirmé que les dispositions qu'il contient en matière de travail sont les plus solides mesures que l'on ait vues dans les accords que le Canada a conclus jusqu'à présent, sans toutefois égaler ceux de l'accord intervenu entre les États-Unis et le Pérou.
    C'est exact, particulièrement en ce qui concerne leur application.
    Est-ce que la section américaine du Syndicat des Métallos approuve cet accord?
    Voilà une question intéressante. La FAT-COI a eu des discussions assez détaillées avec le parti démocrate au sujet des dispositions qu'elle jugerait acceptables au chapitre du travail. Pour diverses raisons politiques, elle n'a finalement pu avaliser l'accord entre les États-Unis et le Pérou, mais je crois qu'elle a établi un modèle de texte. Lorsqu'ils étaient au pouvoir, les démocrates ont certainement convenu d'un modèle de texte, approuvé par la FAT-COI, concernant les mesures de protection des travailleurs que ces accords devraient comprendre. Ce texte est beaucoup mieux que celui de l'Accord de libre-change Canada-Pérou et, de toute évidence, de celui de l'ALENA.
    Ce que je veux faire remarquer, c'est qu'aux États-Unis du moins, le parti démocratique a, pour une raison quelconque, toujours appuyé le mouvement ouvrier à cet égard d'une manière qui, sans entrer dans les détails de la politique canadienne, n'a jamais été vue au Canada. Je crois que c'est un fait qui vaut la peine d'être souligné. J'ignore si cela peut vous aider.
    Je vous remercie, messieurs Rowlinson, Brison et Cannis.
    Nous passerons maintenant à M. Cardin pour sept minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Madame et messieurs, bonjour.
    On voit que les accords parallèles ont une importance relative. Souvent, je m'amuse à dire que le propre des choses qui sont parallèles est qu'elles ne se rejoignent jamais. Vous semblez tous d'avis que les accords parallèles sur le travail ou l'environnement devraient faire partie intégrante de l'accord principal, et que celui-ci devrait avoir du mordant et comporter des obligations qui soient plus que de beaux discours teintés de vertu.
    Prenons un exemple, même si on sait que toute comparaison n'est pas toujours très bonne. Imaginons que je sois un investisseur et que je décide d'aller au Pérou établir une entreprise de fabrication de pesticides. Cela impliquerait certains risques pour les travailleurs. Imaginons ensuite que le pays décide de hausser ses normes environnementales et que certains produits soient refusés parce qu'il peut y avoir des risques pour la santé. Les conditions de sécurité au travail seraient donc élevées, ce qui représenterait des coûts supplémentaires. Les risques étant élevés, on demanderait de hausser les salaires des travailleurs.
    Dans une telle situation, qu'arriverait-il aux accords sur les droits du travail et sur les droits environnementaux? Que se passerait-il si le pays, après la signature de l'accord, décidait de hausser ses critères sur les droits du travail et sur les droits environnementaux?

  (1000)  

    Je vous remercie de votre question. Si vous le permettez, je vais vous répondre en anglais parce que je suis plus à l'aise dans cette langue.

[Traduction]

    Si l'on examine l'accord lui-même, l'investisseur en question a accès au chapitre 8 de l'accord. C'est juste ici, à la section B intitulée « Règlement des différends entre un investisseur et la Partie hôte ». Il faut dire que ce mécanisme de règlement de différend a du mordant et prévoit des solutions concrètes. Il rétablit l'investisseur dans ses droits et il remet franchement en question — et peut-être que mon amie de l'ACDE le dira — l'autonomie de l'État concernant les règlements de ce genre. Les investisseurs peuvent donc se prévaloir de procédures et de droits véritablement exécutoires.
    En ce qui concerne les droits des travailleurs, cet accord ne comprend tout simplement rien à cet égard. Il est possible de déposer des plaintes, mais ces dernières ne tardent pas à échapper aux plaignants, que ce soit le travailleur ou le syndicat, pour être remises aux mains de l'État, qui se charge de résoudre la question.
    Nous avons pu constater, en ce qui concerne l'Accord de coopération dans le domaine du travail de l'ALENA, que jusqu'à présent, les États eux-mêmes n'ont pas de volonté politique de résoudre ces plaintes. Et pour une raison quelconque, des États d'Amérique du Nord et des Amériques continuent de refuser d'accorder une certaine souveraineté nationale concernant les questions de protection des travailleurs, alors qu'ils donnent aux investisseurs des droits sans précédent pour faire valoir leurs droits.
    Je suis ici en bonne partie pour faire ressortir cette disparité. On ne peut dire que ces accords commerciaux protègent les droits des travailleurs si ces droits sont en fait traités de manière fondamentalement inégale par rapport aux autres droits que prévoit l'accord.
    Je parlerai anglais également, si cela vous convient.
    L'aspect qui me préoccupe touche également les deux parties. Je crains que les gouvernements fédéral et provinciaux constatent que leur capacité de réglementer librement, comme ils l'entendent, est amoindrie en ce qui concerne les risques pour les travailleurs, l'environnement et la santé et la sécurité. C'est également le cas pour les pays signataires de ces accords commerciaux bilatéraux. Ils pourraient également voir un investisseur canadien affirmer qu'ils n'ont pas le droit de réglementer en faveur de leurs travailleurs, pareille démarche nuisant à son intégrité économique.
    Quant à l'accord lui-même, il comprend, comme vous le dites, de belles paroles sur les normes supérieures de protection de l'environnement et sur l'amélioration de cette protection. Mais comme on l'a fait remarquer concernant les accords parallèles en matière de travail, rien n'est quantifié. Ainsi, un autre pays peut avoir un degré de protection des travailleurs ou de l'environnement très inférieur à celui du Canada, mais s'il prend des démarches pour améliorer la situation, nos entreprises privées qui y investissent — qu'il s'agisse du Pérou, de la Colombie ou d'autres pays — peuvent protester auprès des administrations infranationales locales ou des gouvernements nationaux. Et personne ne peut affirmer que pareille chose ne pourrait se produire. C'est exactement ce que font certains de nos investisseurs privés nationaux ici même, dans notre pays.
    Là où je veux en venir, c'est que ces gouvernements doivent pouvoir prendre des décisions en conciliant tout ce qu'ils font dans le cadre du processus de réglementation normal. Ils tiennent déjà compte du fait qu'il faut rendre le contexte plus sécuritaire et plus sain et s'intéressent aux facteurs sociaux et économiques. Une fois qu'ils agissent de la sorte, ils ne devraient pas voir leurs efforts minés par ce risque indirect d'expropriation.

