Passer au contenu
Début du contenu

CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 038 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 3 mai 2012

[Enregistrement électronique]

  (0850)  

[Traduction]

     Bonjour à tous. Il s'agit de la séance numéro 38 du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration. Nous sommes le jeudi 3 mai 2012. Conformément à l'ordre de renvoi du lundi 23 avril 2012, nous étudions le projet de loi C-31, Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et d'autres lois.
    Nous recevons aujourd'hui deux témoins: Delphine Nakache, professeure à la Faculté des sciences sociales de l'Université d'Ottawa, et James Bissett.
    Vous avez souvent témoigné devant nous, monsieur. Bonjour.
    Vous avez chacun 10 minutes pour nous présenter un exposé.
    Nous allons commencer par vous, madame Nakache. Merci d'être venue.
    Bonjour à tous. Je m'appelle Delphine Nakache. Je suis professeure de droit à l'Université d'Ottawa, mais vous avez raison de dire que j'enseigne et fais de la recherche à la Faculté des sciences sociales. Toutefois, j'ai fait ma formation dans le domaine juridique.

[Français]

    En décembre 2011, à titre de consultante externe, j'ai écrit pour le HCR un rapport portant sur les coûts humains et financiers de la détention des demandeurs d'asile au Canada. Ma présentation d'aujourd'hui portera sur les conditions de détention des demandeurs d'asile dans les prisons provinciales. Je vais me concentrer sur ce point parce que très peu de travaux ont été réalisés à ce sujet. Je tenais vraiment à souligner cet aspect.
    Si le projet de loi C-31 est adopté, le nombre de demandeurs d'asile détenus dans les prisons provinciales va augmenter de façon significative. Or, il existe déjà plusieurs problèmes importants reliés à la détention des demandeurs d'asile dans ces institutions. Il est donc essentiel de résoudre ces problèmes avant que la situation ne s'exacerbe.

[Traduction]

    Comme on s'attend à ce que l'augmentation la plus marquée du nombre d'immigrants détenus ait lieu en Colombie-Britannique, province qui est la destination la plus probable des gens qui arrivent par bateau, mon exposé d'aujourd'hui porte sur les conditions de détention des demandeurs d'asile en Colombie-Britannique. Toutefois, la situation est essentiellement la même un peu partout au Canada.

[Français]

    D'abord, quel est le portrait de la situation générale au Canada?

[Traduction]

    Au cours des trois dernières années, d'après l'ASFC, le taux d'utilisation des établissements provinciaux réservés aux immigrants a augmenté pour toutes les catégories d'immigrants, et il a dépassé 36 p. 100 des immigrants détenus.

[Français]

    Les demandeurs d'asile sont directement concernés par cette hausse. De 2005 à 2009, en moyenne, 23 p. 100 des réfugiés étaient détenus dans des prisons provinciales. De 2009 à 2010, cette proportion était passée à 29 p. 100. On parle donc ici d'une augmentation du nombre de demandeurs d'asile détenus dans les prisons provinciales. Il est important de souligner que la très grande majorité d'entre eux ne sont pas détenus parce qu'ils constituent un risque à la sécurité. Ils le sont uniquement pour des raisons d'immigration. Cela signifie, globalement, que près d'un demandeur d'asile sur trois qui est détenu en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés est enfermé dans un établissement de type carcéral, c'est-à-dire dans une prison municipale ou provinciale. Dans la plupart des cas, il s'agit d'une prison provinciale.
    Comment s'expliquent ces chiffres? C'est assez simple. Ils sont dus au fait qu'il n'existe au Canada que deux centres d'immigration de l'ASFC, qu'on appelle aussi les Centres de surveillance de l'immigration. En fait, il y en a trois, mais deux d'entre eux sont destinés à la détention des étrangers pour plus de 72 heures. Il y a un centre pour le grand Montréal et un autre pour le district du grand Toronto. Ailleurs au Canada, les demandeurs d'asile sont donc détenus dans des prisons provinciales ou municipales. Les prisons provinciales sont aussi utilisées partout au Canada pour détenir des personnes considérées à faible risque, mais qui présentent des troubles mentaux ou des troubles de comportement.
    Quelle est la situation en Colombie-Britannique, en particulier?

[Traduction]

    En Colombie-Britannique, les demandeurs d'asile sont détenus au Centre de surveillance de l'Immigration de la Colombie-Britannique pendant 72 heures, puis ils sont automatiquement transférés dans un établissement provincial.

[Français]

    Bien qu'il existe des prisons à sécurité moyenne en Colombie-Britannique, tous les demandeurs d'asile sont détenus dans des prisons à sécurité maximum. Les raisons ne sont pas évidentes.

[Traduction]

    Les responsables de B.C. Corrections disent aussi qu'ils veulent traiter tous les détenus de la même façon afin d'éviter toute forme de discrimination. Les gardiens des établissements provinciaux sont donc tenus dans l'ignorance du statut d'immigrant des détenus.

[Français]

et les demandeurs d'asile sont soumis, au même titre que n'importe quel autre prisonnier de droit commun, à l'ensemble des règles institutionnelles. Cela signifie, par exemple, qu'ils portent l'uniforme de prisonnier et que leur liberté de mouvement est extrêmement restreinte.

[Traduction]

    L'absence de traitement particulier pour les demandeurs d'asile pose problème.

[Français]

    Par exemple, contrairement aux demandeurs d'asile détenus dans les centres de l'ASFC, ceux qui sont en prison n'ont pas accès à Internet. Leurs appels téléphoniques sont extrêmement restreints. Ces appels peuvent avoir lieu uniquement lorsque les demandeurs d'asile sont dans la salle commune, c'est-à-dire à des moments très précis de la journée. De plus, étant donné que les appels sont sur écoute pour des raisons qui se comprennent dans un contexte criminel, ils prennent fin à n'importe quel moment.
    De plus, les appels locaux sont gratuits pour les demandeurs d'asile détenus aux Centres de surveillance de l'immigration, ou CSI, de l'ASFC, mais ils sont payants pour ceux qui sont détenus en institution carcérale. Quant aux appels internationaux, ils ne sont possibles qu'avec une carte d'appel délivrée par l'institution pénitentiaire. Par contre, mon expérience relative à la recherche et par rapport à ce que j'ai pu voir en Colombie-Britannique a révélé que les cartes d'appel ne fonctionnent pas pour tous les pays d'où proviennent les demandeurs d'asile.
    Ce sont des problèmes concrets, mais dans ces conditions-là, vous comprendrez qu'il est très difficile pour les demandeurs d'asile de réunir les documents nécessaires à leur revendication du statut de réfugié, d'autant plus que ces demandeurs bénéficient rarement d'une aide extérieure.
    En fait, pour les centres correctionnels, à part la Croix-Rouge qui visite ces centres de manière très irrégulière, aucune ONG n'est autorisée à rendre visite sur place aux demandeurs d'asile qui se retrouvent en prison. De plus, il est très difficile pour ces demandeurs d'asile d'obtenir en détention les services d'un avocat. Cela est bien plus difficile que pour ceux qui sont dans les centres de surveillance de l'immigration de l'ASFC.

  (0855)  

[Traduction]

    La situation est très différente ici de ce qu'elle est dans d'autres pays industrialisés.

[Français]

    La situation problématique dans les prisons provinciales est exacerbée par un flou juridique qui entoure le partage du champ des compétences entre le fédéral et le provincial. En effet, nous sommes dans un contexte où, en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, l'ASFC est l'autorité fédérale habilitée à détenir les demandeurs d'asile. Toutefois, en vertu de la Loi constitutionnelle de 1867, la province est responsable des soins, de la garde et du contrôle des demandeurs d'asile qui sont détenus dans des prisons provinciales. Cela signifie que même si l'ASFC détient le pouvoir décisionnel concernant la détention d'un demandeur d'asile, elle n'a pas de contrôle sur la manière dont les services correctionnels provinciaux gèrent leurs institutions carcérales.

[Traduction]

    Comme je le mentionne dans mon rapport, un intervenant de l'ASFC a dit que « la situation actuelle révèle une utilisation vraiment inefficace de l'argent des contribuables, puisque l'ASFC verse beaucoup d'argent aux établissements correctionnels, mais n'a aucune "emprise" sur ce que les établissements provinciaux font ».

[Français]

    Je vais revenir à la toute fin sur la question du coût financier de la détention.
    Les règles strictes de nature punitive relevant de l'institution carcérale ont été établies dans un but précis. Ce but est simple: encadrer les conditions de détention des prisonniers de droit commun. Il n'existe donc aucune raison, a priori, pour que ces règles soient appliquées aux demandeurs d'asile qui sont détenus en fonction du droit de l'immigration et non du droit pénal. D'ailleurs, c'est la raison pour laquelle le droit international stipule clairement que les demandeurs d'asile doivent être détenus dans des conditions conformes à leur statut et pas comme des personnes présumées ou reconnues coupables de délit.

[Traduction]

    À l'égard de ce problème, par exemple, un haut fonctionnaire du Department of Homeland Security des États-Unis admet dans un rapport qu'il a rédigé en 2009 que la détention d'immigrants dans les établissements correctionnels américains « s'assortit de plus de restrictions et coûte plus cher que ce qui est nécessaire pour gérer de façon efficace la majeure partie de la population carcérale ».
    Il est clair que les coûts se font sentir sur le plan des droits de la personne. Pour ne donner que quelques exemples, les demandeurs d'asile incarcérés sont soumis à des entraves inutiles et exagérées à leur liberté, ce qui nuit à leur capacité de demander une protection internationale. Il y a aussi des préoccupations concernant la sécurité des demandeurs d'asile détenus dans les établissements correctionnels de la Colombie-Britannique, dont la plupart n'ont jamais connu le milieu correctionnel auparavant et peuvent se mêler à la population carcérale ordinaire. En outre, la répartition des demandeurs d'asile dans les établissements à haute sécurité, plutôt que dans les établissements à sécurité moyenne, constitue une mesure de gestion exagérée de cette population, vu le risque pour la sécurité très faible qu'elle pose.

[Français]

    De plus, il y a aussi des coûts financiers. Évidemment, il est difficile d'avoir des statistiques sur les coûts financiers de la détention. Sur ce point, je voudrais vous référer à un rapport de 2010 de la vérificatrice générale concernant la détention en matière d'immigration.

[Traduction]

    Il vous reste une minute, madame Nakache.
    Parfait.
    Le rapport montre que les paiements faits par l'ASFC aux établissements provinciaux sont plus élevés que les coûts d'exploitation des établissements de détention de l'organisme. Les marchés conclus avec les établissements provinciaux à plusieurs endroits au Canada engendrent donc un énorme coût pour les contribuables.

[Français]

    Par conséquent, avant de mettre en place des mesures qui visent à détenir plus de demandeurs d'asile et pour plus longtemps, il est important au préalable de s'attaquer aux réels problèmes qui entourent les conditions de détention des demandeurs d'asile dans les établissements correctionnels provinciaux.

[Traduction]

    Certaines mesures ont déjà été prises pour faire en sorte que le gouvernement fédéral joue un rôle plus important. Toutefois, il est essentiel de déployer d'autres efforts pour régler les problèmes en question avant qu'ils ne s'accentuent avec l'adoption du projet de loi C-31.
    Merci.
    Vous avez fini juste à temps. Merci.
    Monsieur Bissett.
    Aujourd'hui, je vais lire le texte de mon exposé, pour aller plus vite.
    Je ne vais pas vous parler ce matin du coût extrêmement élevé de notre système actuel de détermination du statut de réfugié, ni du fait qu'il encourage le passage de clandestins, qu'il pose une menace grave pour la sécurité du Canada, qu'il mine notre système d'immigration, qu'il nuit à nos relations bilatérales avec beaucoup de pays qui sont nos alliés et compromet nos échanges et notre secteur du tourisme. Je ne vais pas vous parler du fait que c'est la principale raison pour laquelle nos voisins du Sud ont militarisé leur frontière avec nous ni, enfin, de ce que cela mine et inhibe les efforts déployés par le Canada pour régler les problèmes que connaissent les réfugiés à l'échelle mondiale.
    Depuis plus d'un quart de siècle, toutes les tentatives de réforme du système de détermination du statut de réfugié défectueux du Canada ont échoué. Cet échec est principalement attribuable au fait que nos politiciens, peu importe le parti qu'ils représentent à la Chambre, sont disposés à admettre les arguments d'un puissant lobby des réfugiés qui existe au pays, lobby qui résiste férocement à toutes les tentatives de réformer, même dans la mesure la plus modeste, un système qui, clairement, ne fonctionne pas bien. Ce lobby est constitué entre autres d'avocats spécialistes en droit de l'immigration, de consultants en immigration, du Conseil canadien pour les réfugiés, d'églises, d'Amnistie internationale et de toutes sortes d'autres groupes de défense de droits et d'organisations non gouvernementales. Bon nombre de ces organisations reçoivent beaucoup d'argent qui vient des contribuables pour mener leurs activités, et elles sont nombreuses à faire de l'excellent travail pour aider les demandeurs d'asile et les réfugiés qui arrivent au pays. Cela ne fait aucun doute.
    On pourrait douter de leur sincérité lorsque les organismes en question se posent en défenseur des pauvres réfugiés contre un gouvernement puissant et malveillant qui cherche à empêcher les gens persécutés de ce monde à entrer au Canada, mais ils ont le droit de faire des pressions en faveur d'un changement de politique qui serait dans leur intérêt, et je ne conteste pas cela. Ce qui est plus dérangeant, cependant, c'est que ce lobby joue un rôle prépondérant dans l'élaboration des politiques en matière d'asile depuis un quart de siècle. C'est comme si le Parlement avait délégué sa responsabilité d'élaboration de politiques dans ce domaine aux lobbyistes. Le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration les appelle par exemple intervenants, et non lobbyistes.
    Vous remarquerez que j'établis une distinction claire entre les politiques relatives à l'asile et celles qui concernent les réfugiés. Le lobby des réfugiés ne tient pas compte de cette distinction, et ses représentants aiment faire croire aux médias et à la population que les milliers de gens qui se présentent à nos frontières de façon spontanée et sans invitation en affirmant être persécutés sont considérés comme étant des réfugiés. Eh bien, ce n'est pas vrai. Ce ne sont pas des réfugiés. Ces gens ne sont pas considérés comme des réfugiés avant que la CISR n'accueille leur demande et ne rende une décision définitive quant au fait qu'ils respectent les critères qui définissent la catégorie des réfugiés.
    Depuis que le Canada permet à quiconque se présente à la frontière d'avoir une audience devant un tribunal quasi judiciaire, avec dans la plupart des cas l'accès gratuit à un conseiller juridique et l'accès aux tribunaux, la Commission du statut de réfugié a un arriéré important, bien entendu. On compte à l'heure actuelle quelque 40 000 cas de personnes qui attendent l'examen de leur demande, ce qui signifie qu'une personne qui se présente aujourd'hui pour faire une demande d'asile ne va probablement pas avoir d'audience avant deux ans ou à peu près. Plus on attend longtemps avant la tenue de l'audience, plus il est difficile, évidemment, pour quiconque de décider de renvoyer ces gens chez eux, même lorsqu'ils ne sont pas considérés comme étant des réfugiés. C'est presque impossible à faire.
    Prenez l'exemple des deux navires tamouls qui sont arrivés l'un il y a trois ans et l'autre il y a deux ans. Il y avait à bord de ces navires quelque 500 demandeurs d'asile, et, à ma connaissance, moins de 20 ont été renvoyés dans leur pays. Les autres sont encore ici, et ils vont probablement rester pendant encore une année ou deux. Ils ne vont pas rentrer dans leur pays. Vous pouvez en être sûrs.
    En 1989, lorsqu'une nouvelle loi sur les réfugiés était rédigée pour contrer ce nouveau phénomène soudain de gens qui arrivaient au Canada pour demander l'asile, Lloyd Axworthy était ministre, et il a demandé à un professeur de l'Université d'Ottawa, M. Edward Ratushny, de réaliser une étude et de formuler des recommandations à l'intention du gouvernement du Canada pour régler ce problème.
    M. Ratushny a dit dans ses recommandations que, pour qu'un tribunal quasi judiciaire puisse fonctionner adéquatement, il faut s'assurer que tout le monde n'y ait pas accès. Il a ajouté que la chose est vouée à l'échec si l'on offre à tous un accès intégral et libre à un tribunal quasi judiciaire. Le tribunal ne peut pas, à ce moment-là, composer avec le volume, et il est submergé de demandes. Évidemment, c'est exactement ce qui s'est produit dans le cas de la Commission du statut de réfugié.

