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LANG Rapport du Comité

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LE RESPECT DES DROITS LINGUISTIQUES EN ONTARIO : UN ENJEU QUI CONCERNE TOUS LES CANADIENS ET CANADIENNES

Une « crise linguistique » en Ontario

Le 15 novembre 2018, le gouvernement de l’Ontario a déposé le projet de loi 57, Loi de 2018 visant à rétablir la confiance, la transparence et la responsabilité. L’annexe 20 de ce projet de loi omnibus modifiait la Loi sur les services en français : le poste de commissaire aux services en français serait aboli et une partie de son mandat transférée à l’Ombudsman de l’Ontario. Le Commissariat avait été créé en août 2007.

Qui plus est, dans son énoncé économique de l’automne, le gouvernement a confirmé qu’il mettait en suspend « les plans de création d’une nouvelle université de langue française[1] », c’est‑à‑dire l’Université de l’Ontario français. Cette dernière devait initialement ouvrir à Toronto en 2020.

Selon Carol Jolin, président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), ces « deux décisions ont déclenché la plus grande crise linguistique que notre province [Ontario] ait connue depuis la tentative de fermeture de l’Hôpital Montfort en 1997[2] ».

Face au tollé de critiques, le gouvernement de l’Ontario a modifié le projet de loi 57[3]. Au printemps 2019, le poste de commissaire aux services en français a été placé sous l’égide de l’Ombudsman de l’Ontario.

L’honorable Doug Ford, le premier ministre de l’Ontario, a aussi rétabli le ministère des Affaires francophones et a nommé une conseillère politique principale aux affaires francophones. Il a aussi déclaré publiquement qu’il allait apprendre le français.

Ces concessions n’ont pas apaisé les Franco-Ontariens. L’AFO et d’autres organismes communautaires ont rapidement monté « La Résistance » : un mouvement contestataire dont l’objectif est de rétablir le Commissariat aux services en français sous sa forme originale et d’assurer l’avenir de l’Université de l’Ontario français. Cette mobilisation a donné lieu à des manifestations partout à travers la provine ainsi que dans plusieurs villes du pays le 1er décembre 2018.

Les travaux du Comité

Le Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes (ci-après, « le Comité ») s’inquiète des répercussions potentielles que pourraient avoir les décisions du gouvernement ontarien sur la vitalité de la communauté franco-ontarienne. Il est également préoccupé par l’effritement des acquis en matière linguistique dans d’autres provinces[4].

Considérant que le Comité se préoccupe de la protection des droits linguistiques partout au pays, il a décidé unanimement d’interrompre son étude sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles afin de se pencher sur les récentes décisions prises par le gouvernement de l’Ontario[5]. Ainsi le Comité a tenu sept réunions et entendu dix-sept témoins à ce sujet.

L’argument économique

Le 7 février 2019, Mme Marie-Lison Fougère, sous-ministre des Affaires francophones et des Services aux aînés et de l’Accessibilité, et M. George Zegarac, sous-ministre de la Formation et des Collèges et Universités de l’Ontario, ont comparu devant le Comité afin de discuter des récentes décisions prises par le gouvernement ontarien concernant le Commissariat aux services en français et l’Université de l’Ontario français. Les deux sous-ministres ont confirmé que le repositionnement du Commissariat aux services en français et le retrait du financement pour l’Université de l’Ontario français sont des mesures qui s’inscrivent dans la stratégie du gouvernement de l’Ontario pour assainir les finances de la province. M. Zegarac a précisé ce qui suit :

Une partie du processus décisionnel consiste à évaluer les répercussions globales. On parle ici de projets qui ne progressaient pas. Par conséquent, il a été décidé de ne pas aller de l’avant avec les projets que nous n’avions pas les moyens de financer[6].

Les deux sous-ministres ont également insisté sur le fait que le gouvernement de l’Ontario ne remet pas en question l’existence d’un besoin pour une institution postsecondaire de langue française dans la région de Toronto. Selon M. Zegarac :

La difficulté, c’est qu’il faut du financement pour maintenir une université. Cela n’aurait aucun sens de donner le coup d’envoi à ce projet si nous n’avons pas le financement nécessaire pour le mener à bien, d’où la décision de le reporter. Comme je l’ai dit, le projet n’a pas été annulé. Il est reporté. Quand la situation financière permettra au gouvernement de se réengager dans ce projet et d’évaluer les options possibles, nous serons heureux de le faire[7].

Plusieurs témoins ont remis en question l’argument économique mis de l’avant par le gouvernement de l’Ontario. Dans le cas du Commissariat aux services en français, les salaires et les avantages sociaux représentent plus de la moitié du budget. Or, l’annexe 20 de la Loi de 2018 visant à rétablir la confiance, la transparence et la responsabilité stipule que tous les employés du Commissariat intégreront le Bureau de l’Ombudsman de l’Ontario[8].

Pour ce qui est de l’Université de l’Ontario français, l’Ontario a déjà investi dans cette université; l’institution vient de soumettre le rapport de sa première année d’opération[9]. Si la province retire son soutien, elle n’aura aucun retour sur ses investissements. De plus, les institutions postsecondaires sont des pôles de croissance économique. La présence d’un établissement d’enseignement supérieur ne peut que générer des retombées économiques positives sur la région qu’elle dessert. Comme l’a expliqué M. Normand Labrie, l’ancien recteur par intérim de l’Université de l’Ontario français, cette institution postsecondaire a le potentiel d’être structurante pour l’économie du Centre Sud‑Ouest de l’Ontario […][10]. Or, le gouvernement de l’Ontario ne semble pas avoir mené une étude d’impact sur les besoins des francophones et visant à mesurer les retombées économiques que l’Université pourrait générer dans la région du Centre-Sud avant de prendre sa décision. M. Zegarac a précisé : « Il y a des études qui ont été réalisées sur les lieux possibles, mais si je ne me trompe pas, il ne s’agissait pas nécessairement d’études d’impact économique détaillées[11]. »

Me Nadia Effendi, la présidente de l’Association des juristes d’expression française de l’Ontario (AJEFO), a expliqué au Comité que l’argument économique ne peut être invoqué par le gouvernement de l’Ontario pour justifier la transformation du Commissariat aux services en français et la décision de reporter le financement pour l’Université de l’Ontario français :

Les arguments financiers ne peuvent pas être un prétexte pour porter atteinte aux droits des francophones. Ce principe a été confirmé dans l’affaire Montfort, de laquelle vous êtes tous très au courant. La Cour d’appel de l’Ontario avait confirmé, à l’époque, que le gouvernement ne pouvait pas justifier la fermeture de l’Hôpital Montfort en s’appuyant simplement sur des arguments de commodité administrative ou de vagues préoccupations financières[12].

Des décisions inquiétantes en matière linguistique

L’AFO a affirmé que les décisions du gouvernement de l’Ontario sont une attaque contre deux institutions principales de la Francophonie ontarienne et, conséquemment, contre le fait français en Ontario[13]. Cela étant dit, l’organisme refuse de parler d’idéologie sous-jacente :

Nous ne nous sommes pas arrêtés à ces considérations idéologiques. Pour nous, il était plus important de faire avancer le dossier sur le plan financier. Pour être capable de discuter avec le gouvernement, il faut parler sa langue, et sa langue, c’est l’économie.
[…] Ce qui s’est passé a été vu comme une attaque contre la francophonie parce que ce sont l’Université de l’Ontario français et le Commissariat aux services en français qui ont été visés. Pour nous, ces deux institutions sont importantes. […] Ce qui s’est passé était une attaque directe qui signifiait un recul des droits des francophones. Notre organisation a été créée pour faire avancer les dossiers francophones sur le plan politique et pour protéger nos acquis au besoin, et c’est en plein ce que nous sommes en train de faire[14].

Les deux sous-ministres du gouvernement de l’Ontario ont insisté sur le fait que les décisions ne résulteraient pas d’un ressentiment à l’égard des Francophones :

« Les gouvernements ont eu à prendre des décisions difficiles. Je pense que tous les gouvernements doivent veiller à faire preuve de sensibilité, et il n’est pas facile de prendre ce genre de décision, mais rien ne m’a certes porté à croire qu’il avait de mauvaises intentions[15]. »
« D’après mon expérience et toutes les discussions qui ont eu lieu, j’aimerais vous assurer hors de tout doute que, moi non plus, je n’ai jamais ressenti d’hostilité à l’endroit de la francophonie, bien au contraire[16]. »

Pour Mme Dyane Adam, la présidente du Conseil de gouvernance de l’Université de l’Ontario français, il s’agit d’une « décision très malheureuse et déplorable pour la francophonie ontarienne[17] ».

