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PROC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre


NUMÉRO 026 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 2 avril 2014

[Enregistrement électronique]

  (1900)  

[Traduction]

    Chers collègues, je suis heureux de vous retrouver tous ici ce soir.
    Nous abordons la 26e réunion du Comité de la procédure et des affaires de la Chambre pour étudier le projet de loi C-23.
    Nous accueillons trois témoins ce soir: Me Raji Mangat, avocate de l'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique; Leilani Farha, directrice générale de Canada sans pauvreté et, de l'Association canadienne des libertés civiles, Cara Zwibel à qui j'ai servi de guide aujourd'hui.
    Tout est organisé et il a même été décidé de qui prendrait la parole en premier et c'est Mme Farha.
    Madame Farha, vous avez cinq minutes tout au plus. Je vous en prie.
    Merci de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant vous ce soir.
    Je trouve plutôt ironique qu'il y a un peu plus de 50 ans, on accordait aux peuples autochtones du Canada le droit de voter et que, si peu de temps après, nous nous retrouvons à devoir lutter pour défendre ces mêmes droits. Cela nous rappelle à quel point la démocratie est fragile et à quel point nous devons faire preuve de vigilance pour la protéger.
    Je m'appelle Leilani Farha et je suis directrice générale de Canada sans pauvreté ou CSP.
    CSP, dont le conseil d'administration est composé de personnes qui vivent dans la pauvreté, dans presque toutes les provinces et tous les territoires, est très préoccupé par l'effet que la Loi sur l'intégrité des élections pourrait avoir sur le droit de voter des Canadiens les plus pauvres. Nous sommes particulièrement préoccupés par le fait que ce projet de loi vise à empêcher Élections Canada de promouvoir le droit de vote et nous sommes préoccupés par l'élimination de la possibilité de voter grâce à un répondant. Je parlerai de chacun de ces points tour à tour.
    L'interdit fait à Élections Canada en matière de promotion du vote est tout simplement illogique. C'est illogique étant donné que le taux de participation aux élections n'a jamais été aussi bas de notre histoire, ce qui donne à penser qu'un très important pourcentage de Canadiens sont sur le point de perdre confiance dans le processus démocratique. C'est aussi illogique compte tenu du fait que les pauvres n'ont jamais été aussi exclus sur les plans social et politique. C'est pourtant en cette période de déficit démocratique que le Parlement devrait investir un maximum de ressources pour essayer de promouvoir l'exercice de vote. Il faut permettre à Élections Canada de continuer à faire son travail de promotion de la démocratie.
    S'agissant de l'option du répondant, CSP craint que la disparition de cette possibilité, sans qu'elle soit remplacée par une solution viable, ne retire le droit de vote à des dizaines de milliers de personnes à faible revenu et ne viole les droits de ces personnes aux termes de l'article 3 de la Charte. Ce sont surtout les pauvres, les sans-abri et les autres marginalisés qui ont recours à l'option du répondant. Même si le gouvernement semble trouver incroyable que plus de 100 000 Canadiens n'aient pas les papiers d'identité nécessaires pour voter, c'est pourtant une réalité.
    Permettez-moi de vous donner un exemple dans mon travail. Imaginez une femme en situation de violence domestique. Durant un incident particulièrement brutal, elle parvient à s'échapper pour se réfugier dans la maison d'une amie. Elle laisse tous ses effets derrière, même son portefeuille, ne songeant qu'à fuir pour sauver sa vie. Elle n'a pas de pièce d'identité avec photo, aucune preuve de résidence. Elle n'a plus rien d'autre que les vêtements qu'elle porte. L'élimination de l'option du répondant ne fera qu'une chose dans son cas: l'empêcher d'exercer son droit de vote.
    Ce qui est troublant dans tout ça pour CSP, c'est que le gouvernement n'a pas encore expliqué l'importance du droit de vote, surtout dans le cas des personnes qui sont socialement et politiquement exclues. Il est possible qu'il ne le sache pas.
    Imaginez-vous à la place de cette femme. Elle n'a plus rien. Si on lui permettait de conserver son droit de vote, elle pourrait transcender ce qu'elle vit. Elle pourrait participer à la vie de la société, elle parviendrait à se refaire. Comme l'a simplement dit la Cour constitutionnelle d'Afrique du Sud: « Le vote pour chaque citoyen est un étendard de dignité et d'identité individuelle. » Pourquoi le gouvernement ne chercherait-il pas à garantir le droit de vote pour cette femme? N'est-ce pas ce qu'exige la démocratie?
    CSP est offusqué par la position du ministre Poilievrequi voudrait nous faire croire que le fait de permettre à cette femme de voter risquerait de compromettre le système électoral. Le ministre a inventé le mythe de la fraude en tenant pour fraudules des irrégularités dans le système des garants. Je me permets de rappeler au comité qu'on n'a jamais trouvé aucune preuve de fraude en lien avec l'option du garant et qu'il ne s'agissait que d'erreurs administratives.

  (1905)  

    En conclusion, CSP recommande que le gouvernement prenne un temps d'arrêt et réfléchisse au fait qu'il est sur le point de priver des dizaines de milliers de Canadiens désavantagés de leur citoyenneté démocratique et de leur droit de vote protégé par la Constitution.
    CSP recommande que le projet de loi soit rejeté dans son intégralité. S'il devait toutefois survivre, il faudrait que ce soit aux conditions minimales suivantes: premièrement, le retrait des dispositions qui restreignent le mandat d'Élections Canada en matière de promotion du vote; deuxièmement — et il s'agit d'un aspect en deux parties — le maintien de l'option de garant, après ajustement pour qu'elle soit plus efficace, ou l'adoption d'un nouveau système d'identification en personne qui traite les électeurs avec dignité et respect.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Madame Mangat.
    Merci, monsieur le président, et merci aux membres du comité.
    L'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique, l'ALCCB, est un organisme national, apolitique et sans but lucratif dont le siège est à Vancouver. Je vais vous parler plus particulièrement de ce qui préoccupe cette association dans le cas du projet de loi, c'est-à-dire la disparition de l'option de garant.
    Les tribunaux sont actuellement saisis d'un recours constitutionnel contre les dispositions relatives aux pièces d'identité d'un électeur qui sont entrées en vigueur en 2007. La cause Henry a été entendue par la Cour suprême de la Colombie-Britannique et par la Cour d'appel de la province. Ces deux cours ont statué que les dispositions relatives aux pièces d'identité d'un électeur sont — a priori — en violation du droit de voter protégé par l'article 3 de la Charte. Les deux cours ont fini par entériner les dispositions en question qu'elles ont jugé justifiables. Lundi, une demande d'autorisation d'appel auprès de la Cour suprême du Canada a été déposée dans la cause Henry.
    L'ALCCB estime que ces dispositions sur les pièces d'identité des électeurs sont une violation injustifiable de la Charte. Elles visent en fait à régler un seul risque purement hypothétique, soit l'usurpation d'identité des électeurs, mais à un prix beaucoup trop élevé: la privation du droit électoral des Canadiens les plus vulnérables et les plus marginalisés. La disparition de l'attestation de garant rend ces dispositions sur l'identité des électeurs inconstitutionnelles et elle est la porte ouverte à une contestation en vertu de la Charte. Se portant à la défense des dispositions en question, dans la cause Henry, le procureur général du Canada a soutenu que l'option de garant est une mesure de replis permettant aux électeurs admissibles, qui ne disposent pas de pièces d'identité, de voter.
    On a beaucoup parlé des 39 pièces d'identité acceptables pour prouver son identité au moment de voter. J'invite les membres du comité à examiner de façon critique cette liste. Bien que ces pièces d'identité soient largement accessibles à une majorité d'électeurs urbains, ce ne sont pas des formes d'identification facilement accessibles pour beaucoup de Canadiens, surtout pour ceux représentés par l'ALCCB. Le sans-abri du Downtown Eastside de Vancouver, par exemple, n'a pas d'état de compte du cotisant du Régime de pensions du Canada. Il n'a pas de factures des services publics, ni d'assurance de véhicule automobile et encore moins de bail ou de déclaration de revenu. Il faut vraiment faire preuve de beaucoup d'imagination pour croire que ces 39 types de pièces d'identité sont une réponse à la privation du droit électoral découlant de ce projet de loi.
    Avant 2007, les déclarations statutaires étaient acceptées comme moyen d'identification. Des centaines d'électeurs du Downtown Eastside ont ainsi signé des déclarations statutaires sous serment pour établir leur droit d'électeur. La demande de déclarations de ce genre était en fait à la hausse. Les amendements apportés en 2007 ont éliminé ces déclarations qui ont été remplacées par le système électoral limité actuellement en vigueur et qui est lui-même menacé.
    S'agissant des pièces d'identité secondaires prescrites, il y en a une sans doute, la lettre d'un abri ou d'une soupe populaire, qui pourrait convenir à la plupart de ces gens-là, mais beaucoup trop de nos concitoyens sont sans abri. Le vol de pièces d'identité est un énorme problème chez les sans-abri de nos villes. Il est coûteux pour eux d'obtenir et de garder des pièces d'identité et c'est même difficile quand ils n'ont pas d'adresse fixe. Quand ils sont en possession de telles pièces d'identité, ils parviennent rarement à établir leur adresse actuelle, comme l'exige la loi.
    Tout le monde reconnaît qu'il faut encourager les Canadiens à aller voter en plus grand nombre et tout le monde semble aussi reconnaître qu'il nous faut réduire le nombre d'irrégularités dans le processus électoral. Là où il y a désaccord, c'est sur la façon d'y parvenir. Les mesures proposées pour réduire le nombre d'irrégularités auront un effet nettement disproportionné sur un grand nombre de nos concitoyens les plus marginalisés et les plus vulnérables. Le projet de loi vise à réduire le nombre d'irrégularités en privant effectivement ces électeurs du droit de vote.
    Dans une société libre et démocratique, le droit de vote ne peut être sacrifié sur l'autel de la commodité administrative. Qui plus est, la promesse sous-jacente voulant que si l'on se débarrasse de l'option de garant, on éliminera ces irrégularités et donc la fraude, est fondée sur de fausses prémisses. Dans le meilleur des cas, les dispositions sur les pièces d'identité des électeurs ne permettront d'éliminer le risque de fraude que dans un seul cas de figure: l'usurpation d'identité des électeurs au moment du scrutin. Rien ne prouve que les irrégularités constatées dans les bureaux de scrutin, même les plus graves, sont dues à des fraudes électorales. Il faut envisager toutes les autres mesures possibles pour s'attaquer à ces irrégularités avant de songer à adopter une mesure régressive ayant pour résultat de priver des personnes de leur droit de vote.
    Ce projet de loi s'appuie sur une prémisse défaitiste, soit que les Canadiens manqueraient d'intégrité au moment d'exercer leur droit politique le plus fondamental. Dans ce projet de loi, on suppose que l'usurpation d'identité est courante, tandis que rien ne le prouve. Il va à l'encontre de l'objet même de la loi qui est de favoriser l'exercice du droit de vote. Il ne contribuera pas vraiment à améliorer le confiance de la population. Au contraire, il va annuler la participation politique des plus marginalisés et des plus vulnérables de la société.

  (1910)  

    C'est là, selon l'ALCCB, que réside la plus grande menace pour l'intégrité de notre système politique.
    Merci.
    De rien.
    Madame Zwibel, c'est à vous, pour cinq minutes au maximum.
    Merci, monsieur le président et merci aux membres du comité de m'avoir invitée à témoigner au nom de l'Association canadienne des libertés civiles.
    L'ACLC est une organisation sans but lucratif, apolitique et non gouvernementale qui promeut le respect des droits humains fondamentaux et des libertés civiles. Cette année marque le 50e anniversaire de l'ACLC en matière de défense des droits et des libertés des Canadiens. C'est en ma capacité de représentante de cet organisme qui défend les droits fondamentaux, y compris le droit fondamental de voter, que je suis venue vous exprimer nos sérieuses préoccupations au sujet de certains aspects du projet de loi C-23.
    Je sais que je dispose de peu de temps, mais dans ma déclaration liminaire, je vais me concentrer sur les aspects du projet de loi qui auront l'incidence la plus marquée et la plus immédiate sur l'électorat et qui, surtout, pourraient éroder le droit fondamental de voter. L'ACLC a soumis un mémoire au comité dans lequel elle décrit en détail nos préoccupations.
    Face à des gens comme vous, je n'ai pas à parler de l'importance du droit de vote ni de son caractère essentiel pour notre démocratie. Le droit de vote est protégé par notre charte et il est exclu des droits sujets à la disposition d'exception. Comme l'a si bien dit notre juge en chef: « Dans une démocratie comme la nôtre, le législateur tient ses pouvoirs de ceux qui l'élisent et il est leur fondé de pouvoir. »
    Permettez-moi de vous dire que vous pourriez sérieusement délégitimiser notre système si, dans votre rôle de fondé de pouvoir du peuple, d'une partie de ceux qui vous ont élus, vous niiez en retour la garantie constitutionnelle du droit de vote qui est la leur.
    Ce qui préoccupe surtout l'ACLC dans le projet de loi C-23, c'est la proposition d'éliminer l'option de garant et l'utilisation de la carte d'information d'électeur comme pièce d'identité. Nous savons que, lors des dernières élections, plus de 100 000 Canadiens ont établi leur identité grâce à un garant. Nous avons toutes les raisons de croire que ces personnes seront privées de leur droit de voter si le projet de loi C-23 devait être adopté tel quel.
    Je comprends que les gens dans cette salle puissent avoir de la difficulté à comprendre pourquoi il peut être nécessaire de recourir à un garant. Pour nombre d'entre nous, moi y compris, il est normal de posséder une pièce d'identité de base. Cependant, ceux qui n'ont pas les pièces d'identité exigées pour pouvoir voter appartiennent souvent aux groupes marginalisés. En général, il ne s'agit pas de gens qui vont témoigner devant ce comité. En fait, j'ai dû montrer une pièce d'identité pour pouvoir être admise dans l'édifice.
    Pourtant, ces gens-là ont décidé de s'exprimer dans l'isoloir lors de la dernière élection. Ils ont décidé d'exprimer leur volonté démocratique. Beaucoup de ceux qui s'en sont remis à l'attestation d'un garant étaient des étudiants, des personnes âgées ou des Autochtones. Beaucoup résident dans des collectivités rurales éloignées. Ne laissez pas tomber ces gens-là et arrêtez d'ériger des barrières pour les empêcher de voter. L'un des principes fondamentaux de notre système veut que chaque vote compte. Nous estimons, pour notre part, que si les changements que va apporter ce projet de loi privent une seule personne du droit de voter, ce sera une personne de trop.
    Nous comprenons que les changements proposés ont surtout pour objet de s'attaquer au problème de la fraude électorale. Quitte à répéter ce qui vous aura déjà été dit à maintes reprises, par un grand nombre de témoins ayant comparu devant le comité, y compris ceux qui sont assis avec moi, on sait que les attestations de garant ont occasionné des irrégularités et des problèmes administratifs, mais rien ne prouve qu'il y ait eu fraude. Rien ne prouve que des personnes n'ayant normalement pas le droit de voter aient eu la possibilité de le faire grâce à un garant. La preuve indiquerait plutôt le contraire.
    Si l'on craint que quelque chose ne fonctionne pas dans l'administration du système électoral, le mieux consiste à prendre des mesures correctives. Une mesure qui priverait certains électeurs de leur droit de vote n'est tout simplement pas acceptable. Nous estimons qu'il s'agit là d'un problème du point de vue de la politique publique tout autant que du point de vue constitutionnel.
    Les sauvegardes entourant l'option de garant — comme la nécessité de tenir un registre et le fait qu'une personne ne puisse se porter garante qu'une seule fois — sont des garanties procédurales. Dans un récent arrêt de la Cour suprême du Canada, les juges ont fait remarquer que les garanties procédurales ne sont pas une fin en soi. Il s'agit de dispositions qui permettent de s'assurer que seuls ceux qui ont le droit de voter puissent le faire, mais ces dispositions font partie de la Loi électorale du Canada dont l'objet général est de permettre à tous ceux qui ont le droit de voter d'exercer ce droit. Il est question de faciliter le droit de vote.
    Qui plus est, la Cour a souligné qu'elle applique une norme de justification très stricte dans son étude des lois ou des actions qui occasionnent un déni du droit de vote. En l'absence de preuve établissant que le système des garants a permis à une personne n'ayant pas le droit de voter d'aller déposer un bulletin, on voit mal comment cette norme très stricte pourrait être respectée. L'ACLC pense que les dispositions du projet de loi vont priver certains électeurs de leur droit de vote, ce qui pourrait coûter de l'argent aux contribuables en situation de litige prolongé et, à terme, être jugé suffisant pour justifier une contestation constitutionnelle dans une cause test.

  (1915)  

    Je vais seulement mentionner brièvement quelques-unes des autres préoccupations de l'ACLC concernant ce projet de loi. Nous les énonçons en détail dans notre mémoire.
    Premièrement, nous prions le comité de supprimer les changements proposés visant l'article 18 de la Loi électorale du Canada qui restreignent de manière considérable le rôle du Directeur général des élections. Cette disposition restreint le rôle important que le DGE joue actuellement. S'il y a des raisons de croire que des électeurs n'obtiennent pas les renseignements essentiels, il faudrait régler ce problème, mais pas aux dépens des autres efforts importants que le Directeur général des élections déploie pour éduquer et rejoindre le public.
    Deuxièmement, nous nous inquiétons des dispositions qui réduisent au secret les enquêtes sur les allégations de fraude ou autres irrégularités électorales. Nous reconnaissons l'importance de préserver la présomption d'innocence et la nécessité de respecter la vie privée, mais le projet de loi actuel n'assure pas un juste équilibre entre ces intérêts et le besoin de transparence et le droit de savoir du public.
    En dernier lieu, nous nous inquiétons des dispositions du projet de loi qui cherchent à établir une distinction entre le financement et la publicité et excluent du compte de dépenses électorales certaines dépenses liées à des activités de financement. Il est carrément impossible d'établir une nette distinction entre la publicité et le financement. En excluant certaines dépenses liées à des activités de financement du calcul des dépenses électorales, il y a un risque de placer un plafond illimité de dépenses et d'un manque de transparence quant aux dépenses engagées.
    C'est également vrai pour la disposition qui exclut des dépenses électorales la valeur des services fournis à un parti pour solliciter des contributions auprès des particuliers qui ont apporté une contribution d'au moins 20 $ au cours des cinq dernières années.
    Pour conclure, l'ACLC exhorte le comité à réexaminer et à supprimer les dispositions dont j'ai parlé.
    J'ai hâte de répondre à vos questions et je remercie encore une fois le comité de nous avoir invités à comparaître.