  (0900)  

    La loi adoptée en 1989 contenait bel et bien la recommandation formulée par M. Ratushny, c'est-à-dire de régler très rapidement au début du processus le cas des gens provenant d'un tiers pays sûr. Il n'y a pas lieu de leur offrir de protection. Ils en avaient déjà une dans leur pays d'origine, et M. Ratushny pensait donc qu'il ne fallait pas leur permettre de présenter une demande, puisqu'ils ne feraient qu'engorger le système. Évidemment, il avait raison, mais, comme d'habitude, personne ne l'a écouté.
    Trois jours avant l'adoption du projet de loi qui aurait inclus les dispositions permettant au gouvernement de décider quels pays étaient sûrs, Barbara McDougall, qui était alors ministre, a annoncé que le projet de loi allait être adopté, mais sans les dispositions concernant les pays sûrs. Évidemment, la commission faisait déjà face à ce moment-là à de graves problèmes.
    Deux ans après, en 1991, le nombre de demandeurs d'asile au Canada était passé à 67 000. Deux ou trois ans plus tard, il était de 55 000, puis de 58 000. Il est demeuré très élevé depuis, parce qu'il n'y a aucun moyen d'écarter les gens qui n'ont manifestement pas besoin de notre protection.
    La Convention des Nations Unies sur les réfugiés impose une obligation fondamentale à ses signataires, et c'est celle de ne pas renvoyer de réfugiés dans un pays où ils craignent d'être persécutés. La convention ne parle pas des demandeurs d'asile. Pourquoi? C'est bien sûr parce qu'il ne s'agit pas de réfugiés. Ce sont des gens qui cherchent à obtenir le statut de réfugié et qui affirment être des réfugiés, mais bon nombre d'entre eux, comme nous le savons — 60 p. 100 au moins des gens qui présentent une demande à la CISR — sont considérés comme n'étant pas des réfugiés authentiques.
    Avec cette obligation en tête, il est clair que le Canada a le droit, comme pays souverain, de désigner des pays sûrs pour les réfugiés. Il n'y a aucune raison de ne pas désigner l'ensemble des pays de l'Union européenne comme étant des pays sûrs pour les réfugiés. Les gens sont pleinement protégés là-bas par les tribunaux européens des droits de la personne.
    Les États-Unis sont un pays sûr pour les réfugiés. Le taux d'admission y est très élevé, et les cas y sont tranchés par des juges professionnels. Nous devrions renforcer nos ententes concernant les pays sûrs avec les États-Unis. Les Américains n'étaient pas très enthousiastes à l'idée de signer une entente du genre, et ils se sont assurés que la disposition concernant les tiers pays sûrs ne s'applique pas lorsqu'une personne se présentant à la frontière avait un parent, même éloigné, au Canada. Les autorités américaines savaient que 50, 60 et peut-être même 80 p. 100 des gens partant des États-Unis pour venir ici étaient passés par les États-Unis pour rejoindre des parents au Canada.
    La désignation en question ne serait en aucun cas contraire à la Convention des Nations Unies. Tous les pays d'Europe ont une liste de pays sûrs et des dispositions concernant les tiers pays sûrs. Ils en ont tous, parce que, sinon, ils ne pourraient pas composer avec le volume de gens qui arrivent chez eux. L'Allemagne a reçu 493 000 demandes d'asile en 1993. L'année suivante, elle a modifié sa constitution pour régler le problème. Nous n'avons toujours pas été en mesure d'apporter quelque modification que ce soit à nos lois, malgré les tentatives de réforme.
    J'appuie le projet de loi qui se trouve devant le Parlement, parce qu'il s'agit à mon avis d'une tentative modeste d'apporter des changements. Je ne pense pas que cela va fonctionner, pour être tout à fait franc, parce que nous n'écartons pas encore rigoureusement les gens qui viennent d'Europe ou des États-Unis. On leur permet de présenter une demande. Ils n'ont pas le droit d'interjeter appel à la nouvelle section des appels de la Commission, mais ils ont le droit de demander l'autorisation d'interjeter appel à la Cour fédérale.
    Je pense que les délais qu'on veut leur imposer vont être contestés par les avocats, et peut-être en vertu de la Charte. Je ne pense pas que cela va fonctionner.

  (0905)  

    Monsieur Bissett, il vous reste une minute.
    D'accord.
    Je pense qu'il y a de bons éléments dans le projet de loi qu'il faut appuyer, mais je crains qu'ils n'aillent pas suffisamment loin. Ce nouveau projet de loi ne vas pas fonctionner, à moins qu'il s'assortisse d'un système permettant d'écarter, dès le départ, les gens qui ne sont de toute évidence pas des réfugiés et qui n'ont pas le droit de présenter une demande parce qu'ils bénéficient d'une protection dans le pays d'où ils viennent.
    Si l'on ne renvoie pas les réfugiés, ou les demandeurs d'asile, dans les 48 heures, ils sont ici pour de bon. C'est la raison pour laquelle nous sommes devenus une cible de choix pour les passeurs de clandestins. Ils peuvent garantir à leurs clients que, même si leur demande est rejetée par la Commission, ils vont pouvoir rester. Nous ne renvoyons que très peu de gens.
    Nous en détenons plus qu'avant, comme Mme Nakache l'a dit, et je suis d'accord avec beaucoup de choses qu'elle a dites. Nous devrions détenir ces gens dans des quartiers de détention plutôt que dans des prisons. Toutefois, si on ne les renvoie pas rapidement, on ne peut plus rien faire.
    Enfin, Lucienne Robillard, qui était alors ministre, a publié en 1999 un excellent rapport intitulé Au-delà des chiffres. Je pense que le ministère de l'Immigration rendrait un grand service au comité en remettant les chapitres de ce rapport concernant la protection aux membres du comité. Si nous avions appliqué les recommandations contenues dans ce rapport, nous serions un chef de file dans le monde pour ce qui est d'aider les réfugiés et aussi de traiter équitablement les demandeurs d'asile.
    Merci.

  (0910)  

    Merci, monsieur Bissett.
    Madame James, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à nos deux invités.
    Je vais commencer tout de suite à poser des questions, et ma première série de questions s'adresse à M. Bissett.
    Monsieur Bissett, savez-vous que 25 p. 100 des demandes d'asile sont présentées par des citoyens de l'Union européenne et que 95 p. 100 de ces demandes sont soit abandonnées, soit retirées, ou encore rejetées. Le traitement d'une demande prend jusqu'à deux ans, comme vous l'avez indiqué. Savez-vous aussi que le traitement de ces demandes coûte annuellement 170 millions de dollars aux contribuables?
    Oui. Je ne suis pas d'accord avec cette affirmation. J'ai fait mes propres calculs, et ce sont des calculs simples à faire.
    En 2008, il y avait un arriéré de 60 000 demandes d'asile au Canada. Le ministère nous dit qu'il lui coûte 50 000 $ par année pour s'occuper d'un demandeur d'asile débouté. S'il y en a 60 000  multiplié par 60 p. 100, multiplié par 50 000, cela donne 1,1 milliard de dollars. Je ne parle que des demandeurs d'asile déboutés. Le coût réel, c'est lorsqu'ils sont libérés et qu'il faut encore s'en occuper. D'après mes calculs, notre régime d'asile nous coûte de deux à trois milliards de dollars par année.
    Merci.
    Nous avons reçu un représentant de la Fédération canadienne des contribuables au cours d'une autre séance, et lui aussi a parlé de 50 000 $ par demande. C'est intéressant que vous ayez pris le même chiffre.
    Selon vous, pourquoi les gens qui prétendent être des réfugiés suivent-ils le processus avant de retirer leur propre demande?
    Les chiffres concernant l'Europe ont été amplifiés dans une certaine mesure par le mouvement des Roms de la République tchèque et de la Hongrie. Celui-ci a commencé en 1994, en fait, et il se poursuit depuis. Des milliers de Roms, près de 15 000, je crois, sont venus au Canada. Ils sont très nombreux à ne même pas se donner la peine de comparaître devant la Commission du statut de réfugié, puisque l'objectif qu'ils poursuivent en venant ici, c'est non pas de s'installer définitivement, mais plutôt de rester pour toucher des prestations d'aide sociale et d'aide au logement, ainsi que de profiter des avantages qu'offre un État-providence qui sont beaucoup plus importants ici qu'en Hongrie.
    Merci.
    Savez-vous quoi? C'est ce que mentionnent le plus souvent mes électeurs qui se plaignent au sujet du système actuel. Fait intéressant, nous avons reçu un conseiller de l'ambassade de Hongrie au cours d'une séance antérieure, et il a dit que l'une des raisons pour lesquelles les gens de son pays agissent ainsi, c'est que le Canada leur offre essentiellement une façon d'obtenir facilement l'argent. Je suis très fâchée de ce qui se passe, et je sais que mes électeurs le sont aussi.
    Croyez-vous que les contribuables doivent tolérer cette situation? Croyez-vous que les contribuables doivent payer la note?
    Les contribuables devraient être très préoccupés par cette situation, mais ils présument, comme ils le font toujours, et ils ont probablement raison, que le gouvernement agit dans leur intérêt. Les Canadiens en général ne réfléchissent pas aux politiques concernant les réfugiés ni ne s'en préoccupent. Ils présument que le gouvernement agit selon leur intérêt. La Commission du statut de réfugié n'est pas très transparente. Il n'est pas facile d'obtenir de celle-ci des chiffres et de l'information factuelle, même pour les personnes qui s'intéressent à la chose. Il faut faire beaucoup de recherche.
    Je pense donc que, oui, les contribuables canadiens devraient être très préoccupés.
    Merci.
    Le projet de loi porte entre autres sur la désignation de pays sûrs, en fonction de facteurs quantitatifs et qualitatifs. Vous avez parlé des tiers pays sûrs dans votre déclaration préliminaire.
    Nous avons une entente avec un tiers pays sûr, soit les États-Unis. Selon vous, les mesures que contient le projet de loi vont-elles suffisamment loin pour ce qui est de la désignation de pays sûrs, ou est-ce que nous devrions conclure davantage d'ententes avec des tiers pays sûrs? Je sais que vous avez effleuré le sujet. Je voudrais seulement connaître votre opinion là-dessus, si vous voulez bien approfondir la question.
    Oui.
    Je pense que l'entente conclue avec les Américains contenait des failles importantes. Ils connaissent notre politique concernant les réfugiés aussi bien que nous. Ils sont conscients du fait que, s'ils avaient une entente de tiers pays sûr, ils se retrouveraient pris avec des milliers de personnes qui ont des parents au Canada et qui pourraient facilement entrer aux États-Unis, parce qu'elles n'auraient pas besoin de visa. Ces gens pourraient se rendre au poste frontalier de Lacolle, au Québec, et simplement traverser la frontière pour rejoindre leurs parents. Les Américains ont donc insisté pour qu'il y ait beaucoup d'exceptions de prévues dans l'entente.
    Pour répondre à votre question, nous pourrions bien sûr conclure des ententes de pays sûrs et de tiers pays sûrs avec tous les pays de l'Europe occidentale, ainsi qu'avec les États-Unis et l'Australie et certains pays d'Europe qui ne sont pas membres de la Communauté européenne, comme la Suède et la Norvège. Nous accueillons des demandeurs d'asile provenant de ces pays. L'an dernier, des demandeurs d'asile en provenance de 180 pays différents sont venus au Canada. Ils ne viennent pas tous en bateau, ce qui attire beaucoup l'attention, et, en fait, ils sont très peu nombreux à le faire. Il y a des gens qui arrivent tous les jours.