  (1005)  

[Français]

    Vous avez parlé de la perte de souveraineté des États, de leurs régions ou de leurs provinces. Quand un gouvernement veut vraiment légiférer dans l'intérêt public... Vous avez mentionné Dow Chemical et son 2,4-D. En effet, le Québec a légiféré et interdit ce produit qui n'avait que des fins cosmétiques ou esthétiques. Je pense que c'est un élément important pour les pays avec qui le Canada signera des accords de libre-échange. Il faudra faire en sorte que les pays protègent leur souveraineté pour qu'ils puissent continuer à améliorer leurs lois afin de protéger l'intérêt public. J'imagine que vous êtes d'avis que tous les accords bilatéraux conclus à partir d'aujourd'hui devraient inclure les accords parallèles afin qu'on puisse vraiment promouvoir les droits du travail et de l'environnement, et qu'on ne se contente pas de faire des recommandations. On pourrait donc parler de l'aspect progressiste des nouveaux accords qu'on devrait signer avec les autres pays.
    « Progressiste » est un mot qui ne fait plus partie du nom du Parti conservateur. Je crois que le Parti libéral devrait sauter sur l'occasion et profiter de cette ouverture pour s'approprier le progressisme, dire non à ces accords et renvoyer le gouvernement refaire son travail afin qu'il s'assure d'inclure les accords parallèles dans l'accord principal. Il doit promouvoir les droits de la personne, du travail et de l'environnement. C'est mon éditorial du jour. S'il reste encore un peu de temps, les gens peuvent faire des commentaires.
     Il ne reste plus de temps, alors je vous remercie.

[Traduction]

    Monsieur Julian.
    Je remercie nos témoins, qui ont fait des exposés très percutants.
    J'aimerais commencer par vous, monsieur Rowlinson. En parlant de l'accord de libre-change entre les États-Unis et le Pérou, vous avez dit qu'il comprenait des dispositions plus exigeantes. Pourriez-vous prendre quelques instants pour nous dire quelles sont les dispositions que contient cet accord qui ne figurent pas dans celui négocié par le Canada et le Pérou? Et est-il vrai que le Canada a essentiellement conclu un moins bon accord?
     Je sais qu'il nous reste peu de temps. Laissez-moi...
    Oh, je dispose de sept minutes; il ne peut donc pas m'interrompre. Le président respecte l'horaire à la lettre.
    De toute évidence, ce sont d'importants accords commerciaux et de longs documents. Ils accordent des droits dans différents secteurs.
    Je pense que ce qui distingue le plus les deux accords, c'est le fait que les dispositions relatives au travail de l'accord Pérou-États-Unis sont soumises aux mêmes mécanismes de règlement des différends et à tous les mêmes critères que les dispositions commerciales. Voilà la principale différence entre les modèles canadien et américain.
    M. Cardin a parlé de l'accord parallèle et de son intégration à l'accord principal, et je considère que c'est une question très importante, mais ce n'est pas tout. Je sais que le gouvernement canadien a décidé que les droits des travailleurs et les droits environnementaux devaient figurer dans une entente parallèle pour des raisons de partage des pouvoirs en vertu de la Constitution canadienne. Je ne m'attarderai pas là-dessus, mais la question est de savoir si les mécanismes d'exécution, qu'ils soient dans une entente parallèle ou non, sont équivalents. La réalité, c'est qu'aux termes de l'accord de libre-échange Canada-Pérou, ils ne le sont pas, et qu'au titre de l'accord conclu entre les États-Unis et le Pérou, ils le sont largement.