M. Raymond Théberge, le commissaire aux langues officielles du Canada, a noté que la crise linguistique en Ontario résulte d’une érosion des droits linguistiques qui sévit depuis quelque temps à l’échelle du pays :

Parmi ces tristes exemples disséminés d’un océan à l’autre, notons l’annonce du changement du statut du Bureau de l’éducation française au sein du ministère de l’Éducation et de la Formation par le gouvernement du Manitoba, de même que la suppression toute récente de 11 postes de traducteurs à temps plein, le rejet par la Cour fédérale de la demande de la Fédération des francophones de la Colombie-Britannique, sans oublier l’incertitude entourant l’avenir de la dualité linguistique au Nouveau-Brunswick, à la suite des élections dans cette province[18].

Pour M. Théberge, la situation en Ontario, de même que « les événements qui se succèdent dans tout le pays » l’amènent à conclure « que les dirigeants provinciaux ont perdu de vue les principes constitutionnels tels que les droits linguistiques[19] ». Le commissaire attribue cette situation à un manque de reconnaissance de la part des gouvernements de la spécificité des communautés de langue officielle en situation minoritaire :

le problème de fond est attribuable au manque de reconnaissance de la spécificité d’une communauté francophone en milieu minoritaire ou encore d’une communauté anglophone, par exemple au Québec. Il y a une histoire derrière cette spécificité et les communautés linguistiques contribuent énormément au développement de leur province et de leur société.
S’il n’y a aucun changement pour ce qui est du rôle du commissaire de l’Ontario, cela veut dire qu’on ne reconnaît pas encore l’importance de cette communauté. Nous avons réglé la question financière relativement à l’Université, mais reconnaît-on la place de la communauté francophone en Ontario ? Je crois que c’est cela, le problème[20].

M. Théberge a aussi affirmé que le gouvernement de l’Ontario « ne comprend pas bien la place qu’occupe la communauté franco-ontarienne, une communauté de langue officielle en situation minoritaire, en Ontario[21] ». Le commissaire croit que cette incompréhension résulte d’une interprétation erronée de la dualité linguistique : « nous nous sommes éloignés du concept de dualité linguistique et de ce que cela veut dire aujourd’hui[22] ».

Me François Boileau, l’ancien commissaire aux services en français de l’Ontario, a affirmé qu’il existe « un mouvement[23] » auquel on peut associer les « constats d’érosion[24] ».

Comme l’a précisé le commissaire aux langues officielles du Canada, ce mouvement ne se manifeste pas uniquement en Ontario. Selon Me Michel Doucet, les Acadiens et les Acadiennes du Nouveau-Brunswick constatent aussi « une érosion inquiétante de l’engagement politique […] en faveur des droits linguistiques…[25] ». « L’arrivée de l’Alliance des gens [du Nouveau-Brunswick] sur la scène provinciale augmente cette inquiétude[26]. » C’est pourquoi Me Caza a affirmé ce qui suit :

l’heure est critique […] le loup est à nos portes en Ontario et au Nouveau-Brunswick, et il le sera peut-être dans plusieurs autres provinces. On ne peut pas céder de terrain. Nos institutions, comme l’Université de l’Ontario français et le rôle que se doit de jouer le Commissariat aux services en français, doivent être préservés. Elles sont essentielles[27].

Pour Me Boileau, l’enjeu principal est qu’une vision erronée de l’offre des services en français risque de supplanter le respect des droits linguistiques :

Quand on dit aux gens que les langues officielles coûtent des milliards et des milliards de dollars, quel est l’enjeu ? L’enjeu est la vérité, c’est faire comprendre à ces gens que ce n’est pas tout à fait le cas, qu’il en coûterait plus cher de ne pas offrir de services en français[28].

Il a illustré son propos à l’aide des exemples suivants :

… si une personne âgée se pointe chez son médecin et ne comprend pas les directives, retourne à la maison et doit encore retourner au cabinet du médecin ou, encore pire, se rendre à l’urgence, les coûts en matière de santé viennent de tripler.
La même chose s’applique en matière de santé mentale ou dans le cas des jeunes. Il y a énormément de situations possibles à cet égard. La question des langues officielles, ce n’est pas seulement permettre une communication dans les deux langues; c’est fournir le service approprié à ces personnes[29].

Me Michel Carrier, le commissaire aux langues officielles par intérim du Nouveau-Brunswick, abonde dans le même sens :

Alors, si on veut se rapprocher de ces gens et si on veut qu’ils comprennent mieux, il va falloir démystifier beaucoup de choses. Les mythes continuent. On parlait tantôt des milliards de dollars dépensés, mais il faut parler aussi des bénéfices.
Le Conference Board du Canada a publié une étude, au cours des derniers jours, selon laquelle la contribution du bilinguisme au Canada et en Ontario s’élève à des milliards de dollars.
Je pense que cela fait partie d’un système démocratique de continuer à dialoguer avec les gens qui se posent ces questions[30].

Le Comité tient à souligner que la minorité anglophone du Québec doit également composer avec d’importants défis. D’une part, en janvier 2019, le ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur du Québec a eu recours à un pouvoir rarement utilisé pour forcer la fermeture de l’école secondaire anglophone Riverdale et transférer l’édifice au conseil scolaire Marguerite-Bourgeoys. D’autre part, comme suite à des instructions provenant de l’Office de la langue française, l’hôpital de Lachute aurait été contraint de retirer ses affiches bilingues. Dans le cas de l’école secondaire Riverdale, le Québec Community Groups Network (QCGN) y voit une atteinte au droit de la minorité anglophone de contrôler ses établissements d’enseignement. Bien qu’ils aient comparu devant le Comité dans le cadre de son étude sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles, les représentants du QCGN ont expliqué les problèmes récents qui affectent profondément la communauté. Concernant l’école secondaire Riverdale, M. Geoffrey Chambers, le président du QCGN, a expliqué ce qui suit :

Elle [l’école secondaire Riverdale] était déjà là pour servir la population francophone, qui n’avait pas assez de ressources. Il y avait déjà une entente.
Pour transférer une école, la loi qui régit l’éducation au Québec exige d’avoir un processus très bien défini, qui prend plus ou moins 18 mois. Il y a 6 mois de consultation et un an de planification. Ce faisant, les parents, les étudiants et les communautés en général ont l’occasion de donner leur avis sur la question et d’avoir une période de planification.
Cela a été simplement mis de côté, à cause du fait que le ministre a décidé d’utiliser un pouvoir qui existe depuis 20 ans, mais qui n’a été utilisé qu’une fois.
On était un peu choqué de la façon de procéder plus que du résultat. Il faut insister sur le fait que ce n’était pas une question de classes vides non utilisées pour répondre aux besoins. C’était déjà entendu entre les commissions scolaires. C’était une intervention inattendue et c’était très difficile pour la communauté[31].

Concernant le retrait des affiches bilingues à l’hôpital Lachute, le QCGN a commenté de la manière suivante :

La décision de l’administration de l’hôpital, qui a été condamnée par les maires locaux et une bonne partie de la population majoritaire, comme vous l’avez probablement lu, annulait une pratique qui était en vigueur depuis 50 ans et, ce qui est plus intéressant encore, pendant 40 ans sous les dispositions de la loi 101. Divers gouvernements avaient examiné la situation et déterminé que c’était tout à fait conforme à la loi. Donc, à notre avis, il est faux de dire, comme ce gouvernement l’a fait, qu’on ne faisait qu’appliquer la loi.
Nous avons une bonne expertise du fonctionnement des obligations prévues par la loi. À notre avis, comme en conviennent les dirigeants de cet hôpital et de beaucoup d’autres hôpitaux de la province, les affiches qui étaient en place étaient justifiées, aux termes de l’exception relative à la santé et à la sécurité. Essentiellement, peu d’anglophones unilingues ignorent que le terme « urgence » à l’entrée de l’hôpital signifie « emergency », mais un décès dans le stationnement serait un décès de trop. Cet exemple vaut aussi pour toutes les affiches à l’intérieur, qui ont aussi été retirées. Ce n’est pas aussi frappant pour les reportages télévisés, mais le retrait des affiches à l’intérieur a une incidence réelle sur le fonctionnement sécuritaire de l’établissement.
Je précise, avec la compréhension et l’adhésion complète de la communauté, que personne ne parle de compromettre le caractère francophone de l’institution d’une quelconque façon, mais il devrait aussi y avoir des affiches en anglais — en bas, à droite, en caractères de plus petite taille —, comme c’était toléré et comme c’était permis en vertu de la loi et du consensus social. Ce serait extrêmement décevant que l’on commence à éliminer l’affichage en langue anglaise sans aucune justification sociale à l’échelle locale[32].

