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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 078 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 25 octobre 2023

[Enregistrement électronique]

  (1700)  

[Traduction]

    La séance est ouverte.
    Bienvenue à la 78e réunion du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes.
    La réunion d'aujourd'hui se déroule dans un format hybride, conformément au Règlement; ainsi, les membres y assistent en personne dans la salle et à distance au moyen de l'application Zoom.
    J'aimerais formuler quelques observations à l'intention des membres du Comité et de notre témoin.
    Avant de prendre la parole, veuillez attendre que je vous nomme. Ceux et celles qui participent par vidéoconférence doivent cliquer sur l'icône de microphone pour activer leur micro, et le mettre en sourdine lorsqu'ils ou elles ne parlent pas.
    Vous pouvez vous exprimer dans la langue officielle de votre choix. Bien que cette salle soit équipée d'un système audio puissant, des retours de son peuvent se produire, ce qui peut être extrêmement dommageable pour les interprètes et causer des blessures graves. Je rappelle à tous les députés que le port de l'oreillette trop près d'un microphone est la cause la plus courante de retour de son.
    Je vous rappelle que tous les commentaires doivent être adressés à la présidence.
    Pour ce qui est de la liste des intervenants, la greffière du Comité et moi-même ferons de notre mieux pour respecter l'ordre d'intervention de tous les membres, qu'ils participent virtuellement ou en personne.
    Conformément à la motion de régie interne du Comité concernant les tests de connexion des témoins, j'informe les membres du Comité que tous les témoins qui comparaissent virtuellement ont effectué les tests de connexion requis avant notre réunion.
    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et aux motions adoptées par le Comité le lundi 31 janvier 2022 et le mardi 30 mai 2023, le Comité reprend son étude sur la situation à la frontière entre la Russie et l'Ukraine et les répercussions sur la paix et la sécurité.
    J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à notre témoin. Nous accueillons M. Geoffrey Wood, professeur à l'Université Western.
    Nous vous remercions beaucoup de comparaître devant nous, monsieur Wood; nous vous en sommes très reconnaissants. Vous disposerez de cinq minutes pour faire votre déclaration préliminaire, après quoi nous passerons aux questions des membres du Comité.
    Je commencerai par offrir un point de vue très général, puis je me concentrerai sur des questions très précises.
    Je dirais d'abord que nous parlons toujours d'événements; cependant, la plupart des événements auxquels on doit faire face dans le monde sont des événements qui se répètent dans l'expérience humaine. Je vous donnerai un exemple. Les récessions, les dépressions et les guerres ne sont peut-être pas les bienvenues, mais c'est quelque chose que l'on a beaucoup vécu dans le monde, et on connaît les résultats.
    De toute évidence, partout dans le monde, nous sommes actuellement confrontés à des événements qui transcendent l'expérience humaine passée, comme les changements climatiques. Comme vous le savez tous, l'éventail des conséquences est énorme. Nous affrontons même des pandémies mondiales et des problèmes connexes.
    Cela signifie que lorsqu'il y a des crises comme celle de l'Ukraine, les effets sont grandement amplifiés en raison des temps inhabituels que nous vivons. Je vous donnerai un exemple. Dans les années 1980, il y a eu de mauvaises récoltes périodiques dans l'ancienne Union soviétique, mais le risque de famine massive dans le monde n'était pas aussi élevé qu'aujourd'hui. Le système mondial est beaucoup plus vulnérable.
    Prenons la question des exportations de pétrole et de gaz russes. Nous sommes au cœur d'une longue transition énergétique. Nous savons qu'alors que l'utilisation du pétrole et du gaz augmente, la part de ces sources d'énergie dans le panier énergétique diminue. La dernière fois que nous avons connu une longue transition énergétique, c'était au début du XXe siècle, et cela a fondamentalement réorganisé l'échiquier mondial et entraîné beaucoup d'insécurité, de dépression et de guerre. Encore une fois, on peut voir l'amplification des effets.
    Ce qui est particulièrement préoccupant aujourd'hui, évidemment, c'est que la guerre en Ukraine semble être entrée dans une longue impasse, et compte tenu des développements politiques qui pourraient survenir au cours des prochaines années et que nous pouvons potentiellement prévoir, y compris au sud de la frontière, cela crée une autre couche d'incertitude.
    Bref, en raison des grands changements structurels dans le monde d'aujourd'hui, les effets de crises qui auraient évidemment eu des effets auparavant sont grandement amplifiés. Les répercussions sur la sécurité alimentaire sont beaucoup plus importantes qu'elles ne l'auraient été il y a des années...

  (1705)  

[Français]

    J'invoque le Règlement, monsieur le président.
    L'interprétation ne fonctionne pas depuis une bonne minute.

[Traduction]

    Veuillez m'excuser, monsieur Wood. Nous vérifions auprès des techniciens, mais il y a manifestement des problèmes de connectivité de votre côté. Si vous pouviez nous accorder quelques minutes, nous vous en serions reconnaissants.
    Bien sûr.
    La séance est suspendue.

  (1705)  


  (1720)  

    Bienvenue à nouveau, chers collègues. Nous reprenons maintenant notre étude sur la situation à la frontière entre la Russie et l'Ukraine et les répercussions sur la paix et la sécurité.
    J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos deux témoins.
    Nous recevons M. Mark Winfield, professeur à la faculté des changements environnementaux et urbains de l'Université York, qui se joint à nous depuis Toronto.
    De l'Institut canadien des affaires mondiales, nous accueillons Joe Calnan, gestionnaire, Forum sur la sécurité énergétique, qui témoigne depuis Calgary.
    Nous vous sommes très reconnaissants d'avoir pu vous joindre à nous.
    Vous disposerez chacun de cinq minutes pour votre déclaration préliminaire, après quoi nous passerons aux questions des membres du Comité. Puisque vous participez à la réunion virtuellement, je vous demanderais de regarder l'écran, car lorsque votre temps sera presque écoulé, je brandirai cette carte. Si vous voyez ce signe, je vous serais reconnaissant de clore votre propos le plus tôt possible. Cette directive ne s'applique pas seulement pour votre déclaration préliminaire; c'est aussi pour les réponses aux questions que vous poseront les membres du Comité.
    Nous allons commencer par vous, monsieur Winfield. Vous disposez de cinq minutes. La parole est à vous.
    Je vous suis très reconnaissant de m'offrir l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui. J'aurais préféré être là en personne moi aussi, mais la logistique ne fonctionnait pas.
    Je plongerai directement dans le vif du sujet et soulignerai que l'invasion non provoquée de l'Ukraine par la Russie en février 2022 et la guerre subséquente sont probablement les événements exogènes les plus importants à avoir touché les marchés et les approvisionnements énergétiques mondiaux depuis les années 1970.
    Les éléments les plus importants ont été l'arrêt des approvisionnements russes en gaz naturel et en pétrole en Europe de l'Ouest à la suite d'une combinaison de sanctions et d'embargos, ce qui a entre autres fait voler en éclat les présomptions européennes selon lesquelles les liens économiques avec la Russie, notamment au moyen de l'énergie, rendaient impossible une guerre comme celle qui sévit en Ukraine.
    Ces événements ont des répercussions majeures sur la politique énergétique et climatique en Europe et en Amérique du Nord. Dans le cas de l'Europe, cette situation a soulevé d'importantes questions au chapitre de la sécurité énergétique, des risques géopolitiques associés aux sources d'énergie non endogènes et des défis liés à la politique climatique et aux transitions énergétiques. L'Amérique du Nord est moins touchée sur le plan de la sécurité énergétique, mais il y a d'autres résultats également.
    L'Europe a réagi de deux manières. Elle a d'abord déployé un effort à très court terme pour assurer l'approvisionnement, particulièrement en gaz naturel liquide provenant des marchés internationaux, et aussi pour conserver et élargir légèrement les rôles du charbon et, dans une moindre mesure, des sources d'énergie nucléaire.
    À plus long terme, l'intention consiste à redoubler d'efforts dans le cadre de la transition énergétique actuelle sous le thème à la décarbonisation et à mettre l'accent sur les rôles des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique, en partie parce que ce sont des sources d'énergie qui ne sont pas exposées aux risques géopolitiques.
    Le Canada a fait l'objet d'un intérêt et de pressions considérables de la part de ses alliés américains, européens et asiatiques en tant que fournisseur potentiel de ressources primaires sûres sur le plan géopolitique, en particulier le gaz naturel liquéfié, les minéraux critiques et, dans une moindre mesure, l'hydrogène.
    J'examinerai la question sous deux angles potentiels, le premier étant la capacité d'apporter des contributions substantielles, et le deuxième étant la nature des compromis et des risques liés au climat, à l'environnement, à l'économie et à la réconciliation avec les Autochtones qui pourraient être associés à ces avenues.
    En ce qui concerne les combustibles fossiles, une partie du problème à court terme ici, c'est l'absence de capacité réelle d'exportation de pétrole ou de gaz naturel — ou d'hydrogène d'ailleurs — vers l'Europe. Toutes les voies d'acheminement du gaz naturel et du pétrole passent par les États-Unis. Des projets d'infrastructure de pipelines sont en cours, notamment le pipeline Trans Mountain et le gazoduc Coastal Gaslink, ce qui pourrait fournir une certaine capacité d'exportation, bien que ces projets soient manifestement orientés vers l'Asie.
    Il importe également de garder à l'esprit que l'intérêt européen pour le gaz naturel liquéfié et les combustibles fossiles est probablement à court terme. Le plan à long terme est la décarbonisation, axée sur les énergies renouvelables. Cela peut signifier qu'il n'y a pas beaucoup de marché pour justifier d'importants investissements dans les infrastructures au Canada.
    Des questions semblables se posent au sujet de l'hydrogène, car on se demande s'il existe une justification économique pour la production d'hydrogène au Canada et son exportation vers l'Europe. Il est peut-être beaucoup plus efficace de faire de l'électrolyse en Europe.
    Il y a de l'intérêt pour les minéraux critiques, bien que ces marchés soient très fluides, et le rôle que jouera le Canada à l'échelle mondiale n'est toujours pas clair.
    Les technologies des batteries et des produits chimiques évoluent aussi très rapidement dans le domaine des véhicules électriques.
    Les délais seront longs pour la mise en œuvre de nouveaux grands projets miniers, peu importe ce qui se passera avec la Loi sur l'évaluation d'impact.
    En ce qui concerne les principaux compromis, nos options d'exportation de combustibles fossiles, qui sont essentiellement le gaz naturel liquéfié de la Colombie-Britannique et le pétrole des sables bitumineux, sont à forte intensité de carbone, et une augmentation importante des exportations soulèverait des questions quant à la capacité d'atteindre les objectifs climatiques. Les plans actuels reposeraient fortement sur le captage et le stockage du carbone, tant pour les combustibles fossiles et le gaz naturel que pour l'hydrogène. L'efficacité et les coûts de ces initiatives font actuellement l'objet de débats.
    En ce qui concerne les minéraux critiques, les nouveaux projets d'extraction auraient un impact très élevé. La plupart des ressources se trouvent dans la forêt boréale des basses terres de la baie d'Hudson et de la baie James. Or, ce sont des puits et des lieux de stockage de carbone, ainsi que des sites de biodiversité importants à l'échelle mondiale. Dans ces régions, il y aurait également des répercussions majeures sur les peuples autochtones et la réconciliation.
    Dans ce débat, je pense qu'il y a pour le Canada beaucoup de compromis possibles auxquels nous voudrons réfléchir très soigneusement, car la situation demeure très fluide quant à la façon dont les marchés de l'énergie vont se comporter à long terme.

