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CHPC Rapport du Comité

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1.1 Le mandat du Comité

Le 13 décembre 2011, le Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes adoptait la motion suivante :

Que le Comité entreprenne une étude de la réussite sans cesse croissante de l’industrie canadienne du logiciel de divertissement, en mettant l’accent sur la création d’emplois de haut niveau au Canada, et examine quelles mesures pourrait prendre le gouvernement pour favoriser davantage la croissance, l’innovation et le succès commercial de cette industrie cruciale du XXIe siècle, et qu’il invite des intervenants concernés à témoigner à cet égard[1].

Le Comité a tenu 6 réunions à l’étude de ce secteur d’activité, du 25 octobre au 11 décembre 2012. Il a en outre entendu 38 groupes et personnes et reçu un mémoire. Le Comité a entendu le témoignage des leaders d’entreprises et du monde des affaires, des représentants d’organismes gouvernementaux et d’établissements d’enseignement, ainsi que des professionnels des technologies de l’information et des télécommunications (TIC).

Le Comité a constaté que le secteur canadien des jeux vidéo avait connu une formidable croissance depuis ses débuts au Canada. Il est passé d’un secteur prometteur au courant des années 1990 à une industrie reconnue à travers le monde pour la qualité de ses produits. Or, malgré cette croissance phénoménale, des améliorations sont encore possibles afin de consolider les acquis. En outre, le Comité a constaté que les succès de l’industrie des jeux vidéo étaient encore mal connus des Canadiens et des Canadiennes.

Ce rapport présente le point de vue du Comité sur l’avenir de ce secteur d’activités. Nous avons identifié des pistes de réflexion et émis des recommandations sur des manières possibles d’appuyer cette industrie.

1.2 Le rapport du Comité

Le chapitre 2 présente des données générales sur la croissance globale du secteur des jeux vidéo au Canada. Dans le chapitre 3, nous faisons état des différents témoignages qui renforcent l’argument voulant qu’il s’agisse d’une industrie culturelle en bonne et due forme. Le chapitre 4 porte sur les enjeux relatifs à la main-d’œuvre. Il sera question dans cette section du rôle des établissements d’enseignement et de la collaboration avec l’industrie.

Le chapitre 5 traite de l’aide gouvernementale et de l’influence des politiques. On apprend que les crédits d’impôt offerts par le gouvernement fédéral et les provinces ont été un facteur important dans la réussite du secteur des jeux vidéo. Le chapitre 7 renferme les recommandations finales du Comité.

2.1 L’industrie canadienne des jeux vidéo

Le secteur du logiciel de divertissement, que nous appelons le secteur des jeux vidéo dans ce rapport, fait partie des TIC ou des médias numériques interactifs (MNI). Ils permettent aux utilisateurs d’interagir avec d’autres utilisateurs à des fins de divertissement, d’information et d’éducation. L’Association canadienne du logiciel de divertissement (ALD) propose la définition suivante dans un rapport qui dressait un profil de cette industrie :

[Le] logiciel de divertissement fait référence aux jeux logiciels interactifs qui se jouent sur diverses plates-formes électroniques dotées de dispositifs d’affichage (habituellement des écrans) et de reproduction du son, et d’interfaces d’entrée comme des claviers, des manettes de jeu et des souris. Ces jeux combinent des récits, des représentations visuelles sophistiquées, de la musique et du son, une intelligence artificielle et, souvent, une interaction avec d’autres joueurs pour produire des divertissements uniques[2].

Jouer à des jeux vidéo constitue un loisir pratiqué par un nombre croissant de Canadiens et Canadiennes. La dernière enquête de Statistique Canada sur l’emploi du temps de la population du pays réalisée en 2010 indique que la proportion des personnes qui ont joué à des jeux vidéo au cours d’une même journée de référence a doublé, « passant de 3 % en 1998 à 6 % en 2010[3] » et que « le temps dédié aux jeux vidéo s’est accru passant de 1 heure 48 minutes en 1998 à 2 heures 20 minutes en 2010[4] ».

Le profil des joueurs canadiens est également varié selon les données compilées par l’ALD en 2012. S’il est vrai que 90 % des enfants et des adolescents canadiens jouent à des jeux vidéo, on remarque que l’âge moyen du joueur canadien était de 31 ans[5]. Par ailleurs, les amateurs de jeux vidéo âgés de 55 ans et plus représentent une clientèle que les compagnies de jeux doivent prendre en compte.

Par ailleurs, il existe de nombreuses plateformes sur lesquelles il est possible de s’adonner à cette activité. À la console de jeu traditionnel, se sont ajoutés les ordinateurs personnels, les appareils de poche et les téléphones mobiles. Lors de nos consultations, des témoins ont même prédit que les jeux « dans les nuages[6] » deviendront la manière courante de jouer à des jeux vidéo dans les années à venir.

Avec les années, le Canada est devenu un chef de file mondial de l’industrie des jeux vidéo. À l’heure actuelle, des jeux vidéo développés au Canada sont parmi les plus vendus et les plus appréciés dans le monde entier. Le pays possède des atouts qui expliquent son rôle de leader dans le domaine : une main-d’œuvre qualifiée, des programmes d’enseignements adaptés aux besoins de l’industrie, un taux réduit d’impôt des sociétés, des crédits d’impôt et des programmes fédéraux qui appuient la recherche et le développement et des gouvernements qui ont reconnu très tôt le potentiel de cette industrie.

En 2011, la firme SECOR Consulting a préparé pour le compte de l’Association canadienne du logiciel du divertissement (ALD) une étude sur la place qu’occupe l’industrie canadienne du logiciel de divertissement dans le paysage économique canadien. Les auteurs de l’étude ont constaté que l’industrie des jeux vidéo était un secteur des TIC en plein essor au Canada.

L’étude a permis de dresser un bon portrait de l’industrie du logiciel de divertissement au Canada. La firme estimait qu’en 2007, le secteur du jeu vidéo avait injecté « 1,7 milliard de dollars dans l’économie canadienne[7] », en retombées économiques tant directes qu’indirectes. Il regroupait près de 350 entreprises au pays, qui employaient directement près de 16 000 personnes. L’étude révélait également que le Canada se classait « au 3e rang mondial quant au nombre d’employés[8] ».

Lors de sa comparution devant le Comité, le 30 octobre 2012, le président et chef de la direction de l’ALD, Jayson Hilchie, a déclaré qu’il s’attendait à ce que le secteur des jeux vidéo maintienne cette croissance à l’échelle mondiale :

Nous avons la conviction que ces emplois sont les emplois de l'avenir, à cause de la popularité croissante du divertissement interactif dans le monde entier. Le secteur des jeux vidéo est le secteur de loisir qui connaît la plus forte expansion au niveau mondial. On estime actuellement que le marché mondial est de l'ordre de 67 milliards de dollars US, ce qui est plus que les recettes des salles de cinéma. Avec un taux de croissance annuel de 7,2 p. 100, cette industrie vaudra 83 milliards de dollars en 2016[9].

Ian Kelso, directeur général de l’Alliance interactive canadienne, a fait une analogie intéressante avec l’expansion d’Hollywood en tant que plaque tournante du cinéma au début du 20e siècle.

Si l'on veut profiter d'occasions, il faut aller à Hollywood, capitale mondiale de la création cinématographique. C'est un peu ce qui est en train de se passer en ce moment au Canada, plus particulièrement à Montréal et à Vancouver, et même depuis peu de temps, à Toronto. Un peu partout dans le monde, les gens de l'industrie vous le diront — le Canada est la destination la plus courue par les personnes qui veulent travailler dans la production de jeux vidéo[10].

Toutefois, comme l’affirmait Luc Duchaine d’Ubisoft Divertissemment, « ce succès demeure fragile[11] ». D’autres pays sont en compétition avec le Canada comme l’a mentionné Jason Kee de l’ALD :

Nous sommes constamment en concurrence avec le Royaume-Uni, en particulier, qui a tendance à attacher beaucoup d'importance à ce secteur. Mais nous avons d'énormes forces de développement en Corée du Sud, en Chine et dans beaucoup des nations asiatiques qui ont beaucoup plus d'industries émergentes extrêmement solides[12].

Si le Canada veut préserver son industrie dynamique du jeu vidéo, selon l’ALD : « cela suppose une démarche holistique respectant les interrelations existant entre les différents segments de l'écosystème numérique[13] ».

2.2 Les centres d’innovation au Canada

Les villes canadiennes de Montréal, Toronto et Vancouver se sont hissées parmi les plus grands centres de production de jeux vidéo au Canada et dans le monde. Selon l’étude commandée par l’ALD, la qualité de vie, le multiculturalisme de la population et un marché immobilier abordable sont autant de facteurs qui expliquent l’attrait de ces centres urbains :

Montréal, Vancouver et Toronto, plaques tournantes du jeu vidéo au Canada, sont bien connues pour leur qualité de vie; on y trouve une population multiculturelle, un centre-ville dynamique où coexistent commerces, résidences et établissements de divertissement ainsi qu’un marché de condominiums et de logements généralement abordable. Ces facteurs aident les entreprises de jeux vidéo à attirer des diplômés récents, mais aussi des développeurs chevronnés, artistes et directeurs d’autres pays. En outre, le Canada lui-même est vu depuis longtemps comme un endroit où il fait bon vivre et faire des affaires[14].

