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TRAN Rapport du Comité

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RENFORCER LES DROITS DES PASSAGERS AÉRIENS AU CANADA

Introduction

Le Règlement sur la protection des passagers aériens (RPPA), entré en vigueur en 2019, exprime et encadre les droits des passagers aériens au regard du droit canadien. Il établit notamment les obligations des transporteurs aériens envers leurs passagers en cas de retard ou d’annulation de vol, de refus d’embarquement ou de perte ou d’endommagement de bagages.

Quelques mois à peine après son adoption, ce cadre a été rudement mis à l’épreuve par la pandémie de COVID-19 et l’effondrement du trafic aérien à travers le monde. C’est en réponse à cette réalité que, le 8 septembre 2022, le Règlement modifiant le Règlement sur la protection des passagers aériens est entré en vigueur. Les modifications apportées énonçaient les obligations des compagnies aériennes lorsque se produisent des perturbations de vol qui sont indépendantes de leur volonté.

Afin d’évaluer ce nouveau cadre, le Comité des transports, de l’infrastructure et des collectivités de la Chambre des communes (le Comité) a adopté la motion ci-dessous, le 3 février 2022:

Que, conformément à l’article 108(2) du Règlement, le Comité entreprenne une étude sur le Règlement sur la protection des passagers aériens, ses lacunes et ce qui doit être fait pour le bonifier; que cette étude soit réalisée en quatre rencontres ou plus.

Le Comité a consacré deux rencontres à cette étude, le 21 et le 28 novembre 2022. Il a entendu neuf témoins et reçu deux mémoires.

Après l’adoption de la motion ci-dessus par le Comité, la saison des voyages à l’été 2022 a été le théâtre de perturbations qui ont mis en lumière certaines des insuffisances du RPPA. La situation a fait l’objet du Huitième Rapport du Comité, intitulé Améliorer le fonctionnement efficace et abordable des aéroports du Canada. Toutefois, d’autres problèmes sont survenus pendant la période des Fêtes en décembre 2022 et en janvier 2023. Le Comité a donc adopté la motion suivante le 9 janvier 2023 :

Que, conformément à l’article 108(2) du Règlement, le Comité s’engage à tenir des réunions spéciales pour étudier les perturbations de voyages qui se sont produites pendant le temps des Fêtes de décembre 2022 à janvier 2023 en vue de comprendre les causes des perturbations, de demander des comptes aux responsables, et de déterminer les mesures prises pour éviter que les problèmes ne se reproduisent; que, dans le cadre de l’étude, les défenseurs des droits des passagers aériens, les voyageurs touchés, Sunwing, Air Canada et WestJet, les administrations aéroportuaires de Toronto, de Montréal et de Vancouver, Via Rail et le CN, l’Office des transports du Canada, Transports Canada et le ministre des Transports soient invités à témoigner; et que, en consultation avec les membres du Comité, la présidence soit habilitée à coordonner les ressources et le calendrier nécessaires pour tenir la première réunion spéciale le jeudi 12 janvier 2023 et que les témoignages enregistrés lors de la réunion spéciale fassent partie de l’étude du Comité du règlement sur la protection des passagers aériens.

Le Comité a tenu cinq réunions, du 12 janvier au 7 février 2023, il a entendu 29 témoins et il a reçu trois mémoires.

Perturbations pendant les fêtes de 2022–2023

Devant le Comité, les représentants des compagnies aériennes, des aéroports et du secteur ferroviaire ont été formels : le secteur du transport au Canada ne manque pas de se préparer à la période de pointe qui survient toujours l’hiver. Chaque année, ils prévoient du personnel et de l’équipement supplémentaires et tiennent des réunions de coordination afin que le transport des passagers se fasse efficacement et facilement[1].

Ces témoins ont été formels sur un autre point : la période des Fêtes de décembre 2022 et de janvier 2023 s’est déroulée dans un contexte qui n’avait rien d’ordinaire. À la grandeur du pays, des événements météorologiques extrêmes sont survenus précisément pendant les jours de l’année où les Canadiens sont les plus nombreux à voyager[2]. Il en a résulté une cascade de retards et d’annulations, certains passagers restant coincés des heures à bord de l’appareil, sur le tarmac[3].

Selon M. Andrew Dawson, président des opérations touristiques, Groupe de voyage Sunwing, la compagnie Sunwing Airlines avait, au 12 janvier 2023, reçu à elle seule 7 000 demandes de dédommagement, de remboursement ou d’indemnisation pour des dépenses supplémentaires encourues. Toutes ces plaintes découlaient de retards ou d’annulations survenus pendant les Fêtes.

Des représentants de lignes aériennes, d’aéroports, de VIA Rail et du CN ont expliqué au Comité que, tout le long de la période des Fêtes, ils ont été en communication avec Transports Canada et le bureau du ministre des Transports, mais pas avec le ministre lui‑même[4]. Par exemple, M. Len Corrado, président de Sunwing Airlines, a indiqué qu’il n’a parlé directement au ministre des Transports que le 5 janvier 2023.

Lors de son témoignage, l’honorable Omar Alghabra, ministre des Transports, a indiqué que tout le long de la crise, son personnel l’a informé régulièrement, « parfois d’heure en heure ». Interrogé sur ses communications avec le ministre et son équipe, M. Philippe Rainville, président-directeur général, Aéroports de Montréal, a répondu : « En cas de pépin opérationnel, ce n’est pas le ministre que j’appelle. Ce n’est pas pour cela que le ministre est là. Il est là pour nous donner des règles et pour nous surveiller dans le cadre de notre entente de location ». De même, M. Martin R. Landry, président et chef de la direction par intérim, VIA Rail Canada inc., a indiqué que, selon lui, les représentants de Transports Canada étaient les « bons contacts » qui pouvaient aider VIA Rail à régler ses problèmes opérationnels.