  (1725)  

    Je vous remercie.
    Merci beaucoup, monsieur Winfield.
    Nous entendrons maintenant M. Calnan. Vous disposez de cinq minutes pour faire votre déclaration préliminaire.
    Monsieur le président, distingués membres du Comité, je vous remercie de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui.
    Dans ma déclaration préliminaire, j'aimerais souligner qu'il est de l'intérêt national du Canada d'appuyer ses alliés et ses partenaires européens et asiatiques en leur donnant accès à l'énergie canadienne.
    L'Europe a été la principale cible de la guerre économique russe par l'entremise de la manipulation de l'approvisionnement énergétique et aura besoin d'une aide supplémentaire au cours des prochaines décennies, non seulement pour s'assurer que l'Ukraine gagne cette guerre, mais aussi pour permettre la reconstruction de l'Ukraine et son intégration dans l'Union européenne. Si l'Europe ne le fait pas, en partie à cause de notre manque de soutien, la victoire russe qui en résultera nuira à l'ordre international fondé sur des règles dont dépendent la sécurité et le commerce canadiens.
    J'aimerais souligner trois points importants concernant le rôle du Canada dans le système énergétique mondial.
    Premièrement, le Canada est un acteur bien établi au chapitre de l'approvisionnement international pour de nombreux carburants, dont l'uranium, le gaz naturel et, bien sûr, le pétrole. Notre rôle dans la sécurité du système énergétique mondial est souvent masqué par notre grande intégration énergétique avec les États-Unis, mais notre influence deviendra plus visible avec la mise en place d'importantes nouvelles installations d'exportation d'énergie en Colombie-Britannique.
    Deuxièmement, sans égard au rôle important du Canada dans le maintien de la sécurité énergétique mondiale, le gouvernement fédéral peut en faire plus pour aider l'Union européenne dans le cadre de son plan REPowerEU et pour éliminer l'influence des carburants russes dans les systèmes énergétiques européens.
    Troisièmement, bien que le Canada dispose de diverses options stratégiques pour appuyer les projets destinés à soutenir l'Europe, les priorités de la politique étrangère canadienne n'influencent pas les décisions d'investissement privé. Cela dit, le gouvernement fédéral canadien a toujours joué un rôle central dans l'amélioration des aspects économiques des projets stratégiques visant à promouvoir les intérêts nationaux du Canada.
    Ces points sont très pertinents lorsqu'on discute du rôle futur du Canada dans l'approvisionnement énergétique de l'Europe.
    Pour ce qui est de la situation actuelle en Europe, il convient de souligner que l'Union européenne s'est révélée étonnamment résiliente face aux coupures de l'énergie russe. Nous avons sous-estimé la capacité de l'Europe de s'adapter aux chocs soudains et sa détermination à réduire sa consommation d'énergie en réaction à la crise, comme en témoigne le déclin spectaculaire de sa consommation de gaz naturel.
    En encaissant une grande partie des répercussions directes de la guerre économique entre la Russie et l'Occident, les pays de l'Union européenne ont fait preuve d'une farouche détermination à défendre les Ukrainiens contre l'agression russe et à protéger l'ordre international fondé sur des règles. Cette détermination a eu un coût. La reprise économique de l'Union européenne après la pandémie a ralenti de façon spectaculaire en raison de la flambée des prix de l'énergie. L'incertitude des prix de l'énergie a poussé les industries européennes à forte intensité énergétique à investir ailleurs. Les membres européens de l'OTAN sont actuellement confrontés à la lourde perspective de contribuer à assurer la défaite de la Russie en Ukraine, puis d'assurer la reconstruction de l'Ukraine et son intégration au sein de l'Union européenne, tout en vivant une stagnation économique persistante.
    Comment pouvons-nous aider nos alliés en Europe? Dans une certaine mesure, le Canada les aide déjà. L'approvisionnement énergétique actuel du Canada offre une solide protection contre les perturbations de l'approvisionnement pour de nombreux carburants et minéraux critiques. Le Canada exporte presque autant de pétrole aux États-Unis que la Russie en exportait vers l'Europe avant le début de la guerre. Cela dit, le gouvernement fédéral peut et doit encourager l'industrie énergétique canadienne à en faire plus, notamment en ce qui concerne l'approvisionnement en pétrole, en gaz naturel liquéfié, en minéraux critiques et en hydrogène.
    L'avenir du soutien du Canada à l'Europe dépend des infrastructures et de l'initiative. Le Canada dispose des ressources nécessaires pour répondre aux besoins de l'Europe, mais ces ressources sont loin d'être là où on en a besoin. Par exemple, le manque d'infrastructures de pipeline reliant le réseau de gaz naturel du Canada aux Maritimes complique considérablement l'exportation de gaz naturel liquéfié à partir de la côte Est. Les efforts déployés par le gouvernement fédéral pour relier les provinces maritimes à notre réseau de distribution de gaz pourraient avoir le triple avantage d'améliorer la sécurité énergétique locale, de permettre l'élimination progressive des centrales au charbon et de renforcer les arguments en faveur de l'exportation de gaz naturel liquéfié.
    Au Canada, le gouvernement fédéral soutient depuis longtemps les infrastructures qui assurent l'édification du pays. Nos ressources peuvent de nouveau être mobilisées pour soutenir nos alliés et nos partenaires de l'autre côté de l'Atlantique. Tout ce qu'il nous faut, c'est la volonté.
    Je vous remercie encore une fois, et je répondrai à vos questions avec plaisir.