Le Comité est conscient que les communautés anglophones du Québec ont des besoins et des défis différents de ceux des francophones en situation minoritaire et propose un examen plus détaillé à l’avenir.

Les institutions : le cœur battant des communautés de langue officielle en situation minoritaire

Les institutions sont au cœur de la vitalité des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Comme l’a expliqué M. Alain Dupuis, directeur général de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA) : « Vous savez, les minorités linguistiques n’ont pas de gouvernement ou d’État qui leur permette de défendre leurs droits. Nos institutions sont les milieux qui nous permettent de décider de notre avenir, d’influencer nos communautés, de former notre jeunesse et de forger notre avenir[33]. » Comme l’a expliqué Me Effendi, « lorsque l’une de ces institutions est éliminée, cela touche directement le cœur et la promotion de ces communautés francophones[34] ». Ce principe a été confirmé par la Cour d’appel de l’Ontario dans le dossier de l’Hôpital Montfort[35]. La Cour a aussi affirmé que ce n’est pas la mission première d’une institution qui détermine son importance pour la communauté, mais son rôle plus large, soit « de maintenir la langue française, de transmettre la culture francophone et de favoriser la solidarité au sein de la minorité franco-ontarienne[36] ».

Les répercussions possibles

La majorité des témoins a affirmé que les décisions du gouvernement ontarien à l’égard du Commissariat aux services en français et de l’Université de l’Ontario français causeront des torts irréparables à la communauté franco-ontarienne, à la province et au Canada français dans son ensemble.

L’indépendance du commissaire remise en question

Mme Fougère a expliqué la transformation du Commissariat aux services en français de la manière suivante :

Le poste de commissaire aux services en français tel qu’il était, c’est-à-dire un poste d’agent de l’Assemblée législative relevant directement de celle-ci, a été éliminé. Le poste de commissaire a été transféré à l’intérieur du Bureau de l’ombudsman. Cependant, l’indépendance de la fonction du commissaire aux services en français demeure intacte. Le commissaire aux services en français va être incorporé au sein du Bureau de l’ombudsman, de même que, à ma connaissance, l’équipe qui l’appuie[37].

Dans son dernier rapport annuel, Me Boileau interprète les faits différemment :

Car ne nous méprenons surtout pas sur les faits. Le Commissariat aux services en français n’existe plus, car le poste de commissaire indépendant a été aboli. Certes, la Loi sur les services en français (LSF) prévoit maintenant un poste de commissaire aux services en français qui est en fait un ombudsman adjoint et qui, dès lors, se rapporte directement à l’Ombudsman de l’Ontario en tant que son employé. Le Commissariat, comme force motrice, avant-gardiste et indépendante, à l’affût du développement de nouvelles politiques conséquentes pour favoriser l’épanouissement des communautés francophones partout en province, n’est plus[38].

Plusieurs témoins ont dénoncé la perte de l’indépendance du commissaire aux services en français. Me Effendi y voit une « atteinte grave au statut des francophones[39] » puisque la communauté franco-ontarienne perd un défenseur et un promoteur ainsi qu’un conseiller en matière de droits linguistiques vis-à-vis le gouvernement de l’Ontario[40]. M. Théberge abonde dans le même sens : cette décision élimine la capacité du commissaire « de renforcer les droits aux services en français en Ontario, de proposer des améliorations et d’assurer le rayonnement de la francophonie[41] ».

Comme plusieurs témoins l’ont affirmé, le rôle du commissaire aux services en français n’est pas uniquement d’instruire des plaintes et de mener des enquêtes. Comme l’a expliqué Me Boileau, il existe des différences fondamentales entre ses anciennes fonctions et celles de l’Ombudsman :

Le Commissariat aux services en français n’est pas un organisme de dernier recours comme l’est le Bureau de l’ombudsman de l’Ontario.
Notre mandat est justement de prévenir; nous sommes proactifs. Nous faisons un travail d’ombudsman et nous recevons des plaintes, mais nous faisons plus que cela. Nous jouons un rôle de protection et de promotion[42].

Grâce au travail du commissaire aux services en français, de nombreux projets, notamment l’Université de l’Ontario français, ont été réalisés. Or, comme l’a expliqué Me Boileau, « [l]’ombudsman [de L’Ontario] ne pourra pas faire cela, ce n’est pas dans son ADN de le faire[43] ».

Enfin, Me Effendi a souligné que le transfert du Commissariat aux services en français est un recul sur le plan de l’accès à la justice :

En l’absence de ce commissariat et, particulièrement de son indépendance — ce qui est en jeu dans le moment —, on se retrouve sans recours.
Que va faire la communauté francophone en Ontario si elle n’a plus d’organisme vers lequel se tourner pour dire qu’il y a un problème et un manque de services en français[44] ?

La décision de reporter le financement de l’Université de l’Ontario français

Le désir de créer une université francophone en Ontario est présent dans le discours collectif des Franco-Ontariens et des Franco-Ontariennes depuis les années 1950. Pendant les années 1970 et 1980, les Franco-Ontariens ont lutté pour obtenir des écoles secondaires de langue française puis, dans les années 1990, la création de collèges francophones. Le continuum en éducation de langue française étant presque achevé, la communauté s’est employée dans les années 2000 à mettre le projet d’une université de langue française sur les rails.

Tout a débuté en juin 2012 avec le dépôt du rapport spécial d’enquête du commissaire aux services en français intitulé L’état de l’éducation postsecondaire en langue française dans le Centre-Sud-Ouest de l’Ontario : pas d’avenir sans accès. Le commissaire avait conclu que les possibilités limitées d’études postsecondaires en français dans cette région affaiblissaient la communauté franco-ontarienne. La même année, le gouvernement a mis sur pied le Comité d’experts en matière d’éducation postsecondaire en langue française. Ce dernier a déposé en janvier 2013 un rapport intitulé : Pour accroître la capacité du système d’éducation de l’Ontario à dispenser un enseignement postsecondaire en langue française dans les régions du Centre et du Sud-Ouest. En octobre 2013, le gouvernement de l’Ontario a adopté le Plan d’action pour l’éducation postsecondaire en langue française de la province. Ce plan d’action a mené, entre autres, à la création du Comité consultatif de l’éducation postsecondaire en français dans le Centre et le Sud-Ouest de l’Ontario (CSO) en février 2014.

Le 5 octobre 2014, le mouvement étudiant franco-ontarien — la Fédération de la jeunesse franco-ontarienne (FESFO) et le Regroupement étudiant franco-ontarien (RÉFO) — avec l’appui de l’AFO, organise les États généraux sur le postsecondaire en Ontario français. Il s’agissait d’une vaste consultation sur l’éducation postsecondaire en français. Le rapport de synthèse des États généraux a paru en février 2015. C’est sans surprise qu’il recommandait la création d’une université de langue française située prioritairement dans le CSO de la province.

En mai 2015, le Nouveau Parti démocratique de l’Ontario a déposé à l’Assemblée législative de l’Ontario un projet de loi privé, le projet de loi 104, Loi de 2015 sur l’Université de l’Ontario français. Il avait passé l’étape de la deuxième lecture en novembre 2015, mais il est mort au feuilleton en raison de la prorogation.

Le Comité consultatif en matière d’éducation postsecondaire en langue française dans la région du CSO a déposé en février 2016 son rapport intitulé « Le temps d’agir ». Le gouvernement de l’Ontario a procédé par la suite à la création du Conseil de planification pour une université de langue française. Ce dernier a tenu sa première réunion en décembre 2016.

Le gouvernement de l’Ontario a aussi mandaté la firme de recherche indépendante Malatest pour qu’elle mène une étude sur l’intérêt des étudiants et étudiantes et la demande du marché pour une université francophone. Malatest a déposé un rapport final favorable à la création d’une université francophone le 6 mai 2017. En juin de la même année, le Conseil de planification pour une université de langue française a dévoilé ses recommandations relatives à la création d’une université de langue française gérée par et pour les francophones.

Le projet était en voie de se concrétiser. En novembre 2017, le gouvernement de l’Ontario a déposé à l’Assemblée législative un projet de loi omnibus (Projet de loi 177, Loi de 2017 pour un Ontario plus fort et plus juste) qui visait, entre autres, la création de l’Université de l’Ontario français . Les premiers employés de l’Université ont commencé à travailler dès novembre 2017, un mois avant l’adoption de la Loi de 2017 sur l’Université de l’Ontario français à l’Assemblée législative de l’Ontario. La Loi est entrée en vigueur le 9 avril 2018 et le gouvernement de l’Ontario a procédé à la nomination du premier conseil de gouvernance de l’Université. Le 21 novembre 2018, l’Université de l’Ontario français présentait le rapport de sa première année d’opération, quelques jours suivant l’annonce du gouvernement provincial de suspendre le financement de l’Université.