Toutefois, l’industrie du jeu vidéo s’est développée de façon différente dans chacun de ces grands centres. Comme l’a affirmé Brenda Gershkovitch, présidente-directrice générale de Silicon Sisters Interactive, « l'expérience des créateurs de Vancouver, par exemple, est très différente de celle des créateurs de Montréal et de Toronto, deux autres centres importants au pays[15] ».

À Montréal, Ubisoft Divertissement intervient de différentes façons pour améliorer la qualité de vie de son milieu. L’entreprise travaille à la revitalisation de certains quartiers défavorisés :

Nous donnons beaucoup d'argent aux organismes communautaires locaux. Nous avons un comité qui examine toutes sortes de demandes qui nous sont soumises. Nous donnons de 500 à 1 000 $ à diverses sociétés[16].

Warner Brothers Games Montréal (WBGM) s’implique également auprès d’organisations communautaires montréalaises :

[…] nous collaborons avec des organisations locales qui aident les jeunes à sortir de la rue. Nous avons embauché plusieurs de ces jeunes, et quelques-uns d'entre eux ont obtenu une promotion et sont passés à notre service de mise à l'essai[17].

Vancouver constitue également un pôle d’attraction de l’industrie des jeux vidéo au Canada. Cependant, on remarque un certain déclin au cours des dernières années, comme l’a expliqué Dennis Chenard du Centre for Digital Media :

Vancouver a accusé une certaine diminution de ses activités avec un certain nombre de grands studios, du moins avec les plus gros, qui y étaient présents jusque-là. Cela étant dit, on a vu naître un certain nombre de petites entreprises dans le domaine des jeux occasionnels et des jeux pour téléphones mobiles[18].

L’implantation d’entreprises de jeux vidéo à l’extérieur des grandes métropoles n’est pas une vue de l’esprit, mais une réalité bien concrète. Michael Johnston de la firme TeamSpace en Nouvelle-Écosse rappelle qu’il « ne faut pas oublier les autres régions du pays, comme les régions de l'Atlantique[19] ». Il y a eu des succès dans l’industrie cinématographique dans l’est du pays au cours des dernières décennies, ce qui fournit « une bonne base de talent dans le domaine des arts et de la conception graphique, de la production sonore et de l'art dramatique[20] ».

3.1 Introduction

L’industrie du logiciel du divertissement est jeune et elle doit encore faire ses preuves dans certains milieux en tant que véritable industrie culturelle. Elle nous oblige à revoir notre façon d’envisager la culture. Martin Carrier, de WBGM, a expliqué comment les jeux vidéo font la promotion du talent canadien :

Ce sont des produits qui font rayonner le talent des jeunes Canadiens, que ce soit sur le plan artistique ou musical, parce que, vous le savez, il y a des trames sonores dans nos jeux. C'est vraiment quelque chose. S'il y a un point que j'aimerais souligner aujourd'hui, c'est qu'il s'agit vraiment de produits culturels[21].

M. Carrier estime qu’il est nécessaire de revoir la définition du mot « artiste » :

J'aimerais peut-être élargir un peu la définition du mot « artiste ». Des gens font les voix, d'autres font la musique. On a aussi énormément de talents locaux. On fait aussi beaucoup ce qu'on appelle la capture de mouvements. C'est souvent pour créer des extraits des sections non interactives qui révèlent parfois un peu l'intrigue de l'histoire[22].

Richard Iwaniuk, directeur principal chez BioWare ULC, a fait état de l’apport important des différentes disciplines artistiques dans l’élaboration d’un jeu vidéo. Il s’agit d’une rencontre unique entre des personnes qui excellent dans leur discipline respective :

Lorsque nous sommes au cœur du processus de production, les équipes comptent de 150 à 200 personnes. L'équipe de programmation peut compter de 50 à 70 personnes — là encore, cela varie selon que le jeu est fondé sur une nouvelle technologie ou sur une technologie existante. Le reste des employés sont des créateurs de contenu — les artistes, les dessinateurs d'animation, les scénaristes, les dessinateurs-créateurs — les concepteurs de niveaux de jeux — sans compter les responsables de la cinématique[23].

Pierre Proulx, directeur général d’Eidos Montréal et président du conseil d’administration de l’Alliance numérique, a résumé cette dynamique « comme la collision de deux trains à grande vitesse entre l'art et la technologie[24] ».

Pour Jason Kee, de l’ALD, c’est cette rencontre entre l’art et la technologie qui rend les jeux vidéo uniques :

Notre industrie comprend un ensemble tout à fait unique de professions artistiques et technologiques, et c'est leur collaboration qui engendre des produits vraiment innovateurs[25].

Interactive Ontario affirme que les jeux vidéo ne sont pas différents des autres produits culturels, tels que les films ou les émissions de télévision. Toutefois, les gouvernements ont la possibilité de récupérer leur investissement dans cette industrie :

[…] nous croyons que l'objectif doit être de créer une industrie créative qui réussit, et l'accent doit être mis sur le mot « industrie ». Il ne s'agit pas de subventionner des produits culturels comme on l'a fait pour d'autres industries culturelles. Autrement dit, contrairement à ce qui est souvent le cas pour le cinéma ou la télévision, le but doit être de gagner de l'argent et, pour le gouvernement, de recouvrer ses investissements par le truchement de l'emploi, de l'impôt, et même d'un rendement pur et simple sur ses investissements[26].

3.2 Les enjeux entourant la propriété intellectuelle

L’industrie canadienne du jeu vidéo a atteint une maturité et l’expertise canadienne est maintenant reconnue dans le monde entier. Pour Carole Deniger, directrice exécutive à KPMG, le défi consiste désormais à maximiser les acquis en retenant la propriété intellectuelle (PI) au Canada. De cette façon « nous négocierons de meilleures conditions, nous obtiendrons de meilleures redevances et nous créerons plus de profits qui resteront ici[27] ».

Pour Brenda Gershkovitch de Silicon Sisters Interactive et Victor Lucas de The Electric Playground, la question de la protection du droit d’auteur est un enjeu fondamental. Pour Mme Gershkovitch, « la valeur des jeux vidéo réside essentiellement dans la propriété intellectuelle, dans la création de personnages et d'histoires et d'un monde d'aventures identifiable[28] ».

Il va s’en dire que la protection de la PI est d’une importance capitale pour plusieurs entreprises de jeux vidéo. Le développement d’un jeu prend du temps et exige des investissements de plusieurs millions de dollars. Il est nécessaire de monter des équipes de production composées de plusieurs personnes. Et encore, la réussite n’est pas assurée. Dans ces circonstances, le piratage des jeux vidéo fait mal à l’industrie. Ceux qui agissent de cette façon « […] volent quelque chose qui ne leur appartient pas[29] » comme l’a affirmé Luc Duchaine d’Ubisoft Divertissement. M. Duchaine ajoute que le piratage met « en péril nos droits de propriété intellectuelle[30] ».

L’ALD a fait de la protection de la PI un élément central de ses revendications. Elle accueille favorablement la Loi sur la modernisation du droit d’auteur. Toutefois, elle demande que les responsables de l’application de la loi aient les pouvoirs et les outils nécessaires pour lutter contre ce crime :

Afin de freiner l’afflux des biens piratés et de dispositifs de contournement à la frontière, des changements administratifs s’imposent pour accorder aux agents des douanes le pouvoir d’agir. Les responsables de l’application des lois et les procureurs devraient aussi avoir le mandat de lutter contre les crimes de la PI et recevoir la formation et les ressources nécessaires pour lutter efficacement contre le piratage, aux frontières et dans les commerces de détail[31].

Pour Martin Carrier de WBGM, le respect de la PI et l’application de lois anti-piratage efficaces constituent des enjeux fondamentaux.

Il est certain que nous cherchons à obtenir une protection par tous les moyens pour ce qui est de la PI, et surtout en ligne. Parfois, il n'est pas très clair que tout est protégé comme nous le souhaiterions[32].

L’ACTRA a invité le gouvernement fédéral à signer le Traité de Beijing sur les interprétations et exécutions audiovisuelles adopté en juin 2012 par l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle. Selon l’ACTRA, un tel geste contribuerait « à renforcer les droits de propriété intellectuelle des artistes et des producteurs de jeux vidéo[33] ».

3.3 Une industrie encore mal connue

L’industrie du jeu vidéo souffre encore de beaucoup de préjugés. L’image du joueur isolé et coupé de la réalité persiste dans l’esprit de certains. Toutefois, la réalité est beaucoup plus complexe. Les adeptes de jeux vidéo proviennent plutôt d’horizons variés :

Nous sommes encore aux prises avec cette image d'adolescents terrés dans le sous-sol pendant des heures. Les jeux vidéo sont beaucoup plus que cela aujourd'hui, lorsqu'on pense au contact, au fait que les gens bougent devant la télévision. Les jeux vidéo poussent les gens à interagir, à partager leurs expériences et à créer des liens avec d'autres gens de partout dans le monde[34].