  (1010)  

    Dans ce cas, diriez-vous que le gouvernement canadien a négocié un accord inférieur?
    Pour ce qui est des droits des travailleurs, à mon avis, le Canada a sans aucun doute signé un accord inférieur à celui conclu avec les États-Unis.
    En ce qui concerne l'accord de libre-échange États-Unis-Pérou, après avoir examiné l'accord initial, le Congrès a retardé sa conclusion jusqu'à ce que des améliorations y soient apportées.
    C'est exact, et encore une fois, on a fait participer les dirigeants syndicaux à cette discussion. Je pense qu'il convient de le souligner.
    C'est très important, parce que toutes les autres assemblées législatives, aux quatre coins du monde, offrent un excellent système de freins et de contrepoids relativement aux ententes négociées. Certaines personnes, au sein du Parlement, sont d'avis que les parlementaires canadiens n'ont pas le droit d'intervenir à ce chapitre. Si l'on s'en tient aux précédents, partout dans le monde, les parlementaires, les membres élus des parlements et assemblées législatives, examinent les accords, et s'ils jugent qu'ils sont inférieurs ou inadéquats, ils peuvent proposer des améliorations.
    En fait, toute l'histoire du libre-échange à l'échelle de l'hémisphère démontre que le Congrès américain a été beaucoup plus actif que le Parlement canadien dans ce dossier. Sachez que la seule raison pour laquelle nous avons des accords parallèles sur l'environnement et le travail, c'est parce que les démocrates, au début des années 1990, ont insisté pour qu'ils fassent partie de ce qui allait devenir l'ALENA.
    Merci.
    Je m'adresse maintenant à M. Cameron. Vous avez mentionné certaines choses très importantes que j'aimerais porter à l'attention du comité. Tout d'abord, vous avez dit que le Pérou avait refusé de s'acquitter de ses obligations aux termes des traités de l'OIP. Ensuite, vous avez parlé de l'affaire Manhattan Minerals, dans laquelle une population locale a tenu tête à une société minière et l'a empêchée de dévaster un secteur en particulier.
    Dans ces deux cas, je vous pose la question suivante: ce projet de loi permettra-t-il d'améliorer la situation? En vertu de cette mesure législative, la démocratie populaire pourra-t-elle continuer de jouer un rôle, y compris de refuser un projet dans sa municipalité, ou sera-t-il encore plus difficile pour les citoyens de mettre un terme à ce genre de développements? En fait, cet accord prévoit-il des mesures permettant au Canada d'intervenir avec force dans l'éventualité où le Pérou ferait fi de ses obligations selon les normes de l'Organisation internationale du travail?
    Je pense qu'il est important de souligner que le Pérou a adopté toute une série de règles favorisant la participation, que ce soit des référendums, des rappels, des initiatives de la part de citoyens ou autre, sauf que la plupart des consultations ne sont pas obligatoires, ce qui fait en sorte que les gouvernements ne sont pas tenus de se conformer à ces initiatives. En revanche, ces accords sont obligatoires et prévoient des dispositions significatives à l'appui des droits des investisseurs.
    L'important — et je pense que cette question a été soulevée précédemment —, ce ne sont pas tant les dispositions que la façon dont elles sont appliquées. Dans le cas du gouvernement Garcia, on constate qu'il se sert du processus législatif pour apporter des changements qui limitent la capacité des gens à participer à ce genre de décisions d'une manière qui n'est probablement pas prévue par l'accord lui-même.
    Par conséquent, nous minons la démocratie au Pérou.
    Absolument.
    C'est un effet pervers de cette entente. Si le Parlement adopte ce projet de loi, nous allons en fait compromettre la capacité des citoyens péruviens à contrôler leur qualité de vie et leur environnement.

  (1015)  