  (1730)  

    Je vous remercie beaucoup, monsieur Calnan.
    Nous allons maintenant passer aux questions des députés.
    C'est M. Hoback qui interviendra en premier. Vous disposez de cinq minutes pour le premier tour.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de comparaître cet après-midi.
    Je commencerai par vous, monsieur Calnan.
    Vous avez tenu des propos intéressants à la toute fin au sujet de la capacité du Canada de réagir aux besoins du marché et de les combler. À la lumière de ce qui se passe au Moyen-Orient — où nous observons une escalade de la guerre —, que faudrait‑il de plus pour que le Canada intervienne sur la scène mondiale afin de combler les manques?
    Le conflit actuel au Moyen-Orient soulève des risques importants. À l'heure actuelle, de nombreux analystes évaluent les répercussions possibles de l'application accrue de sanctions sur l'Iran. Cela se produirait si un front s'ouvrait au nord pour Israël, auquel cas il pourrait y avoir des sanctions accrues sur l'exportation de pétrole de l'Iran, qui fait actuellement l'objet de sanctions secondaires de la part des États-Unis. Cependant, l'application complète de ces sanctions a été quelque peu assouplie au cours des dernières années, car des efforts ont été déployés pour améliorer les relations entre les États-Unis et l'Iran.
    Dans ce cas, est‑il juste de dire qu'il existe un certain risque? Ce risque est assurément lié au prix.
    M. Joe Calnan: Certainement.
    M. Randy Hoback: Ici encore, nous n'avons rien fait au cours des huit dernières années pour atténuer ce risque. Est‑ce exact?
    Oui, c'est exact.
    L'exportation d'environ 2,1 millions de barils par jour de pétrole iranien est visée par des sanctions, mais à l'heure actuelle, ce pétrole est tout de même exporté. S'il était retiré du marché, l'incidence sur les prix mondiaux de l'énergie serait telle qu'elle provoquerait sans doute une récession mondiale. Toutefois, il est peu probable qu'une mesure pareille soit prise, étant donné l'ampleur des répercussions économiques qu'elle entraînerait.
    Si l'Iran compte parmi les grands coupables de la situation au Moyen-Orient et si cet État fournit des armes à la Russie — je pense que c'est assez bien prouvé —, cela signifie que les recettes des exportations de pétrole iranien sont utilisées contre l'Ukraine, et maintenant aussi contre Israël. Ce raisonnement est‑il juste?

  (1735)  

    Il serait certainement juste d'affirmer qu'à l'heure actuelle, les exportations de pétrole iranien soutiennent le régime iranien et lui permettent d'aider la Russie à mener sa guerre en Ukraine. Cependant, la question de savoir si l'Iran agirait de la même façon si les sanctions étaient à nouveau appliquées à la lettre fait l'objet de nombreuses discussions.
    D'accord, mais si le Canada était en mesure d'augmenter sa capacité d'acheminer le pétrole jusqu'aux côtes au lieu de l'expédier aux États-Unis, on pourrait changer la donne et réduire la dépendance à l'Iran et à d'autres pays pour répondre à la demande de pétrole. Un tel changement aurait certainement des répercussions jusqu'en Europe, non?
    Ce raisonnement est‑il juste?
    Oui. D'après moi, l'agrandissement du réseau Trans Mountain, qui fournira environ 690 000 barils supplémentaires par jour au marché du Pacifique, pourrait soulager la pression exercée par la suspension des exportations iraniennes.
    Toutefois, cela ne réglerait pas entièrement le problème. Pour répondre aux besoins en infrastructures à court terme, il est plus probable que l'Arabie saoudite intervienne pour compenser la perte de la production iranienne. Cependant, l'objectif éventuel des rebelles houthis au Yémen suscite aussi des préoccupations, car ils ont déjà attaqué les infrastructures pétrolières saoudiennes. Une telle situation pourrait se reproduire si l'Iran décidait d'intensifier le conflit dans la région.
    L'Europe pourrait connaître un hiver plutôt froid si les choses tournaient mal. Est‑ce juste?
    En ce qui concerne le chauffage domestique en Europe, actuellement...
    M. Randy Hoback: Je parle plutôt des besoins énergétiques.
    M. Joe Calnan: Pardon?
    Je m'intéresse plutôt aux besoins énergétiques. J'ai employé le mot « froid » au sens figuré.
    Une situation pareille causerait assurément des problèmes majeurs au chapitre de l'approvisionnement de l'Europe en pétrole. La réponse est donc oui, il y aurait des problèmes à l'échelle mondiale.
    Cela dit, d'après moi, puisque la Chine est le destinataire principal des exportations de pétrole iranien, d'emblée c'est elle qui serait la plus touchée.
    D'accord.
    Si nous prenons... Je viens de la Saskatchewan. L'énergie nucléaire...
    Je suis désolé, monsieur Hoback, mais vos cinq minutes sont écoulées. Je vous remercie.
    Nous passons maintenant à Mme Chatel. Vous disposez de cinq minutes.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Tout au début de l'hiver dernier, nous étions bien inquiets pour les Européens. Nous craignions qu'ils n'arrivent pas à se chauffer. Ils ont traversé une période difficile. Ils sont vraiment résilients les Européens, on peut le dire. Un an plus tard, nous devons de nouveau affronter ce problème lié à la sécurité énergétique, comme le disaient mes collègues. L'approche de l'hiver est toujours préoccupante.
    J'aimerais vous entendre parler de la situation actuelle en Europe en comparaison de l'année dernière. Les pays d'Europe ont-ils réussi à trouver d'autres sources d'énergie?

[Traduction]

    Je vais répondre à la question.
    Oui, l'Europe a réussi à trouver d'autres sources de gaz naturel et de pétrole, ainsi que de charbon, je suppose, quoique le charbon ne soit plus une composante aussi importante du système énergétique européen. Globalement, le charbon a été éliminé progressivement et il n'est plus une des principales sources d'énergie en Europe. Toutefois, c'est tout de même une source d'énergie importante. L'an dernier, l'Europe a commencé à se procurer du charbon sur les marchés du Kazakhstan et de l'Afrique du Sud.
    En ce qui concerne le pétrole et le gaz naturel, l'Europe dépend maintenant beaucoup plus fortement du Moyen-Orient pour son approvisionnement en gaz naturel liquéfié surtout, et aussi en pétrole. La majorité des pays de l'Union européenne — quelques pays font toujours exception — ne reçoivent pas de gaz naturel ou de pétrole acheminé par pipeline ou envoyé outre-mer de la Russie. Cependant, l'Europe continue à importer une quantité importante de gaz naturel liquéfié de la Russie.

  (1740)  

[Français]

    Je vous remercie.
    Ma question porte aussi sur la sécurité et sur l'indépendance énergétique de l'Europe. Quelles avancées voyez-vous dans ce secteur, monsieur Winfield?

[Traduction]

    En ce qui concerne l'Europe, je trouve important de considérer le court terme et le long terme séparément. À court terme, relativement, son objectif était de traverser l'hiver dernier et l'hiver prochain. À cette fin, elle a déployé de vastes efforts dans le but précis de se procurer du gaz naturel liquéfié partout où elle le pouvait. Ces efforts ont porté leurs fruits. À plus long terme, les Européens expriment très clairement leur intention de mettre l'accent sur les énergies renouvelables et l'efficacité énergétique. Je pense qu'ils sont très sensibles à la question de remplacer une source d'énergie risquée sur le plan géopolitique — la Russie — par une autre, particulièrement au Moyen-Orient.
    C'est très important de considérer, d'un côté, l'approche adoptée par l'Europe pour gérer les effets immédiats de la crise sur l'approvisionnement, et de l'autre côté, sa vision à long terme pour la transition énergétique. Dans le cas de l'Europe, la décarbonisation et la sécurité énergétique sont très étroitement liées.

[Français]

    Je vous remercie.
    Dans le contexte de la transition énergétique de l'Europe, j'aimerais que vous me disiez, selon votre perspective, comment le Canada peut bien se positionner pour être un partenaire économique dans la stratégie énergétique de l'Europe.

[Traduction]

    Cette question comporte de multiples dimensions.
    Le rôle que pourrait jouer le Canada fait l'objet d'une discussion. Les Européens ont montré de l'intérêt pour l'hydrogène, par exemple, mais je crois que les aspects économiques suscitent des questions. Les minéraux critiques intéressent aussi fortement les Européens. La visite de Mme von der Leyen l'a très bien démontré.
    Durant ma déclaration préliminaire, j'ai dit qu'il y avait des complications, surtout relativement aux autres fournisseurs mondiaux. Nous devons nous demander si nous tenons à devenir les fournisseurs principaux d'un produit de base ou si nous préférons apporter plutôt à l'Europe des contributions à valeur ajoutée.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Il faut aussi tenir compte des compromis qui doivent être faits au pays.

[Français]

    Je suis d'accord avec vous. Je pense qu'il faut avoir les deux options. Nous ne pouvons pas juste laisser sortir nos ressources naturelles du pays, il faut aussi en faire la transformation ici.

[Traduction]

    Merci, madame Chatel.
    Nous passons maintenant à M. Garon. Vous disposez de cinq minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les deux témoins d'être avec nous aujourd'hui.
    Monsieur Winfield, vous avez parlé du gaz naturel liquéfié, ou GNL, et de son importance pour l'Europe à très court terme. Vous avez aussi souligné le fait que ce n'était pas nécessairement une solution pour la sécurité énergétique de l'Union européenne à long terme.
    Nous avons également appris, au cours des témoignages, que le Canada n'était pas encore équipé de l'infrastructure fondamentale qui lui permettrait, sur cet horizon à court terme, de procurer davantage de sécurité énergétique à l'Europe avec du gaz naturel liquéfié.
    Je suis un député du Québec. Je sais que le Québec a une expertise en hydroélectricité, en énergie renouvelable, en énergie éolienne, entre autres domaines.
    En Ukraine, des infrastructures d'énergie solaire et éolienne ont été détruites. Le Canada a-t-il juste du pétrole et du gaz à offrir pour la transition énergétique? Comme pays, est-ce tout ce que nous pouvons offrir, ou avons-nous autre chose à offrir pour la transition à long terme?