  (1920)  

    Merci à vous tous pour vos déclarations préliminaires. Elles étaient excellentes.
    Nous allons entamer un tour de questions de sept minutes, en commençant par M. Reid.
    Merci, monsieur le président. J'ai beaucoup apprécié les témoignages.
    J'apprécie que vous soyez tous venus ici aujourd'hui. Merci.
    J'aimerais faire un retour en arrière. Ce n'est pas le premier changement qui est proposé aux lois canadiennes autorisant le recours à un répondant. La Loi électorale du Canada, sous sa forme actuelle, a été modifiée par le Parlement, si je me souviens bien — c'est à ce sujet que j'ai consulté les analystes — en 2006 ou 2007, peut-être 2008, mais en tout cas, à temps pour les élections de 2008. Nous avons pu le confirmer. Par conséquent, les 40e élections générales, qui ont permis d'élire l'Assemblée législative précédente, ainsi que les élections de 2011 ont été menées selon des règles qui limitaient davantage le recours à un répondant que cela n'avait été le cas antérieurement.
    Vous le savez déjà, j'en suis sûr, mais pour que tout le monde ici sache de quoi nous parlons, les restrictions apportées à l'article 143 de la Loi électorale ont précisé qu'il est interdit à un électeur de répondre de plus d'un électeur à une élection; que l'électeur pour lequel un autre électeur s'est porté répondant ne peut lui-même agir à ce titre — ce qu'on appelle les répondants en série. Enfin, le répondant doit vivre dans la même section de vote que la personne dont il répond. Ces restrictions ont été mises en place.
    Premièrement, chacun de vous appuie-t-il les changements qui ont été apportés à ce moment-là? Deuxièmement, si vous en aviez la possibilité, si vous étiez libres de le faire, rétabliriez-vous les dispositions antérieures aux changements apportés à l'article 143 au cours de l'avant-dernière législature?
    Quelqu'un veut-il répondre à M. Reid?
    Monsieur le président, je vais commencer avec plaisir.
    Je dirais que le principe fondamental sur lequel nous nous appuyons est que toute restriction au droit ou à la possibilité de voter devrait être justifiée. Il devrait y avoir des preuves démontrant sa nécessité.
    À ma connaissance, en tout cas, les dispositions du projet de loi C-23 ne corrigent pas un problème. La façon dont le recours à un répondant est enregistré pose un problème administratif, mais le problème n'est pas que des électeurs sont autorisés à voter alors qu'ils n'en ont pas le droit ou du moins, nous n'avons aucune preuve d'un tel problème. Par conséquent, je dirais qu'en ce qui concerne les autres changements plus restrictifs apportés par le passé, il faudrait que je voie quelles étaient les preuves dont on disposait alors. Néanmoins, je dirais que non, nous n'aurions pas non plus appuyé ces changements. Je ne peux pas vous dire ce que l'ACLC a fait ou n'a pas fait à ce moment-là. Je n'en faisais pas encore partie.
    Il est question ici du droit qu'ont les citoyens d'exercer leur volonté démocratique. Par conséquent, si nous restreignons leur capacité de le faire, il faudrait que ce soit pour régler un problème.
    À ma connaissance, avant les modifications apportées en 2007, on pouvait vous demander de fournir des pièces d'identité au bureau de vote, mais vous n'étiez pas tenu de le faire à moins que le fonctionnaire électoral n'ait des doutes au sujet de votre identité lorsqu'il cherche votre nom sur la liste.
    Par conséquent, dans bien des cas, si vous viviez dans la section de vote depuis un certain temps et si vous y aviez déjà voté, les renseignements exacts figuraient probablement sur la liste électorale. Avant 2007, il suffisait de dire: « Je suis Raji Mangat, je vis dans cette section de vote et vous pouvez voir mon nom, ici, sur la liste ». On cochait votre nom et on vous donnait un bulletin de vote. Si on doutait que j'étais bien Raji Mangat, on pouvait me demander de fournir un document pour m'identifier.
    Je crois que lorsque que ces modifications sont entrées en vigueur, il est devenu obligatoire de fournir des pièces d'identité. Jusque-là, on pouvait vous en demander — et le simple bon sens amenait les gens à en avoir sous la main au cas où ils auraient à en présenter — mais ce n'était pas obligatoire.

  (1925)  

    Très bien.
    Madame Farha, pourriez-vous répondre très brièvement? Mon temps est presque entièrement écoulé et je voulais aller au fond de la question, mais dites-moi ce qu'il en est, s'il vous plaît.
    Oui, très brièvement, j'ai fait une recherche historique au sein de mon organisation, qui compte 43 ans d'existence au Canada, pour voir si nous étions intervenus au sujet des réformes apportées en 2007. Nous ne l'avons pas fait et je me suis demandé pourquoi. Bien entendu, on nous avait alors privés de notre financement.
    Mais nous sommes intervenus dans les années 1990. J'ai constaté, et notre position aurait été la même en 2007, que nous nous sommes demandé qui avait recours à un répondant et nous avons constaté qu'il s'agissait des communautés les plus marginalisées. Nous tenons à ce que ces communautés marginalisées soient aidées à voter. Par conséquent, nous nous opposons à un système qui empêche les gens de voter.
    La seule raison pour laquelle j'ai posé la question — et je vous remercie toutes de m'avoir donné des réponses complètes; vous connaissez très bien l'historique de la loi — c'est d'abord parce qu'un changement important a eu lieu par le passé sans devenir la cause célèbre qu'il semble être maintenant. Cela m'étonne beaucoup. Je ne vous en blâme pas; je le fais seulement remarquer.
    La deuxième chose que je voudrais souligner est que l'identification par un répondant est, en fait, une solution très imparfaite. Si vous prenez l'affaire Wrzesnewskyj c. Opitz portée devant la Cour suprême, vous avez un groupe de la population pour lequel les règles actuelles n'autorisent pas l'identification par un répondant. La cour a dû se pencher sur tout le processus. Une des choses qui m'ont étonné, étant donné tout ce qui a été dit au sujet des gens que cela privera du droit de vote, c'est que personne n'a préconisé de rétablir l'identification par un répondant pour les personnes vivant dans ces établissements de soins, même si c'est l'exemple le plus évident de cas où la fraude serait impossible. Je pense donc que c'est davantage un prétexte pour exprimer un mécontentement général au sujet d'autres questions qu'un problème sérieux. Je ne veux dénigrer personne ici, mais j'ai l'impression que cela explique les réactions émotives.
    Je dois dire que dans l'exemple qui a été cité de la femme qui doit quitter son foyer, le recours à un répondant ne réglerait pas une question fondamentale. Son domicile se trouve de façon presque certaine dans la section de vote où vit son ex-époux, si bien qu'il faudrait que ce dernier ou un habitant du quartier réponde d'elle pour qu'elle puisse voter. Je sympathise avec cette femme, mais je pense que le recours à un répondant ne règle pas vraiment son problème. Il y a peut-être une autre solution. L'attestation d'un répondant n'est pas vraiment la solution, surtout si elle vit dans un endroit, par exemple dans un immeuble, où la seule personne qu'elle connaît est son mari. Voyez-vous où je veux en venir?
    Merci.
    C'est au tour de M. Scott, pour sept minutes. Allez-vous commencer?
    Merci, monsieur le président. Je vais prendre cinq minutes et en accorder deux à mon collègue.
    Je vais être attentif et vous faire signe.
    Très bien.
    J'aimerais bien faire suite à ce qu'a dit M. Reid. Quant à savoir si le lieu de résidence de l'intéressée est l'endroit qu'elle a quitté ou bien l'endroit où elle est allée, je penserais plutôt que c'est l'endroit où elle est allée — mais peu importe.
    J'ai une question à poser à chacune de nos témoins. J'apprécie votre présence ici et je voudrais commencer par Leilani Farha. Dans vos documents, vous mentionnez une citation de la Cour constitutionnelle de l'Afrique du Sud disant que le droit de vote est un « gage de dignité et d'identité individuelle ». Plus loin, vous dites vous-même à propos du droit de vote des personnes défavorisées, qu'il est important de voir plus loin que leur situation sociale. Selon ce point de vue, pour une personne marginalisée dans la société, le droit de vote devient presque un privilège ou un droit secondaire plutôt qu'un droit complexe et important, sinon plus important pour les gens dans cette situation. Donc, je le comprends.
    Vous avez terminé en disant que si le recours à un répondant disparaissait, il faudrait au moins un système d'identification en personne. Avez-vous une idée de ce que cela donnerait si ce système repose sur le principe de la dignité de la personne? À quoi cela ressemblerait-il?
    Merci pour cette question.
    Je tiens à souligner que je suis la directrice générale d'un organisme oeuvrant contre la pauvreté. Je ne passe pas mon temps à chercher comment établir des bons systèmes électoraux. Cela dit, cela me paraît évident. Si vous essayez de protéger la dignité des gens et si vous tenez compte de leur situation — celle des personnes qui se trouvent dans une situation difficile et qui pourraient autrement recourir à un répondant pour voter. Si ces personnes en sont arrivées au stade où elles sont en mesure de voter, il faut avoir un système simple, direct et facile à appliquer pour tout le monde — non seulement la personne qui va voter, mais aussi les personnes qui l'accueillent.
    J'ai essayé d'explorer un peu la question avant de venir. Certains ont lu dans les médias ce qui s'est fait en Australie, un pays où j'ai vécu pendant deux ans, dans le Queensland. On a là-bas une solution très simple et très directe. Je vais vous lire une citation: « Pour voter au Queensland, il suffit aux Australiens d'aller se balader jusqu'au bureau de vote » — je dirais que certains d'entre eux y arriveront nu-pieds — « de dire qu'ils n'ont pas de pièce d'identité et de signer une déclaration confirmant leur identité, qui est ensuite vérifiée au moyen de la liste électorale. »
    Cela semble assez facile, sans complication, simple et direct. C'est une formule tout à fait décente. Vous arrivez au bureau de vote, vous dites qui vous êtes, vous prêtez serment — cela peut être une formule juridique quelconque — et vous votez.

  (1930)  

    Il faudrait voir également si cela pourrait s'appliquer ici, car nous n'avons pas forcément le même genre de système de recensement qu'en Australie. Il faudrait examiner la question.
    Cara Zwibel, je voudrais parler avec vous de vos objections au sujet de l'exclusion des activités de financement du compte des dépenses électorales. Quels problèmes y voyez-vous? De quoi s'agit-il? Pourquoi cela vous inquiète-t-il?
    Cela m'inquiète parce que le projet de loi essaie d'établir une distinction en ne comptant pas dans les dépenses électorales les dépenses reliées à des activités de financement. Cela veut dire, selon moi, qu'en général, elles ne seront pas déclarées clairement. Dans un projet de loi présenté comme une mesure visant à sortir l'argent de la politique — le gouvernement a beaucoup parlé de la nécessité de transparence et de responsabilisation — une disposition qui tente d'établir cette distinction et qui soustrait ces dépenses de celles qui seront visibles au cours de l'examen des dépenses et des rapports d'élection est problématique. On voit mal comment un candidat ou un parti solliciterait des fonds sans également solliciter des votes. L'idée voulant que ces éléments puissent être séparés présente un défaut fondamental.
    En ce qui concerne l'autre disposition qui exclut les dépenses faites pour contacter les personnes ayant fait des contributions antérieures de 20 $ ou plus au cours des cinq dernières années, nous craignons notamment que cela ne confère un avantage aux partis les mieux établis, aux vieux partis et ne défavorise les partis plus récents. L'équation électorale qui définit ce que peuvent faire d'une part, les partis et candidats et, d'autre part, les électeurs repose en partie sur le principe que les règles du jeu doivent être équitables et je pense que cette disposition y porte atteinte.
    Merci.
    Désolé, monsieur Scott, je ne vous ai pas fait signe d'arrêter après cinq minutes.
    Monsieur Christopherson, prenez la minute et demie restante.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup pour vos exposés; ils sont vraiment excellents. J'apprécie particulièrement les exemples concrets de gens qui ne pourront pas voter suite à l'élimination du recours à un répondant. Je suis certain qu'après avoir parcouru la planète, le gouvernement a trouvé une personne qui est d'accord avec lui tandis que pratiquement tous les autres experts le désapprouvent, mais nous persévérons quand même.
    Une des autres choses qu'il supprime, c'est le rôle que le directeur général des élections joue pour informer les Canadiens. Étant donné la population dont nous parlons, à quel point pourrait-il être préjudiciable de limiter son rôle à fournir des renseignements de base comme le lieu et la date du vote et rien de plus?
    Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez, s'il vous plaît?
    Certainement. Je vais me lancer.
    J'ai seulement mentionné une de nos objections par manque de temps, mais l'article 7 du projet de loi, qui est celui dont vous parlez et qui modifiera l'article 18 en limitant les renseignements que le Directeur général des élections peut échanger avec le public, est également très problématique selon nous. Nous ne voyons vraiment pas pourquoi le genre de renseignements inclus dans le projet de loi — le lieu, la date et comment voter — ne pourraient pas être ajoutés à ce que le Directeur général des élections est déjà autorisé à faire ou pourquoi il serait nécessaire d'établir une distinction. Pour ce qui est de la promotion de la participation politique et de l'adhésion à la démocratie, de la valeur du vote, des notions qui vont plus loin que le fait d'aller au bureau de vote et de recevoir des instructions — pourquoi vouloir limiter cela? À notre avis, cela aurait des conséquences très négatives pour les populations que nous desservons.
    Ce sont les personnes dont le taux de participation au scrutin a toujours été faible et que nous aimerions inciter à participer davantage à la politique. Pour la plupart de ces personnes, leur droit de vote est probablement la façon la plus fondamentale et même la seule dont elles peuvent participer activement à notre système politique. Nous estimons donc que la suppression de ce pouvoir nuira gravement à la démocratie.

  (1935)  

    Merci.
    Monsieur Simms, vous disposez de sept minutes, s'il vous plaît.
    Merci et je remercie nos invités d'être venus.
     Je vais commencer par Mme Mangat. Vous avez parlé tout à l'heure de la Charte et du droit de vote. Je voudrais seulement citer deux extraits de la décision rendue par la Cour suprême au sujet d'Etobicoke-Centre. Je crois que cela renforce vos dires car c'est, selon moi, un argument très percutant:
Si les élections peuvent être facilement annulées sur la base d'erreurs administratives, la confiance du public dans le caractère définitif et la légitimité des résultats électoraux s'en trouvera affaiblie.
    Également, au paragraphe 8, on peut lire que le juge:
… a aussi statué que le terme « irrégularité », non défini dans la loi, doit recevoir une interprétation large…
    Êtes-vous d'accord pour dire qu'il s'agit plus d'une interprétation libérale de la loi, du moins à en juger par ce projet de loi et que cette notion a été complètement éliminée? Pour revenir à ce que vous avez dit, cela porte atteinte à l'article 3 de la Charte.
    Oui, je pense que la façon dont on a confondu les irrégularités ou les graves irrégularités avec la fraude pose problème. Si vous examinez la totalité de la preuve qui a été présentée et toutes les études qui ont été réalisées — cela remonte même à 2007 quand les règles à l'égard de l'identification des électeurs sont devenues obligatoires — il n'y avait alors aucune preuve. Nous n'avons toujours pas la preuve d'incidents isolés — et encore moins à grande échelle — de gens qui se présentent sous une fausse identité dans un bureau de vote, la seule chose que l'identification des électeurs permet d'éviter. C'est une façon très limitée de frauder…
    Désolé de vous interrompre. Par conséquent, selon vous, les dispositions prises en 2007 n'ont même pas réglé les problèmes qu'elles devaient résoudre.
    Je ne pense pas avoir répondu comme il faut à la question de M. Reid, mais la BCCLA s'est opposée à ces règles d'identification des électeurs lorsqu'elles sont entrées en vigueur. Il y a d'ailleurs eu une contestation fondée sur la Charte devant au moins deux tribunaux de la Colombie-Britannique et une demande d'appel devant la Cour suprême du Canada vient même d'être logée cette semaine.
    Dans ces deux cas, le tribunal de première instance et la Cour d'appel de la Colombie-Britannique ont jugé que prima facie, à première vue, les dispositions régissant l'identification des électeurs violaient l'article 3. Là où le bât blesse, c'est dans l'analyse de l'article 1. Il incombe au gouvernement de démontrer pourquoi ces lois sont nécessaires et il les justifie en arguant que les tribunaux ont confirmé leur validité. Néanmoins, nous estimons qu'on a été trop indulgent envers le gouvernement étant donné que, comme Cara l'a mentionné tout à l'heure, il n'y avait aucune preuve du problème qu'on essayait de régler. Nous avons signalé le problème en 2007. Nous constatons maintenant, en 2014, qu'on va jusqu'à supprimer, ou propose de supprimer le recours à un répondant que le procureur général a lui même décrit comme une garantie
    Par conséquent, nous constatons un grignotage progressif et nous craignons fort que cela continue.
    Cela doit vous inquiéter, car on prend maintenant, dans ce projet de loi, un marteau pour tuer un moustique.
     Je voudrais dire aussi, avant de manquer de temps, madame Farha, que lorsque nous avons interrogé le ministre au sujet des personnes qui vivent dans des refuges et des foyers pour personnes âgées… bien entendu, c'est en dehors de votre champ de spécialisation. Néanmoins, pour ce qui est des refuges situés dans les grands centres urbains, quelqu'un a dit, je crois, que cela s'applique surtout aux gens vivant dans les banlieues qui possèdent une des 39 pièces d'identité en question, mais qu'une bonne partie de ces pièces, comme la carte d'assurance maladie, ne portent pas l'adresse, ce qui est nécessaire. Le ministre parle toutefois d'attestations.
    Pouvez-vous nous parler de l'utilisation des attestations pour permettre aux gens de voter ou de faire autre chose?
    Oui. Quand vous parlez des attestations, je pense que c'est à propos des personnes qui vivent dans un refuge ou qui ont recours à un service d'alimentation, une banque d'alimentation et qui demandent au responsable de leur fournir une attestation.

  (1940)  

    Et qu'en est-il des logements à loyer modéré?
    Oui, cela s'applique aussi à ceux qui vivent dans des logements à loyer modéré…
    Il est très difficile pour les personnes à faible revenu qui se trouvent dans ces situations d'aller demander une attestation. C'est assez humiliant. Souvent, elles n'ont pas envie de parler à leur propriétaire pour obtenir une attestation, ou de s'adresser au surveillant d'un refuge, etc. Parfois aussi, dans le cas des sans-abri, ils passent deux semaines dans la rue, trouvent place dans un refuge pendant une ou deux nuits et ne connaissent pas le personnel de l'établissement. Ils ne vont pas demander une attestation.
    Comme je l'ai dit, c'est humiliant pour eux. C'est la conséquence de la gêne qu'ils éprouvent et de l'absence de rapports humains.
    Merci beaucoup.
    Combien de temps me reste-t-il?
    Il vous reste presque deux minutes.
    Bien.
    Je m'adresse à l'ACLC. Vous avez parlé tout à l'heure d'un problème sur le plan constitutionnel. Était-ce uniquement à propos du recours à un répondant?
    Oui. J'estime que la question du répondant est le problème le plus évident du point de vue constitutionnel.
    Désolé de vous interrompre de nouveau.
    Pouvez-vous me donner des exemples de provinces — les autres témoins voudront peut-être également répondre — où l'on a jugé nécessaire de remédier au problème des répondants ou qui s'inquiètent du risque de fraude, même si nous n'en voyons pas beaucoup de preuves?
    Ont-elles proposé une solution de remplacement qui vous semble être raisonnable? Je crois qu'il faut remplacer ce système par un autre au lieu de l'éliminer.
    Allez-y.
    Je ne sais pas si je peux répondre à cette question. Je ne sais pas si je connais suffisamment les différentes lois provinciales pour savoir quels étaient les problèmes.
    J'ai suivi les audiences du comité et je sais que certains témoins ont proposé d'autres possibilités. Je sais que certains membres du comité ont posé des questions au sujet d'autres options et je suis convaincue qu'il vaut la peine d'explorer certaines d'entre elles. Je suis tout à fait pour l'ajout d'options différentes dans la loi électorale actuelle afin de faciliter l'exercice du droit de vote, mais je dirais qu'elles doivent s'ajouter à ce que prévoit déjà la loi.
    Tant que nous ne saurons pas qu'une solution est efficace, nous ne devrions pas supprimer le recours à un répondant. Nous ne voulons pas priver les gens du droit de vote dans l'espoir que notre solution de remplacement réglera le problème. Si nous voulons le régler, réglons-le et veillons à ce que ce soit efficace avant de supprimer quoi que ce soit.
    Merci, monsieur Simms.
    Monsieur MacKenzie, vous disposez de quatre minutes, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président. Je voudrais partager mon temps avec M. Richards.
    S'il vous en reste, je le lui accorderai. Dans le cas contraire, il attendra un autre tour…
    Merci.
    J'apprécie la présence de nos témoins. Vous parlez avec votre coeur et avec émotion.
    Néanmoins, j'ai entendu d'autres témoins citer les mêmes chiffres et apparemment, tout le monde parle de 100 000 personnes qui perdront le droit de vote. D'où vient ce chiffre?
    Je pense qu'il émane du Directeur général des élections qui a mentionné le nombre de fois où l'attestation par un répondant a été utilisée au cours des dernières élections.
    Si je vous disais qu'on a dépouillé un certain nombre de sacs et formulé cette hypothèse à partir de là, comment savoir qui étaient ces 100 000 personnes? Vous semblez croire qu'il s'agit en totalité ou en majorité de personnes marginalisées.
    Avez-vous des preuves ou des indications selon lesquelles ce sont bien ces personnes qui ont eu besoin d'un répondant?
    Je suppose que si vous avez une pièce d'identité, vous préférerez l'utiliser que de compter sur quelqu'un d'autre pour attester de votre…
    Bien. Si je vous dis que j'étais à un bureau de vote et qu'un homme d'affaires et sa femme que je connaissais se sont présentés sans pièce d'identité parce qu'ils ne pensaient pas devoir en apporter et qu'ils ont eu besoin de quelqu'un pour attester de leur identité… Ce n'était pas des marginaux.
    Je ne pense pas que nous sachions qui sont ces personnes. Je ne pense pas que nous ayons des registres à ce sujet. Je ne conteste pas ce que vous dites, mais je ne pense pas que nous ayons le moindre registre permettant de savoir qui a besoin d'un répondant.
    Personne ici ne dit, je pense, que les gens qui ont besoin d'un répondant sont seulement les personnes marginalisées ou vulnérables. Aucun de nous, je pense, n'a dit cela. Quant au…