    C'est fort probable.
    Merci.
    J'aimerais maintenant adresser quelques questions à Mme McClenaghan.
    Vous avez parlé avec éloquence des différends entre investisseurs et États. Tout de suite après la signature de l'ALENA, les États-Unis se sont libérés de ces contraintes que sont les dispositions relatives au règlement de différends opposant un investisseur et un État. D'autres pays n'appliquent pas ces dispositions, ce qui fait en sorte qu'un PDG pourrait faire ce qu'il veut concernant une expropriation directe ou indirecte. Pourquoi pensez-vous que le Canada est le seul pays dans le monde à adhérer à ces dispositions strictes de l'ALENA dans tous ses accords bilatéraux?
    C'est une question intéressante. L'ACDE, mon organisation, se penche actuellement sur des accords bilatéraux, pas seulement du Canada, mais de plusieurs autres pays, afin de relever les différences qui existent en ce qui a trait au droit de chacun de prendre ses propres règlements en matière d'environnement, à l'abri des confrontations entre investisseurs et États. Comme nous n'avons pas encore terminé notre analyse, je préférerais ne pas m'avancer en disant que c'est le cas du Canada et non des autres.
    Quand les résultats de cette analyse seront-ils disponibles?
    Probablement au cours de l'été. J'ignore quel est le délai fixé au comité, mais sachez qu'il s'agit d'une analyse complexe qui se penche sur de nombreux accords bilatéraux.
    N'empêche que la raison pour laquelle nous avons procédé à une analyse, c'est parce qu'il y a un fardeau évident qui pèse sur les gouvernements fédéral et provinciaux au Canada, qui doivent se soucier de ces confrontations. Même si on fait de beaux discours et qu'on veut adopter une réglementation de grande qualité, améliorer la réglementation environnementale et se conformer aux traités environnementaux, comme je l'ai dit, le problème, c'est que les contestations varient en fonction de chaque cas. Même si nous ne pensons pas que les investisseurs obtiendront gain de cause, comme dans le cas de l'affaire Methanex, les conseils d'arbitrage ne sont pas tenus de se fonder sur les décisions antérieures. C'est l'autre problème. Chaque fois que le Canada décide de protéger l'environnement, cela donne lieu à des contestations de la part des investisseurs. C'est donc problématique.
    D'accord. Nous espérons que vous mettrez rapidement cette étude à la disposition du comité.
    Tout à fait.
    Vous avez réussi; vous aviez neuf minutes.
    Monsieur Holder.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens également à remercier nos invités d'avoir accepté de comparaître ce matin.
    J'ai eu la possibilité de me rendre au Pérou en mars dernier pour représenter le groupe du FIPA, qui est l'organisation parlementaire associée aux démocraties parlementaires à l'échelle de l'hémisphère. Lors de chaque rencontre avec des membres du Congrès et des représentants d'entreprises, de la Chambre de commerce et de groupes syndicaux, nous avons parlé de l'accord de libre-échange. Comme vous le savez, même si nous avons abordé des aspects très précis, nous avons tenu beaucoup de discussions sur les questions relatives au travail — que j'ai beaucoup apprécié — et à l'expropriation.
    Monsieur Cameron, j'aimerais revenir sur certains de vos propos. Tout d'abord, ce n'est pas mon but de m'élever contre les remarques d'autres députés — et je ne veux pas le faire —, mais je suis un peu troublé lorsque j'entends que cet accord de libre-échange va miner la démocratie péruvienne. Certains collègues ici n'auraient jamais appuyé aucun accord de libre-échange, de quelque nature que ce soit, mais je ne m'acharnerai pas sur leur cas.
    Sachez que ce que le Canada essaie de faire nous sera essentiellement très profitable, puisque les États-Unis ont conclu un accord de libre-échange avec le Pérou le 1er février. Même si nos invités ont soulevé ce matin certains problèmes, cet accord, bien qu'il ne pourra jamais être parfait, renferme de nombreux aspects très importants à la fois pour le Canada et le Pérou. J'irais même jusqu'à dire que le Pérou est celui qui en bénéficiera probablement le plus. Si vous aviez été là, vous auriez su que sa croissance économique s'est accrue de quelque 9 p. 100 chaque année au cours des dernières années. Je pense que c'est très positif.
    Monsieur Cameron, j'aimerais vous poser une question à propos des deux mondes du Pérou, car j'ai trouvé cela très pertinent. Dans la mesure où nous contribuons à relancer l'économie du pays, ma mère, originaire du Cap Breton, avait une expression: « Une marée haute fait monter tous les bateaux ». Dans un sens, on se retrouve avec une croissance bien plus large.
    Je trouve que M. Brison a fait une observation intéressante plus tôt. Selon lui, où il y a des possibilités d'investissement — et je ne voudrais pas lui faire dire des choses qu'il n'a pas dites —, il y a de l'emploi et de l'espoir pour les gens. Je considère que cela fait partie de notre engagement et de notre obligation envers eux.
    J'aimerais poser une brève question à M. Rowlinson. L'accord de coopération dans le domaine du travail entre le Canada et la République du Pérou contient plusieurs dispositions relatives à la protection des droits des travailleurs, du droit à la liberté d'association au droit à la négociation collective, à l'abolition du travail des enfants, à l'élimination du travail forcé ou obligatoire, à l'élimination de la discrimination, au respect des normes du travail et à un mécanisme de traitement des plaintes.
    Êtes-vous préoccupé par le fait que l'accord de coopération dans le domaine du travail ne fasse pas partie de l'accord de libre-échange, mais plutôt d'une entente parallèle? J'aimerais connaître votre avis à ce sujet.

  (1020)  