Brenda Gershkovitch de Silicon Sisters Interactive a expliqué comment les jeux vidéo permettaient de créer des ponts entre les générations et qu’ils pouvaient être utiles dans des secteurs autres que le divertissement :

Pendant très longtemps, les jeux vidéo étaient le domaine privilégié des jeunes hommes, mais cela a changé et continue à changer. Les jeux vidéo sont pour tout le monde. Les jeux vidéo sont utilisés dans de très nombreux contextes qui ne sont plus ceux du passé. Nous pouvons utiliser les jeux vidéo en éducation et en santé. Les grands-parents utilisent les jeux vidéo pour se rapprocher de leurs petits-enfants[35].

Pour Stéphane d’Astous de l’Alliance numérique, l’industrie du jeu vidéo est arrivée à un niveau de maturité « qui mériterait une certaine reconnaissance[36] ». Carole Deniger de KPMG partage ce point de vue :

Il faut maintenant passer à une reconnaissance davantage liée à nos contenus et à nos succès, et c'est peut-être là que nous devons consacrer nos efforts, notamment à l'échelle fédérale et pancanadienne. En effet, pour le grand public, ce qui est fabriqué au Canada n'existe pas vraiment. Cela existe pour l'industrie professionnelle, car les gens se connaissent[37].

Le Comité a entendu le témoignage de Victor Lucas, cofondateur des Prix canadiens du jeu vidéo, un événement annuel qui récompense les succès de cette industrie. M. Lucas croit fermement que les jeux vidéo « sont une forme d’art[38] ». Il y a un travail de sensibilisation à faire auprès du public canadien afin qu’il reconnaisse l'importance de cette industrie pour notre culture. En agissant de la sorte, M. Lucas croit que nous stimulerons « davantage la production, le travail et le soutien de l'industrie des jeux vidéo[39] ».

Jaime Woo, directeur du festival Gamercamp de Toronto, a expliqué que plusieurs jeux canadiens connaissaient un vif succès, mais qu’ils étaient encore mal connus du public canadien. Ces jeux sont produits par de petites et moyennes entreprises « […] qui sont le moteur de la PI au Canada[40] ». Le festival Gamercamp a justement pour but de faire connaître les succès canadiens :

Cette année, nous avons exposé 25 jeux de partout au monde, mais nous nous sommes concentrés surtout sur les jeux créés au Canada et à Toronto, car nous voulions vraiment donner la chance aux gens de jouer à ces jeux. Chaque année, des centaines de jeux sortent, et souvent on ne sait même pas d'où ils viennent. Nous voulions vraiment montrer aux gens ce qui est créé ici, dans leur propre pays[41].

Lorsque de tels événements internationaux se tiennent, les entreprises canadiennes reçoivent un soutien des Services des délégués commerciaux (SDC) du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. M. Grant Manuge, sous-ministre adjoint par intérim au Ministère, affirme que les SDC aident les entreprises canadiennes à trouver des partenaires de distribution fiables, ainsi qu’à se faire connaître sur les marchés mondiaux :

[N]ous participons chaque année à l'occasion de la Game Developers Conference, à San Francisco, qui est considérée comme le plus grand événement mondial de l'industrie. Plus de 200 PME canadiennes y assistent en vue d'avoir accès à des débouchés sur les marchés internationaux et de faire des affaires avec les entreprises mondiales importantes, telles que Nintendo, Disney, Google, Sony ou Apple[42].

4.1 Introduction

Si les entreprises canadiennes veulent répondre à la demande mondiale en matière de jeux vidéo, elles doivent pouvoir compter sur des employés qualifiés et en nombre suffisant. Il s’agit d’un des facteurs pour maintenir la croissance de cette industrie. Or, à peu près tous les représentants des entreprises de jeux vidéo que nous avons entendus font face à des défis à ce chapitre.

On remarque que la demande sans cesse grandissante de professionnels hautement qualifiés oblige les entreprises à créer des partenariats avec les établissements d’enseignement. Elles doivent également se tourner vers l’étranger pour combler leurs besoins.

La main-d’œuvre de l’industrie des jeux vidéo est hautement spécialisée et axée sur le contenu. Elle est associée à diverses activités, dont le développement de jeux vidéo sur différentes plateformes, le design, l’animation, l’écriture de scénario et la conception de sites Web.

Par ailleurs, des dirigeants d’entreprises canadiennes ont expliqué qu’ils ont un besoin criant de travailleurs expérimentés de niveau senior. À l’inverse, les travailleurs canadiens de ce secteur sont également attirés vers des emplois mieux rémunérés à l’extérieur du pays. L’exode des travailleurs est donc une réalité avec laquelle les entreprises doivent composer.

4.2 Le rôle des établissements d’enseignement

La grande majorité des témoins que nous avons entendus affirment que le Canada a besoin de travailleurs qualifiés dans une gamme de disciplines connexes au secteur des jeux vidéo. Ce problème touche toutes les entreprises de ce secteur à travers le pays. Dans la région de l’Atlantique, Michael Johnson de TeamSpace a mentionné qu’il y a encore du travail à faire pour faire connaître les carrières dans le secteur des jeux vidéo :

Je crois que tout le monde peut en faire plus pour mieux informer les jeunes Canadiens des débouchés dans cette industrie, pour les aider financièrement tandis qu'ils envisagent de s'inscrire dans des programmes postsecondaires en sciences informatiques et en conception de jeux et pour les convaincre de chercher un emploi dans toutes les régions du Canada, y compris dans les provinces de l'Atlantique[43].

L’investissement du Canada dans les études supérieures se traduira par un bassin d’employés qualifiés selon Jason Kee, de l’ALD. Les compétences acquises sont transférables et il est possible de les « exploiter dans les diverses branches de l'économie canadienne du savoir[44] ». Ces mêmes diplômés seront à même de faire de la formation à l’interne par la suite :

Le deuxième problème est l'élément de développement du talent à long terme, c'est-à-dire veiller à continuer de produire les diplômés nécessaires pour occuper ces postes d'entrée dans le secteur, diplômés qui recevront ensuite une formation auprès de ces employés plus âgés que nous aurons recrutés à l'étranger, qui acquerront de l'expérience avec le temps et qui deviendront ensuite les professionnels de l'organisation[45].

Pierre Proulx de l’Alliance numérique, a également souligné l’importance de produire un nombre suffisant de diplômés qualifiés :

Au minimum, tout le monde devait avoir une formation universitaire afin d'être en mesure de répondre aux besoins des entreprises. Cela a mené à créer un répertoire de besoins. On arrivait en moyenne à un certain nombre de programmeurs, par exemple. Il fallait environ 800 ou 900 personnes par année pour les trois prochaines années[46] ».

Interactive Ontario, qui regroupe les professionnels de l’industrie des médias numériques de province, estime que la province « bénéficie d'un grand nombre de collèges et d'universités produisant de la main-d’œuvre qualifiée pour créer ces jeux[47] ». Parmi ces institutions, il y a le Humber College, qui est un établissement d’enseignement de la région de Toronto. Il offre différents programmes de formation qui débouchent sur des carrières dans l’industrie des jeux vidéo. Le doyen de l’institution, M. Guillermo Acosta, a affirmé que « 70 à 85 % de nos diplômés [trouvaient] un emploi dans un domaine connexe dans les 6 à 12 mois suivant la fin de leurs études[48] ». Toutefois, l’administration de tels programmes constitue un défi étant donné les rapides changements technologiques des TIC :

Comme les technologies évoluent rapidement, l'objectif central du programme varie constamment. Cela rend difficile, à plusieurs égards, l'administration de cet ensemble de programmes. En premier lieu, nous devons maintenir à jour le programme de cours et, en second lieu, nous devons nous assurer que nos installations et nos enseignants puissent répondre aux normes de l'industrie en ce qui a trait à la formation de professionnels qui travailleront dans le secteur[49].

Avrim Katzman, professeur au Sheridan College Institute of Technology and Advanced Learning, a souligné que l’établissement d’enseignement a fait des médias numériques une priorité stratégique. Il a remarqué que beaucoup de leurs diplômés en animation et en conception graphique trouvent de l’emploi dans l’industrie des jeux vidéo. Le nombre de demandes pour être admis au Sheridan College excède les places disponibles : « Notre ratio demandes-inscriptions est probablement de l'ordre de sept pour un, mais nous sommes continuellement en expansion[50] ».

Sean Gouglas, professeur et directeur des Études interdisciplinaires à la Faculté des arts de l’Université de l’Alberta, a expliqué que les diplômés appelés à se joindre à l’industrie des jeux vidéo devraient avoir une formation multidisciplinaire :

[…] les jeux vidéo sont des produits interdisciplinaires complexes qui exigent du savoir-faire dans un large éventail de disciplines et pas seulement en sciences informatiques. L'aspect que les universités doivent tenter d'améliorer est la communication entre les étudiants de ces différentes disciplines[51].