  (0915)  

    Merci beaucoup.
    Je vous ai écouté parler de la différence entre un demandeur d'asile et un réfugié légitime, de bonne foi. Nous avons entendu d'autres témoins en parler au cours des derniers jours. Les témoins parlent de la détention des réfugiés. Toutefois, l'une des raisons pour lesquelles nous devons les détenir, surtout lorsqu'il y a une arrivée massive, c'est que les gens arrivent sans documents; parfois, leurs documents sont jetés à l'eau, et parfois ce sont des faux. Il est impossible de croire que quiconque au Canada s'attendrait à ce qu'une personne qui arrive ici sans pièces d'identité adéquates soit simplement libérée. Je suis content que vous ayez établi la distinction entre demandeur d'asile et réfugié.
    Le projet de loi porte surtout sur le fait d'aider les réfugiés de bonne foi à faire traiter leur demande plus rapidement au Canada. Je pense qu'on n'en a pas parlé suffisamment au cours des réunions du comité. Beaucoup de témoins se concentrent sur l'aspect du passage de clandestins, ce qui représente une très petite proportion de réfugiés qui viennent au Canada, et je suis donc contente que vous ayez fait le point là-dessus.
    Pour en revenir à la question de la Hongrie et des autres pays du même type, la Hongrie fait évidemment partie de l'Union européenne. Les gens là-bas ont le choix entre 26 pays avant de décider de venir au Canada. Si vous étiez persécuté dans votre pays, ne choisiriez-vous pas l'endroit où il serait le plus pratique, le plus rapide et le plus sûr d'aller, plutôt que de choisir simplement le Canada parce que c'est facile d'y obtenir de l'argent?
    Dans le cas des Roms de l'Europe de l'Est, j'ai servi dans les Balkans, où il y a une importante population de Roms. Ils font clairement l'objet d'une discrimination, mais la discrimination, ce n'est pas de la persécution. Si vous commencez à considérer comme étant des réfugiés toutes les personnes qui sont victimes de discrimination dans leur pays, vous allez vous retrouver dans une situation très difficile. Il y a 20 millions d'intouchables en Inde. Ils sont victimes de discrimination. La seule raison pour laquelle ils ne viennent pas ici et ne présentent pas de demande à la Commission, c'est qu'ils n'ont pas d'argent pour le faire.
    Les Roms ont des députés au Parlement hongrois, et ils en ont aussi au Parlement européen. Les lois de la Hongrie et de la République tchèque sont aussi efficaces que les nôtres, et les Roms sont protégés par les conventions relatives aux droits de la personne signées par la Communauté européenne. Ils ne viennent pas ici parce que ce sont des réfugiés. Ils viennent ici parce que, en Hongrie, ils reçoivent grosso modo l'équivalent de 500 $ par mois en prestations d'aide sociale. Ils arrivent à peine à survivre, mais ils s'en sortent, parce que, en Hongrie, ce n'est pas si mal. S'ils viennent ici, cependant, ils s'en tirent très bien.
    Merci, monsieur Bissett.
    Madame Sims.
    Hier, on nous a donné différents chiffres concernant le traitement des Roms et le genre de répercussions que leur présence a, alors nous avons demandé à nos analystes de fournir à tous les membres du comité quelques données, de façon à ce que nous puissions parler des faits, plutôt que de chiffres qui semblent changer assez souvent.
    Une autre chose, comme vous le savez tous les deux, c'est qu'il y a le projet de loi C-11, lequel a été adopté à l'unanimité par les partis. Celui-ci n'a pas été pleinement mis en oeuvre. Dans le projet de loi C-11, il y a une disposition concernant la détention. Évidemment, notre système actuel nous permet de détenir une personne jusqu'à ce qu'elle ait été identifiée. Même dans le cadre du système actuel, nous sommes aux prises avec une énorme pénurie de places dans les centres de détention et, d'après le tableau que vous et bien d'autres gens avez brossé au cours des derniers jours, les conditions dans ces centres de détention et prisons ne sont pas à la hauteur de ce que nous voudrions offrir aux gens concernés, surtout dans le cas des demandeurs d'asile qui viennent de régions où il y a beaucoup de danger. Il y a un coût que les contribuables doivent assumer.
    Pouvez-vous parler un peu plus, madame Nakache, du contenu du rapport du vérificateur général et du coût d'acquisition de places dans les prisons?
    J'ai apporté beaucoup de documents aujourd'hui, mais aucun qui ne soit tiré de ce rapport du vérificateur général. Ce dont je me souviens, c'est que les coûts globaux de la détention dans les établissements correctionnels découlent d'une entente conclue entre l'ASFC et les provinces, l'ASFC versant de l'argent aux provinces pour qu'elles assurent la détention des immigrants. Pour ce qui est des coûts globaux, malheureusement, nous avons vraiment besoin de recueillir plus de données là-dessus. Nous devons mettre davantage de statistiques à la disposition de tous.
    Je me rappelle avoir demandé de l'information aux responsables pour mon rapport, mais ils m'ont dit qu'ils ne pouvaient pas me fournir ce genre d'information. Mais d'après le rapport, pour les années 2005 à 2007, les coûts globaux de la détention dans les établissements correctionnels étaient plus élevés. Ils étaient plus élevés, et l'on sait que plus du tiers des immigrants sont détenus dans les établissements correctionnels. En fait, le coût est beaucoup plus élevé dans les établissements correctionnels que dans les centres de détention.
    J'aimerais ajouter une dernière chose. Je suis contre le projet de loi C-31, et je suis venue ici parce que je voulais vraiment vous décrire un problème précis. Je crois que la détention n'est pas une mesure de dissuasion efficace contre l'immigration irrégulière. Je crois qu'il y a d'autres façons de régler les problèmes auxquels vous faites face concernant l'immigration irrégulière. Comme vous l'avez dit, il est également vrai qu'il y a des problèmes relatifs à la détention dans les centres de surveillance, mais l'augmentation du nombre de personnes détenues dans un établissement correctionnel pose problème et devrait vraiment être examinée attentivement avant l'adoption du projet de loi.

  (0920)  

    Comme vous le savez, le projet de loi prévoit la détention obligatoire des gens qui arrivent en situation irrégulière, et notamment une détention de un an. Beaucoup de gens ont dit que c'est déraisonnable et excessif. Pouvez-vous parler de cela et des obligations internationales ou des droits garantis par la Charte qui pourraient ne pas être respectés si cette mesure était appliquée?
    Brièvement, je pense que vous connaissez tous l'arrêt Charkaoui de la Cour suprême. Cette décision précise clairement que les motifs de détention doivent faire régulièrement l'objet d'un contrôle. La Cour suprême a affirmé que le maintien en détention après 120 jours sans contrôle des motifs de détention constituait une violation de la Charte canadienne et des normes internationales en matière de droits de la personne.
    En gros, je pense que la disposition du projet de loi qui permet le maintien en détention d'une personne sans contrôle des motifs pendant un an va être contestée devant les tribunaux. Compte tenu de l'arrêt Charkaoui, qui portait sur un contexte très particulier lié aux certificats de sécurité, nous savons que cette disposition particulière du projet de loi va être contestée, parce qu'elle est inconstitutionnelle par rapport à la Charte canadienne et contraire à plusieurs normes en matière de droits de la personne.
    Pour n'en mentionner que deux, il y a le principe de proportionnalité en droit international. Le droit international n'interdit pas la détention à des fins d'immigration. Il prévoit seulement que la durée de la détention doit être proportionnelle aux objectifs poursuivis. Dans le cas qui nous intéresse, il est difficile de voir comment on pourrait justifier le fait de détenir des demandeurs d'asile pendant un an sans contrôle des motifs de détention, si l'objectif ne concerne que les arrivées irrégulières. Par ailleurs, il s'agit d'un traitement inhumain et dégradant, et il y a une norme à cet égard en droit international qui a clairement été intégrée dans notre Charte aussi, entre autres au titre des articles 7 et 9.
    Merci beaucoup.
    Me reste-t-il du temps, monsieur le président?
    Il vous reste environ 20 secondes.
    Je veux revenir brièvement sur le projet de loi C-11. Celui-ci nous permet, comme gouvernement, de détenir les gens jusqu'à ce qu'ils aient été identifiés. Ils font l'objet d'une vérification visant à déterminer s'ils sont des terroristes ou ont fait certaines choses au cours de leur vie. Ainsi, cet aspect excessif du projet de loi semble superflu, et il semble que nous pourrions simplement restaurer le projet de loi C-11 et que les Canadiens bénéficieraient de la même protection, tandis que la détention de un an ne profite à personne, même si elle coûte encore plus cher aux contribuables.
    Merci.

  (0925)  

    J'ai une petite question à poser avant de céder la parole à M. Lamoureux.
    Vous n'êtes pas la seule personne à avoir laissé entendre que la détention est inappropriée ou pourrait être inconstitutionnelle. Compte tenu de la possibilité que certains demandeurs soient des terroristes — des faits peuvent avoir été présentés comme quoi certaines personnes sont des terroristes, mais sans être concluants, ou encore il peut y avoir des faits qui tentent à montrer que certaines personnes ont pris part à des activités criminelles, mais sans que ces faits ne soient concluants — avez-vous quelque chose d'autre à recommander que la détention?
    S'il est possible qu'une personne soit un terroriste ou un criminel, nous ne pouvons pas simplement la laisser évoluer comme elle le souhaite au sein de la société canadienne. Nous ne pouvons tout simplement pas le faire.
    Je pense que le risque pour la sécurité de la population canadienne est un motif de détention légitime. Je voudrais simplement rappeler aux membres du comité que, d'après les chiffres de l'ASFC, seulement 6 p. 100 des réfugiés et demandeurs d'asile détenus le sont pour des motifs liés à la sécurité. Cela signifie essentiellement que 94 p. 100 des réfugiés ou demandeurs d'asile sont détenus pour l'une ou l'autre de deux raisons principales: parce qu'il y a un risque qu'ils ne se présentent pas et ne suivent pas les procédures d'immigration ou parce que leur identité n'est pas établie, ce qui est le plus souvent le cas. Dans ce cas précis, je crois qu'il pourrait y avoir des solutions de rechange à la détention, et je suis en fait...
    Quelles sont ces solutions de rechange?
    Probablement le fait de s'assurer qu'ils se conforment aux procédures d'immigration, entre autres...
    Et comment allons-nous faire cela si nous les libérons?
    La raison pour laquelle je pose la question, c'est que beaucoup d'avocats qui ont témoigné devant nous nous ont dit que la détention est inconstitutionnelle.
    Tout ce que je sais, c'est que ce serait totalement irresponsable — et je suis le président du comité et je ne devrais pas prendre position — de laisser les gens évoluer comme ils le veulent au sein de notre société si ce sont peut-être des criminels ou des terroristes. Je respecte donc votre avis, lorsque vous dites que la chose est peut-être inconstitutionnelle, mais, lorsque vous dites cela, il faut certainement qu'il y ait des solutions de rechange.
    Je ne dis pas que la détention est inconstitutionnelle en soi. Je dis qu'il doit y avoir un contrôle des motifs de détention à intervalles réguliers. Il y a si vous voulez un cadre juridique régissant la détention qui doit être respecté. Le droit international ne dit pas que la détention aux fins d'immigration doit être interdite, qu'elle est illégale. Il dit simplement qu'elle doit être autorisée à l'intérieur d'un cadre juridique.
    Je comprends très bien ce que vous dites et vos préoccupations, et je comprends aussi que c'est un équilibre difficile à atteindre, mais...
    Je suis désolé, mais ce n'est pas une question d'équilibre. Le problème, c'est que s'il y a plein de gens qui arrivent — je vais m'arrêter bientôt, monsieur Lamoureux, et je vous remercie de ne pas m'interrompre — par bateau ou par un autre moyen de transport, nous ne savons pas qui ces gens sont. Parfois, ils n'ont pas de pièces d'identité. Les autorités canadiennes ont l'obligation de déterminer s'il y a des gens parmi ceux-ci qui sont des terroristes, ou s'il y en a qui sont des criminels, parce qu'on a affirmé devant le comité que des gens qui pourraient être des terroristes ou des criminels sont passés à travers les mailles du filet et vivent parmi nous.
    Encore une fois, d'après les statistiques de l'ASFC, ce ne sont que 6 p. 100 des réfugiés et des demandeurs d'asile qui sont détenus pour des motifs liés à la sécurité.
    Il y a des études, entre autres des études commandées par le gouvernement, qui montrent clairement que la détention n'est pas un moyen efficace de dissuader l'immigration irrégulière. C'est un fait. Vous voulez des faits. Voici les faits: cela ne fonctionne pas, et il y a...
    D'accord. J'ai abusé des privilèges que me confèrent mes fonctions de président.
    Monsieur le président, j'invoque le Règlement.
    Excusez-moi, je vais laisser M. Lamoureux...
    M. James Bissett: Monsieur le président, avec la permission de M. Lamoureux, j'aimerais simplement faire un commentaire...
    Le président: Monsieur Bissett, allez-y.
    Un autre motif à l'origine des dispositions relatives à la détention de un an découle des incidents liés au premier bateau qui est arrivé ici en provenance de la Chine au milieu des années 1990. Un bateau rempli de personnes souhaitant présenter une demande d'asile est arrivé de la Chine. Toutes ces personnes ont été mises en liberté, et aucune d'entre elles ne s'est présentée à son audience devant la Commission. Nous n'avons aucune idée de l'endroit où elles se trouvent.
    Un deuxième bateau est arrivé ici, et tous ses passagers ont été mis en détention. Ils ont fait l'objet d'une procédure accélérée. Des commissaires de la Commission ont été envoyés à Vancouver. Toutes ces personnes ont subi une entrevue. Il a été conclu que toutes ces personnes, à l'exception de quatre d'entre elles, avaient présenté une demande non authentique, et nous avons demandé au gouvernement de la Chine de nous accorder la permission de renvoyer ces gens là-bas. La réponse du gouvernement a été la suivante: « Renvoyez-les tous, ou n'en renvoyez aucun. » Des négociations très délicates ont été tenues à ce sujet. En fin de compte, le gouvernement de la Chine a accepté, si je ne m'abuse, que quatre de ces personnes demeurent ici, et que les autres soient renvoyées là-bas. Aucun autre bateau en provenance de la Chine n'est venu ici.