Le commissaire aux langues officielles du Canada n’hésite pas à affirmer que la décision du gouvernement de l’Ontario de reporter le financement de l’Université de l’Ontario français est un « recul important et un manque de vision de la part des élus de l’Ontario[45] ».

Plusieurs témoins ont affirmé que la décision de reporter le financement de l’Université de l’Ontario français porte atteinte au continuum d’éducation en français dans la région du Centre Sud-Ouest. Cette région souffre d’un manque criant d’institution d’enseignement supérieur en langue française. Ce constat n’est pas nouveau; en 2012, le commissaire aux services en français de l’Ontario avait déposé un rapport à ce sujet[46].

Une hausse démographique des francophones dans cette région a créé une demande pour des établissements d’enseignement francophones. Mme Adam a confirmé que c’est « la région où il y a la plus importante expansion de francophones au pays, en situation minoritaire[47] ». On prévoit « que plus de 50 % de la population francophone ontarienne va s’y loger d’ici la prochaine décennie[48] ». Conséquemment, la population des écoles primaires et secondaires de langue française est en forte croissance, de même que les programmes d’immersion française. Il manque une véritable université francophone pour assurer que les ayants droit ainsi que les francophiles puissent faire leurs études en français.

La présence d’une université francophone dans cette région servirait de rempart contre l’assimilation. Selon l’AFO, les transferts linguistiques du français vers l’anglais dans cette région sont de « l’ordre de 60 à 70 %[49] ».

Dans l’esprit de plusieurs, l’Université de l’Ontario français a le potentiel de devenir pour les Franco-Ontariens et les Franco-Ontariennes ce qu’est l’Université de Moncton pour les Acadiens et Acadiennes. Comme l’a expliqué M. Théberge, cette dernière « a transformé l’Acadie […]. C’est de cet endroit que proviennent les figures influentes de la communauté acadienne. C’est ce qui a permis à l’Acadie de se transformer[50]. » Dans cette même veine, Me Caza a précisé que « l’une des réalisations les plus importantes d’une université, c’est qu’elle forme des leaders, des chefs de file […] Il faut que nos futurs chefs de file soient formés dans un établissement francophone. C’est important[51]. »

Le commissaire aux langues officielles du Canada déplore la décision de reporter le financement de l’Université, car il « s’agit d’un projet porteur d’espoir qui comblerait un besoin essentiel de la communauté franco-ontarienne, la plus grande communauté francophone à l’extérieur du Québec[52] ». Me Caza a renchéri en affirmant que la décision du gouvernement de l’Ontario envoie aux jeunes un message contradictoire et décevant en ce qui a trait à la cause francophone :

Cette situation illustre les torts irréparables dont on vous a parlé. Cette université avait fait tout ce qu’elle devait faire jusqu’ici pour ouvrir ses portes en 2020 en fonction de la feuille de route détaillant toutes les étapes requises d’ici là. Si elle n’ouvre pas ses portes en 2020 comme prévu, de nombreux jeunes Ontariens francophones présentement en 11e année qui s’attendaient à venir étudier à l’Université de l’Ontario français vont devoir aller soit dans des universités bilingues, soit dans des universités anglophones. Le message on ne peut plus clair qu’ils vont tous recevoir est qu’il ne vaut peut-être pas la peine de continuer à faire des efforts pour vivre en français[53].

Me Boileau résume les conséquences de la décision de reporter le financement de l’Université de l’Ontario français de la manière suivante :

La communauté francophone mérite mieux. La communauté francophone diversifiée du Centre-Sud-Ouest de l’Ontario mérite également mieux. Le gouvernement aussi mérite mieux. On parle d’emplois bilingues et on parle d’employés qui vont être formés en français, mais qui vont apprendre la terminologie dans les deux langues, comme ils le font dans nos collèges, que ce soit La Cité collégiale ou le Collège Boréal.
Cela fait qu’il y aura des employés qui vont nous offrir des services de santé, de justice et d’éducation. C’est ce dont nous avons besoin, une main-d’œuvre bilingue qui va vraiment aider l’Ontario à rester au niveau où il devrait être.
Tous ces milliards de dollars — je ne parle pas seulement des milliards de dollars pour l’éducation de langue française, mais aussi pour l’éducation en immersion de nos amis francophiles —, tous ces investissements s’arrêtent avant le niveau postsecondaire. Ensuite, on espère que ces gens qu’on a formés aux niveaux élémentaire et secondaire seront bilingues de façon fonctionnelle par la suite. Cela n’a aucun sens de ne pas aller dans cette direction[54].

La dualité linguistique canadienne, c’est l’affaire de tous!

La crise linguistique qui secoue l’Ontario a des répercussions à travers le Canada. Pour le commissaire aux langues officielles, il n’y a pas de doute que « des reculs comme celui qu’on observe en Ontario remettent en question le contrat social[55] ». Du moins, ils suscitent un questionnement sur le bilinguisme à titre d’élément identitaire. Mme Adam croit que c’est la raison principale pour laquelle de nombreux Canadiens et Canadiennes ont réagi à la situation en Ontario : « la dualité linguistique et la protection des minorités sont au cœur de l’identité canadienne. Cette situation a vraiment frappé l’imaginaire de tous les Canadiens et les Canadiennes[56]. »

À l’instar d’autres témoins, Me Caza a souligné le fait que la crise linguistique en Ontario a un aspect positif. Elle permet à la majorité de découvrir la richesse culturelle et linguistique des communautés de langue officielle en situation minoritaire et le rôle central que jouent ces dernières pour le rayonnement de la dualité linguistique canadienne :

L’existence de nos minorités linguistiques est une bonne nouvelle pour tout le pays. La raison principale pour laquelle nous souhaitons que le Canada demeure un pays bilingue est l’avantage extraordinaire que représente la présence de ces minorités linguistiques partout au pays[57].

Me Doucet a affirmé que « les droits linguistiques et la Loi sur les langues officielles » sont perçus « comme le problème de la minorité uniquement, alors que cela touche tout le monde, la majorité comme la minorité. Nous ne mettons pas en valeur cet aspect[58]. » Plusieurs témoins croient que les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux doivent exercer du leadership pour amener la majorité à reconnaître que la dualité linguistique est une valeur fondamentale de notre fédération. Mais, comme l’a expliqué Me Doucet, cela nécessite une ferme volonté politique :

Ce qu’il faut changer, à Ottawa et dans certaines provinces, c’est la perception qu’a la majorité de l’égalité linguistique. En d’autres mots, les droits linguistiques ne sont pas uniquement l’affaire des minorités, ils sont également l’affaire de la majorité, dont il faut changer la perception. Malheureusement, ce changement ne viendra ni d’une loi ni des tribunaux; il viendra d’un message et d’un engagement politiques de la part de tous les acteurs politiques[59].

Sur la scène internationale, le Canada sert toujours de modèle en matière de protection des langues minoritaires et de la promotion linguistique. Le Canada doit donc « demeurer un chef de file et un phare en matière de dualité linguistique, et il doit appuyer les communautés de langue officielle en situation minoritaire[60] ». Me Caza abonde dans le même sens :

C’est un exemple extraordinaire pour l’humanité et pour tous les autres pays. Les gens pourront constater que nous sommes capables de respecter nos minorités linguistiques de façon positive, ce qui apporte ainsi une plus-value extraordinaire pour tout le monde, et que nous n’agissons pas ainsi uniquement parce que nous y sommes obligés, par exemple par la Constitution[61].

Certes, le gouvernement fédéral doit faire preuve de leadership, mais, comme l’a expliqué Me Doucet, les provinces et les territoires doivent aussi se responsabiliser :

il est essentiel que les provinces assument également leurs responsabilités en ce qui concerne la protection des communautés de langue officielle en situation minoritaire, notamment des communautés francophones hors Québec. On ne doit pas donner l’impression que les questions touchant aux langues officielles ne sont que la responsabilité du gouvernement fédéral. Des provinces comme le Nouveau-Brunswick doivent assumer pleinement leurs responsabilités dans ce domaine[62].

Qu’en est-il de l’avenir de l’Université de l’Ontario français?

Comme l’a expliqué M. Jolin, le premier ministre Ford aurait affirmé que « lorsque les finances de la province auront été mises à jour, et qu’on aura résolu les problèmes de financement, on pourra aller de l’avant avec l’Université de l’Ontario français[63] ». Mais, aux yeux des protagonistes, l’Université de l’Ontario français ne peut pas attendre que l’équilibre budgétaire soit rétabli. Ils affirment que l’Université est à une étape cruciale de son développement. Énormément de travail a été réalisé au cours des dernières années.