4.3 La collaboration entre l’industrie et les établissements d’enseignement

Les établissements d’enseignement postsecondaire doivent être au diapason des besoins du marché. Pour se faire, des témoins du monde de l’enseignement nous ont dit qu’ils doivent intensifier la collaboration avec l’industrie. Les stages en entreprises, les bourses d’études et le mentorat ne sont que quelques exemples de la forme que prend cette collaboration. Comme l’affirmait le professeur Katzman, le Sheridan College « cherche activement des occasions de partenariat avec les chefs de file de l'industrie en Ontario, au Canada et en Amérique du Nord[52] ». À l’inverse, des entreprises comme Ubisoft Divertissement « misent sur le développement accéléré de la relève[53] ». Pierre Proulx, de l’Alliance numérique, a bien expliqué comment cette collaboration prend forme de façon concrète :

[…] les studios établissent présentement beaucoup plus de liens directement avec les universités québécoises. Ainsi, quelqu'un de Eidos Montréal peut rencontrer un professeur ou un directeur de département en animation ou en programmation pour parler de différentes avenues et d'enjeux à venir, afin de changer et améliorer les programmes de cours. Je dirais que cela se fait sur une base mensuelle[54].

Stéphane d’Astous de l’Alliance numérique a mentionné qu’il se faisait une obligation d’assister « à des galas de finissants dans des collèges ou des universités[55] ».

De son côté, BioWare ULC collabore avec des universités canadiennes dans le financement de la formation[56]. Toutefois, son directeur, Richard Iwaniuk, aimerait que plus « d’universités commencent à investir dans des programmes spécialisés en jeux vidéo[57] ».

Pour Ubisoft Divertissement, les entreprises misent sur le développement accéléré de la relève pour pallier le manque de main-d’œuvre. Pour ce faire, « il faut tisser des liens avec les universités et les collèges et il faut investir massivement en matière de formation continue[58] ».

L’exode des travailleurs vers les États-Unis est une réalité avec laquelle le secteur des jeux vidéo doit composer. Avrim Katzman a mentionné « [qu’un] grand nombre de nos diplômés quittent le pays pour trouver un emploi ailleurs[59] ».

Même son de cloche de Dennis Chenard, directeur des Relations avec l’industrie, avec le Centre for Digital Media de Vancouver. L’établissement offre un programme d'études de maîtrise en médias numériques qui a la particularité d’être « issu de l'industrie, pour l'industrie[60] ». Malgré que le programme connaisse un succès auprès des étudiants canadiens et étrangers, le Centre a vu un certain nombre de ses diplômés « saisir des occasions à l'étranger[61] ». Ce phénomène a été observé par Scott Simpson, président-directeur général de bitHeads :

Nombre de diplômés vont s'établir en Californie ou ailleurs afin d'exercer leur métier, car, jusqu'à récemment, il n'y avait pas assez de postes au sein de notre industrie pour tous les embaucher[62].

Toutefois, ce déplacement de travailleurs n’est pas final et irréversible. Certains reviennent vivre au Canada selon le président de l’Alliance numérique, Stéphane d’Astous :

Ce que je peux dire, c'est que je suis vraiment fier que ma petite entreprise soit capable d'attirer ces gens-là, qui sont partis il y a 10 ans, pour les faire revenir au Canada, parce que nous avons les projets les plus intéressants dans notre domaine. C'est une fuite des cerveaux à l'envers[63].

Enfin, le professeur Sean Gouglas de l’Université de l’Alberta a mentionné qu’il y avait encore de la place à l’amélioration quant à la collaboration entre le milieu universitaire et l’industrie des jeux vidéo. Il y a une synergie possible entre les deux parties, notamment avec les petites entreprises indépendantes :

Les universités, et peut-être les gouvernements, doivent mieux promouvoir le développement de la propriété intellectuelle canadienne dans le secteur du jeu vidéo en faisant la promotion de la communauté de concepteurs de jeux vidéo indépendants, qui à son tour va promouvoir l'innovation et les investissements[64].

4.4 Le recrutement et la rétention des employés seniors

Il est clairement ressorti de nos travaux que plusieurs entreprises canadiennes éprouvent de la difficulté à recruter des travailleurs de niveau senior ou intermédiaire. Jayson Hilchie, de l’ALD, a expliqué que la présence d’employés de niveau intermédiaire est cruciale pour assurer la formation des jeunes recrues :

Ce dont on a besoin, c'est d'une bonne combinaison de nouveaux diplômés et d'employés de niveaux intermédiaire et supérieur, ces derniers pouvant jouer le rôle de mentors à l'égard des jeunes pour les former afin qu'ils deviennent à leur tour des employés de niveaux intermédiaire et supérieur qui formeront d'autres jeunes qui sortiront plus tard de nos universités[65].

Les entreprises de jeux vidéo doivent investir dans la formation continue afin de mettre à jour les compétences de leurs employés. Luc Duchaine d’Ubisoft Divertissement a expliqué qu’il existait actuellement trois freins majeurs dans ce domaine :

[…],premièrement l'évolution fulgurante des compétences requises; deuxièmement, le manque d'intérêt de nos joueurs expérimentés à enseigner; et troisièmement, pour ceux qui veulent y aller, il y a un manque de soutien pédagogique, car le meilleur programmeur au monde n'a pas nécessairement une formation de pédagogue[66].

Selon M. Duchaine, la pénurie d’employés chevronnés n’aide pas la situation[67]. Même son de cloche de Pierre Proulx de l’Alliance numérique, qui affirme l’importance d’avoir un bon noyau d’employés de calibre intermédiaire[68]. L’amélioration de la formation continue pour les scénaristes impliqués dans les jeux vidéo constituerait également une avenue à considérer selon la Writers Guild of Canada :

[nous] pensons qu'il serait tout aussi intéressant d'appuyer des programmes de formation en cours de carrière qui permettraient à des scénaristes chevronnés d'apprendre l'art particulier de la scénarisation de jeu vidéo, ce qui permettrait en outre d'accroître immédiatement le bassin de scénaristes disponibles[69].

4.5 Le recrutement d’employés étrangers

La pénurie de ressources humaines qualifiées au Canada oblige des entreprises de jeux vidéo à recruter des employés à l’étranger. Ces entreprises se livrent une compétition pour attirer et retenir les meilleurs candidats.

Le Programme des travailleurs étrangers temporaires a été mis en place pour aider les employeurs canadiens à faire face aux pénuries de compétences et de main-d’œuvre. Il est administré conjointement par Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDCC) et Citoyenneté et Immigration Canada (CIC).

Si un employeur canadien veut offrir un emploi temporaire à un travailleur étranger, il doit préalablement demander un avis relatif au marché du travail (AMT) à RHDCC, par l’entremise d’un centre de Service Canada. L’obtention d’un AMT indique que le travailleur étranger comble un besoin en prenant l’emploi offert et qu’aucun travailleur canadien n’est disponible pour faire le travail. Après l’obtention d’un AMT, ou s’il n’est pas requis, le travailleur peut par la suite faire une demande de permis de travail à CIC. Dans le traitement de la demande, CIC tiendra compte d’autres facteurs tels un examen médical et certains critères de sécurité.

Ian Kelso de l’Alliance interactive canadienne a mentionné que le fait d’attirer des travailleurs étrangers expérimentés a un effet multiplicateur en formant d’autres employés au Canada :

À mes yeux, nous devons maintenir notre position de chef de file en nous assurant de pouvoir attirer le talent ici. Les personnes les plus talentueuses et les plus brillantes du monde veulent venir ici; veillons à ce qu'elles puissent le faire. (…). Les entreprises ne font pas venir le talent sans raison valable. C'est très coûteux. Je crois que nous devons garder présent à l'esprit que chaque employé chevronné que l'on fait venir ici est un catalyseur d'emplois, c'est-à-dire une personne qui crée des emplois pour un plus grand nombre de Canadiens[70].

Dans le cadre de notre étude, des représentants du secteur ont estimé que le processus pour obtenir un permis de travail était trop long et qu’ils devaient attendre trop longtemps avant d’obtenir les visas nécessaires. Michael Johnston de TeamSpace a mentionné que la croissance du personnel de son entreprise avait été affectée par les difficultés de recrutement d’employés étrangers :

[…] au cours des dernières années, les modifications apportées aux lignes directrices sur les travailleurs étrangers temporaires dans le domaine de la TI ont ralenti le processus d'obtention d'un permis de travail, à un point qui, pour nous, est inadmissible. C'est très malheureux, parce que, souvent, les immigrants que nous accueillons ont une expérience cruciale en tant que chef de projet intermédiaire ou principal et concepteur de jeux vidéo. Il est beaucoup plus difficile de trouver ce genre de travailleurs expérimentés au Canada — la plupart d'entre eux travaillent déjà —, et il faut plusieurs années pour les former à l'interne. Ces travailleurs étrangers ont un effet multiplicateur: l'arrivée d'un nouvel employé parmi les cadres peut être l'occasion d'embaucher une toute nouvelle équipe de jeunes diplômés qui relèveront de lui[71].