  (0930)  

    J'invoque le Règlement, monsieur le président.
    Le président: Je sais, nous avons dépassé le temps.
    Mme Jinny Jogindera Sims: Non. Monsieur le président, je crois que j'ai le droit d'exposer mon rappel au Règlement.
    Tout à fait.
    J'estime que le président a abusé du temps. Je comprends que vous avez formulé un bref commentaire avant de passer à un autre intervenant, mais je crois que vous avez utilisé sept minutes. Je n'ai jamais été témoin d'une intervention de ce genre, et je n'ai jamais vu personne prendre de telles libertés.
    Ainsi, je souhaite vraiment que les membres de l'opposition se verront accorder, en contrepartie, un temps équivalent, parce que je crois que cela était inapproprié aujourd'hui, monsieur le président.
    J'invoque le Règlement, monsieur le président. Si nous nous mettons à passer notre temps à parler du temps, les trois premières journées de réunion du comité pourront être considérées comme un exemple illustrant le fait que le gouvernement perd du temps à chaque heure en raison de rappels au Règlement.
    Madame Sims, si vous voulez que nous parlions du temps, du temps qui a été perdu ou de celui qui a été gagné, je devrai vous demander de formuler une recommandation sur ce que nous devrons faire pour compenser les membres du gouvernement pour chacune des minutes qu'ils ont perdues et n'ont pu utiliser pour poser des questions.
    Monsieur Dykstra, sauf votre respect, mon rappel au Règlement portait sur le rôle du président et le temps qu'il a utilisé. Je croyais que le président procédait de la manière dont j'ai procédé dans le passé, à savoir s'en tenir à la liste des intervenants. J'ai simplement été surprise du fait qu'il ait intervenu avant M. Lamoureux.
    Cela dit, dans le passé, j'ai constaté qu'il arrivait au président de formuler un bref commentaire avant de passer à l'intervenant suivant, et cela ne me pose pas de problème, mais aujourd'hui, je tenais à indiquer, aux fins du compte rendu, que j'étais préoccupée par le temps qu'il a pris pour poser des questions aux témoins et formuler des observations personnelles.
    Vous avez raison, madame Sims. Dorénavant, je vous accorderai sept minutes bien comptées.
    Merci.
    Ne l'oubliez pas, car vous avez utilisé plus tôt 7 minutes 45 secondes et 8 minutes, ce qui dépasse le temps qui vous est alloué. À l'avenir, je vous couperai la parole après sept minutes, pas une seconde de plus. Nous allons appliquer rigoureusement les règles.
    Mme Jinny Jogindera Sims: Tout à fait.
    Le président: Monsieur Lamoureux.
    J'invoque le Règlement, monsieur le président. Je suis véritablement contrariée par le ton belliqueux et agressif qu'a employé la présidence pour donner suite à mon rappel au Règlement, qui était essentiellement fondé sur des faits que j'ai observés.
    Je suis désolé que vous me trouviez belliqueux. Vous avez remis en question mon utilisation du temps, et je vous ai dit que je m'en tiendrai dorénavant au temps dont je dispose, pour autant que vous respectiez le fait que je vous coupe la parole après sept minutes bien comptées.
    Je le ferai.
    Monsieur Lamoureux.
    Monsieur le président, je veux tenter d'aborder deux ou trois points, et je dispose de cinq minutes pour le faire.
    Tout d'abord, je crois qu'il est très important de rappeler que, selon le Parti libéral et moi-même, les dispositions relatives à la détention obligatoire sont inconstitutionnelles, et qu'elles seront contestées.
     Le projet de loi C-31 soulève des préoccupations parce qu'il comprend des dispositions qui vont à l'encontre de la Constitution du pays. De surcroît, je ferais également valoir que ce projet de loi ternit la réputation qu'a le Canada d'être un chef de file mondial pour ce qui est de la façon de traiter les réfugiés et, de façon plus générale, l'ensemble des questions liées aux réfugiés. À l'heure actuelle, un peu partout dans le monde, plus de 10 millions de personnes ont besoin de se voir accorder une certaine forme d'asile, se trouvent dans des camps de réfugiés, et ainsi de suite. La possibilité que le Canada soit en mesure de contribuer à régler ces problèmes est compromise par le projet de loi C-31.
    J'aimerais parler du Sun Sea et de l'Ocean Lady; Le premier transportait 492 personnes, et le second, 76. En ce moment, six de ces personnes sont toujours détenues. Sous le régime actuel, nous pouvons maintenir en détention les personnes qui présentent un risque élevé pour la société canadienne. Ces personnes sont maintenues en détention. Il est important de le souligner.
    Madame Nakache, vous avez fait allusion à la détention. Je comprends votre propos au sujet des dispositions relatives à la détention, à savoir le fait qu'elles sont fondées sur des considérations financières et qu'elles vont à l'encontre de la Constitution. Il s'agit d'excellentes observations, auxquelles je souscris sans réserve.
    Ma question est la suivante. Le projet de loi C-31 comprend d'autres éléments, par exemple, le fait qu'une personne s'étant vu reconnaître la qualité de réfugié peut perdre son statut ou la capacité de parrainer un membre de sa famille si la situation change dans son pays d'origine, et ce, même si elle détient le statut de réfugié depuis des années.
    J'aimerais savoir si vous pouvez formuler de brèves observations là-dessus.

  (0935)  

    Tout d'abord, je tiens à mentionner que je suis pleinement d'accord avec vous, et que je suis désolée si on a mal interprété mes propos à ce sujet.
    Là encore, je souligne que le droit international n'interdit pas la détention pour des motifs liés à l'immigration en tant que telle, mais il prévoit, entre autres, que ce type de détention doit être envisagé au cas par cas. À mes yeux, d'après le droit international, la détention obligatoire en tant que telle est inconstitutionnelle et illégale. À coup sûr, je vois ce que vous voulez dire, et je suis du même avis.
    Je serais extrêmement heureuse de transmettre au comité quelques rapports portant expressément sur les solutions de rechange à la détention. J'estime qu'il s'agit de très bons rapports, et qu'ils pourraient assurément vous donner une idée des possibilités concrètes qui s'offrent à nous à ce chapitre.
    Quant aux autres éléments du projet de loi C-31, je suis d'avis que bon nombre d'entre eux posent des problèmes. Celui que vous avez mentionné, à savoir le fait que nous pouvons renvoyer une personne dans son pays d'origine si la situation change là-bas, doit être examiné avec prudence. Pourquoi? Parce que si des gens qui se trouvent dans le pays de destination, le Canada, ont...

[Français]

    Ils ont pris racine et ils ont vraiment développé des liens importants avec le pays de destination. Dans ce cas, il me paraît très embêtant, ne serait-ce que d'un point de vue humain, de renvoyer ces gens dans leur pays d'origine.
    Il y a beaucoup de dispositions dans le projet de loi C-31 qui, selon moi, sont problématiques et qui ne respectent pas les principes fondamentaux du droit des réfugiés.
    Je préfère laisser d'autres personnes témoigner devant vous et parler davantage de ces points qui sont très importants, comme vous l'avez dit.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président. Tout d'abord, je souligne que je partagerai mon temps avec M. Dykstra, qui prendra la parole avant moi.
    Merci, monsieur Opitz.
    J'aimerais poursuivre sur la question de la détention. Il semble que votre position à ce sujet soit en grande partie fondée sur l'opinion selon laquelle les dispositions relatives à la détention sont inconstitutionnelles, et que leur présence dans le projet de loi pose donc problème. Environ 98 ou 99 p. 100 des personnes qui se sont vu reconnaître la qualité de réfugié avant d'arriver au Canada ou qui sont parvenues à se voir reconnaître cette qualité une fois arrivées ici ne sont pas mises en détention, vu que nous sommes en mesure d'établir leur identité, de connaître leurs antécédents et donc de déterminer promptement si elles représentent une menace pour les Canadiens.
    Les réfugiés dont vous parlez — et qui ne représentent que 0,5 p. 100 des réfugiés qui arrivent au Canada — sont ceux qui présentent une demande d'asile et qui sont mis en détention un certain temps, jusqu'à ce que l'on parvienne à établir leur identité et le risque qu'ils posent pour la société.
    Je ne suis pas certain de comprendre comment vous pouvez affirmer que le fait de mettre en détention des personnes inconnues du gouvernement du Canada, des autorités canadiennes ou du public jusqu'à ce que nous puissions établir leur identité va à l'encontre de la Constitution. À ce que je sache, aucune contestation fondée sur la Constitution ou la Charte n'a jamais été présentée pour faire valoir que le fait d'identifier une personne allait à l'encontre de la Constitution.

  (0940)  

[Français]

    Je vous remercie de cette clarification.
    Il y a deux choses que je voudrais préciser et je pense que c'est vraiment important de le faire.
    Il est certain qu'il y a ce discours autour des demandeurs d'asile et des réfugiés. On entend souvent dire que ce sont les réfugiés qui devraient bénéficier de protection et que les demandeurs d'asile bénéficient d'une protection moindre. Vous savez comme moi que la Convention de Genève a été adoptée en 1951 dans un contexte où, à l'époque, la question de terminologie ne se posait pas. Des réfugiés arrivaient et ils obtenaient automatiquement le statut de réfugié. À l'époque, le contexte était très différent. Au cours des années, on a fait une différence entre les demandeurs d'asile et les réfugiés parce que les États des pays de destination ont été de plus en plus confrontés à la situation du droit d'asile et que, finalement, quand les gens arrivaient sur le territoire, ils étaient des demandeurs du statut de réfugié. Dans les faits, la Convention de Genève parle uniquement des réfugiés, mais c'est parce qu'à l'époque, la question ne se posait pas. On était dans le contexte de la fin de la Deuxième Guerre mondiale et les gens étaient automatiquement considérés comme des réfugiés au sens de la convention. La distinction entre demandeurs d'asile et réfugiés s'est faite au fil du temps et la détermination du statut de réfugié est maintenant devenu un long processus.
    Ensuite, sauf erreur, votre question concernait en quoi il est illégal ou inconstitutionnel au plan du droit international de vouloir détenir des gens à l'égard desquels on manque d'information relativement à leur identité, etc. En fait, vous savez très bien, tout comme moi, que le droit de l'immigration relève du droit administratif et que, à la base, c'est un droit qui permet des procédures. Finalement, le principe du droit administratif repose sur une large marge de manoeuvre accordée aux personnes qui prennent les décisions. Pourquoi cela a-t-il été conçu de cette façon? C'est parce qu'en fait, on s'est dit que l'agent d'immigration doit avoir le pouvoir de déterminer au cas par cas le bien-fondé d'une demande, d'une situation. En fait, le droit de l'immigration a jusqu'ici été pensé de manière à ce que les agents d'immigration, lorsque qu'un individu se présente devant eux, puissent faire une évaluation au cas par cas. Ce qu'on fait, dans ce contexte-là, c'est de mettre tout le monde dans le même panier et c'est là où cela devient problématique.

[Traduction]

    Votre point de vue n'est plus le même que celui que vous avez exprimé durant vos observations préliminaires. Par conséquent, je tiens simplement à souligner clairement que vous avez aussi de la difficulté à comprendre l'orientation que le gouvernement doit prendre dans les cas où l'identité d'une personne soulève des doutes. Vous avez consacré énormément de temps non pas à répondre directement à la question qui vous a été posée, mais plutôt à faire allusion au fait que les fonctionnaires ont une responsabilité à assumer. En substance, vous avez affirmé que les fonctionnaires ont une responsabilité parce que, en 1951, lorsque la décision a été prise, on a tenu compte uniquement des réfugiés, en faisant abstraction des demandeurs d'asile.
    Ce n'est pas ce que j'ai dit.
    À six ou sept occasions, vous avez mentionné la Convention de 1951, et vous en avez fait le fondement de votre principal argument concernant la détention. À présent, vous avez indiqué très clairement que les demandeurs d'asile n'avaient pas été pris en considération dans le cadre de la Convention de 1951, laquelle tient compte des réfugiés qui se sont déjà vu reconnaître la qualité de réfugié. Sur cette question, je ne pense pas que nous sommes en désaccord avec vous.
    Le point sur lequel nous ne cessons de revenir, et qui concerne moins de 0,5 p. 100 des personnes qui cherchent à obtenir le statut de réfugié au Canada, est le suivant: si nous ne parvenons pas à établir l'identité d'une personne, comment peut-on affirmer qu'il est inconstitutionnel de la mettre en détention jusqu'à ce que nous ayons conclu qu'elle ne constitue pas une menace pour la société canadienne?
    Je n'ai pas besoin que vous me fournissiez de nouveau de longues explications, car nous avons tous deux utilisé tout le temps de M. Opitz, mais j'aimerais...
    Je tiens simplement à souligner que vous n'avez pas bien compris mes propos et, là encore, au besoin, je serai heureuse de vous fournir des éclaircissements par écrit.
    Bien sûr. D'accord.
    Vous avez une minute.
    Vous avez raison, je ne comprends pas. Vos propos me semblent contradictoires.
    Monsieur Bissett, vous avez dit que le projet de loi n'allait pas assez loin. Durant la minute qu'il me reste, pourriez-vous formuler des recommandations sur ce que nous devons faire pour remédier à cela?
    Je crois comprendre que le ministre a, en vertu du projet de loi, le pouvoir de désigner les pays qui sont sûrs pour les réfugiés, mais même sous le régime du projet de loi, ces personnes ont le droit d'obtenir une audience, et celui de demander l'autorisation à la Cour fédérale d'interjeter appel. Ce que je prédis, c'est que cela engorgera le système, ce qui me porte à croire que le nouveau système ne représentera pas une grande amélioration par rapport à l'ancien. Nous continuerons de recevoir littéralement des milliers de demandes d'asile par année, dont la plupart sont authentiques et sont déposées par des personnes originaires de pays tout à fait sûrs. Les agents de première ligne ne seront pas en mesure d'autoriser l'entrée de ces personnes assez rapidement pour que l'on puisse observer une différence et accorder une attention appropriée et une audience complète aux gens qui arrivent directement du pays où ils sont victimes de persécution.
    Ainsi, je recommande que l'on confère au ministre le pouvoir de désigner les pays qui sont sûrs pour les réfugiés — tous les pays de l'Europe occidentale, les États-Unis et plusieurs autres —, et d'empêcher des gens de présenter une demande d'asile. Il y a des personnes qui n'ont aucune raison de présenter une telle demande, et si elles sont renvoyées dans leur pays d'origine, elles recevront une protection là-bas.

  (0945)  

    Monsieur Bissett et Madame Nakache, le temps est malheureusement écoulé. Je vous remercie des exposés que vous avez présentés au comité.
    Je suspends la séance pendant quelques instants.