En matière pédagogique, quatre programmes d’études transdisciplinaires — des programmes de baccalauréat spécialisés — ont été mis sur pied. Ils ont été développés à l’aide d’une « centaine de consultants, notamment des professeurs d’université parmi les meilleurs au Canada[64] ».

Le 1er octobre 2018, ces programmes ont été soumis au ministère de la Formation et des Collèges et Universités de l’Ontario. Normalement, la ministre approuve l’aspect budgétaire de l’offre des programmes et, par la suite, transmet le curriculum pour approbation à la Commission d’évaluation de la qualité de l’éducation postsecondaire (CEQEP). L’ouverture de l’Université est conditionnelle à l’approbation des programmes par la CEQEP. Or, au début décembre 2018, le ministère n’avait toujours pas transmis le dossier à la CEQEP. M. Labrie estime que ce retard compromet la qualité, à moyen et à long terme, de la programmation que veut offrir l’Université :

la pensée d’aujourd’hui est vraiment que toute cette énergie qui a été mise dans la création des programmes, afin qu’ils soient les meilleurs au monde aujourd’hui et qui vont se bonifier avec le temps, est un peu comme un gâteau qu’on sort du four et qui se dégonfle. Si on arrête le projet, sa qualité ne reviendra pas au même niveau[65].

La crédibilité de l’institution serait également mise à l’épreuve : « On a acquis la confiance des meilleurs au monde et au pays, pour ce projet d’université […] Alors, si on met fin au projet ou si on le met en veilleuse pendant trois ans, la confiance va s’éteindre aussi[66]. »

Notons également que l’administration de l’Université avait négocié un bail de location. L’emplacement semblait idéal, les conditions étaient avantageuses et respectaient les règles du Conseil du Trésor. Puisque le gouvernement de l’Ontario n’a pas donné son approbation, l’Université a perdu l’accord d’exclusivité qui avait été convenu. Elle avait jusqu’au 18 janvier 2019 pour signer le contrat de location, faute de quoi, l’offre venait à échéance[67].

En date du 13 décembre 2018, le Conseil de gouvernance de l’Université de l’Ontario français n’avait « pas réussi à rencontrer la ministre [des Affaires francophones et Procureure générale l’honorable] Caroline Mulroney ni la ministre [de la Formation et des Collèges et Universités l’honorable Merrilee] Fullerton[68] ». Mme Adam a affirmé qu’elle avait reçu un appel quelque temps après l’élection provinciale, mais qu’elle n’avait « pas vraiment eu de temps de qualité pour expliquer le projet[69] ». Mme Adam juge que cette situation est « déplorable[70] » : « Si nous avions eu un peu de ce temps, nous aurions peut-être pu faire valoir la pleine signification de ce dossier[71]. »

Annonce du retrait du financement; retard dans l’approbation des programmes de baccalauréat; retard dans l’approbation du bail de location: tout porte à croire que le gouvernement de l’Ontario est bien résolu à reporter le financement pour l’Université de l’Ontario français. Comme l’a affirmé Me Caza : « La réalité, c’est que, à toutes fins pratiques, la décision qui a été prise par le gouvernement met fin à l’Université de l’Ontario français[72]. »

L’intervention du gouvernement du Canada

Plusieurs témoins ont demandé au gouvernement du Canada d’assumer un rôle de leadership pour assurer que l’Université de l’Ontario français accueille ses premiers étudiants et étudiantes en 2020. Selon Me Caza, « [l]e gouvernement fédéral détient la clé étant donné qu’il s’agit d’une solution financière. Le premier ministre Ford a donné comme unique excuse que c’était une question d’argent. Le gouvernement fédéral pourrait contribuer à éliminer cet argument ou cette inquiétude de sorte que l’université puisse être mise sur pied[73]. »

Le gouvernement du Canada et tous les partis en Chambre n’ont pas tardé à entreprendre des démarches auprès du gouvernement de l’Ontario pour trouver une solution à l’égard du financement de l’Université de l’Ontario français. De fait, à la mi-novembre, quelque temps après les annonces du gouvernement de l’Ontario, l’honorable Mélanie Joly, ministre du Tourisme, des Langues officielles et de la Francophonie « a indiqué par écrit à la ministre Mulroney son inquiétude quant aux décisions du gouvernement de l’Ontario. Elle a aussi sollicité une rencontre avec la ministre Mulroney dans les plus brefs délais afin de discuter de la situation[74]. » (Voir l’annexe A). Tous les chefs des partis politiques fédéraux ont participé à une rencontre au sommet le 28 novembre 2018 pour discuter de l’enjeu en Ontario.

Une impasse

Face à la situation de l’Université de l’Ontario français, les fonctionnaires fédéraux auraient redoublé d’efforts pour convaincre les fonctionnaires de l’Ontario à déposer des demandes de financement auprès du gouvernement du Canada. Selon Mme Guylaine F. Roy, sous-ministre, Tourisme, Langues officielles et la Francophonie, ministère de l’Industrie :

À la mi-novembre, nous sommes mis au courant de la décision du gouvernement de l’Ontario. Alors, mes fonctionnaires de programmes communiquent directement avec les fonctionnaires du ministère de l’Éducation de l’Ontario pour leur dire qu’ils voyaient ce qui se passait, qu’ils avaient lancé un appel de projets et qu’ils étaient prêts à recevoir leur proposition. Ils leur disent aussi de ne pas oublier qu’il y a cette demande-là. L’échéance est le 17 décembre[75].

L’échéance du 17 décembre 2018 arrive, et, selon Mme Roy, « [l]'Ontario soumet des projets dans le domaine de l’éducation, mais aucun concernant l’Université de l’Ontario français[76] ». Les fonctionnaires fédéraux ont poursuivi leurs démarches auprès des fonctionnaires du gouvernement de l’Ontario pour les inciter à déposer un projet visant l’Université de l’Ontario français et ce, « même si l’échéance [était] dépassée[77] ». Enfin, « vers la fin décembre ou au début de janvier, […] les fonctionnaires de l’Ontario leur ont répondu ne pas avoir l’intention de soumettre une demande de financement. C’était très clair de leur part[78]. »

La vision des fonctionnaires provinciaux semble bien différente. Le sous-ministre Zegarac soutient qu’il « n’y a pas de document attestant d’une demande de réunion » de la part du gouvernement du Canada, « pas plus [qu’une] proposition détaillée[79] ». Sur ce point, M. Zegarac a affirmé avoir un message pour les fonctionnaires fédéraux :

La seule chose que je leur dirais, c’est que s’ils ont des propositions à nous soumettre, pour que nous les examinions, qu’ils le fassent. Nous serons ravis de les étudier, et je ne parle pas seulement de ses propositions à elle, il pourrait s’agir de propositions des communautés. Nous les examinerons toutes[80].

Le 13 janvier 2019, la ministre Joly a envoyé une seconde lettre à Mme Mulroney (voir l’annexe B). Dans cette missive, elle annonce que le gouvernement du Canada octroiera 1,9 million de dollars à l’Université de l’Ontario français pour son projet de Carrefour francophone du savoir et de l’innovation. Cette contribution permettra à l’équipe de l’Université de l’Ontario français de poursuivre son travail[81]. De surcroît, la lettre de la ministre Joly a précisé que le gouvernement du Canada disposait de programmes qui permettaient d’appuyer le projet de l’Université de l’Ontario français moyennant la présentation d’une demande de financement et l’engagement de la province à assumer au moins 50 % des coûts totaux. La ministre a ajouté que, dans la mesure où une telle entente de contribution serait conclue, les programmes fédéraux auraient la flexibilité nécessaire pour couvrir les coûts de démarrage de l’Université de l’Ontario français au cours des premières années du projet[82].

En temps normal, les paiements de transferts fédéraux pour l’éducation dans la langue de la minorité — même au postsecondaire — s’effectuent dans le cadre d’ententes bilatérales. Dans le cadre de ces ententes, le gouvernement du Canada verse 50 % de la somme totale déterminée par la province ou le territoire.

Dans une optique de respect des champs de compétences provinciales/territoriales, le gouvernement du Canada soutient que c’est à la province de l’Ontario d’entreprendre les pourparlers en soumettant une demande officielle de financement.

Trouver des solutions innovantes

En matière d’appui à l’Université de l’Ontario français, le Comité retient que le gouvernement du Canada peut intervenir de diverses façons.