  (1945)  

    C'est, je crois, ce que nous entendons dire. On cite constamment le chiffre de 100 000 personnes marginalisées qui vont être…
    Ce que nous disons, je pense, que ces personnes sont celles qui risquent le moins de pouvoir, comme cet homme d'affaires et sa femme, rentrer chez eux pour aller chercher leur pièce d'identité et revenir.
    Je le comprends, mais nous ignorons si ces personnes se présentent aux bureaux de scrutin pour voter et font appel à un répondant. Voilà où je veux en venir. Nous ignorons qui sont ces personnes.
    En effet, et nous ne saurons pas combien de gens ne voteront pas et combien seront dissuadés de voter si c'est adopté tel quel.
    Très bien.
    Ma question est maintenant la suivante. Savez-vous combien de provinces, territoires et municipalités autorisent le recours à un répondant? Avez-vous émis des objections à celles qui ne l'autorisent pas?
    Je l'ignore. Je sais que certaines provinces ne l'autorisent pas, mais il faudrait que je voie ce qu'elles autorisent. Jusqu'à récemment, il n'était pas nécessaire de présenter une pièce d'identité pour voter aux élections fédérales. Par conséquent, il faut d'abord voir ce qui est permis avant de dire que l'attestation par un répondant n'est pas autorisée.
    J'apprécie que vous mentionniez notre sincérité, car il est sans doute difficile d'essayer de comprendre la raison de nos inquiétudes. Quel problème cherchons-nous à résoudre? Craint-on sérieusement que beaucoup de gens se présentent dans les bureaux de vote dans l'espoir de chambouler tout le système en prétendant être quelqu'un d'autre? Je suis peut-être pragmatique, mais je ne pense pas que ce serait un moyen très efficace de chambouler le système.
    Des voix: Oh, oh!
    Mme Cara Zwibel: Lorsque nous regardons les moyens que nous prenons pour assurer l'intégrité de notre système électoral, nous devons voir si son intégrité est vraiment en danger. Je n'en ai vu aucune preuve.
    Oui, absolument. Je peux dire qu'en Colombie-Britannique le directeur des élections a récemment ajouté les flacons de médicaments vendus sur ordonnance comme moyen d'identification que les gens peuvent utiliser. Comme l'a dit Cara…
    Il n'y a pas l'attestation par un répondant?
    En effet. Cela n'existe pas, mais on examine les autres solutions qui peuvent être mises en place.
    Ce projet de loi supprime quelque chose. Je ne vois pas ce qu'il propose de mettre en place.
    Puis-je répondre?
    Certainement. Une brève réponse, s'il vous plaît, car le temps imparti à M. MacKenzie est écoulé.
    Ce sera ensuite à M. Richards.
    Tout d'abord, je dirais que je parle avec mon coeur, mais aussi avec ma tête.
    Deuxièmement, je signale que selon un rapport des élections fédérales de 2008, 500 000 personnes ont dit qu'elles n'avaient pas voté faute de pièce d'identité. C'est 500 000.
    Par conséquent, si vous additionnez le tout, vous pouvez voir que l'identification pose un sérieux problème et que c'est un obstacle. Je ne m'inquiète pas tellement à l'idée qu'un homme d'affaires et sa femme…
    Une voix: [Note de la rédaction: inaudible]
    Monsieur MacKenzie, votre temps est écoulé.
    Non, bien sûr, mais simplement parce que vous avez vu un homme d'affaires… Je travaille auprès des sans-abri et des pauvres et je sais qu'ils votent en recourant à un répondant. Je sais qu'ils font appel à un répondant…
    Je ne mets pas votre parole en doute.
    Merci.
    Madame Latendresse, s'il vous plaît, vous disposez de quatre minutes.
    Comme M. MacKenzie a eu deux secondes supplémentaires, je serai peut-être gentil avec vous.

[Français]

    C'est bien gentil, monsieur le président.
    Étant donné qu'il y a ici deux personnes qui travaillent auprès des gens les plus pauvres de notre société, les sans-abri, je voudrais revenir sur une chose. Le ministre parle sans arrêt des 39 pièces d'identité qui peuvent être utilisées quand on va voter. Ce qu'il n'explique pas, par contre, c'est qu'il faut fournir deux pièces d'identité pour pouvoir voter, dont une qui comporte une adresse. Il parle de la lettre qu'une soupe populaire ou un refuge peut fournir à une personne sans-abri, mais il reste que cette personne n'aura toujours qu'une pièce d'identité, qui ne comporte pas d'adresse. En fin de compte, si la personne n'a pas sur elle de pièce d'identité avec adresse, elle ne peut pas voter. Elle pourrait avoir une carte d'assurance-maladie et ne pas pouvoir voter pour autant, même si elle avait en sa possession une lettre provenant d'un refuge.
    Le fait de considérer que la personne sans-abri n'a qu'à se procurer une lettre est problématique pour une autre raison également. Il me semble en effet que les responsables des refuges pour sans-abri doivent déployer beaucoup d'énergie et de ressources pour accomplir une foule de tâches et qu'ils ne sont pas nécessairement en mesure de fournir de la paperasse à des gens pour que ceux-ci puissent aller voter. Pour ma part, j'aimerais beaucoup mieux qu'ils utilisent leur énergie pour aider ces gens.
     Ça me fatigue beaucoup. Je sais que vous connaissez vraiment bien cette situation. On dit qu'il n'y a pas de problème, que ces personnes n'ont qu'à obtenir une lettre, or c'est un vrai problème, à mon avis. J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.

  (1950)  

[Traduction]

    Vous l'avez dit vous-même. Ce n'est pas si facile et je suis certainement d'accord avec vous. Les refuges pour les sans-abri, les soupes populaires et les missions sont des endroits extrêmement occupés qui reçoivent des centaines de gens. L'idée voulant qu'il suffise d'y entrer pour obtenir une lettre d'attestation est, comme je l'ai dit, parfaitement ridicule.
    Ce qui m'inquiète, et cela me ramène au cas hypothétique de M. Reid. Même si la femme que j'ai décrite ne peut pas trouver de répondant, je voudrais savoir quelle solution propose M. Reid. Elle ne va pas pouvoir prouver son identité. Cela ne lui permettra pas de prouver son identité et si le projet de loi est adopté, personne ne pourra répondre d'elle. Qu'arrivera-t-il alors? Elle ne votera pas. C'est la conclusion logique des propos de M. Reid.
    Vous soulevez, je pense, des questions très importantes. Compte tenu de mon expérience de travail auprès des pauvres et des sans-abri, je dirais que la vie de ces personnes est chaotique et qu'une jolie petite liste ne convient peut-être pas pour des gens dont la vie est chaotique.
    J'ajouterais une chose au sujet des attestations. Les gens oublient souvent, je crois, que la signature figurant sur l'attestation doit correspondre à la liste de signatures qui se trouve au bureau de vote. Vous ne pouvez pas vous adresser à n'importe qui au refuge pour sans-abri ou à la soupe populaire. Vous devez veiller à ce que la signature du répondant figure sur la liste de signatures vérifiées des fonctionnaires électoraux. Lorsque vous vous présentez avec une lettre d'attestation, ces derniers doivent pouvoir comparer les signatures pour dire que la lettre émane bien du syndicat, de la mission, de la soupe populaire ou que sais-je encore.

[Français]

    De plus, une personne sans-abri qui n'aurait pas d'autre pièce d'identité pourrait suivre toutes ces étapes et faire l'objet d'une attestation valide, mais ne pas pouvoir voter pour autant, étant donné l'absence d'adresse. C'est vraiment un problème.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    C'est au tour de M. Richards, pour quatre minutes.
    Monsieur le président, je vais partager le début de mon temps avec M. Reid.
     [Note de la rédaction: inaudible] … beaucoup plus généreux que M. MacKenzie ne l'a été en me restituant du temps.
    Oui, apparemment.
    Tout ce que peut faire M. MacKenzie, je peux le faire en moitié moins de temps.
    Madame Farha, je voudrais revenir sur l'exemple hypothétique de la femme qui a quitté le mari qui l'a maltraitée. Dans un certain sens, son problème est le même que celui de quiconque vient de déménager. Elle vit à une adresse différente. Ses papiers d'identité indiquent une autre adresse que celle où elle vit.
    Néanmoins, c'est un second problème qui me tracasse. Je n'avais pas pensé à cet exemple avant que vous ne le mentionniez. En fait, elle a un lieu de résidence et c'est le refuge. Ces refuges sont souvent à des endroits gardés secrets pour protéger les femmes contre le conjoint qui peut les menacer. En théorie, cette dame pourrait obtenir une attestation pour voter, mais cela crée pour elle un autre problème. C'est un problème complexe et je ne pense pas que l'attestation par un répondant puisse le résoudre. Je ne sais pas vraiment quelle est la solution, mais c'est un problème qu'il vaut la peine d'examiner.
    C'est tout ce que j'avais à dire et j'espère cela vous convient.
    Vous avez pris un peu plus d'une minute de son temps, mais il reste à M. Richards un peu plus de deux minutes.
    Allez-y.
    Merci beaucoup.
    J'aurais une ou deux choses à dire, mais je vais passer directement aux questions. Je pense que c'est à peu près sur le même sujet.
    Je voudrais citer un exemple. Deux d'entre vous, je pense que c'était Mme Farha et Mme Zwibel, ont cité l'exemple dont nous parlons d'une femme qui a fui la violence conjugale et qui vit dans un refuge pour femmes. Ma question est centrée sur ce sujet.
    Madame Farha, vous avez dit, je crois, que vous travaillez directement — et peut-être vous aussi, madame Zwibel — auprès des femmes qui sont dans cette situation. Je suppose que les refuges ne se contentent pas d'offrir un toit à ces femmes. Ils doivent essayer de les aider à s'en sortir et à retomber sur leurs pieds. Pourriez-vous me parler un peu du genre de choses qu'ils font pour les aider dans ce genre de situation?

  (1955)  

    Dans le scénario que j'ai évoqué, la femme n'est pas allée dans un refuge. Elle s'est réfugiée chez une amie et il y a une distinction importante à faire. Je n'ai pas dit si cette femme avait des enfants ou non, mais lorsqu'une femme mère de famille qui est victime de violence quitte le foyer familial, souvent, elle ne va pas dans un refuge. Si elle a deux enfants, un garçon et une fille, elle n'ira certainement pas dans un refuge parce qu'elle n'y sera peut-être pas acceptée. Il y a des complications.
    J'ai cité l'exemple d'une femme qui s'installe chez une amie, chez une soeur ou quelqu'un d'autre, car il est très fréquent, dans notre pays, que deux ou trois familles se partagent un logement surpeuplé. C'est une situation que nous constatons aussi très souvent dans le nord.
    Je préfère ne pas répondre pas à votre question, car je ne vois pas son rapport avec ce dont j'ai parlé.
    Il y a un rapport. Si vous préférez ne pas répondre, quelqu'un d'autre voudra peut-être me dire ce que ferait un refuge pour femmes battues pour aider une femme dans cette situation à retomber sur ses pieds? Y a-t-il quelqu'un qui souhaiterait répondre à cette question?
    L'Association canadienne des libertés civiles ne travaille pas auprès de cette population.
    Je pose la question, car je suppose que dans bien des cas, les refuges aideront ces femmes à s'en sortir. La première chose qu'ils vont faire, étant donné que vous avez besoin de pièces d'identité pour toutes sortes de choses, ce sera probablement les aider à obtenir des papiers d'identité et ouvrir un compte en banque. Par conséquent, elles auront les pièces d'identité requises. Elles auront un compte en banque, et un relevé bancaire est l'une des pièces d'identité en question.
    Ce ne sont que quelques exemples. Il y en a beaucoup. Si vous prenez la liste des 39 pièces d'identité qui leur permettrait… Ces personnes commencent à reprendre leur vie en main, c'est une des premières choses qu'elles font ce qui, bien sûr, leur donne aussi la possibilité de voter.
    Merci, monsieur Richards. Je remercie les témoins. Vous avez été excellents ce soir.
    Comme l'a dit M. MacKenzie — je reprends ses paroles — vous avez parlé avec votre coeur et votre tête et nous vous remercions infiniment d'être venues ce soir.
    Nous allons suspendre la séance pendant deux minutes en attendant de passer au groupe de témoins suivant.

  (1955)  


  (2000)  

    Nous allons reprendre la séance pour entamer notre deuxième heure d'audience de ce soir.
    Le témoin est James Quail, un avocat.
    Monsieur Quail, pouvez-vous m'entendre?
    Oui, je vous entends.
    Très bien. Merci. Nous vous entendons bien également.
    J'aime beaucoup la vue derrière vous.
    Formidable. Il fait beau aujourd'hui à Vancouver.
    Vous allez tourner le fer dans la plaie.
    Madame Tamara Lenard.
    Très bien. Merci beaucoup.
    Vous êtes là également.
    Je suis là.
    Vous serez nos deux invités pour la prochaine heure.
    Monsieur Quail, si vous avez préparé pour le comité une déclaration préliminaire de pas plus de cinq minutes, vous pouvez commencer le premier, après quoi nous laisserons l'autre témoin faire sa déclaration et nous passerons ensuite aux questions des membres du comité.
    Allez-y, s'il vous plaît.
    Très bien. Merci.
    J'ai été conseiller juridique des électeurs qui ont contesté la dernière série de modifications importantes apportées à la Loi électorale, lorsque l'obligation de présenter des documents d'identification approuvés a été mise en place et que l'identification par un répondant a été limitée. C'était en première instance, dans l'affaire Henry c. Canada.
    Dans cette cause, la Cour suprême de la Colombie-Britannique et la Cour d'appel de la province ont jugé que les exigences imposées aux électeurs pour leur identification portaient atteinte au droit de vote garanti à l'article 3 de la Charte, mais que cette atteinte pouvait être justifiée en vertu de l'article 1. Dans la cause Henry, l'avocat du gouvernement a reconnu qu'il n'y avait pas de preuve de fraude électorale importante au Canada. L'argument que le gouvernement a invoqué pour justifier ces règles était purement la volonté d'éviter la perception d'un risque de fraude électorale.
    Il y a une différence importante entre le fait de voter frauduleusement et les irrégularités sur le plan de la procédure électorale. Plus les règles régissant le vote et le dépouillement des votes sont restrictives ou compliquées, plus le risque d'irrégularités procédurales est important. Autrement dit, plus le processus est complexe, plus le risque de dysfonctionnement est élevé. Nous avons surtout besoin d'une mesure simple et infaillible pour protéger les électeurs contre une privation non intentionnelle de leur droit de vote.
    Dans la cause Henry, le gouvernement a largement invoqué l'utilisation de la procédure d'attestation par un répondant comme soupape de sûreté pour faire valoir que les nouvelles règles auraient des conséquences minimes et seraient donc conformes à l'article 1 de la Charte. Cette procédure est éliminée sans être remplacée par une autre soupape de sûreté, si bien que la seule façon d'établir le droit de vote sera la production de pièces d'identité. Non seulement cela démolira l'argument du gouvernement selon lequel les exigences à l'égard de l'identification des électeurs sont conformes à l'article 1, mais cela contribuera davantage à augmenter plutôt qu'à éviter les irrégularités électorales.
    Prenez le nombre d'adultes qui sont citoyens du Canada, qui ont déménagé d'une circonscription à une autre, mais qui n'ont pas encore mis à jour leurs pièces d'identité. Lorsqu'une élection a lieu, si la seule façon d'établir leur droit de vote est de produire une preuve documentaire approuvée de leur adresse, le seul endroit où ils peuvent voter est la circonscription dans laquelle ils habitaient précédemment, ce qui n'est évidemment pas le bon endroit où ils devraient voter.
    Dans la cause Henry, un moyen moins contraignant d'atteindre les objectifs du Parlement que nous avons proposé consistait à permettre aux électeurs dépourvus de pièces d'identité de faire une déclaration sous serment attestant de leur identité et de leur lieu de résidence. Nous avons fait valoir qu'il s'agirait d'une preuve plus fiable que, disons, une carte de bibliothèque ou une carte du Service de la faune de l'Ontario, deux documents inscrits sur la liste des documents approuvés, d'autant plus qu'une fausse déclaration sous serment est un acte criminel. Cela garantirait qu'aucun citoyen ne serait indûment privé de son droit de vote.
     J'ai entendu aux nouvelles aujourd'hui que le ministre s'est maintenant dit prêt à envisager de modifier le projet de loi pour permettre aux électeurs qui ne peuvent pas produire les pièces d'identité approuvées aux bureaux de vote de faire une déclaration sous serment. J'appuie sans réserve cette proposition. C'est une procédure bien meilleure et beaucoup plus simple que l'attestation par un répondant. Cette solution réglerait entièrement le problème en ce qui concerne les répercussions du projet de loi sur l'accès au droit de vote au Canada.
    Le droit de vote appartient aux citoyens du Canada et non pas au gouvernement ou à une assemblée législative. Surtout en l'absence de consensus national à l'égard du bien-fondé des changements proposés, le gouvernement ne devrait pas apporter des changements qui augmentent la difficulté de voter. Le problème au Canada n'est pas qu'il y a trop de gens qui votent, mais qu'il n'y a pas suffisamment de personnes participant au processus démocratique.
    Voilà ce que j'avais à dire. Merci.