Certains représentants du secteur aérien ont signalé qu’ils avaient entrepris un examen de leurs procédés[5], et M. Corrado en particulier a offert ses excuses pour certains des « ratés d’exécution » de Sunwing.  Une lacune commune a déjà été constatée du côté des communications, et plus particulièrement du service à la clientèle. À cet égard, le ministre Alghabra s’est dit d’avis que, si les conditions météorologiques extrêmes sont une réalité de la vie au Canada, il est inacceptable pour le voyageur « de ne pas être mis au courant des plans de rechange par les compagnies aériennes, ou d’être abandonné à son sort pendant des jours et des jours sans recevoir le moindre renseignement ». La même opinion a été exprimée par M. Rainville et – au sujet du service ferroviaire voyageurs – par M. Landry et M. Tim Hayman, président d’Action Transport Atlantique.

Règlement sur la protection des passagers aériens

Pendant son étude, le Comité a entendu une gamme d’opinions sur les vertus du RPPA comme régime de protection des droits des passagers. D’un côté, M. Gábor Lukács, président de l’organisme sans but lucratif Droits des voyageurs, a qualifié le Règlement de « réelle imposture » rédigée « par les compagnies aériennes pour les compagnies aériennes » pour donner l’impression que les passagers aériens sont protégés au Canada.

À sa première comparution, le 21 novembre 2022, M. John Lawford, directeur exécutif et avocat général, Centre pour la défense de l’intérêt public, a fait valoir que le RPPA représentait un « contrepoids à la puissance des compagnies aériennes ». Les retards et les annulations survenues pendant les Fêtes l’ont toutefois fait se rapprocher de l’opinion de M. Lukács. Ainsi, à sa seconde comparution, le 26 janvier 2023, M. Lawford a dit que le RPPA était une « structure […] qui est déficiente ».

Par contre, d'autres témoins préféraient voir dans le RPPA un régime qui est encore en cours de perfectionnement. Plusieurs ont rappelé que le Règlement n’est entré en vigueur que quelques mois avant l’éclatement mondial de la pandémie de COVID-19[6].

Ainsi, M. Andrew Gibbons, vice-président, Affaires extérieures, WestJet Airlines Ltd., a souligné que les transports aériens n’ont pas eu de « période de stabilité pour évaluer adéquatement le RPPA en dehors des bouleversements liés à la COVID et du chaos opérationnel »; selon lui, la priorité devrait être d’améliorer le fonctionnement du système actuel plutôt que d’apporter de vastes réformes à un règlement qu’on vient à peine, pratiquement, d’adopter. M. Ian Jack, vice-président, Affaires publiques, Association canadienne des automobilistes, pensait de même, mais jugeait toutefois que la situation, qui se rapprochait de la normale depuis six à neuf mois, permettait de voir « des lacunes importantes qu’il faut combler ».

Le ministre Alghabra ainsi que les responsables de Transports Canada et de l’Office des transports du Canada (OTC) ont dit au Comité que, en fait, on réévalue constamment le Règlement pour cerner les améliorations à y apporter[7]. Selon le ministre, un examen était en cours avant les perturbations de décembre 2022, et les changements proposés au RPPA seront probablement annoncés au printemps 2023. Ces changements, a dit le ministre, seraient probablement axés sur trois principes :

  • 1) L’éclaircissement des règles, particulièrement en matière de sécurité;
  • 2) La simplification du processus de plainte de l’OTC et le renversement de la charge de la preuve en faveur des passagers;
  • 3) Le renforcement des règles et potentiellement l’augmentation des amendes imposées aux transporteurs aériens.

Pour M. Jacob Charbonneau, président-directeur général de Vol en retard, un bureau d’avocats qui se spécialise dans la défense des droits des passagers, et M. John Gradek, chargé de cours et coordonnateur académique à l’École d’éducation permanente de l’Université McGill (à titre personnel), le RPPA est une amélioration par rapport au « Far West » qui existait lorsqu’il n’y avait aucun cadre, et d’ailleurs d’autres témoins ont suggéré un cadre réglementaire similaire pour les passagers ferroviaires[8]. MM. Charbonneau et Gradek ont toutefois signalé des problèmes à corriger, le premier le manque d’application du Règlement, et le second l’« échappatoire » permettant d’éviter l’indemnisation.

Indemnisation

« (L)'exploitation d’une compagnie aérienne n’est pas une œuvre de bienfaisance. En même temps, ces compagnies fournissent un service, et ce service doit être fiable. »

M. Gábor Lukács, président, Droits des voyageurs

Selon M. Lukács, le passager devrait toucher un remboursement quelle que soit la raison de l’annulation tandis que l’indemnisation vise précisément à compenser les pertes de temps et de productivité ainsi que les inconvénients encourus. Pour M. Lawford, les systèmes de compensation des passagers sont une reconnaissance que « le système ne peut pas fonctionner », c’est-à-dire que les transporteurs aériens ne rencontreront nécessairement pas toutes leurs obligations de service.

La responsabilité du transporteur aérien à l’égard du passager dépend de la catégorie dont relève la cause du retard ou de l’annulation. Or, c’est le transporteur qui procède à la catégorisation et détermine ainsi si le passager a droit à un remboursement ou à une indemnisation. S’il est en désaccord avec la décision, le passager peut porter plainte, auquel cas l’OTC pourrait entrer en jeu. Cette façon de faire, selon M. Charbonneau dépend du « bon vouloir des transporteurs », qui catégorisent eux-mêmes les causes et décident ainsi quelles sont leurs obligations.

D’après M. Gibbons, l’OTC n’a relevé dans ses enquêtes aucun cas où une compagnie aérienne « aurait délibérément appliqué à un vol un code erroné », mais il reconnaît que l’erreur humaine est toujours possible. Il a ajouté que les transporteurs peuvent avoir un « désaccord » sur la manière dont l’OTC catégorise une situation. Cependant, Mme France Pégeot, présidente et première dirigeante, Office des transports du Canada, a abordé la nécessité de clarifier le Règlement sur la catégorisation des vols, les « zones grises [étant] très étendues ». Elle s’est toutefois refusée à reprendre le terme de « faille » (« loophole », en anglais) employé par M. Lukács.