Me Caza est d’avis que le gouvernement du Canada devrait proposer « de verser sa partie des fonds durant les quatre premières années […] Cela voudrait dire que, durant les quatre premières années, le gouvernement provincial n’aurait aucun argent à dépenser[83]. » La province pourrait difficilement refuser une telle offre : « Aujourd’hui, la province refuse la demande en disant ne pas vouloir dépenser de l’argent. Le cas échéant, il n’y aurait donc aucun argument[84]. »

Selon Mme Adam, le gouvernement du Canada pourrait agir seul pour financer l’Université : « le gouvernement fédéral a carrément créé des institutions, notamment l’Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques, à Moncton[85] ». Il ne fait pas de doute que « le gouvernement fédéral a plusieurs institutions, plusieurs champs de compétences[86] » :

Une université, c’est un lieu d’innovation, un outil de développement économique, un lieu de création, de recherche et de savoir, un lieu de synergie, de développement communautaire, de rencontre et de partenariats entre le privé et le public. Or le gouvernement fédéral agit dans toutes ces sphères et dans bien d’autres encore[87].

Mme Adam est d’avis que l’aide du gouvernement fédéral pourrait aussi être temporaire, « le temps que tous les décideurs aient la chance de repenser le projet, pour en arriver éventuellement à une entente plus permanente[88] ».

Enfin, le gouvernement du Canada pourrait opter pour une solution similaire à celle qu’il avait choisie lors de la crise de l’hôpital Montfort, soit d’affilier une institution fédérale à l’Université de l’Ontario français :

le fédéral a donné un bon coup de pouce. D’après mes souvenirs, il a transféré les services de santé destinés [aux militaires] à l’Hôpital Montfort. Il y a vraiment eu une impulsion importante à ce moment-là. Cela a permis, indirectement, de renforcer cette institution, qui est au service de la minorité francophone[89].

La dualité linguistique canadienne : une valeur fondamentale, un dossier prioritaire

Au moment des comparutions, la priorité était d’assurer une source de financement pour que l’Université de l’Ontario français accueille sa première cohorte d’étudiants et d’étudiantes en 2020.

Selon certains témoins, le gouvernement du Canada a aussi la responsabilité de promouvoir la dualité linguistique en tant que valeur canadienne fondamentale. Selon Me Caza, le gouvernement du Canada a une responsabilité morale d’intervenir :

Lorsqu’une province cause des torts irréparables à la minorité linguistique, ce sont des Canadiens et des Canadiennes qui subissent des torts. C’est la réalité. Dire que cela ne peut pas se faire, que ce n’est pas acceptable et que cela doit cesser est une responsabilité morale. Il faut discuter de ce que la province va faire pour empêcher que cela se produise. C’est ce qui constitue l’essentiel de la responsabilité. Ce qui se passe en Ontario touche des Canadiens. Si des décisions prises par le gouvernement de la province donnent lieu à de l’assimilation, ce sont des Canadiens et des Canadiennes qui sont assimilés et non pas seulement des Franco-Ontariens et des Franco‑Ontariennes[90].

Il importe de souligner que les provinces et les territoires, qui ont eu aussi des responsabilités constitutionnelles envers les communautés de langue officielle en situation minoritaire, doivent également démontrer qu’elles respectent les droits linguistiques de leurs résidents et résidentes.

La FCFA a proposé « que le premier ministre du Canada convoque une conférence spéciale des premiers ministres des provinces et des territoires afin de réaffirmer les obligations du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux et territoriaux à l’égard des droits et des acquis des francophones en situation minoritaire[91] ». Le commissaire aux langues officielles du Canada véhicule également l’idée de la tenue d’un sommet fédéral-provincial/territorial. Pour sa part, Me Caza est d’avis que cette rencontre doit avoir lieu rapidement :

Il faut le faire plus tôt que plus tard, pour que tout le monde se retrouve sur la bonne voie. Il ne faut pas attendre que d’autres décisions malheureuses soient prises. Il y a eu deux décisions malheureuses en Ontario, et il faut éviter que cela survienne dans d’autres provinces[92].

Lors de sa dernière comparution au Comité, la ministre Joly a mentionné la tenue de la Conférence ministérielle sur la francophonie canadienne à Iqaluit les 27 et 28 juin prochain. Elle a annoncé que la FCFA sera présente « puisque tous les ministres de la francophonie canadienne et, bien entendu, le gouvernement fédéral l’ont invitée à assister à nos échanges[93] ». La ministre a également affirmé que le gouvernement est convaincu « de l’importance d’engager un grand dialogue sur les langues officielles pour les 50 ans de la Loi[94] » et que « le symposium national et la conférence ministérielle seront des moments forts de ce dialogue[95] ».

Mise à jour du dossier

Mme Adam a comparu une seconde fois le 30 avril 2019 pour mettre à jour le dossier de l’Université de l’Ontario français auprès du Comité.

Sur le plan des communications avec la province de l’Ontario, Mme Adam a noté une amélioration. La direction de l’Université de l’Ontario français aurait des conversations soutenues avec « les bureaux du premier ministre et de la ministre Mulroney qui est responsable du dossier[96] ». Ensemble, ils cherchent à « trouver des moyens de réduire ce temps de pause et le rendre le plus bref possible […] et démarrer l’Université dans un contexte qui respecterait les contraintes financières de la province[97] ».

La direction de l’Université de l’Ontario maintient toujours des liens étroits avec le gouvernement du Canada. Elle est d’ailleurs très reconnaissante pour l’octroi de 1,9 million de dollars consenti au début de l’année 2019. Il lui aurait permis, entre autres, d’élargir l’équipe de l’Université et de démarrer le projet du Carrefour francophone[98].

Sur le plan financier, l’équipe de direction de l’Université réexamine son modèle d’affaires à la lumière des priorités de l’Ontario[99]. Elle cherche, entre autres, à diversifier ses sources de revenus. Ayant obtenu la désignation d’organisme de bienfaisance enregistré, l’Université entreprendra dans les mois à venir une campagne de collecte de fonds[100].

Grâce à l’appui de ses partenaires, notamment les autres institutions postsecondaires, l’Université de l’Ontario français poursuit sa mission académique. Avec les partenaires du Carrefour, elle lancera très prochainement une école d’été[101].

La direction de l’Université de l’Ontairo français croit que le gouvernement du Canada peut contribuer davantage au projet, notamment sur le plan des infrastructures. Mme Adam a souligné que l’Université travaille « étroitement avec le ministère du Patrimoine canadien[102] ». Ce dernier facilite la communication entre l’Université et les différents ministères qui disposent de biens immobiliers excédentaires. Cela étant dit, Mme Adam soutient que le « gouvernement fédéral pourrait […] coopérer avec d’autres paliers de gouvernements pour trouver une propriété convenable pour le Carrefour[103] ». Elle a rappelé au Comité que, par le passé, le gouvernement du Canada a soutenu des établissements d’enseignement et de recherche en louant des terrains pour la somme symbolique de 1 $[104]. Elle a aussi signalé l’existence d’un certain nombre de programmes fédéraux, notamment des programmes d’infrastructure culturelle et sociale qui pourrait soutenir l’Université[105]. Enfin, notons que l’Université envisage un partenariat privé public : « Le partenariat privé avance une partie des frais de construction et du maintien, mais quand on est propriétaire d’un terrain, on vient de réduire drôlement la note[106]. »

Comme mentionné précédemment, l’Université de l’Ontario français lancera bientôt une campagne de financement. Le gouvernement du Canada pourrait s’engager à verser des fonds de contrepartie. Elle a donné l’exemple des « bourses du millénaire, un programme fédéral de fonds de contrepartie dont ont largement bénéficié tous les établissements postsecondaires à cette époque[107] ».

Mme Adam est aussi d’avis que le gouvernement du Canada pourrait soutenir l’Université de l’Ontario français en offrant à ses futurs étudiants et étudiantes des prêts et bourses :

Plusieurs fonds existent, ciblant des populations données, qui ont des besoins particuliers. La même chose pourrait être faite pour les étudiants francophones qui fréquentent l’établissement. On est une université qui démarre, on ne jouit donc pas des fonds de bourses que plusieurs universités ont pu accumuler au fil des décennies. C’est toujours le drame pour les institutions des communautés en situation minoritaire qui arrivent beaucoup plus tard; elles n’ont pas joui de ces nombreux investissements des gouvernements au fil des décennies et des centaines d’années, dans certains cas[108].

Le gouvernement du Canada pourrait aussi intervenir en matière de recrutement des étudiants étrangers. Ces derniers représentent une source importante d’immigration :

Les statistiques indiquent que, parmi les étudiants ontariens, il y a environ 60 000 étudiants étrangers, dont 60 % d’entre eux indiquent l’intention de demander un statut de résident permanent au Canada une fois leurs études terminées. On peut affirmer qu’environ 50 % étudiants postsecondaires étrangers ont l’intention de s’établir en permanence au Canada à la fin de leurs études[109].