  (2005)  

    Merci beaucoup, monsieur Quail.
    Patti Tamara Lenard, excusez-moi, j'ai oublié de mentionner tout à l'heure que vous représentez le Centre canadien de politiques alternatives.
    Veuillez faire votre déclaration préliminaire.
    Merci beaucoup.
    Merci infiniment de nous recevoir aujourd'hui. Je représente le Centre canadien de politiques alternatives.
    Désolé; vous êtes aussi professeure.
     Je suis également professeure adjointe en éthique appliquée à l'École supérieure en affaires publiques et internationales de l'Université d'Ottawa et je suis ici à titre d'attachée de recherches au CCPA. Je suis aussi — certains d'entre vous le savent peut-être — la coauteure, avec plusieurs autres professeurs canadiens, d'une lettre ouverte concernant le projet de loi C-23 parue dans le National Post en mars.
     Les opinions que je vous présente aujourd'hui sont les miennes et ne représentent pas nécessairement celles des 180 signataires de cette lettre. Parmi les nombreux problèmes que soulève la Loi sur l'intégrité des élections, j'aimerais en citer un en particulier, dont M. Quail a déjà parlé, et c'est la façon dont cette loi vient compromettre l'égalité politique au Canada en compliquant l'accès au droit de vote en général et plus particulièrement pour les Canadiens vulnérables.
    Comme nous l'avons déjà entendu dire aujourd'hui, elle le fait en proposant d'éliminer les répondants et en imposant des exigences plus strictes concernant l'identification de l'électeur. Je tiens à souligner qu'au Canada, ces exigences sont déjà plus strictes que dans bien d'autres pays. En effet, dans les grandes démocraties suivant le modèle de Westminster, notamment le Royaume-Uni, l'Australie et la Nouvelle-Zélande, on exige seulement que l'électeur figure au registre; aucune identification n'est requise. Dans d'autres démocraties, les citoyens vulnérables ne sont pas tenus de s'identifier.
    Selon les meilleures pratiques internationales, les gouvernements qui exigent l'identification devraient s’assurer que les pièces d’identité demandées sont disponibles gratuitement, comme la carte d’information de l’électeur que ce projet de loi veut écarter.
    Il faut comprendre que l’élimination des répondants et l’imposition d’exigences plus strictes concernant l’identification de l’électeur nous éloigneraient des pratiques internationales largement acceptées par lesquelles les États protègent le droit de vote de leurs citoyens. Au Canada, comme nous l'avons déjà entendu dire aujourd'hui, le droit de vote est protégé par l’article 3 de la Charte canadienne des droits et libertés. À mon avis, la garantie constitutionnelle de ce droit nous impose à tous, et surtout au gouvernement le devoir de protéger ce droit pour chacun d’entre nous.
     À mon avis, ce projet de loi sur l’intégrité des élections est loin d’être juste. Il risque d’exclure une partie des citoyens les plus vulnérables du Canada, notamment les aînés et les étudiants, les Premières nations, les Canadiens à faible revenu et les sans-abri. Nous savons par Élections Canada que, dans les récentes élections, ces groupes ont fait appel à des répondants. Il va sans dire que, dans la Constitution, le droit de vote de ces citoyens a la même valeur que celui de tout autre Canadien. Il est regrettable que ce projet de loi nous force à le souligner.
    Dans sa récente décision dans l'affaire Etobicoke-Centre, la Cour suprême a reconnu les nombreuses valeurs en jeu lors des élections, notamment l'intégrité, la transparence et l'efficacité, puis a donné une place de choix au droit de vote garanti par la Constitution. Je cite l'arrêt:
… la Loi a pour objet de permettre à toutes les personnes ayant le droit de voter, y compris celles qui n’ont pas de pièces d’identité, de participer au scrutin et de les inciter à aller voter le jour du scrutin, même si elles ne sont pas déjà inscrites sur la LEO. Le système est conçu pour être accessible à tous les électeurs et comporte une mesure spéciale pour permettre aux personnes dépourvues de pièces d’identité de voter grâce à un répondant. […] L’accessibilité n’est possible que si nous sommes prêts à accepter une certaine incertitude quant au droit de voter de toutes les personnes qui ont voté.
    Autrement dit, le système électoral repose en partie sur la confiance dans nos concitoyens de ne pas abuser de notre droit démocratique le plus fondamental. À mon avis, ce projet de loi repose sur une fausse prémisse selon laquelle on ne peut plus se fier à personne.
    Dans les faits, le projet de loi C-23 privera certains Canadiens de leur droit de vote. Comment peut-on prétendre alors que le Canada est un pays démocratique?
     Voter n’est pas quelque chose que le gouvernement nous donne la permission de faire, comme conduire, chasser ou exercer la médecine. Nous y avons droit en tant que citoyens. Le travail d’un gouvernement véritablement démocratique est de protéger notre droit en garantissant les conditions qui rendent le vote possible. Cette loi fait le contraire.
    Le gouvernement veut restreindre le droit de vote pour lutter contre la fraude de notre système électoral. Comme il a été répété dans les médias, et devant ce comité, on n’a aucune preuve de fraude, sinon quelques erreurs de tenue de dossiers que l’on peut régler sans menacer l’intégrité de la démocratie du Canada.
    En gros, le gouvernement propose de nous protéger de dangers imaginaires en créant des dommages réels et importants. Il y a vraiment quelque chose qui cloche si on renvoie des citoyens qui se présentent dans les bureaux de scrutin parce qu’on s’imagine qu’ils essaient de frauder le système. Il y a quelque chose qui cloche dans une politique qui considère des centaines de milliers de citoyens canadiens comme des fraudeurs potentiels, uniquement parce qu’ils sont vulnérables et ont de la difficulté à obtenir un permis de conduire ou à avoir une adresse permanente.
    Cette soi-disant loi sur l’intégrité va à l’encontre du principe d’égalité politique sur lequel la démocratie du Canada est fondée. Le projet de loiC-23 devrait selon moi, être rejeté.
    Merci de m'avoir écoutée.

  (2010)  

    Merci beaucoup et nous allons entamer nos tours de questions.
    Monsieur Richards, vous allez commencer et vous disposez de sept minutes, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Comme vous l'avez déjà mentionné, c'est un bon moyen de m'assurer que personne ne gaspillera tout le temps dont nous disposons.
    Quoi qu'il en soit, je vous remercie tous les deux d'être présents parmi nous, du moins virtuellement.
    J'ai remarqué que vous aviez plus ou moins centré tous les deux vos déclarations préliminaires sur un aspect particulier du projet de loi qui vous préoccupe.
    J'ai aussi beaucoup réfléchi et fait des recherches sur cette question comme de nombreux membres du comité. J'ai constaté que les 39 pièces d'identité que peuvent utiliser les personnes qui vont voter représentent une liste assez complète. J'ai entendu un certain nombre d'exemples d'électeurs hypothétiques qui ne possèdent peut-être pas les pièces d'identité nécessaires ou qui ne peuvent pas les obtenir. Je n'ai pas encore vu d'exemples de cas dans lesquels la liste de 39 pièces d'identité ne permettrait pas de trouver une solution.
    Nous avons aussi entendu certains témoins, en tout cas un qui a comparu après avoir fait des recherches très approfondies et établi une sorte de matrice, je pense, montrant qu'il n'avait pas pu trouver d'exemples d'électeurs dans l'incapacité de voter.
    Nous avons eu un professeur qui est venu des États-Unis et qui a fait des recherches approfondies sur certains États qui ont commencé à exiger que les électeurs fournissent des pièces d'identité. Selon ces recherches, il ne semblait pas y avoir de lien entre ces exigences et le taux de participation aux élections qui ont eu lieu ultérieurement. En réalité, il y a eu des exemples de cas où, aux États-Unis, la participation des électeurs a augmenté, suite à ces exigences, lors des élections ultérieures.
    En tout cas, ce témoin a dit que suite à ses recherches, il pensait que l'intérêt pour le système politique est le principal facteur déterminant en ce qui concerne le vote. Je ne pense pas que qui que ce soit prétendra le contraire.
    Cela dit, je vois que vous partagez certaines préoccupations — nous ne sommes pas forcément d'accord — au sujet de cette disposition du projet de loi. Je voudrais donc vous donner aussi l'occasion de parler des autres aspects du projet de loi car vous avez eu, bien entendu, le temps d'en parler. Nous apprécions votre présence ici et vos opinions, même si nous ne sommes forcément d'accord. Néanmoins, vous avez certainement eu l'occasion d'examiner d'autres aspects du projet de loi.
    Je voudrais simplement vous fournir l'occasion d'en parler. C'est un projet de loi assez épais. Il contient un certain nombre de changements à notre loi électorale qui vont certainement, selon nous, donner davantage confiance dans notre système électoral grâce à un certain nombre de méthodes différentes. Il élimine, en tout cas, certaines fraudes qui ont peut-être lieu ou qui risquent grandement d'avoir lieu en raison de certaines des dispositions actuelles. Si vous prenez le recours à un répondant, compte tenu des erreurs importantes qui ont été constatées, il y a, sans aucun doute, un risque à ce niveau-là.
    Néanmoins, le projet de loi fait un certain nombre d'autres choses. Il cherche à protéger les électeurs contre les appels frauduleux grâce au registre public pour les services d'appels. C'est un exemple parmi d'autres. Je vais me contenter de cet exemple, car je voudrais vous donner la parole.
    Pouvez-vous nous dire s'il y a dans le projet de loi un ou deux changements que vous jugez positifs? Vous avez dit, je le sais, qu'à votre avis…

  (2015)  

    Excusez-moi, monsieur Richards.
    Allez-y.
    Monsieur le président, j'espère que vous allez dire aux témoins qu'ils n'ont pas à répondre à des questions sur des sujets qu'ils ne se sont pas préparés à… Ils ont le droit de venir ici parler du projet de loi, des choses qui les intéressent. Nous pouvons demander s'ils ont d'autres opinions à ce sujet, mais nous ne devons pas chercher à les placer dans une situation délicate…
    Cela ne ressemble pas à un rappel au Règlement.
    … s'ils n'ont pas fait de recherches pour pouvoir y répondre.
    Je voudrais simplement faire savoir aux témoins qu'ils n'ont pas à répondre à chaque question simplement parce qu'on la leur pose.
    Merci, monsieur le président.
    Absolument, mais nos témoins peuvent certainement le dire eux-mêmes.
    Monsieur Richards.
    Merci, monsieur le président, après cette interruption.
    Je voudrais vous offrir la possibilité de nous faire part de vos autres opinions au sujet du projet de loi, mais surtout, je voudrais vous poser la question suivante. Y a-t-il dans le projet de loi certains changements particuliers qui vous semblent positifs et pourquoi?
    Vous pourrez répondre l'un et l'autre.
    Madame.
    Merci.
    J'aurais plusieurs choses à dire.
    La première est que j'ai vécu sept ans aux États-Unis. J'hésite vraiment à vous inciter à tirer des leçons du système électoral américain, et je voudrais même vous en dissuader…
    Désolé de vous interrompre, mais je ne dis certainement pas que nous cherchons à tirer des leçons… J'ai dit simplement que sur ce sujet bien précis, il y a eu…
    Mais c'est important. En ce qui concerne la question dont vous avez parlé, celle de savoir si les exigences à l'égard de l'identification des électeurs augmentent ou diminuent la participation, les données émanant des États-Unis sont très variées. En moyenne, l'ensemble des résultats laisse entendre que plus les exigences à l'égard de l'identification des électeurs sont strictes, plus la participation diminue. Elles réduisent particulièrement la participation des citoyens vulnérables et de ceux qui déménagent régulièrement.
    Je pense que ces données ne sont pas controversées. Bien entendu, vous pourriez trouver un article disant le contraire, mais en général, les données émanant des États-Unis sont assez claires.
    Au cours de mes recherches, j'ai trouvé un certain nombre d'articles qui disent le contraire et je pense que nous devons accepter notre désaccord sur ce point. Nous l'avons déjà dit. Cependant, il ne me reste pas beaucoup de temps, environ une minute et demie et j'aimerais donc savoir s'il y a d'autres dispositions du projet de loi dont vous aimeriez parler avec moi?
    J'ai le plaisir de dire qu'à mon avis la partisannerie n'est vraiment pas souhaitable dans les bureaux de vote. Nous avons déjà un système de pratiques exemplaires internationales selon lequel les partis politiques ne participent généralement pas à la sélection des greffiers du scrutin et c'est donc la prochaine chose à laquelle je m'attaquerais.
    À mon avis, les changements que vous recommandez d'appliquer à l'égard du financement de la campagne électorale sont une très mauvaise idée parce qu'ils augmentent l'influence de l'argent dans le processus politique électoral au Canada, ce que nous essayons d'éliminer et non pas d'augmenter.
    À mon avis, la décision de réduire le rôle du Directeur général des élections pose un sérieux problème. M. Quail voudra peut-être parler des autres…
    Je vais peut-être devoir lui en donner l'occasion, car il ne reste pas beaucoup de temps.
    Absolument.
    Monsieur Quail, y a-t-il dans le projet de loi certains changements dont vous aimeriez parler? Par exemple, l'idée du registre public pour les services d'appels. Avez-vous des opinions à ce sujet?
    À mon avis, tout ce qui limite les appels automatisés est fantastique. S'il est une chose que je déteste personnellement en tant que citoyen canadien, c'est bien de recevoir des appels automatisés. Tout ce qui empêche ces parasites d'entrer dans mon téléphone est le bienvenu.
    Je voudrais répondre à deux choses que vous avez dites. Premièrement, en ce qui concerne la participation, je soulignerais que les objections à l'égard des pièces d'identité ne portent pas vraiment sur la participation, car la plupart des gens ont une pièce d'identité. Au Canada, il y a un document émis par le gouvernement qui remplit tous les critères et c'est le permis de conduire. La plupart des citoyens ont un permis de conduire. La plupart d'entre nous sont en mesure de voter malgré ces règles.
    Le problème porte sur certaines des personnes qui pourraient être exclues et pas seulement les marginaux. Ma femme n'aimera peut-être pas que j'en parle, mais j'ai été son répondant aux dernières élections. Elle est avocate elle aussi et je ne pense pas qu'on puisse la considérer comme une marginale, mais elle a oublié d'apporter une pièce d'identité. Comme cette possibilité existait, nous l'avons utilisée et cela nous a rendu service.
    Pourrais-je vous interrompre brièvement…

  (2020)  

    Non, monsieur Richards…
    … car je pense que dans ce cas, elle aurait probablement pu retourner chercher les documents et voter, n'est-ce pas? Cela ne l'aurait donc pas privée de son droit de vote.
    Absolument…
    Monsieur Richards, le temps qui vous est imparti est écoulé. Nous allons laisser le témoin répondre à la question.
    Le véritable problème se pose lorsque des gens, par exemple dans le quartier le plus pauvre de Vancouver, et je suis sûr que vous êtes au courant de la situation dans le quartier est du centre-ville — cela faisait partie de la preuve que nous avons présentée dans la cause Henry — une chose que les gens se font voler constamment dans ce quartier, c'est leurs pièces d'identité, car c'est un bien très précieux. Cela peut être une denrée rare chez les sans-abri qui vivent là-bas. Comme l'a dit un des témoins du groupe précédent, les gens ont parfois des vies chaotiques et c'est un endroit où beaucoup de gens ont une vie chaotique.
    Néanmoins, ce ne sont pas seulement les personnes marginalisées qui sont touchées et il ne devrait pas être difficile de voter.
    Monsieur Quail…
    J'ai des objections au sujet…
    Monsieur Quail, je dois vous arrêter, car le temps imparti à M. Richards est écoulé et vous empiétez sur le temps de quelqu'un d'autre. Nous pourrons peut-être revenir sur certains points au prochain tour.
    Monsieur Scott, c'est à vous, pendant sept minutes, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Quail, vous vous apprêtiez à dire que vous aviez certaines objections. Si vous pouviez terminer votre réponse en pas plus d'une minute, pour me laisser le reste de mon temps, ce serait merveilleux.
    Certainement. J'ai des objections au sujet de la suppression des pouvoirs d'enquête et de la réduction du rôle que le directeur général des élections joue sur le plan de la communication. À mon avis, ce sont là de sérieux problèmes. Une importante lacune est l'incapacité du directeur général des élections ou du responsable de l'application de la loi d'obliger à produire des documents et à témoigner. Ce sont de graves lacunes. Elles sont graves dans toute procédure juridique sérieuse où des droits importants sont en jeu et sont appliqués. Je m'inquiète de voir le gouvernement manifester une attitude de méfiance vis-à-vis de l'électorat alors qu'en même temps, il lui demande de lui faire confiance.
    Merci.
    Je voudrais seulement me servir des 30 prochaines secondes pour informer nos invités…
    Merci d'avoir écouté la version de mon collègue d'en face de ce qu'on dit les témoins précédents. Je veux que vous sachiez qu'un de ces témoins a dessiné dans sa tête un diagramme de Venn selon lequel la carte d'assurance santé est devenue la pièce d'identité par excellence. Il semblait ignorer totalement qu'une des deux pièces d'identité doit comporter une adresse si vous n'avez pas de carte comportant les deux renseignements. C'était le témoignage le moins convaincant qu'il m'ait été donné d'entendre depuis deux ans que je suis ici.
    Quant à l'autre monsieur, c'était un éminent universitaire des États-Unis qui n'a pas nié l'existence d'un lien. Ce n'est pas ce qu'il a dit. Il a terminé son témoignage en disant qu'à son avis, les pièces d'identité ne jouent pas un rôle déterminant dans la participation des électeurs. Par conséquent, lorsque vous essayez, pour la deuxième fois, de citer un témoignage que nous n'avons pas reçu…
    Quoi qu'il en soit, madame Lenard, vers la fin de votre exposé, vous avez eu l'occasion de mentionner brièvement un certain nombre d'autres questions qui vous préoccupent comme la sélection partisane du personnel, des agents électoraux… Vous avez également mentionné vos préoccupations au sujet du financement.
    Pourriez-vous nous décrire brièvement pourquoi il s'agit, selon vous, de problèmes?
    Oui, avec plaisir. Pour résumer la question des contributions financières du public, je dirais simplement que les Canadiens qui ont le plus d'argent ont un meilleur accès au vote. Chaque fois que le gouvernement décide d'augmenter les contributions au financement de la campagne au lieu de les diminuer comme il devrait le faire, il décide quelles sont les voix qui devraient compter le plus. Comme j'estime que toutes les voix devraient avoir le même poids, je m'oppose aux politiques qui augmentent le montant d'argent qu'un citoyen canadien peut donner.
    Pour ce qui est des fonctionnaires électoraux partisans, contrairement à ce que j'ai dit à M. Richards dans ma réponse précédente, dans ce cas, je pense qu'il est vraiment souhaitable de tirer la leçon de l'expérience américaine. Elle montre que là où le personnel du bureau de scrutin est partisan, il est très difficile pour les gens, pour toutes sortes de raisons — les preuves sont abondantes — les gens qui sont du parti non dominant, du parti qui n'est pas au pouvoir, d'avoir accès au vote. Ils risquent davantage d'être renvoyés. Ils risquent davantage que leur pièce d'identité soit jugée non valide. Ce genre de choses semble résulter de la malveillance partisane.
    Quand j'étais à l'Université Harvard, j'ai organisé une conférence à laquelle nous avons invité des spécialistes du processus électoral à discuter des pratiques qui étaient les meilleures au Canada et aux États-Unis. La majorité des participants ont convenu que l'organisation non partisane des élections était l'élément qui faisait la réputation du Canada. C'est une particularité que nous devrions protéger, car le monde entier devrait s'en inspirer. Ce n'est pas une chose que nous devrions diminuer ou modifier.

  (2025)  

    J'ai entendu une observation du président et je pense qu'il a raison de dire que nous avons déjà une certaine partisannerie dans notre processus de sélection des participants. Ce projet de loi va plus loin avec les superviseurs des centres de scrutin. Dans l'ensemble, si vous avez examiné la question et je sais aussi que vous avez contribué à la lettre des 160 universitaires canadiens qui ont souligné une série de problèmes… Compte tenu des témoignages que vous avez entendus, du refus apparent du gouvernement d'écouter qui que ce soit au cours de ces audiences, etc., que nous conseillez-vous au sujet de ce projet de loi? Pensez-vous qu'il devrait aller de l'avant ou que nous devrions recommencer à zéro?
    Je suis convaincue que nous devrions recommencer à zéro. Je trouve malhonnête de la part du gouvernement de dire que ces changements visent à accroître la confiance du public dans un système électoral auquel les gens font largement confiance et cela en construisant une loi électorale qui modifie massivement la politique électorale canadienne en refusant d'en discuter publiquement. Je vois mal comment cela pourrait renforcer la confiance. De toute évidence, cela réduirait la confiance.
    Merci.
    Monsieur le président, comme il me reste seulement environ une minute et demie, je voudrais en utiliser une partie pour déposer un avis de motion, si c'est possible.
    Utilisez votre temps comme vous le souhaitez.
    En fait, c'est une motion pour enterrer ce projet de loi.
     Je pense que nous avons vu des commentaires négatifs fuser de toutes parts au sujet de ce projet de loi. Que ce soit en raison des règles à l'égard des pièces d'identité à fournir par l'électeur ou de la réduction des pouvoirs d'Élections Canada et du directeur général des élections, de l'exemption extrêmement problématique du financement, de l'affaiblissement du commissaire aux élections fédérales dont la fonction est confiée au directeur des poursuites pénales, de toutes des entraves à son travail, du fait qu'on ne lui accorde pas les pouvoirs qui ont été demandés et que toute l'attention est dirigée vers les fraudes des citoyens et non pas vers le genre de fraudes qui devaient conduire à ce projet de loi, je voudrais donner avis d'une motion portant que le comité présente un rapport à la Chambre des communes qui recommande que le projet de loi C-23, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et d'autres lois et modifiant certaines lois en conséquence, soit retiré.
    Monsieur le président, je donne seulement avis d'une motion que nous proposerons à un moment donné.
    Merci. Allez-vous me dire à l'avance quand vous le ferez?
    Oui.
    Merci.
    Il vous restait environ cinq secondes, mais maintenant que j'ai parlé, je vais les utiliser jusqu'à la dernière. Merci.
    Monsieur Simms, c'est à vous pendant sept minutes, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup.
    Je vais commencer par Mme Lenard. Je vais d'abord poser une question très directe. Compte tenu de l'article 3 de la Charte, ce projet de loi pose-t-il un problème?
    Oui. Voilà ma réponse directe. Voulez-vous que j'en dise plus? Oui, cela pose un problème.
    J'aimerais beaucoup que vous approfondissiez, mais j'apprécie…
    Le fond de ma pensée est que s'il y avait des fraudes dans le système électoral, il faudrait les éliminer. S'il y avait quoi que ce soit qui nuise au système électoral, il faudrait l'éliminer.
    Mais il n'y a pas de preuves de fraudes ou autres préjudices et quand vous proposez d'éliminer un préjudice qui n'existe pas, si vous considérez le préjudice que cela créerait… Dans ce cas-ci, le préjudice qui sera créé est qu'on empêchera de voter des Canadiens dont certains sont vulnérables — pas tous, comme l'a souligné M. Quail, mais simplement les gens qui se présentent avec la mauvaise sorte de pièce d'identité au bureau de vote… Un grand nombre de mes étudiants n'ont pas de pièce d'identité portant leur adresse, mais ce sont des jeunes gens honnêtes qui souhaitent participer au processus démocratique.
    Certaines personnes auront plus de difficulté à voter et je ne vois aucune raison pour laquelle un gouvernement devrait rendre plus difficile l'exercice du droit de vote alors que rien ne prouve que des fraudes sont commises. Pourquoi? Quelle raison pourriez-vous avoir de limiter l'exercice du droit de vote? Le gouvernement a pour tâche de protéger ce droit en permettant aux gens de voter, en offrant aux citoyens le plus de moyens possible de voter pour les inciter à le faire.