Pour plusieurs témoins, la catégorie des situations « attribuables à la compagnie aérienne mais nécessaires par souci de sécurité » serait une de ces « zones grises ». M. Lawford a dit au Comité que cette catégorie était en fait « tout à fait impossible à appliquer et donnera systématiquement lieu à des différends ».

Par exemple, certains témoins ont accusé les compagnies aériennes, pour éviter d’avoir à indemniser les passagers, d’appliquer sciemment cette catégorie aux retards ou annulations causés par un manque de personnel[9]. Dans le même ordre d’idées, M. Charbonneau a évoqué les retards causés par des problèmes de maintenance, par exemple lorsqu’il arrive qu’un pilote calcule mal le besoin de carburant. Le retard est alors, selon lui, évidemment nécessaire, mais il constitue néanmoins une décision opérationnelle, et la compagnie aérienne ne devrait pas échapper à l’obligation d’indemniser les passagers.

Les représentants du secteur aérien ont opposé un ferme démenti à ces accusations de contournement délibéré des règles. M. Gibbons a dit au Comité que « la sécurité est sacrée » et qu’elle doit rester un principe clé du RPPA, comme elle l’est depuis l’origine. M. Jeff Morrison, président et chef de la direction, Conseil national des lignes aériennes du Canada, a qualifié de « fausse et irresponsable » l’accusation selon laquelle les compagnies aériennes utilisent la sécurité comme prétexte pour justifier les perturbations et éviter les pénalités. Il a ajouté que les annulations, surtout, sont un « dernier recours ». D’ailleurs, a précisé M. Rainville, c’est le pilote et non le transporteur qui décide si l’avion peut décoller en toute sécurité ou non. Ce témoin a ajouté que, du point de vue de l’aéroport, on ne saurait remettre en question la décision du pilote lorsqu’il s’agit de sécurité.

Abordant la question du manque de personnel, M. Gradek s’est dit d’avis que les compagnies aériennes sont responsables de leur niveau de dotation et qu’elles peuvent raisonnablement les prévoir. M. Lawford a même avancé que le manque de main‑d’œuvre était la faute des transporteurs, puisque ceux-ci auraient pu utiliser la Subvention salariale d’urgence du Canada pour conserver un effectif suffisant malgré les retraites et les mises à pied entraînées par la COVID.

Le ministre Alghabra et Mme Pégeot ont tous deux rappelé que, à l’été 2022, l’OTC a statué que les problèmes de sécurité attribuables aux actions ou à l’inaction de la compagnie aérienne, y compris en cas de manque de main-d’œuvre, ne justifient pas le refus d’indemniser les passagers[10].

Afin de simplifier l’enjeu de la compensation, certains témoins ont proposé que le Canada harmonise sa réglementation avec celle de l’Union européenne (UE), laquelle impute au transporteur aérien la responsabilité de tous les retards, annulations et refus d’embarquement, sauf en cas de « circonstances extraordinaires[11] ». Il faudrait alors, par la suppression du sous‑alinéa 86,11(1)b)(ii) de la Loi sur les transports au Canada, éliminer la catégorie des situations « attribuables à la compagnie aérienne mais nécessaires par souci de sécurité ».

M. Lukács et M. Gradek ont expliqué au Comité qu’une exemption en cas de « circonstances extraordinaires », comme dans le régime de l’UE, libérerait les compagnies aériennes de l’obligation d’indemniser les passagers dans les situations – éruptions volcaniques, tempêtes de neige, troubles politiques, incursion sur piste, autres événements majeurs – qu’elles ne pouvaient raisonnablement prévoir. Dans tous les autres cas de retard, d’annulation ou de refus d’embarquement, par contre, le transporteur serait tenu d’indemniser les passagers.

Certains des représentants du secteur aérien ont mis en garde contre l’impact de ce changement, les retards causés par les conditions météorologiques étant, comme l’a dit M. Morrison, « liés à la sécurité ». M. Rainville a donné l’exemple du déglaçage, lequel « prend le temps qu’il faut » et sert à enlever de l’appareil, avant le décollage, les couches de verglas trop épaisses qui peuvent s’y être accumulées. Sur cette question des circonstances extraordinaires, M. David Rheault, vice-président, Relations gouvernementales et avec les collectivités, Air Canada, a signalé qu’« aucun régime de protection dans le monde, y compris le [RPPA], ne prévoit que les transporteurs aériens doivent être responsables de compensations financières en cas de force majeure ».

M. Gibbons, de son côté, a dit au Comité que WestJet serait ouvert à ce que les catégories soient simplifiées, à la stricte condition que le changement profite au voyageur canadien sans pénaliser injustement les compagnies aériennes, et que l’OTC et Transports Canada fournissent des directives précises d’interprétation des catégories.

M. Lukács a expliqué que le modèle européen peut sembler sévère envers les compagnies aériennes, puisqu’il établit dans les faits une présomption d’indemnisation, mais sa simplicité permet de déterminer facilement si la personne a droit ou non à l’indemnité, ce qui à long terme fait faire des économies. Il a ajouté que ce modèle permet aussi au transporteur de recouvrer le montant de l’indemnité auprès d’un tiers. Par exemple, si le personnel de sécurité avait endommagé les bagages du passager, la compagnie aérienne serait tenue d’indemniser ce dernier directement, mais elle pourrait ensuite tenter de recouvrer le montant auprès de l’entreprise de sécurité, sans que le passager ait à faire quoi que ce soit.

Selon M. Craig Hutton, sous-ministre adjoint associé, Politiques, ministère des Transports, aucun moyen n’est actuellement à la disposition des compagnies aériennes pour recouvrer les coûts qui découlent des décisions opérationnelles des aéroports ou des instructions du contrôle du trafic aérien. M. Lawford a évoqué l’exemple, au Canada, de la Commission des plaintes relatives aux services de télécom-télévision (CPRST), qui reçoit la plainte du consommateur et la soumet elle-même au fournisseur de service. Si celui-ci ne répond pas dans les 30 jours, le consommateur obtient « tout ce qu’[il a] demandé en ce qui a trait à la plainte déposée ».