Force est de constater que Toronto est une destination de choix pour les nouveaux arrivants et pour plusieurs étudiants étrangers, toutes langues confondues. L’Université de l’Ontario français et ses partenaires du Carrefour, situés en plein cœur de Toronto, « pourraient devenir un levier majeur pour le recrutement d’étudiants étrangers et, bien sûr, pour l’immigration francophone en Ontario et au pays[110] ». Avec ses partenaires, notamment le Centre francophone de Toronto — un centre multiservice qui offre des services en français aux immigrants-, l’Université a le potentiel de devenir « un laboratoire vivant pour expérimenter de nouvelles façons d’accueillir de nouveaux arrivants[111] ». Selon le ministère de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyeneté, annuellement, 2 500 nouveaux arrivants francophones débarquent à l’Aéroport international Pearson. Le gouvernement du Canada a donc renforcé les capacités du Centre francophone de Toronto à offrir des services en français aux immigrants à l’aéroport pour favoriser dès l’arrivée des immigrants francophones, le processus d’établissement et d’intégration.

Cela étant dit, l’Université doit offrir des programmes menant à l’obtention de certificats ou de diplômes si elle compte attirer des étudiants étrangers. Or, le témoignage de Mme Adam démontre que le processus d’établissement des programmes de baccalauréat n’a pas évolué depuis décembre 2018. Lesdits programmes seraient toujours en attente d’approbation par la CEQEP. Pour l’instant, l’Université mise sur un programme de certificat dans le domaine de la pédagogie de l’enseignement supérieur. Ce dernier pourrait être offert avec un partenaire. Comme l’a souligné Mme Adam, l’offre de programmes est essentielle pour « garder le momentum de l’Université[112] ».

En novembre 2017, le gouvernement du Canada et l’Ontario ont signé un nouvel Accord Canada-Ontario sur l’immigration. Ce dernier comporte des engagements à l’égard de l’immigration francophone. Il affirme, entre autres, que le gouvernement du Canada et la province de l’Ontario s’engagent « à négocier de bonne foi et en temps opportun l’établissement d’annexes supplémentaires au présent accord dans le respect des objectifs généraux du présent accord, y compris : immigrants d’expression française; partenariat municipal; et étudiants étrangers ».

Constats, recommandations et conclusion

II est du devoir des provinces, des territoires et du gouvernement du Canada : de veiller à ce que les droits constitutionnels des communautés de langue officielle en situation minoritaire soient respectés; de réparer les tords du passé et de promouvoir une interprétation large et généreuse des droits linguistiques au bénéfice de tous les Canadiens et Canadiennes.

Le Comité est d’avis que le gouvernement de l’Ontario doit prendre dès maintenant des mesures pour éviter que les décisions qu’il a prises à l’égard du commissariat aux services en français et de l’Université de l’Ontario français causent des tords irréparables, tant aux Franco-Ontariens, aux francophiles ainsi qu’à tous les Ontariens et Ontariennes qui croient en la dualité linguistique. Le Comité recommande donc :

Recommandation 1

Que le premier ministre du Canada ajoute la question des droits linguistiques et de la vitalité des minorités de langue officielle en situation minoritaire à l’ordre du jour de la prochaine réunion du Conseil de la fédération.

Le Comité est aussi d’avis que la réunion de la Conférence ministérielle qui aura lieu au Nunavut au mois de juin est une occasion pour discuter des droits linguistiques des Canadiens et Canadiennes, particulièrement ceux et celles dans les communautés francophones en situation minoritaire, et des devoirs des deux paliers de gouvernement envers elles. Le Comité recommande donc :

Recommandation 2

Que la ministre du Tourisme, des Langues officielles et de la Francophonie, lors de la Conférence ministérielle sur la francophonie canadienne, demande aux membres de la Conférence, d’ajouter, et ce de manière permanente à l’ordre du jour, la question des droits linguistiques et des obligations des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux envers les communautés de langue officielle en situation minoritaire.

Or, comme la Conférence porte exclusivement sur la francophonie, les communautés anglophones du Québec n’ont pas de voix sur la scène nationale à un moment charnière dans l’évolution des droits linguistiques au pays. Bien qu’elles aient des défis et des besoins différents, les communautés anglophones du Québec ont néanmoins un certain nombre de choses en commun avec les francophones en situation minoritaire. La présence du ministre responsable du Secrétariat aux relations avec les Québécois d’expression anglaise serait donc de mise, de même que celle du Quebec Community Groups Network, au même titre que la FCFA. Le Comité recommande donc :

Recommandation 3

Que la ministre du Tourisme, des Langues officielles et de la Francophonie :

  • demande aux membres de la Conférence ministérielle sur la francophonie canadienne, de manière exceptionnelle, compte tenu de la conjoncture linguistique, d’inviter le ministre responsable des relations avec les Québécois d’expression anglaise et le Québec Community Groups Network à la conférence de juin afin de discuter des droits linguistiques des communautés de langue officielle en situation minoritaire.
  • prenne des mesures envers la création d’un mécanisme permanent qui permettra aux communautés anglophones du Québec de s’exprimer sur la scène nationale.

Le Comité salue l’engagement du gouvernement du Canada et les mesures qu’il a prises dans le cadre de ces deux dossiers d’importance pour l’Ontario français. Il demande au gouvernement du Canada de persévérer.

Sur le plan des infrastructures, le Comité reconnaît les efforts faits par Patrimoine canadien pour faciliter la communication entre l’Université de l’Ontario français et les diverses institutions fédérales qui ont des biens immobiliers excédentaires à vendre, louer ou céder. Or, le Comité est d’avis que cette tâche devrait revenir au ministère qui a une expertise dans le domaine et qui, lui aussi, a des obligations en vertu de la partie VII de la Loi sur les langues officielles. Conséquemment, le Comité recommande :

Recommandation 4

Que la ministre des Services publics et de l’Approvisionnement et de l’Accessibilité mandate la Société immobilière du Canada à travailler avec le Conseil de gouvernance de l’Université de l’Ontario français afin de trouver des terrains et locaux appropriés pour l’Université de l’Ontario français.

Comme nous l’avons vu dans le présent rapport, le gouvernement du Canada peut soutenir financièrement l’Université de l’Ontario français de diverses manières. Le Comité recommande donc ce qui suit :

Recommandation 5

Que la ministre du Tourisme, des Langues officielles et de la Francophonie travaille avec le Conseil de gouvernance de l’Université de l’Ontario français afin de trouver divers moyens pour appuyer l’Université et qu’elle se penche, entre autres, sur la possibilité de créer un programme de prêts et bourses fédéral, approvisionné par des fonds de contrepartie, qui cible les besoins de l’Université de l’Ontario français.

Les gouvernements du Canada et de l’Ontario ont conclu un accord sur l’immigration qui comporte des dispositions visant à favoriser l’immigration francophone en Ontario. Cet accord stipule « qu’en temps opportun », les deux gouvernements pourront établir des annexes visant les immigrants d’expression française et les étudiants étrangers. Le Comité estime que des initiatives en immigration peuvent contribuer à l’ouverture de l’Université de l’Ontario français ainsi qu’à ses projets connexes. Le Comité recommande donc :

Recommandation 6

Que le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté invite son homologue ontarien à négocier dans le but d’ajouter à l’Accord Canada-Ontario sur l’immigration une annexe sur les immigrants d’expression française et une annexe sur les étudiants étrangers, en prenant en considération les besoins de l’Université de l’Ontario français.

En conclusion, le Comité souhaite exprimer sa profonde gratitude envers les témoins qui ont participé à cette étude et réitère son engagement envers toutes les communautés de langue officielle au pays.


[1]              Gouvernement de l’Ontario, Un plan pour la population. Perspectives économiques et revue financière de l’Ontario, 2018, p. 20.

[2]              Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes [LANG], Témoignages, 42e législature, 1re session, 4 décembre 2018, 0850 (Carol Jolin, président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario).

[3]              Le projet de loi 57, tel que modifié, a reçu la sanction royale le 6 décembre 2018 : Loi de 2018 visant à rétablir la confiance, la transparence et la responsabilité, L.O. 2018, chap. 17.

[4]              Certains témoins ont donné des exemples de cela. Voir la section « Des décisions inquiétantes en matière linguistique ».

[5]              LANG, Procès-verbal, 42e législature, 1re session, 22 novembre 2018.

[6]              LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 7 février 2019, 1150 (George Zegarac, sous-ministre, ministère de la Formation et des Collèges et Universités de l’Ontario).

[7]              Ibid., 1135.

[8]              Loi de 2018 visant à rétablir la confiance, la transparence et la responsabilité, L.O. 2018, chap. 17.