L’Alliance numérique a expliqué que les délais reliés à l’immigration ont entraîné l’annulation de certains projets. Pierre Proulx a proposé de permettre une accélération dans l'obtention des permis d'immigration :

Les délais ne cessent de s'allonger. Il y a deux ans, il fallait à peu près huit semaines. Aujourd'hui, il en faut 16. Ça nuit vraiment au succès d'un projet. Quand nous investissons dans des spécialistes des RH pour aller trouver de bons talents ailleurs dans le monde, de bons spécialistes, il faut quatre à cinq mois pour que le candidat choisi entre dans nos bureaux afin de nous aider à produire des jeux de grande qualité internationale. Cela nous nuit beaucoup. Il nous faut parfois annuler certains projets à cause de ça[72].

D’autres entreprises qui ont témoigné dans le cadre de l’étude du Comité ont souligné qu’elles étaient parfois confrontées à la lenteur et à la complexité du processus d’immigration. Luc Duchaine d’Ubisoft Divertissement a fait état des délais dans l’obtention des visas :

Il faut noter que, pour certains pays, il faut obtenir un visa pour venir au Canada. On parle d'un délai de deux à quatre mois. Ça peut même prendre jusqu'à six mois, comme le démontre un cas dans notre entreprise. En effet, on attend un employé chinois depuis six mois. Il s'agit ici d'un transfert à l'intérieur de notre compagnie. C'est le transfert d'un employé d'Ubisoft en Chine qui doit venir travailler chez Ubisoft au Canada. Il attend depuis six mois[73].

L’ALD a demandé au Comité que des mesures soient prises pour remédier à la situation :

[N]otre industrie fait face à une pénurie de talents aux niveaux intermédiaire, supérieur et expert dans diverses disciplines, et les délais d'octroi de permis de travail aux travailleurs étrangers causent de sérieuses difficultés qu'il convient d'aplanir[74].

Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration et du Multiculturalisme, l’honorable Jason Kenney, a expliqué que son Ministère est « à l'écoute des besoins des employeurs, notamment dans les secteurs où il y a des pénuries de travailleurs spécialisés canadiens[75] ». Toutefois, le Ministère doit trouver un équilibre entre donner une chance aux travailleurs canadiens, et accueillir les talents étrangers. Le Ministre admet que « le système de demandes peut être compliqué aux yeux des employeurs[76] », mais il y a une constante recherche d’amélioration.

Quant aux délais de traitement des visas dans les bureaux de CIC à l’étranger, le Ministère s’est donné comme objectif de traiter 80 % des demandes de travail en deux mois ou moins. Toutefois, le Ministre reconnaît que les temps d’attente peuvent varier pour différentes raisons :

[le] délai de traitement peut varier, puisque les bureaux de visa de différentes régions et de différents pays affrontent des défis différents. Certains bureaux reçoivent beaucoup trop de demandes, tandis que d'autres sont des plus petits bureaux et ont moins de ressources. Par ailleurs, les circonstances propres aux demandeurs peuvent également avoir une influence sur le délai de traitement[77].

De plus, le Ministre a mentionné :

Nous nous faisons critiquer de part et d'autre du fait d'admettre des travailleurs étrangers temporaires, tandis que d'autres nous critiquent d'avoir un processus bien trop tolérant. Par contre, les employeurs — et pas seulement de ce secteur-ci, mais de tous les secteurs — nous disent que les règles d'admission des travailleurs étrangers temporaires sont bien trop rigides. Nous essayons toujours de trouver le juste équilibre afin de donner la première chance aux Canadiens sans toutefois claquer la porte au nez des travailleurs étrangers qualifiés lorsque des Canadiens ne sont pas disponibles. Nous reconnaissons que le système de demandes peut être compliqué aux yeux des employeurs. Nous sommes en train d'essayer de l'améliorer. (…)

Plus particulièrement, le gouvernement a apporté des changements importants visant à accélérer le traitement des AMT. En avril dernier, nous avons lancé une nouvelle approche rationalisée qui accélérera le traitement en vue de l'embauche de travailleurs étrangers temporaires pour répondre aux besoins à court terme de main-d’œuvre qualifiée[78].

5.1 Introduction

Le gouvernement fédéral appuie les entreprises qui œuvrent dans le secteur des jeux vidéo principalement par le biais de quatre mécanismes :

  • Le Programme de la recherche scientifique et du développement expérimental (RS&DE) est un programme fédéral d’incitatif fiscal de l’Agence du revenu du Canada, visant à encourager les industries canadiennes à faire de la recherche et du développement, dans le but de découvrir ou d’améliorer des produits ou des procédés de haute technologie. En vertu de ce Programme, les demandeurs peuvent demander « des crédits d’impôt à l’investissement pour la RS&DE pour les dépenses engagées relativement aux salaires, aux matériaux, à la machinerie, à l’équipement, à certains frais généraux et aux contrats de RS&DE[79] ».
  • Le Programme d’aide à la recherche industrielle (PARI) du Conseil national de recherches du Canada, offre du financement « pour appuyer les petites et moyennes entreprises du Canada dans la mise au point et la commercialisation de technologies[80] ». Le PARI rembourse une partie des coûts salariaux associés au développement d’un projet d’innovation technologique.
  • Le Programme de garanties d’exportations d’Exportation et Développement Canada offre à des institutions financières des garanties de prêts pour permettre à de petites entreprises canadiennes d’obtenir du financement « lié à la recherche scientifique et au développement expérimental ainsi que [des] crédits d’impôt pour les produits multimédias interactifs numériques[81] ».
  • Le Fonds des médias du Canada (FMC) offre également un soutien financier au développement de contenus numériques et de logiciels d’application interactifs par l’entremise de son volet convergent et de son volet expérimental.

Il est à noter que les gouvernements provinciaux peuvent offrir des crédits d’impôt pour les dépenses occasionnées dans la production de médias numériques interactifs ainsi que des programmes de soutien aux petites et moyennes entreprises qui œuvrent dans ce secteur.

5.2 Le soutien indirect par les crédits fiscaux pour la recherche et le développement

La très grande majorité des témoins qui ont comparu devant le Comité permanent du patrimoine canadien s’entendent pour dire que l’industrie des jeux vidéo a bénéficié des crédits fiscaux. Des chefs d’entreprises comme Scott Simpson de bitHeads[82] et Richard Iwaniuk de BioWare ULC ont été éloquents à cet égard :

Chez BioWare, surtout au cours de nos premières années, nous avons eu la grande chance de pouvoir compter sur une foule de programmes gouvernementaux, par exemple Premiers emplois en sciences et technologie, le PARI, le Programme de diversification de l'économie de l'Ouest et, à coup sûr, les programmes de crédits d'impôt en matière de RS&DE. Tous ces programmes ont fortement contribué à notre croissance, et nous n'avons pas vraiment eu besoin de faire appel à des investisseurs externes[83].

Il y a un consensus sur le fait que les crédits fiscaux fédéral et provinciaux pour  la recherche et le développement ont permis à l’industrie des jeux vidéo de croître et de prospérer. Étant donné que les entreprises de l’industrie du jeu vidéo doivent constamment innover pour rester compétitives, la recherche et le développement sont au cœur de leur plan d’entreprise. Elles doivent améliorer les jeux existants en lançant de nouvelles versions et, de façon parallèle, développer de nouveaux produits pour attirer une nouvelle clientèle. Martin Carrier de WBGM a mentionné que la « la recherche et le développement ne cessent jamais, et c'est ce qui nous permet de conserver un avantage concurrentiel[84] ».

De son côté, Luc Duchaine, directeur des communications chez Ubisoft Divertissements, a affirmé qu’au sein de leur industrie « les choses évoluent extrêmement rapidement, et la recherche et le développement sont donc essentiels pour nous[85] ». Il n’est donc pas surprenant que les crédits d’impôt aient créé des conditions d’affaires favorables à cette industrie :

Faire des affaires au Canada comporte de nombreux avantages. Il y a une politique fiscale intéressante dans certaines provinces, plus particulièrement au Québec et en Ontario, compte tenu des crédits remboursables qui sont de l'ordre de 37,5 p. 100 et de 40 p. 100, sans compter les crédits de RS&DE, au niveau fédéral[86].

Durant nos consultations, des témoins ont demandé que le gouvernement fédéral crée un crédit d’impôt pour les médias numériques interactifs, sur le modèle de ce qui est offert dans plusieurs provinces. L’ALD en a fait une recommandation du mémoire soumis au Comité :

L’adoption d’un nouveau programme d’encouragements fiscaux fédéral pour MNI, séparé et distinct des encouragements fiscaux pour RS&DE et production de films et d’émissions télévisuelles, conçu en fonction des besoins et des modèles d’affaires spécifiques du secteur des MNI, sera essentielle à sa réussite continue[87].