  (0945)  


  (0950)  

    Nous allons reprendre nos travaux.
    Nous accueillons ce matin un plus grand nombre de témoins que d'habitude parce qu'il se peut que les membres doivent quitter la réunion pour aller voter. Nous ne savons pas exactement quand nous devrons le faire, ni même si nous devrons effectivement le faire, mais cela est fort possible. C'est la raison pour laquelle nous accueillons un plus grand nombre de témoins qu'à l'accoutumée.
    Le présent groupe de témoins est composé de représentants de trois organisations. Tout d'abord, du Conseil canadien pour les réfugiés, nous accueillons Loly Rico, vice-présidente, et Chantal Tie, présidente du Groupe de travail, La Protection au Canada. Ensuite, de l'Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés, nous recevons Donald Galloway, coprésident, Comité de recherche juridique, et Lesley Stalker, membre à titre personnel. Enfin, du Centre de santé et de services sociaux de la Montagne, nous accueillons Marc Sougavinski, directeur général, et Marian Shermarke, conseillère clinique.
    Bonjour à tous. D'habitude, chaque groupe dispose de 10 minutes, mais cette fois-ci, malheureusement, chaque groupe n'aura que huit minutes à sa disposition.
    Madame Tie, êtes-vous la porte-parole?
    Mme Rico et moi nous partagerons la tâche de présenter l'exposé. Nous prendrons la parole à tour de rôle.
    Merci beaucoup.
    Le Conseil canadien pour les réfugiés — le CCR — croit en un système de protection des réfugiés qui est équitable, indépendant et abordable, et qui respecte les obligations juridiques prévues par la Charte et la Convention des Nations Unies. Nous avons uni notre voix à celle d'Amnistie internationale, de l'ACAADR et de l'Association canadienne des libertés civiles pour réclamer le retrait du projet de loi C-31. Dans les mémoires que nous avons déposés, nous exposons de façon détaillée les multiples raisons pour lesquelles le projet de loi C-31, en plus d'être inconstitutionnel, porte atteinte à notre tradition humanitaire et viole les obligations internationales du Canada. Toutes ces questions nous tiennent à cœur, mais aujourd'hui, nous nous contenterons de parler de la détention et des délais de traitement, et ce, à la lumière des valeurs familiales et de la responsabilité financière. Nous demandons à ceux d'entre vous qui détiennent le pouvoir de retirer le projet de loi de se poser la question suivante: le projet de loi C-31 est-il compatible avec ces valeurs?
    Qu'est-ce que les valeurs familiales ont à voir avec le projet de loi C-31? Les valeurs familiales ne veulent rien dire si l'on n'entend pas par là la protection des familles et la préservation de leur unité, et la sollicitude à l'égard des enfants. Si l'on croit aux valeurs familiales, on ne pose pas consciemment des actes qui occasionneront aux familles et aux enfants des préjudices d'ordre physique, social ou émotionnel. Le projet de loi fera du tort aux familles et aux enfants parce que, d'une part, il permettra la détention — obligatoire et échappant au contrôle judiciaire —, à leur arrivée, d'étrangers désignés, et, d'autre part, en imposant un délai de cinq ans avant qu'une personne puisse demander la résidence permanente, et donc puisse être réunie avec les membres de sa famille. Le CCR pose les deux questions suivantes: comment peut-on soutenir que le fait de détenir des étrangers désignés dans des établissements de détention est compatible avec la protection des enfants et des familles? Comment peut-on justifier le fait de confier des enfants aux bons soins d'une société de protection de l'enfance ou de les mettre en prison par le fait que leurs parents doivent absolument être incarcérés?
    Si je parle de « prisons », c'est parce que, à Ottawa, où j'exerce le droit de l'immigration et des réfugiés, les gens dont nous parlons sont détenus, avec la population carcérale générale, au centre de détention situé sur le chemin Innes. Ils sont enfermés dans des cellules fermées à clé, font l'objet de fouilles obligatoires, et parfois de fouilles à nu et sont soumis à des restrictions sévères en ce qui a trait aux visites et à la liberté de mouvement. Les femmes et les hommes sont détenus séparément, et ont peu d'occasions de se rencontrer et d'échanger. Les personnes atteintes de problèmes de santé mentale sont placées en isolement dans un établissement à sécurité maximale.

  (0955)  

    Bonjour. Je suis arrivée au Canada il y a 22 ans, en tant que réfugiée, avec mon mari et mes deux enfants. À l'époque, j'étais enceinte de cinq mois. Je vous raconte mon histoire pour illustrer à quel point il est important de retirer le projet de loi C-31.
    Lorsque je suis arrivée ici, j'ai obtenu la protection du Canada, et mes enfants ont pu grandir avec leur père à leurs côtés. Dans mon pays d'origine, mon mari a failli être tué. Il a été incarcéré, et il a été victime de torture. Pour exprimer notre reconnaissance envers le pays qui nous a protégés et bien traités, nous avons fondé un foyer pour réfugiés où nous accueillons des femmes et des enfants qui ont fui la persécution fondée sur le sexe.
    Si nous étions arrivés au Canada après le 29 juin de la présente année — c'est-à-dire après l'entrée en vigueur du projet de loi —, nous aurions été désignés à notre arrivée, nous aurions été mis en détention, j'aurais été séparée de mon mari, et mes enfants, de leur père, mes enfants auraient été placés dans un foyer d'accueil ou mis en détention avec moi, et j'aurais accouché en prison.
    Le Centre de surveillance de l'Immigration à Toronto ne comporte aucune installation permettant de détenir ensemble les membres d'une famille. Les femmes et les enfants sont détenus dans une section, et les hommes, dans une autre — ils ne peuvent se voir que pendant 45 minutes le matin et 45 minutes l'après-midi. Tentez d'imaginer ce qu'éprouvent les gens qui se trouvent dans une situation où ils ne sont autorisés à voir les membres de leur famille que quelques minutes par jour et ne peuvent promener leur nouveau-né que pendant une courte période chaque jour. Il s'agit d'une violation pure et simple des valeurs canadiennes.
    Ce que j'essaie de dire, c'est que nous devons mettre l'accent sur les valeurs canadiennes axées sur la protection des familles et la préservation de leur unité. Le projet de loi C-31 viole ces valeurs.
    Le délai de cinq ans que devront respecter les étrangers désignés avant d'être autorisés à présenter une demande de résidence permanente constitue un autre élément qui aura pour effet de séparer les membres d'une famille.
    La plupart des femmes qui se présentent à notre centre ont laissé de jeunes enfants derrière elles. Sous le régime actuel, elles doivent attendre à peu près six ans avant d'être réunies avec leurs enfants en raison de divers retards, surtout dans les cas où la demande de visa doit être traitée par le bureau de Nairobi. Par suite des dispositions relatives à la période d'attente de cinq ans, ces femmes seront séparées de leurs enfants pendant 11 ou 12 ans, c'est-à-dire plus ou moins la moitié de la durée d'une enfance. Cela aura des répercussions émotionnelles et sociales considérables sur ces enfants, car ils devront prendre part à des programmes particuliers et recevoir du soutien afin d'être réunis en bonne et due forme avec leur mère et leur père, et vice versa. Nous constatons les répercussions sociales en observant les familles réunies au bout de 8 ou 10 ans.
    Les réfugiés éprouvent une énorme culpabilité du fait qu'ils sont en sécurité ici pendant que leurs enfants et leur conjoint se trouvent dans une situation précaire à l'étranger. Les membres de la famille doivent passer par une phase où ils doivent se réapprivoiser mutuellement — les enfants doivent apprendre à reconnaître leur mère, et celle-ci, admettre que ses enfants sont non plus des poupons, mais des adolescents. Les familles ont besoin d'aide pour réussir cette adaptation, ce qui est parfois impossible. Bien souvent, elles ont besoin de participer à des séances de counselling à cette fin.
    Le CCR pose la question suivante: en quoi le fait de séparer délibérément des réfugiés de leur famille est-il compatible avec les valeurs familiales?
    Qu'est-ce que la responsabilité financière a à voir avec le projet de loi C-31? À nos yeux, la responsabilité financière concerne l'administration judicieuse des fonds publics. Le CCR croit en un système de protection des réfugiés abordable. L'argent gaspillé ne peut plus être utilisé pour financer l'importante tâche que représente la fourniture d'une protection. À l'heure actuelle, d'après le propos de M. Dykstra, nous croyons comprendre que seulement 1 p. 100 des demandeurs d'asile doivent être mis en détention.
    Sous le régime actuel, nous procédons à des évaluations individuelles des risques, ce qui nous permet de bien protéger la société et de veiller à l'intégrité du système d'immigration. D'après les données de l'ASFC, en moyenne, une proportion de 94 p. 100 des demandeurs d'asile n'ont pas à être mis en détention. Si le projet de loi est adopté, chaque année, nous mettrons en détention 100 p. 100 des étrangers désignés qui arrivent ici. Le calcul est simple: si le passé est garant de l'avenir, quelque 94 p. 100 des gens que nous mettrons en détention sont des gens qui n'ont pas à être détenus.
    Il n'y a aucune raison de croire que la demande d'asile présentée par une personne qui a eu recours à un passeur de clandestins n'est pas authentique. La façon dont s'y prend un réfugié pour arriver ici ne nous dit rien sur l'authenticité de la demande qu'il présente. Le HCNUR a souligné maintes fois qu'une multitude de réfugiés qui présentent une demande authentique arrivent dans un pays de façon irrégulière et sans papiers d'identité, et ce, pour une raison évidente: une personne persécutée par le gouvernement de son pays est peu susceptible d'obtenir de ce dernier des titres de voyage ou un visa de sortie qui l'aidera à présenter une demande de visa au Canada.
    Les coûts annuels qu'entraîne le fait de détenir des demandeurs d'asile qui n'ont pas à être détenus, c'est-à-dire 94 p. 100 des demandeurs d'asile, sont astronomiques. D'après les données de l'ASFC, pour une personne, ces coûts se chiffrent à 200 $ par jour, soit 73 000 $ par année. Si l'on accordait aux demandeurs d'asile un permis de travail de manière à ce qu'ils puissent obtenir un emploi et devenir des contribuables, cela réduirait énormément ces coûts.
    Nous disposons à présent de renseignements péremptoires qui montrent que, en Australie, les coûts liés à la détention obligatoire ont des effets dévastateurs. Les chiffres figurent dans notre mémoire. Jetez-y un coup d'oeil. Nous devons apprendre de l'expérience australienne plutôt que de répéter les erreurs commises là-bas.
    En outre, nous devons garder présent à l'esprit qu'aucune des estimations de coût qui ont été faites ne tient compte des considérables coûts humains liés à la détention, c'est-à-dire des graves répercussions qu'a la détention sur la santé physique et mentale des personnes détenues, ni des coûts que l'on devra assumer dans l'avenir —une fois que les réfugiés auront vu leur demande approuvée et qu'ils s'intégreront à nos collectivités à titre de résident permanent — pour prendre en charge ces répercussions. Ces dernières comprennent des cas documentés...

  (1000)  

    Pourriez-vous conclure, madame Tie, s'il vous plaît? Nous avons largement dépassé le temps.
    ... d'automutilation, de dépression, de suicide, d'anxiété et de syndrome de stress post-traumatique.
    Merci, madame Tie et madame Rico, de votre exposé.
    Monsieur Sougavinski, vous disposez d'un maximum de huit minutes.
    Monsieur le président, membres du comité, nous vous remercions de nous avoir invités à participer aujourd'hui à cet important exercice démocratique.
    Je m'appelle Marc Sougavinski. Je suis président-directeur général du CSSS de la Montagne, organisme public de santé et de services sociaux de Montréal. Mme Marian Shermarke, notre spécialiste en matière d'immigration, est à mes côtés.

[Français]

    Le CSSS de la Montagne est un organisme professionnel universitaire du Réseau de la santé et des services sociaux du Québec spécialisé dans les questions relatives aux immigrants et aux réfugiés. Le CSSS a un programme particulier qui s'appelle le PRAIDA. C'est un service qui a près de 60 années d'expérience et d'expertise dans l'accueil et l'intégration des demandeurs d'asile. Le PRAIDA, anciennement connu sous le nom de SARIM, regroupe une équipe de travailleurs et de médecins qui a été développée justement pour donner du soutien et encadrer convenablement les demandeurs d'asile plutôt qu'ils soient laissés à eux-mêmes et sans ressources à Montréal.
    En quelque 60 ans, le PRAIDA a vu transiger plus de 350 demandeurs et les a accompagnés. L'expérience est concrète et réelle. Nous sommes un organisme public. Nous n'allons pas à l'encontre des objectifs gouvernementaux. Nous sommes des professionnels de l'État et nous sommes soucieux de l'efficacité et de l'équité dans la prestation des services fast and fair, pour paraphraser le ministre Jason Kenney.

[Traduction]

    Nous sommes d'accord avec cela.

[Français]

    Le PRAIDA a, entre autres, des ententes avec tous les services d'immigration canadiens et travaille en étroite collaboration avec les services frontaliers. Nous profitons d'ailleurs de cette tribune pour souligner l'excellente collaboration qui existe entre nos services.
    Nous sommes également soucieux de la protection des Canadiens. Nous sommes contre les criminels et les abuseurs de toute nature et nous sommes soucieux de nous assurer que les dollars investis dans les programmes le soient de façon judicieuse et utile aux Canadiens. Finalement, je tiens à préciser que nous sommes un organisme de santé et de services sociaux. Les besoins dans ce domaine sont de toutes sortes et nous ne sollicitons pas plus de travail, ni une augmentation de la misère humaine. Il y en a bien assez comme cela.

  (1005)  

[Traduction]

    Ainsi, j'espère que personne n'avancera que nous nous trouvons d'une quelconque façon en position de conflit d'intérêts.

[Français]

    Dans un premier temps, ce qui est dérangeant dans le projet de loi, c'est l'image qui est véhiculée, c'est-à-dire que les demandeurs d'asile sont pour la majorité des fraudeurs et des menteurs pour lesquels des mesures contraignantes, voire punitives, doivent absolument être mises en place. Il y a cette idée de good guys and bad buys, où la plupart des demandeurs sont des bad guys. On pense, par exemple, à ceux qui voient leur demande refusée. C'est peut-être bien une croyance populaire facile à répandre chez les gens non avertis, mais pour des gens comme nous qui accueillons des demandeurs d'asile depuis 60 ans, il n'en n'est rien.
    Il y a sûrement des abuseurs dans le système, mais comme dans tous les domaines de l'activité humaine, comme en politique, ce n'est pas la majorité qui fraude ou qui abuse du système, même si la croyance populaire peut être différente. La prison, c'est pour les criminels, et nous sommes d'accord avec cela, mais pas pour les réfugiés, pas pour les personnes vulnérables, pas pour les mères et leurs enfants, même pas à 16 ans. Cet accent mis sur l'emprisonnement et les conséquences possibles pour les enfants des familles nous rendent très mal à l'aise

[Traduction]

    En outre, soyons honnête: une prison est une prison. Ne croyez pas ceux qui disent qu'il s'agit d'une forme douce de détention. Ce n'est pas vrai. Une détention préventive douce, ça n'existe pas. Une prison est une prison.
    Nous sommes d'accord avec l'idée de réduire la période que doit attendre une personne avant d'obtenir une audience, mais pas si cela empêche la personne de préparer son dossier.