[9]              Université de l’Ontario français, Rapport de la première année d’opération de l’Université de l’Ontario français, 20 novembre 2018.

[10]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 4 décembre 2018, 1040 (Normand Labrie, recteur par intérim, Université de l’Ontario français).

[11]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 7 février 2019, 1135 (George Zegarac, sous-ministre, ministère de la Formation et des Collèges et Universités de l’Ontario).

[12]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 6 décembre 2018, 0900 (Nadia Effendi, présidente, Association des juristes d’expression française de l’Ontario).

[13]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 4 décembre 2018, 0850 (Carol Jolin, président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario).

[14]            Ibid., 0935.

[15]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 7 février 2019, 1245 (George Zegarac, sous-ministre, ministère de la Formation et des Collèges et Universités de l’Ontario).

[16]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 7 février 2019, 1245 (Marie-Lison Fougère, sous-ministre, ministère des Affaires francophones, Accessibilité, Affaires francophones et Affaires des personnes âgées, gouvernement de l’Ontario).

[17]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 13 décembre 2018, 0920 (Dyane Adam, présidente, Conseil de gouvernance, Université de l’Ontario français).

[18]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 6 décembre 2018, 0940 (Raymond Théberge, commissaire aux langues officielles du Canada).

[19]            Ibid.

[20]            Ibid., 1025.

[21]            Ibid.

[22]            Ibid.

[23]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 29 novembre 2018, 0925 (François Boileau, commissaire aux services en français de l’Ontario).

[24]            Ibid.

[25]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 27 novembre 2018, 0855 (Michel Doucet, à titre personnel).

[26]            Ibid.

[27]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 11 décembre 2018, 0900 (Ronald F. Caza, avocat, Caza Saikaley s.r.l.).

[28]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 29 novembre 2018, 0925 (François Boileau, commissaire aux services en français de l’Ontario).

[29]            Ibid.

[30]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 29 novembre 2018, 1000 (Michel Carrier, commissaire aux langues officielles par intérim du Nouveau-Brunswick).

[31]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 26 février 2019, 1120 (Geoffrey Chambers, Président, Quebec Community Groups Network).

[32]            Ibid., 1125.

[33]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 22 novembre 2018, 0930 (Alain Dupuis, directeur général, Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada).

[34]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 6 décembre 2018, 0910 (Nadia Effendi, présidente, Association des juristes d’expression française de l’Ontario).

[35]            Ibid.

[36]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 11 décembre 2018, 0900 (Ronald F. Caza, avocat, Caza Saikaley s.r.l.).

[37]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 7 février 2019, 1215 (Marie-Lison Fougère, sous-ministre, ministère des Affaires francophones, Accessibilité, Affaires francophones et Affaires des personnes âgées, gouvernement de l’Ontario).

[38]            Commissariat aux services en français de l’Ontario, Épilogue d’une institution franco-ontarienne. Rapport annuel 2018-2019, Toronto, 2019, p. 5.

[39]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 6 décembre 2018, 0900 (Nadia Effendi, présidente, Association des juristes d’expression française de l’Ontario).

[40]            Ibid., 0915.

[41]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 6 décembre 2018, 0940 (Raymond Théberge, commissaire aux langues officielles du Canada).

[42]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 29 novembre 2018, 0930 (François Boileau, commissaire aux services en français de l’Ontario).

[43]            Ibid.

[44]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 6 décembre 2018, 0900 (Nadia Effendi, présidente, Association des juristes d’expression française de l’Ontario).

[45]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 6 décembre 2018, 0940 (Raymond Théberge, commissaire aux langues officielles du Canada).

[46]            Commissariat aux services en français, Rapport d’enquête – L’état de l’éducation postsecondaire en langue française dans le Centre-Sud-Ouest de l’Ontario : Pas d’avenir sans accès, Toronto, juin 2012.

[47]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 13 décembre 2018, 0940 (Dyane Adam, présidente, Conseil de gouvernance, Université de l’Ontario français).

[48]            Ibid.

[49]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 4 décembre 2018, 0910 (Carol Jolin, président, Assemblée de la francophonie de l’Ontario).

[50]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 6 décembre 2018, 0955 (Raymond Théberge, commissaire aux langues officielles du Canada).

[51]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 11 décembre 2018, 0930 (Ronald F. Caza, avocat, Caza Saikaley s.r.l.).

[52]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 6 décembre 2018, 0940 (Raymond Théberge, commissaire aux langues officielles du Canada).

[53]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 11 décembre 2018, 0905 (Ronald F. Caza, avocat, Caza Saikaley s.r.l.).

[54]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 29 novembre 2018, 1025 (François Boileau, commissaire aux services en français de l’Ontario).

[55]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 6 décembre 2018, 0940 (Raymond Théberge, commissaire aux langues officielles du Canada).

[56]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 13 décembre 2018, 0855 (Dyane Adam, présidente, Conseil de gouvernance, Université de l’Ontario français).

[57]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 11 décembre 2018, 0935 (Ronald F. Caza, avocat, Caza Saikaley s.r.l.).

[58]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 27 novembre 2018, 0910 (Michel Doucet, à titre personnel).

[59]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 27 novembre 2018, 0855 (Michel Doucet, à titre personnel).

[60]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 6 décembre 2018, 0945 (Raymond Théberge, commissaire aux langues officielles du Canada).

[61]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 11 décembre 2018, 0935 (Ronald F. Caza, avocat, Caza Saikaley s.r.l.).

[62]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 27 novembre 2018, 0850 (Michel Doucet, à titre personnel).

[63]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 4 décembre 2018, 0850 (Carol Jolin, président, Assemblée de la francophonie de l’Ontario).

[64]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 4 décembre 2018, 1020 (Normand Labrie, recteur par intérim, Université de l’Ontario français).

[65]            Ibid.

[66]            Ibid.

[67]            Ibid., 1025.

[68]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 13 décembre 2018, 0930 (Dyane Adam, présidente, Conseil de gouvernance, Université de l’Ontario français).

[69]            Ibid.

[70]            Ibid.

[71]            Ibid.

[72]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 11 décembre 2018, 0905 (Ronald F. Caza, avocat, Caza Saikaley s.r.l.).

[73]            Ibid., 0910.

[74]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 21 février 2019, 1110 (Guylaine F. Roy, sous-ministre, Tourisme, Langues officielles et la Francophonie, ministère de l’Industrie).

[75]            Ibid., 1115.

[76]            Ibid., 1120.

[77]            Ibid.

[78]            Ibid.

[79]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 7 février 2019, 1145 (George Zegarac, sous-ministre, ministère de la Formation et des Collèges et Universités de l’Ontario).

[80]            Ibid.

[81]            L’idée de financer le Carrefour francophone du savoir et de l’innovation à Toronto avait été proposée par Mme Adam lors de son passage au Comité. Voir : LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 13 décembre 2018, 0900 (Dyane Adam, présidente, Conseil de gouvernance, Université de l’Ontario français).

[82]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 21 février 2019, 1105 (Guylaine F. Roy, sous-ministre, Tourisme, Langues officielles et la Francophonie, ministère de l’Industrie).

[83]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 11 décembre 2018, 0945 (Ronald F. Caza, avocat, Caza Saikaley s.r.l.).

[84]            Ibid.

[85]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 13 décembre 2018, 0920 (Dyane Adam, présidente, Conseil de gouvernance, Université de l’Ontario français).

[86]            Ibid., 0855.

[87]            Ibid.

[88]            Ibid., 0905.

[89]            Ibid., 0920.

[90]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 11 décembre 2018, 0930 (Ronald F. Caza, avocat, Caza Saikaley s.r.l.).

[91]            Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA), Courriel de M. Jean Johnson, président de la FCFA aux membres de LANG, 10 décembre 2018.

[92]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 11 décembre 2018, 0915 (Ronald F. Caza, avocat, Caza Saikaley s.r.l.).

[93]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 4 avril 2019, 1225 (Mélanie Joly, ministre du Tourisme, des Langues officielles et de la Francophonie).

[94]            Ibid.

[95]            Ibid.

[96]            LANG, Témoignages, 42e législature, 1re session, 30 avril 2019, 1115 (Dyane Adam, présidente, Conseil de gouvernance, Université de l’Ontario français).

[97]            Ibid.

[98]            Ibid., 1100.

[99]            Ibid.

[100]          Ibid.

[101]          Ibid.

[102]          Ibid., 1115.

[103]          Ibid., 1100.

[104]          Ibid., 1105.

[105]          Ibid.

[106]          Ibid., 1130.

[107]          Ibid., 1105.

[108]          Ibid.

[109]          Ibid.

[110]          Ibid., 1110.

[111]          Ibid.

[112]          Ibid., 1115.