[Traduction]

    Quant à moi, nous avons beaucoup plus à offrir, notamment au Québec, qui possède depuis très longtemps une expertise reconnue dans le domaine du stockage de l'énergie. Les technologies de batteries constituent un secteur particulièrement digne d'attention, comme vous l'avez souligné.
    En outre, nous obtenons de très bons résultats dans le domaine des énergies renouvelables intermittentes. Nous arrivons à les intégrer sur une échelle de plus en plus grande, en plus de réaliser des progrès sur les plans de la gestion et de l'équilibrage. C'est surtout grâce à l'expérience du Québec portant sur les infrastructures de stockage d'énergie hydroélectrique. Ainsi, le Canada a beaucoup d'expertise à offrir, dans une vaste gamme de domaines. Il se peut que le Canada finisse par fournir davantage de produits de technique ou de gestion des systèmes à valeur ajoutée, plutôt que de devenir un fournisseur de produits de base.

  (1745)  

[Français]

    Merci beaucoup.
    Vous avez dit que, étant donné que l'Europe allait accélérer sa transition énergétique, il n'y avait pas un marché stable et assuré, à très long terme, pour le gaz naturel liquéfié du Canada.
    Par exemple, les gens de Repsol, une société d'énergie espagnole qui est propriétaire du terminal de réception et de regazéification du GNL à Saint John, ont annoncé que l'exportation du gaz naturel liquéfié du terminal vers l'Europe n'était pas un projet viable. Au Canada, il y a eu l'agrandissement du pipeline Trans Mountain, un projet dont le coût s'élève — tenez-vous bien  — à 30 milliards de dollars, une somme provenant de fonds publics.
    Est-on en train d'instrumentaliser la situation en Europe pour justifier des infrastructures de transport d'hydrocarbures qui se traduiront encore par des pertes et de mauvais investissements à long terme pour l'économie canadienne et nos entreprises?

[Traduction]

    C'est certainement une discussion intéressante.
    Beaucoup de voix prônent l'augmentation des exportations de produits de base, spécialement des combustibles fossiles. Comme vous l'avez souligné, pour le gaz naturel, c'est difficile. Le Canada n'a pas la capacité d'exporter le gaz naturel vers l'est. Pour l'acheminer dans cette direction, il faut le transporter à travers les États-Unis jusqu'à la côte du Golfe.
    En théorie, le gazoduc Coastal GasLink et divers projets de gaz naturel liquéfié en Colombie-Britannique devraient donner au Canada la capacité d'exporter le gaz naturel depuis la côte Ouest. Toutefois, ces projets posent de nombreux défis sur le plan économique. On s'attend à ce que ces infrastructures servent davantage les marchés asiatiques que les marchés européens. Par ailleurs, les projets de gaz naturel liquéfié de la Colombie-Britannique émettront beaucoup de carbone. Le gaz naturel est obtenu par fracturation; ce n'est pas du gaz non corrosif.
    De plus, comme nous l'avons vu, ces projets divisent profondément les communautés autochtones touchées. C'est compliqué...

[Français]

    Merci.
    Je suis désolé. Il me reste 30 secondes, et je veux poser une brève question à notre autre témoin.
    Monsieur Calnan, vous avez parlé des sanctions américaines contre l'Iran, qui exporte une partie importante de son pétrole en Chine. L'Iran est membre de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole, ou OPEP, qui a la mainmise sur la majeure partie de l'offre mondiale.
    Êtes-vous en train de nous dire qu'il n'y a que le Canada, avec de grands projets d'infrastructure de pipeline, qui pourrait fournir ce que l'Iran n'exportera pas en Chine, et que les autres pays de l'OPEP ne sont pas prêts à combler l'offre? Je suis curieux d'avoir vos observations là-dessus.

[Traduction]

    Pouvez-vous répondre en moins de 15 secondes, s'il vous plaît?
    À mon avis, dans une telle situation, ce serait l'Arabie saoudite qui comblerait l'offre, car cet État a une grande capacité excédentaire et il a toujours pris son rôle d'équilibreur au sérieux.
    Cela dit, je dois aussi réfuter l'affirmation selon laquelle l'OPEP a la mainmise sur la majeure partie de la production mondiale de pétrole. C'est faux. En réalité, l'OPEP contrôle aux alentours de 40 % de la production mondiale de pétrole. Un grand pourcentage...
    Malheureusement, je dois vous interrompre, monsieur Calnan.
    Nous passons maintenant à Mme McPherson, qui dispose de cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci aux témoins de se joindre à nous aujourd'hui.
    Monsieur Winfield, j'ai trouvé vos propos sur nos obligations à l'égard des changements climatiques très intéressants. Le gaz naturel est un grand émetteur de carbone, et son utilisation n'est pas nécessairement conforme aux dispositions de la DNUDPA et d'autres lois canadiennes. Pour aller de l'avant, il faudrait énormément de technologies de captage du carbone.
    À l'heure actuelle, le Canada dispose‑t‑il des technologies de captage du carbone nécessaires?
    Là‑dessus, les points de vue divergent. À l'échelle requise, la réponse courte est non. En théorie, on investit dans ce domaine, mais le problème que pose le gaz naturel liquéfié en particulier, c'est que les émissions de carbone ne proviennent pas toutes de la même place. En ce moment, il semble que la liquéfaction sera faite au moyen de combustibles fossiles. Les technologies de captage, d'utilisation et de stockage du carbone pourraient être utilisées si la géologie du site en Colombie-Britannique le permet.
    Cependant, l'autre problème, c'est que la Colombie-Britannique dépend fortement du gaz naturel obtenu par fracturation. Or c'est très difficile d'appliquer les technologies de captage, d'utilisation et de stockage du carbone à ce type de gaz naturel, qui produit principalement des émissions fugitives provenant de fuites de puits et du processus de fracturation. La quantité de méthane, surtout, qu'émet l'exploitation de réserves de ce type de gaz suscite de grandes préoccupations.
    Il n'est pas question ici de simplement forer un puits pour exploiter une réserve de gaz non corrosif. C'est bien plus compliqué. Le processus d'extraction émet beaucoup plus de carbone, et le processus de transformation aussi.

  (1750)  

    La mise au point de ces nouvelles technologies doit être extrêmement coûteuse.
    À votre avis, qui devrait financer la mise au point des technologies de captage du carbone?
    Les points de vue divergent là‑dessus aussi. J'ai tendance à penser que c'est l'industrie qui devrait assumer le plus gros des coûts, spécialement étant donné la largeur actuelle des marges bénéficiaires du secteur des combustibles fossiles. Cela serait conforme au principe du pollueur-payeur.
    Nous savons qu'un soutien important est offert par l'intermédiaire du crédit d'impôt pour le CUSC, mais ce crédit d'impôt suscite la controverse. Beaucoup se demandent si cette mesure est pertinente, pour diverses raisons.
    Considérez-vous cette mesure comme une subvention pour le secteur pétrolier et gazier?
    Oui. Je sais que la définition publiée par le gouvernement cet été dit explicitement le contraire, mais quand j'en parle en salle de classe, mes étudiants et moi la voyons certainement comme une forme de subvention pour le secteur pétrolier et gazier.
    Merci.
    Monsieur Calnan, j'ai aussi une question pour vous. Durant votre témoignage, vous avez affirmé que le Canada ne disposait pas des infrastructures nécessaires pour fournir de l'énergie à l'Europe. Ces infrastructures n'ont pas été mises en place.
    L'an dernier, je me suis rendue en Allemagne, où j'ai rencontré le chancelier et le chef de la chancellerie. Ils m'ont parlé de leur besoin de trouver des solutions énergétiques à court terme. Ils ne voulaient pas s'engager dans des négociations visant des solutions énergétiques à long terme étant donné l'accélération de leur transition vers les énergies renouvelables, accélération causée par l'invasion illégale de l'Ukraine.
    Combien de temps faudrait‑il pour mettre en place les infrastructures nécessaires pour acheminer l'énergie canadienne jusqu'à l'Allemagne, l'Ukraine et les autres marchés européens?
    Tout dépend de la volonté politique, ainsi que de la participation du secteur privé. Prenez l'exemple du réseau principal d'Enbridge. Il a fallu deux ans pour prolonger le pipeline original — il portait un autre nom à l'époque; je pourrais vous l'envoyer — de l'Alberta...
    Je suis désolée de vous interrompre, mais vous connaissez le contexte actuel de la réglementation et des différentes compétences provinciales, que nous tenons, bien sûr, à respecter. En 2023, si vous aviez à deviner, diriez-vous qu'il faudrait 5 ans, 10 ans ou 15 ans?
    Je sais que sous l'effet de la pression, l'Allemagne a construit l'installation de gaz naturel liquéfié de Wilhelmshaven en six mois environ. À ce moment‑là, tous les projets allemands de construction d'installations de gaz naturel liquéfié avaient des échéanciers de 10 ou 15 ans, mais ce projet‑là a pu être accéléré. Quand il est entendu qu'un projet sert l'intérêt national, il devient possible de le réaliser très rapidement.
    Monsieur Winfield, croyez-vous aussi que ce travail pourrait être fait très rapidement, aux alentours de six mois?
    Non. Les infrastructures d'importation et de regazéification du gaz naturel liquéfié sont beaucoup moins complexes que les infrastructures d'exportation. L'exportation du gaz naturel liquéfié nécessite la construction d'infrastructures énormes. D'abord, il y a les puits en tant que tels, qui sont situés principalement au nord-ouest de la Colombie-Britannique et qui présentent des enjeux considérables. Ensuite, il faut construire les pipelines reliant les puits à la côte de la Colombie-Britannique. Il faut aussi bâtir des installations de liquéfaction en Colombie-Britannique. Ce travail est amorcé, mais il y a encore beaucoup de pain sur la planche.
    Étant donné la complexité, je ne crois pas que de tels délais soient envisageables pour ce genre d'infrastructures.
    J'espère que l'Ukraine remportera la victoire bien avant 15 ans.
    Merci beaucoup. J'ai terminé.
    Merci, madame McPherson.
    Nous passons maintenant à M. Aboultaif.