[Français]

    Présentement, les délais sont trop courts et vont même nuire aux soi-disant bons réfugiés, même si on suit cette logique douteuse.
    Selon nous, il est impensable que le Canada songe à emprisonner des enfants ou à les séparer de leurs parents. Vous êtes probablement tous des parents et je suis sûr que je n'ai pas besoin de vous expliquer cela en détail. Cette mesure défie l'entendement et doit absolument être corrigée.
    Mme Shermarke va vous exposer les enjeux cliniques plus précis à ce sujet.

[Traduction]

    Monsieur le président, comme M. Sougavinski l'a fait, je vous remercie de nous avoir donné l'occasion de nous présenter devant vous et de vous faire part de nos préoccupations à propos du projet de loi C-31.

[Français]

    La logique derrière le projet de loi C-31 est de réduire les activités des passeurs et criminels en punissant les demandeurs d'asile qui entrent au Canada en clandestinité. Ce projet de loi est, selon nous, un exercice purement théorique parce qu'il ne mettra pas fin aux demandes de gens qui auront eu recours à des passeurs pour venir au Canada avec pour objectif de demander l'asile pour leur protection. Cet exercice théorique va, au contraire, mettre plus à risque la vie des demandeurs d'asile et ceux qui vont arriver risqueront d'être en mauvais état.
    Voici l'histoire de deux jeunes Chinois qui sont partis de la Chine vers Hong-Kong avec un passeur. De là, ils sont tombés dans les mains d'autres passeurs qui les ont emmenés en Thaïlande. Par la suite, ils sont partis vers la France et, de la France, vers l'Afrique du Sud. De l'Afrique du Sud, ils sont partis au Brésil, pour enfin venir rejoindre leur père au Canada, un père qui était reconnu demandeur d'asile, un réfugié accepté. Les jeunes ont été victimes d'abus en cours route, ont vécu dans des conditions terribles et ont été assignés à des travaux forcés. Ces jeunes ont été dans les mains de passeurs beaucoup plus longtemps que prévu.

[Traduction]

    Par conséquent, nous devons faire attention à ce que nous désirons.

[Français]

    J'arrive maintenant à mes commentaires concernant les délais prévus pour les audiences. Nous trouvons que les délais pour répondre aux exigences d'une audience sont à la fois très et trop courts. Ces délais ne tiennent pas compte de la réalité des demandeurs d'asile. En ne tenant pas compte de la situation dans laquelle les demandeurs d'asile arrivent, le projet de loi C-31 les place dans une situation d'échec concernant leur audience.
    La réalité des demandeurs d'asile est que durant ces délais trop courts, ils doivent aussi trouver leurs repères dans une société où ils ne parlent pas la langue. Ils doivent chercher un logement. Ils doivent aussi faire les démarches de demande d'immigration et trouver un avocat.
    Sur le plan clinique, il faut comprendre que ces personnes ont été fragilisées par beaucoup d'expériences traumatisantes dans leur pays d'origine et aussi par ce qu'elles ont subi après leur départ. Pendant cette période, faite à la fois de déracinement et de recherche de sécurité, les demandeurs d'asile, bien que traumatisés et vulnérables, concentrent tous leurs efforts à maintenir leur intégrité physique et mentale pour arriver à leur destination finale.
    Cette mobilisation psychologique représente souvent un effort ultime qui doit s'accompagner d'un accueil et d'une intégration possible de la part de la terre d'asile. Si la société d'accueil assume incomplètement les besoins de protection qu'elle est censée donner, l'intégrité physique et mentale des demandeurs d'asile se trouve de nouveau attaquée. C'est donc un autre risque de traumatismes, ce qui déclenche chez eux une vulnérabilité accrue.

  (1010)  

[Traduction]

    Vous pourriez peut-être conclure, madame Shermarke.
    Merci beaucoup. Je vais le faire.

[Français]

    Par exemple, à cause des multiples étapes qu'ils ont franchies et compte tenu de tous les traumatismes qu'ils ont subis, une fois qu'ils sont arrivés au Canada, les Chinois ont pu avoir un répit, mais ce n'est pas à ce moment-là qu'il leur est possible de se préparer à temps pour leur audience qui aura lieu dans 30, 40 ou 60 jours.

[Traduction]

    Dernier élément, mais non le moindre, nous insistons pour que vous, en tant que dirigeants d'une société démocratique, accordiez le bénéfice du doute aux demandeurs d'asile. Il serait illogique de tous les mettre en détention de manière à mettre le grappin sur les 6 p. 100 d'entre eux qui sont des criminels. Il doit y avoir une meilleure solution.
    Merci beaucoup.
    Merci, madame Shermarke.
    Madame Stalker, monsieur Galloway, vous avez un maximum de huit minutes.
    Ma collègue et moi avons décidé de nous partager le temps dont nous disposons, de sorte que je ne dispose que de quatre minutes pour présenter mon point de vue. Pourriez-vous s'il vous plaît m'avertir lorsque je n'aurai plus de temps?
    Je ferai de mon mieux.
    Merci.
    Merci.
    J'ai décidé de m'en tenir à cinq articles du projet de loi. J'aimerais attirer votre attention sur l'article 10, qui porte sur la désignation des étrangers.
    Par la suite, je vous parlerai des articles touchant la détention obligatoire, et je tenterai d'élucider quelques-uns des arguments présentés durant la séance précédente à propos de questions d'ordre constitutionnel. J'essaierai de le faire le plus simplement possible, mais à cet égard, le temps jouera contre moi.
    Enfin, comme j'enseigne le droit, j'aimerais aborder un élément un peu plus complexe, mais qui me semble très important, à savoir l'article 16 du projet de loi, qui porte sur le refus de délivrer des titres de voyage aux demandeurs d'asile jusqu'à ce qu'ils aient obtenu le statut de résident permanent ou une autre forme de statut au pays.
    Si vous le permettez, je vais me pencher sur les articles concernant les étrangers désignés et la détention obligatoire, à savoir l'article 10, comme je l'ai dit, de même que les articles 23 à 25. La question que je veux soulever est celle de la validité constitutionnelle des dispositions relatives à la détention obligatoire. Je vais tenter d'expliquer pourquoi cette question revêt une grande importance pour l'Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés, et pourquoi nous trouvons très curieux que l'on n'ait pas pris en considération les problèmes d'ordre constitutionnel que posent ces articles.
    Si cela nous semble curieux, voire énigmatique, c'est parce que, au cours des cinq dernières années, la Cour suprême du Canada a adopté une position exceptionnellement claire sur la question de la détention. En règle générale, on sait qu'il n'est pas évident d'obtenir gain de cause lorsqu'on présente une contestation constitutionnelle. Cela peut exiger l'établissement de liens avec d'autres domaines du droit, et la présentation d'arguments complexes. Toutefois, en ce qui concerne la détention, dans le cadre de l'affaire Charkaoui, la Cour suprême du Canada a tiré au clair un certain nombre de questions.
    D'abord, la Cour déclare que la détention est une mesure extrême. C'est ainsi qu'elle la qualifie.
    En outre, la question porte non pas sur la validité constitutionnelle de la détention en tant que telle, mais sur la validité constitutionnelle d'une détention ne s'assortissant pas d'un contrôle prompt et indépendant. Ce que nous voulons, c'est que nous mettions en place et entretenions un système dans le cadre duquel les décisions font l'objet d'un contrôle. Nous ne prônons pas un système dans le cadre duquel il n'y aurait aucune détention. Ce qui nous préoccupe, c'est l'inconstitutionnalité de la détention
    À mes yeux, il s'agit de la façon la plus brève d'exposer la question de la validité constitutionnelle. Je reviendrai là-dessus si vous me posez des questions à ce sujet.
    Je vais maintenant aborder la question du titre de voyage.
    Vous avez utilisé quatre minutes, monsieur.
    Selon l'article 16, seuls les résidents permanents peuvent obtenir un titre de voyage. J'imagine que cette mesure découle du fait que nous craignons que, après qu'elles ont obtenu le statut de réfugié et un titre de voyage, des personnes ne fassent un affront au système, si vous voulez, en retournant dans leur pays d'origine.
    La seule chose que je dirai à ce moment-ci, c'est que ce n'est pas de cette manière que le système fonctionne actuellement. Le titre de voyage qui est remis à un réfugié ne lui permet pas — je le répète: ne lui permet pas — de retourner dans son pays d'origine. C'est ce qu'énoncent les dispositions législatives en vigueur. Je crois que les personnes qui ont rédigé l'article 16 avaient oublié cela.
    Je vais maintenant céder la parole à ma collègue.

  (1015)  

    Les observations que je vais formuler sont fondées sur la prémisse selon laquelle tout le monde ici présent est acquis à l'idée de la protection des personnes qui risquent d'être victimes de persécution dans leur pays d'origine, et que personne d'entre nous ne saluerait ou ne verrait d'un bon oeil le refoulement ou le renvoi d'une personne dans un pays où sa vie ou sa liberté serait en danger.
    Cela doit constituer notre pierre de touche. À mesure que nous étudions le projet de loi, nous devons nous demander si les dispositions qu'il contient ont un effet négatif ou positif sur notre capacité d'établir si une personne a besoin de protection.
    J'aimerais vous faire part de mes préoccupations à propos de deux catégories de demandeurs d'asile qui, d'après mon expérience, sont susceptibles de passer entre les mailles du filet et d'être refoulés, malgré nos bonnes intentions, par suite des délais extrêmement courts imposés par le projet de loi C-31.
    La première catégorie comprend les personnes qui ont subi un traumatisme lié aux actes de persécution dont elles ont été victimes.
    Un paradoxe se trouve au coeur de notre système de protection des réfugiés, à savoir le fait que les personnes qui ont été victimes de graves actes de persécution sont celles qui, bien souvent, sont le moins aptes à raconter leur histoire. Des études scientifiques détaillées ont été publiées à ce sujet. Nombreux sont ceux qui croient que la première version des faits que présente un demandeur d'asile est probablement la version véridique de son histoire; par conséquent, il est important de demander aux demandeurs d'asile de livrer leur version des faits avant qu'ils n'aient l'occasion de la modifier. Toutefois, dans les faits, nous devons généralement attendre longtemps avant d'obtenir un récit cohérent et précis. De multiples raisons expliquent cela, mais vu le temps dont je dispose, je ne les mentionnerai pas. Si vous voulez obtenir des détails sur les données scientifiques qui montrent que les traumatismes ont des répercussions sur la capacité des personnes de raconter leur histoire, je serai heureuse de répondre à vos questions.
    Sur le plan pratique, le problème tient au fait que la probabilité qu'une personne soit considérée comme non crédible est directement proportionnelle à la gravité du traumatisme qu'elle a subi. Son compte rendu sera vraisemblablement considéré comme incohérent, illogique, vague ou contradictoire, et le demandeur d'asile sera donc vraisemblablement débouté pour des motifs liés à la crédibilité.
    L'unique façon de parer à cela est de mettre la main sur des rapports médicaux, psychologiques ou psychiatriques qui corroborent la présence de cicatrices physiques et mentales liées à un traumatisme. Cela exige du temps, car bien souvent, les demandeurs d'asile qui ont subi un traumatisme ne dévoilent pas ce qu'ils ont vécu — ils ne veulent pas parler d'eux-mêmes. C'est leur façon à eux de s'en sortir. Les délais plus courts prévus par le projet de loi C-31 entraveront notre capacité d'identifier les personnes qui ont été victimes de persécution.
    Le deuxième groupe qui me préoccupe est composé des personnes qui sont détenues. Comme vous l'avez entendu ce matin, toutes les personnes détenues le sont dans des établissements correctionnels, sauf à Toronto et à Montréal. Les établissements correctionnels ont été conçus pour prendre en charge des personnes qui ont été déclarées coupables d'actes criminels, ou sont accusées d'en avoir commis. Il s'agit généralement de personnes très difficiles à maîtriser. En outre, dans les établissements correctionnels, la capacité des personnes détenues de communiquer avec les gens de l'extérieur est très limitée. Les demandeurs d'asile sont visés par ces restrictions: leur capacité de faire des appels téléphoniques ou d'en recevoir est limitée, et ils n'ont pas accès à Internet ni au courrier électronique. Par conséquent, ils ont d'énormes difficultés à obtenir des documents d'identité ou d'autres éléments de preuve pertinents, par exemple des plaintes qu'ils ont pu déposer à la police dans leur pays d'origine, des rapports médicaux, etc.
    Ils ont également...
    Nous devons nous arrêter bientôt.
    D'accord. Merci.
    J'ai voulu faire une très brève allusion aux restrictions imposées aux détenus et aux demandeurs d'asile afin de mettre en relief les obstacles bien réels et concrets auxquels ils font face en ce qui touche leur protection.
    Merci beaucoup de votre temps.
    Merci, madame Stalker. Je suis désolé. Je sais que vous avez tous d'autres choses à dire, mais le temps presse. Peut-être que cette information sera mentionnée au cours de la série de questions.
    La parole va à M. Menegakis.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins de comparaître ici aujourd'hui. Il s'agit certes d'un bon exercice démocratique. Nous sommes heureux que vous nous fassiez part de vos commentaires et de vos réflexions dans le cadre de notre étude du projet de loi C-31.
    J'aimerais utiliser le bref temps de parole qui m'est consacré pour aborder rapidement quelques points et parler plus en détail du projet de loi, du Canada et des attentes de la population à l'endroit de son gouvernement en ce qui a trait précisément à la question de l'immigration et des réfugiés. En tant que Canadiens, nous sommes très fiers de la générosité et de la compassion que nous démontrons dans le cadre de nos programmes d'immigration et de nos programmes pour les réfugiés. Mais nous ne tolérons pas ceux qui abusent de notre générosité et qui profitent injustement de notre pays. Je vais donner quelques exemples à ce sujet.
    Le Canada demeure l'un des principaux pays d'accueil pour les réfugiés. En fait, parmi les pays du G20, le Canada est celui qui accueille le plus de réfugiés par habitant. Dans le monde, le Canada accepte un réfugié réétabli sur 10. C'est plus par habitant que presque partout ailleurs sur la planète. D'ailleurs, le gouvernement conservateur a augmenté de 2 500 le nombre de réfugiés qui seront réétablis chaque année.
    Le projet de loi C-31 propose des changements qui s'inscrivent dans la foulée des réformes du système de demande d'asile de juin 2010, apportées dans le cadre de la Loi sur des mesures de réforme équitables concernant les réfugiés, comme vous le savez peut-être. Les mesures proposées dans ce nouveau projet de loi permettront d'assurer plus rapidement la protection des personnes qui ont réellement besoin d'un asile — et auxquelles je pense que vous faites tous allusion — et le renvoi de ceux qui n'en ont pas besoin.
    Je voudrais parler un peu des délais de traitement. Grâce aux mesures proposées dans le projet de loi C-31, le délai de traitement moyen des demandes d'asile, qui est actuellement de 1 038 jours, passerait à 45 jours pour des citoyens de pays désignés et à 216 jours pour toutes les autres personnes. Il est certes traumatisant pour une personne qui fuit son pays pour éviter de s'exposer à de la persécution ou à de la torture ou peut-être pour échapper à la mort de devoir attendre 1 038 jours avant que sa demande soit traitée.
    Si nous pouvons accueillir ces personnes plus rapidement au Canada et ramener le délai de traitement moyen à aussi peu que 45 jours — ou que 216 jours pour celles qui ne viennent pas d'un pays désigné —, il s'agira d'une mesure pleine de compassion qui accélérera la réunification des familles et qui améliorera l'aspect humain de l'aide et du soutien que nous offrons à des personnes qui en ont vraiment besoin, chose que nous voulons tous.
    En tant que gouvernement, nous avons la responsabilité d'assurer la sécurité des Canadiens. Je pense que personne au pays ne voudrait que l'on autorise des gens à s'établir dans son quartier sans savoir qui ils sont, sans connaître leur identité. C'est important. Comme l'ont dit quelques témoins — certains d'entre vous ont fait allusion au témoignage de ce matin ou peut-être à d'autres livrés au cours des jours précédents —, nous devons identifier les gens avant de les autoriser à entrer au pays.
    Je vais donner deux exemples — qui me semblent particulièrement révélateurs — de ce qui peut se produire si nous n'assumons pas cette responsabilité. Le Sun Sea et l'Ocean Lady transportaient sans doute de nombreuses personnes qui fuyaient la persécution dans leur pays et qui avaient besoin de notre soutien et de notre aide. Il a été établi que, des passagers du Sun Sea, quatre personnes représentaient un risque pour la sécurité et qu'une personne avait commis des crimes de guerre. Cinq personnes se sont vu refuser l'entrée au pays. Pour ce qui est des passagers de l'Ocean Lady, il a été établi que 19 d'entre eux représentaient un risque pour la sécurité et que 17 avaient commis des crimes de guerre. Au total, il est question de 41 personnes. Si nous ne les avions pas détenues, si nous n'avions pas pris le temps de vérifier leur identité et la légitimité de leur demande d'asile, nous aurions permis à ces 41 personnes de s'installer dans nos voisinages, près de nos familles, près de nos enfants, près de nos parents.
    Le président: Il vous reste deux minutes.
    M. Costas Menegakis: Deux minutes? J'en ai déjà pris cinq?
    D'accord.