Sur l’éventualité d’adopter un modèle international, M. Gibbons et M. Morrison ont tous deux rappelé que le climat, la géographie et la densité démographique du Canada posent des défis qui ne sont pas ceux de l’Europe ou des États-Unis. M. Morrison a fait valoir que les coûts des compagnies aériennes au Canada « sont beaucoup plus élevés », et il a ajouté que l’OTC, « une institution canadienne très originale », est un organe d’arbitrage des plaintes qui n’existe pas ni en Europe, ni aux États-Unis.

Refus d’embarquement et annulation

Dans son mémoire, l’organisme Droits des voyageurs a demandé que le Canada, dans la législation et la réglementation, harmonise les définitions de « refus d’embarquement » et d’« annulation de vol » avec celles, « logiques », utilisées par l’UE. En fait, le terme « annulation de vol » n’est défini ni dans la Loi sur les transports au Canada, ni dans le RPPA; quant à la définition de « refusés à l’embarquement » que l’on trouve dans le RPPA, elle représente une régression puisqu’elle limite dans les faits l’indemnisation aux cas où l’avion est en surréservation. L’organisme propose que les critères permettant de déterminer qu’il y a refus d’embarquement soient simples et reposent sur les faits dont le passager a connaissance, sauf s’il existe des motifs raisonnables liés à la santé et à la sécurité ou si les documents de voyage sont inadéquats. Quant à la définition des annulations de voyage, elle ne devrait pas permettre d’« indui[re] en erreur » en les qualifiant de « changement d’horaire ». M. Charbonneau et M. Lawford se sont dits favorables à une mise à jour de la règlementation par rapport aux définitions.

Pendant son témoignage, M. Lukács a ajouté que, en modifiant ainsi les définitions, on empêcherait, comme cela se produit actuellement, que des passagers se retrouvent sans protection quand la compagnie aérienne annule leur vol mais leur en offre un autre qui partira dans les 48 heures, alors que le délai rend maintenant inutile leur voyage. Mme Sylvie De Bellefeuille, avocate et conseillère budgétaire et juridique, Option consommateurs, a dit au Comité que, dans ces circonstances, le passager devrait avoir droit à un plein remboursement, quelle que soit la raison du retard ou de l’annulation.

Mme De Bellefeuille a dit que la surréservation (lorsque la compagnie vend plus de billets qu’il n’y a de places dans l’avion) « est assurément une entorse au droit des contrats » et devrait être interdite. Elle a ajouté que :

(l)e principe d’un contrat, c’est qu’on paie une entreprise pour recevoir un service. Si elle n’est pas en mesure d’offrir ce service, la règle veut normalement que le consommateur ait droit à un remboursement. Alors, pourquoi serait-ce différent pour un transporteur aérien juste parce que c’est un transporteur aérien?

M. Charbonneau a dit comprendre la frustration de la personne qui a acheté un billet mais à qui on refuse l’embarquement, mais il a présenté l’autre facette de la question, qui est que la surréservation est courante au Canada, en Europe et aux États-Unis simplement parce que de « 5 % à 10 % des passagers inscrits ne se présentent pas ». Il a proposé, comme on le fait aux États-Unis, d’offrir un incitatif financier substantiel pour encourager certains passagers à choisir volontairement un vol ultérieur, plutôt que de les y forcer.

Fardeau de la preuve

Certains témoins ont dit trouver injuste que ce soit aux passagers qu’incombe le fardeau de prouver qu’ils ont droit à l’indemnisation[12]. À ce sujet, le ministre Alghabra a dit au Comité que son ministère travaille justement à une proposition, attendue au printemps 2023, qui renversera le fardeau de la preuve.

Le ministre a ajouté que « les compagnies aériennes doivent continuer à faire respecter les droits des passagers, et lorsqu’elles les violent, elles doivent dédommager leurs clients », ce qu’elles devraient faire sans que l’OTC ait à s’en mêler. M. Hutton a précisé que les passagers sont tenus d’essayer d’obtenir satisfaction directement auprès du transporteur aérien avant de soumettre leur plainte à l’OTC. M. Gibbons, lors de sa comparution du 28 novembre 2022, a dit que WestJet a indemnisé des passagers sans qu’ils aient à s’adresser à l’OTC – c’est même l’approche que préfère la compagnie. M. Corrado, quant à lui, a signalé qu’un portail de traitement des plaintes aux termes du RPPA se trouve sur le site Web de Sunwing.

Responsabilité partagée dans l’« écosystème de l’aviation »

Plusieurs témoins ont parlé de l’approche dite de l’« écosystème », où les responsabilités liées à la prestation des services aux passagers sont partagées et se chevauchent entre plusieurs entités[13]; cette perspective, selon M. Landry, s’applique aussi au secteur ferroviaire. L’écosystème de l’aviation serait composé des compagnies aériennes, des aéroports et d’entités fédérales comme NAV CANADA, l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien (ACSTA) et l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC).

M. Gibbons a dit au Comité que, malgré cette complexité du système, le RPPA impose exclusivement aux compagnies aériennes l’obligation d’indemniser les passagers. Il juge que l’établissement d’un cadre de responsabilité partagée est une « priorité absolue ». Pour ce faire, il faudrait instaurer des normes sur le niveau de service, des protocoles de communication et un régime de remboursement pour toutes les entités qui fournissent un service pouvant entraîner un retard ou une annulation. M. Morrison, tout en se disant lui aussi favorable à un modèle de responsabilité partagée, a clarifié que celui-ci ne devrait pas être punitif, ni même nécessairement prévoir de sanction pécuniaire, mais qu’il devrait reconnaître que les compagnies aériennes ne sont pas les seules responsables de tous les retards.