  (1755)  

    Merci aux témoins de se joindre au Comité aujourd'hui.
    Ma question est pour vous deux. Lorsqu'on parle d'approvisionnement en énergie, à combien d'années correspondent le court terme et le moyen terme?
    Monsieur Winfield, voulez-vous répondre en premier?
    D'accord.
    Généralement, je dirais que le court terme correspond à 5 ans, et le long terme, à environ 10 ans. Pour passer l'hiver dernier, l'Europe a aussi dû envisager l'approvisionnement à très court terme; la structure est un peu plus solide pour l'hiver prochain. Il y a donc des variations, mais généralement, je dirais que le court terme correspond à une période de cinq ans.
    Excusez-moi. Votre question concerne‑t‑elle uniquement l'approvisionnement en énergie de l'Europe ou l'approvisionnement en général?
    Elle concerne l'approvisionnement en général.
    L'Agence internationale de l'énergie a récemment publié les Perspectives énergétiques mondiales, et de grandes différences peuvent distinguer les divers scénarios pour la forme que prendra le système énergétique mondial de l'avenir.
    Le Scénario des politiques annoncées, dont l'acronyme anglais est STEPS, prédit une réduction majeure de la consommation de charbon dans le monde, ce qui s'explique en partie ou principalement par les engagements pris à la COP26 de Glasgow de réduire graduellement l'électricité produite par le charbon. La consommation de pétrole et de gaz naturel se stabilise aux alentours de 2028 et 2029, mais demeure à des niveaux élevés jusque dans les années 2050. La demande quotidienne en pétrole s'élèvera à un peu moins de 100 millions de barils de pétrole, soit à environ 97 millions de barils. Voilà ce que prédit le scénario STEPS.
    Le Scénario des nouveaux engagements annoncés, quant à lui, prédit une demande qui diminuera graduellement, pour se chiffrer, il me semble, à environ 50 millions de barils par jour d'ici 2050. Le Scénario de carboneutralité, lui, prédit que la demande en pétrole chutera pour atteindre environ 25 millions de barils par jour d'ici 2050.
    Merci.
    Je viens de l'Alberta, et on trouve dans ma circonscription des technologies de capture du carbone et des projets d'hydrogène. Il y a, depuis toujours, des technologies très prometteuses en approvisionnement énergétique en Alberta, et le captage de carbone en fait partie.
    Le court terme représente 5 ans et le long terme, 10 ans. Je crois que nous nous attendions à des périodes plus longues. En Europe, cinq ans représentent maintenant une éternité étant donné la conjoncture et les événements au Moyen-Orient.
    Voici ma question: que peut accomplir le Canada en cinq ans s'il investit en captage de carbone comparativement à un scénario où il explorerait d'autres solutions qui ne donnent aucun espoir — par exemple, en s'intéressant à certains produits durables qui pourraient exister? Devrions-nous seulement miser sur le cheval gagnant et essayer d'investir dans les domaines où le gouvernement est présent pour essayer d'atteindre ce but?
    J'aimerais préciser que le captage et le stockage de carbone ne se limitent pas au pétrole et au gaz naturel. À vrai dire, la technologie sera nécessaire pour différentes formes de décarbonation. Par exemple, la décarbonation du ciment impliquera probablement le captage de carbone. On s'attend aussi à ce que la décarbonation de l'acier, à tout le moins dans une certaine mesure, dépende du captage de carbone lorsque l'hydrogène n'est pas une option. Le captage de carbone pourrait s'avérer très utile dans de nombreuses applications industrielles.
    Bien franchement, je dois dire que le captage et le stockage de carbone constituent une technologie très coûteuse. Elle n'a pas atteint, jusqu'à présent, l'envergure des panneaux solaires, des éoliennes et des autres technologies de réduction d'émissions.
    Il ne faut pas en conclure que la technologie ne pourra atteindre ce niveau. Il y a environ 25 ans, il était improbable que quiconque imagine qu'un réseau électrique pourrait être alimenté en énergie solaire, car les panneaux solaires servaient seulement aux satellites dans l'espace. Ils étaient très dispendieux et à la fine pointe de la technologie. Or, ils ont pris une grande envergure, ce qui a grandement réduit leurs coûts. De nos jours, on pourrait dire qu'ils représentent l'avenir de nos réseaux électriques.
    Monsieur Winfield, aimeriez-vous vous prononcer là‑dessus?
    Le captage, l'utilisation et le stockage du carbone, ou CUSC, ne m'enthousiasment pas outre mesure parce que rien ne démontre que la technologie a atteint l'envergure nécessaire pour changer la situation climatique. Les coûts demeurent un problème majeur. On se pose des questions sur l'efficacité de la technologie et sur le degré auquel le carbone est réellement séquestré.
    L'autre grand problème concerne la géologie. La technologie est impossible dans de vastes régions du pays. L'Alberta est relativement propice au CUSC. Dans des provinces comme l'Ontario ou le Québec, les régions pouvant accueillir la technologie sont — c'est le moins que l'on puisse dire — plus limitées. Ce sont des facteurs. Je crains que nous ayons mis beaucoup trop d'œufs dans le panier du CUSC.

  (1800)  

    Merci. Je crains que vous ayez considérablement dépassé le temps alloué, monsieur Aboultaif.
    Nous passons maintenant à M. Zuberi pendant cinq minutes.
    Merci, monsieur le président, de nous rassembler, et merci aux témoins d'être parmi nous aujourd'hui.
    Je veux poser des questions sur la stabilité mondiale en‑dehors de l'Europe, par rapport à ce qui se passe, par exemple, en Afrique, dans les Amériques et dans l'hémisphère Sud étant donné la guerre qui fait rage. Quelle est la situation de la sécurité énergétique en Afrique et dans les Amériques? Pouvez-vous nous éclairer sur la question?
    L'Amérique du Sud et l'Afrique ont lourdement subi les contrecoups de l'invasion russe de l'Ukraine et de l'augmentation des prix de l'énergie qui s'est ensuivie. Comme de nombreux pays en Amérique du Sud et en Afrique ont des politiques de subventions de l'énergie pour leurs citoyens — ces politiques sont très populaires, surtout pour des ressources comme le diésel, l'huile à cuisson et d'autres —, des pays africains voulaient, pour des raisons budgétaires, de l'énergie à bon prix.
    À la suite de l'invasion et de la montée des prix de l'énergie, les gouvernements — pas seulement les particuliers, mais les gouvernements eux-mêmes — ont dû payer des coûts en énergie augmentant en flèche. Nombre de ces gouvernements ont subi des pressions budgétaires extrêmes. Par conséquent, de nombreux gouvernements qui étaient au bord de la faillite ont dû demander des prêts à court terme au Fonds monétaire international, ou FMI, et à la Banque mondiale pour essuyer leurs pertes. Je crois que le FMI a, en particulier, exigé des programmes budgétaires draconiens pour réduire ce genre de subventions de l'énergie. Il va de soi que, quand ces pays réduisent ce genre de subventions pour l'énergie, leurs citoyens organisent des émeutes et des manifestations, et une instabilité générale s'installe.
    À titre d'exemple, le Nigéria s'est vu forcé de réduire les subventions pour le carburant. Une grande instabilité s'est ensuivie, et des vols importants de carburant ont eu lieu, ce qui a aggravé la perte de revenus du gouvernement: en effet, le Nigéria est membre de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole, ou OPEC, et détient une société d'État de l'énergie. En règle générale, si l'augmentation des prix de l'énergie fait du tort à l'Europe, elle est catastrophique pour l'hémisphère Sud.
    Merci.
    Monsieur Windfield, si vous voulez renchérir sur le sujet, je vous invite à le faire. Sinon, ce n'est pas grave.
    Je soulignerai que je ne suis pas expert des questions énergétiques en Afrique. Il importe de garder à l'esprit que la capacité des gouvernements africains, et certainement des gouvernements latino-américains, à se rétablir d'une telle crise est de loin inférieure à celle de l'Europe. Cette réalité a pour effet d'exacerber la fragilité politique. Il est extrêmement difficile pour l'Afrique ou l'Amérique latine d'entreprendre la transition structurelle des marchés de l'énergie que l'Europe a entamée.
    C'est ce qui explique en partie les problèmes de pertes et de dommages liés aux changements climatiques, ainsi que la difficulté à renforcer les capacités dans l'hémisphère Sud pour tenter de gérer ces transitions.
    Merci.
    Il me reste environ une minute et demie. Je suis curieux de vous entendre parler de la contribution du Canada et des moyens par lesquels nous pouvons aider les autres pays à adopter des sources d'énergie renouvelable plus verte.
    Avez-vous des idées par rapport à ce que notre pays peut offrir au reste du monde pour l'adoption de sources d'énergie plus propre et renouvelable?