  (1020)  

    Voici une question générale, qui ne s'adresse pas à vous tout particulièrement, mais qu'un gouvernement doit se poser: est-ce de la bonne gouvernance? Est-ce que nous veillerions aux intérêts de nos citoyens si nous décidions simplement de ne pas nous concentrer sur ce qui représente moins de 1 p. 100 des 10 000 à 12 000 demandes d'asile que nous recevons au total chaque année et de laisser n'importe qui entrer au pays sans avoir pris le temps nécessaire pour identifier cette personne, chose que la détention nous permet de faire? Assurément, cela engendrerait un risque pour notre sécurité.
    Je peux vous assurer qu'aucun Canadien — du moins, personne de ma circonscription, celle de Richmond Hill — n'appuierait cela.
    Est-ce qu'il me reste une minute?
    Je vais la céder à Mme James, car elle m'a demandé de le faire, et je suis gentil. Merci.

  (1025)  

    Merci, monsieur Menegakis.
    J'ai une question pour Mme Shermarke.
    Vos propos m'ont un peu inquiétée, car je crois vous avoir entendu dire qu'à votre avis, nous devrions laisser le bénéfice du doute aux demandeurs d'asile, et ce, même si 6 p. 100 d'entre eux sont des criminels. Je pense vous avoir entendu mentionner ces deux éléments dans la même phrase. Vraiment, je trouve cela assez inquiétant. Je vous pose donc la question suivante: étant donné que la principale priorité de tout gouvernement est d'assurer la sécurité de ses citoyens, croyez-vous que nous devrions adopter une approche ignorante et simplement autoriser les gens à être libérés dans la société canadienne ou adopter une approche prudente et nous assurer d'identifier et d'expulser les gens qui entrent au pays sans avoir présenté des documents requis?
    Par ailleurs, le projet de loi...
    Désolé, madame James. Votre temps est écoulé.
    Monsieur Scott, je vous souhaite la bienvenue. Je sais que vous étiez sur la liste depuis un bon bout de temps. Nous avons enfin pu vous donner l'occasion de participer aux délibérations.
    Merci, monsieur le président.
    Je me réjouis de pouvoir être présent ici aujourd'hui à titre de visiteur.
    En fait, j'ai deux questions. J'aimerais simplement les poser et permettre ensuite au groupe de témoins de répondre à celle de leur choix pendant les cinq minutes dont nous disposons — ou les sept, je ne sais pas trop. C'est sept minutes. Merci.
    Tout d'abord, au cours de la séance précédente, certaines questions — posées par M. Dykstra en particulier — concernant les solutions de rechange à la détention n'ont pas donné lieu à des réponses très précises, selon moi.
    Je sais que, dans la sphère du droit international sur les réfugiés, il y a plusieurs ensembles de lignes directrices, si je puis dire. Il y a des lignes directrices en ce qui a trait aux solutions de rechange à la détention. Il est explicitement énoncé dans le droit international sur les réfugiés qu'a priori, la détention n'est pas justifiée. Le critère à respecter est celui de la nécessité, et l'existence de solutions de rechange est un des éléments à considérer à cet égard. Si quelqu'un peut donner quelques explications au comité à propos de ce que l'on entend généralement par « solutions de rechange », je pense que cela nous aiderait tous.
    Pour ce qui est de ma deuxième question, je suis — moi aussi — évidemment préoccupé par la disposition exigeant la détention obligatoire pendant 12 mois, sans contrôle, car, comme on l'a dit, la nécessité de la détention ne peut tout simplement pas alors être examinée. C'est un fait avéré. Nous ne nous opposons pas à l'idée de la détention, mais nous croyons qu'il sera impossible d'en vérifier la nécessité au moyen d'un critère adéquat.
    En outre, je suis tout aussi troublé par le fait que, si un demandeur d'asile obtient le statut de réfugié, il y a de nombreuses dispositions qui ont essentiellement pour effet de le pénaliser par rapport aux autres réfugiés. Ces personnes doivent attendre cinq ans avant d'obtenir le statut de résident permanent et n'ont pas accès à des titres de voyage. La réunification de la famille ne peut se produire à cause du délai lié à la résidence permanente.
    Cela me donne l'impression que nous nous servons de ces réfugiés pour dissuader les autres de venir au pays. J'aimerais que quelqu'un me dise non seulement si cette approche est immorale en soi, mais également si elle enfreint une disposition juridique quelconque.
    Voilà mes questions.
    Je serais heureuse d'y répondre.
    Dans son témoignage du 26 avril, le ministre a dit très clairement que le délai de cinq ans relatif à la résidence permanente et à la réunification de la famille était une mesure punitive visant à dissuader les demandeurs d'asile de venir au pays. En fait, il a fait la déclaration suivante: « Nous avons donc pensé que cette mesure constituerait le moyen le plus efficace de dissuader les gens de payer des passeurs pour venir au pays. » Il a également dit espérer que les clients éventuels de réseaux criminels de passeurs tiendront compte du délai relatif à l'octroi de la résidence permanente et à la réunification de la famille avant d'engager des passeurs.
    Dans notre mémoire, nous avons indiqué qu'il est tout à fait inacceptable de placer en détention des réfugiés vulnérables et de les empêcher de retrouver leur famille en visant délibérément à dissuader d'autres personnes à l'étranger. À vrai dire, cela fait passer le Canada d'un pays d'accueil à un pays qui bafoue de façon calculée les droits de la personne. C'est à la fois inhumain et illégal.

  (1030)  

    La parole va à Mme Stalker.
    Monsieur Scott, j'aimerais répondre à votre question concernant les solutions de rechange à la détention.
    De fait, au Canada, il existe déjà des solutions de rechange, ce qui explique en partie pourquoi très peu de demandeurs d'asile sont placés en détention. Ces solutions de rechange comprennent l'obligation de se rapporter à un agent. Et je pense que c'était peut-être vous, monsieur Dykstra, qui s'est dit préoccupé par ces obligations tout à l'heure. Il est difficile d'obtenir des statistiques de l'ASFC concernant l'efficacité d'une telle mesure, mais je sais qu'en ce qui a trait au Sun Sea et à l'Ocean Lady, l'Agence a dit à plusieurs occasions qu'il n'y avait eu aucun problème au chapitre du respect des exigences et de l'obligation de se rapporter à un agent.
    Parmi les autres solutions de rechange à la détention, il y a le versement d'une caution et l'imposition de restrictions concernant le lieu de résidence des demandeurs d'asile. Ils ont parfois des couvre-feux à respecter pour ce qui est des heures où ils peuvent être dans la collectivité et de celles où ils doivent demeurer dans leur domicile. Je pense qu'à l'échelle internationale, les solutions de rechange à la détention se sont révélées particulièrement efficaces quand il existe une collaboration entre les ONG et le gouvernement, une sorte de partenariat assorti d'un dialogue constructif et d'attentes communes.
    Merci.
    Monsieur Sougavinski.
    En fait, je vais également parler des solutions de rechange à la détention. Au Québec, nous avons un service appelé « PRAIDA », que nous représentons aujourd'hui. C'est une solution de rechange assez valable à la détention. C'est un service public. Nous avons le mandat d'exercer les fonctions de représentants délégués. Nous comparaissons devant la CISR. En cas de réexamen du recours à la détention, nous proposons des solutions de rechange. Quand une personne est libérée, la PRAIDA prend la relève. Nous lui fournissons un logement, surtout s'il s'agit d'un membre d'un groupe vulnérable ou d'un mineur non accompagné. Nous veillons à ce qu'elle respecte toute obligation de se présenter à un agent. Nous nous assurons que la CISR, CIC et l'ASFC connaissent son adresse.
    Dès que nous détectons des déplacements étranges de la part du demandeur d'asile, nous appelons l'ASFC et Immigration Canada pour les informer de la situation. Inversement, Immigration Canada, l'ASFC et la CISR nous téléphonent parfois pour nous demander: « Pourriez-vous venir en aide à cette personne, car nous allons la détenir si vous ne proposez pas de solution de rechange. »
    Merci.
    Allez-y, je vous prie.
    Par ailleurs, j'ajouterais qu'à Toronto, il y a le Programme de cautionnements, qui représente une solution de rechange à la détention. Les personnes visées doivent se rapporter à un agent du Programme. Cette mesure s'est révélée efficace, car nous avons accueilli dans notre centre de réfugiés des femmes accompagnées de leurs enfants, et les femmes enceintes qui comptent donner naissance à leur enfant dans la collectivité sont particulièrement susceptibles de se conformer à leurs obligations.
    L'autre aspect lié à l'identification a trait aux méthodes utilisées pour identifier les criminels. À l'heure actuelle, toute personne qui demande l'asile au Canada doit faire prendre ses empreintes digitales, et ces empreintes permettront de les identifier immédiatement grâce à une vérification par le truchement d'Interpol, par exemple. Cette exigence s'applique à toute personne qui se présente à la frontière. Je pense que cette mesure est déjà utilisée dans le système pour identifier de petits groupes de gens.
    Une des solutions de rechange que nous recommandons, c'est la collectivité. Nous sommes prêts à les accueillir. Il y a déjà des mesures en place pour veiller à ce qu'ils respectent leurs obligations, comme le système et les programmes de cautionnement ainsi que le système de contrôle utilisés à l'heure actuelle.
    Très bien, monsieur Scott. Vous avez éveillé l'intérêt de tout le monde, mais malheureusement, votre temps est écoulé.
    Monsieur Lamoureux.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins. J'aurais aimé bénéficier de plus de temps pour poser des questions à chacun d'entre vous, mais, monsieur Galloway, je veux me concentrer sur vos commentaires au sujet de la question globale des titres de voyage.
    Nous avons beaucoup entendu parler des répercussions financières de la détention obligatoire et de son caractère inconstitutionnel, entre autres choses, mais un des aspects qui ont peu été soulevés au cours de nos délibérations, c'est bien la question des titres de voyage. D'ailleurs, Julie Taub, qui a travaillé pour la CISR par le passé, s'est dite perplexe concernant les raisons pour lesquelles un réfugié voudrait obtenir un titre de voyage afin de retourner dans son pays d'origine ou dans celui qu'il a fui.
    Vous avez commencé par expliquer un point qui, à mon sens, présente beaucoup d'intérêt pour tous les membres du comité: il s'agit de l'article 16 et des conséquences qu'il entraînera. Vous avez deux ou trois minutes — c'est-à-dire tout le temps qu'il me reste de mes cinq minutes initiales — pour éclaircir cette question.