Le Comité n’a pas demandé le coût d’un tel programme et l’ALD n’a pas non plus fourni une estimation des coûts.

De son côté, Rob DePetris de KPMG affirme que, dans sa forme actuelle, le crédit d’impôt pour la RS&DE actuel offert par le gouvernement fédéral ne profite que partiellement aux entreprises de jeux vidéo car une partie de la main-d’œuvre comme les artistes et les scénaristes, « ne sont pas touchés par le programme de RS&DE[88] ». Ce point a également été soulevé par Scott Simpson de bitHeads qui a mentionné que :

[…] les principaux aspects de la conception d'un jeu — la création artistique, les effets sonores et l'enregistrement des voix des acteurs, entre autres — ne sont pas visés par les crédits d'impôt pour RS&DE[89].

Par ailleurs, les programmes d’aide gouvernementale ont parfois des effets pervers selon Scott Simpson de bitHeads. Les clients s’attendent à acquérir un jeu vidéo à un prix moindre, en sachant que l’entreprise pourra déduire une certaine partie de ses coûts de production[90].

De son côté, Michael Johnson de TeamSpace, estime que l’instauration d’un tel crédit d’impôt sur les MNI « […] permettrait d'unifier l'industrie et nous inciterait à commencer par chercher des gens de talent au Canada avant de regarder à l'étranger pour trouver des ressources étrangères potentiellement moins chères[91] ».

Notons que cette recommandation a été reprise par la Writers Guild of Canada[92] et l’Alliance of Canadian Cinema, Television and Radio Artists[93].

5.3 Le soutien direct aux entreprises

Plusieurs témoins qui ont participé à nos consultations ont rappelé les origines du secteur canadien des jeux vidéo. De petites entreprises, qui ont débuté avec des moyens limités, ont pris de l’expansion et prospéré, ce qui explique pourquoi le Canada s’est taillé une place enviable sur la scène mondiale.

Aujourd’hui encore, de petites entreprises voient le jour et elles sont remplies de potentiel. Le développement de jeux en ligne et pour les plateformes mobiles crée de nouvelles possibilités. Ces petites entreprises pourraient devenir les fleurons de demain dans le secteur des jeux vidéo. Par exemple, à Vancouver, Dennis Chenard du Centre for Digital Media a mentionné qu’il exist[ait] actuellement une culture entrepreneuriale où « [L]es étudiants créent beaucoup d'entreprises[94] ».

Comme nous l’avons vu précédemment, les crédits d’impôt reçoivent des critiques favorables de la part des témoins. Pour Rob DePetris de KPMG, ils « ont compensé la vigueur du dollar »[95] au cours des 20 dernières années. Toutefois, il faut se rappeler que l’entreprise encaisse l’argent provenant des crédits d’impôt après avoir terminé le projet, ce qui peut parfois prendre des années. Scott Simpson de bitHeads[96], Jason Kee de l’ALD[97] et Rob DePetris de KPMG, ont expliqué que cette situation entraîne des problèmes de liquidités :

La plupart des crédits d'impôt consentis aux petites entreprises au Canada le sont à l'achèvement des projets, comme l'a dit Jason [Kee]. Les grandes entreprises, quant à elles, ont des crédits d'impôt annualisés. La différence est qu'on ne peut pas aller demander un emprunt à sa banque sur la base de ces crédits d'impôt puisque les projets ne sont pas achevés[98].

Plusieurs témoins ont demandé que le gouvernement fédéral augmente son soutien direct aux entreprises innovantes, notamment par un meilleur accès au capital de risque. Le crédit d’impôt est de peu d’utilité pour une jeune entreprise qui recherche des fonds de démarrage. Comme l’a affirmé Denis Talbot, de jeunes entreprises sont en mesure de produire des jeux, mais elles éprouvent des difficultés à « avoir du financement[99] ». Pour Ian Kelso de l’Alliance interactive canadienne, il est nécessaire « de trouver des moyens d'aider les entreprises à obtenir des capitaux de lancement de manière à ce qu'elles puissent prendre leur envol[100] ».

Carole Deniger[101] de KPMG, et Pierre Proulx[102], de l’Alliance numérique, ont fait valoir l’importance d’appuyer le travail des entreprises plus tôt dans le processus d’élaboration, comme pour la commercialisation des produits nés à la suite des efforts de recherches et de développement :

Les crédits d'impôt offerts par les gouvernements provinciaux appuient la création des produits, mais très peu d'aide existe pour la commercialisation. Or on a de la difficulté, dans bon nombre de cas, surtout lorsqu'on parle de jeunes entreprises en démarrage qui veulent lancer leur propre propriété intellectuelle[103].

John Mark Seck, président de BlackCherry Digital Media, a fait part de l’importance d’obtenir un appui en matière promotion « tout simplement parce que cela élargirait notre clientèle, et nous aurions moins de ressources à y consacrer pour faire le travail[104] ».

Un meilleur accès au « capital de risque » a également été soulevé par plusieurs témoins. Il sert entre autres à aider les entreprises qui ont besoin de liquidités pour continuer à progresser. Des témoins ont affirmé que l’accès à ce type de capital aux stades ultérieurs de leur développement est crucial. M. Peter Miller, d’Interactive Ontario, est de cet avis :

Là où nous avons eu moins de succès, c'est dans l'appui aux jeunes pousses. Dans mon esprit, les jeunes pousses sont à la fois les entreprises qui viennent tout juste d'être créées et les projets qui sont au tout début de leur vie utile. Cela mène à deux types de besoin en capital-risque pour le financement des entreprises aux premières étapes de leur épanouissement et le financement de projets particuliers[105].

Carole Deniger de KPMG estime que le gouvernement fédéral peut jouer un rôle en offrant un accès amélioré au capital de risque pour financer les entreprises innovantes :

Le capital-risque privé de tierce partie a eu beaucoup de succès pour choisir les perdants et les gagnants, mais d'une manière qui est plus axée sur le marché avec une approche de portefeuille. (…) Le gouvernement peut jouer un rôle en appuyant ces investisseurs de tierce partie, soit directement, soit au moyen d'incitatifs à des investisseurs individuels et privés dans le fonds de capital-risque de tierce partie[106].

5.4 le Fonds des médias du Canada

Le Fonds des médias du Canada (FMC) est une société sans but lucratif qui soutient la création et la promotion de contenus canadiens et d’applications logicielles destinés aux plateformes numériques actuelles et émergentes. Créé en 2009 par la fusion du Fonds canadien de télévision et du Fonds des nouveaux médias du Canada, le FMC est un partenariat entre les distributeurs de services par câble et par satellite et le gouvernement du Canada.

Le FMC offre du financement pour le développement de contenu média numérique interactif et d’applications logicielles par l’entremise de deux volets de financement : le volet convergent et le volet expérimental. Le volet convergent appuie des projets de production de contenus numériques qui seront distribués sur au moins deux plateformes, dont la télévision. Les projets retenus doivent comporter un contenu numérique, comme « des jeux, du contenu Web interactif, du contenu sur demande, des baladodiffusions, des webisodes et des mobisodes[107] ». Il s’agit de jeux traditionnels et de jeux qui accompagnent les programmes télévisuels financés par le FMC.

Le volet expérimental favorise le développement de contenus numériques et de logiciels d’application interactifs à la fine pointe de l’innovation, notamment « les jeux vidéo pour ordinateur personnel, console de jeu, console portable, téléphone cellulaire ou autres plateformes[108] ».

En 2011-2012, le FMC a versé 312,5 millions de dollars à 509 projets dans le cadre du volet convergent. Précisons que 20 millions de dollars ont été accordés pour du contenu numérique sous ce volet, y compris à certains projets de jeux vidéo.

Du côté du volet expérimental, 90 projets ont reçu un financement totalisant 32,9 millions de dollars[109]. Parmi ces projets, 15 jeux vidéo ont reçu un appui financier. Notons qu’en 2012, le FMC a participé à une importante recherche sur l’industrie des médias numériques intitulée New Directions for the Financing of Interactive Digital Media in Canada[110].

Lors de sa comparution, M. Stéphane Cardin, vice-président, Affaires publiques et relations avec l’industrie avec le FMC, a affirmé que l’aspect innovateur était le principal critère dans l’évaluation des projets soumis sous le volet expérimental :

Parce que le programme vise à favoriser l'innovation et les projets plus risqués et de nature moins commerciale à première vue, le financement du FMC constitue un montant maximal de 75 p. 100 des dépenses admissibles, jusqu'à concurrence d’un million de dollars par projet. Nous effectuons deux campagnes par année. Nous soutenons environ 45 à 50 projets par année, et le programme est un succès en ce qui a trait à la demande, car, depuis son lancement en avril 2010, le taux de demandes par rapport aux projets sélectionnés est en moyenne de 3 pour 1, alors la sursouscription est considérable[111].

Par ailleurs, comme son nom l’indique, il y a un élément de risque inhérent à soutenir des projets fortement innovateurs. Le FMC travaille avec d’autres partenaires pour que les entreprises innovantes puissent accéder au capital de risque :

Nous tentons d'établir des partenariats avec des organismes de capital de risque, des accélérateurs et des incubateurs d'entreprises de partout au pays afin que le FMC puisse amener les entreprises à l'étape où les organismes de capital de risque pourraient être intéressés à investir[112].

Lors de nos consultations, la plupart des témoins ont émis des commentaires favorables envers le FMC. Ian Kelso, de l’Alliance interactive canadienne, a salué le fait que le FMC appuie les entreprises de petite taille :

[c]es types de fonds sont vraiment efficaces pour ce qui est d'atténuer les risques liés à des projets menés par de jeunes entreprises ou encore par des entreprises qui souhaitent expérimenter et essayer de nouvelles choses dans leur cadre d'exploitation actuel qu'elles ne lanceraient pas sur le marché sans cette aide[113].

Même les plus gros joueurs dans l’industrie des jeux vidéo, comme WBGM, reconnaissent que le FMC joue un rôle clé en appuyant les plus petites entreprises :

Ce fonds a été extrêmement utile pour soutenir des entreprises de moins grande envergure que la nôtre, des entreprises qui venaient d'être lancées, des gens qui réussissent à percer de façon indépendante et qui veulent développer de nouveaux jeux[114].

Néanmoins, des réserves ont été émises quant à la répartition des fonds entre les deux volets du FMC et l’échéancier du dépôt des projets. Scott Simpson reconnaît l’importance du rôle par le FMC en tant que mécanisme de financement, tout en en soulignant les limites qu’il comporte :

[l]e FMC, un merveilleux programme, nous permet seulement d'obtenir des fonds pour ne mener qu'un certain type de projet à un moment donné de l'année en collaboration avec un type précis d'éditeur[115].

M. Simpson estime que l’échéancier pour le dépôt des projets devrait être revu :

Le principal problème que pose le FMC pour une entreprise comme la mienne, à savoir une entreprise fortement axée sur les projets, tient à l'existence de dates limites pour la soumission de demandes. Ces dates limites sont en août et en septembre; en d'autres termes, si un éditeur souhaite lancer la production d'un jeu à ce moment-là, il n'y a pas de problème, mais si j'ai une bonne idée en mai, il sera en quelque sorte trop tôt ou trop tard[116].

L’Alliance numérique demande une révision des fonds accordés au volet expérimental. Qualifier le secteur des jeux vidéo « d’expérimental » ne correspond plus à la réalité :

Il va sans dire que nous avons adoré qu'on qualifie notre secteur d'expérimental. Bref, on parle d'environ 33 millions de dollars sur les 330 millions de dollars et plus versés annuellement. C'est à peine 10 p. 100, ce qui est très minime, compte tenu des retombées, du renouveau, de la croissance et des salaires versés[117].

Même son de cloche de Rob DePetris, de KPMG, qui se demande comment se fait-il qu'une industrie de 67 milliards de dollars puisse être « considérée comme une industrie expérimentale au Canada[118]? »

5.5 L’élaboration d’une stratégie numérique nationale

L’ALD est en faveur de l’élaboration d’une stratégie numérique :

L’ALD exhorte le gouvernement fédéral à formuler une stratégie de l'économie numérique abordant toute la gamme des questions pertinentes, notamment un accès facilité à une main-d’œuvre qualifiée et au capital. Comme l'ont déjà dit des témoins qui nous ont précédés, notre industrie fait face à une pénurie de talents aux niveaux intermédiaire, supérieur et expert dans diverses disciplines, et les délais d'octroi de permis de travail aux travailleurs étrangers causent de sérieuses difficultés qu'il convient d'aplanir[119].

Toutefois, de par la complexité de la question, l’ALD préfère que le gouvernement fédéral prenne le temps nécessaire « plutôt que de publier quelque chose dans la précipitation[120] ». Une stratégie numérique comprend plusieurs éléments qui sont interdépendants : les crédits d’impôt, le financement direct, la formation et l’immigration et la réglementation. L’accès à des services Internet à large bande est également une composante essentielle « parce que c’est l'avenir de notre industrie. Nous avons besoin de services de large bande pour avoir accès à nos clients[121] ».

Le directeur général de l’Alliance interactive canadienne, Ian Kelso, est du même avis que Jason Kee. Il donne son appui à l’élaboration d’une stratégie numérique nationale, dans la mesure qu’elle soit « organique [et] évolutive[122] ».

Plusieurs témoins ont fait état de la nécessité que le pays se dote d’une politique d’accès à des services Internet à large bande. Une telle politique s’inscrirait au cœur d’une stratégie canadienne sur le numérique constitue. Selon l’Alliance numérique, les entreprises du jeu vidéo en bénéficieraient en premier lieu :

Essentiellement, ce que nous demandions au gouvernement fédéral, c'était qu'il mette de l'argent pour aider à réaliser l'infrastructure à l'échelle du Canada pour que tout le monde ait accès à des services de large bande à bas prix, sur n'importe quel appareil[123].

Lance Davis de BC Interactive Group demande une intervention du CRTC dans ce domaine :

Au moment d'examiner la réglementation du CRTC, pourquoi ne pas envisager un ensemble plus solide de règles touchant l'accès à large bande? Les jeux sont de plus en plus offerts sur support numérique et en ligne. En fait, c'est la nouvelle génération, alors tout ce qui pourrait accélérer ce changement serait très apprécié[124].

L’accès à des services Internet à large bande plus rapide constitue également une nécessité pour Michael Johnston de TeamSpace, d’autant plus que la distribution de beaucoup de matériels technologiques se fait désormais dans les nuages :

Des nouveautés comme les vidéos haute définition sur les téléphones mobiles, la capacité de jouer à des jeux partout et en tout temps et le commerce sans fil sont en voie de devenir la nouvelle norme. Le pays a besoin d'une infrastructure et d'un écosystème numérique qui permettent de répondre à ces demandes si nous voulons garder notre place et répondre aux besoins des consommateurs de demain[125].

Dans la même ligne de pensée, Denis Talbot a expliqué que la possibilité de jouer à des « jeux dans les nuages » rend l’accès à des services Internet à des coûts raisonnables de plus en plus nécessaires :

Pour avoir accès au nuage, il faut un accès à Internet. Cet accès coûte très cher, alors, si on veut continuer à concevoir des jeux qui seront dans le nuage, les consommateurs doivent avoir un accès plus facile à Internet qui ne leur coûte pas trop cher[126].

Que le gouvernement du Canada continue d’appuyer les initiatives qui font la promotion des succès de l’industrie canadienne des jeux vidéo, tant sur la scène nationale qu’internationale.

Que le gouvernement du Canada examine comment il peut appuyer l’industrie canadienne des jeux vidéo dans ses défis reliés à la formation de la main-d’œuvre.

Que Citoyenneté et Immigration Canada et les ministères concernés travaillent de concert avec les entreprises de jeux vidéo afin de favoriser le recrutement de travailleurs étrangers spécialisés au Canada.

Que le gouvernement du Canada examine comment il pourrait continuer à appuyer les petites et moyennes entreprises dans le secteur des jeux vidéo.

Que le gouvernement du Canada examine comment il pourrait appuyer la commercialisation des produits nés des efforts de recherche et de développement menés par l’industrie canadienne des jeux vidéo.

Que le gouvernement du Canada examine comment les crédits fiscaux fédéraux pourraient mieux répondre aux besoins de l’industrie des jeux vidéo.

Que le Fonds des médias du Canada continue d’évaluer l’allocation des ressources entre les volets convergent et expérimental pour évaluer si elle répond aux besoins de l’industrie des jeux vidéo.

Que le gouvernement du Canada poursuive ses efforts afin que tous les Canadiens jouissent d’un accès Internet haute vitesse à large bande.



[1]              Comité permanent du patrimoine canadien, Procès-verbal, réunion no 18, 1re session, 41e législature, 13 décembre 2011.

[2]              Entertainment Software Association of Canada, Entertainment Software: The Industry in Canada, octobre 2007, p. 1 [Traduction].

[3]              Statistique Canada, Enquête sociale générale – 2010 Aperçu sur l’emploi du temps des Canadiens, no 89-647-X, juillet 2011, p. 9.

[4]              Ibid.

[5]              Association canadienne du logiciel de divertissement, Faits essentiels 2012, p. 3. [anglais seulement]

[6]              L'informatique en nuage suppose que l'emplacement des centres de données est inconnu à l’utilisateur.

[7]              SECOR Consulting Inc.,Canada’s Entertainment Software Industry in 2011, 30 mai 2011, p. 3. [traduction]

[8]              Ibid.

[9]              Témoignages, réunion no 44, 1re session, 41e législature, 30 octobre 2012, 1540.

[10]           Témoignages, réunion no 46, 1re session, 41e législature, 6 novembre 2012, 1535.