  (1805)  

    Nous comptons une grande expertise dans différents domaines, quoique nous soyons en perte de vitesse, non seulement du côté des sources d'énergie, mais aussi du côté de l'efficacité et de la productivité énergétiques.
    Des services publics font du travail très intéressant en matière d'efficacité énergétique dans le Canada atlantique, de surcroît. Jusqu'en 2019, nous avons également eu un programme très fructueux en Ontario.
    Nous avons acquis des capacités considérables en développement, exploitation et conception de technologies d'énergies renouvelables, et en exploitation et intégration à grande échelle dans les réseaux énergétiques. C'est particulièrement vrai en Alberta, en Ontario et au Québec, et dans une certaine mesure dans les Maritimes. Notre apport est loin de se limiter aux seules ressources brutes.
    Merci.
    Si je pouvais rapidement intervenir à ce sujet...
    Malheureusement, le temps est écoulé.
    C'est le tour de M. Garon, qui dispose de deux minutes et demie.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Winfield, en mars dernier, le Parlement européen a négocié un accord avec le Conseil de l'Union européenne. L'objectif est d'avoir au moins 42,5 % d'énergie renouvelable en Europe d'ici 2030, tout en visant une cible de 45 %.
    La Stratégie de gestion du carbone du Canada, c'est d'investir massivement dans la captation du carbone à grande échelle avec de l'argent public. Ce n'est pas en tant que solution de dernier recours, comme on l'a dit pour l'acier et le ciment. Il s'agit d'investir à grande échelle, de façon à ce que nous puissions augmenter massivement notre production, augmenter nos émissions, pour ensuite exporter notre production vers l'Europe afin de, soi-disant, assurer sa sécurité énergétique.
    En ce qui concerne l'accord qui a été négocié en Europe, le Canada n'a-t-il pas une stratégie qui est complètement déphasée par rapport à la réalité européenne? Ne sommes-nous pas en train de cogner à la porte du mauvais client?

[Traduction]

    Ce n'est pas inconcevable. Les Européens ont déjà entrepris une intégration d'énergies renouvelables de très grande envergure, qui avance rapidement. Dans certains grands pays européens, de 40 à 50 % de la production énergétique provient surtout des sources éoliennes et solaires. Il y a aussi d'autres sources. Ce semble être l'objectif stratégique des Européens. Ils ont pour ainsi dire été échaudés par leur dépendance à une source d'énergie externe pendant leur transition.
    La vision en Europe intègre le climat, la sécurité énergétique et la transition énergétique, ce qui diffère considérablement de notre mentalité, au Canada. Les Européens adoptent la perspective d'un consommateur de combustibles fossiles, plutôt que celle d'un producteur. Cette approche, ainsi que les risques géopolitiques liés à l'énergie, ont grandement influencé leurs stratégies.
    Au Canada, la dynamique est différente, mais le besoin de décarboner l'économie est tout aussi important. Comme je l'ai dit, je m'inquiète du fait que nous ayons mis beaucoup trop d'œufs dans le panier du CUSC. Pour diverses raisons, ce choix soulève d'énormes risques dans mon esprit.
    Monsieur, puis‑je prendre la parole?
    Oui, vous le pouvez, très rapidement, pour un maximum de 15 secondes.
    J'ai un commentaire sur les perspectives énergétiques en Europe.
    Les sociétés Shell, Total, je crois, et Eni ont toutes signé des ententes de 27 ans, à partir de 2026, pour s'approvisionner en gaz naturel liquéfié, ou GNL, du Qatar. Elles importeront donc du GNL même après 2050. Il est faux d'affirmer que le gaz naturel disparaîtra complètement de l'Europe après 2050.
    Merci, monsieur Calnan.
    Nous passons maintenant à Mme McPherson. Vous disposez de deux minutes et demie.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vais poursuivre dans la même veine que mon collègue, M. Zuberi.
    Le Canada s'est engagé à verser 5,3 milliards de dollars au financement international de la lutte contre les changements climatiques qui appuie les pays, et je cite, « les plus durement touchés par les changements climatiques. » Cette initiative comprend une priorité accordée à la transition vers les énergies propres et l'élimination graduelle du charbon.
    Monsieur Winfield, je pourrais commencer par vous. À votre avis, dans quelle mesure l'aide internationale du Canada réussit-elle à pallier l'insécurité énergétique dans les pays en développement, si on tient compte du fait que les garde-fous ici sont la transition vers l'énergie propre et l'élimination graduelle du charbon?
    Je dois admettre que la question dépasse un peu mon champ d'expertise entourant les bénéficiaires de l'aide internationale.
    En règle générale, on pourrait s'attendre à ce que l'argent soit investi dans des ressources relativement disséminées, choisies pour leur taille modeste et pour le montant en capitaux qu'elles exigent. Ces facteurs font de ces ressources des moyens propices pour répondre aux besoins dans les pays visés. Dans bien des contextes, il est logique d'exécuter des projets communautaires plutôt que des projets à grande échelle nécessitant des infrastructures centralisées.

  (1810)  

    Merci.
    Vous avez aussi parlé de l'énorme transition qui a cours en Europe en raison, disons‑le ainsi, de son sevrage de l'énergie russe.
    Ma question s'adresse à vous, monsieur Calnan. Trouvez-vous curieux qu'il y ait une énorme transition vers l'énergie renouvelable en Europe, ainsi que dans notre aide au développement, mais que l'Alberta ait interrompu les activités entourant l'énergie renouvelable? Trouvez-vous la situation incohérente?
    Je ne commente habituellement pas les enjeux politiques, mais je dirai que rien, par nature, ne... Il n'est pas incohérent qu'un pays doté d'un réseau utilisant de l'énergie renouvelable soit également un grand exportateur d'hydrocarbures. La Norvège, par exemple, est un des pays les plus avancés dans le monde pour la décarbonation, tout en étant un grand et robuste exportateur de gaz naturel et de pétrole.
    Mais la Norvège n'a pas suspendu les activités entourant les énergies renouvelables, n'est‑ce pas?
    Merci.
    Non, effectivement.
    Merci.
    Les membres disposeront de quatre minutes pendant la prochaine série de questions.
    Nous commençons par M. Chong.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur comparution.
    En mars 2022, le ministre Wilkinson, en réaction à la crise énergétique déclenchée par l'invasion russe de l'Ukraine un mois plus tôt, a accepté d'augmenter graduellement les exportations de gaz naturel et de pétrole la même année d'un équivalent de 300 000 barils — 200 000 barils de pétrole et 100 000 barils de gaz naturel — dans le but de remplacer le gaz naturel en provenance d'états autoritaires comme la Fédération de Russie. À l'époque, les experts de l'industrie — des cadres de l'industrie en Alberta — ont indiqué pouvoir facilement doubler ce nombre au besoin. La capacité des pipelines et de la production permettait d'atteindre 600 000 barils.
    Je fais remarquer que, simultanément, en 2022, le président Biden a autorisé le transfert de 217 millions de barils de pétrole de la réserve stratégique de pétrole, ce qui correspond à environ 600 000 barils par jour.
    Cette année, en réalité, l'administration américaine a fermé les yeux. C'était une politique délibérée qui a fait couler beaucoup d'encre dans le New York Times et le Washington Post. Depuis le mois de décembre de l'an dernier et pendant toute l'année, l'administration a fermé les yeux sur les sanctions en Iran, lui permettant ainsi d'augmenter sa production pétrolière quotidienne d'environ 700 000 barils. Maintenant que cette entente tire à sa fin en raison des événements au Moyen-Orient, l'administration Biden a annoncé la semaine dernière — mercredi — avoir levé les sanctions contre le Venezuela et lui avoir octroyé un permis par l'entremise du Département du Trésor. On s'attend à ce que le Venezuela produise environ 200 000 barils de pétrole par jour à partir de maintenant.
    Ne croyez-vous pas que le Canada devrait fournir ces barils de pétrole à notre plus grand partenaire commercial et allié, plutôt que de puiser dans la réserve stratégique de pétrole, après la levée des sanctions contre un régime très brutal au Venezuela et l'oubli des sanctions contre la République islamique d'Iran pour qu'elle puisse accroître sa production?
    Voilà ma question.
    Oui, je vais y réagir.
    Il ne fait aucun doute que l'énergie, dans la relation entre le Canada et les États-Unis, représente un enjeu majeur pour le Canada. C'est une des raisons pour lesquelles le pipeline Trans Mountain importera grandement à l'avenir pour les intérêts nationaux canadiens. Je n'entends pas par là que les États-Unis ne sont pas notre meilleur ami, mais personne ne devrait se fier à son meilleur ami pour absolument tout.
    Prenons l'exemple du pipeline Keystone XL, qui a été — comment dire? — arrêté par l'administration Biden la première journée de son mandat. Je dirai que, à ce stade...