  (1035)  

    Merci, monsieur Lamoureux.
    En réalité, il y a deux choses sur lesquelles j'aimerais me pencher. La première, c'est qu'il arrive souvent que les réfugiés authentiques qui fuient leur pays ne puissent rester ensemble. Ils se retrouvent dans des pays différents. Je connais des gens à Victoria dont des membres de la famille immédiate habitent en Suède. Ils doivent pouvoir se rendre là-bas et s'occuper de ces personnes. Or, pour ce faire, ils ont besoin d'un titre de voyage. C'est une chose que nous nous sommes engagés à leur fournir quand nous avons signé la Convention sur les réfugiés.
    L'article 16 énonce qu'à partir de maintenant, nous allons interpréter la convention de façon stricte et délivrer un titre de voyage seulement aux réfugiés. S'ils sont arrivés au pays de façon irrégulière et qu'ils sont originaires d'un pays désigné, ils pourront seulement obtenir ce titre de voyage après qu'ils seront devenus résidents permanents à l'issue du processus de cinq ans ou après qu'ils auront obtenu un permis temporaire.
    Quand le Canada a signé la convention, il l'a assortie d'une clause de réserve. Cette clause indiquait qu'il interpréterait de façon stricte la notion de « présence autorisée » dans deux articles. Ces deux articles ont trait à la prestation des services d'aide sociale. Le Canada n'a pas exercé son pouvoir d'assortir huit autres articles, dont l'article 28, de cette clause de réserve. En d'autres mots, en toute connaissance de cause, nous avons adhéré à ce régime international qui permet aux familles séparées de se rendre dans d'autres pays neutres afin de se retrouver. Voilà ce que l'article 16 met en péril.
    Cette disposition interprétative paraît très étrange. Je pense qu'elle est fondamentale, qu'elle est tout à fait cruciale pour qui veut comprendre ce que nous faisons. Je crains qu'elle ait été ajoutée au projet de loi par erreur. Je crains qu'elle s'y trouve en fait parce que le gouvernement — ou les rédacteurs — étaient préoccupés par la possibilité que des gens retournent dans leur pays en utilisant ce document d'une façon qui n'est pas autorisée pour eux à l'heure actuelle. Si vous consultez le site Web de Passeport Canada, vous constaterez qu'un tel document ne permet pas à son détenteur de retourner dans son pays d'origine.
    Merci. Monsieur Lamoureux.
    Madame Rico, j'ai été touché par votre récit personnel. Je me demandais si vous pouviez faire des commentaires concernant votre situation quand vous avez présenté une demande d'asile. Pouvez-vous nous décrire la chronologie du processus, par exemple? Espérons que vous aurez assez de temps. Sinon, vous pouvez peut-être en faire part ultérieurement au comité.
    Nous sommes venus ici il y a 22 ans grâce à ce qu'on appelle une « admission anticipée », car mon mari avait fui le Salvador, où avait éclaté une guerre civile, pour se rendre au Guatemala. Par chance, le consul de l'ambassade canadienne se trouvait au Salvador et l'a amené au Guatemala. On a ensuite fait venir toute la famille au Canada, et nous avons terminé le processus ici. Il nous a fallu deux ans pour obtenir le statut de résident permanent canadien. Nous avons un permis ministériel, et c'est pourquoi nous disons que, pour rembourser notre dette, nous travaillons au centre de réfugiés, où nous accueillons des femmes et des enfants.
    Merci.
    Monsieur Dykstra.
    Je vais céder cinq minutes de mon temps à M. Weston.
    J'aimerais continuer là où vous nous avez laissés, madame Stalker.
    Tout le monde dans cette pièce prend le parti des gens qui sont persécutés dans les diverses régions du monde. Je veux simplement mentionner que notre gouvernement a soutenu des gens comme Aung San Suu Kyi — une personne que j'admire personnellement — comme nul autre auparavant, que ce ministère est dirigé par un homme qui est peut-être l'un des plus ardents défenseurs des droits de la personne de tous les représentants gouvernementaux qui ont travaillé à ce dossier; et que je suis moi-même le fondateur de la Canadian Constitution Foundation. Je pense que nous serions sur la même longueur d'onde à de nombreux égards. J'appuie sans réserve les députés de la Chambre en ce qui concerne cette question.
    Alors, Chantal, quand j'entends des propos comme ceux que vous avez tenus, selon lesquels nous serions un pays qui bafoue les droits de la personne, j'en suis très indigné. Comme l'a dit ma collègue Mme James, il faut faire la part des choses. Nous devons nous préoccuper des gens qui viennent au pays — comme vous, madame Rico —, et nous le faisons; mais nous devons également nous préoccuper de la sécurité de la population canadienne.
    Voilà pourquoi — pour revenir à la Constitution — il est question de « limites qui soient raisonnables » à l'article 1. Comme vous le savez, cet article est ainsi libellé:

La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique.
    Certes, madame Shermarke, nous pouvons nous pencher sur le cas particulier d'une personne et dire qu'elle fera l'objet d'une discrimination injuste. Mais nous devons tenir compte du système global. Nous devons préserver notre système de détermination du statut de réfugié ainsi que nous assurer de pouvoir identifier les 41 personnes auxquelles M. Menegakis fait allusion et veiller à ce que la société canadienne demeure sécuritaire. Si nous échouons dans cette mission importante, les Canadiens s'opposeront à l'ensemble du programme pour les réfugiés, et, en tant que parlementaires, nous ne serons pas en mesure de nous interposer et de leur dire que nous voulons continuer à accueillir des réfugiés au pays.
    Nous devons donc trouver un juste équilibre. S'il vous plaît, ne diabolisez pas les personnes qui veulent s'assurer que la population canadienne est en sécurité et ne dites pas qu'ils sont contre les réfugiés.
    Des voix: Bravo!
    M. John Weston: Je vous cède mon temps de parole, monsieur Dykstra.

  (1040)  

    Merci.
    Je veux clarifier une chose. On m'a envoyé une note concernant les commentaires formulés par Mme Tie à la suite des propos qu'a tenus le ministre quand il a comparu. Elle a dit que les pénalités avaient un objectif punitif. Il a d'ailleurs dit qu'il s'agissait d'une mesure dissuasive. Dans la tête des gens, il y a une grande différence entre les mots « punitif » et « dissuasif». Je pense que c'est important de le noter.
    Comme l'a demandé hier Mme Sims, nous avons devant nous un document de Citoyenneté et Immigration Canada qui dresse la liste des 10 principaux pays d'où proviennent les demandes d'asile présentées au Canada. Vous ne l'avez peut-être pas devant vous, alors je vais le décrire. La Hongrie vient maintenant au premier rang de cette liste. En 2006, 26 citoyens hongrois avaient présenté une demande d'asile; en 2007, il y en a eu 23; et, en 2008, l'année où nous avons levé les restrictions relatives au visa pour ce pays, il y en a eu 302. Il est intéressant de noter que ce nombre est passé à 2 532 en 2009 et à 2 333 en 2010.
    Je fais beaucoup de lectures. Je m'informe de ce qui se passe dans l'Union européenne, et je n'ai vu nulle part qu'une terrible guerre civile avait éclaté ou que tout type d'oppression s'était produit en Hongrie en 2008 ou en 2009. Mais, pour une raison ou pour une autre, la levée de ces restrictions a donné lieu à la présentation de plus de 2 300 demandes d'asile additionnelles au Canada.
    Je pourrais peut-être poser ma question à M. Galloway. Êtes-vous d'accord pour dire que le système canadien de détermination du statut de réfugié est brisé et qu'il faut le corriger?
    Je n'utiliserai pas le mot « brisé ». J'ai travaillé trois ans pour la CISR et j'en suis très fier. J'ai pu constater certains aspects très positifs du processus. Je pense qu'il a été créé dans une intention merveilleuse. De plus, il est appuyé par un effectif remarquable.
    Tout à fait.
    Dire que le processus est brisé revient à dénigrer la façon dont les décideurs exercent leurs fonctions. Je n'utiliserai donc pas ce mot-là.

  (1045)  

    Je ne parlais pas en particulier de l'effectif, car je...
    Chers collègues, j'ai besoin de votre aide. La sonnerie vient de se faire entendre; nous devons voter. Elle indique qu'il nous reste une demi-heure. Il reste environ une minute et demie à l'intervention de M. Dykstra, et Mme Groguhé prendra ensuite la parole pour cinq minutes.
    Je propose — mais nous devons en décider à l'unanimité — qu'on continue durant environ 10 minutes. Est-ce que tout le monde est d'accord?
    Si nous prolongeons la séance, pourrons-nous arriver à temps pour le vote?
    Je vais faire venir un autobus qui nous attendra à l'extérieur avec le moteur en marche. C'est à vous de décider.
    D'accord, pourvu que nous arrivions à temps pour le vote.
    Oh, non. La décision revient aux membres du comité.
    Êtes-vous tous d'accord?
    Bien.
    Monsieur Dykstra, continuez. Il vous reste une minute et demie.
    J'essaie vraiment d'aller au coeur du problème. Je n'ai jamais laissé entendre — et je suis désolé que vous ayez cru cela — que je croyais que les personnes qui...
    Je ne voulais rien laisse entendre, monsieur Dykstra. Je voulais juste dire clairement la raison pour laquelle je n'utiliserai pas ce mot-là.
    Donc, vous ne pensez pas que le système est brisé. Bon, d'accord.
    Je crois que le système a besoin d'améliorations majeures.
    Je pense que je suis d'accord et que le Parlement était aussi d'accord avec vous quand la Loi sur des mesures de réforme équitables concernant les réfugiés a été adoptée. C'était la loi qui...
    Je suis d'accord. J'étais là. Comme vous le savez, je suis secrétaire parlementaire; j'ai donc assisté à chaque minute des négociations et des discussions et je suis très fier du travail que j'ai réalisé à l'égard du projet de loi C-11. C'est pourquoi de 75 à 80 p. 100 du contenu de ce projet de loi a été conservé dans le projet de loi C-31 et il y demeurera toujours.
    À ce chapitre, nous sommes sur la même longueur d'onde, monsieur Dykstra.
    Merci.
    Mais je crois comprendre que le problème lié à la Hongrie ne sera pas réglé par le projet de loi C-11. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous sommes ici.
    Le gouvernement et moi-même — et cela pourrait étonner quelque peu Mme Tie —, nous cherchons en fait à aider les réfugiés authentiques. Je souhaite que le Canada accueille plus de réfugiés. C'est pourquoi nous avons accru de 2 500 le nombre de réfugiés, mesure qui s'inscrit dans notre stratégie visant à contrôler les arrivées.
    Je suis désolé. Votre temps est écoulé.
    Madame Groguhé.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Comme je n'ai que cinq minutes, je vais donc procéder de la manière suivante. Je vais poser une question à chaque groupe et il m'importe peu qui prendra la parole du moment que j'obtienne une réponse.
    Je vais donc commencer.
    En ce qui concerne les délais prescrits dans le projet de loi C-31, dans votre note, vous identifiez des problèmes associés à la réduction des délais prescrits dans le projet de loi. Pouvez-vous nous décrire ces problèmes plus en détail en vous basant sur votre expérience avec les demandeurs d'asile?

[Traduction]

    Je pense que nous pouvons toutes deux répondre à cette question.
    Je pratique le droit de l'immigration et des réfugiés depuis 33 ans. Je ne saurais imaginer pouvoir monter un dossier en 45 jours. La première chose que nous faisons, c'est d'obtenir les documents requis pour vérifier les allégations de la personne. Il est impossible d'obtenir ces documents dans 45 jours, et ce, même si j'ai rencontré cette personne le jour de son arrivée, ce qui est aussi impossible. Toutes les sociétés d'aide juridique ont dit d'une même voix que les délais proposés sont impossibles à respecter. Alors, des gens ne bénéficieront pas des services d'un avocat.
    Si certaines personnes pensent qu'il est simple de préparer une demande d'asile, elles rêvent en couleurs. Ce n'est pas simple: pour nouer des liens de confiance avec une personne et pour découvrir ce qui est vraiment arrivé, cela prend beaucoup de temps.
    À notre avis, les délais toucheront les communautés les plus vulnérables. C'est pourquoi j'invite le comité à étudier le projet de loi C-31 au moyen d'une analyse comparative entre les sexes. Une telle analyse nous permettrait de constater que ce sont les femmes qui sont touchées par ces délais.
    Je peux vous donner l'exemple d'une femme victime de violence conjugale. Elle arrive au pays avec son époux, l'agresseur. Toutes les entrevues sont menées avec lui. Par la suite, elle va apprendre les droits qui lui sont garantis au Canada. Or, avec les délais proposés, elle ne pourra pas aller expliquer sa situation et bénéficier d'une protection, car elle pourrait être expulsée avec l'agresseur.
    L'autre élément, ce sont les communautés admissibles. Parfois, ces personnes sont tellement traumatisées à leur arrivée qu'il est plus difficile pour elles de s'exprimer et de dire tout ce qui leur est arrivé. C'est dans les situations du genre que les délais posent problème.

[Français]

    Je vais maintenant m'adresser aux représentants du CSSS et de PRAIDA.
    Selon vous, lorsque les raisons de la demande d'asile n'existent plus, la perte du statut de résident permanent nie l'importance pour les réfugiés de prendre racine comme le veut la Convention de Genève lorsqu'elle propose la naturalisation. C'est l'un des témoins qui l'a fait remarquer.
    Pouvez-vous élaborer davantage à ce sujet en quelques mots? Vous avez une minute et trente secondes.

  (1050)  

    La perte de la résidence permanente à cause d'un changement de circonstances dans le pays d'origine nous trouble beaucoup. On ne comprend pas pourquoi une personne qui a vécu sa vie et qui a eu des enfants ici devrait perdre cette résidence. Ce qui a été ajouté dans ce projet de loi n'a vraiment aucun sens. On a de la difficulté à comprendre pourquoi une personne qui a été traumatisée, qui s'est établie, qu'on a sécurisée et qui contribue à la société d'accueil perdrait sa résidence permanente.
    Merci.
    Je m'adresse au troisième groupe.
    En quoi les dispositions relatives à la détention d'étrangers désignés comprises dans le projet de loi C-31 diffèrent-elles des dispositions relatives à la détention comprises dans la loi actuelle? Pourquoi ces différences sont-elles significatives du point de vue juridique?

[Traduction]

    Désolé, j'ai peut-être manqué quelques chose, mais, d'après ce que je comprends, vous me demandez d'expliquer les différences entre la loi actuelle et ce qui est proposé dans le projet de loi.
    Je vais souligner deux choses. La première, c'est le libellé suivant de la Cour suprême: « contrôle prompt et indépendant ». « Prompt » — c'est-à-dire 2 jours, 7 jours, 30 jours. « Indépendant » — c'est-à-dire mené par un service de la Section de l'immigration de la CISR. Ce qu'on propose? Un délai minimum de un an — dans certains cas — pour les décisions finales concernant les demandes d'asile... Un processus qui s'étire pose problème, car il ne permet pas un traitement rapide...
    Merci. Malheureusement, nous devons tous aller voter, alors nous devons clore la séance. Je m'en excuse, mais ce sont les règles ici.
    Au nom des membres du comité, je veux remercier tous les témoins de leur présence, de leur exposé et de leur participation aux délibérations. Merci de votre aide.
    Chers membres, un autobus nous attend. Ne traînez pas.
    La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU