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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 068 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 1er juin 2023

[Énregistrement électronique]

  (1105)  

[Traduction]

    Bienvenue à la 68e réunion du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
    La réunion d'aujourd'hui se déroule de façon hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 23 juin 2022. Des membres sont présents en personne dans la salle et d'autres participent à distance à l'aide de l'application Zoom.
    J'aurais quelques observations à faire à l'intention des membres du Comité et des témoins.
    Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Si vous participez par vidéoconférence, vous devez cliquer sur l'icône du microphone pour activer votre micro, puis le mettre en sourdine lorsque vous ne parlez pas. L'interprétation sur l'application Zoom se trouve au bas de votre écran. Vous avez le choix entre la langue du parquet, le français ou l'anglais. Ceux qui se trouvent dans la salle peuvent se servir de l'oreillette et sélectionner le canal désiré.
    Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le mercredi 21 septembre 2022, le Comité entreprend son étude du régime de sanctions du Canada.
    J'ai maintenant le grand plaisir d'accueillir nos témoins, qui viennent du ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement.
    Nous accueillons M. Alexandre Lévêque, sous-ministre adjoint, Politique stratégique; Mme Marie-Josée Langlois, directrice générale, Secteur des politiques stratégiques; et M. Stephen Burridge, directeur, Coordination de la politique et des opérations en matière de sanctions.
    Monsieur Lévêque, je crois savoir que vous voulez commencer. Vous disposez d'au plus cinq minutes pour faire votre exposé, après quoi nous passerons aux questions des députés. Lorsque votre temps sera presque écoulé, je lèverai cette affiche et nous vous serons reconnaissants de bien vouloir conclure le plus tôt possible.
    Vous avez la parole.

[Français]

    Honorables députés, je suis heureux de comparaître devant le Comité dans le cadre de cet examen.

[Traduction]

    Compte tenu de la réaction énergique du Canada aux événements mondiaux récents et actuels, le moment est très bien choisi pour réfléchir au régime de sanctions du Canada.
    L'automne dernier, j'ai eu le plaisir de m'adresser au Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international alors qu'il procédait à l'examen quinquennal des lois qui régissent les sanctions autonomes du Canada. Comme vous le savez, ce comité vient de publier son rapport et ses recommandations, que nous examinons de près. Nous comptons sur ses travaux, ainsi que sur les vôtres, pour amener le Canada à mieux élaborer, imposer, mettre en œuvre et appliquer ses sanctions.
    Comme vous le savez, le Canada dispose de deux lois pour imposer des sanctions autonomes, la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus, communément appelée loi de Magnitski, et la Loi sur les mesures économiques spéciales, ou LMES.

[Français]

    Au cours des années qui se sont écoulées depuis que le Comité a étudié pour la dernière fois le régime de sanctions du Canada, en 2017, Affaires mondiales Canada a pris des mesures importantes pour améliorer la gestion et la cohérence du régime, y compris la mise en place d'une capacité spécialisée pour la politique et les opérations liées aux sanctions.
    Cette capacité a permis d'accomplir plusieurs choses. Elle a notamment permis de renforcer la cohérence et la coordination de l'approche du gouvernement du Canada à l'égard de sa politique relative aux sanctions et de soutenir l'engagement du Canada auprès de ses alliés clés.
    De plus, elle a permis de faciliter des processus plus rationalisés pour les demandes de licence, de radiation de la liste et de certificat et leurs évaluations.
    Enfin, elle a permis de sensibiliser le secteur public et le secteur privé canadiens à la manière de s'engager dans le commerce international en conformité avec les sanctions du Canada.

  (1110)  

[Traduction]

    Il est donc arrivé de bonnes choses, mais le paysage mondial a radicalement changé depuis et le contexte des sanctions s'en est trouvé transformé comme jamais auparavant. Les exigences et les difficultés associées à la mise en œuvre, à l'application et à la réglementation des sanctions du Canada se sont multipliées de façon exponentielle.
    À ce propos, je m'en voudrais de ne pas évoquer précisément les sanctions auxquelles on a eu recours depuis février de l'année dernière, à la suite de l'invasion injustifiable de l'Ukraine par la Russie. En vertu de la LMES, le Canada a appliqué plus de 50 séries de sanctions visant plus de 1 900 personnes et entités russes, bélarusses et ukrainiennes. Étant donné que le conflit risque fort de s'étirer, nous prévoyons que cela se poursuivra.
    Depuis janvier 2022, le Canada a aussi imposé des sanctions en réponse aux événements survenus en Haïti, en Iran, au Myanmar et au Sri Lanka. En comptant les sanctions liées à la guerre de la Russie en Ukraine, depuis le début de 2022, le Canada a imposé 79 séries de sanctions autonomes, si bien que le recours à cet outil de politique étrangère a augmenté globalement de 150 % par rapport aux cinq années précédentes réunies.
    Il s'est produit un fait nouveau important en juin de l'an dernier, lorsque la LMES et la loi de Magnitski ont été modifiées pour permettre au gouvernement de saisir, de confisquer, d'aliéner et de redistribuer des biens appartenant à des personnes sanctionnées. Le Canada est le premier et à ce jour le seul pays au monde à avoir adopté ce genre de loi.
    En terminant, à bien des égards, l'étude que vous entreprenez ne pourrait mieux tomber. Comme vous le savez, les événements des 15 derniers mois nous ont beaucoup appris et nous incitent davantage à réfléchir à l'avenir des sanctions au Canada.

[Français]

    Je vous suis reconnaissant de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant le Comité. Je suis avec intérêt vos travaux. Je suis impatient d'en connaître les résultats et, éventuellement, de lire votre rapport.
    Je serai heureux de répondre à vos questions.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Lévêque.
    Nous passons maintenant aux questions des députés.
    D'après ce que je comprends, monsieur Chong, vous êtes le premier.
    Vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie nos témoins de comparaître devant nous aujourd'hui.
    Je vous renvoie aux recommandations du rapport de 2017 du comité des affaires étrangères. L'une d'elles portait sur la nécessité de « fournir par écrit [...] des directives détaillées au public et au secteur privé au sujet de l'interprétation des règlements sur les sanctions », afin que les particuliers et les entreprises puissent s'y conformer. Où en sommes-nous avec cette recommandation?
    Aux États-Unis, par exemple, le Bureau du contrôle des avoirs étrangers du Trésor américain publie des directives détaillées sur l'interprétation de ses sanctions, ainsi que des fiches d'information. L'Union européenne publie des renseignements sur mesure dans les foires aux questions de ses sites Web, y compris des documents indépendants qui traitent de l'application de mesures contre, par exemple, la banque centrale de la Russie et de nombreuses autres questions.
    Où en est‑on chez Affaires mondiales Canada pour ce qui est de publier des directives écrites détaillées, comme le fait l'Agence du revenu du Canada pour faciliter l'interprétation des lois fiscales?
    C'est effectivement une des principales recommandations du rapport de 2017, et je dirais qu'elle est mise en œuvre, de façon constante.
    Depuis la publication de ce rapport, Affaires mondiales Canada a bien créé une page autonome, accessible par un lien dans sa page d'accueil Internet, où on trouve une foire aux questions détaillée, ainsi que des renseignements pour guider les parties intéressées, les entreprises et les particuliers. Nous faisons aussi beaucoup de sensibilisation, auprès du secteur financier, du secteur juridique, de l'Association du Barreau canadien, etc.
    Bref, c'est quelque chose que nous nous efforçons d'améliorer continuellement. Nous avons de très bons modèles parmi nos partenaires, comme vous l'avez relevé.

  (1115)  

    Une autre recommandation du rapport de 2017 était de confier la délivrance des permis accordés en vertu de la LMES au service d'Affaires mondiales Canada qui délivre déjà des permis semblables en vertu de la Loi sur les licences d'exportation et d'importation. Pouvez-vous nous dire si cela a été fait?
    Non, cela n'a pas été fait. Il y a encore deux services distincts.
    D'accord.
    Est‑ce qu'on envisage de le faire, ou bien est‑ce que ce n'est pas du tout dans les plans actuellement?
    Ce n'est pas dans les plans actuellement. On vise surtout à regrouper dans un seul service tout le savoir-faire en matière de sanctions.
    Une autre recommandation à ce sujet était qu'on établisse des normes de service plus claires et que les demandeurs puissent être informés rapidement en ligne de l'état de leur demande.
    Par exemple, une pratique exemplaire serait celle du bureau des sanctions de l'Australie, qui offre des informations claires et un portail où le demandeur peut voir où en est rendue sa demande. Les Australiens s'efforcent de traiter les demandes dans un délai de six à huit semaines, en disant au public que cela peut prendre jusqu'à trois mois, mais les intéressés peuvent toujours vérifier par le portail où en est leur demande.
    Est‑ce qu'Affaires mondiales Canada prévoit de faire quelque chose de semblable pour ceux qui ont demandé d'être exemptés en vertu de la LMES?
    Je dirais qu'on ne prévoit pas à l'heure actuelle d'établir une norme de service précise.
    Bien sûr, nous nous efforçons toujours de traiter les demandes le plus rapidement possible, mais la croissance exponentielle des demandes de permis que nous avons reçues nous oblige à traiter en priorité celles qui revêtent la plus haute importance.
    On pourrait peut-être réduire la charge de travail en créant un portail en ligne, qui éviterait de devoir interagir avec les demandeurs pour les informer de l'état de leur demande. C'est peut-être pour cette raison que d'autres pays procèdent de la sorte, afin de réduire la charge de travail et d'accroître la productivité.
    J'ai une dernière série de questions à poser. Le rapport de 2017 recommandait également une application plus rigoureuse des règles de sanctions. L'an dernier, dans le budget de 2022, le gouvernement a annoncé la création d'une agence canadienne des crimes financiers. Le Royaume-Uni a annoncé une mesure semblable, en indiquant que sa nouvelle agence s'occuperait notamment d'appliquer les sanctions.
    Est‑ce que le gouvernement du Canada prévoit faire de même?
    Il existe effectivement un plan à ce sujet. Je ne suis pas la personne idéale pour répondre à cela, surtout que certains de mes collègues seront ici dans la deuxième heure de la réunion et qu'ils auront les compétences nécessaires.
    Ce n'est pas la première fois que je pose cette question à des fonctionnaires d'Affaires mondiales Canada, alors peut-être que la prochaine fois que nous discuterons de l'application du régime de sanctions du Canada, ils seront en mesure de dire si cette nouvelle agence canadienne des crimes financiers comprendra un service chargé d'appliquer les sanctions.
    Je vais m'arrêter ici, monsieur le président. Merci.
    Merci, monsieur Chong.
    Nous passons maintenant à M. Sarai.
    Vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci de vous joindre à nous aujourd'hui. Cette discussion tombe à point nommé.
    Pouvez-vous décrire, de la façon la plus concise possible, le régime de sanctions actuel du gouvernement du Canada et le processus par lequel des personnes sont sanctionnées, du début à la fin? Lorsque nous sanctionnons une entité ou un pays, comment le gouvernement du Canada procède‑t‑il?
    Je vous remercie de la question.
    C'est un sujet sur lequel je pourrais discourir pendant des heures...
    Je n'ai que quelques minutes.
    ... mais je vais faire de mon mieux pour être très concis.
    Essentiellement, comme je l'ai dit dans mon exposé, le régime de sanctions autonomes découle de deux lois qui sont semblables, mais complémentaires, la Loi sur les mesures économiques spéciales et la loi de Magnitski. Lorsqu'un des déclencheurs prévus dans ces deux lois est actionné — disons lorsqu'un acteur de la scène internationale semble contrevenir à... responsable de violations graves et systématiques des droits de la personne, d'une rupture sérieuse de la paix et de la sécurité internationales, ou d'actes de corruption à grande échelle, et lorsqu'une organisation internationale dont fait partie le Canada demande à ses membres d'imposer des sanctions — nous pouvons dresser une liste de personnes à sanctionner suivant des règlements pris en vertu de ces deux lois.
    Nous devons être certains alors d'avoir recueilli assez de preuves auprès de sources accessibles pour constituer un dossier qui respecte la procédure établie et les droits des personnes visées. Lorsque nous parvenons à recueillir de telles preuves, nous soumettons au système de réglementation un décret qui, une fois en vigueur, empêche ces personnes de faire des transactions financières avec des Canadiens. En fait, cela leur enlève la capacité d'interagir économiquement avec toute entité au Canada ou avec tout Canadien à l'étranger.
    Bien sûr, les premières institutions appelées à agir sont les institutions financières, qui suivent la situation de très près, ce qui mène habituellement à un gel immédiat des avoirs financiers de ces personnes.

  (1120)  

    Qui prend la décision d'imposer les sanctions et quel type de sanctions peut-on imposer?
    La décision est prise par le gouverneur en conseil, sur la recommandation du ministre des Affaires étrangères. Au cours du présent mandat, évidemment, c'est nous qui fournissons des conseils et des avis.
    Pour ce qui est de la deuxième partie de votre question, si vous examinez la LMES, les interdictions peuvent être de tout ordre, comme le gel des avoirs, l'interdiction d'effectuer des transactions, les restrictions à l'importation et à l'exportation, l'imposition de restrictions aux services financiers et aux voyages en avion, l'interdiction d'expédition, l'embargo sur les armes et, bien sûr, l'interdiction d'entrer au pays.
    Dans quelle mesure ces sanctions sont-elles efficaces par rapport aux objectifs visés?
    C'est une question qui fait l'objet de dissertations dans le monde universitaire, parce que la définition du mot « efficacité » n'est pas simple. Il y a différents niveaux d'objectifs lorsqu'un pays impose des sanctions autonomes.
    Bien entendu, l'objectif ultime est de modifier le comportement de la partie fautive. Ce n'est pas le seul objectif. Il y en a beaucoup d'autres qu'on peut atteindre entretemps, comme de limiter la capacité d'agir sur les plans financier et économique. Toutefois, c'est aussi un signal important que notre gouvernement envoie: ces actes de personnes ou d'entités malveillantes sont inacceptables dans un contexte mondial. Il y a bien sûr d'autres façons d'y parvenir, mais celle‑ci est assez puissante et claire. Il y a une certaine dose d'humiliation qui vient avec. Elle est aussi de nature à dissuader d'autres personnes d'agir de même. Enfin, je dirais qu'elle peut inciter d'autres pays qui ont des lois sur les sanctions autonomes à nous emboîter le pas. Il y a une multitude d'effets possibles qu'il faudrait évaluer à tout moment.
    Prenons le cas de la Russie, par exemple. Les sanctions sont-elles efficaces? Selon les définitions qu'on veut bien retenir, je dirais que oui. La Russie a vu réduire considérablement sa capacité de mener sa guerre. Son économie s'est contractée. Plus d'un millier d'entreprises étrangères ont quitté son territoire. Grâce à des contrôles très stricts des exportations de technologie à double usage, on a réduit grandement la capacité de la Russie d'intégrer des puces informatiques et du matériel hautement perfectionné dans sa chaîne d'approvisionnement en armes, ce qui mine à long terme sa capacité de mener le genre de guerre brutale qu'elle mène en Ukraine.

  (1125)  

    Quelles sont les conséquences possibles des sanctions? Il y a évidemment des conséquences.
    Il y a les conséquences connues et prévues et, bien sûr, les conséquences imprévues.
    Une des conséquences auxquelles nous nous attendons toujours est la réciprocité: nous leur faisons quelque chose, alors ils nous font quelque chose en retour. Il y a des répercussions sur nos entreprises. C'est pourquoi, dans les demandes de permis, nous devons examiner tout le spectre des répercussions possibles.
    Ensuite, il y a des choses qui ont pu nous échapper, parce qu'on ne peut pas penser à tout lorsqu'on impose des sanctions. Il y a des choses qu'on découvre après coup. C'est comme cela que...
    Merci, monsieur Lévêque.
    Nous passons maintenant à M. Bergeron.
    Vous avez six minutes, monsieur.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être avec nous aujourd'hui. Je les remercie aussi de nous éclairer ainsi que de nous faire part de leur expérience et de leurs connaissances.
    Dans un article paru le 21 mars dernier, la ministre Joly a déclaré que les sanctions occidentales en réponse à l'invasion de l'Ukraine par la Russie ont porté leurs fruits, car le monde voit des effets « sur la société et à quel point nous voyons un changement de régime potentiel en Russie », cette déclaration ayant été faite plus tôt, au début de mars. Elle a aussi dit que le Canada devrait isoler la Russie « économiquement, politiquement et diplomatiquement ».
    Monsieur Lévêque, vous avez dit, il y a quelques instants, que l'économie russe avait ralenti. Toutefois, dans sa mise à jour d'avril 2023, le Fonds monétaire international prévoit un taux de croissance de 0,7 % pour la Russie, soit un taux supérieur à celui du Royaume‑Uni ou de l'Allemagne et équivalent à celui de la France ou de l'Italie, par exemple.
    Les sanctions ont-elles véritablement un effet sur l'économie russe?
    Une telle projection quant à la performance de l'économie russe ne témoigne-t-elle pas du fait que la Russie parvient à contourner les sanctions grâce à l'aide d'autres pays?
    Selon l'une des recommandations du comité sénatorial, il faudrait préciser davantage nos objectifs. Quels sont-ils?
    Je vous remercie de ces questions.
    Vous avez raison. Nous avons, nous aussi, vu les statistiques publiées par le Fonds monétaire international.
    Selon moi, il faut comparer les projections actuelles pour ce qui est de la croissance de l'économie russe avec celles qui existaient avant l'invasion. Si ce n'avait pas été de cette invasion et des sanctions très sévères imposées, la croissance économique russe aurait été bien supérieure à 0,7 %, soit le taux actuellement projeté.
    Les sanctions sont-elles le coup de grâce? Pas nécessairement. Ont-elles nui à l'économie russe? C'est sans contredit le cas.
    Par contre, il faut aussi tenir compte des secteurs de l'économie qui ont été les plus touchés. L'objectif des sanctions n'est pas strictement de réduire la taille de l'économie russe, mais de perturber les secteurs les plus susceptibles de nuire à l'Ukraine.
    Pour revenir à ce que je disais il y a quelques instants, il faut enlever le plus possible de chaînes de valeur, ces éléments de technologie perfectionnés qui peuvent entrer dans la chaîne de production de l'armement russe.
    La Russie possède-t-elle des stratégies de contournement des sanctions? Il n'y a aucun doute que oui, et c'est l'une des raisons pour lesquelles elle peut encore financer sa guerre.
    La Russie est un pays qui exporte énormément de produits énergétiques, comme le gaz et le pétrole. Or, c'est loin d'être la totalité des pays du monde entretenant des échanges commerciaux avec la Russie qui possèdent un régime de sanctions autonomes ou qui souhaiteraient envisager d'en avoir un.
    On ne peut être aussi efficace que lorsqu'on se rapproche de l'universalité des sanctions, d'où l'importance d'assurer une coordination avec nos partenaires et de faire pression sur les pays avec lesquels nous entretenons des relations diplomatiques qui n'ont pas nécessairement de régimes de sanctions autonomes en place, mais sur lesquels nous pouvons exercer une certaine influence.
    Enfin, notre objectif demeure le même pour la Russie. Nous voulons limiter la capacité de ce pays à financer sa guerre, l'isoler diplomatiquement et, ultimement, la tenir responsable de la destruction qu'elle aura causée. C'est une des raisons pour lesquelles notre nouveau régime de saisie et de confiscation est si unique, et il nous donne des occasions de poursuivre cet objectif.

  (1130)  

    Justement, en ce qui concerne le régime de saisie, le Canada est devenu en 2022 le premier pays membre du G7 à inclure une telle mesure législative dans son régime de sanctions. Il est probablement le premier également à suivre la recommandation à cet effet formulée par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.
    Cela m'amène d'ailleurs à signaler qu'il nous est extrêmement difficile en tant qu'observateur extérieur d'avoir une idée très précise de la mesure dans laquelle le régime de sanctions aura été efficace, de connaître la valeur réelle de ce qui a été gelé et de ce qui a été saisi.
    D'après ce qu'on comprend à ce sujet, il n'y aurait eu qu'un seul décret invoquant les pouvoirs en matière de saisie, qui concernerait des actifs de 33 millions de dollars appartenant à M. Roman Abramovich.
    Selon un communiqué de presse diffusé en décembre 2022, la ministre Joly envisageait de présenter une demande au tribunal visant à confisquer définitivement les biens au profit de la Couronne.
    Premièrement, où en sommes-nous?
    Deuxièmement, pourquoi ce nouveau régime de saisie n'aurait-il été utilisé qu'une seule fois jusqu'à présent?
    Monsieur le président, je remercie le député de ses excellentes questions.
    Monsieur Bergeron, vous avez raison. La valeur estimée du compte bancaire que nous croyons lié à M. Roman Abramovich est effectivement de 26 millions de dollars américains, ce qui représente 33 millions de dollars canadiens. Il s'agit effectivement du seul actif qui a été formellement saisi à ce jour.
    Vous m'avez demandé où nous en étions. Je vous répondrai qu'il s'agit d'une nouvelle législation. Ce sont de nouvelles mesures, pour lesquelles il n'y a encore aucun précédent. Une complexité y est donc associée, puisqu'il s'agit d'une première fois.
    L'objectif est de maximiser les chances de réussite et de succès. Agir à la hâte, sans préparer un dossier judiciaire très serré, ne nous servirait probablement pas si le processus judiciaire échoue et que nous ne sommes pas capables de confisquer cet actif de façon permanente. Vous n'ignorez sans doute pas que les oligarques russes sont particulièrement efficaces pour ce qui est de camoufler leurs actifs. Dans ce cas-ci, plusieurs territoires internationaux réclament l'accès au compte. La loi internationale et les lois des pays respectifs entrent donc en jeu.
    Pourquoi, jusqu'à maintenant, une seule...

[Traduction]

    Je crains, monsieur Lévêque, que le temps soit écoulé. Nous sommes en retard d'une minute et demie. Nous allons devoir passer au prochain député.
    Je m'excuse.
    La dernière à intervenir dans cette ronde est Mme McPherson.
    Vous avez six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être ici aujourd'hui et de nous faire profiter de leur qualité d'experts.
    C'est moi qui ai proposé au Comité d'effectuer cette étude en mai de l'an dernier, alors je suis contente que nous l'ayons commencée. Je pense que c'est très important. Nous comprenons tous l'importance d'avoir un régime de sanctions efficace, transparent, cohérent et appliqué comme il se doit. Je ne suis pas convaincue que ce soit le cas. À écouter quelques-unes des questions qui ont été posées jusqu'ici... Le défaut de mettre en œuvre certaines des recommandations issues du rapport de 2017 pose un problème.
    Lorsque les comités font un travail aussi important et formulent des recommandations — je sais qu'il y en a encore 19 qui découlent de l'examen du Sénat — et que ces recommandations restent lettre morte, j'en viens à me demander si le gouvernement prête l'oreille aux comités parlementaires.
    Une des choses que nous avons entendues jusqu'à maintenant, c'est que les sanctions se veulent un signal et qu'elles servent à faire honte, je suppose, à ceux qui sont sanctionnés. Or, si les sanctions ne sont pas appliquées, le signal m'apparaît bien faible. Sans transparence et sans cohérence, le signal que nous essayons d'envoyer perd beaucoup de sa force.
    Ma première question concerne, encore une fois, le rapport de 2017. Une des recommandations du Comité des affaires étrangères se lisait comme suit: « Le gouvernement du Canada devrait réformer les structures chargées des régimes de sanctions et leur accorder des ressources adéquates, afin de pouvoir imposer de manière efficace des sanctions contre les États et les personnes visées ».
    Je me demande combien d'employés d'Affaires mondiales Canada sont affectés à la politique et à l'administration des sanctions aujourd'hui, et quel changement s'est produit depuis 2017.

  (1135)  

    Je vous remercie de la question.
    Je vais vous donner le nombre de personnes qui sont affectées exclusivement aux sanctions et qui se consacrent entièrement à notre petite équipe, mais il est important de comprendre que ce travail chez Affaires mondiales Canada s'inscrit vraiment dans une organisation matricielle, parce que nous travaillons avec les directions géographiques et le personnel juridique. Il est difficile de dire...
    Ce serait peut-être plus facile si vous nous parliez du changement alors. Est‑ce qu'on a ajouté des employés depuis 2017? Nous savons que c'était une recommandation. Est‑ce que cela s'est produit?
    Avant 2017, il y avait peut-être deux ou trois personnes qui faisaient cela à temps plein. Après la création d'un service exprès à cette fin, elles étaient environ une dizaine. Depuis que le premier ministre a annoncé en octobre dernier la création d'une structure plus imposante pour gérer les sanctions — pas seulement chez nous à AMC, mais aussi, bien sûr, dans d'autres ministères —, il est certain que l'effectif va augmenter de façon importante.
    Nous avons déjà augmenté de moitié environ le personnel affecté exclusivement aux sanctions, et l'objectif est de le doubler ou de le tripler au cours des prochains mois.
    Merci.
    Pouvez-vous me dire pourquoi la Russie ne figure pas sur la liste des pays visés? À ce jour, seule la Corée du Nord figure sur cette liste. Le gouvernement envisage‑t‑il d'y ajouter la Russie? Est‑ce qu'il ne serait pas plus rassurant de savoir que des biens canadiens ne contribuent pas à la guerre illégale en Ukraine?
    C'est une question importante, mais malheureusement, elle relève d'un autre secteur de compétence, celui du contrôle des exportations. Je m'engage à vous revenir avec une réponse écrite, mais je ne peux pas pour le moment vous donner une réponse qui serait entièrement exacte.
    Merci. Une réponse écrite fera très bien l'affaire.
    J'ai évoqué la cohérence au début de mon intervention. Comme nous le savons — je vais simplement vous le lire —, le Sénat a recommandé que le gouvernement du Canada « s'efforce d'être cohérent dans son application globale des sanctions autonomes imposées en réponse à des violations des droits de la personne ».
    Ces dernières années, nous voyons que, dans le cas de la Russie, de l'Iran, du Myanmar, du Venezuela, d'Haïti et du Sri Lanka, des ressortissants de ces pays ont fait l'objet de sanctions, mais il y a des pays où les droits de la personne sont clairement bafoués et qui ne figurent pourtant pas sur notre liste, des pays qui sont gouvernés par des extrémistes ou qui posent des menaces à la paix et à la sécurité internationales. Je pense bien sûr en ce moment à l'Arabie saoudite, mais nous avons aussi entendu des Canadiens réclamer des sanctions dans d'autres régions, par exemple en Ouganda, qui a adopté récemment sa loi anti-LGBTQ2+, ou en Israël, où on voit s'établir des colonies de peuplement illégales.
    Je me demande si vous pourriez nous expliquer comment ces décisions‑là se prennent. C'est très confus pour les Canadiens, la prise de sanctions. Il ne semble pas y avoir de cohérence en ce moment.
    Nous avons certainement pris note de cette recommandation du Sénat. Bien sûr, nous décortiquons la question très attentivement, et c'est une recommandation que nous voulons adopter pour donner plus de cohérence à l'application des sanctions.
    Pour ma part, je prendrais la proposition par l'autre bout en disant que les sanctions sont un des nombreux outils dont nous disposons pour intervenir, pour signaler des pays ou pour amener sur eux des effets punitifs. En fait, le point de départ est le suivant: quels intérêts et quels points faibles avons-nous dans une relation donnée? Quels sont les outils dont nous disposons pour exercer le plus grand impact? C'est là que ça commence.
    Les sanctions sont un des outils possibles, et nous sommes là pour fournir le soutien, les conseils, les enjeux à considérer et les ramifications éventuelles lorsque les directions géographiques — les responsables, disons, de la relation bilatérale avec l'Arabie saoudite ou avec l'Iran, etc. — cherchent des moyens supplémentaires pour faire pression.
    En ce qui concerne l'Arabie saoudite, je dirais que nous n'avons peut-être pas un régime de sanctions contre le pays lui-même, mais nous avons invoqué la loi de Magnitski et imposé des sanctions pour violation des droits de la personne à la suite du meurtre de Jamal Khashoggi il y a quelques années. C'est un exemple de sanctions qu'on peut appliquer sans viser le pays tout entier. Nous avons visé très précisément et inscrit des personnes soupçonnées de culpabilité dans ce meurtre horrible.

  (1140)  

    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup, madame McPherson.
    Nous passons maintenant au deuxième tour, où chaque membre dispose de quatre minutes.
    Nous commençons par M. Epp.
    Vous avez quatre minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur présence ici aujourd'hui.
    Je vais poursuivre sur le thème de l'efficacité. De toute évidence, c'est un des objectifs de cette étude également. En ce qui concerne la machine de guerre de la Russie, est‑ce qu'il y a eu des évaluations particulières à ce sujet? Je remarque que les drones d'attaque suicide proviennent de l'Iran. Vous avez fait allusion dans votre déclaration préliminaire, je crois, à des sanctions imposées à des ressortissants iraniens. La Russie obtient aussi des munitions de la Corée du Nord. Je n'ai pas entendu « Corée du Nord » dans cette première liste de sanctions. Pouvez-vous nous éclairer à ce sujet?
    Oui, absolument. Je vous remercie de la question.
    Oui, nous évaluons constamment les répercussions, non seulement parce que nous voulons être certains que ce que nous faisons a le plus grand impact possible, mais aussi pour voir comment ajuster le tir sur les cibles les plus susceptibles d'affaiblir la machine de guerre.
    Bien sûr, il est difficile d'obtenir des données sur les échanges commerciaux de la Russie. Ce n'est pas à proprement parler un gouvernement transparent. Les sources de renseignement sont difficiles à trouver, mais c'est là, je dirais, qu'entrent en jeu les alliances avec des pays aux vues semblables aux nôtres; il y a les États‑Unis, le Royaume‑Uni, l'Union européenne et quelques autres qui recueillent des renseignements et qui examinent les échanges commerciaux. Il ne s'agit pas de regarder seulement les transactions de la Russie, mais aussi les pays que nous soupçonnons de traiter avec la Russie, et de voir si on peut trouver des anomalies entre eux.
    Merci.
    Vous avez parlé aussi des conséquences imprévues des sanctions. Les Canadiens actuellement se débattent avec les prix élevés des aliments. Un des facteurs est le tarif douanier que nous appliquons aux engrais russes et biélorusses. Est‑ce qu'on a analysé l'impact de cette sanction particulière sur la Russie par rapport au coût pour nos propres systèmes alimentaires? Je crois savoir que nos alliés auraient fait cette analyse et seraient arrivés à une conclusion différente de la nôtre.
    Une décision claire a été prise — et je crois que le premier ministre l'a annoncée publiquement il y a quelques mois —, à savoir que nous exclurions de l'interdiction frappant le transport maritime et des marchandises visées par les sanctions tout ce qui entre dans la production alimentaire, précisément à cause de la pression à la hausse que cela aurait sur les prix des aliments. Nous n'empêcherons donc pas explicitement le commerce d'engrais provenant de Russie ou du Bélarus.
    La Loi sur les mesures économiques spéciales prévoit que ces exceptions doivent être notées. Nous avons eu une discussion à ce comité sur les turbines de Gazprom.
    À part celles dont nous venons de parler, est‑ce que d'autres exceptions ont été accordées à l'endroit spécifiquement du Bélarus et de la Russie, en lien avec la guerre, que nous ne connaissons pas?
    Je dirais que chaque situation est unique. C'est pourquoi les permis sont toujours évalués au cas par cas. En règle générale, je dirais que, lorsque nous recevons des demandes d'exemption, de permis ou de confirmation de l'absence d'interdiction, nous cherchons surtout à évaluer l'importance d'accorder le permis pour les intérêts et la sécurité du Canada par rapport à l'importance de ne pas...
    Pouvez-vous nous donner un exemple précis?
    Tout ce qui pourrait avoir une incidence sur notre sécurité nationale ou, par exemple, sur les chaînes d'approvisionnement essentielles.
    A‑t-on accordé d'autres permis?
    Oui.
    Pouvez-vous nous donner des détails?
    Pour des raisons de confidentialité commerciale, nous ne sommes pas autorisés à en parler, mais je peux vous dire que, chaque fois que des intérêts canadiens d'une importance cruciale sont en cause, nous en tenons compte. Oui, nous avons accordé d'autres permis.
    Nous travaillons avec nos alliés occidentaux, nos alliés de l'OTAN, pour coordonner nos sanctions. Cette collaboration a‑t‑elle incité des pays non membres de l'Alliance à adhérer aux sanctions imposées par les pays occidentaux? Avez-vous un commentaire à faire sur l'efficacité de cette collaboration?

  (1145)  

    Oui, volontiers. J'ai nommé les pays avec lesquels nous travaillons habituellement en très étroite collaboration, soit les États-Unis, l'Union européenne et le Royaume-Uni. Très peu de pays ont des régimes de sanctions autonomes. Je crois que le Japon en a un. L'Australie et la Nouvelle-Zélande sont de petits joueurs, mais nous assurons également la coordination avec ces pays. Nous échangeons ensuite de l'information, même avec des pays qui n'ont pas de régimes de sanctions autonomes, par le biais du G7, des alliés de l'OTAN et du Groupe des cinq. Il y a beaucoup d'échange d'information.
    Je vous remercie.
    C'est maintenant au tour de Mme Vandenbeld.
    Vous disposez de quatre minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci également aux témoins d'être parmi nous aujourd'hui pour nous expliquer comment fonctionne ce système.
    Monsieur Lévêque, vous avez dit que 1 900 fonctionnaires russes et bélarussiens ont été sanctionnés. Pourriez-vous nous dire ce qu'il en est des représentants iraniens?
    J'ai ces chiffres, si vous voulez bien m'accorder un instant.
    En ce qui concerne l'Iran, je crois que 156 personnes au total ont été sanctionnées et que 192 entités sont inscrites à notre liste des sanctions autonomes.
    Merci beaucoup. Je sais que c'est une grande source de préoccupation pour les Canadiens.
    Qu'en est‑il d'Haïti? Quelle est la situation actuelle en Haïti?
    À ce jour, 19 personnes ont été sanctionnées en Haïti.
    Il s'agit de ceux qu'on appelle les oligarques, ceux qui soutiennent les gangs.
    C'est exact. C'est un mélange de gens d'affaires, l'équivalent des oligarques en Haïti, et d'anciens politiciens qui étaient considérés comme influents et qui auraient pu améliorer les choses, mais qui ont plutôt choisi de maintenir le chaos, la destruction et la terreur.
    Merci beaucoup de cette information.
    Pourriez-vous nous dire comment le régime de sanctions du Canada — y compris la Loi sur les mesures économiques spéciales et la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus, ou loi de Magnitski — se compare à celui de certains de nos alliés aux vues similaires, soit les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Australie et quelques autres pays peut-être?
    Nos régimes de sanctions ont beaucoup en commun, mais chaque loi présente des différences subtiles. Chaque pays a ses propres déclencheurs. J'ai déjà parlé de nos quatre déclencheurs qui peuvent être un peu différents dans d'autres pays. Chaque pays a ses propres seuils d'acceptabilité et sa propre définition de ce qui constitue un ensemble suffisant de preuves.
    Chaque fois que nous prenons un décret qui propose un nouveau règlement pour inscrire les personnes sanctionnées à notre liste, nous nous lançons un défi. Le ministère de la Justice veut avoir l'assurance que nous n'agissons pas de manière irresponsable, mais que nous nous appuyons sur un faisceau de preuves solides qui proviennent toujours de sources ouvertes. D'autres pays sont prêts à accepter des renseignements classifiés pour étayer leur liste.
    Il y a beaucoup de similitudes, mais les mécanismes utilisés varient grandement, de même que les délais, selon le pays dont nous parlons. Par exemple, les 27 membres de l'Union européenne doivent tous donner leur accord avant d'aller de l'avant, ce qui ralentit considérablement le processus.
    Je vais céder le reste de mon temps de parole à M. Zuberi.
    Je vous remercie d'être ici aujourd'hui.
    En réponse à la première question de Mme Vandenbeld, vous avez parlé de la Russie et de l'Iran.
    J'aimerais savoir combien de sanctions visent la Chine, notamment en ce qui concerne le sort des Tibétains, des Hongkongais et des Ouïghours. Les sanctions ont-elles un effet sur ces catégories de personnes?
    De mémoire, je dirais que quatre personnes et une entité sont visées.
    Je vous remercie.
    Ça, c'est pour les Ouïghours. Pour le Tibet, y en a‑t‑il?
    Je ne suis pas certain. Nous allons devoir vous revenir là‑dessus. Je ne veux pas vous induire en erreur.
    Merci.
    Je vous remercie.
    Nous passons maintenant à M. Bergeron. Vous avez deux minutes.

[Français]

    Je serai bref, car j'ai peu de temps.
    Je vais vous permettre de compléter votre réponse concernant M. Abramovich et peut-être de faire le point sur les effets des sanctions imposées aux gens qui favorisent la corruption et la violence ainsi que le trafic d'armes et de drogue en Haïti. Selon l'information émanant de la GRC, il semble que rien n'ait été gelé de ce côté.
    Pouvez-vous nous éclairer là-dessus?

  (1150)  

    Votre question précédente visait à savoir pourquoi seulement un seul actif a été saisi. C'est simplement en raison du problème lié à l'accès à l'information. En effet, les oligarques sont très bons pour camoufler leurs actifs. Ils ne dressent pas de liste de ce qu'ils possèdent ici sous leur propre nom. C'est l'une des plus grandes barrières pour ce qui est de l'accès à l'information.
    Le Canada a quand même gelé beaucoup plus d'actifs que seulement ces actifs-là.
    N'est-ce pas?
    C'est exact. Nous parlons de comptes bancaires qui sont automatiquement gelés par les institutions financières. Cependant, il faut tenir compte ici du fait qu'il s'agit d'un très grand nombre de transactions financières. On parle de centaines, peut-être de milliers de transactions financières qui ont été gelées. Ces transactions portent sur quelques centaines de dollars à quelques milliers de dollars, mais les comptes, à proprement parler, n'appartiennent pas tous à un oligarque ou à un individu inscrit sur la liste des gens visés par des sanctions. Il s'agit de comptes pris dans le filet de l'institution.
    Je peux donner l'exemple d'une banque russe qui fait l'objet de sanctions. Toutes les transactions financières émanant de cette banque vont être automatiquement gelées ici, au Canada. Même si c'est une transaction qui va d'une tante à sa nièce pour payer des frais de scolarité. Cela fait partie du travail que nous essayons de faire, c'est-à-dire que nous essayons de nettoyer tout cela pour nous assurer qu'il n'y a pas de circonstances malencontreuses qui touchent des gens qui n'ont absolument rien à se reprocher relativement à la guerre en Ukraine.
    Qu'en est-il d'Haïti?
    Pour ce qui est d'Haïti, techniquement, dès qu'une série de sanctions est annoncée, les avoirs sont officiellement gelés. Cela interdit à tout Canadien de s'engager dans des transactions. Nous n'avons toutefois pas encore saisi ces avoirs.

[Traduction]

    Merci.
    C'est maintenant au tour de Mme McPherson.
    Vous disposez de deux minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Étant donné que j'ai très peu de temps, je vais vous poser de brèves questions en rafale.
    Je vais poursuivre dans la même veine que mon collègue M. Epp au sujet des permis.
    Je sais que vous ne pouvez pas nous donner de renseignements précis, mais pouvez-vous nous dire combien de demandes de permis ont été présentées? Combien ont été approuvées? Quel est le délai de réponse?
    Je n'ai pas le nombre exact avec moi. Je dirais qu'il y a probablement eu quelques dizaines de demandes. Il faudrait que je vous revienne avec le nombre exact de demandes approuvées.
    Il y a évidemment une distinction à faire ici. Parlons-nous seulement de la Russie? Parlons-nous de l'Iran et du Soudan? Je pense que 16 pays sont visés par nos sanctions. Il faudrait faire un examen plus approfondi.
    Si vous pouviez nous fournir ces chiffres et les ventiler par pays, ce serait formidable. Combien y a‑t‑il eu de demandes et combien ont été approuvées? Ce serait fantastique.
    Très rapidement — je suis désolée, mais j'ai très peu de temps —, pourriez-vous nous parler de la collaboration entre Affaires mondiales Canada, la GRC et l'Agence des services frontaliers du Canada en matière d'exécution de la loi? À quelle fréquence vous réunissez-vous? Comment fonctionne le processus de recommandation?
    C'était une recommandation clé et, je pense, c'est également l'une des améliorations les plus importantes. Nous avons maintenant des échanges fréquents. La modification de la loi a également permis un meilleur partage de renseignements, ce qui nous permet de mieux cibler les personnes et de faire un examen plus approfondi, surtout dans le contexte de la loi sur la saisie et la confiscation. Nous avons également mis sur pied un comité interministériel de gouvernance, que nous présidons. Les principaux acteurs sont bien sûr le ministère des Finances, la GRC et certains organismes d'exécution de la loi.
    La coopération est beaucoup plus large et plus efficace. C'est un élément absolument essentiel à notre succès. Nous ne cessons de chercher des façons de renforcer cette coordination, car c'est absolument nécessaire pour accroître notre efficacité.
    De plus, nous en avons manifestement besoin pour appliquer la loi.
    Merci beaucoup.
    Merci.
    Nous passons maintenant à M. Chong pour quatre minutes.
    Je vais poursuivre sur la lancée de Mme McPherson.
    Au sein du gouvernement du Canada, qui est responsable de l'application des sanctions? Nous savons qu'Affaires mondiales Canada est responsable de la désignation des personnes et des entités à sanctionner, mais qui est responsable de l'application des sanctions? Est‑ce que cela relève d'Affaires mondiales Canada, ou de la GRC et l'Agence des services frontaliers du Canada?
    Affaires mondiales Canada est l'organisme de réglementation. La ministre des Affaires étrangères est l'administratrice générale du régime de sanctions et joue un rôle de surveillance. Comme le ministère n'a pas la capacité d'appliquer la loi, c'est bien sûr la GRC et Sécurité publique qui sont responsables de l'application de la loi, des enquêtes et ainsi de suite.

  (1155)  

    L'Agence des services frontaliers du Canada a‑t‑elle un rôle à jouer?
    Bien sûr. Oui, je suis désolé.
    Pour que ce soit bien clair, vous dites que la GRC et l'Agence des services frontaliers du Canada sont responsables de l'application des sanctions, et non pas Affaires mondiales Canada. Le ministère n'a qu'un rôle de coordination.
    Encore une fois, je veux...
    Qui est le principal responsable au sein de l'appareil gouvernemental? Qui convoque les réunions? S'il doit y avoir une coordination interministérielle ou avec les organismes centraux, est‑ce que cela relève d'Affaires mondiales Canada, par l'entremise de sa Direction de la coordination des politiques et des opérations des sanctions, ou est‑ce la GRC ou l'Agence des services frontaliers du Canada?
    Je réitère que c'est la ministre des Affaires étrangères qui est responsable de la réglementation et qui est l'autorité responsable en la matière.
    Je vais céder le micro à ma collègue, Mme Langlois, qui pourra vous donner une réponse plus précise.
    Très bien. Je vous remercie.
    Comme vous le savez, les pouvoirs associés aux divers éléments du régime de sanctions relèvent de plusieurs ministères. Cela dépend beaucoup de ce dont nous parlons. Par exemple, une enquête sur un Canadien qui aurait commis une infraction à la loi relèverait des pouvoirs de la police criminelle et serait donc confiée à l'organisme compétent, en l'occurrence la GRC.
    Affaires mondiales Canada serait‑il responsable de la coordination entre les ministères ou les agences?
    Nous en assurerions la coordination sur les éléments nécessitant notre participation. Nous ne pourrions pas obtenir des renseignements sur les enquêtes qui...
    Permettez-moi de vous donner un exemple parallèle. Je pense que les États-Unis sont beaucoup plus efficaces que nous en matière d'application de la loi. Le département d'État, à l'instar d'Affaires mondiales Canada, désignent quelles personnes ou entités doivent être visées par les sanctions, mais c'est le département du Trésor qui est responsable de l'application des sanctions par l'intermédiaire du Bureau de contrôle des avoirs étrangers, ou OFAC, l'organisme chargé d'appliquer les sanctions. Il est très clair que, s'il doit y avoir une coordination interministérielle ou une coordination avec les organismes d'application de la loi, c'est le ministère du Trésor qui dirige l'effort de coordination.
    Dans notre système, il semble y avoir un problème au sein de l'appareil gouvernemental. D'après ce que j'en comprends, c'est Affaires mondiales Canada qui désigne les personnes et les entités à sanctionner, mais par la suite, on ne sait pas clairement qui doit assurer la coordination entre les ministères et les organismes gouvernementaux. La GRC et l'Agence des services frontaliers du Canada sont responsables de l'application de la loi, mais, comme vous l'avez dit, Affaires mondiales Canada assume des responsabilités administratives générales.
    En octobre dernier, la Direction de la coordination des politiques et des opérations en matière de sanctions d'Affaires mondiales Canada a reçu, avec la GRC, quelque 76 millions de dollars du gouvernement. Parallèlement, dans son budget de 2022 de l'an dernier, le gouvernement a annoncé la création d'une nouvelle agence canadienne des crimes financiers. Personne ne peut m'expliquer quel est le lien entre cette agence et l'application des sanctions. Ensuite, toujours au sein d'Affaires mondiales Canada, il y a la division des licences d'exportation et d'importation, qui est également chargée de traiter les demandes de licences d'importation et d'exportation séparément des demandes présentées en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales et d'autres lois relatives aux sanctions.
    J'ai l'impression qu'il y a un problème au sein de l'appareil. Il ne semble pas y avoir un responsable principal de la coordination entre les ministères et les organismes. Pour moi, c'est un gros problème.
    Je vais terminer là‑dessus, monsieur le président.
    Je vous remercie, monsieur Chong.
    C'est Mme Fry qui posera la dernière question.
    Madame Fry, vous avez quatre minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur présence, nous avons encore tellement de questions à leur poser. Je pense que c'est le concept même d'une sanction qui fait débat ici. Qu'est‑ce qu'une sanction? Comment définir ce concept de manière appropriée afin que tout le monde sache de quoi on parle? Comment déterminer qui doit être sanctionné au sein d'un pays donné? Par exemple, si un pays comme la Russie enfreint toutes les lois internationales et fait la guerre à son voisin, comment déterminez-vous qui, dans ce pays, sera sanctionné, car il est impossible de sanctionner tout le monde?
    La question qui se pose donc est la suivante: si Vladimir Poutine et le gouvernement russe font la guerre à l'Ukraine, faut‑il sanctionner l'armée, les généraux, le Parlement, la Douma? Comment déterminez-vous qui doit être sanctionné? Je pense que beaucoup de gens craignent que si vous sanctionnez la Russie, par exemple, n'importe quel Russe sera sanctionné, tout simplement parce qu'il est Russe.
    Comment prenez-vous ces décisions?

  (1200)  

    Merci beaucoup de cette question.
    La première partie de votre question, sur ce qu'est une sanction, est intéressante, parce que si vous regardez notre loi, vous constaterez que le mot « sanction » n'est pas utilisé. Il s'agit d'un terme générique, et les pays savent à quoi il fait référence. C'est l'imposition de contraintes à des personnes.
    Nous parlons généralement de mesures économiques. Il peut évidemment y avoir d'autres types de sanctions, mais le but principal de notre loi est de restreindre les transactions économiques entre toute personne inscrite à la liste et des entités canadiennes.
    Comment dressez-vous la liste de ces personnes?
    Elles sont désignées par décret et les noms sont ensuite publiés.
    Pour répondre à la deuxième partie de votre question concernant la façon dont nous prenons nos décisions, cela dépend de ce que nous voulons accomplir. Comme je l'ai dit, c'est la raison pour laquelle c'est un outil flexible, mais ce n'est pas le seul outil dont nous disposons lorsque nous voulons envoyer un message ou restreindre la capacité d'un pays à agir de façon malveillante.
    Dans le cas de la Russie, par exemple, près de 2 000 personnes et entités figurent sur notre liste, et cela couvre à peu près toutes les catégories ciblées dans l'entourage du président Poutine. Ce sont des personnes qui sont proches de lui. Ce sont des membres de la Douma. Des centaines de ces personnes figurent sur la liste, soit parce que nous savons qu'elles sont complices — en raison de leur vote à la Douma —, soit parce qu'elles ont la capacité de changer le cours des choses. Nous voulons les convaincre d'exercer des pressions sur le régime. Il y a aussi les oligarques, parce que nous savons qu'ils sont proches du régime. Premièrement, ils ont profité d'un régime criminel et, deuxièmement, ils ont la capacité d'exercer des pressions sur les décideurs politiques.
    Voilà comment nous procédons.
    Je vous remercie.
    Je veux revenir à ce que vous venez de dire, à savoir que ces personnes étaient des proches de Vladimir Poutine. Voulez-vous dire des membres de sa famille? Si vous refusez de délivrer un visa à des personnes désireuses de venir au Canada ou si vous leur refusez le statut de réfugié — nous ne parlons pas seulement de sanctions économiques —, des gens se demandent ce qui arriverait aux membres de la famille de M. Poutine qui ne sont pas d'accord avec lui? Qu'arriverait‑il à ceux qui sont discrètement en désaccord avec lui? Quelle est votre source de renseignements?
    Qu'avez-vous appris, par exemple, de vos succès ou de vos échecs liés à l'application de sanctions en vertu de la loi de Magnitski? Avez-vous tiré des leçons? Comment vous assurez-vous que cette flexibilité ne vous amène pas à sanctionner des personnes innocentes? Je pense que c'est justement ce qui fait peur aux gens.
    Oui, nous inscrivons à notre liste des proches de certains dirigeants et oligarques russes lorsque nous avons des raisons de croire qu'ils profitent des produits de leurs activités illicites.
    C'est le but. Nous inscrivons à notre liste des personnes sur lesquelles nous avons des renseignements très fiables, ce qui nous amène à croire en leur culpabilité par association. Cette loi n'est pas du tout un outil qui vise à empêcher des Russes d'entrer au Canada ou de faire affaire avec des Canadiens. C'est pourquoi nous devons être très diligents dans notre collecte de renseignements avant d'inscrire ces personnes à la liste.
    Merci beaucoup. J'ai bien peur que votre temps soit écoulé.
    L'hon. Hedy Fry: D'accord, je vous remercie.
    Le président: Merci.
    Permettez-moi de remercier nos trois témoins. Un grand merci à vous, monsieur Lévêque, madame Langlois et monsieur Burridge. Nous vous sommes très reconnaissants d'avoir partagé votre expertise avec nous aujourd'hui.
    Nous allons maintenant accueillir notre deuxième groupe de fonctionnaires. Nous allons donc suspendre la séance quelques minutes pour leur permettre de prendre place.
    Je signale à tous ceux qui nous suivent en ligne de rester tout simplement connectés sur ce lien. Merci.

    


    

  (1210)  

    Nous reprenons notre étude du régime de sanctions au Canada. Nous accueillons maintenant un groupe de fonctionnaires qui nous aideront à nous y retrouver dans ce régime.
    De l'Agence des services frontaliers du Canada, nous accueillons M. Fred Gaspar, vice-président de la Direction générale du secteur commercial et des échanges commerciaux; et M. Richard Marseille, directeur général de la Direction des politiques sur l'immigration et des examens externes.
    Nous accueillons également M. Jeremy Weil, directeur principal par intérim, Gouvernance et opérations des crimes financiers, au ministère des Finances.
    Du Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada, nous sommes heureux d'avoir parmi nous aujourd'hui Mme Annette Ryan, directrice adjointe, Partenariats, politiques et analyse; M. Stéphane Sirard, directeur adjoint, Exécution et modernisation des programmes; Mme Derly Lavertu, gestionnaire, et M. Michael‑John Almon, gestionnaire, Renseignement stratégique, recherche et analytique.
    Enfin, de la Gendarmerie royale du Canada, nous accueillons le surintendant de police en chef, Richard Burchill, directeur général, Criminalité financière; ainsi que Denis Beaudoin, directeur, Criminalité financière.
    Je crois comprendre qu'aucun d'entre vous ne souhaite faire une déclaration préliminaire, ce qui laisse donc plus de temps aux députés pour poser leurs questions.
    Nous allons commencer par M. Chong.
    Monsieur Chong, vous avez six minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je vais reprendre certaines des questions que j'ai déjà posées au premier groupe de témoins.
    Je vous remercie d'être venus témoigner.
    Aux États-Unis, le département d'État est le principal responsable de la désignation des personnes ou des entités à sanctionner, mais c'est le département du Trésor qui est le principal responsable de l'administration, de la coordination et de l'application des sanctions.
    Chez nous, Affaires mondiales Canada est l'entité responsable de la désignation des sanctions, à l'instar du département d'État. Nous savons évidemment que la GRC et l'Agence des services frontaliers du Canada sont responsables de l'application des sanctions, mais ma question est un peu différente: qui est responsable de coordonner les ministères et les organismes chargés de l'application des sanctions?
    C'est un processus itératif. Bien sûr, les fonctionnaires entretiennent d'excellentes relations de travail. Nous avons des comités de travail et des comités réguliers. Personne n'est responsable des modèles organisationnels interministériels. Je peux vous garantir qu'il n'existe aucun obstacle organisationnel pouvant nuire à notre coopération. Nous travaillons ensemble tous les jours.

  (1215)  

    Je dirais que c'est justement ce qui pose un problème. Il doit y avoir un ministère ou un organisme responsable de l'administration, de la coordination et de l'application des sanctions. Comme nous l'avons constaté dans d'autres situations, s'il n'y a pas de responsable, il y a une perte d'efficacité. Il faut que quelqu'un soit responsable de l'application des sanctions. À mon avis, cette lacune au sein de l'appareil gouvernemental est justement l'une des raisons pour lesquelles nous ne sommes pas si efficaces en matière d'application des sanctions.
    Nous avons lancé de nouvelles initiatives en ligne pour renforcer l'application des sanctions. Cela ne fera qu'ajouter à la complexité organisationnelle du système actuel, qui est déjà complexe. Je pense au nouveau registre fédéral de la propriété effective des sociétés qui sera mis en ligne. Cela relèvera du ministère de l'Industrie. Il y a également la nouvelle agence canadienne des crimes financiers qui sera créée. Ce sera une organisation de plus au sein du gouvernement. S'il n'y a pas de responsable principal pour coordonner ces nouvelles entités, le CANAFE, Affaires mondiales Canada ou Sécurité publique, je pense que cela nuira à notre capacité d'application des sanctions.
    Permettez-moi de vous poser une question sur cette nouvelle agence canadienne des crimes financiers qui a été annoncée il y a plus de 12 mois. Quel sera son rôle en ce qui concerne l'application des sanctions?
    Si vous me le permettez, je vais revenir en arrière. Je pourrais ainsi apporter quelques éclaircissements en réponse à votre première question. La GRC considère qu'Affaires mondiales Canada est le principal responsable en matière de sanctions.
    Il y a deux volets en matière d'application. Lorsque le contournement des sanctions est de nature criminelle, c'est bien sûr la GRC et l'Agence des services frontaliers du Canada qui lancent des enquêtes criminelles. Pour ce qui est de déterminer qui sera visé par une sanction, quels actifs seront gelés et saisis, cela relève d'Affaires mondiales.
    Oui, mais si le CANAFE ne vous fournit pas les renseignements dont vous avez besoin, à qui incombe‑t‑il alors de diriger la collecte de renseignements?
    Je sais que des mesures ont été annoncées. M. Weil est mieux placé que moi pour répondre.
    Je suis heureux de vous donner plus de détails. Comme vous l'avez fait remarquer — j'ai écouté vos questions précédentes —, la création de l'agence canadienne des crimes financiers a été annoncée dans le budget de 2022. Le budget de 2023 a fait une mise à jour. Nos collègues de Sécurité publique Canada sont en train d'élaborer diverses options pour définir le champ d'action et le mandat futurs de cette agence.
    Ce que je sais pour l'instant, c'est que le contournement des sanctions, en tant que crime financier — au même titre que la fraude, le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme —, fait partie de la gamme des crimes potentiels pour lesquels cette agence pourrait fournir un soutien, soit à titre consultatif, soit dans un rôle d'application de la loi.
    C'est un renseignement utile.
    Savez-vous quand cette agence sera mise en place?
    Dans son budget de 2023, le gouvernement a promis aux Canadiens de faire le point à ce sujet dans l'énoncé économique de l'automne 2023.
    Dans le budget de 2020, il avait promis de le faire dans l'énoncé économique de l'an dernier, et nous n'avons jamais eu cette mise à jour. Avez-vous une idée plus précise du moment où cette agence sera créée?
    Je suis désolé, mais je n'ai rien de plus à dire au Comité, si ce n'est que nous aurons plus de détails à vous donner à l'automne.
    Pour revenir à la question du partage d'information, si le CANAFE ne fournit pas à la GRC les renseignements dont elle a besoin, qui est responsable de régler ce problème?
    J'ai écouté les témoignages du groupe précédent. M. Lévêque a dit qu'il s'agissait d'une responsabilité partagée, d'une responsabilité collective. Voilà pourquoi vous nous avez tous invités ici aujourd'hui.
    C'est un problème. Nous avons eu le même problème au moment de l'évacuation des Afghans qui entretenaient des liens solides et de longue date avec le Canada. Il y a clairement eu un manque de coordination interministérielle. J'entends la même chose ici. Je pense qu'il y a un problème de rouages. Au sein du gouvernement du Canada, il doit y avoir un responsable de l'application des sanctions. Si c'est Affaires mondiales Canada, très bien. Si c'est Sécurité publique, très bien. Quand nous rendons le système encore plus complexe, en y ajoutant un registre et une agence de lutte contre les crimes financiers, si nous ne désignons pas clairement qui est le responsable ultime au sein du gouvernement du Canada, capable de venir expliquer pourquoi les sanctions ne sont pas appliquées, je pense que tout cela ne servira à rien.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Merci, monsieur Chong.
    Nous entendrons maintenant M. Zuberi.
    Vous avez six minutes.
    Merci à tous de votre présence aujourd'hui. Je sais que vous êtes un groupe nombreux.
    Je vais poursuivre dans la même veine que les témoins du groupe précédent. Le Canada a annoncé que quatre personnes et une entité figurent sur notre liste des sanctions en raison de crimes graves commis contre le peuple ouïghour en Chine. Nous avons inscrit ces personnes et cette entité à notre liste. Quelles en sont les répercussions? Quelqu'un peut‑il répondre à cette question? Quelles sont les répercussions réelles de ces inscriptions?

  (1220)  

    Je dirais simplement que c’est probablement une question qu’il aurait été préférable de poser à Affaires mondiales Canada, au groupe de témoins précédent. Je ne pense pas que moi-même, dans le cadre de mes fonctions au ministère, ni mes collègues chargés de l’application de la loi, ayons la moindre information à cet égard.
    La raison pour laquelle je pose la question à ce groupe de témoins, c’est que nous avons appris qu’Affaires mondiales choisit qui figure sur la liste des sanctions, mais je crois que vous êtes responsable de son application. Ai‑je raison?
    Merci de votre question. Je peux en parler du point de vue de l’immigration en particulier.
    Du point de vue de l’immigration, comme le Comité le sait, nous étions ici il y a quelques semaines au sujet du projet de loi S‑8. Il y a une lacune législative dans la disposition sur les sanctions en ce qui concerne l’interdiction de territoire. À l'heure actuelle, les sanctions imposées pour atteinte à la paix et à la sécurité internationale n'entraînent pas une interdiction de territoire. Si le projet de loi S‑8 recevait la sanction royale, il déclencherait l'interdiction de territoire. En ce qui concerne les entités, il s’agit également d’une lacune qui serait comblée si le projet de loi S‑8 recevait la sanction royale, ce qui correspond à une recommandation que le Parlement a faite dans un rapport de 2017.
    Si vous me permettez de prendre un instant pour parler de la coordination interministérielle, du point de vue de l’immigration, comme on le voit dans la LIPR, la responsabilité politique en matière d’interdiction de territoire en raison de sanctions incombe au ministre de la Sécurité publique. C’est l’ASFC qui assure la coordination interministérielle avec AMC. Nous nous consultons sur l’élaboration des règlements, puis nous veillons à ce que nos systèmes avec le ministère de l’Immigration soient mis à jour pour assurer la saisie des avis de surveillance pour les personnes interdites de territoire, afin que nous soyons tous en mesure d'appliquer efficacement ces dispositions du point de vue de l’immigration.
    Monsieur le président, si je peux répondre en ce qui concerne l'aspect financier, du point de vue du CANAFE, je m’appuierais sur la réponse de mon collègue d’AMC, qui a dit que les mesures économiques ont une incidence proportionnelle à la relation économique avec le Canada.
    Dans la mesure où les personnes dont vous parlez ont des relations financières avec le Canada, le CANAFE aurait essentiellement des mesures en place pour veiller à ce que les institutions financières intègrent ces considérations dans leurs cadres de gestion du risque, qu’elles prennent les mesures appropriées pour limiter leurs relations d’affaires avec ces personnes et qu’elles prennent les mesures appropriées pour signaler à la GRC toute transaction ou propriété problématique dans le cas de sanctions.
    Je dirais qu’entre nous, c’est assez clair. Je pense que nous pourrons en parler à tour de rôle.
    Merci.
    Je suis en train de regarder la liste des quatre personnes et une entité. L’entité en question, dans la région ouïghoure, est le Bureau de la sécurité publique du Corps de production et de construction du Xinjiang. Cette entité œuvre dans le secteur de la construction. Elle figure sur notre liste de sanctions.
    Je suis curieux de savoir si les entreprises canadiennes qui pourraient avoir des relations avec elle font l'objet d'un examen approfondi. Si c'est le cas, sont-elles scrutées à la loupe? Si des gens se sont liés par inadvertance, disons, à cette société, fait‑on quelque chose pour les en dissocier?
    Je dirais que si l’entité a des relations financières avec le Canada, les dispositions s’appliqueraient d’abord par l’entremise de ses partenaires du secteur privé. Si ces relations passent par un canal commercial, l’ASFC pourrait s'en occuper.
    Oui, et sur ce point, je peux confirmer que ces entreprises font l'objet du genre d’analyse que fait notre programme de renseignement en émettant des avis de surveillance et des cibles pour les importations entrantes. C’est certainement un élément clé des listes de déclaration d’importation que nous utilisons dans le cadre de notre programme de ciblage.
    C’est un élément essentiel de notre travail, et ce sont des renseignements que nous échangeons avec nos partenaires commerciaux internationaux conformément à nos accords d’assistance mutuelle en matière douanière, le cas échéant, afin de garantir une approche cohérente.

  (1225)  

    Nous avons entendu dire qu’une cargaison provenant de la région ouïghoure a été interceptée, mais qu’elle a été autorisée à entrer par la suite. Je sais que cela ne se rapporte pas spécifiquement à ces témoignages. J’espère que vous nous direz quelles améliorations vous comptez apporter.
    Je suis désolé. J’ai utilisé tout le temps qui m’était alloué, mais peut-être pourriez-vous nous faire part des points à améliorer dans vos autres réponses.
    Merci.
    Merci.
    Nous passons maintenant à M. Bergeron.
    Vous avez six minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Il arrive parfois que l'application indistincte d'une mesure ait des effets contraires à l'effet recherché. Cela a notamment été le cas d'un volet du décret appliqué en mars 2022. Celui-ci assujettissait toute marchandise provenant de la Russie ou du Bélarus à un tarif douanier de 35 %. Cette mesure faisait partie des sanctions que le Canada avait imposées à la Russie à la suite de l'invasion de l'Ukraine.
    Cependant, une bonne partie des engrais importés pour la production agricole au Canada et au Québec provenait de la Russie. Au Québec, près de la moitié des engrais importés provenait de la Russie. Ce sont donc nos agriculteurs qui ont dû payer le prix de l'importation de ces engrais. Cela a eu pour effet d'augmenter les prix des produits agricoles canadiens et québécois, si bien que les produits agricoles russes sont devenus plus concurrentiels que les produits canadiens sur les marchés internationaux.
    Lorsque le gouvernement du Canada a pris conscience de cette situation, il a promis d'indemniser les agriculteurs canadiens et québécois. Or, jusqu'à présent, il n'y a pas eu de compensation. Il y a des discussions, semble-t-il, entre les producteurs de grains et le gouvernement du Canada. Cependant, il n'y a pour le moment aucune mesure pour soutenir nos agriculteurs, si bien que les produits agricoles canadiens, en raison de l'application de cette mesure, entre autres, sont moins concurrentiels que les produits russes sur les marchés internationaux.
    La sanction visait à pénaliser la Russie, mais nous avons plutôt obtenu l'effet inverse. Nous nous sommes pénalisés nous-mêmes et nous avons favorisé la Russie.
    Où en sommes-nous dans ce dossier?

[Traduction]

    Il est certainement vrai que les importateurs sont responsables du paiement des droits et des taxes applicables, qu’il s’agisse des droits qui sont normalement prescrits par le Tarif des douanes ou des droits qui sont imposés en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales. C’est certainement vrai, et cela a des conséquences imprévues.
    Je ne peux pas parler des considérations politiques que le gouvernement du Canada pourrait avoir à cet égard ou en ce qui concerne les mesures compensatoires. Vous avez tout à fait raison de dire que c’est l’importateur qui doit payer les droits applicables.