  (1815)  

    À l'époque, en mars 2022, les dirigeants de l'industrie ont déclaré qu'ils pourraient facilement doubler les exportations de pétrole et de gaz avec les capacités de production et les oléoducs existants, pour passer graduellement de 300 000 à plus de 600 000 barils d'équivalent pétrole par jour.
    Ma question est la suivante: en tant que pays, n'aurions-nous pas dû travailler avec notre principal partenaire commercial et allié pour lui fournir ces barils supplémentaires, au lieu qu'il soit obligé de puiser dans la réserve stratégique de pétrole ou de se tourner vers l'Iran et le Venezuela pour obtenir ces barils supplémentaires?
    Voilà ma question.
    Je suis désolé, mais je ne suis pas certain d'avoir les informations quant à la raison pour laquelle nous n'avons pas augmenté la production de ce volume.
    Nous ne contrôlons pas la production de cette façon. Ce que je veux dire, c'est que s'il y a un marché et une capacité d'exportation, le produit est exporté...
    Merci...
    Je dirais simplement que M. Wilkinson est intervenu sur le marché de cette façon afin de permettre la production supplémentaire de 300 000 barils d'équivalent pétrole par jour afin de répondre à la crise énergétique en Europe en mars 2022.
    Merci.
    Monsieur Chong, cela fait plus de quatre minutes. Merci.
    Nous passons maintenant à M. Oliphant pour quatre minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier les témoins de nous aider dès le début de cette étude. Je tiens également à remercier les analystes des notes qui nous ont été fournies pour cette réunion. Je les ai trouvées très utiles.
    Je vais mettre mon vieux chapeau de comptable aujourd'hui. C'est la deuxième fois en une semaine. C'est effrayant. Je dirai d'abord que je suis fier du Canada en tant que producteur d'énergie. Je suis également fier et convaincu que nous pouvons devenir un pays vert avec une plus faible empreinte carbone tout en produisant de l'énergie pour le monde. Je suis favorable aux oléoducs et contre les autres formes de transport. J'appuie l'aide à l'Ukraine pour vaincre la Russie dans le conflit actuel. Je suis en faveur d'aider l'Europe à régler son problème énergétique.
    Tout cela étant dit, j'aimerais poursuivre dans la veine des questions de M. Garon sur la rentabilité. En fait, je suis un féroce partisan du marché libre. Lorsqu'il a parlé de la décision de la société espagnole Repsol de ne pas continuer, en affirmant que l'exportation de GNL du terminal vers l'Europe n'était pas un projet viable, cela m'a amené à réfléchir à la question générale des débouchés qui sont en jeu ici.
    Voici donc ma question: selon vous, quelles sont les perspectives quant à l'expansion des entreprises privées du secteur énergétique, dans le contexte de nos objectifs de société, qui visent parallèlement un avenir plus vert?
    C'est une question complexe.
    Le défi tient en partie, bien sûr, au fait que les gouvernements continuent d'intervenir de façon très agressive pour appuyer l'industrie des combustibles fossiles et de les subventionner de multiples façons. Je pense qu'il subsiste, fondamentalement, des contradictions entre les politiques quant à la direction à prendre.
    Nous ne nous en remettons pas nécessairement aux forces du marché. Nous continuons d'intervenir de manière importante pour appuyer le secteur des combustibles fossiles. Les estimations de l'ampleur des subventions accordées au secteur canadien des combustibles fossiles varient. J'ai vu des estimations allant de 3 ou 4 milliards de dollars à 18 milliards de dollars par année, selon la méthode de calcul. Dans certains cas, le projet Trans Mountain est inclus.
    Pour revenir au gaz naturel liquéfié, des préoccupations persistantes ont été soulevées au sujet de la justification économique. De toute évidence, aller vers l'est ne semble pas fonctionner, tout simplement, et aller vers l'ouest est plus complexe.
    À ce sujet, j'ai vraiment de la difficulté à comprendre la justification. On a également parlé des profits qu'engrangent les entreprises du secteur de l'énergie, en particulier depuis l'augmentation et le gonflement des prix. Ces profits sont-ils utilisés pour le bien du Canada? Les entreprises investissent-elles dans les infrastructures? Je pense qu'elles devraient investir dans leurs propres infrastructures. Quels sont les niveaux de bénéfices? Font-elles de l'argent? Est‑ce que nous les subventionnons? Pourquoi voudrait‑on continuer de les subventionner, alors qu'il n'y a peut-être pas de débouchés?
    Je pense que ce sont d'excellentes questions.
    Actuellement, le secteur des combustibles fossiles est très rentable. D'excellentes questions se posent sur le ciblage des mesures d'aide et des subventions gouvernementales, la direction que cela nous amène à prendre et les avenues que cela façonne.

  (1820)  

    Puis‑je aussi faire un commentaire?
    J'ai l'impression que dans l'évaluation des subventions, on ne tient pas compte d'une réalité, à savoir que l'industrie canadienne de l'énergie, en particulier le secteur pétrolier et gazier, fonctionne sous un régime fiscal fondamentalement différent de celui qui s'applique à la plupart des entreprises au Canada, en particulier le régime de redevances imposé à l'industrie par les provinces. Cette forme d'imposition représente une part assez importante des recettes des provinces, en particulier l'Alberta, la Colombie-Britannique, la Saskatchewan et Terre-Neuve-et-Labrador.
    Les redevances...
    Je crains que vous n'ayez plus de temps, monsieur Calnan.

[Français]

    Bienvenue, monsieur Trudel.
    Vous avez la parole pour deux minutes.
    Merci, monsieur le président.
    [Difficultés techniques] Je ne partage pas du tout l'optimisme et l'analyse de mon collègue libéral quant à la politique énergétique du Canada ni, sans doute, l'avis de mes amis conservateurs sur le sujet.
    Dans un article paru dans Le Devoir, on dit que « [l]es subventions canadiennes aux énergies fossiles ont atteint 38 milliards de dollars américains [...] l'an dernier, [...] ». C'était en 2022. L'étude menée par des chercheurs du Fonds monétaire international conclut que « [l]a plus grande part de ce montant est imputable aux coûts associés aux conséquences de la pollution de l'air et de la crise climatique. »
    Bien qu'on pense atteindre un pic dans la demande d'énergie fossile au cours de la prochaine décennie, le Canada continue à investir de façon gargantuesque dans une énergie du passé.
    Comment expliquez-vous ces investissements, qui sont majeurs, encore une fois?
    Je rappelle qu'en 2022, les cinq grandes compagnies pétrolières ont réalisé des profits s'élevant à 200 milliards de dollars.
    Comment expliquer que le Canada continue à investir tant de milliards de dollars dans une industrie du passé?

[Traduction]

    Je pense que c'est une bonne question.
    Ma réponse de politicologue, en partie, c'est que le secteur est intégré à nos institutions et entretient également des relations très étroites avec certains gouvernements provinciaux.
    Je pense que la question sous-jacente est très pertinente, en particulier dans le contexte des engagements relatifs aux changements climatiques et à la transition énergétique. La subvention continue du secteur des combustibles fossiles soulève énormément de questions. La façon de le faire et la reddition de comptes à cet égard suscitent des débats.
    Il faut également garder à l'esprit que les subventions visibles ne sont qu'une partie de l'équation. Comme on nous l'a rappelé, en Alberta, il faut aussi tenir compte de la question du passif accumulé par rapport aux puits abandonnés, notamment. On ne sait pas très bien comment tout cela sera couvert, outre par les contribuables albertains, en fin de compte.
    Par conséquent, il importe de considérer les diverses formes de subventions et de soutien offertes au secteur selon une perspective très large. Les subventions les plus en vue ne sont pas nécessairement les plus importantes.

[Français]

    Beaucoup d'experts disent que...

