Le privilège parlementaire / Droits de la Chambre

Outrage à la Chambre : mépris allégué pour la volonté de la Chambre

Débats, p. 22460.

Contexte

Le 2 octobre 2018, Luc Thériault (Montcalm) soulève une question de privilège concernant le mépris allégué du gouvernement pour une motion adoptée à l’unanimité par la Chambre le 26 septembre 2017, par laquelle la Chambre réitérait sa volonté de maintenir intégralement la gestion de l’offre dans le cadre des renégociations de l’ALENA[1]. M. Thériault soutient que les concessions faites à propos des produits laitiers canadiens dans le cadre du nouvel accord commercial conclu entre les États-Unis, le Mexique et le Canada constituent un mépris évident de la volonté de la Chambre et qu’il s’agit donc d’un outrage au Parlement. Le 4 octobre 2018, Linda Lapointe (whip adjointe du gouvernement) fait valoir que la question soulevée relève du débat sur les faits, et qu’une résolution adoptée par la Chambre n’avait pas de force exécutoire[2]. Le Président prend la question en délibéré.

Résolution

Le 16 octobre 2018, le Président rend sa décision. Il confirme qu’une résolution ne lie pas la Chambre et sert à exprimer une opinion sans ordonner ni exiger du gouvernement qu’il prenne des mesures. Le Président explique aussi qu’il n’a pas le pouvoir d’obliger le gouvernement à respecter une résolution de la Chambre. Par conséquent, le Président estime qu’il n’y a pas, de prime abord, matière à question de privilège.

Décision de la présidence

Le Président : Je suis maintenant prêt à me prononcer sur la question de privilège soulevée le 2 octobre 2018 par le député de Montcalm concernant l’irrespect dont aurait fait preuve le gouvernement à l’égard d’une motion adoptée par la Chambre.

Je remercie l’honorable député de Montcalm d’avoir soulevé cette question, de même que la whip adjointe du gouvernement et le député de Cowichan—Malahat—Langford de leurs observations.

Lors de son intervention, le député de Montcalm a allégué que le gouvernement a fait fi d’une motion adoptée unanimement par la Chambre le 26 septembre 2017 qui disait :

Que cette Chambre réitère sa volonté de maintenir intégralement la gestion de l’offre dans le cadre des renégociations de l’ALENA.

Pour le député, les concessions faites à propos de l’accès au marché des produits laitiers canadiens dans le cadre du nouvel accord de libre-échange entre les États-Unis, le Mexique et le Canada constituent un rejet clair de la volonté de la Chambre et, de ce fait, elles constituent une atteinte grave à l’autorité de la Chambre et un outrage au Parlement.

Dans sa réponse, la whip adjointe du gouvernement à la Chambre a indiqué que la question soulevée était plutôt une question de débat sur les faits et qu’elle ne pouvait donc pas constituer une question de privilège.

Pour sa part, le député de Cowichan—Malahat—Langford a fait valoir qu’il existe, dans le compte rendu de la Chambre, une différence fondamentale entre le libellé de la version anglaise et de la version française de la motion adoptée le 26 septembre 2017 dont il faudrait tenir compte dans l’examen qui nous occupe.

La Chambre adopte régulièrement des motions, du consentement unanime ou par une simple majorité, ayant pour objectif de permettre aux députés de se prononcer sur toutes sortes de questions. Selon leur intention, ces motions prennent la forme d’une résolution ou d’un ordre. Les motions visant à faire des déclarations d’opinion sans ordonner ni exiger de prendre des mesures, comme celle adoptée le 26 septembre 2017, peu importe la façon dont elles sont formulées, sont considérées comme des résolutions. Comme le dit La procédure et les usages de la Chambre des communes, troisième édition, aux pages 536 et 537 :

Une résolution de la Chambre exprime une opinion ou une intention; elle n’exige pas la prise d’une mesure, pas plus qu’elle ne lie la Chambre. La Chambre s’est souvent penchée sur des résolutions afin d’appuyer une cause ou une position.

Les motions de ce genre ne peuvent lier le gouvernement ou l’empêcher de s’engager dans une voie donnée.

En réponse à une accusation selon laquelle le premier ministre de l’époque était coupable d’outrage au Parlement du fait qu’il n’avait pas tenu compte d’une motion adoptée par la Chambre visant l’adoption d’un rapport de comité, le Président Milliken a déclaré dans une décision rendue le 3 mai 2005, qui se trouve aux pages 5547 et 5548 des Débats de la Chambre des communes :

Bien que le gouvernement puisse s’inspirer des recommandations que formule un comité permanent […], le Président ne peut forcer le gouvernement à se soumettre à la recommandation du comité ni à la décision de la Chambre à cet égard.

Par conséquent, je ne peux conclure que la question soulevée constitue, de prime abord, un outrage à la Chambre, et il n’y a donc pas matière à question de privilège.

Je remercie les honorables députés de leur attention.

Note de la rédaction

Le 1er octobre 2018, M. Thériault (Montcalm) tente de soulever la même question de privilège, ce que le Président a jugé irrecevable, faute d’un préavis d’une heure[3].

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[1] Débats, 2 octobre 2018, p. 22119–22120.

[2] Débats, 4 octobre 2018, p. 22196.

[3] Débats, 1er octobre 2018, p. 22040.