Le privilège parlementaire / Droits de la Chambre

Outrage à la Chambre : premier ministre qui aurait délibérément induit la Chambre en erreur

Débats, p. 23033.

Contexte

Le 18 octobre 2018, Luc Thériault (Montcalm) soulève une question de privilège, affirmant que Justin Trudeau (premier ministre) aurait délibérément induit la Chambre en erreur en fournissant des renseignements inexacts durant la période des Questions orales du mercredi 17 octobre 2018. M. Thériault fait observer que, dans sa réponse à la question de Mario Beaulieu (La Pointe-de-l’Île), le premier ministre a indiqué que les provinces, dont le Québec, ont demandé au gouvernement fédéral de prévoir huit à douze semaines entre l’adoption du projet de loi C-45, Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d’autres lois, et la légalisation du cannabis. La réponse va à l’encontre d’une motion adoptée par l’Assemblée nationale du Québec le 16 novembre 2017. M. Thériault ajoute que le premier ministre a été mis au courant de la résolution et qu’en fournissant de l’information incorrecte en pleine connaissance de cause, il a délibérément induit la Chambre en erreur. Le Président prend la question en délibéré[1].

Résolution

Le 30 octobre 2018, le Président a rendu sa décision. Il explique que c’est en fonction de trois critères bien établis que la présidence détermine si un député a induit la Chambre en erreur. Il ajoute que le Président se limite à examiner les déclarations faites lors des délibérations au Parlement et que toute contestation de l’exactitude d’une réponse à une question orale est une question de débat. Faute de preuve claire indiquant que le premier ministre a induit la Chambre en erreur, le Président juge que, à première vue, il n’y a pas matière à question de privilège.

Décision de la présidence

Le Président : Je suis maintenant prêt à me prononcer sur la question de privilège soulevée le 18 octobre 2018 par le député de Montcalm concernant une déclaration trompeuse qu’aurait fait le premier ministre pendant la période des questions.

Je remercie l’honorable député de Montcalm d’avoir soulevé cette question.

Lors de son intervention, le député de Montcalm a soutenu que le premier ministre a induit la Chambre en erreur en fournissant des renseignements inexacts lorsque, durant la période des questions du 17 octobre 2018, il a déclaré que les provinces avaient demandé au gouvernement fédéral une période de huit à douze semaines entre la mise en vigueur du projet de loi légalisant le cannabis et sa légalisation effective. Selon le député, cette déclaration a été faite en dépit d’une motion adoptée le 16 novembre 2017 par l’Assemblée nationale du Québec, dont le premier ministre avait connaissance. Pour l’honorable député de Montcalm, le premier ministre avait ainsi l’intention d’induire la Chambre en erreur et il s’agit là d’un outrage qui constitue une atteinte au privilège.

La question de savoir si un député a délibérément induit la Chambre en erreur est toujours sérieuse et l’honorable député de Montcalm nous l’a rappelé lorsqu’il a mentionné les trois critères bien établis que le Président doit appliquer pour déterminer si une telle accusation constitue bel et bien une question de privilège.

De plus, tel qu’exprimé dans une décision que j’ai rendue le 20 novembre 2017, à la page 15303 des Débats, et je cite :

Les députés savent que chaque fois que la véracité des affirmations d’un député est mise en doute, le rôle de la présidence se limite strictement à examiner les propos tenus lors des délibérations parlementaires. En d’autres mots, la présidence ne peut pas se prononcer sur ce qui se dit hors du cadre des délibérations de la Chambre ou de ses comités.

En conséquence, outre la réponse du premier ministre lors de la période des questions, le Président ne peut être officiellement saisi des faits qui se seraient déroulés à l’extérieur des murs de cette enceinte et sur lesquels l’honorable député de Montcalm appuie son argumentaire.

Comme l’a déclaré le Président Milliken le 31 janvier 2008, à la page 2435 des Débats, et je cite :

[...]toute contestation de l’exactitude […] d’une réponse d’un ministre à une question orale est une question de débat; ce n’est pas une question pour laquelle la présidence a le pouvoir de trancher.

Les délibérations de la Chambre permettent aux députés de faire valoir leurs opinions divergentes dans le cadre de vigoureux débats. C’est la raison pour laquelle je rappelle aux députés de faire preuve de la plus grande rigueur afin que l’information présentée à la Chambre soit claire. Tous seront ainsi en mesure de remplir leur rôle comme il se doit.

En examinant les propos tenus à la Chambre le 17 octobre 2018, il n’existe aucune preuve claire qui m’amènerait à conclure que les critères applicables aux déclarations délibérément trompeuses ont été remplis. Par conséquent, je suis d’avis qu’il n’y a pas, à première vue, matière à question de privilège.

Je remercie les honorables députés de leur attention.

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[1] Débats, 18 octobre 2018, p. 22571–22572.