Mme Deborah Flint, présidente et chef de la direction, Autorité aéroportuaire du Grand Toronto, a signalé que les compagnies aériennes sont les seules entités dans l’écosystème de l’aviation qui ont un contrat avec les passagers, et qu’elles peuvent, dans leur gestion des risques, prendre en compte les installations qu’elles utilisent. De plus, le RPPA prévoit des solutions que seuls les transporteurs peuvent apporter, comme offrir des vols de remplacement. Néanmoins, Mme Flint s’est dite en faveur de l’établissement de normes supplémentaires sur les niveaux de service, et ce, à la grandeur du secteur, question de mieux coordonner la préparation aux risques, qu’ils découlent des activités quotidiennes ou des situations extrêmes.

Mme Tamara Vrooman, présidente et directrice générale, Administration de l’aéroport de Vancouver, s’est dite du même avis, tout comme M. Lukács, qui a précisé qu’il ne s’agirait pas d’imposer des amendes aux entités gouvernementales si les normes de service ne sont pas respectées, mais de permettre aux compagnies aériennes, qui resteraient le point de contact unique des passagers, de recouvrer leurs coûts d’indemnisation lorsque la faute est imputable à un tiers. M. Gibbons s’est opposé à ce que les lignes aériennes, au nom de la simplification, soient chargées de gérer le cadre du RPPA et les relations avec les entités gouvernementales.

Bagages

Comme le Comité l’a entendu, la question des bagages peut être complexe. Premièrement, la responsabilité des bagages en transit est partagée entre la compagnie aérienne, qui embarque les valises dans l’avion, et l’aéroport, qui les transporte « jusqu’à la porte de sortie[14] ».

Deuxièmement, le RPPA et la Loi sur le transport aérien traitent de la perte de bagages, conformément à la Convention de Montréal, mais la Cour d’appel fédérale vient d’invalider la disposition du Règlement qui touchait à l’indemnisation lorsque les bagages arrivent en retard[15].

Comme solution, M. Lawford, de même que M. Lukács, a recommandé que le ministre des Transports donne instruction à l’OTC de prendre un règlement sur l’indemnisation des passagers dont les bagages arrivent en retard. D’ici à ce qu’on modifie la Loi sur les transports du Canada pour régler le problème soulevé par la Cour d’appel fédérale, M. Lawford a proposé en outre qu’un nouveau règlement soit pris aux termes de l’article 40 de la Loi sur les transports au Canada pour rétablir la disposition invalidée.

Interrogé sur un incident où Air Canada a fait don de bagages appartenant à des passagers, M. Lukács a répondu que cette situation relevait du droit non pas civil mais criminel.

Infrastructure

« [L]e Canada devait accroître la résilience de ses infrastructures de transport. Les phénomènes météorologiques sont de plus en plus fréquents. La fameuse tempête du siècle se produit presque chaque année. »

Martin R. Landry, Président et chef de la direction par intérim, VIA Rail Canada inc.

Plusieurs témoins ont insisté sur l’importance de moderniser l’infrastructure en matière de transports, notamment des aéroports[16], et certains ont appelé le gouvernement à réinvestir impôts, taxes, droits et loyers d’aéroports dans la numérisation, la mise à niveau des installations et d’autres améliorations[17]. M. Rainville a dit au Comité que les infrastructures de l’Aéroport international Montréal-Trudeau « ne fourniront pas les capacités nécessaires pour entreprendre la prochaine décennie », malgré un apport technologique important, étant donné « une croissance fulgurante avant la pandémie et une fin d’année 2022 tout aussi forte ».

Traitement des plaintes

Lorsque la compagnie aérienne et le passager ne réussissent pas à résoudre une plainte, l’étape suivante consiste à la soumettre à l’OTC. M. Tom Oommen, directeur général, Analyse et liaison, Office des transports du Canada, a expliqué que le rôle de l’OTC est de faciliter les interactions entre le passager et la compagnie aérienne. Il a précisé que, lorsque l’OTC traite une plainte, la première étape est un processus informel de facilitation. À cette étape, pendant laquelle la « grande majorité des plaintes » sont résolues, le facilitateur demande à la compagnie aérienne, et non au passager, d’exposer les questions en litige. Si ce processus échoue, l’étape suivante est l’arbitrage, service que l’OTC offre gratuitement. Aucun avocat n’est requis, et l’OTC fournit « de nombreux documents d’orientation pour aider les passagers à comprendre le cadre de réglementation ».

M. Charbonneau a dépeint le processus quelque peu différemment. Selon lui, le tarif des transporteurs interdit aux passagers d’être représentés par un avocat lors de la plainte initiale, la facilitation telle que la pratique l’OTC ne permet pas au passager de présenter sa version des faits, et le processus décisionnel formel prend plus d’un an. Du début à la fin, selon M. Charbonneau, le transporteur est injustement favorisé. Mme De Bellefeuille a porté le même jugement.

Mme Michelle Greenshields, directrice générale, Règlement des différends, Office des transports du Canada, a confirmé que le traitement des plaintes peut prendre jusqu’à 18 mois, vu les délais de service moyens généraux, mais elle a précisé que la durée peut varier au cas par cas. Elle a ajouté que l’OTC fait des efforts pour se conformer à sa norme de service et que, en date du 28 novembre 2022, le délai de prise de décisions arbitrales avait réduit « de 144 jours à 40 jours au total »[18] .

D’un autre côté, M. Charbonneau a affirmé que de nombreux passagers abandonnent leur plainte en raison de la complexité du processus et de leur manque d’information. Mme De Bellefeuille a fait remarquer que le passager doit, dans sa plainte, se fier aux renseignements fournis par le transporteur, lequel n’a pas intérêt à reconnaître qu’un problème relève de lui. M. Oommen a soulevé le même point, et il a dit au Comité que, selon les estimations de l’OTC, environ 1 passager sur 5 000 déposera une plainte. En réponse à ces problèmes, M. Jack a prôné la simplification et la clarification du processus.

Partage des données

Le manque de données publiques sur le taux de succès du régime actuel de traitement des plaintes fait obstacle à son amélioration. Mme Greenshields a dit au Comité que l’OTC travaillait à rendre compte avec une transparence accrue de l’état des cas qui lui sont soumis. Mme Pégeot a reconnu que l’OTC ignore combien de plaintes sont réglées par les compagnies aériennes avant de lui parvenir; elle a clarifié que les transporteurs ne sont pas tenus de fournir ces données.

M. Morrison a appelé toutes les entités formant l’écosystème de l’aviation à mettre en commun leurs données et à agir avec transparence, sans quoi on ne peut vérifier le bien‑fondé des plaintes ni les causes des perturbations. M. Lawford a dit au Comité que le partage des données est une pratique courante dans l’industrie de la télécommunication. Quant à M. Jack, qui affirme que les compagnies aériennes ont dès à présent toutes les données nécessaires, il a donné l’exemple de nombreux transporteurs américains qui publient chaque mois des statistiques sur les plaintes reçues et réglées, sur les valises perdues, etc.; selon lui, il en résulte une concurrence accrue et un meilleur service.

Arriéré des plaintes

À sa comparution du 28 novembre 2022, Mme Greenshields a avisé le Comité que l’OTC avait un arriéré de 30 000 plaintes, dont 80 % avaient été reçues après le 1er avril 2022. L’arriéré aurait augmenté pendant la période des Fêtes pour atteindre 33 000 plaintes au 12 janvier 2023, selon Mme Pégeot.

M. Lawford a dit que l’ampleur de l’arriéré s’explique en partie par un concours de circonstances : le RPPA est entré en vigueur quelques mois à peine avant le début de la pandémie de COVID-19, dont les conséquences ont par elles-mêmes suscité une hausse des plaintes. Selon Mme Greenshields, l’OTC avait reçu 7 600 plaintes en 2018–2019, soit avant l’entrée en vigueur du RPPA, contre 19 000 en 2019–2020. Le volume a quelque peu diminué par la suite, mais il était encore de plus de 15 000 plaintes en 2021–2022, et ce sont respectivement 3 000 et 5 700 plaintes qui ont été reçues en juillet et en août 2022.

M. Lawford a réclamé la simplification du processus. Selon lui, il est « ridicule » de croire que le cadre formel quasi judiciaire actuel de l’OTC « va permettre de traiter un volume élevé de demandes de recours de faible valeur soumises par des consommateurs au titre de problèmes courants, et malheureusement désormais chroniques, comme les vols retardés et annulés ». Même son de cloche chez M. Lukács : « [o]n ne devrait pas exiger 1 000 pages de documents pour décider du sort d’une demande d’indemnisation de 400 $ ». Mme De Bellefeuille, quant à elle, a recommandé l’évaluation du niveau de dotation de l’OTC.

Les responsables de l’OTC ont répondu que la capacité de traitement des plaintes était en cours de renforcement, grâce à l’amélioration et à la modernisation des procédés et à une hausse temporaire du financement prévue dans le Budget de 2022[19]. En plus de clarifier que les plaintes concernant l’accessibilité étaient traitées en priorité et que, dans ce domaine, il n’y avait pas d’arriéré[20], ces témoins ont rappelé que les plaintes en arriéré n’avaient qu’été reçues, et pas encore évaluées sur leur bien-fondé[21]. Compte tenu de l’évolution substantielle du volume de plaintes, Mme Greenshields a toutefois recommandé une « réinitialisation » pour que l’OTC devienne une « organisation opérationnelle », tandis que Mme Pégeot a soutenu que la clarification des règles sur la catégorisation des retards, des annulations et des refus d’embarquement aiderait à réduire le volume de plaintes.

M. Lawford a recommandé à l’OTC, pour qu’il puisse prendre le dessus sur l’arriéré, de trier et de classer les plaintes et de signifier une ordonnance de justification pour les cas semblables, comme on l’a fait pour certaines plaintes touchant la COVID au début de la pandémie. M. Jack s’est dit d’avis que les transporteurs devraient offrir proactivement une indemnité, ce qui réduirait l’arriéré non seulement de l’OTC, mais aussi de ces compagnies aériennes, qui ont elles aussi un mécanisme de traitement des plaintes. Ce témoin a cité un sondage national de l’Association canadienne des automobilistes qui révèle que 75 % des Canadiens croient que c’est le transporteur qui devrait contacter les passagers pour les indemniser lorsque leur vol est interrompu.

En ce qui concerne la possibilité de regrouper les plaintes, M. Lukács a dit que, « en toute logique », si un passager obtient une indemnisation, les autres occupants du même avion y ont droit également. M. Charbonneau a dit qu’un système automatique de ce genre pourrait convenir aux remboursements, mais que l’indemnisation doit refléter les préjudices précis subis par chaque passager individuel. D’autres témoins ont avancé la même objection[22].

M. Lukács a reconnu que le montant de l’indemnité de chaque passager dépendrait de l’ampleur du retard qu’il a subi, mais il a maintenu que l’admissibilité à l’indemnisation, elle, peut être déterminée pour l’ensemble des occupants de l’avion. Il a ajouté que cette possibilité est prévue aux termes de l’article 67.4 de la Loi sur les transports au Canada et du paragraphe 113.1(3) du Règlement sur les transports aériens, mais qu’à sa connaissance elle n’a jamais été mise en œuvre.

Mme Greenshields a avisé le Comité que l’OTC a déjà commencé à regrouper les plaintes qui concernent un même vol, afin d’accroître la capacité de traitement, et M. Oommen a signalé que l’Office avait l’intention d’utiliser la possibilité, mentionnée par M. Lukács, d’appliquer à tous les occupants d’un même avion la décision rendue à propos de l’un d’eux; ce faisant, il a semblé confirmer que l’OTC n’avait pas encore recouru à ce pouvoir au mois de novembre 2022. Il a toutefois clarifié que 97 % des plaintes à l’OTC se règlent de façon informelle et ne donnent donc pas lieu à une décision, auquel cas le pouvoir prévu à l’article 67.4 de la Loi sur les transports au Canada et au paragraphe 113.1(3) du Règlement sur les transports aériens ne s’applique pas.

M. Charbonneau a proposé que ce pouvoir soit élargi de telle sorte que la décision puisse être appliquée à tous les vols touchés par le même problème.

L’Office des transports du Canada

Les représentants de l’OTC ont expliqué que l’Office est à la fois un organe de réglementation et un tribunal administratif[23]. Interrogée sur les affirmations de M. Lukács, selon qui, il arrive que l’OTC « échange dans les coulisses des courriels chiffrés avec Transports Canada », Mme Pégeot a reconnu qu’il fallait rester en communication ouverte avec Transports Canada pour coordonner l’élaboration des règlements, mais elle a nié que ces communications prenaient la forme de courriels chiffrés. Elle a affirmé qu’un « mur bien étanche » séparait le tribunal administratif de l’OTC non seulement de Transports Canada, mais aussi, de façon interne, du reste de l’Office. Elle a aussi clarifié que les membres du tribunal ne sont pas nommés par le gouverneur en conseil « à titre amovible » : ils « ne peuvent être mis à la porte si le gouvernement n’aime pas les décisions qu’ils prennent ».

Le ministre Alghabra a signalé que, si on a voulu que l’OTC soit un organisme quasi judiciaire indépendant, c’est « afin d’éviter l’apparence d’ingérence politique dans les enquêtes, l’imposition des amendes et le processus pour exiger des comptes aux parties responsables ».

Selon M. Charbonneau et Mme De Bellefeuille, il faudrait renforcer les pouvoirs de l’OTC pour qu’il puisse agir, y compris proactivement. M. Lawford a recommandé la création d’un organe administratif de traitement des plaintes, supervisé par une instance réglementaire qui surveillerait les problèmes systémiques. Cette entité, qui pourrait s’inspirer des modèles canadiens que sont la Commission des plaintes relatives aux services de télécom-télévision (CPRST) ou l’Ombudsman des services bancaires et d’investissement (OSBI), simplifierait le processus de résolution des plaintes. M. Lawford a ajouté que la CPRST et l’OSBI sont financés par les entreprises et non par le contribuable.

Exécution de la loi

M. Lukács a dit au Comité que, en plus d’harmoniser la réglementation canadienne avec le cadre employé par l’UE, il faudrait renforcer la capacité de l’OTC de faire respecter la loi. Il a indiqué que, selon lui, l’Office n’a pas actuellement la capacité d’appliquer la réglementation de telle sorte que les compagnies aériennes « y pensent à deux fois avant de violer la loi ».

Les responsables de l’OTC ont signalé que, à la date de leur comparution le 12 janvier 2023, l’Office ne comptait que six agents d'application, un septième devant entrer en fonction « bientôt ». Ces agents font aussi un suivi auprès des compagnies aériennes pour s’assurer qu’elles respectent les décisions de l’OTC et « mènent […] des campagnes d’application ciblées et émettent des procès-verbaux de violation et des sanctions administratives pécuniaires[24] ». Selon M. Oommen, il suffit parfois qu’un agent d'application contacte une compagnie aérienne pour que celle-ci change la classification d’une perturbation de vol, reconnaisse qu’elle lui est « attribuable » et ainsi indemnise les passagers.

Les représentants du secteur aérien et les défenseurs des droits des passagers ont exprimé des opinions contrastées sur la question des amendes imposées aux compagnies aériennes. M. Rheault, par exemple, a affirmé que les sanctions que pouvait appliquer l’OTC aux termes du RPPA étaient comparativement très élevées, alors que M. Lawford, au contraire, a réclamé une hausse des amendes : elles « doivent être d’une rigueur extraordinaire. On suppose, en effet, qu’on interviendra très peu souvent contre ces infractions ». Dans le même ordre d’idées, M. Charbonneau et M. Lukacs ont  fait remarquer qu’il est actuellement plus avantageux financièrement, pour les compagnies aériennes, de risquer l’amende que d’indemniser les passagers.

M. Lukács a signalé que les amendes imposées par l’OTC étaient bien en deçà du montant maximum permis par la loi. Il a donc recommandé l’instauration de sanctions minimales obligatoires. De même, M. Jack a prôné le remplacement du système discrétionnaire actuel par l’imposition de limites maximales et minimales aux sanctions administratives pécuniaires (SAP), avec augmentation automatique en cas de récidive.

On a demandé aux témoins si la hausse des amendes se répercuterait sur le prix des billets. Mme De Bellefeuille a répondu que ce n’était pas le cas en Europe, mais que de toute façon, la situation actuelle était inacceptable du point de vue des droits des passagers. M. Lawford, de son côté, a dit que l’augmentation du coût des amendes pourrait bien être refilée aux consommateurs, mais qu’il en résulterait une amélioration du service, ou au moins une meilleure chance d’obtenir une indemnisation. M. Jack a fait valoir que, puisque l’augmentation des sanctions inciterait les transporteurs « à faire un meilleur travail dès le départ », on peut espérer que les amendes seraient « assez rares » et, en conséquence, qu’il n’y aurait pas de coûts additionnels qui se répercuteraient sur les consommateurs.

Les responsables de l’OTC ont dit au Comité que les objectifs des enquêtes et des SAP sont la « conformité et [le] changement de comportement[25] ». Rappelant que le RPPA n’a été adopté que relativement récemment et que la résolution informelle des plaintes est privilégiée, Mme Pégeot a confirmé que l’OTC n’avait au 12 janvier 2023 donné aucune amende pour défaut d’indemnisation. Par contre, dans le respect de l’approche graduelle exigée par le droit administratif, il avait imposé des SAP de plus de 185 000 $ au titre du RPPA, par exemple à des compagnies n’ayant pas répondu à des plaintes dans le délai de 30 jours[26][27].

Le ministre Alghabra a confirmé que son équipe étudiait la question des amendes et était ouverte à ce qu’on lui propose de les augmenter. Il a toutefois clarifié qu’il ne voulait pas interférer avec l’OTC, à qui incombe la décision d’infliger les amendes.

Conclusion

Au cours de son étude, le Comité a entendu de nombreux témoignages sur les faiblesses du RPPA et sur les mesures à prendre pour l’améliorer. La période des Fêtes de décembre 2022 et de janvier 2023 a mis en évidence beaucoup de lacunes. En particulier, le Comité a entendu parler du processus de détermination de l’admissibilité des passagers à l’indemnisation, de l’« écosystème » dans lequel diverses entités partagent la responsabilité du service aérien, et du rôle que doit jouer l’OTC pour que les passagers soient indemnisés en cas de retard, d’annulation ou de refus d’embarquement.


[1]              Comité permanent des transports, de l’infrastructure et des collectivités (TRAN), Témoignages, 44e législature, 1re session : Scott Wilson, vice-président, Opérations de vol, WestJet Airlines Ltd.; Michael Brankley, vice-président, Opérations ferroviaires, VIA Rail Canada inc.; Deborah Flint, présidente et chef de la direction, Autorité aéroportuaire du Grand Toronto (GTAA); Philippe Rainville, président-directeur général, Aéroports de Montréal (Aéroports de Montréal); Olivier Chouc, vice-président principal et chef des affaires juridiques, Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN).

[2]              TRAN, Témoignages : Flint (GTAA); Vrooman, présidente et directrice générale, Administration de l’aéroport de Vancouver (AAV); Martin R. Landry, président et chef de la direction par intérim, VIA Rail Canada inc. (VIA Rail); Chouc (CN).

[3]              TRAN, Témoignages : Vrooman (AAV).

[4]              TRAN, Témoignages : Len Corrado président, Sunwing Airlines; Andrew Gibbons, vice-président, Affaires extérieures, WestJet Airlines Ltd. (WestJet); David Rheault, vice-président, Relations gouvernementales et avec les collectivités, Air Canada (Air Canada); Vrooman (AAV); Flint (GTAA); Rainville (Aéroports de Montréal); Landry (VIA Rail); Chouc (CN).

[5]              TRAN, Témoignages : Vrooman (VAA); Corrado (Sunwing).

[6]              TRAN, Témoignages : L’honorable Omar Alghabra (ministre des Transports); Gibbons (WestJet); Ian Jack, vice-président, Affaires publiques, Association canadienne des automobilistes; Jeff Morrison, président et chef de la direction, Conseil national des lignes aériennes du Canada (CNLA); France Pégeot, présidente et première dirigeante, Office des transports du Canada (OTC).

[7]              TRAN, Témoignages : Craig Hutton, sous-ministre adjoint associé, Politiques, ministère des Transports (ministère des Transports); Michelle Greenshields, directrice générale, Direction générale du règlement des différends, Office des transports du Canada (OTC); Pégeot, (OTC); Dominic Rochon, sous-ministre par intérim, ministère des Transports.

[8]              TRAN, Témoignages :Landry (VIA Rail); Tim Hayman, président, Transport Action Atlantic.

[9]              TRAN, Témoignages : John Gradek, chargé de cours et coordonnateur académique, École d’éducation permanente, Université McGill, (à titre personnel); Gábor Lukács, président, Droits des voyageurs (DDV); Jacob Charbonneau, président-directeur général, Vol en retard (Vol en retard); John Lawford, directeur exécutif et avocat général, Centre pour la défense de l’intérêt public (CDIP).

[10]            Office des transports du Canada, Décision n° 89-C-A-2022, 8 juillet 2022; et Décision n° 107-C-A-2022, 25 août 2022.

[11]            TRAN, Témoignages : Lawford (CDIP); Lukács (DDV); Gradek (à titre personnel); Options consommateur (mémoire).

[12]            TRAN, Témoignages : Sylvie De Bellefeuille, avocate et conseillère budgétaire et juridique, Option consommateurs (Option consommateurs); Charbonneau (Vol en retard); Lukács (DDV); Lawford (CDIP).

[13]            TRAN, Témoignages : Gibbons (WestJet); Morrison (CNLA); Rheault (Air Canada); Rainville (Aéroports de Montréal); Flint (GTAA); Vrooman (VAA) .

[14]            TRAN, Témoignages : Rainville (Aéroports de Montréal); Flint (GTAA).

[15]            Dans son témoignage, M. Lawford a fait une allusion indirecte à l’affaire International Air Transport Association c. Office des transports du Canada, 2022 CAF 211, dans laquelle la Cour d’appel fédérale a déterminé que le paragraphe 23(2) du RPPA outrepassait le pouvoir de réglementation de l’Office des transports du Canada au titre de la Loi sur les transports au Canada.

[16]            TRAN, Témoignages : Rainville (Aéroports de Montréal); Lukács (DDV); Landry (VIA Rail).

[17]            TRAN, Témoignages : Rheault (Air Canada); Flint (GTAA).

[18]            TRAN, Témoignages : Greenshields (OTC).

[19]            TRAN, Témoignages : Greenshields (OTC); Hutton (ministère des Transports).

[20]            TRAN, Témoignages : Greenshields (OTC).

[21]            TRAN, Témoignages : Pégeot (OTC).

[22]            TRAN, Témoignages : De Bellefeuille (Option consommateurs); Gibbons (WestJet); Morrison (CNLA).

[23]            TRAN, Témoignages : Tom Oommen directeur général, Direction générale de l’analyse et de la liaison, Office des transports du Canada (OTC); Pégeot (OTC).

[24]            TRAN, Témoignages : Oommen (OTC); Pégeot (OTC).

[25]            TRAN, Témoignages : Oommen (OTC); Pégeot (OTC).

[26]            TRAN, Témoignages : Pégeot (OTC); et Pégeot (OTC).

[27]            Selon une liste de Mesures d'application prises par les agents verbalisateurs de l'OTC, l’Office a depuis imposé quelques amendes à l’encontre de compagnies aériennes pour défaut d’indemnisation en conformité avec le RPPA.