[11]           Témoignages, réunion no 43, 1re session, 41e législature, 25 octobre 2012, 1545.

[12]           Témoignages, réunion no 44, 1re session, 41e législature, 30 octobre 2012, 1700.

[13]           Ibid., 1540.

[14]           SECOR Consulting Inc., Canada’s Entertainment Software Industry in 2011, 30 mai 2011, p. 14. [Traduction]

[15]           Témoignages, réunion no 51, 1re session, 41e législature, 11 décembre 2012, 1635.

[16]           Témoignages, réunion no 43, 1re session, 41e législature, 25 octobre 2012, 1645.

[17]           Ibid., 1650.

[18]           Témoignages, réunion no 45, 1re session, 41e législature, 1 novembre 2012, 1545.

[19]           Ibid., 1555.

[20]           Ibid.

[21]           Témoignages, réunion no 43, 1re session, 41e législature, 25 octobre 2012, 1540.

[22]           Ibid., 1630.

[23]           Ibid., 1640.

[24]           Témoignages, réunion no 44, 1re session, 41e législature, 30 octobre 2012, 1700.

[25]           Ibid., 1540.

[26]           Ibid., 1600.

[27]           Ibid., 1545.

[28]           Témoignages, réunion no 51, 1re session, 41e législature, 11 décembre 2012, 1635.

[29]           Témoignages, réunion no 43, 1re session, 41e législature, 25 octobre 2012, 1620.

[30]           Ibid., 1600.

[31]           Association canadienne du logiciel de divertissement, Étude sur le secteur du jeu pour le CHPC. Principales recommandations de l’ALD, p. 2.

[32]           Témoignages, réunion no 43, 1re session, 41e législature, 25 octobre 2012, 1620.

[33]           Témoignages, réunion no 46, 1re session, 41e législature, 6 novembre 2012, 1640.

[34]           Témoignages, réunion no 43, 1re session, 41e législature, 25 octobre 2012, 1605.

[35]           Témoignages, réunion no 51, 1re session, 41e législature, 11 décembre 2012, 1635.

[36]           Témoignages, réunion no 44, 1re session, 41e législature, 30 octobre 2012, 1620.

[37]           Ibid., 1545.

[38]           Témoignages, réunion no 46, 1re session, 41e législature, 6 novembre 2012, 1605.

[39]           Ibid., 1605.

[40]           Témoignages, réunion no 51, 1re session, 41e législature, 11 décembre 2012, 1645.

[41]           Ibid., 1640.

[42]           Témoignages, réunion no 46, 1re session, 41e législature, 6 novembre 2012, 1650.

[43]           Témoignages, réunion no 45, 1re session, 41e législature, 1 novembre 2012, 1555.

[44]           Témoignages, réunion no 44, 1re session, 41e législature, 30 octobre 2012, 1540.

[45]           Ibid., 1620.

[46]           Ibid., 1635.

[47]           Ibid., 1555.

[48]           Témoignages, réunion no 46, 1re session, 41e législature, 6 novembre 2012, 1550.

[49]           Ibid.

[50]           Témoignages, réunion no 45, 1re session, 41e législature, 1 novembre 2012, 1650.

[51]           Témoignages, réunion no 51, 1re session, 41e législature, 11 décembre 2012, 1650.

[52]           Témoignages, réunion no 45, 1re session, 41e législature, 1 novembre 2012, 1535.

[53]           Témoignages, réunion no 43, 1re session, 41e législature, 25 octobre 2012, 1550.

[54]           Témoignages, réunion no 44, 1re session, 41e législature, 30 octobre 2012, 1630.

[55]           Ibid., 1635.

[56]           Témoignages, réunion no 43, 1re session, 41e législature, 25 octobre 2012, 1615.

[57]           Ibid., 1625.

[58]           Ibid., 1550.

[59]           Témoignages, réunion no 45, 1re session, 41e législature, 1 novembre 2012, 1605.

[60]           Ibid., 1545.

[61]           Ibid.

[62]           Témoignages, réunion no 46, 1re session, 41e législature, 6 novembre 2012, 1645.

[63]           Témoignages, réunion no 44, 1re session, 41e législature, 30 octobre 2012, 1700.

[64]           Ibid., 1655.

[65]           Ibid., 1620.

[66]           Témoignages, réunion no 43, 1re session, 41e législature, 25 octobre 2012, 1550.

[67]           Ibid., 1625.

[68]           Témoignages, réunion no 44, 1re session, 41e législature, 30 octobre 2012, 1630.

[69]           Ibid., 1535.

[70]           Témoignages, réunion no 46, 1re session, 41e législature, 6 novembre 2012, 1535.

[71]           Témoignages, réunion no 45, 1re session, 41e législature, 1 novembre 2012, 1600.

[72]           Témoignages, réunion no 44, 1re session, 41e législature, 30 octobre 2012, 1615.

[73]           Témoignages, réunion no 43, 1re session, 41e législature, 25 octobre 2012, 1550.

[74]           Témoignages, réunion no 44, 1re session, 41e législature, 30 octobre 2012, 1545.

[75]           Témoignages, réunion no 51, 1re session, 41e législature, 11 décembre 2012, 1540.

[76]           Ibid., 1535.

[77]           Ibid.

[78]           Ibid.

[79]           Agence du revenu du Canada, En quoi consiste le Programme de la RS&DE?.

[80]           Conseil national de recherches Canada, Programme d’aide à la recherche industrielle.

[81]           Exportation et développement Canada, Programme de garanties d’exportations.

[82]           Témoignages, réunion no 46, 1re session, 41e législature, 6 novembre 2012, 1540.

[83]           Témoignages, réunion no 43, 1re session, 41e législature, 25 octobre 2012, 1700.

[84]           Ibid.

[85]           Ibid.

[86]           Ibid., 1545.

[87]           Association canadienne du logiciel de divertissement, À vos jeux, Canada 2.0. Soutenir le secteur stimulant et dynamique du jeu vidéo au Canada, janvier 2013, p. 10.

[88]           Témoignages, réunion no 44, 1re session, 41e législature, 30 octobre 2012, 1550.

[89]           Témoignages, réunion no 46, 1re session, 41e législature, 6 novembre 2012, 1625.

[90]           Ibid.

[91]           Témoignages, réunion no 45, 1re session, 41e législature, 1 novembre 2012, 1600.

[92]           Témoignages, réunion no 44, 1re session, 41e législature, 30 octobre 2012, 1535.

[93]           Témoignages, réunion no 46, 1re session, 41e législature, 6 novembre 2012, 1615.

[94]           Témoignages, réunion no 45, 1re session, 41e législature, 1 novembre 2012, 1645.

[95]           Témoignages, réunion no 44, 1re session, 41e législature, 30 octobre 2012, 1550.

[96]           Témoignages, réunion no 46, 1re session, 41e législature, 6 novembre 2012, 1540.

[97]           Témoignages, réunion no 44, 1re session, 41e législature, 30 octobre 2012, 1640.

[98]           Ibid.

[99]           Témoignages, réunion no 45, 1re session, 41e législature, 1 novembre 2012, 1615.

[100]         Témoignages, réunion no 46, 1re session, 41e législature, 6 novembre 2012, 1540.

[101]         Témoignages, réunion no 44, 1re session, 41e législature, 30 octobre 2012, 1550.

[102]         Ibid., 1610.

[103]         Ibid.

[104]         Témoignages, réunion no 45, 1re session, 41e législature, 1 novembre 2012, 1655.

[105]         Témoignages, réunion no 44, 1re session, 41e législature, 30 octobre 2012, 1600.

[106]         Ibid.

[107]         Fonds des médias du Canada, Volet convergent – Principes directeurs 2012-2013.

[108]         Fonds des médias du Canada, Volet expérimental – Principes directeurs 2012-2013.

[109]         Fonds des médias du Canada, « Rapport annuel 2011-2012 ».

[110]         Communications MDR, « New Directions for the Financing of Interactive Digital Media in Canada », 2012.

[111]         Témoignages, réunion no 46, 1re session, 41e législature, 6 novembre 2012, 1705.

[112]         Ibid., 1710.

[113]         Ibid., 1625.

[114]         Témoignages, réunion no 43, 1re session, 41e législature, 25 octobre 2012, 1615.

[115]         Témoignages, réunion no 46, 1re session, 41e législature, 6 novembre 2012, 1545.

[116]         Ibid., 1540.

[117]         Témoignages, réunion no 44, 1re session, 41e législature, 30 octobre 2012, 1605.

[118]         Ibid., 1550.

[119]         Ibid., 1545.

[120]         Ibid.

[121]         Ibid., 1655.

[122]         Témoignages, réunion no 46, 1re session, 41e législature, 6 novembre 2012, 1620.

[123]         Témoignages, réunion no 44, 1re session, 41e législature, 30 octobre 2012, 1655.

[124]         Témoignages, réunion no 45, 1re session, 41e législature, 1 novembre 2012, 1550.

[125]         Ibid., 1600.

[126]         Ibid., 1615.