    Mes préoccupations se résument comme ceci. Tout d'abord, je pense que les droits des travailleurs devraient être assujettis au même mécanisme d'exécution que les droits des investisseurs. Encore une fois, que cela figure dans une entente parallèle ou non, dans une certaine mesure, cela n'a pas d'importance. Chose certaine, si les dispositions relatives aux droits des travailleurs font partie de l'accord principal, comme c'est le cas de l'accord États-Unis-Pérou, tous les droits subiront forcément le même traitement, du moins, en théorie.
    Ce qui me préoccupe, c'est le fait que ce mécanisme d'exécution est, dans ses grandes lignes, semblable à celui prévu dans l'accord parallèle de l'ALENA sur la main-d'oeuvre. D'après notre expérience, celui-ci n'est pas efficace. C'est simple. Il ne protège pas les droits des travailleurs.
    Par conséquent, même si on a apporté des améliorations à ces dispositions relatives au travail, et vous en avez d'ailleurs citées quelques-unes vous-même, le fait qu'on ait intégré ce qu'on appelle communément les normes fondamentales du travail de l'OIT aux dispositions de l'accord n'est pas nécessairement une amélioration. Les droits ne servent à rien s'ils ne sont pas respectés. On a beau avoir toutes ces déclarations et les droits substantiels qui en découlent, si on ne les applique pas, on ne fait rien pour améliorer la condition des travailleurs.
    Merci.
    Monsieur Cameron, compte tenu du temps qu'il me reste, je vais conclure brièvement en vous posant cette dernière question.
    Vous avez formulé plusieurs observations qui m'ont étonné, particulièrement lorsque vous avez dit que les administrations locales et régionales avaient très peu de capacité comparativement au gouvernement central. J'en ai d'ailleurs été un peu témoin lorsque j'étais là-bas. Bien que ce soit sur le plan du développement, j'espère qu'avec le temps, tout comme cette petite communauté qui a obtenu gain de cause contre une compagnie minière... Je considère que c'est positif.
    Mais j'ai une question pour vous. Vous avez dit que rien ne laissait envisager que ces négociations nous feraient progresser vers la conclusion d'un seul accord couvrant l'hémisphère. Je pensais que nous négociions un accord de libre-échange bilatéral. Pourriez-vous envisager un seul accord de libre-échange à l'échelle de l'hémisphère, de la même façon que l'Union européenne et ses 29 pays membres? Qu'en pensez-vous?
    Je termine sur cette question.
    En fait, je pense que c'est un excellent modèle sur lequel nous devrions nous pencher, parce que l'approche adoptée dans l'accord de libre-échange laisse entendre que nous offrons accès à nos marchés et à nos investissements. Les pays feront la queue et essaierons de créer les conditions idéales qui les rendront attirants aux yeux de nos investisseurs. Les pays s'engageront dans un processus de libéralisation concurrentiel en vue d'attirer nos investisseurs et de négocier des ententes avec nous. Au bout du compte, cela était censé donner lieu à un accord de libre-échange des Amériques.
    Il y a plusieurs explications à cette situation. Premièrement, le système de libéralisation des marchés n'a pas été suffisamment robuste. Les gens n'ont pas pu voir les avantages attribuables au libre-échange et à la libéralisation des marchés au point de vouloir appuyer ces ententes et d'en conclure une à l'échelle de l'hémisphère.
    Par exemple, nous négocions dans un cadre bilatéral parce que nous ne pouvons pas négocier avec la région des Andes, en tant que région, parce que les pays andins sont maintenant divisés. Vous avez Chavez d'un côté, qui s'est retiré de la Communauté andine des nations; et de l'autre, des pays ayant des points de vue différents, entre le Pérou et l'Équateur, et ainsi de suite. Visiblement, toute la tentative visant à intégrer l'hémisphère dans un même accord de libre-échange semble être tombée à l'eau, et la ZLEA peut en témoigner.
    Très brièvement, je tiens à dire que le Pérou a fait d'énormes progrès sur le plan de la démocratie. Le Canada, dans le cadre de l'OEA, a joué un rôle important en envoyant au Pérou une mission de haut niveau pour appuyer la transition pacifique vers la démocratie en 2000 et 2001. Depuis ce temps, des élections libres et justes se sont tenues, et cela devrait être célébré et encouragé. L'intervention du gouvernement canadien au plan de la démocratie est une bonne chose.
    Au niveau électoral, la démocratie est plutôt solide, même s'il faut reconnaître qu'il y a un million de gens qui n'ont pas de cartes d'identité et qui, par conséquent, ne peuvent voter, puis un quart de million qui n'ont pas de certificats de naissance. Les gens doivent parfois marcher pendant des jours pour se rendre aux bureaux de scrutin. Toutefois, je pense que le véritable problème, c'est l'insuffisance des mécanismes électoraux démocratiques, compte tenu du niveau d'exclusion sociale et du degré de marginalisation dans certaines communautés. D'où la nécessité d'avoir plus d'instruments participatifs, puisqu'il existe une profonde tension entre les initiatives de participation et les instruments tels que l'accord de libre-échange.

  (1025)  

    Merci.
    Je pense que M. Cannan a une brève question.
    Je suis désolé, mais nous n'avons plus de temps.
    Très bien, monsieur. Merci.
    Merci beaucoup à nos témoins d'avoir comparu aujourd'hui. Vous vous êtes bien acquittés de votre tâche. Les échanges ont été instructifs.
    Comme nous devons passer au point suivant de l'ordre du jour, l'étude article par article du projet de loi, je vous demanderai donc de bien vouloir céder la place aux fonctionnaires qui comparaîtront. Encore une fois, je vous remercie de votre participation.
    Nous ferons une pause de quelques minutes pour que les nouveaux témoins puissent prendre place.

    


    

  (1030)  

     Pour répondre à nos questions précises sur le projet de loi au cours de son étude article par article, nous accueillons Carol Nelder-Corvari, qui travaille au ministère des Finances et a déjà comparu devant le comité, et Dean Beyea, chef principal à la Division de la politique commerciale internationale au même ministère, ainsi que Matthew Kronby et Vernon MacKay du ministère dès Affaires étrangères et du Commerce international.
    Merci de comparaître aujourd'hui.
    Nous entamons sans plus tarder l'étude article par article. Je pense que nous souhaitons tous l'avoir terminée à 11 heures au plus tard, pour traiter les autres points figurant à l'ordre du jour. Le projet de loi ne comporte, à mon avis, aucun aspect particulier pouvant susciter des objections. Nous sommes saisis de quelques amendements que nous examinerons en temps opportun.
    Nous nous lançons sans plus de préambule. Nous réservons le titre abrégé pour l'instant et passons à l'article 2. Si vous voulez bien ouvrir le projet de loi, nous commençons par l'article 2, Définitions et interprétation.
    (Article 2 — Définitions et interprétation)
    Le président: Y a-t-il des observations?
    Monsieur Julien.
    Monsieur le président, je ne veux pas intervenir sur cet article ni sur la plupart des autres, mais sur notre façon de procéder. Je pense qu'on pourrait mettre les questions aux voix rapidement.
    Très bien. Voulez-vous que chaque article soit mis aux voix? Je vois. C'est parfait.
    [Note de la rédaction: inaudible]... pour mener le tout à bien. Pouvez-vous me rafraîchir la mémoire?
    Voulez-vous qu'on vote chaque fois par appel nominal, à main levée ou avec dissidence?
    Je ne fais que formuler une proposition, monsieur le président.
    Ce qui m'intéresse, ce n'est pas tellement l'étude du présent projet de loi comme celle des prochains projets de loi susceptibles de nous être soumis. Je veux simplement m'assurer que... Je n'interviendrai certes que sur les amendements, mais j'ignore ce que feront les collègues.
    Cependant, je pense que nous pouvons mettre aux voix les articles assez rapidement. Je pense qu'un tel précédent est important pour l'étude des projets de loi à venir.