  (2030)  

    Je voudrais approfondir le sujet quelques instants, mais avant cela — je vais manquer de temps — je voudrais passer à M. Quail s'il désire également en parler.
     [Note de la rédaction: difficulté techniques] … les règles existantes à l'égard de l'identification des électeurs grâce au recours à un répondant violent l'article 3 de la Charte.
    Désolé, monsieur Quail, mais j'ai manqué la première partie de votre déclaration. Pourriez-vous répéter ce que vous venez de dire?
    Oui, la Cour suprême et la Cour d'appel de la Colombie-Britannique ont confirmé que les règles existant avant la présentation de ce projet de loi violaient l'article 3 de la Charte. Néanmoins, la cour a été convaincue qu'elles résisteraient à une analyse en vertu de l'article 1 cherchant à voir s'il existe des mesures atténuant leurs effets, etc.
    Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, un élément essentiel, en fait la pierre angulaire de l'argument invoqué par le gouvernement pour maintenir les anciennes règles était l'existence de l'attestation par un répondant; c'était l'existence d'un filet de sécurité pour les personnes qui n'avaient pas de pièce d'identité. C'était un élément important de son argument. Nous continuons de croire que les règles existantes ne sont pas justifiées en vertu de l'article 1, mais si vous supprimez cet élément, ce qui reste suscite de sérieux doutes, à mon avis. Je ne suis pas certain que les tribunaux jugeraient cela conforme aux dispositions constitutionnelles. Je pense que c'est un problème très sérieux.
    D'un autre côté, comme je l'ai dit plus tôt, ce qui manque, c'est un filet de sécurité fiable et une règle disant que si personne ne peut répondre de vous et que si vous n'avez pas de pièce d'identité, vous pouvez faire une déclaration sous serment pour confirmer votre identité et votre adresse — un faux serment est une infraction criminelle — et confirmer que vous êtes un citoyen et que vous êtes au bon endroit pour voter. Ensuite, vous pouvez voter. Cela réglerait le problème.
     Tel était notre argument. Le gouvernement l'a rejeté, mais j'ai entendu, sur les ondes de CBC, que le ministre a peut-être des hésitations à ce sujet et que des amendements pourraient être apportés au projet de loi pour réintégrer ce mécanisme.
    À mon avis, grâce à cet amendement, la loi ne violerait pas l'article 3 à l'égard de l'identification des électeurs.
    Merci, monsieur Quail.
    Je voudrais revenir à Mme Lenard. Je veux faire appel à votre expérience internationale. Nous savons qu'il y a eu une grosse controverse à ce sujet, l'année dernière, aux États-Unis. Je crois que les exigences qui y sont imposées aux électeurs sont beaucoup plus rigoureuses que les nôtres, mais quelle a été l'origine du problème? Tout cela a-t-il commencé parce qu'on a empêché des électeurs d'exercer leur droit de vote en éliminant des dispositions comme le recours à un répondant?
    Désolée, je ne peux pas répondre à cette question. Je n'ai pas la compétence requise.
    Pensez-vous que dans ce cas-ci, en éliminant le recours à un répondant, la situation ne peut qu'empirer à cause des exigences rigoureuses à l'égard des pièces d'identité? Comme un des témoins précédents l'a dit à propos des 39 pièces d'identité prévues dans le projet de loi, la plupart d'entre elles ne sont pas à la portée des membres les plus vulnérables de notre société et, dans bien des cas, même pas des gens moins vulnérables. Comme on l'a souligné, sans permis de conduire, c'est difficile.
    Oui, je suis d'accord.
    M. Quail a déclaré que la plupart des Canadiens ont un permis de conduire. Le dernier chiffre que j'ai vu était que 85 % des Canadiens en âge de voter possèdent un permis de conduire. La proportion de Canadiens qui doivent trouver un autre moyen de voter est assez importante.
    Pour répondre à votre question, il existe une solution facile, qui est d'élargir l'utilisation d'une carte d'identité nationale. Le gouvernement peut offrir gratuitement une carte d'identité nationale facilement accessible qui pourra servir à voter. C'est précisément ce que suggérait un rapport récent au Royaume-Uni. Le Royaume-Uni devrait imposer des exigences plus strictes à l'égard du vote, mais pour éviter des problèmes d'accessibilité et éviter de violer le principe de l'égalité politique, le gouvernement devrait en même temps financer entièrement et rendre extrêmement accessible une carte nationale d'identité, ce qui réglerait le problème.
    Nous savons dans quelle direction aller. Le gouvernement canadien s'est orienté dans cette direction en émettant des cartes d'information de l'électeur, mais le projet de loi propose d'éliminer ces cartes. C'est précisément ce qu'il ne faut pas faire si vous voulez protéger l'intégrité d'un système en exigeant des preuves d'identité.
    Je ne vois pas d'inconvénients à ce que les gens prouvent leur identité. Dans certaines situations, ils devraient être tenus de le faire. Néanmoins, s'il faut fournir la preuve de son identité pour voter, il incombe au gouvernement de veiller à ce qu'on puisse obtenir facilement et gratuitement une carte d'identité.

  (2035)  

    Vous pensez donc qu'une solution serait d'avoir, à l'échelle nationale, une carte similaire à la carte d'électeur.
    Un exemple qui a été mentionné est la méthode australienne. Bien entendu, selon la méthode australienne, si vous n'avez aucune pièce d'identité, vous pouvez voter, mais en prêtant serment par écrit. Votre serment est scellé avec le bulletin de vote et vérifié ultérieurement. J'aime ce système, car on ne dissuade pas les gens de voter lorsqu'ils se présentent, même s'ils n'ont pas de pièce d'identité. Leur vote pourra être rejeté s'ils ne sont pas sur la liste, mais au moins, on ne leur dit pas de rentrer chez eux et de revenir plus tard.
    Merci, monsieur Simms.
    Certainement. Je pense que c'est une meilleure solution que celle qui est proposée.
    Vous m'avez invitée, mais le problème est que je ne vois aucun défaut au système actuel, si ce n'est qu'il n'est pas suffisamment permissif. Je souhaiterais plus de permissivité, mais ce n'est pas dans le discours politique actuel. Par conséquent, étant donné que nous nous dirigeons vers des exigences plus rigoureuses à l'égard des preuves d'identité, je pense que la solution est soit de maintenir la validité de la carte d'information de l'électeur et d'élargir son utilisation ou de fournir une autre forme de carte d'identité nationale.
    Merci beaucoup.
    Il ne peut pas répondre maintenant?
    Vous avez largement dépassé votre temps. Si vous souhaitez que M. Quail réponde à votre question, il pourra peut-être le faire pendant le tour de quelqu'un d'autre.
    Nous passons à M. Lukiwski pour quatre minutes.
    J'ai une question à poser à chacun d'entre vous et peu de temps à ma disposition.
    Monsieur Quail, vous êtes à Vancouver. Nous avons entendu de nombreux témoignages selon lesquels ce projet de loi pénaliserait les sans-abri et les personnes gravement défavorisées si nous éliminions le recours à un répondant. C'est un sujet qui a largement suscité la controverse ici.
    Étant donné que je ne connais pas la réponse, la question que je vais vous poser est la suivante. Si vous étiez un sans-abri vivant dans l'est de Vancouver ou ailleurs, cela supposerait que vous n'avez pas d'amis, de parents ou qui que ce soit d'autre avec qui loger. Comment quelqu'un se porterait-il garant d'un sans-abri? Vous devez attester que vous…
    C'est un des véritables problèmes que pose le recours à un répondant. C'est un grave inconvénient, vous avez parfaitement raison. Le problème est encore plus sérieux suite aux restrictions mises en place au cours de la dernière série de modifications et qui permettent seulement d'avoir comme répondant une personne qui réside non seulement dans la même circonscription, mais dans la même petite section de vote que vous.
    Cela rend les choses très difficiles, car quelqu'un qui est vraiment sans-abri ne connaîtra peut-être personne qui puisse répondre de lui. Les personnes qui connaissent les sans-abri — par exemple celles qui travaillent dans des organismes de service social — vivent probablement dans un autre quartier de la ville; elles ne vivent pas dans le quartier est du centre-ville. Vous avez donc parfaitement raison et c'est un des défauts de l'attestation par un répondant.
    Merci.
    Compte tenu du temps limité dont je dispose, madame Lenard… Je voudrais seulement en parler parce que ce n'est pas une statistique canadienne, mais je viens de tomber sur cet article. Comme vous avez dit qu'il n'y avait pas de statistiques prouvant qu'il y a de la fraude au Canada — bien que j'ignore comment la fraude pourrait être détectée, je l'avoue… Si quelqu'un a voté illégalement, je ne sais pas comment vous allez le découvrir, car les gens qui le font trouvent généralement un moyen de cacher qu'ils votent illégalement.
    Néanmoins, aux États-Unis — je viens de mettre la main sur cet article — la Caroline du Nord a découvert que des dizaines de milliers de gens auraient voté illégalement, y compris entre 40 et 50 personnes qui, apparemment, auraient voté alors qu'elles étaient mortes. Je ne sais pas si au Canada notre système est entièrement différent de celui des États-Unis, mais je vous dirais qu'il y a eu des cas — parfois à très grande échelle — de fraude électorale.
    Par conséquent ma question est la suivante: Comment saurions-nous, au Canada, si quelqu'un a commis une fraude électorale?
    Laissez-moi vous donner un exemple. Les médias ont récemment rapporté qu'un journaliste s'est inscrit trois fois dans trois bureaux de vote différents. Il a voté une fois légalement, il a gâté son bulletin de vote dans les deux autres bureaux et il a ensuite écrit un article à ce sujet. Il a fini par être poursuivi en justice, mais c'est uniquement parce qu'il a signalé à Élections Canada qu'il avait voté trois fois. Élections Canada n'aurait pas pu le découvrir autrement.
    Par conséquent, je me demande comment vous pouvez être certaine qu'il n'y a pas eu et qu'il n'y pas de fraude électorale au Canada.
    Ce n'est certainement pas ce que j'ai dit.
    Vous avez dit que nous n'en avions aucune preuve.
    J'ai dit que nous n'en avons aucune preuve.
    Le fait qu'il n'y ait pas de preuve ne veut pas dire que cela n'a pas lieu, n'est-ce pas?

  (2040)  

    En l'absence de preuve, pourquoi changer une politique pour se protéger contre un mal qui semble être imaginaire?
    Simplement parce que nous n'avons rien prouvé, vous dites que nous ne devrions pas mettre en place des mesures de protection pour veiller à ce que cela n'arrive pas. Je ne pense pas pouvoir l'accepter.
    Je dis que le système actuel n'a pas révélé de fraude importante et en l'absence de preuves…
    Par conséquent, s'il y avait des preuves, vous diriez que les mesures de précaution que nous prévoyons sont peut-être légitimes?
    Je dirais que si nous avions la preuve de fraudes du même genre que celles qu'il y a eu, d'après certains articles, en Caroline du Nord… Par conséquent, pour ce qui est de la façon dont vous découvrez la fraude, la réponse est sans doute la façon dont on l'a découverte en Caroline du Nord. Je ne sais pas ce qui s'est passé en Caroline du Nord.
    Mais il y a deux questions à se poser. Il faut d'abord se demander s'il y a vraiment de la fraude. Il n'y a certainement pas de fraude. Tous les documents dont nous parlons, le rapport Neufeld, la décision de la Cour suprême, ont conclu…
    Comment pouvez-vous dire qu'il n'y a pas eu de fraude alors que vous dites…
    … que les irrégularités… Il y a eu des enquêtes approfondies sur certaines irrégularités et dans le système électoral canadien, les irrégularités portent principalement sur la tenue des registres. C'est ce qui a déjà été établi.
    Il pourrait y avoir, à l'avenir, des preuves de fraude, mais pour le moment, ce n'est pas ce qui ressort des recherches réalisées par les experts canadiens. Voilà pour la première question.
    Deuxièmement, dans les un, deux ou trois cas de gens qui ont voté alors qu'ils n'auraient pas dû le faire, il faut plutôt se demander quels sont les torts que causera la loi que vous proposez. Quels torts causera-t-elle par rapport aux avantages de ce que vous proposez, ce que cela nous permettra d'éviter? Si nous nous protégeons contre trois électeurs qui fraudent, ces torts n'en valent pas la peine.
    Merci, monsieur Lukiwski.
    C'est au tour de Mme Latendresse, qui dispose de quatre minutes.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie beaucoup les témoins d'aujourd'hui.
    J'aimerais continuer un peu dans la même veine. En fait, on a des preuves, à la suite d'enquêtes menées, qu'il y a eu de la fraude. Entre autres, en 2011, il y a eu des appels frauduleux.
    Le directeur général des élections, le commissaire aux élections fédérales et beaucoup d'autres experts électoraux ont dit qu'ils avaient besoin de certains outils très précis pour étudier correctement cette fraude. Ils ont besoin, entre autres, du pouvoir de contraindre à témoigner et du pouvoir de demander aux partis politiques les reçus qu'ils soumettent lorsqu'ils font des réclamations et qu'ils reçoivent l'argent du public. Il y a plusieurs demandes comme ça.
    Le commissaire et Élections Canada ont besoin de beaucoup plus de pouvoirs que ceux qu'ils ont présentement. Ces mesures ne se trouvent pas dans le projet de loi. Ce qu'on y trouve, c'est le transfert du commissaire au bureau du procureur, pour une raison un peu obscure. On semble jeter de la poudre aux yeux plus qu'autre chose.
    Pouvez-vous commenter cet aspect, ainsi que les cas de fraude qui sont devant nous? Ces cas ne sont pas imaginaires, bien que, dans la tête des conservateurs, il s'agisse de fraude imaginaire.
    Selon vous, ces mesures devraient-elles être incluses dans le projet de loi?

[Traduction]

    Je vais dire que je n'ai pas les compétences pour répondre à votre question, mais je suis d'accord avec sa portée, à savoir qu'il y a eu des preuves d'irrégularités, qui constituent des fraudes, dans d'autres aspects du système électoral. Néanmoins, cela n'entre malheureusement pas dans mon domaine de compétence. Je peux donc seulement vous dire que je suis d'accord avec vous et j'espère que vous trouverez un expert pour vous donner raison.

[Français]

    Il y en a eu beaucoup, en fait. En général, les gens sont très fâchés. Les experts ne sont pas contents qu'on n'ait pas inclus ces mesures réclamées depuis plusieurs années et qui se retrouvent dans les différents rapports du directeur général des élections et du commissaire. Ils sont aussi fâchés que ces personnes qui essaient de prévenir les fraudes n'aient pas les outils nécessaires pour le faire à l'avenir. Pourtant, ce sont ces personnes qui connaissent le mieux le système. Elles auraient pu être consultées sur les modifications nécessaires à la Loi électorale du Canada. Ça n'a pas été fait non plus.
    Finalement, je n'arrive pas à comprendre comment il se fait que les changements proposés à la Loi électorale du Canada en guise de solution à ce problème consistent en des mesures qui, au bout du compte, vont empêcher certaines personnes de voter. Je ne comprends pas le lien entre les choses qui sont arrivées et le fait de retirer le droit de vote à certaines personnes.

[Traduction]

    Je suis d'accord.

[Français]

    Monsieur Quail, avez-vous quelque chose à ajouter?

[Traduction]

    Oui, j'emploierais un mot plus fort que « fraude » pour décrire ce qui s'est passé aux dernières élections et c'est le mot « subversion ».
    Je voudrais dire aussi que nous avons eu la chance, au Canada, d'avoir des gens vraiment compétents au poste de Directeur général des élections. D'après les rapports que j'ai eus avec eux, M. Kingsley et M. Mayrand sont deux fonctionnaires de très haut calibre. Je suis convaincu que le titulaire de ce poste doit obtenir les pouvoirs dont il a besoin pour remplir sa mission et protéger notre démocratie.
    Pour ce qui est de la question de la fraude, il faut souligner, je pense, que les exigences à l'égard de l'identification des électeurs ne règlent pas vraiment la question de la fraude délibérée. Premièrement, les documents d'identité exigés ne prouvent pas que vous avez le droit de voter. Vous n'avez pas à prouver — et c'est probablement une bonne chose — que vous êtes un citoyen du Canada. Tout citoyen adulte du Canada a le droit de voter.
    Si je voulais voter frauduleusement selon les règles actuelles, sans recourir à un répondant, je pourrais imprimer un formulaire de bail avec mon ordinateur, le faire signer par mon voisin, me rendre à la bibliothèque locale pour obtenir une carte de bibliothèque et aller voter. Tel est le système qui est censé nous protéger et assurer la confiance du public dans l'intégrité du système électoral au lieu que je sois tenu, par exemple, si je n'ai pas de pièce d'identité, de faire une déclaration sous serment en sachant que je pourrais aller en prison si c'est une fausse déclaration. Je laisserai derrière moi un document qui pourra être vérifié et examiné. Je vous montre mon bail et je vous montre ma carte de bibliothèque, je les remets dans ma poche et je vote.
    Si vous voulez un exemple de situation où il est impossible de vraiment détecter la fraude… En fait, ce sont les règles que nous avons actuellement.

  (2045)  

    Merci.
    Merci, madame Latendresse.
    Monsieur Reid, vous disposez de quatre minutes, s'il vous plaît.
    Merci.
    Pour faire suite à ce qu'a dit M. Quail, je suis d'accord pour dire que certaines des pièces d'identité qui figurent sur cette liste ne devraient probablement pas y être. La carte de bibliothèque en est un excellent exemple.
    J'ai toujours eu du mal à comprendre pourquoi le Directeur général des élections a décidé de dire seulement « un bail » plutôt que « un bail non commercial ». J'ai été tenté d'apporter tous les baux sur lesquels mon nom est inscrit pour bien le faire comprendre. Il serait utile aussi de préciser « bail en vigueur ». Comme je conserve tous mes anciens baux, apparemment, ils me donnent tous le droit de voter dans des circonscriptions différentes.
    Le système actuel pose des problèmes et c'est le manque de sécurité. Néanmoins, je crois que le problème fondamental, si je puis dire, est que nous avons abandonné le recensement des électeurs qui nous fournissait une liste à jour. Cela posait toutes sortes de problèmes. Il fallait dresser la liste, confirmer la liste, l'afficher sur un poteau de téléphone et ensuite la vérifier. Tout le monde s'en souvient. M. Christopherson hoche la tête pour dire qu'il s'en souvient aussi.
    Cela posait donc des problèmes, mais les données étaient à jour. Nous avons essayé de passer à une liste permanente, mais elle contient énormément d'erreurs.
    D'après les rapports du Directeur général des élections, le taux d'erreur portant sur le lieu de résidence des gens est d'environ 16 % à 17 %. La carte d'information de l'électeur est établie à partir de la liste préliminaire et non pas la liste définitive si bien que ce taux d'erreur est maintenu. Le Directeur général des élections dit que dans certaines circonscriptions du pays, le taux d'erreur est de plus de 20 %. Il y a donc un problème fondamental qu'il faut résoudre.
    J'ai l'impression que le projet de loi cherche surtout à résoudre ce problème, y compris le fait qu'on ne pourra pas présenter la carte d'information de l'électeur pour prouver son identité. Ce n'est pas ce que prévoit la loi actuelle, mais ce que le Directeur général des élections a annoncé pour l'avenir.
    Je dis tout cela uniquement pour attirer l'attention sur une chose qui m'a semblé problématique et dont il n'a pas été question dans le témoignage des deux témoins. Je devrais peut-être aborder seulement un sujet dont M. Simms et Mme Lenard ont parlé et peut-être aussi M. Quail, car ils ont tous mentionné la déclaration sous serment. Je crois que, selon M. Simms, le bulletin de vote est alors placé dans une enveloppe non marquée et il est compté une fois que l'identité a été vérifiée.
    Si l'on faisait ce genre de chose, cela réglerait-il les questions qui vous préoccupent à l'égard de l'abolition de l'attestation par un répondant?
    Puisque c’est M. Quail qui a fait allusion à cette procédure, je pense qu’il est le mieux placé pour répondre à cette question.
    D’accord.
    Oui, à mon avis ce serait le cas, pourvu que le processus de vérification du bulletin soit raisonnable. Dans notre système, nous avons des agents électoraux, désignés par les partis, sur place. Les gens peuvent contester et il y aurait alors possibilité de mener les enquêtes nécessaires. Cela résoudrait le problème qui serait au contraire empiré si l’on éliminait des documents de la liste. Mais cela permettrait d’établir ce que nous avons appelé un filet de sécurité, un système fiable permettant à tout citoyen canadien admissible d’exercer son droit de vote.
     C’est ce que nous voulons. C’est ce que nous avons dit à la cour et qui aurait dû être prévu dans le projet de loi.
     Si c’est la direction choisie par le gouvernement, alors je l’en félicite.