[Français]

    Si je comprends bien, vous n'êtes pas en mesure de nous éclairer sur l'état des négociations entre les producteurs de grains canadiens et le gouvernement du Canada quant aux indemnisations visant à atténuer les effets pervers de l'application uniforme de cette mesure, qui, non seulement pénalisent nos agriculteurs, mais favorisent les produits agricoles russes sur les marchés internationaux.
    Est-ce exact?
    C'est exact. Je ne peux vous faire part d'aucun suivi à ce sujet pour le moment.
    D'accord.
    Vous est-il possible de faire ces vérifications auprès des personnes appropriées et de nous acheminer les réponses, le cas échéant?
    Oui, nous ferons un suivi auprès de nos collègues et nous communiquerons avec le Comité.
    Merci infiniment.
    Dans la dernière mise à jour concernant les sanctions, la GRC précise plusieurs choses, notamment que: « En ce qui concerne Haïti, la GRC n'a pas reçu de renseignements de tiers au sujet d'avoirs bloqués. »
    Que devons-nous comprendre de cette phrase un peu sibylline?
    Il faut comprendre, en premier lieu, le rôle que joue la GRC lorsqu'une personne ou une compagnie est désignée. Quand Affaires mondiales Canada désigne une personne, les banques font une recherche dans leur système et vérifient si cette personne a des avoirs chez elles. Je prends les banques comme exemple, mais toutes les compagnies canadiennes ont le devoir de faire ces vérifications.
    Elles doivent ensuite geler les biens en question et en aviser la GRC. Dans de tels cas, nous comptabilisons tout ce qui a été gelé par les institutions financières. La phrase que vous avez lue signifie que nous n'avons reçu aucune information selon laquelle des institutions financières ou d'autres compagnies canadiennes auraient gelé des biens.

  (1230)  

    D'accord.
    De deux choses l'une, soit aucun actif n'a été saisi jusqu'à présent, soit aucune entité chargée d'appliquer la saisie ou le gel des biens ne vous a communiqué l'information pertinente.
    Est-ce bien cela?
    C'est exact.
    Dans ce cas, comment pouvons-nous savoir, concernant Haïti, s'il y a eu des suites à l'application de sanctions visant un certain nombre d'individus?
    Qu'entendez-vous par « des suites »?
    On a appliqué des sanctions à l'égard d'un certain nombre d'individus qui favorisent la corruption et le trafic d'armes, notamment, en Haïti. Le fait qu'on le dise est bien beau, mais nous nous attendons à ce que ce soit appliqué.
    J'aimerais donc savoir si quelqu'un est en mesure de nous informer quant à l'état de l'application de ces sanctions à l'égard de ces individus. Je pense que le Canada a fait preuve de vertu et de volonté en appliquant ces sanctions. Cela dit, comme la GRC n'a été informée d'aucun bien saisi ou gelé en rapport avec ces individus, j'aimerais savoir qui est en mesure de nous dire où nous en sommes à cet égard.
    Je pense que les gens d'Affaires mondiales Canada auraient peut-être été mieux placés, au départ, pour expliquer les raisons ayant motivé le recours à des sanctions à l'égard de ces individus.
    Je ne veux pas savoir pourquoi. Ce n'est pas la question.
    Il peut aussi s'agir des effets...
    Étant donné qu'on a décidé d'imposer des sanctions à ces individus, mais que vous n'avez pas reçu d'information selon laquelle ils auraient été visés par des sanctions, la question est de savoir qui peut nous dire s'ils ont bel et bien été visés par des sanctions ou s'ils ne l'ont pas été.
    Je pense qu'ils l'ont été. Il est possible, cependant, que ces personnes n'aient pas d'avoirs au Canada.
    Pouvez-vous faire une vérification et en communiquer les résultats au Comité?

[Traduction]

    Merci, monsieur Bergeron. Nous avons dépassé d’une minute.

[Français]

    Monsieur le président, je demande simplement s'ils peuvent faire une vérification et en communiquer les résultats au Comité.

[Traduction]

    Monsieur Bergeron, vous avez dépassé votre temps d’une minute.

[Français]

    De toute façon, j'ai posé la question.

[Traduction]

    Merci.
    Nous passons maintenant à Mme McPherson.
    Vous avez six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d’être ici et de répondre à nos questions.
    Je dois dire qu'après avoir écouté certains témoignages jusqu’à maintenant, je suis profondément préoccupée par le fait que l’application des sanctions pose problème. Inscrire des personnes sur une liste sans prendre de mesures d'application ne constitue pas un régime de sanctions efficace.
    Je vais commencer par poser des questions à nos invités de la GRC.
    En 2016, devant ce comité, la GRC a indiqué qu’elle n’avait obtenu qu’une seule condamnation en vertu de la LMES depuis 1992. Voici ce qu'a déclaré le surintendant de la GRC de l’époque, Steve Nordstrum:
La GRC a des ressources limitées... [...] nous essayons d’accorder la priorité aux projets et aux crimes hautement prioritaires — en grande partie pour prévenir les pertes de vie et enquêter sur des actes terroristes susceptibles de causer la mort — ou à d'autres questions jugées prioritaires.
    Ce que j'en conclus, c’est que les enquêtes sur les violations des sanctions n’étaient pas considérées, à l'époque, comme une priorité.
    J’aimerais savoir combien de condamnations ont été prononcées en vertu de la LMES ou d’autres lois sur les sanctions depuis 2017. J’aimerais savoir si le nombre d’employés chargés de l’application des sanctions a augmenté depuis. J’aimerais aussi savoir si vous êtes d’accord avec votre prédécesseur pour dire que la GRC a des ressources limitées et qu’elle a choisi d’accorder la priorité à d’autres types de crimes.
    Pour ce qui est des ressources, je ne dirais pas qu’elles sont limitées. Je dirais que nous accordons une grande priorité aux enquêtes sur les sanctions. C’est une priorité pour nous. C’est une priorité pour nos partenaires du régime. Nous utilisons les ressources dont nous disposons pour appuyer le régime de sanctions du mieux que nous le pouvons.
    En ce qui concerne les autres priorités, cela n’a probablement pas changé depuis 2016, en ce sens que la police fédérale, comme toute autre organisation, a des priorités concurrentes. Cela ne veut pas dire, premièrement, que nous n’utilisons pas les ressources dont nous disposons dans le cadre du programme de lutte contre la criminalité financière pour exercer notre capacité d’enquêter sur les sanctions. Nous le faisons, mais à un deuxième niveau, nous serions toujours heureux d’avoir la possibilité d’accroître nos ressources et de renforcer nos capacités dans ce domaine.
    Cela répond‑il à votre question?

  (1235)  

    Je suis désolée, mais mon temps est limité.
    J’ai demandé combien d’employés vous aviez et si le nombre d’employés chargés de l’application des sanctions avait augmenté depuis 2016.
    De plus, pourriez-vous nous dire combien de condamnations ont été prononcées en vertu de la LMES ou d’autres lois sur les sanctions depuis 2017? C’est peut-être quelque chose que vous pourriez fournir par écrit au Comité ultérieurement.
    Il n’y a pas eu de condamnation depuis notre dernière comparution.
    Ce qu’il est important de comprendre, c’est que le recours aux sanctions n’a augmenté de façon spectaculaire qu'au cours de la dernière année et demie. Nous avons observé une augmentation des enquêtes sur l’évasion des sanctions. Encore une fois, c’est de nature criminelle. Il appartient à la GRC et à l’ASFC de mener ces enquêtes.
    Il n’y a eu aucune condamnation depuis 2016. C'est bien cela?
    Oui.
    D’accord. Merci.
    Ma prochaine question, avant de manquer de temps, s’adresse à nos invités de l’ASFC.
    En août, il a été révélé que l’ASFC avait empêché l'expédition de matériel en Russie en violation des sanctions imposées après l’invasion de l’Ukraine. C’était dans le port de Montréal. Cette cargaison faisait partie d’une douzaine de cargaisons ayant des « liens présumés avec des entités russes » qui, selon l’Agence des services frontaliers du Canada, ont fait l'objet d'une intervention.
    Pouvez-vous fournir au Comité, par écrit, des détails sur le nombre de cargaisons saisies par l’ASFC au cours des deux dernières années qui contrevenaient aux sanctions? Pouvez-vous nous le dire et, si possible, nous donner une estimation du nombre de cargaisons qui n'ont pas été interceptées?
    Oui, absolument. Nous nous engageons certainement à vous fournir des détails précis par écrit.
    Je peux vous dire maintenant que l’ASFC a soumis plus de 700 cargaisons à une évaluation des risques depuis l’entrée en vigueur des dispositions. Il s’agit d’expéditions dont la destination finale déclarée était la Russie. Sur ce nombre, il y a eu 40 rétentions de cargaison, dont un certain nombre de saisies et d'interdictions d'exportation.
    Il reste certainement du travail à faire. Nous pouvons certainement faire plus à cet égard, mais nous adoptons une attitude très activiste à l’égard de ce mandat.
    Merci. J’aimerais aussi savoir combien il y a eu de cargaisons expédiées vers d’autres destinations, la Russie étant l’utilisateur final — donc, pas seulement directement vers la Russie, mais vers d’autres régions.
    J’ai une dernière question. J’espère avoir le temps d’en parler.
    Nous avons entendu des gens, surtout en ce qui concerne l’Iran et Haïti, qui veulent pouvoir fournir des renseignements au gouvernement du Canada au sujet de personnes qui ont fait l'objet de sanctions — de leurs biens, ce genre de renseignements. Quelle est la marche à suivre? Qui devraient-ils contacter? Comment peuvent-ils communiquer avec le gouvernement du Canada s’ils ont des renseignements relatifs au régime de sanctions?
    Je peux parler de l’évasion des sanctions. Nous avons reçu des plaintes de Canadiens et d’autres personnes au sujet de personnes qui échappent aux sanctions. Comme je l’ai dit, nous avons augmenté le nombre de dossiers et d’enquêtes que nous menons sur l’évasion des sanctions. Il est certain que toute personne qui possède des renseignements sur des personnes qui échappent au régime de sanctions peut communiquer avec la GRC pour fournir des renseignements...
    S’il y a des gens qui devraient être ajoutés à la liste des sanctions, est‑ce que cette information doit aussi être fournie à la GRC?
    Non. Comme je l’ai dit plus tôt, c’est Affaires mondiales qui décide qui sera inscrit sur la liste et désigné pour les sanctions. C'est ce ministère qu'il faut contacter pour cela.
    Comme M. Lévêque y a fait allusion, je crois, Affaires mondiales se fie à l’information publique. La GRC ne participe pas à ce processus.

  (1240)  

    Merci, monsieur le président.
    Merci, madame McPherson.
    Nous allons maintenant passer au deuxième tour de questions, en commençant par M. Hoback.
    Monsieur Hoback, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur présence.
    Je suis simplement curieux. Vous dites que vous travaillez très bien ensemble. Je suis heureux de l’entendre. En cas de problème, qui convoque la réunion?
    En ce qui concerne les conséquences des sanctions sur l’interdiction de territoire, s’il y a un problème au sujet d'une liste, c’est l’ASFC qui convoque la réunion...
    Vous présideriez la réunion et vous attribueriez les responsabilités à cette occasion.
    Pour ce qui est des conséquences de l’interdiction de territoire en matière d’immigration, c’est nous qui serions responsables.
    S’il s’agit de voir qui est sanctionné ou qui veut être rayé de la liste des sanctions, cela relève d’Affaires mondiales.
    Bien.
    Est‑ce qu’Affaires mondiales prendrait l’initiative de convoquer une réunion s’il s’agissait de quelque chose concernant plus d’un ou deux ministères, ou est‑ce que ce serait Sécurité publique?
    Quant aux dispositions relatives à l'immigration, nous aurons des réunions interministérielles si l'application de la disposition d'interdiction de territoire pose problème. S'il s'agit de savoir qui est inscrit dans la liste ou en a été retiré, Affaires mondiales s'en occupera. Je sais d'expérience que nos collègues d'Affaires mondiales ont convoqué des réunions interministérielles pour régler des problèmes de coordination.
    Autrement dit, même si la responsabilité ne lui revient pas nécessairement — puisque personne n'en est chargé —, le ministère prend l'initiative. C'est bien cela?
    Oui. Cela lui incomberait. Je sais qu'il a déjà pris l'initiative quand les sanctions...
    On fait donc appel à Affaires mondiales par défaut.
    Effectivement.
    Ma prochaine question s'adresse à la GRC.
    Vous parlez de capacité et d'avoir une capacité suffisante. Des fabricants d'automobiles sont venus témoigner ici — et cela pourrait concerner l'ASFC — pour se plaindre de vols de véhicules dans la région par l'intermédiaire du port de Montréal et pour nous dire que l'ASFC et la GRC n'ont pas été en mesure d'y mettre un terme. Si vous n'avez pas la capacité d'empêcher quelque chose d'aussi simple que l'exportation à l'étranger de véhicules volés au Canada, comment pourriez-vous entreprendre quelque chose de plus compliqué comme ce qu'envisage ce genre de loi?
    Pour ce qui est des vols de véhicules, l'importation ou l'exportation de véhicules volés relèvent du mandat de la police compétente. La GRC n'a pas de mandat fédéral concernant les vols de voitures proprement dits, mais nous collaborons avec nos partenaires du maintien de l'ordre et nous utilisons nos relations et nos contacts à l'étranger pour...
    C'est pourtant un exemple. S'il n'y a pas de mandat, s'il n'y a pas de lignes claires définissant les responsabilités, la situation passe entre les mailles du filet. Est‑ce que je me trompe?
    Ce n'est pas que nous n'ayons pas de responsabilité claire. Quand la GRC est la police compétente, c'est évidemment de notre ressort. Mais, comme police fédérale, notamment en Ontario et au Québec, nous travaillerions avec nos partenaires de la police compétente pour faire enquête sur les vols de voitures...
    D'accord.
    ... et c'est différent de notre mandat en matière de contournement des sanctions, puisque nous nous occupons de criminalité financière au niveau fédéral. Les ressources destinées à cette fonction seraient différentes. Nous ne disons pas que nous n'avons personne pour le faire.
    Ce n'est tout simplement pas une priorité.
    Comme toute organisation et du fait que nous sommes une grande organisation policière, nous avons des priorités concurrentes dans le cadre du maintien de l'ordre fédéral. Notre priorité est le contournement des sanctions.
    Dans ce cas, le même problème ne se pose‑t‑il pas concernant les articles visés par la liste des sanctions ou concernant les gens qui expédient des articles visés par la liste des sanctions et la question se pose‑t‑elle de savoir si cela relève du fédéral ou du provincial, à moins que cela relève de l'ASFC? Comment déterminez-vous qui est compétent?
    Supposons que je vole une voiture et que je l'expédie en Russie. Qui va entamer des poursuites? Qui va s'en occuper pour y mettre un terme? L'ASFC? La GRC? Ou la police provinciale?
    En matière de contournement des sanctions, c'est la GRC qui est habilitée à faire enquête. Si nous avons besoin de l'aide de la police compétente, en dehors du fait que nous assumons la responsabilité ces enquêtes, nous la solliciterons évidemment, mais c'est à nous que revient la responsabilité de mener ces enquêtes.
    Ne trouvez-vous pas étrange ou difficile de n'être pas une unité stable systématiquement engagée quand il s'agit des sanctions? Est‑ce que le Canada ne devrait pas avoir ce genre de service en tout temps plutôt que seulement quand on estime qu'il faut l'intégrer à un autre groupe? Ne devrait‑on pas avoir un service chargé des sanctions? Je ne sais pas comment on pourrait le désigner. Vous avez parlé de l'agence des crimes financiers, que l'on a annoncée, mais à laquelle on n'a jamais donné suite.
    A‑t‑on la capacité d'assumer cette responsabilité à long terme? Par exemple, si nous sommes témoins d'une agression d'un pays l'Asie dans le Pacifique, avons-nous la capacité d'intervenir dans nos chaînes d'approvisionnement et de décider que ces articles font désormais tous l'objet de sanctions? Comment s'y prendrait‑on? Qui fournirait cette information? Le SCRS? La GRC fournirait-elle de l'information à AMC sur la cible?

  (1245)  

    Répondez très brièvement, s'il vous plaît.
    Il faudrait probablement 20 minutes pour répondre à cette question.
    Oui, comme je l'ai dit, il y a une question de légalité à la base. Nous ne fournissons aucun renseignement à Affaires mondiales sur les personnes à cibler ou à inscrire sur la liste.
    Vous ne recueillez pas de preuves.
    Non, je ne parle pas de preuves. Je parle de renseignements qui leur permettraient de décider qui cibler. Je pense que c'est une décision stratégique. C'est pourquoi la GRC...
    C'est une décision stratégique concernant...
    Monsieur Hoback, votre temps de parole est malheureusement écoulé.
    C'est au tour de M. Oliphant.
    Vous avez cinq minutes, monsieur.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous d'être ici.
    Je pense que je vais aborder la question un peu différemment de certains de mes collègues. On nous a parlé d'un traitement, de médicaments et d'ordonnances sans diagnostic préalable. Nous n'avons même pas examiné les symptômes et les signes des problèmes.
    Je ne vais pas sauter à la conclusion que quelqu'un doit assumer la responsabilité, parce que c'est une réponse simpliste à mes yeux. J'aimerais que vous nous disiez un peu comment nous pouvons vous aider à faire le travail que nous voulons mieux faire. C'est cela, notre objectif.
    Je rappelle que c'est le Parlement qui vous donne vos ressources, et non le gouvernement. Et c'est ce qu'il fait. On fait constamment des prévisions budgétaires sans que personne ne pose de questions sur ce qu'il faudrait vous donner. Je vais essayer de vous aider à nous aider à faire le travail que nous partageons et que nous voulons faire collectivement. Je veux des estimations. Un jour, nous parlerons d'argent et de ce genre de choses, parce que c'est notre travail de vous donner les ressources dont vous avez besoin.
    Le gouvernement a annoncé et le Parlement a approuvé quelque 76 millions de dollars pour le régime des sanctions, dont une partie est destinée à Affaires mondiales pour la détermination des sanctions et une partie à la GRC pour l'application de la loi et, je crois, pour les preuves à rassembler pour déterminer les sanctions. Je crois que la GRC intervient avant et après, dans une certaine mesure.
    Pourriez-vous nous dire si cet argent est suffisant? Avez-vous besoin de plus? Manquez-vous de ressources? Qu'est‑ce qui vous serait utile?
    Je vais donner à chacun d'entre vous l'occasion de me le dire. Je vais peut-être entendre d'abord le représentant de la GRC. C'est votre chance, nous verrons pour la suite.
    Nous avons eu notre mot à dire au sujet des 76 millions de dollars annoncés. Nous avons demandé de l'argent spécifiquement pour les sanctions, pour pouvoir confier des tâches précises à certaines personnes. Nous avons constaté depuis que le contournement des sanctions est un problème plus vaste que prévu.
    Pour revenir à ce que j'ai dit tout à l'heure, les sanctions imposées par le Canada n'ont pas été appliquées à grande échelle, contrairement à ce qui s'est passé au cours des 18 derniers mois. Si on ne sanctionne ou ne cible pas beaucoup de gens, il n'y pas le même degré de contournement des sanctions. Tout est lié. Nous avons constaté depuis que les enquêtes sur le contournement de sanctions se sont multipliées. Les Canadiens nous communiquent ce genre d'information. Il s'agit d'activités criminelles. Comme l'a dit mon collègue, la responsabilité nous en incombe. C'est de notre ressort.
    Si le Canada continue d'imposer des sanctions, nous aurons certainement besoin de plus de ressources pour mieux les appliquer. Quand j'ai parlé d'application de la loi, j'ai fait une distinction, mais je parle ici de contournement des sanctions, qui est une activité criminelle.
    Si l'on compare ce que nous avons fait au Bélarus, en Russie et en Ukraine à ce que nous avons fait dans les huit pays auxquels nous avions imposé des sanctions auparavant, on doit multiplier par plus de dix, et il faut donc plus de ressources.
    Le travail est beaucoup plus que décuplé. Par exemple, les banques nous communiquaient rarement des renseignements jusqu'à il y a deux ans — et ces renseignements étaient très mineurs —, mais elles nous en communiquent désormais beaucoup plus.
    Je voudrais donner une chance au représentant de l'ASFC.
    Pour répondre directement à votre question, je ne sais pas s'il est déjà arrivé que des fonctionnaires vous disent qu'ils ont suffisamment de ressources, merci beaucoup. Si les cordons de la bourse sont desserrés, nous sommes intéressés, mais...
    Prenez le temps de nous soumettre ce dont vous avez besoin. Ce n'est pas le gouvernement qui vous donne l'argent, c'est le Parlement.

  (1250)  

    Je comprends, oui.
    Revenez nous en parler concrètement.
    Oui. C'est vraiment le contexte que je voudrais vous expliquer.
    Étant donné que l'ASFC applique plus d'une centaine de dispositions législatives, réglementaires et internationales à la frontière, nous estimons nécessaire de toujours compter sur un cadre adapté et efficace de mesure et d'atténuation des risques.
    Nous ne pourrons jamais tout faire parfaitement tout le temps. Nous avons beaucoup investi dans la modernisation de notre système, qui est vraiment fondé sur des données, de sorte que nous serons en mesure de suivre le rythme d'augmentation du volume et d'élargissement des mandats et de nous concentrer sur une approche fondée sur les risques qui soit cohérente et qui corresponde aux priorités du gouvernement du Canada, comme nous l'a confirmé le ministre dans la lettre de mandat.
    Nos ressources peuvent toujours faire l'objet de discussions, mais ce n'est pas un obstacle pour nous. Cela ne nous empêche pas de...
    Si vous avez une demande précise, vous pourrez nous revenir.
    Je voudrais entendre la représentante du CANAFE, s'il vous plaît.
    Merci de la question.
    Le CANAFE est reconnaissant au Parlement de l'ensemble des pouvoirs connexes qui nous permettent de travailler avec nos partenaires. Plus précisément, le Parlement a créé le CANAFE il y a un peu plus de 20 ans pour jouer un rôle dans l'échange de renseignements sur le blanchiment d'argent, le financement des activités terroristes et les menaces à la sécurité nationale.
    Ce que nos collègues du ministère des Finances ont présenté à la Chambre dans le projet de loi C‑47 comprend la consolidation de ce mandat pour permettre aux entités déclarantes réglementées de rendre compte directement au CANAFE en matière de sanctions, d'évasion fiscale et de biens liés aux sanctions. Cela nous aidera à travailler avec nos partenaires. La Chambre est également saisie de ces textes, et nous en sommes reconnaissants.
    Merci. N'hésitez pas à nous soumettre vos demandes.
    Si vous le permettez, je pense que nous aurons besoin de plus de trois réunions. Je tenais à le dire. Nous ne faisons que commencer.
    Je tiens à ce que cela figure au compte rendu, parce que nous aurons peut-être besoin de vous revoir — simplement pour vous en avertir.
    Merci.
    C'est au tour de M. Bergeron.
    Vous avez deux minutes et demie, monsieur.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Le raisonnement que vient de nous présenter M. Oliphant est tout à fait indiqué et conforme à la réalité, mais il est incomplet. Il est incomplet dans la mesure où c'est effectivement le Parlement qui accorde des fonds au gouvernement, mais sur la base des recommandations de ce dernier. Le gouvernement nous dit ce dont il a besoin et le Parlement accorde ou non les fonds.
    D'ailleurs, le Parlement peut faire des suggestions. Or, en 2017, ce comité a recommandé ce qui suit: « Le gouvernement du Canada devrait veiller à ce que les organismes d'exécution de la loi accordent une haute priorité à l'application des sanctions et reçoivent les ressources nécessaires pour ce faire. »
    Pas une cenne n'a été demandée au Parlement par le gouvernement pour aller dans le sens de ce qui avait été recommandé par ce comité. Il aura fallu l'invasion russe pour que, en octobre 2022, soit cinq ans plus tard, le gouvernement annonce son intention d'affecter 76 millions de dollars au renforcement de la mise en œuvre des sanctions du Canada, notamment par l'intermédiaire d'un bureau spécialisé au sein d'Affaires mondiales Canada et par un soutien supplémentaire à la GRC pour l'aider à enquêter, à repérer les biens et à rassembler des preuves.
    Voilà, entre autres, ce à quoi devaient servir ces 76 millions de dollars. On ne sait pas encore de quelle façon ces fonds ont été ventilés. M. Oliphant voudra peut-être nous éclairer là-dessus.
    Pour ce qui est du rôle de la GRC, vous avez bien insisté sur celui qui consiste à recevoir les résultats des mesures prises par les différents intervenants. Cependant, selon la définition même de la GRC, il s'agit là de l'un de ses rôles.
    Quels sont ses autres rôles, puisque l'objectif était de vous permettre d'enquêter, de repérer les biens et de rassembler des preuves?
    Outre celui de recevoir des renseignements provenant d'autres intervenants, quels sont vos autres rôles?
    L'information que nous recevons de tiers peut désormais être transmise à Affaires mondiales Canada, ce qui n'était pas le cas auparavant. Nous lui transmettons l'information relative aux biens qui ont été gelés au Canada, et c'est Affaires mondiales Canada qui décidera si des mesures doivent être prises ou non. Si ce ministère a l'intention d'agir, il va communiquer avec la GRC. Nous allons l'aider à trouver l'information concernant les propriétaires des biens, sur la province dans laquelle ils sont situés et sur d'autres éléments de preuve.
    Il s'agit d'un travail de renseignement. Par la suite, les résultats vont être remis à Affaires mondiales Canada, qui prendra la décision définitive. C'est un de nos rôles. C'est de cette manière que les choses fonctionnent. Il y a une collaboration avec les organismes, dont Affaires mondiales Canada. Si ma mémoire est bonne, nous nous rencontrons une fois par semaine pour discuter des priorités et des renseignements qui ont été recueillis. Nous menons aussi des enquêtes criminelles, ce dont j'ai déjà parlé plusieurs fois.

  (1255)  

[Traduction]

    Merci.
    La parole est à Mme McPherson.
    Vous avez deux minutes et demie, madame.
    Merci, monsieur le président.
    Comme M. Bergeron, j'ai été très surprise d'apprendre que, comme députée de l'opposition, j'ai le pouvoir de déterminer les sommes qui vont à différentes affectations. J'aimerais évidemment que l'ASFC reçoive plus d'argent pour qu'elle puisse faire son travail, et j'aimerais beaucoup annuler notre réduction de 15 % pour le développement international. On pourrait peut-être même investir dans l'assurance-médicaments dans ce pays, maintenant que je sais que le pouvoir est entre les mains des parlementaires.
    Blague à part, je vais revenir sur certaines des questions posées par M. Zuberi et M. Bergeron.
    Pourriez-vous fournir par écrit au Comité le nombre de cargaisons en provenance de la région ouïghoure qui ont été interceptées et saisies? Peut-être pourriez-vous nous dire combien de cargaisons à destination du Canada ont été saisies en vertu de sanctions.
    Je pense qu'il s'agit de deux questions distinctes, quoique assez connexes. Concernant la région ouïghoure, la question me semble davantage liée au travail forcé, et, comme mes collègues le savent, le régime du travail forcé est traité par l'entremise du tarif des douanes. À ce jour, il n'y a pas eu précisément de cargaisons saisies en raison du travail forcé.
    Nous travaillons avec nos partenaires étrangers, dont les États-Unis, pour circonscrire les risques liés à l'entrée de cargaisons attribuables à du travail forcé. L'été dernier, une cargaison a ainsi été identifiée et soupçonnée d'être attribuable à du travail forcé, mais en fin de compte, l'importateur a été en mesure de fournir des preuves indiquant que la saisie n'était pas justifiée.
    Nous travaillons également en étroite collaboration avec nos collègues de Sécurité publique et d'autres ministères pour mettre en œuvre le projet de loi S‑211 afin de consolider le traitement des produits du travail forcé et l'interdiction du travail des enfants. Il y a aussi la main-d'œuvre pénitentiaire...
    Merci.
    Excusez-moi de vous interrompre, mais j'ai très peu de temps.
    Pourriez-vous nous fournir ces renseignements par écrit? Je pense que nous pouvons tous convenir que les États-Unis ont beaucoup mieux réussi à faire ce travail, et votre collaboration avec eux est une bonne chose.
    Ma prochaine question s'adresse au représentant de la GRC. Quelles mesures prenez-vous pour retracer et découvrir les biens de personnes désignées? Combien de gens y consacrez-vous en ce moment?
    Toutes les ressources liées au travail sur la LMES étaient auparavant affectées à d'autres priorités, mais, comme l'a expliqué mon collègue, c'est une priorité pour nous. Cela varie d'une semaine à l'autre, mais un certain nombre d'analystes et de policiers s'occupent, selon les priorités, de découvrir et de retracer des actifs. Cela a une double fonction. Cela permet d'aider AMC à appliquer son système de saisie et aussi de lutter contre le contournement des sanctions.
    J'ajoute que ces enquêtes criminelles sont extrêmement complexes. Elles sont d'envergure internationale, et la possibilité de recueillir des preuves dépend souvent du bon vouloir de pays étrangers qui ont l'habitude de ne pas collaborer avec le Canada. Pour ce qui est des condamnations et des affaires en cours, il faut comprendre le contexte géopolitique dans lequel s'inscrivent ces sanctions et leur contournement.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    C'est au tour de M. Chong.
    Vous avez cinq minutes, monsieur.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais revenir sur l'application de la loi, mais cette fois‑ci, dans le domaine de l'immobilier. Le blanchiment d'argent n'est qu'une des formes de contournement des sanctions, qui comprend le blanchiment d'argent par l'intermédiaire de biens immobiliers canadiens. En Colombie-Britannique, la Commission Cullen a conclu que des milliards de dollars sont blanchis dans la province, en grande partie par l'intermédiaire de l'immobilier.
    C'est une importante catégorie d'actifs. On compte un peu moins de 4 billions de dollars de biens immobiliers résidentiels au Canada, et ces biens ont pris beaucoup de valeur au cours des dernières années. C'est donc une importante catégorie d'actifs pour le blanchiment d'argent. Vous avez dit dans votre témoignage que vous recueillez des renseignements sur les biens liés aux sanctions, et ma première question sera donc la suivante: comment le CANAFE, la GRC et Sécurité publique Canada recueillent-ils des renseignements sur les propriétaires effectifs de biens immobiliers au Canada?

  (1300)  

    Je pourrais commencer.
    Au sujet de la propriété effective de biens immobiliers, je tiens à souligner...
    Ma question porte surtout sur l'immobilier.
    Concernant l'immobilier, je précise que, dans le cadre des exigences applicables au secteur privé en matière de tenue de dossiers et de reddition des comptes, il incombe aux entités réglementées de déterminer la propriété effective des sociétés et de circonscrire, à la base, qui conclut des transactions avec qui. C'est une disposition de notre système qui s'applique à diverses dimensions du secteur immobilier, qu'il s'agisse du secteur financier ou des professionnels engagés dans l'immobilier, et elle est appuyée par le travail que nous faisons avec divers organismes de réglementation provinciaux.
    Êtes-vous satisfaite des renseignements qui vous sont fournis sur la propriété effective des biens immobiliers canadiens ou estimez-vous qu'il y a des lacunes dans cette structure?
    Nous travaillons en étroite collaboration avec les fonctionnaires de la Colombie-Britannique, qui ont adopté des mesures pour que les renseignements sur la propriété effective fassent partie de leur registre immobilier. Nous travaillons aussi en étroite collaboration avec des collègues d'ISDE, qui ont pris des mesures pour...
    Qu'en est‑il de l'Ontario, qui est de loin le plus grand marché immobilier du pays? Où en est‑on de la collecte de renseignements sur la propriété effective des biens immobiliers en Ontario?
    Je crois que je viens de vous répondre, mais je me ferai un plaisir de vous en dire davantage...
    À ma connaissance, il n'y a pas de collecte de données sur la propriété effective en Ontario, par exemple.
    À mon avis, la Colombie-Britannique...
    Non, je parle de l'Ontario.
    ... est plus avancée que l'Ontario à cet égard.
    Je veux dire que nous avons un projet de registre fédéral sur la propriété effective, mais qu'il ne couvre pas les biens immobiliers. À mon avis, c'est une énorme lacune.
    Je dirais que, en toute cohérence, le registre fédéral devrait permettre de décrire la propriété effective des sociétés, lesquelles...
    Oui. Une société est constituée en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions, qui ne vise qu'environ 430 000 personnes morales au Canada. On estime qu'il y a quelque 4,3 millions d'entreprises au Canada, dont la grande majorité sont constituées en vertu des 10 lois provinciales.
    Certaines provinces ont créé des registres pour couvrir ces entités constituées en vertu d'une loi provinciale et certaines — comme la Colombie-Britannique — sont en voie d'y inclure l'immobilier, mais il y a d'énormes lacunes dans le système fédéral. Le gouvernement fédéral pourrait utiliser le chef de compétence en matière pénale, qui est prévu dans la Constitution, pour imposer un registre national incluant non seulement les entités constituées en vertu d'une loi provinciale — pour combler l'écart entre les provinces, par exemple avec l'Alberta —, mais aussi les biens immobiliers, dont la Commission Cullen a conclu qu'ils sont un excellent moyen de blanchir beaucoup d'argent et, vraisemblablement, de contourner beaucoup de sanctions.
    Je pense que le Comité devrait se pencher sur cette question.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Chong.
    Pour la dernière question, nous entendrons Mme Fry.
    Vous avez cinq minutes, madame.
    Merci, monsieur le président.
    Laissons là les questions intéressantes adressées au CANAFE. Je voudrais simplement revenir au projet de loi C‑8. À vous entendre, tout le monde travaille bien ensemble et il y a une bonne coordination entre vous, mais des gens nous disent aussi qu'ils ne sont pas capables de faire leur travail et que seul AMC peut convoquer des réunions. Que se passe‑t‑il si, par exemple, la GRC constate qu'elle est incapable de faire son travail et qu'il y a urgence? Peut-elle convoquer une réunion? C'est une question que je voulais poser.
    Deuxièmement, et c'est le plus important, quand tant de ministères doivent se réunir pour accomplir quelque chose, avez-vous des objectifs clairs? Avez-vous un volet d'évaluation pour savoir si vous allez effectivement là où vous voulez aller et si vous êtes efficaces et efficients? Comment déterminez-vous si vous atteignez réellement vos objectifs? Je pense que c'est la question la plus importante quand beaucoup de ministères travaillent ensemble.

  (1305)  

    Quant à savoir si nous pouvons convoquer une réunion, la réponse est très simple: oui. Mme Langlois était ici tout à l'heure, et je crois bien lui avoir parlé deux ou trois fois cette semaine. Nous savons qui sont nos partenaires. Nous savons qui, dans les ministères, s'occupe des sanctions. Les voies de communication sont ouvertes, et tout le monde peut convoquer des réunions sur n'importe quel sujet au besoin.
    Je n'ai toujours pas de réponse. Avez-vous des objectifs clairement définis? Êtes-vous en mesure de savoir si vous êtes efficaces et efficients? Les mesures que vous prenez ont-elles un effet? J'ai posé la question tout à l'heure, mais je n'avais pas assez de temps. Qu'avons-nous appris des sanctions Magnitski? Avons-nous appris quelque chose? Est‑ce que cela a fonctionné? Est‑ce que le processus était efficace? Avons-nous évalué nos résultats? Que pourrions-nous faire différemment?
    Si nous ne tirons pas de leçons de l'expérience, que nous ayons fait des erreurs ou non, nous allons simplement faire du sur place.
    Quelqu'un peut‑il répondre à cette question?
    Monsieur St Marseille, voulez-vous ajouter quelque chose? Il semble que vous ayez quelque chose à dire.
    Certainement. Merci, monsieur le président.
    Concernant les conséquences des sanctions sur l'immigration, l'objectif est clair: il s'agit d'empêcher les personnes non admissibles de venir au Canada et, si elles arrivent au Canada, de procéder à leur renvoi.
    Nous avons la preuve que le principe des sanctions Magnitski, qui est légèrement différent de celui des sanctions multilatérales avant la loi Magnitski, a été très efficace. Toutes les personnes identifiées ont été stoppées à l'étranger par un refus de visa. Nous n'avons aucun cas enregistré de personnes arrivant au Canada qui auraient dû être renvoyées, et c'était bien l'objectif du principe Magnitski. C'est pourquoi, dans le projet de loi S‑8, le gouvernement propose d'harmoniser les autres dispositions sur les sanctions en fonction de la loi Magnitski.
    Autrement dit, vous avez tiré des leçons et vous les appliquez dans le projet de loi C‑8. C'est bien cela?
    Pour l'immigration, c'est le projet de loi S‑8, mais oui, c'est cela.
    Le projet de loi S‑8, oui. Désolée.
    Je pense que c'est tout, monsieur le président. Je n'ai pas d'autres questions.
    Merci.
    Merci beaucoup, madame Fry.
    Je tiens à remercier tous les témoins qui ont comparu devant nous aujourd'hui. Je vous suis très reconnaissant de votre temps et de votre expertise.
    Je vous rappelle que la prochaine réunion portera sur le régime de sanctions. N'oubliez pas d'envoyer les noms des témoins que vous proposez pour l'étude du groupe Wagner d'ici mardi prochain fin de journée.
    Avant de lever la séance, pourrions-nous prévoir de parler du plan de travail du Comité à la prochaine réunion? Je pense que nous aurons du travail à faire. Je voudrais simplement signaler que nous aurons besoin d'au moins 5 à 10 minutes pour parler de la nécessité éventuelle de plus de trois réunions.
    Certainement.
    Monsieur Bergeron, allez‑y.

[Français]

    Monsieur le président, si nous devions remettre à plus tard le début de l'étude des effets du groupe Wagner, pourrions-nous reporter la date d'échéance de la remise des listes de témoins quant à cette étude?

[Traduction]

    Il faudrait peut-être effectivement l'envisager. Bien entendu, c'est aux députés de décider.
    Devrions-nous réserver 10 minutes à la prochaine réunion pour en discuter, pour que tout le monde soit satisfait?
    Oui.
    Monsieur le président, puis‑je intervenir?

[Français]

    Je demande simplement le consentement unanime pour reporter la date d'échéance de la remise des listes.

[Traduction]

    Tout le monde a accepté la date de mardi prochain.
    Qu'est‑ce qui ne va pas, monsieur Bergeron? Tout le monde s'est mis d'accord à la dernière réunion.
    Oui. Je demande si nous sommes disposés à ouvrir la question.

  (1310)  

    Nous en avons discuté longuement à la dernière session, monsieur Bergeron. Nous en avons discuté le même jour exactement, à la dernière session.
    Oui, mais nous proposons de prolonger notre étude à ce sujet.
    Non, nous n'en savions rien. Il dit simplement que nous devrions peut-être discuter de cette possibilité.
    D'accord.
    Merci.
    Je suis désolé, madame McPherson. Toutes mes excuses. Allez‑y.
    Excusez-moi, mais il est parfois difficile d'attirer l'attention sur Zoom. Je serai dans la salle la semaine prochaine.
    Les analystes pourraient-ils nous recommander des témoins pour l'étude Wagner? C'est une vaste étude. Tout comme M. Bergeron, je suis disposée à reporter le début de cette étude. Il me semble désormais évident que l'étude sur les sanctions exigera plus que les trois réunions que nous avons prévues.
    J'aimerais avoir l'aide des analystes au sujet des témoins pour l'étude Wagner, s'il vous plaît.
    Est‑ce que c'est possible? Nous en aurions besoin d'ici lundi prochain. Pourrions-nous obtenir ces recommandations d'ici lundi?
    Merci.
    La séance est levée.
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