  (1035)  

    Merci. Je pense qu'il existe d'autres précédents sur le regroupement des articles.
    On connaît assez bien le projet de loi. Y a-t-il des objections à ce qu'on regroupe certains articles? Je voudrais obtenir le consentement unanime du comité pour procéder ainsi. À titre d'exemple, nous pourrions regrouper les articles 2 à 7, les étudier et les mettre aux voix. Par la suite, nous aborderions l'article 8 qui suscitera peut-être un débat. Nous continuerions avec l'article 9, si les membres du comité sont d'accord.
    Y a-t-il des observations? En avez-vous, monsieur Cardin?

[Français]

    Oui. Tenez pour acquis que ce sera toujours avec dissidence en ce qui me concerne. Lorsqu'on arrivera au projet de loi, ce sera non, bien sûr, et je demanderai la tenue d'un vote par appel nominal à ce moment-là. Donc, si vous voulez procéder rapidement, il n'y a pas de problème.

[Traduction]

    Très bien. Je vous remercie.
    Pouvons-nous regrouper les articles 2 à 7? Ces articles sont-ils adoptés?
    Monsieur Julian.
    Je voudrais qu'on passe au vote.
    D'accord.
    (Les articles 2 à 7 inclusivement sont adoptés.)
    (Article 8 — Droits et obligations fondés sur la partie 1)
    L'article 8 a fait l'objet d'un amendement. Je demanderai à M. Julian de proposer l'amendement.
    Merci, monsieur le président.
    Des témoins nous ont fait part de leurs préoccupations à propos du projet de loi. L'amendement du NPD à l'article 8 vise simplement à établir que le consentement sera écrit et à annuler certaines autres dispositions du projet de loi.
     C'est un amendement relativement simple qui instaurera, à mon avis, un système de contrôle dans la foulée des préoccupations formulées sur le projet de loi. Cet amendement et l'autre que le NPD propose visent à améliorer le projet de loi de manière à offrir un meilleur système de contrôle et à permettre un suivi plus efficace pour le projet de loi et ses dispositions.
    M. Julian propose donc que l'article 8 soit modifié par substitution, à la ligne 28, page 3, de ce qui suit:
tement écrit et motivé du procureur général du Canada.
    Cet amendement s'intégrerait à l'article déjà en vigueur. Quelqu'un d'autre veut-il intervenir sur ce point?
    Monsieur Brison, vous avez un commentaire?
    Les fonctionnaires nous ont-ils fait part de leur opinion? J'aimerais bien entendre leur avis à propos des conséquences de cet amendement sur l'accord.
    Si j'ai bien compris, la ligne 28 se trouve au paragraphe 8(1). L'amendement n'entraînerait aucune modification importante de l'accord. Son objectif n'est pas très précis, si ce n'est que le procureur général du Canada aurait une obligation supplémentaire s'il devait donner son consentement écrit et motivé à ce qui est précisé au paragraphe (1). Telle serait la conséquence.

  (1040)  

    N'y aurait-il pas des répercussions sur l'audition?
    Voulez-vous aborder une question à la fois? Est-ce bien ce que vous voulez?
    C'est la même question pour tous.
    Je cède cependant la parole à M. Cannis.
    Si j'ai bien compris cependant, il y a une obligation de...
    Le procureur général du Canada doit donner son consentement à ce qui est décrit au paragraphe (1). Cette obligation figure déjà dans le présent projet de loi et dans la loi sur l'accord de libre-échange, mais le procureur général n'y est pas tenu de motiver son consentement.
    Cela ne risque-t-il pas de donner un caractère politique au consentement? Il incomberait désormais au procureur général, un politique, de prendre une telle décision et de devoir en rendre compte. Je ne prétends pas que ce n'est pas valable. Cependant, on risque de donner ainsi un caractère politique à ce genre de décision.
    Vraiment, je ne le sais pas. Je ne saurais vous dire si cela risque de donner un caractère politique. Le procureur général pourrait très bien vouloir, de toute façon, motiver son consentement. Je ne saurais le dire. Cela vaut généralement pour le paragraphe équivalent dans l'accord de libre-échange en vigueur. Il est donc vraiment difficile de déterminer les effets concrets de cet amendement.
    Tout ce que je peux dire, c'est qu'il s'agit d'un amendement de procédure qui n'a aucun effet sur le fond de l'accord de libre-échange visé.
    Je voudrais simplement demander à M. Julian...
    Ne pourrait-on pas s'en tenir à la liste des intervenants?
    C'est au tour de M. Cannis, puis de M. Julian.
    Monsieur Kronby, la seule différence, si j'ai bien saisi, c'est que le consentement doit être donné par écrit. C'est ce que j'ai compris. Le cas échéant, le procureur général, je pense, s'engage officiellement. Si j'ai bien saisi, et je crois que c'est le cas, c'est que le consentement est écrit. C'est ce que j'en déduis. C'est ce que j'ai entendu.
    N'est-ce pas?
    Vous pourriez peut-être adresser votre question à M. Julian.
    D'après ce que j'ai lu, le procureur général s'engagerait officiellement en motivant par écrit son consentement. C'est tout ce que j'en déduis.
    Monsieur Julian, pourriez-vous nous éclairer sur l'amendement?
    Merci, monsieur le président.
    L'amendement démocratise la disposition du projet de loi et renforce l'obligation de rendre des comptes dans la loi portant mise en oeuvre. Ce n'est pas un amendement de fond. Je suis tout à fait d'accord avec M. Kronby sur ce point.
    Je pense que c'est clair.
    Monsieur Cardin, souhaitez-vous apporter un autre commentaire avant que nous passions au vote?

[Français]

    Je pourrais demander à M. Kronby si c'est un article qu'on voit dans d'autres accords de libre-échange. Si oui, le procureur a-t-il déjà donné le droit à une poursuite? Si oui, de quelle façon cela s'est-il fait, dans la pratique? Je voudrais savoir si ce serait un précédent ou non.

[Traduction]

    Je n'ai pas très bien saisi la question. Pourriez-vous, je vous prie, la répéter?

[Français]

    Dans d'autres accords de libre-échange, existe-il un article semblable? Si oui, le procureur général a-t-il déjà donné le droit de poursuite, et de quelle façon cela s'est-il fait?

  (1045)  

[Traduction]

    J'ignore si un procureur général a déjà donné un tel consentement. Un article de l'accord de libre-échange interdit à une partie d’engager une action contre l’autre partie au motif qu’une mesure de l’autre partie est incompatible avec l'accord. Je crois qu'il s'agit de l'article 2117. Une disposition analogue se trouve dans tous nos accords de libre-échange.
    Un Canadien pourrait exercer le droit de poursuite devant un tribunal canadien relativement aux droits et obligations fondés uniquement sur la partie 1. Si vous examinez cette partie 1, vous constaterez qu'il n'y a guère de motifs justifiant le droit de poursuite. À ma connaissance, il n'y a aucun précédent. C'est pourquoi j'hésite à décrire quelles seraient les conséquences.

[Français]

    Donc, ce serait aussi bien que ce soit écrit « motivé ».

[Traduction]

    Je pense que la question a été suffisamment débattue.
    (L'amendement est adopté.)
    Merci. Je remercie également nos témoins. Leurs avis ont été utiles.
    L'article 8 fera l'objet d'un vote par appel nominal.
    (L'article 8 modifié est adopté.)
    Ayant déjà lu le projet de loi, je voudrais proposer au comité que les articles 9 à 56 soient regroupés, comme cela a été suggéré. Aucun autre amendement n'a été présenté. Le reste est le libellé sur lequel nous nous sommes penchés. Il ne resterait plus que l'article 56.1.
    Je propose que les articles 9 à 56 soient regroupés.
    Voilà! M. Julian propose que les articles 9 à 56 soient regroupés. Pour ce faire, il faut obtenir le consentement unanime.
    Ce consentement unanime est-il obtenu? Je crois que oui. Très bien, nous mettrons alors la question aux voix.
    (Les articles 9 à 56 inclusivement sont adoptés.)
    Nous passons à l'article 56.1 du projet de loi. Il s'agit de l'amendement NDP-2.
    Ne venons-nous pas d'adopter l'article 56?
    Oui, mais il s'agit d'une nouvelle disposition, l'article 56.1.
    Je ne suis pas avocat...
     Très bien.
    Et je ne le serai jamais.
    C'est clair.
    Monsieur Julian, voulez-vous proposer votre amendement?
    Merci, monsieur le président. Je pense que M. Holder a raison. C'est dans l'ordre inverse sur notre liste pour l'étude article par article. Il a donc soulevé un très bon point.
    Toujours dans un souci d'améliorer la reddition des comptes, nous proposons l'article 56.1 en vertu duquel le ministre du Commerce international présenterait, dans les cinq ans de l'adoption de la présente loi, un rapport sur celle-ci et sur les conséquences de son application —  autrement dit, sur le projet de loi. Dans le rapport, il ferait état des modifications qu'il juge souhaitables.
    Je pense que nous avons entendu des témoignages convaincants sur les problèmes des dispositions relatives à l'accord sur l'environnement et à l'accord dans le domaine du travail. On se demandait quelle en serait l'efficacité de ces dispositions. Il serait sage de s'assurer que le projet de loi comporte un mécanisme de présentation de rapport pour comparer l'objectif visé par la mesure législative et l'état de la situation après cinq ans. Dans un souci de reddition des comptes, je propose cet amendement qui ajouterait l'article 56.I.

  (1050)  