  (2050)  

    N’applaudissez pas tout de suite. Nous n’en sommes pas encore là.
    Je pense que c’était provisoire, monsieur Christopherson. C’était mon impression.
     Avez-vous des commentaires à formuler sur ce système, madame Lenard? Je ne veux pas vous mettre sur la sellette si vous n’y avez pas réfléchi à l’avance.
    Non, je n’y ai pas réfléchi. Je l’ai lu dans les journaux hier et aujourd’hui. Je peux vous dire ce que j’ai pensé de cette nouvelle, mais je ne crois pas que cela m’habilite à donner mon point de vue ici.
    Très bien. Merci beaucoup à tous les deux.
    Merci, monsieur Reid. Ma foi, c’était exactement quatre minutes. Vous êtes précis. Merci.
     Je pense que nous allons nous en tenir là et remercier nos témoins d’avoir été présents aujourd’hui.
     Monsieur Quail et madame Lenard, merci à tous les deux d’être venus.
     Nous allons suspendre quelques instants.

  (2050)  


  (2055)  

    Nous reprenons la séance. Nous en sommes à la troisième heure de notre séance de ce soir et nous avons devant nous des invités.
     Monsieur Pammett, vous êtes assis à la table avec nous. Merci d’être venu.
     Par vidéoconférence, nous recevons, depuis St. John's, à Terre-Neuve-et-Labrador, M. Marland; et de Sydney, en Australie, Mme Norris.
    Nous vous entendons — c’est fantastique — et maintenant nous pouvons vous voir aussi.
     Est-ce qu’il fait beau en Australie?
    Il fait un temps magnifique. C’est le matin et il fait 30 degrés Celsius. Il fait beau.
    J’en suis certain.
     Des voix: Oh, oh!
     Le président: Tout le monde dans la salle vous en veut maintenant.
    Je sais.
    Voici comment nous allons procéder. Chacun d’entre vous aura du temps pour faire un exposé. Nous allons commencer par entendre nos invités par vidéo, au cas où nous perdrions le contact.
     Madame Norris, nous entendrons d’abord votre déclaration.
     Ensuite nous passerons à vous, monsieur Marland, et enfin à M. Pammett.
     Après cela, les membres du comité vous poseront des questions à tous les trois — ou à aucun d’entre vous, comme ils le voudront — et ils entendront vos réponses.
     Madame Norris, vous avez la parole.

  (2100)  

    Merci, monsieur Preston.
     C'est un honneur de contribuer aux délibérations du Parlement canadien sur cette importante question et je remercie le comité de m’avoir invitée.
     Je voudrais faire quatre séries d’observations: d’abord une mise en contexte, ensuite je traiterai des normes, puis des problèmes, après quoi je donnerai quelques détails.
     Tout d’abord, en guise de contexte, je m’intéresse à ce sujet parce que je dirige le projet sur l’intégrité électorale. Ce projet des universités de Harvard et de Sydney se penche sur les élections dans le monde entier. Nous examinons les problèmes électoraux partout dans le monde, depuis les problèmes pouvant surgir aux États-Unis, en Grande-Bretagne et au Canada, jusqu’à des cas d’États fragiles comme l’Afghanistan, le Kenya et la Thaïlande.
     Quelles normes peut-on appliquer pour juger si une nouvelle loi sera efficace? Je pense qu’on peut s’entendre sur certains principes qui sont reconnus en droit international et qui ont été appuyés par la communauté internationale. Je propose quatre principes.
     Premièrement, les organismes de gestion des élections doivent être impartiaux, justes, efficaces et indépendant — c’est très important dans n’importe quel pays — et ils doivent avoir la capacité de gérer les contestations. Je pense que nous pouvons tous convenir que c’est un critère important pour fonder la confiance. Deuxièmement, la procédure de vote doit être sûre, honnête et juste et doit permettre à tous les électeurs admissibles de voter. Troisièmement, le rôle de l’argent en politique, en particulier l’argent d’origine privée, doit être transparent et tous les partis doivent être placés sur un pied d’égalité. Quatrièmement, la loi électorale et le règlement promulgué en vertu de cette loi doivent faire l’objet d’une vaste consultation et d’un consensus de tous les partis.
     Mon observation suivante est que si nous pouvons tous nous entendre sur ces normes — et je pense qu’elles sont universelles; elles sont acceptées dans de nombreux pays du monde et par la plupart des instances internationales —, la loi sur l'intégrité des élections, que l’on propose de faire adopter au Canada, pose quatre problèmes pour ce qui est d’atteindre ces quatre objectifs.
     Premièrement, je pense que certaines dispositions réduiraient l’autorité, l’efficacité, l’impartialité et l’indépendance de l’administration électorale. Cela peut nuire à la confiance et poser un problème. Deuxièmement, à mon avis, certaines dispositions restreindraient le droit de vote fondamental et réduiraient donc le taux de participation aux élections. Cela pose clairement un problème parce que le taux de participation a baissé au Canada, comme dans beaucoup d’autres pays. Troisièmement, la loi proposée donnerait un plus grand rôle à l’argent, en particulier d’origine privée, en politique. Enfin, je pense que le processus débouchera sur une plus grande polarisation plutôt qu’un consensus. Une fois qu’on enclenche la polarisation entre les partis à propos de la loi électorale, il devient très difficile d’empêcher que cela arrive entre les gouvernements successifs.
     Globalement, quand j’examine le projet de loi, et je l’ai lu très attentivement, je pense qu’il peut poser certains problèmes pour la réputation internationale du Canada. Le Canada est considéré dans le monde entier comme un modèle de démocratie idéale, et la mesure proposée pourrait entacher cette réputation. De plus, d’autres gouvernements — et c’est cela qui me préoccupe vraiment — qui sont moins disposés à respecter les droits de la personne, dans des pays où les institutions démocratiques sont moins solidement établies, pourraient suivre cet exemple, ce qui freinerait le progrès de la démocratie dans le monde.
     Dans mon mémoire écrit, j’ai donné des arguments détaillés à l’appui de ces affirmations. Je n’entrerai pas dans les détails — j’ai remis le texte de mon mémoire — mais je veux insister sur un élément clé pour chacun de ces quatre arguments.
     Premièrement, pour la gestion électorale, je pense que certaines dispositions limiteraient la capacité du directeur général des élections de communiquer avec le public et aussi de faire de l’éducation civique. C’est fondamental. Faire l’éducation des électeurs, c’est un devoir fondamental des instances électorales. Encore une fois, c’est un fait accepté par des organisations comme l’OSCE, l’Union africaine, l’Organisation des États américains, qui reconnaissent que c’est un élément clé. Le rôle de l’institution sera par ailleurs affaibli par le fait qu'elle ne pourra pas faire rapport directement au Parlement, mais plutôt au gouvernement.
     Deuxièmement, au sujet du droit de vote et du taux de participation, je pense que le comité a entendu beaucoup d’interventions sur les répondants et la carte d’information de l’électeur. En termes simples, je ne crois pas que la fraude électorale soit un grave problème. Si le Parlement canadien croit que c’est un problème, il y a des moyens beaucoup plus efficaces de s’attaquer au problème de l’usurpation d’identité d’un électeur. Élections Canada pourrait par exemple remettre à tous les électeurs des cartes gratuites et publiques. Dans le cadre des élections qui auront lieu dans quelques semaines en Inde, l’État a distribué gratuitement des cartes à plus de 800 millions de personnes. Ces cartes comportent une photo et sont disponibles au bureau de scrutin.

  (2105)  

     On peut s’attaquer efficacement à la fraude électorale, mais il faut consentir un investissement. Il ne faut pas exclure des électeurs, il faut les inclure tous. Vous pourriez prévoir des amendes plus élevées ou d’autres formes de pénalités pour toute transgression.
     Troisièmement, au sujet de l’argent en politique, il est clair que toute campagne coûte de l’argent et il faut permettre ce financement, mais je pense que certaines dispositions proposées vont nuire à la transparence et pourraient donc être problématiques. De plus, il y a d’autres moyens de fournir des ressources de façon juste et équitable à tous les partis, y compris grâce à des fonds publics. Si le problème est l’absence de ressources suffisantes, ce serait peut-être la meilleure solution: augmenter les fonds fournis à chaque candidat et à chaque parti, de manière équitable.
     Le dernier point, et je crois qu’à certains égards c’est le plus important, est qu’il faut dégager un consensus pour tout ce qui a trait à la Constitution et aux élections. Votre position ne peut pas être perçue comme partisane. Si c’est le cas, le danger est double. Premièrement, vous perdez la confiance. Le public peut devenir beaucoup plus méfiant à l’égard du processus électoral, ce qui serait vraiment regrettable. À l’heure actuelle, les élections canadiennes ont une très bonne réputation. La plupart des Canadiens croient qu’elles sont très honnêtes. Vous ne voulez pas ébranler le moindrement cette confiance, parce qu’une fois que la confiance est ébranlée, il est difficile de la rétablir. Deuxièmement, cela peut également ébranler la confiance envers le personnel chargé des élections et il peut en découler une attitude partisane parmi les gouvernements ultérieurs. Si vous adoptez cette loi et que d’autres partis et groupes ne sont pas d’accord, elle pourra être abrogée, ce qui peut encore une fois être très nuisible.
     En conclusion, je pense que les délibérations du Parlement sont tout à fait les bienvenues. Nous devons nous assurer de ne pas porter atteinte à la démocratie canadienne. Nous devons nous assurer de ne pas porter atteinte aux élections canadiennes. Nous devons nous assurer que les pays où l’on ne respecte pas les droits de la personne, et ils sont nombreux dans le monde, ne puissent pas s’inspirer de cet exemple pour dire que si le Canada peut restreindre le moindrement les droits des électeurs, par exemple, alors on peut également le faire au Zimbabwe, au Bélarus, au Kenya ou dans beaucoup d’autres pays qui ne sont pas des démocraties solides, mais qui progressent en suivant l’exemple du Canada.
     Merci beaucoup, encore une fois, de m’avoir écoutée. Je suis tout à fait disposée à répondre à vos questions sur toute question de détail.
    Merci, madame Norris.
     Nous passons maintenant à M. Marland, pour sa déclaration liminaire.
    Premièrement, merci beaucoup de m’accueillir. Bonjour à tous.
     En guise de contexte et pour expliquer les raisons de mon intervention, mon domaine de recherche est le marketing et les communications politiques au Canada. Mes travaux portent en grande partie sur... [Note de la rédaction: difficultés techniques] ... les gens qui travaillent dans les campagnes électorales aux niveaux national et local. De plus, dans le cadre de mes recherches, j’ai examiné les déclarations relatives aux dépenses nationales et locales des partis.
     J’ai pensé qu’il serait probablement préférable, pour utiliser au mieux mon temps et le vôtre, de passer en revue la loi électorale et d’essayer de signaler certains éléments qui m’apparaissent justifier un examen un peu plus approfondi. J’ai établi ce que j’appellerais... [Note de la rédaction: difficultés techniques]. Je me ferai un plaisir de donner suite par courriel pour préciser ma pensée. Si cela vous convient, je vais résumer très brièvement.
     Le premier élément se trouve dans les articles proposés 348.16 à 348.19, où il est question de scripts et d’enregistrements. Voici ce que je suggère à ce sujet: on dit que le script sera conservé pendant un an, mais je me demande s’il ne serait pas plus transparent de dire que le script sera à la disposition du public après un an. Au lieu de simplement disparaître, il serait du domaine public et les chercheurs et autres intéressés pourraient le consulter un an plus tard.
     Je passe maintenant à l’article proposé 350. On y précise que les dépenses des tiers ne doivent pas dépasser 150 000 $. Je n’ai aucune objection à cela, mais il y a un point auquel à mon avis tout le monde devrait réfléchir, à savoir que le coût de la publicité est en train de changer. Nous assistons actuellement à un changement en profondeur, parce qu’il existe maintenant la publicité vidéo en ligne, ce qui fait que tout à coup, des groupes de tous genres sont en mesure de communiquer sans dépenser d’argent, et pourtant, notre loi électorale vise essentiellement à empêcher les gens de dépenser trop d’argent. Je voudrais donc attirer votre attention là-dessus.
     À l’article proposé 366, il est question de dons de 20 $ ou plus. Je trouve qu’il vaut la peine d’y réfléchir parce que les partis politiques cherchent activement à obtenir de très petits montants. Les responsables disent souvent: « Pourriez-vous nous donner seulement 3 $? » Cela commence à soulever des questions sur les dons anonymes également. J’aimerais avoir une meilleure compréhension des raisons qui justifient cette limite de 20 $.
     En vertu du paragraphe proposé 376(3), au sujet des dépenses engagées pour solliciter des dons, on précise que ce n’est pas une dépense électorale si l’argent a servi à rejoindre des gens qui ont donné 20 $ ou plus au cours des cinq dernières années. Je n’ai pas vraiment d’objection, mais je trouve que cela prête quelque peu à confusion, parce qu’il est très difficile d’établir, selon le libellé actuel, qui sont exactement ces personnes. Comment s’assurer que l’on ne communique pas également des messages plus vastes, ou comment s’assurer que l’on vise seulement les personnes en question et que l’on ne cherche pas à rejoindre un public plus large?
     J’ai une autre observation au sujet du paragraphe proposé 383(2), qui porte sur le rapport de campagne électorale, lequel doit être publiquement disponible pendant six mois et conservé pendant trois ans. Je me demande si ces documents pourraient être à la disposition du public pendant une période indéfinie grâce aux bons offices d’Élections Canada.
     L’article proposé 348.01 renferme une définition de « composeur-messager automatique ». Je suppose que cela concerne les appels automatisés. À mon avis, il importe de faire la distinction entre des appels utiles visant simplement à fournir de l’information, et des appels qui ont davantage à voir avec la recherche, c’est-à-dire que des renseignements sont fournis par la personne à l’autre bout du fil. On fait de plus en plus d’interviews à des fins de recherche par des moyens électroniques. Je pense qu’il ne faut pas confondre un appel téléphonique visant à faire un sondage avec un appel visant simplement à renseigner quelqu’un en lui disant où aller voter.
     Il y a aussi le paragraphe proposé 421(1), où l’on dit que la fusion de partis est interdite 30 jours avant la délivrance du bref. Je veux simplement attirer votre attention sur une pensée qui m’est venue: qu’arrive-t-il en cas d’élection éclair? Je ne suis pas avocat et vous devrez examiner attentivement le libellé. Mais est-il possible que deux partis envisagent de fusionner et que le premier ministre déclenche des élections à l’improviste pour empêcher cette fusion? J’attire seulement votre attention là-dessus.
     J’ai deux autres points à aborder. Au paragraphe proposé 431(2) et à l’article proposé 477.52, il est question d’interdire la collusion... [Note de la rédaction: difficultés techniques]. Je me demande seulement s’il est fait mention d’interdire la collusion aux fins de faire des dons.

  (2110)  

     Un dernier point, au sujet duquel j’espérais personnellement qu’on jette un peu de lumière, est l’article proposé 445. Je me demande seulement si l’on réintroduit toute la notion des allocations trimestrielles, qui avait soulevé un tel tollé auparavant, ou bien s’il y a quelque chose qui m’a échappé.
     Je vous remercie beaucoup et, je le répète, si cela vous convient, je vais faire un suivi par courriel.
    Je vous demanderais de le faire, monsieur Marland. Si vous pouviez nous envoyer par courriel le texte de vos observations ou vos questions, ce serait fantastique.
     Nous passons maintenant à M. Pammett, auquel nous accordons plus ou moins cinq minutes, après quoi nous passerons aux questions.
     Je m’appelle Jon Pammett. Je suis professeur de science politique à Carleton. J’ai pris ma retraite l’année dernière après avoir enseigné pendant une quarantaine d’années. Je sais que je n’en ai pas l’air, mais voilà.
    Vous avez commencé à l’âge de huit ans.
    Je pense que les observations de mes deux collègues illustrent la difficulté de commenter ce projet de loi. Nous avons entendu des commentaires très généraux sur la nature du projet de loi comme tel et ensuite beaucoup de commentaires pointus, et je suppose qu’il y a beaucoup d’autres points précis sur lesquels on n’a rien dit.
     En réfléchissant à ce que j’allais dire aujourd’hui, j’avais pensé m’attarder à quelques éléments précis, mais en fait, ce qui me préoccupe vraiment, ce sont les grandes questions de portée générale que d’autres ont évoquées. J’ai lu des observations et je suis sûr que vous les avez entendues et je doute donc que ce que je vais dire soit particulièrement neuf pour vous.
     Dans le cadre de mes travaux de recherche, j’étudie les élections depuis les années 1970 et 1980. J’ai fait des études pour la Commission Lortie et j’ai fait beaucoup d’autres travaux depuis. L’un des points qui m’intéressent depuis le tout début, c’est le taux de participation: qui va voter et qui ne vote pas et pour quelle raison. Cette question me préoccupait même quand le taux de participation était de l’ordre de 75 %, comme c’était le cas aux élections fédérales jusqu’en 1988. Bien sûr, moi-même et bien d’autres chercheurs sommes devenus beaucoup plus préoccupés à mesure que le taux a baissé depuis cette époque. Nous savons que la situation a empiré pour ce qui est du taux de participation électorale.
     Sur le plan fédéral, la tendance est à la baisse dans la plupart des provinces, quoiqu’il y ait des exceptions probablement liées au degré de concurrence — on peut se pencher par exemple sur le cas du Québec et si l’on devait prédire le taux de participation aux élections québécoises de la semaine prochaine, il sera probablement raisonnablement élevé parce que la concurrence est vive dans cette élection. Les gens qui, comme moi, se préoccupent de cela ont mis l’accent sur divers éléments, portant essentiellement sur des changements institutionnels que l'on pourrait peut-être apporter pour essayer de rendre le vote plus accessible et peut-être plus commode, et des initiatives en matière d’éducation visant à encourager les gens qui ne votent pas à aller voter.
     Un bon esprit civique, et je n’ai pas à m’excuser de parler de la situation en ces termes, exige la participation. Pour être de bons citoyens, selon la théorie et toutes les conceptions de la démocratie, il faut que les gens s’intéressent activement à la vie publique et participent aux affaires politiques, notamment aux élections qu’ils doivent suivre attentivement.
     Les recherches sur la participation politique montrent que presque tous les gestes que l’on pose dans ce domaine sont liés. D’une part, le déclin marqué du taux de participation signifie que d’autres éléments de la participation sont également affectés par ce déclin. D’autre part, si l’on veut voir le verre à moitié plein, encourager les gens à aller voter va également les encourager à s'engager d'autres manières et il est donc doublement important de faire des efforts en ce sens.
     Cette mesure législative est donc évaluée par des gens comme moi dans un esprit non partisan. Je n’adopte aucune position partisane sur cette mesure quand je me demande si elle apporte des changements institutionnels, des possibilités en matière d’éducation et des encouragements à voter susceptibles d’augmenter le taux de participation. Ma conclusion, qui est également celle d’autres gens que vous avez sûrement entendus, est que ce n’est pas le cas. Les changements en matière d’accès au vote auront probablement plutôt l’effet contraire.
     Il y a quelques années — j’y ai justement repensé aujourd’hui — j’ai témoigné devant votre comité, pas dans cette immeuble, mais dans une autre salle de comité, à propos d’un autre projet de loi, et je crains de ne pas me rappeler le numéro ni même l’année de ce projet de loi, mais peut-être que certains d’entre vous s’en rappellent. Il proposait, entre autres choses, d’augmenter sensiblement le nombre de jours de vote par anticipation, de favoriser davantage le vote par anticipation, au point que l’on proposait, sauf erreur, d’ouvrir tous les bureaux de scrutin plusieurs jours avant le jour des élections proprement dit, ce qui revenait à avoir une deuxième journée des élections, et c’est peut-être la raison pour laquelle ce projet de loi n’a pas été adopté. Mais quoi qu’il en soit, telle en était l’orientation et c’est ce qu’on proposait pour augmenter le taux de participation.