[Traduction]

    Je suis désolé, monsieur Trudel.
    Nous passons à Mme McPherson pour deux minutes.
    Je vais reprendre les propos de mon collègue, M. Oliphant: j'ai l'impression que le calcul ne tient pas la route. Nous n'avons tout simplement pas les infrastructures nécessaires. On ne peut pas ignorer le fait que les tentatives pour mettre ces infrastructures en place ont coûté cher aux Albertains. Jason Kenney a gaspillé 1,5 milliard de dollars en pariant sur le projet de pipeline Keystone XL. On voit l'industrie mettre à pied les travailleurs. Actuellement, Suncor met à pied 1 500 travailleurs dans notre secteur même si l'entreprise fait d'énormes profits et continue d'augmenter sa production. De toute évidence, si nous avions le projet Énergie Est et la capacité de le faire, ce serait justifié.
    Jusqu'à présent aujourd'hui, je n'ai rien entendu pour me faire changer d'avis. Nous vivons une crise climatique. Nous avons des lois dans ce pays, notamment la DNUDPA. Il y a les compétences provinciales. Nous sommes dans un régime fédéral. Je pense donc que toute cette discussion — qui était censée porter sur la manière d'aider l'Ukraine, même si nos discussions d'aujourd'hui ont très peu rapport avec l'Ukraine — pose problème, car le Canada n'est pas en mesure d'aider l'Ukraine en ce moment. On peut chercher à savoir pourquoi nous aurions dû être dans une position différente de notre position actuelle, mais...
    Monsieur Winfield, y a‑t‑il une raison de croire que l'énergie canadienne est une solution pour aider l'Ukraine à ce moment‑ci? Qu'est‑ce qui m'échappe?
    La question de savoir comment aider l'Ukraine est complexe et vaste. À ce stade, je dirais que la dimension énergétique... Les chiffres dont nous parlons représentent une infime partie de l'approvisionnement énergétique mondial de pétrole, par exemple.
    Le Canada serait probablement plus en mesure d'aider l'Ukraine dans d'autres sphères — diplomatiques et autres —, car je crains de plus en plus que nous n'accordions pas assez d'attention à ce qui se passe en Ukraine, sur le terrain, en raison des événements qui se déroulent ailleurs, dans d'autres parties du monde.
    C'est une réponse très générale.
    À mon avis, la dimension énergétique n'est pas l'élément le plus central pour aider l'Ukraine actuellement.

  (1825)  

    Merci, monsieur Winfield.
    Pour la dernière série de questions, chaque député aura quatre minutes, sauf M. Trudel et Mme McPherson, qui auront deux minutes chacun.
    Nous commençons par M. Epp. Vous avez quatre minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être ici...
    Puis‑je simplement demander pendant combien de temps nous resterons?
    C'est la dernière série de questions.
    Nous devions terminer à 18 h 30. Le Comité a‑t‑il déjà convenu de continuer plus longtemps?
    Cela devait prendre 10 minutes, mais puisqu'il y a eu toutes sortes de retards...
    Mais nous avons aussi d'autres engagements...
    Vous ne voulez donc pas faire un dernier tour?
    Non, de préférence.
    Je préférerais ne pas faire un dernier tour. Je ne pense pas qu'on devrait.
    Je pense qu'il est prévu de terminer à 18 h 30, et nous devrions terminer à l'heure prévue. Il reste quatre minutes.
    Tout le monde est d'accord?
    Allez‑y, monsieur Chong.
    Monsieur le président, pourquoi ne donnerait‑on pas simplement la parole aux membres qui n'ont pas eu l'occasion de poser des questions?
    C'était mon intention au départ, mais il semble que les autres membres ne soient pas d'accord.
    Le temps sera écoulé à 18 h 30; il nous reste donc trois minutes.
    Monsieur Chong, il est déjà 18 h 30.
    Non, il est 18 h 27.
    Le président: Je regarde l'horloge.
    Je suis heureux d'accorder trois minutes à M. Epp, même si, par principe, je ne pense pas qu'on devrait...
    Très bien. Monsieur Epp, vous avez quatre minutes, puisque c'est ce que j'ai dit au départ.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie le Comité de me donner cette occasion.
    Puisque le Canada n'était pas en mesure de combler une partie du vide créé en raison de l'invasion russe, ou a choisi de ne pas le faire, on s'est alors tournés vers d'autres sources comme le Qatar et le Venezuela, entre autres. Évidemment, je pense que nous sommes tous conscients des risques géopolitiques associés à ces pays, en particulier maintenant, avec les actions du Hamas en Israël, etc., et la possibilité de risques accrus que cela représente.
    Monsieur Winfield, je vais revenir à votre déclaration préliminaire. Si j'ai bien compris, vous avez indiqué que lorsque l'Europe poursuivra ou reprendra son processus vers la décarbonisation, elle ne sera pas exposée à des risques géopolitiques. Je conteste cette affirmation.
    De toute évidence, vous avez identifié le nucléaire. Les véhicules électriques feront partie de cette transition. D'où proviennent ces minéraux critiques? S'approvisionner en Afrique ou ailleurs ne comporte‑t‑il pas des risques géopolitiques? Je trouve que cette affirmation manque un peu de crédibilité.
    Je n'ai pas dit qu'il n'y aurait aucun risque géopolitique. J'ai dit que l'Union européenne est très sensible à la question des risques géopolitiques liés à l'approvisionnement énergétique, entre autres choses.
    L'approche des flux de matériaux en Europe est très intéressante. En fait, nous venons tout juste de publier, cette semaine, une étude sur les batteries de véhicules électriques, principalement sur les questions de fin de vie utile. L'accent qui est mis sur la circularité est l'un des aspects particulièrement intéressants de l'approche de l'Union européenne. On parle de la récupération des matériaux des batteries en fin de vie utile, par exemple, et de leur réutilisation dans les chaînes d'approvisionnement européennes, précisément en raison de cette sensibilité à ces risques.
    En fin de compte, ce sont tous des biens échangés à l'échelle internationale, et c'est en partie la source du risque. La guerre en Ukraine est un exemple précis, mais d'autres facteurs peuvent avoir une incidence sur les cours — en particulier le cours des minéraux, par exemple — qui échappent également au contrôle de l'Union européenne, et ils sont très...
    J'aimerais pouvoir poser une autre question.
    Je me tourne vers M. Calnan.
    Monsieur Calnan, la Chine est de toute évidence un facteur important dans cette autre question, mais je vais traiter d'un autre sujet.
    Vous avez aussi mentionné le déclin rapide de l'utilisation du gaz naturel en Europe. Cela a‑t‑il été remplacé par d'autres sources d'énergie, ou a‑t‑on simplement décidé de s'en passer?

  (1830)  

    Il y a eu substitution dans certains cas. Par exemple, ils ont pu remplacer le gaz naturel ou le charbon par le diésel, mais dans bien d'autres cas, cela a simplement entraîné une réduction de la production industrielle, en particulier. La majeure partie de la baisse de la consommation de gaz naturel en Europe est attribuable à la production industrielle, principalement parce que beaucoup de pays européens subventionnaient la consommation de gaz naturel des ménages et se trouvaient ainsi à soutenir le marché pour les ménages au détriment de l'industrie.
    Cela a fait mal à leur économie.
    Merci, monsieur le président.
    Cela conclut‑il vos questions, monsieur Epp?
    Vous m'avez donné trois minutes, n'est‑ce pas?
    Je vous ai donné quatre minutes. Je vous laisse la parole.
    Merci beaucoup.
    La question générale est la suivante: si nous avions eu l'infrastructure nécessaire, dans quelle mesure le Canada aurait‑il pu aider à la fois ses alliés européens et le Japon, qui s'est également tourné vers nous?
    Allez‑y, monsieur Calnan, s'il vous plaît.
    Je suppose que cela dépend de la quantité d'infrastructures dont il est question ici.
    Si on parle d'atteindre le niveau de production des sables bitumineux que certains évoquaient il y a 30 ou 40 ans, alors le Canada serait certainement l'un des plus importants producteurs mondiaux de pétrole au monde. Eh bien, nous sommes déjà parmi les plus grands producteurs de pétrole, mais nous pourrions en produire beaucoup plus.
    Pour ce qui est du gaz naturel, nous n'avons pas les mêmes réserves de gaz naturel que les États-Unis ou la Russie, mais nous avons une importante quantité de gaz naturel qui aurait pu être.... Il aurait sans doute été possible d'approuver plus de projets d'installations de GNL sur la côte Ouest. Eh bien, ils ont été approuvés, mais ce n'était pas assez rentable pour permettre la réalisation de tous ces projets. La rentabilité économique des projets dépend fortement d'une multitude de facteurs, notamment le coût des pipelines. Les facteurs liés à la réglementation et de nombreux autres facteurs doivent être pris en compte pour déterminer si les projets seront mis en œuvre ou non.
    Oui, le Canada aurait pu aider beaucoup plus. Quant à savoir si nous aurions pu remplacer complètement la Russie, je ne pense pas que cela a vraiment déjà été une possibilité, mais il est certain que le Canada aurait pu aider davantage.
    Merci beaucoup, monsieur Epp.
    Permettez-moi maintenant de remercier nos deux témoins.
    Monsieur Winfield et monsieur Calnan, nous vous remercions beaucoup de votre temps et de nous avoir fait profiter de votre expertise.
    Les membres du Comité sont-ils d'accord pour lever la séance?
    Merci.
    La séance est levée.
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