    Premièrement, les fonctionnaires veulent-ils expliquer l'effet de cet amendement sur le projet de loi?
    Je ferai simplement valoir que le comité a naturellement le droit de demander de telles études et de choisir le délai. Le comité peut estimer que tel délai est opportun en ce qui concerne les effets sur les relations commerciales.
    En ce qui a trait à l'amendement, le projet de loi est naturellement le résultat de négociations bilatérales. Nous avons un amendement proposé unilatéralement sur le mécanisme de rapport. Je ne crois donc pas qu'il serait valable, car tout amendement doit faire l'objet d'une entente bilatérale. Dans le libellé, il est question d'un « rapport sur la présente loi et les conséquences de son application, dans lequel il fait état des recommandations qu'il juge souhaitables. » Je fais simplement valoir que la loi est le résultat de négociations bilatérales. Pour la modifier, il faudrait, à moins d'erreurs, que les deux parties s'entendent.
    Monsieur Cannis.
    C'est la question que je voulais poser.
    Cependant, monsieur le président, le processus parlementaire n'arrête jamais pour la présentation des rapports. Il est permanent. À ce que je sache, les rapports peuvent être déposés à longueur d'année. Nous pouvons demander en tout temps des examens et des modifications éventuelles, en fonction des circonstances.
    Je ne suis pas certain que ce qui est demandé dans le nouvel article 56.1 soit valable. Je suis un peu inquiet, si je peux m'exprimer ainsi. Je voudrais demander aux témoins de me calmer, de me rassurer ou de m'orienter comme vous l'avez fait il y a une minute, Carol. Je ne suis tout simplement pas à l'aise avec cet amendement.
    Je voudrais vous faire valoir que la prévisibilité de l'accès au marché constitue l'un des principaux avantages d'un accord de libre-échange. L'amendement pourrait laisser supposer à notre partenaire commercial que l'accord sera évalué et pourra éventuellement être modifié constamment, ce qui pourra créer de l'incertitude chez les exportateurs canadiens et péruviens.
    Merci.
    Monsieur Julian, souhaitez-vous conclure?
    Je laisserai M. Brison intervenir avant moi.
    Il est important que le comité actuel puisse demander une étude en tout temps, mais les membres ultérieurs du comité pourront ne pas être de cet avis. À titre de membre du présent comité, je voudrais imposer cette obligation de présenter un rapport au Parlement aux députés qui formeront le comité dans cinq ans. Ce n'est pas un changement de fond à l'accord, qui exige des négociations bilatérales préalables. Ce n'est qu'un rapport qui est présenté au Parlement sur les effets de l'application de la loi.
    J'estime que cet amendement est valable.
    Je céderai la parole à M. Julian puis à M. Cardin.
    Je suis d'accord avec M. Brison. Au cours des six derniers mois, 50 p. 100 de l'effectif de notre comité a changé. Je serai donc peut-être encore membre du comité dans cinq ans, et certains d'entre vous n'en feront peut-être plus partie. La réalité, c'est que la composition du comité change. L'intention du comité est une chose, mais intégrer cette intention à une mesure législative est une tout autre chose.
    Le gouvernement se dit préoccupé des normes du travail et des normes environnementales au Pérou. Selon lui, c'est la raison pour laquelle il a établi ces accords parallèles, pour s'assurer que le tout découle d'une politique publique et que le gouvernement est responsable de ce qui figure dans l'accord.

  (1055)  

    Merci.
    Le temps va nous manquer, mais je vais céder la parole à M. Cardin pour une dernière observation ou une dernière question.

[Français]

    Chaque fois qu'un accord de libre-échange nous est présenté, on demande une étude d'impact et on nous dit que c'est impossible, qu'on n'a pas de boule de cristal. On sait que nos commerçants, nos exportateurs, vendront plus et feront probablement plus d'argent, mais on ne connaît jamais vraiment les impacts. Cette fois, ce n'est plus une boule de cristal. On demande tout simplement à savoir au moins, après cinq ans, quels sont les faits. On peut savoir quels ont été les impacts sur différentes industries. Je pense que c'est important de faire le point. Si on n'a pas quelque chose qui nous dit de le faire, j'ai l'impression que les gens ne le feront pas réellement. Il y a aura seulement des gens qui vont se plaindre ici et là, et l'étude ne sera pas faite. Or, je crois que c'est très pertinent. On ne dit pas qu'on apportera des modifications, on dit qu'on identifie des modifications possibles qui seraient souhaitables, à toutes fins pratiques, mais on sait très bien que dans tout accord de libre-échange, il est possible de négocier des modifications avec les parties. Mais pour nous, la gestion interne du gouvernement, on aura un rapport et on jugera quelles modifications il serait souhaitable de présenter, et ensuite, on irait négocier avec l'autre pays. Je pense qu'il n'y a aucun problème.

[Traduction]

    Merci, monsieur Cardin.
    (L'amendement est rejeté. [Voir le Procès-verbal])
    (L'article 57 est adopté.)
    Le titre abrégé est-il adopté?
    Je propose que le titre abrégé et les annexes 1 à 7 soient regroupés.
     Je vous en remercie. Nous aurions dû commencer par les annexes. À cause du manque de temps et de M. Julian, je serai d'accord.
    Ai-je le consentement unanime du comité pour que le titre abrégé et les annexes soient regroupés?
    Des voix: D'accord.
    Merci.
    (L'article 1 et les annexes 1 à 7 inclusivement sont adoptés.)
    Le titre est-il adopté?
    Des voix: D'accord.
    Le président: Le projet de loi modifié est-il adopté?
    Des voix: D'accord.
    Le président: Puis-je faire rapport du projet de loi modifié à la Chambre?
    Des voix: D'accord.
    Le président: Le projet de loi modifié doit-il être réimprimé?
    Des voix: D'accord.

  (1100)  

    Mesdames et messieurs, je vous remercie. Le projet de loi est adopté. Nous en ferons rapport à la Chambre. Je remercie encore une fois les fonctionnaires qui nous ont été très utiles dans notre étude.
    Nous vous sommes très reconnaissants de l'aide que vous nous avez apportée. Merci.
    Nous n'aurons pas le temps d'aborder autre chose. Nous nous réunirons donc jeudi.
    La séance est levée.
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