  (2115)  

     Il en subsiste quelques éléments dans le projet de loi à l’étude. J’ai remarqué qu’une disposition prévoit une journée supplémentaire de vote par anticipation. On sait que les gens votent de plus en plus par anticipation et c’est un pas dans cette direction. Les exigences accrues en matière d’identification des électeurs que l’on propose dans cette mesure vont probablement détourner les gens pour lesquels aller voter est peut-être une activité marginale, et ils sont très nombreux. Cela va les dissuader d’aller voter.
     Je veux revenir sur la disposition du projet de loi portant sur le vote électronique, non pas que je me propose de débattre de toute la question du vote électronique ou de m’en faire le champion. Je connais parfaitement toute la problématique du vote électronique. Cela existe dans beaucoup de municipalités canadiennes, comme vous le savez sûrement, et ailleurs dans le monde. Quand c’est disponible, le vote est plus accessible et les gens s’en servent. En vertu de ce projet de loi, tout projet pilote en ce sens deviendra maintenant extrêmement difficile, voire impossible, au niveau fédéral; cela donne donc une idée de l’orientation de ce que l’on propose en l’occurrence.
     En matière d’éducation, le projet de loi propose explicitement d’enlever à Élections Canada le pouvoir de faire la promotion du vote. L’organisme peut informer les gens sur le vote, mais il ne peut pas en faire la promotion. Des campagnes pour inciter les gens à voter ont été menées par divers organismes de gestion des élections, au Canada à divers niveaux et dans beaucoup d’autres pays du monde, les messages étant diversifiés. Il me semble qu’il n’y a aucune raison de vouloir limiter cela. D’autres en ont dit autant.
     Et puis il y a la recherche. Le projet de loi propose qu’Élections Canada puisse faire des recherches, mais ne soit pas autorisé à en publier les résultats; ces recherches ne doivent donc pas être du domaine public. Pourquoi? Je ne comprends tout simplement pas cette disposition qui supprime la recherche. Pourquoi faites-vous cela?
     Ce projet de loi compte de nombreux autres aspects que je ne vais pas passer en revue. En général, j’estime qu’il exige une réflexion beaucoup plus approfondie et davantage de discussions avant d’aller de l’avant.

  (2120)  

    Merci beaucoup, monsieur.
     Nous allons maintenant passer aux questions à nos témoins.
     Monsieur Reid, vous commencez et vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
     Merci à nos témoins.
     Je voudrais commencer par M. Marland. Vous avez soulevé une série de questions portant sur des articles précis du projet de loi, dont certains n’ont pas été abordés par les autres témoins devant notre comité. Tout projet de loi qui vise à modifier une autre mesure législative complexe est tel que tout renvoi à un article du projet de loi met normalement en cause un autre article qui est pris hors contexte; c’était donc parfois difficile de vous suivre. Je voudrais revenir sur certains de ces points.
     Je posais justement la question à mes collègues. Je ne me rappelle pas avoir vu un mémoire écrit de votre part, et eux non plus.
     Avez-vous remis un mémoire écrit? Avons-nous reçu quelque chose?
    M. Marland a laissé entendre qu’il va nous faire parvenir ses observations et certaines questions.
    C’est ce que j’allais demander.
     Cela nous serait très utile pour avoir une vue d’ensemble des suggestions que vous avez faites. Je vous invite donc à le faire, cela nous serait utile et je vous en remercie.
     Je passe à l’autre point que je voulais aborder et qui a été soulevé au comité. Il s’agit de la publicité faite par le directeur général des élections. J’ai insisté assez lourdement auprès du ministre pour qu’il donne des instructions au directeur général des élections au sujet des éléments qu’il doit publiciser. La liste que j’avais à l’esprit reflète plus ou moins la liste qui se trouve maintenant dans la nouvelle version du paragraphe 18(1) de la loi.
     Il me semble essentiel que cela fasse l’objet de publicité. Il ne s’agit pas de dire aux gens ce qu’ils « doivent » faire, de dire aux gens qu’ils « doivent » aller voter. Il a beaucoup insisté dans le passé... et je suis sûr que vous pouvez trouver en ligner ces publicités montrant des gens qui se lèvent pour prendre la parole, mais on n’entend aucun son sortir de leur bouche parce qu’ils ne sont pas allés voter.
     Ces messages visent à expliquer aux gens pourquoi ils devraient voter. Je n’ai aucune idée de leur efficacité, parce que je n’ai jamais vu de recherche a posteriori là-dessus. Mais on n’y trouve rien sur la manière de se porter candidat. Le DGE devrait dire aux gens, dans ses messages publicitaires, comment se porter candidat; comment un électeur peut faire ajouter son nom à la liste des électeurs, ou peut-être y faire apporter une rectification si son nom comporte une erreur. Dans les deux cas, cela arrive souvent. Des gens ne sont pas sur la liste ou bien il y a à leur sujet une erreur sur la liste. Il faudrait donc dire aux gens comment un électeur peut voter et expliquer les différentes manières de le faire —vote par anticipation, vote postal, etc. — et tout cela ne fait pas vraiment l’objet de publicité. C’est sur la carte d’information de l'électeur, mais il faut obtenir la carte pour aller voter. Il faut également savoir comment prouver son identité pour voter; connaître les pièces d’identité qu’il sera nécessaire de montrer pour voter; les mesures disponibles pour aider un électeur handicapé à voter, qu’il s’agisse d’un handicap visuel ou d'une mobilité réduite, etc. Et il y a dans le projet une disposition qui stipule que l’on doit fournir toute cette information de manière que celle-ci soit accessible aux personnes handicapées.
     Tout cela a été ajouté en grande partie à ma demande. Je pense que c’est nécessaire. Ce n’est pas dans le projet de loi, mais je pense que le DGE doit faire rapport sur ce qu’il a fait, dire si ses efforts ont été couronnés de succès ou non, et préciser ce qu’il fera à l’avenir pour améliorer la situation, parce que ce sont les éléments de base pour appuyer le vote.
     Je suis en train de faire une longue diatribe au lieu de vous poser une question. Je vais en poser une, mais je veux seulement signaler que dans ce rapport déposé tout récemment, l’enquête nationale auprès des jeunes menée après les élections générales de 2011, le DGE signale que les jeunes ont le plus faible taux de participation de tous les groupes de la société canadienne. Il s’est penché sur les raisons pour lesquelles ceux-ci n’ont pas voté et il en est arrivé à la conclusion qu’un élément clé de la réponse était le fait de ne pas avoir reçu de carte d’information de l’électeur, surtout, je pense, à cause de leur mobilité, car les jeunes déménagent souvent. Ils étaient peu au courant des différentes manières de voter, notamment les jeunes chômeurs ne fréquentant pas l’école. Selon lui, c’est l’une des principales raisons. Il y a aussi le fait de ne pas connaître la date des élections; cela s’applique aux jeunes des groupes ethnoculturels.
     Il me semble qu’il s’agit là de publicité peu spectaculaire et présentant des renseignements de base, que le DGE a vraiment négligé dans le passé et qui est un élément clé pour augmenter le taux de participation. Or c’est justement l’un des objectifs de ce projet de loi. Je ne sais pas, mais est-ce que ce n’est pas une bonne chose?
     Cela dit, j’ai dit que je m’adressais à M. Marland, mais peu m’importe qui répond en premier à ma question.
     Monsieur Pammett.

  (2125)  

    Oh, si vous me posez la question, je ne suis certainement pas en désaccord quant aux avantages de fournir cette information. Je ne pense pas que cela veuille nécessairement dire que l’on ne puisse conjuguer cela et l’encouragement à tirer profit de ces possibilités.
    Très bien, je vous remercie.
     Quelqu’un d’autre a des observations là-dessus?
    Monsieur Marland.
    Si je peux mettre mon grain de sel, je suppose que je dirais que tout ce que l’on peut faire pour sensibiliser les jeunes, surtout, probablement, avant l’âge de 18 ans, au sujet de la politique et du processus électoral, est important.
     Ce que vous avez dit sur la manière de se porter candidat est très juste. Dans le cadre de mes recherches, j’ai interrogé des gens qui ont été candidats à l’émission Canadian Idol. J’ai rencontré des participants à cette émission et ils essayaient tous d’obtenir des votes. Quand je les ai interrogés sur la politique, ils m’ont tous dit: « La politique, je n’y connais rien. Je ne sais pas comment voter. Je ne sais pas comment m’informer. »
     Pour moi, c’est exactement le genre de choses que l’on devrait faire. De plus, il m’apparaît évident qu’il faut faire d’autres publicités pour encourager les gens à aller voter pendant la campagne électorale. Mais la notion plus générale de la manière de participer aux activités politiques s'inscrit dans une conversation plus large qui doit avoir lieu.
    Si je peux intervenir, je serais tout à fait favorable à toutes ces activités. Il y a des normes pour les organismes de gestion des élections qui sont maintenant énoncées dans le cadre du projet ACE. C’est une norme internationale pour les gens qui n’ont jamais dirigé d’élection dans de nombreux pays et, encore une fois, il s’agit de faire l’éducation civique, c’est-à-dire donner des renseignements de base sur la manière d’aller voter, expliquer quels sont les droits et comment interjeter appel. Ces éléments sont toujours énoncés comme faisant partie des fonctions de base de toute commission électorale.
     Je sais que les jeunes oublient souvent d’aller voter ou ne savent pas comment faire, mais si je peux raconter une anecdote, je me rappelle que récemment, à l’occasion d’élections de mi-mandat aux États-Unis, quand j’ai demandé à mes collègues du département de science politique à Harvard s’ils avaient voté, certains d’entre eux, parmi mes professeurs, avaient même oublié qu’il y avait des élections ce jour-là. C’est toujours mieux d’avoir plus d’information. Cela encourage la mobilisation.
    Il vous reste trois secondes, monsieur Reid, et je vais donc vous interrompre.
    Cela me donne le temps de dire merci.
    Merci.
     Monsieur Christopherson, vous avez sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Merci à nos témoins. C’est super de vous entendre. J’aimerais seulement que nous entendions un plus grand nombre d’intervenants.
     Madame Norris, étant donné votre réputation mondiale et votre prestige, j’aimerais bien que vous reveniez sur vos observations de tout à l’heure au sujet de la manière dont les élections menées au Canada sont perçues dans le monde.
    Oui, monsieur Christopherson.
     Essentiellement, le Canada est à l’avant-garde dans ce domaine. Grâce au développement international, le Canada a toujours favorisé la formation, le renforcement des capacités et la démocratisation dans de nombreux pays, qu’il s’agisse de l’Afghanistan ou de pays comme le Nigeria ou le Ghana. Beaucoup d’autres pays n’ont pas l’expérience du Canada et veulent donc apprendre de nous. C’est une question de coopération et de renforcement des capacités. Si le Canada restreint de quelque façon les droits des électeurs, par exemple en rendant plus difficile pour certaines catégories de gens de s’inscrire ou pour l’organisme chargé des élections de fournir de l’information, c’est un signal qui sera perçu en bien des endroits dans le monde où l’on n’a pas l’expérience, l’engagement ou la volonté de faire progresser la démocratie. Je crois donc que ce serait nuisible à de nombreux égards pour beaucoup d’autres activités que le Canada veut mener.
     Quand des collègues canadiens m’ont parlé de ce projet de loi pour la première fois, je n'en revenais pas. Pour moi, c’était un peu comme si, par exemple, la Norvège déclarait qu’elle n’était pas en faveur de l’égalité des sexes, ou comme si les Suédois disaient qu’ils étaient contre la démocratie. Le Canada est vraiment un modèle sur la scène internationale et il me semble que ce serait vraiment faire fausse route que d’entacher la réputation du processus électoral canadien, ce que cette mesure risque de faire en rendant le processus beaucoup plus partisan et polarisé, ce qui est tout à fait l’expérience qu’ont connue les États-Unis depuis une décennie.

  (2130)  

    Merci beaucoup.
     Vous avez abordé la question des consultations et vous avez dit que l’adhésion fait partie d’un régime électoral couronné de succès. Vous venez de décrire la réputation du Canada sur la scène internationale, la manière dont nous sommes perçus, et j’ai bien aimé que vous ayez mentionné la Norvège et la Suède, parce que telle est l’image que nous avons de nous-mêmes. C’est de cela que nous tirons notre fierté. Pas de la taille de notre économie, de notre armée ou de notre population. À l’instar de l’Australie, c’est notre réputation qui est notre devise sur la scène internationale.
     Madame, vous avez décrit la situation habituelle du Canada dans le monde, mais nous sommes maintenant saisis d’un projet de loi de réforme électorale qui n’a fait l’objet d’aucune consultation ni du directeur général des élections, ni du commissaire aux élections ni de la société civile, ni même des partis d’opposition. C’était bien d’entendre M. Reid s’attribuer le mérite de certains éléments du projet de loi qu’il aime bien, parce que cela fait ressortir le fait que les seules personnes qui ont eu leur mot à dire dans ce projet de loi sont les conservateurs. Personne d’autre n’a eu son mot à dire. Je vous invite à situer une telle approche face à la réforme électorale dans son contexte, compte tenu de la réputation dont le Canada jouit actuellement.
    Encore une fois, je suis contente de vous entendre dire cela. Je pense que vous avez absolument raison. Il y a deux dangers. D’abord la confiance du public. S’il n’y a aucune consultation, si les partis sont contre les mesures proposées, si la loi ne fonctionne pas, alors ce sera un véritable problème sur le plan de la confiance des Canadiens envers le processus électoral, et je peux documenter cela.
     Prenons par exemple le sondage mondial Gallup, qui englobe de nombreux pays, environ 120, sur la confiance que les gens ont dans l’honnêteté de leurs élections. En 2011, selon le sondage mondial Gallup, les trois quarts des Canadiens avaient une confiance élevée. Voilà un témoignage très positif quant à la manière dont ces élections ont fonctionné.
     Aux États-Unis, par contre, bien que ce pays soit démocratique depuis des siècles, seulement environ la moitié de la population, 48 %, avait confiance dans l’honnêteté des élections. Si ce pourcentage a baissé aux États-Unis, c’est en partie, tout simplement, à cause de la polarisation qui s’est produite, et il me suffit de prononcer un seul mot, nommément « Floride ». Depuis les événements survenus en Floride en 2000 et tous les problèmes qui ont surgi durant cette élection présidentielle, la polarisation est très marquée aux États-Unis.
     À ce jour, une trentaine d’États américains ont envisagé certaines formes de nouveaux règlements, de nouvelles lois sur l’inscription des électeurs, sur les installations de vote. Certains sont allés de l’avant, augmentant le nombre de jours où l’on peut voter, comme le Massachusetts; d’autres ont resserré la procédure électorale, la rendant plus stricte.
     Le problème de la polarisation est que non seulement les lois changent plus fréquemment, dès qu’il y a un changement de gouvernement ou que de nouveaux partis arrivent au pouvoir, mais aussi que le public a le sentiment que les élections ne sont pas menées dans l’intérêt public et qu’elles s’inscrivent dans un cadre étroitement partisan.
     Je pense que le Canada doit vraiment prendre un peu de recul et dire essentiellement, adoptons une attitude plus conciliante, tout comme on le ferait pour n’importe quelle autre réforme constitutionnelle. Les élections doivent être au-dessus de la mêlée. Elles ne devraient pas faire l’objet du même battage politique que les autres dossiers, parce qu’elles constituent les règles du jeu.
     Un dernier mot là-dessus: je pense qu’il est très facile de détruire la confiance du public et de créer le cynisme. C’est ensuite très difficile de rétablir la confiance, comme nous le savons tous. Dans beaucoup de pays du monde, il y a une crise de confiance envers les élus. Si l’on détruit la confiance dans les élections, je crains que tous les parlementaires auront davantage de problèmes parce que c’est l’autorité du Parlement et la confiance envers les élus qui seront ébranlées également.
     Donc, pour toutes ces raisons, je suis tout à fait d’accord avec vos observations.

  (2135)  

    Merci beaucoup.
     Il nous reste moins d’une minute. Je vous invite à donner une brève réponse. Vous avez dit être préoccupée par le rôle accru des dollars dans les élections. Bien sûr, plus on rapproche les dollars des politiciens, plus la démocratie est en péril.
     Veuillez me faire part de vos réflexions sur cet aspect du projet de loi.
    Dans tous les pays, il faut de l’argent pour faire campagne et le coût des campagnes augmente énormément. Je ne crois pas que l’argent pose un problème comme tel. Le problème se pose si les règles du jeu ne sont pas les mêmes pour tous. On sait que dès que de l’argent privé est en cause, les partis établis qui comptent déjà sur des donateurs peuvent augmenter leur cagnotte, tandis que ceux qui n’ont pas les contacts et les réseaux voulus ne le peuvent pas.
     Donc, au lieu de réduire les limites pour l’injection d’argent privé et les campagnes de financement, en particulier, envisagez d’accorder davantage de subventions publiques, soit en fournissant des services en nature, par exemple en donnant plus de temps d’antenne aux partis politiques, ou de privilèges postaux; ou encore en versant des subventions publiques à tous les partis, de manière juste et équitable. C’est ce qu’ont fait beaucoup d’autres pays, notamment en Europe, et le Canada pourrait en faire autant pour surmonter le problème de l’argent en politique.
    Je pense qu’ils ont déjà supprimé cela.
    Merci, monsieur Christopherson.
     La parole est à M. Simms, qui a sept minutes.
    Merci.
     Je vais commencer très rapidement par m’adresser à Mme Norris, après quoi je me tournerai vers MM. Marland et Pammett.
     Au sujet de l’identification d’un électeur par un répondant, madame Norris, des témoins antérieurs et beaucoup de témoignages indiquent... en fait, il y a eu toute une controverse sur le fait que beaucoup d’électeurs légitimes ont été, disons, étiquetés fraudeurs. La présomption de fraude semble être le fondement de cette décision du gouvernement, parce qu’autrement, on aurait choisi un système de rechange, pour remplacer l’actuel système d’identification par un répondant.
     Dans votre expérience internationale, et je suppose que je veux dire par là les États-Unis, parce que j’ai entendu dans beaucoup d’émissions et lu dans beaucoup de publications l’expression « suppression électorale » qu’on lance à gauche et à droite dans ce débat... Mais il y a beaucoup de gens aux États-Unis qui s’estiment privés de leur droit de vote. Il semble que le phénomène se produise très rapidement, si j’ai bien compris. Vous me le direz si je me trompe. Mais l’origine du problème est-elle cette présomption de fraude qui a débouché sur l’élimination du droit de vote, qui est à mes yeux un droit inaliénable garanti par notre Charte?
    Oui, c’est cela. Aux États-Unis, beaucoup d’initiatives au niveau des États sont fondées sur la présomption de l’usurpation d’identité de l’électeur. Il ne s’agit pas de n’importe quel type de fraude, mais bien de l’idée que des électeurs peuvent voter deux fois ou que quelqu’un puisse se présenter et prétendre être un électeur alors qu’il ne l’est pas.
     Essentiellement, les meilleures recherches effectuées par Lorraine Minnite et d’autres aux États-Unis ont permis de constater qu’il s’agit là d’un problème très mineur. Le nombre de poursuites, d’affaires policières et de personnes qui se font prendre est très petit. Normalement, quand il y a usurpation d’identité d’un électeur, c’est par accident. Une personne peut s’être inscrite par exemple en deux endroits parce qu’elle possède deux résidences, ou bien d’autres problèmes ont surgi.
     S’il y a un problème de fraude, je pense que toutes les parties intéressées peuvent s’entendre pour dire qu’il faut garantir la sécurité et l’honnêteté dans n’importe quelle élection. Chacun devrait avoir et défendre son droit de vote, mais l’on veut clairement éviter qu’un citoyen soit compté deux fois.
     Il y a beaucoup d’autres moyens plus efficaces de contrer un éventuel problème de fraude. On peut d’abord, tout simplement, renforcer les pénalités. Des amendes sont prévues pour quiconque enfreint la loi et il suffit donc d’en augmenter le montant. Ou bien on peut mettre en place d’autres méthodes de vérification. On pourrait par exemple avoir des boîtes de scrutin provisoires. Si quelqu’un se présente au bureau de vote et ne possède pas de pièce d’identité officielle, on pourrait dire, très bien, tous ces bulletins de vote sont placés dans une boîte spéciale et les votes sont comptés et vérifiés à la fin de la journée d’élection.
     Il existe des mécanismes qui sont utilisés en bien des endroits et qui permettent d’instaurer une certaine souplesse quand des gens se présentent et ne sont pas munis des bonnes pièces d’identité.
     Troisièmement, le gouvernement lui-même, l’État ou le gouvernement fédéral peut émettre des cartes d’identité d’électeurs gratuites, laminées, avec photo et empreintes digitales. En Inde, par exemple, où la fraude est généralisée et pose un vrai problème, l’organisme chargé d’organiser les élections est responsable de la production de ces cartes. On s’en sert en Inde, en passant, non seulement pour les élections, mais aussi pour bien d’autres choses, comme les droits fonciers, parce que c’est une carte gouvernementale officielle. Mais l’électeur ne paye rien pour l’obtenir. La carte est distribuée à tous les électeurs, qu’ils soient illettrés, ruraux ou quoi que ce soit.
     Il y a bien des moyens de s’attaquer à la fraude électorale, si elle pose problème. Je ne pense pas que ce soit un problème fondamental. Mais encore une fois, il n’est pas nécessaire d’interdire les répondants ou l’utilisation de la carte d’information de l’électeur; dans les deux cas, cela aurait l’effet contraire et empêcherait de voter beaucoup de jeunes, la population mobile, les personnes âgées qui n’ont pas de permis de conduire avec leur adresse, ou d’autres groupes qui se déplacent souvent et ne possèdent pas les cartes d’identité voulues.

  (2140)  

    Merci beaucoup, madame Norris.
     Je passe maintenant de 30 degrés Celsius à 30 centimètres de neige, et il en tombe encore. Monsieur Marland, j’ai remarqué que vous avez probablement dû pelleter aujourd’hui et je vous remercie donc de témoigner aussi tard.
     Je vous demanderais de répondre à la même question que j’ai posée à Mme Norris, parce qu’à Terre-Neuve-et-Labrador, je pense que les greffiers du scrutin et les représentants de l’organisme électoral officiel de la province ont un rôle à jouer pour ce qui est de se porter garant de l’identité d’un électeur, sauf erreur. Je vous invite à commenter cela.
     Par ailleurs, au sujet du rôle d’un organisme électoral indépendant et de ses communications avec le public, vous avez dit qu'il y a en effet les questions de base, où, quand et comment voter, et tous les détails. Mais vous avez mentionné une conversation plus large. Pourriez-vous revenir sur les diverses communications auprès du public de la part d’un organisme électoral officiel?
    Je vous remercie pour la question et, oui, vous avez dit 30 centimètres de neige et c’est bien le cas.
     Pour ce qui est des répondants ici, à Terre-Neuve-et-Labrador, j’ai déjà travaillé aux élections et ce qui m’a probablement le plus frappé personnellement, c’est que je me rappelle distinctement une personne qui s’est présentée au bureau de vote et qui était, je crois, sans abri, qui était clairement illettrée et qui avait besoin d’aide pour voter. Voilà le genre d’exemple que je trouve préoccupant.
     Personnellement, je ne suis pas alarmiste comme le sont bien des gens au sujet des répondants, parce que je crois qu’il faut effectivement pouvoir démontrer son identité. Bien franchement, beaucoup de gens que je connais me disent que toute l’affaire est parfois prise à la légère. Il suffit de se présenter, quelqu’un barre votre nom avec une règle et c’est tout. Mais ce qui me préoccupe, ce sont les gens, comme le cas que je viens d’évoquer, qui sont vraiment défavorisés dans la société, qui auraient beaucoup de difficulté à produire les documents demandés. À mes yeux, c’est différent, par rapport à une personne qui devrait être en mesure de comprendre la différence.
     Pour ce qui est des communications, je trouve qu’il y a là une petite difficulté puisque le gouvernement fédéral veut pouvoir faire de la promotion, alors que les écoles et l’éducation sont clairement de compétence provinciale. À mes yeux, il y a là une fonction d’éducation civique et je voudrais qu’il y ait un partenariat plus étroit avec les provinces pour trouver le moyen que cela se fasse en grande partie dans les écoles. Je sais que cela se fait, mais je pense que l’on pourrait en faire beaucoup plus.
     Pour ce qui est d’une conversation plus large, je suis d’accord pour dire que nous devons avoir une conversation plus étoffée allant au-delà du vote. Il faut traiter de la manière de s’engager en politique, d’être parties prenantes du système. Même si quelqu’un choisit de ne pas s’engager, il faut que les gens sachent comment le faire s’ils le souhaitent. De mon point de vue, en communiquant ce message avant les élections, on amène les gens à prendre conscience que lorsque des élections sont déclenchées, ils sont mis en cause, ils peuvent avoir leur mot à dire et voici qu’ils ont la chance d’aller voter. Je soutiens donc que, oui, il y a en effet un rôle plus étendu.
    Merci, monsieur Marland.
     Monsieur Simms, je suis désolé, mais votre temps est écoulé.
     Monsieur Richards, vous avez quatre minutes.
    Merci, monsieur le président.
     Merci à vous tous pour votre aide ce soir.
     Je vais commencer par vous, monsieur Pammett. Je vois que vous avez fait des recherches assez poussées sur la participation électorale. Je voulais vous poser deux ou trois questions là-dessus. Un témoin précédent nous a parlé de certaines études qui ont été menées sur la participation électorale. Il a constaté que le facteur le plus important qui influe sur la participation est l’intérêt des gens envers la politique. Cela concorde-t-il avec vos propres constatations?
    Je ne veux pas me lancer dans la discussion que l’on pourrait avoir si l’on participait à un colloque en science politique, où l’on pourrait débattre du niveau d’intérêt comme variable explicative. À bien des égards, cela ne fait que reculer d’un cran la question explicative: si l’on dit que quelqu’un ne fait pas quelque chose parce qu’il ne s’y intéresse pas, alors il faut demander pourquoi cela ne l’intéresse pas.
     Je pense que la recherche sur la participation électorale — sans trop entrer dans les détails — peut être résumée en disant que pour bien des gens, surtout les jeunes, la politique, les élections et le vote sont en quelque sorte une activité marginale. Mais si l’on creuse la question, on s’aperçoit que le problème n’est pas que les jeunes — bien que cela ne s’applique pas seulement à eux — sont déterminés à ne pas s’intéresser à la politique, c’est plutôt qu’ils veulent qu’on leur donne des raisons de le faire.
     Autrement dit, ce qu’on est habitué de considérer comme le devoir civique traditionnel, pour moi, pour vous, et c’était le cas pour mes parents — on le fait parce que c’est notre devoir de citoyen. Nous votons parce que tout le monde vote et nous votons tout le temps. Nous votons simplement pour nous exprimer, en un sens. Souvent, cela se transforme en un devoir plus conditionnel. C’est-à-dire que les gens feront quelque chose si cela importe, s’il y a une bonne raison de le faire, s’ils sont bien informés, mais pas s’ils sont moins informés. D’une manière, l’information fournie peut aider à stimuler chez quelqu’un le sentiment qu’il ou elle devrait peut-être s'engager.

  (2145)  

    Si je peux vous interrompre, parce que je n’ai pas beaucoup de temps.
     Élections Canada a notamment constaté que lorsqu’un parti politique communique avec les électeurs — en particulier les jeunes électeurs — on constate une forte augmentation de leur taux de vote. Cela montre que nous, partis politiques, avons un grand rôle à jouer à cet égard.
    C’est exact.
    C’est peut-être un échec de notre part, mais les partis politiques doivent jouer leur rôle.
     Cela dit, Élections Canada a aussi constaté que si l’on examine les raisons pour lesquelles les jeunes électeurs ne vont pas voter, les problèmes d’ordre pratique jouent un grand rôle. Le fait de ne pas savoir où aller voter, 25 %, quand voter, 26 %, et comment voter, 19 %. Il est évident que ces considérations jouent un grand rôle.
     Il me semble donc que l’orientation de ce projet de loi, qui vise à aider Élections Canada à mieux jouer ce rôle, en mettant davantage l’accent sur ce rôle, aidera à éliminer certains de ces problèmes qui empêchent les jeunes d’aller voter. Ce sont des questions d’ordre pratique: c’est simplement qu’ils ignorent quand, où et comment voter. On a mis le doigt sur un problème important. J’espère et je crois...
    Merci, monsieur Richards.
    ... ce serait bien si Élections Canada pouvait mieux jouer ce rôle.
     Avez-vous des réflexions là-dessus?
    Oui.
     Comme je l’ai dit à votre collègue...
    Allons, allons...
    ... j’appuie entièrement la communication de ce type d’information. Je répète qu’à mes yeux, il n’y a pas nécessairement contradiction avec un message visant à inciter les gens à tirer profit de cette possibilité.
    Merci beaucoup.
     Madame Latendresse, vous avez quatre minutes — environ le même temps que M. Richards.

[Français]

    Merci.
    Vos trois témoignages ont été extrêmement intéressants. Je vous en remercie.
    J'aimerais continuer dans la même veine que mon collègue.
    Selon moi, il y a un problème dans la façon dont les changements ont été faits à Élections Canada et dans la façon dont les conservateurs les ont présentés. On veut améliorer la façon dont Élections Canada communique les informations aux électeurs, à savoir où, quand et comment ils peuvent voter, mais cela ne devrait pas exclure toute autre forme de communication.
    Les trois témoins peuvent-ils faire des commentaires là-dessus?

[Traduction]

    Je pense que je viens de le faire.
    Allez-y, madame Norris, vous aurez la parole à tour de rôle.
    Je conviens qu’il existe un rôle clé en matière de communications, pour toutes les raisons invoquées. Bien sûr, de nos jours, cela passe par les médias sociaux aussi bien que par les médias traditionnels; il faut communiquer l’information aux électeurs en temps réel et très rapidement. Ne pas permettre à Élections Canada de publier ces recherches, c’est vraiment un pas en arrière.
     Encore une fois, le comité voudrait peut-être se pencher par exemple sur la commission électorale au Royaume-Uni, qui a réalisé une série de travaux de recherche exemplaires, en collaboration avec des universitaires, sur de nombreuses questions, par exemple le vote des minorités, les femmes et le vote, la représentation au Parlement, et beaucoup d’autres questions comme le vote électronique, les personnes handicapées, et jusqu’où on peut aller pour surmonter ces problèmes.
     Donc, quand de bons travaux de recherche sont financés par les contribuables, l’idée qu’ils ne puissent être du domaine public, qu’on ne puisse en débattre au Parlement parce qu’ils demeurent inconnus, que le gouvernement est le seul à les connaître, cela m’apparaît comme une mesure vraiment rétrograde.

  (2150)  

    Allez-y.
    Je voudrais seulement dire que la communication est d’une extrême importance. Ce que nous devons garder à l’esprit, c’est que le citoyen moyen ne s’intéresse pas à la politique, n'y accorde aucune importance. En ce moment même, les gens s’occupent de mettre leurs enfants au lit, ils se plaignent de la neige ou quoi que ce soit. Donc, à moins que quelqu’un ne communique directement avec eux, ils ne pensent même pas à la politique.
    Monsieur Pammett, vous avez dit avoir déjà répondu à cela.
    Sur la question de savoir si la mobilisation ou l’encouragement des électeurs est nécessairement en contradiction avec le fait de fournir des renseignements de base sur la manière de voter, si j’ai bien compris — cette question a aussi été évoquée par d’autres intervenants — je pense avoir dit clairement que je ne vois aucune contradiction entre les deux.

[Français]

    C'est également ce que je pense. Il y aurait moyen de stipuler qu'Élections Canada est obligé de donner ces informations à toutes les personnes sans forcément les museler dans les autres domaines.
    Quand il est venu témoigner devant le comité, le directeur général des élections a dit une phrase qui, selon moi, mérite vraiment d'être répétée: « Il est essentiel de comprendre que le principal défi pour notre démocratie n’est pas la fraude électorale, mais bien la participation électorale. » Je suis parfaitement d'accord. On devrait encourager toute forme d'incitation à aller voter ou tout moyen pour augmenter la participation électorale.
    Monsieur Pammett, j'ai lu votre rapport. Il est question des jeunes et de l'importance d'aller voter. Un des problèmes, c'est que les jeunes peuvent ne pas être intéressés à le faire. Le rapport mentionne que lorsque les partis politiques prennent contact avec eux, il y a une meilleure participation. Je suis parfaitement d'accord là-dessus, et nous allons continuer à le faire. Cependant, il ne faut pas enlever le pouvoir qu'a Élections Canada de communiquer avec les gens pour leur expliquer l'importance d'aller voter.

[Traduction]

    Merci, madame Latendresse.
     La parole est à M. Lukiwski.
    J’en ai seulement pour une minute, après quoi je céderai le reste de mon temps à mon collègue M. Opitz.
     Ma question s’adresse à Mme Norris.
     Vous avez dit tout à l’heure dans votre témoignage que vous n’avez pas vraiment constaté de preuve significative de fraude électorale aux États-Unis ou ailleurs. J’ai entendu d’autres intervenants faire le même commentaire.
     J’ai ici un reportage qui a été affiché hier par la commission électorale de Caroline du Nord, qui a constaté qu’aux élections de 2012, il y a eu plus de 35 000 incidents de double vote, c’est-à-dire deux personnes ayant les mêmes prénom, nom de famille et date de naissance, qui ont voté en Caroline du Nord et aussi dans d’autres États. De plus, on a trouvé entre 40 et 50 cas de personnes décédées qui avaient voté.
     Je me demande si vous pourriez me faire part de votre réaction à cela, à la lumière de vos observations selon lesquelles vous n’avez trouvé aucune preuve de fraude électorale, du moins aux États-Unis?
    Merci, monsieur Opitz.
     Comme vous le savez, il y a eu depuis un an un énorme débat sur la fraude électorale et l’envergure du problème et je m’appuie donc sur des travaux qui comptent parmi les meilleurs. Lori Minnite a publié un excellent livre sur la fraude électorale. Elle l’a étudiée de façon approfondie et a constaté qu’il y a eu en effet certaines erreurs, par exemple des gens qui s’inscrivent à deux endroits. C’est très facile, on reçoit une carte et l’on a deux maisons et l’on s’inscrit donc pour être certain de pouvoir aller voter...
    Je suis désolé de vous interrompre, madame. Je vous invite à répondre rapidement.
     Selon la commission électorale de l’État de Caroline du Nord, il y a eu 35 000 cas de fraude électorale. Cela n’émane pas d’un observateur, mais a été constaté à l’interne.
     Comment réagissez-vous à cela?
    Il me faudrait examiner leurs conclusions, leurs travaux de recherche, sur quoi ils se fondent pour établir ce qui se passe...
    Ils ont fait des recherches dans les bases de données — plus de 100 millions de bases de données aux États-Unis, et ils ont trouvé 35 000 exemples dans un seul État.
    J’ai étudié moi-même la question et j’ai constaté que ce qui se passe, je le répète, c’est qu’il y a des erreurs. Autrement dit, le registre électoral aux États-Unis est loin d’être à la hauteur de ce qu’on peut attendre d’un registre établi par des professionnels. Cela tient en partie au fait que les élections sont administrées au niveau local et par des représentants des partis. Ces derniers et les agents locaux n’ont pas nécessairement des normes élevées et j’aimerais assurément qu’on ait un registre des électeurs plus précis, plus complet, où l’on ne trouve pas le nom de personnes décédées ou de gens qui ont quitté la région. Je pense que vous conviendrez, monsieur Opitz, que nous sommes tous en faveur de la sécurité et de l’honnêteté pour l’établissement de la liste des électeurs. Personne n’est contre. La question est de savoir comment des erreurs se produisent.
     L’une des causes des erreurs aux États-Unis est l’administration électorale au niveau local et le fait que ce soit fait par des amateurs, si l’on peut dire. Une organisation plus professionnelle comme Élections Canada est très loin de ce taux d’erreur et est beaucoup plus compétente, professionnelle et comptable dans la confection de la liste des électeurs et je pense donc qu’il subsiste certains problèmes.

  (2155)  

    Merci.
    Merci.
     Monsieur Opitz.
    Maintenant, c’est vraiment M. Opitz qui parle. L’autre était M. Lukiwski, et il est beaucoup plus beau que moi.
    Des voix: Non.
    M. Ted Opitz: Oui, je le sais, je lui accorde cela.
     Je voudrais revenir à l’encouragement et à l’information des électeurs. Il est de notre intérêt à tous, dans cette salle, de permettre aux électeurs d’exercer leur droit de vote, et personne ici présent ne comprend mieux que moi la valeur d’un vote, étant donné que j’ai gagné par 26 voix et qu’il m’a fallu m’adresser à la Cour suprême pour conserver mon siège à la Chambre.
     Pour revenir sur la question de mon collègue, personne n’est obligé de s’y intéresser, mais comment pouvons-nous inciter les gens à aller voter? Madame, vous êtes professeure d’université. Monsieur Pammett, vous enseignez à l’université et les étudiants que vous voyez ont tellement d’intérêts différents de nos jours, tellement d’autres choses que les examens et les cours qu’il est très difficile de susciter leur intérêt. Cependant, nous avons fait quelque chose de merveilleux. CIC a publié un guide intitulé Découvrir le Canada, dans lequel on trouve un chapitre sur les élections fédérales où il est question du vote et des droits.
    Monsieur Opitz.
    Est-ce que j’ai...
    Finissez-en rapidement. Posez votre question.
    Très bien.
     Monsieur Pammett, que proposez-vous? Quels autres moyens de communication populaire pourrait utiliser Élections Canada, par exemple Facebook, Twitter, Google, etc.?
    Allez-y, monsieur Pammett. Nous allons vous permettre de répondre à la dernière partie de cette question. M. Opitz a pris son temps.
    Merci.
     On voit à l’université beaucoup d’étudiants qui ne sont pas intéressés, mais comme nous sommes des professeurs de science politique, nous voyons les plus intéressés d’entre eux. C’est difficile de dire exactement ce qui peut intéresser les autres, mais le principal, c’est qu’il faut montrer aux jeunes, en particulier, que les enjeux dont il est question sont pertinents pour eux.
     Ce sont en partie les partis politiques qui doivent le faire, mais il n’y a aucune raison précise pour laquelle les messages contenus dans les publicités de l’organisme électoral officiel, qui disent aux gens qu’ils doivent parler en leur propre nom au lieu de laisser les autres parler pour eux, que les messages de ce genre ne pourraient aller très bien de pair avec les messages des partis qui se présentent aux élections et qui disent que les enjeux les concernent. Les deux peuvent aller ensemble.
     Je constate que mon collègue a levé la main.
    Oui, j’essaie de vous ralentir. Nous avons dépassé le temps accordé à M. Opitz, et cela met fin à l’audience de ce groupe de témoins.
     Je tiens à vous remercier tous d’être venus ce soir et de nous avoir aidés dans ce dossier, depuis la magnifique Australie et le territoire enneigé de Terre-Neuve-et-Labrador, et ici même à Ottawa.
     Nous allons suspendre la séance pendant quelques minutes pour passer à huis clos pour l’étude des travaux du comité.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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