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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 045 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 25 janvier 2023

[Enregistrement électronique]

  (1405)  

[Traduction]

    Bonjour. Bienvenue à cette 45e réunion du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
    Conformément à l'ordre de la Chambre du 23 juin 2022, la séance d'aujourd'hui se déroule en format hybride; les membres y assistent sur place, dans la salle d'audience, ou à distance, sur Zoom.
    Permettez-moi ces quelques observations à l'intention des membres et des témoins.
    Avant de prendre la parole, veuillez attendre que je vous désigne par votre nom. Ceux qui sont avec nous par vidéoconférence doivent cliquer sur l'icône du microphone pour activer leur micro et ne pas oublier de mettre ce dernier en sourdine lorsque ce n'est pas à eux à parler.
    Pour ceux qui sont sur Zoom, les contrôles de l'interprétation se trouvent au bas de l'écran; vous avez le choix entre le parquet, l'anglais et le français. Ceux qui sont sur place doivent utiliser l'oreillette et sélectionner le canal souhaité.
    Je vous rappelle que toutes les observations doivent être adressées par l'intermédiaire de la présidence.
    Le sujet de la réunion d'aujourd'hui est la situation actuelle aux frontières entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie, avec un accent particulier sur la route de Latchine.
    J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos deux témoins, qui auront chacun cinq minutes pour présenter leur déclaration liminaire. Il s'agit de M. Robert Cutler, ancien chargé de recherche supérieur, Institute of European, Russian and Eurasian Studies, à l'Université Carleton, et de Mme Olesya Vartanyan, analyste principale du Caucase du Sud pour l'International Crisis Group.
    Chacun de vous dispose de cinq minutes pour livrer sa déclaration liminaire. Lorsqu'il ne vous restera plus que 30 secondes, j'afficherai un panneau rouge pour vous en avertir. Nous vous serions reconnaissants d'en tenir compte. Il en sera de même lorsque vous serez appelés à répondre aux questions des membres du Comité.
    Monsieur Cutler, nous allons commencer par vous. Vous avez cinq minutes pour nous livrer votre déclaration liminaire.
    Aux fins d'identité, je suis membre de l'Institut canadien des affaires mondiales et directeur du programme de sécurité énergétique de l'Association canadienne pour l'OTAN. Je comparais à titre personnel et les opinions que vous entendrez sont les miennes. J'ai obtenu mon baccalauréat au MIT et mon doctorat à la Michigan University. J'ai enseigné à tous les niveaux universitaires au Canada et à l'étranger. Comme vous l'avez dit, j'ai été chargé de recherche supérieur à l'Université Carleton pendant plus de 20 ans.
    Voici maintenant ma déclaration.

[Français]

     Cependant, je vais répondre aux questions dans la langue dans laquelle elles auront été posées.

[Traduction]

    Le Canada coopère depuis longtemps avec l'Azerbaïdjan et l'Arménie, nommément depuis le programme Partenariat pour la paix de l'OTAN, en 1994. À partir de 2001, des dizaines de milliers d'avions militaires et de camions de ravitaillement ont transité par l'Azerbaïdjan pour transporter les forces et le matériel de l'OTAN en Afghanistan. À partir de 2002, le bataillon azerbaïdjanais de maintien de la paix a participé au déploiement en Afghanistan de la Force internationale d'assistance à la sécurité dirigée par l'OTAN. Lorsque le réseau de distribution du Nord a été mis en place en 2009, l'Azerbaïdjan constituait toujours un lien essentiel, ce qui s'est poursuivi jusqu'à ce qu'on cesse de l'utiliser, il y a quelques années.
    Le Canada entretient des relations diplomatiques officielles avec l'Azerbaïdjan et l'Arménie depuis 1992, date à laquelle il a reconnu leur intégrité territoriale en fonction des frontières qu'avaient ces États avant l'effondrement de l'Union soviétique. Prenant acte de quatre résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies datant de 1993, la politique canadienne a toujours soutenu l'intégrité territoriale de l'Azerbaïdjan et s'est opposée au séparatisme, tout comme elle l'a fait en Géorgie, en Moldavie et en Ukraine.
    À l'instar du Canada, l'Azerbaïdjan apporte un soutien concret à l'Ukraine. Il y envoie d'importantes cargaisons de marchandises aux fins d'aide humanitaire. La société pétrolière d'État de la République d'Azerbaïdjan, la SOCAR, possède des stations-service en Ukraine qui fournissent gratuitement du carburant aux véhicules des services d'urgence tels que les ambulances et les camions de pompiers. L'Azerbaïdjan a récemment fourni à l'Ukraine des générateurs électriques d'urgence pour l'hiver.
    Que peut faire le Canada aujourd'hui? Premièrement, Ottawa devrait faire davantage pour aider à déminer le sixième du territoire de l'Azerbaïdjan — une région deux fois plus étendue que le Grand Toronto — qui, pendant 30 ans, a été sous occupation militaire. Je suis désolé de le dire, mais la contribution du Canada à l'effort de déminage en Azerbaïdjan n'a pas été à la hauteur de l'attention que cette question a reçue ailleurs dans le monde. De nombreux pays, ONG et organismes internationaux du monde entier contribuent non seulement au financement de ce déminage, mais aussi en fournissant du personnel et de l'aide à la formation et à l'enseignement du programme de déminage à long terme de l'Azerbaïdjan.
    Autour de la seule ville détruite d'Aghdam, pas moins de 80 000 mines ont été découvertes et désamorcées. On estime à plus d'un million le nombre de mines posées dans les anciens territoires occupés. Le Canada devrait également encourager l'Arménie à remplir l'obligation qui lui incombe aux termes du droit international de remettre à l'Azerbaïdjan toutes les cartes des mines que ses forces ont posées pendant les 30 ans qu'a duré l'occupation, ce qu'elle a refusé de faire jusqu'à présent.
    Deuxièmement, le Canada devrait ouvrir une ambassade en Azerbaïdjan. La dernière crise sur la route de Latchine et, en fait, toute l'instabilité politique actuelle de la région sont manigancées par la Russie, qui cherche à faire dérailler le processus de paix. L'Union européenne, les États-Unis et d'autres puissances occidentales s'accordent à dire que seuls des contacts et des négociations bilatéraux directs entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie permettront d'aboutir à un règlement définitif. L'Azerbaïdjan a maintes fois fait mention de sa volonté de reconnaître l'Arménie, de réconcilier les deux sociétés civiles et d'établir une coopération mutuellement bénéfique sur le plan économique et dans d'autres sphères d'activités. Seule la Russie s'y oppose, car elle ne veut pas être exclue de cette région où, depuis si longtemps, elle exerce son statut de seule puissance hégémonique.
    Le Canada et l'Azerbaïdjan sont tous deux d'authentiques moyennes puissances multiculturelles qui ne cessent de se surpasser dans la diplomatie internationale. Par leurs actions, leur conduite de la diplomatie internationale, leur participation à la coopération internationale et leur leadership au sein d'organismes internationaux, le Canada et l'Azerbaïdjan ont tous deux démontré leur foi en un ordre international fondé sur des règles. Bien que l'Azerbaïdjan n'est pas aussi démocratique que nous le souhaiterions, sans représentation diplomatique, nous perdons la possibilité de découvrir le véritable pluralisme de la société azerbaïdjanaise, d'amorcer la mise en œuvre d'un dialogue ouvert et de dire à Bakou ce que nous pensons.
    L'Azerbaïdjan est l'acteur géopolitique le plus important de cette région. Non seulement apporte‑t‑il un soutien important à l'Ukraine, mais il est également un allié très important d'Israël, ce que son voisin l'Iran — ironiquement, comme la Russie, un allié de l'Arménie dans le conflit — n'aime pas. Une ambassade canadienne à Bakou est essentielle, non seulement pour améliorer notre représentation dans la région de la mer Caspienne, mais aussi pour nous permettre de nous faire une idée plus objective de ce qui se passe sur le terrain en étant à l'affût de toutes ces nuances névralgiques qui seront déterminantes pour le sort de la région.
    Merci de votre attention.

  (1410)  

    Merci beaucoup, monsieur Cutler.
    Nous allons maintenant donner la parole à Mme Vartanyan.
    Vous avez cinq minutes pour nous livrer vos observations liminaires.
    Monsieur le président Ehsassi, monsieur le vice-président Bergeron, distingués membres du Comité, bonjour.
    Vous avez déjà eu l'occasion d'écouter un certain nombre d'intervenants qui ont fourni des détails sur ce qui se passe sur le terrain dans le Haut-Karabakh. Aujourd'hui, à l'occasion de cette importante audition, j'ai l'intention de vous expliquer plus en détail pourquoi ces développements se produisent et ce qui devrait être fait pour les empêcher de se produire, non seulement maintenant, mais aussi à l'avenir.
    Je vais pour ce faire m'appuyer sur les analyses de mes nombreux collègues de l'International Crisis Group. Mes collègues et moi effectuons des recherches sur le terrain et nous entretenons avec les personnes touchées par le conflit et les décideurs de toutes les parties concernées, tant dans la région que dans les capitales étrangères.
    International Crisis Group s'intéresse au conflit du Haut-Karabakh depuis plus de 15 ans. Au cours de cette période, nous avons connu un grand nombre de hauts et de bas. La dernière guerre — six semaines de combats d'une grande brutalité — a eu lieu en 2020 et a coûté la vie à plus de 7 000 personnes. Cette année, le Crisis Group a inscrit le conflit du Haut-Karabakh dans sa liste des 10 conflits à surveiller dans le monde. Pour en arriver là, nous nous sommes basés sur notre analyse des événements qui ont commencé à se produire l'année dernière. Or — et c'est malheureux de le dire —, nous voyons maintenant des risques accrus d'une nouvelle guerre dans cette région. En voici les raisons.
    L'année dernière, l'Arménie et l'Azerbaïdjan ont entamé des pourparlers de paix. Leurs dirigeants se sont rencontrés plusieurs fois et les ministres des Affaires étrangères de part et d'autre ont commencé à discuter d'un traité de paix. Leurs objectifs étaient vraiment ambitieux, car ils souhaitaient en arriver très rapidement à finaliser le travail. Certains visaient même la fin de l'année, mais la teneur de ces pourparlers est particulièrement ardue et la quantité de sujets cruciaux qui doivent encore être débattus est vraiment trop importante. Malheureusement, compte tenu de la complexité des pourparlers à l'ordre du jour, ce processus de négociation a plus de chances d'échouer que de réussir. Or, l'échec éventuel de ce processus sera assurément une mauvaise nouvelle, car il accroîtra l'instabilité dans la région.
    Les risques d'une nouvelle guerre sont vraiment très élevés. L'année dernière, nous avons déjà assisté à trois escalades, chacune plus meurtrière que la précédente. Deux d'entre elles ont eu lieu dans le Haut-Karabakh et l'autre s'est produite à la frontière. L'Azerbaïdjan a fait usage de sa supériorité militaire alors que la Russie était occupée à envahir son voisin et que les autres pays du monde étaient focalisés sur la réponse à la guerre en Ukraine.
    Cela a permis à l'Azerbaïdjan de renforcer considérablement ses positions au cours de la dernière année, avec comme résultat qu'elle détient désormais un avantage militaire significatif. Lorsque je me suis rendue sur le lieu des derniers combats à la frontière, j'ai vu l'armée azerbaïdjanaise renforcer ses positions. En cas de nouvelle flambée, les soldats azerbaïdjanais pourraient réaliser une avancée militaire à travers l'unique gorge qui sépare désormais leurs positions de l'exclave azerbaïdjanaise du Nakhitchevan, au sud de l'Arménie. L'Arménie serait alors coupée en deux, avec de graves conséquences humanitaires, et les dirigeants arméniens seraient soumis à une pression énorme pour faire des concessions.
    Pour éviter que cela ne se produise, l'Union européenne a annoncé il y a deux jours qu'elle déploierait huit observateurs civils non armés qui auront pour mission d'observer la situation sur le terrain et de faire rapport directement à tous les États membres. Dans les jours à venir, nous, au Crisis Group, aurons en main un rapport qui examinera en détail ce qui devra être fait — et comment — pour que la mission fonctionne. Comme d'autres acteurs de l'extérieur que cette question préoccupe, le Canada devrait soutenir cette mission et l'aider à obtenir suffisamment de personnel ainsi que les moyens et le mandat nécessaires pour prévenir efficacement les incidents susceptibles de dégénérer et de déclencher une nouvelle guerre.
    La mission atténuera les risques d'une nouvelle guerre, mais elle ne pourra pas les éliminer complètement. Ce qui sera essentiel, c'est un processus de négociation fonctionnel qui devrait aboutir à un accord de paix apte à mettre un terme à ce conflit. L'Union européenne a joué un rôle important en facilitant les contacts entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan. Elle a fait en sorte que les dirigeants se rencontrent. Elle a été présente et prête à aider lorsqu'ils ont accepté de poursuivre les pourparlers de paix. Les États-Unis ont soutenu ce processus. L'Union européenne devra poursuivre cette initiative diplomatique, et elle devrait pour ce faire être soutenue par ceux qui se trouvent dans la région et par les autorités des capitales étrangères.
    Maintenant que j'ai campé la situation actuelle, permettez-moi de revenir sur les événements qui ont secoué le Haut-Karabakh.
    La situation s'aggrave et beaucoup s'inquiètent, mais comme vous pouvez le constater, il ne s'agit que de la manifestation la plus récente des tensions. En effet, il est nécessaire d'accroître la pression diplomatique pour apaiser la situation, mais il faut également trouver une voie pour mettre fin au cycle de crises et d'embrasements, tous plus sanglants les uns que les autres. Les appels à la reprise des contacts et des pourparlers pourraient être une façon d'avancer. Pendant l'été, l'Union européenne et les États-Unis ont commencé à travailler sur l'instauration d'une nouvelle dynamique entre Bakou et Stepanakert. De tels contacts pourraient contribuer à la résolution de tout problème futur sur le terrain. Ils donneraient également aux Arméniens qui sont sur place l'assurance qu'ils ne seront pas chassés de chez eux.

  (1415)  

    Je serai heureuse de discuter de ces idées lors de la période des questions.
    Merci encore de m'avoir invitée à votre réunion.
    Merci beaucoup, madame Vartanyan.
    Nous allons maintenant passer aux membres.
    Chacun d'entre vous disposera de six minutes.
    Monsieur Chong, nous commençons par vous.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à nos témoins d'être venus.
    Nous sommes ici aujourd'hui en particulier pour nous concentrer sur le blocage du corridor de Latchine. Mes questions porteront sur ce point en particulier.
    J'aimerais comprendre la configuration exacte de ce blocage. Se trouve‑t‑il à la frontière entre la République d'Azerbaïdjan et la République d'Arménie? Se trouve‑t‑il à l'intérieur de l'Azerbaïdjan proprement dit? Le blocage consiste‑t‑il en des personnes qui font obstacle à la circulation? Sont‑ce plutôt des camions ou d'autres équipements qui bloquent la route? J'aimerais d'abord comprendre la nature physique du blocage.
     Si vous pouviez en parler, ce serait utile. Si vous ne le savez pas, ce n'est pas grave non plus; je passerai à d'autres questions. L'un de vous ou les deux peuvent répondre.
    Allez‑y, monsieur Cutler.

  (1420)  

    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie de votre question, qui témoigne d'un malentendu généralisé. J'ai le plaisir de vous informer qu'il n'y a pas de blocage. Depuis quelques mois, un millier de camions des forces russes de maintien de la paix et du Comité international de la Croix-Rouge ont emprunté la route de Latchine.
    Les problèmes ont commencé le 13 décembre, lorsque des écoactivistes azerbaïdjanais ont cherché à accéder au territoire temporairement occupé par les forces de maintien de la paix russes afin de vérifier le respect des lois environnementales par une société suisse qui, contrairement au droit international, extrait de l'or dans les territoires occupés. En fait, une société britannique, qui détient le contrat pour ces gisements, a officiellement attiré l'attention des gouvernements américain, britannique et autres sur ce fait.
    Le problème n'était pas seulement le fait que ces gisements exploités illégalement étaient acheminés en Azerbaïdjan pour être raffinés et exportés par le couloir ou la route. Il y avait aussi ce problème du non-respect des protocoles nécessaires à la préservation de l'environnement. Tel était le motif initial de la manifestation azerbaïdjanaise qui s'est organisée sur la route le 13 décembre.
    Les forces de maintien de la paix russes ont alors bloqué la route en érigeant des barrières pour empêcher les manifestants azerbaïdjanais de progresser. La route a été bloquée pendant environ une semaine. Puis les Arméniens de Hankendi, une ville qui s'appelait Stepanakert à l'époque soviétique, ont fait une excursion, une manifestation, depuis leur ville le long de la route jusqu'à l'endroit où elle était bloquée afin de voir à ce qu'on la débloque.
     À la suite de cela, les soldats russes ont enlevé les barrières et depuis, les véhicules peuvent circuler librement. Ils s'assurent qu'il n'y a pas d'exportation illégale d'or et qu'aucune mine n'est importée pour être posée, comme cela s'est déjà fait, de sorte que la route est maintenant ouverte.
    Merci beaucoup.
    Pourrais‑je également entendre une réponse de Mme Vartanyan à ce sujet? Quelle est la nature physique du blocage? Pourriez-vous nous donner votre point de vue sur ce qui se passe?
    Merci beaucoup de me donner la possibilité de répondre à cette question.
    Je crois que vous avez déjà entendu un certain nombre de témoins qui non seulement ont discuté avec d'autres personnes sur ce sujet, mais qui ont aussi un lien personnel avec la région. Au sein de l'International Crisis Group, nous parlons à des personnes qui sont touchées par le conflit.
    J'ai eu l'occasion de parler aux personnes qui se trouvent actuellement à Stepanakert. Je communique en fait avec elles depuis le tout début du blocus, qui dure depuis plus de 40 jours. D'après ce que j'ai entendu, les gens ne sont pas en mesure de voyager par la route.
     La guerre de 2020 nous a laissé un accord de paix. En vertu de celui‑ci, nous avons obtenu les territoires où vivent actuellement les personnes d'origine arménienne et les forces russes de maintien de la paix qui y sont présentes. Ces soldats sont chargés d'appliquer et d'observer le cessez‑le‑feu sur le terrain.
    En plus de cette zone, il y a une route, et il s'agit de la seule route qui relie le Haut-Karabakh à l'Arménie et, de ce fait, au monde extérieur. Le blocus actuel se situe exactement à cet endroit.
    Merci, monsieur le président. Je n'ai pas d'autres questions.
    Merci, monsieur Chong.
    Nous allons maintenant passer à Mme Fry.
    Vous avez six minutes, madame Fry.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens à remercier les témoins d'être présents. Je pense que les deux témoins ont un peu fait la lumière sur la situation du corridor de Latchine. Il s'agit d'une question importante que nous tentons d'examiner ici. Cette situation crée‑t‑elle une crise humanitaire? C'est la question que nous posons à ce comité et c'est ce que nous essayons de déterminer. Nous voulons bien sûr également savoir si le Canada peut faire quelque chose.
    Je voudrais poser quelques questions très importantes. Nous savons que l'Union européenne s'est engagée et nous savons que la Russie est censée assurer le maintien de la paix. Nous savons également que des observateurs de l'Union européenne étaient présents sur place. Il existe un rapport sur ce sujet. Les gens s'efforcent de comprendre ce qui se passe.
    J'ai une question importante à poser. Les Nations unies peuvent intervenir. Les États-Unis sont intervenus et ont rencontré les deux parties. La France est intervenue et a rencontré les deux parties. Nous savons que la Russie est en fait officiellement intervenue au moment de Noël et a rencontré les deux parties.
    Selon vous, quelle est la probabilité que l'OSCE, le groupe qui était à l'origine responsable des Accords de Minsk...? Pourquoi ont‑ils échoué? Que peut faire l'OSCE? Elle ne peut pas vraiment envoyer de troupes, mais ses membres pourraient apporter leur aide. Je veux dire que le Canada est membre de l'OSCE. Comme vous le savez, cette organisation regroupe 57 États-nations, dont certains ont une capacité et d'autres non.
    Pourquoi les Accords de Minsk, qui sont l'instance officielle de négociation, ont‑ils échoué? Quelle est la probabilité qu'ils soient renouvelés? Quelle est la probabilité que nous puissions mettre un terme à cette situation? La plupart d'entre nous souhaitent y mettre fin. La plupart d'entre nous veulent un règlement pacifique. La plupart d'entre nous souhaitent que les gens puissent rentrer chez eux et que les personnes d'origine arménienne et les Azerbaïdjanais puissent être amis. Il fut un temps où ils étaient amis. Il fut un temps où nombre d'entre eux entretenaient encore, comme l'a dit M. Cutler, les relations multiculturelles et multireligieuses qui étaient les leurs.
    Que pouvons-nous faire? Quel est le rôle des Accords de Minsk et pourquoi ont‑ils échoué? Ce sont les deux questions auxquelles j'aimerais que l'un d'entre vous réponde, en commençant peut-être par Mme Vartanyan.

  (1425)  

    C'est une excellente question, en particulier la partie sur le rôle de l'OSCE.
    Cette organisation participe au processus, ainsi que le Groupe de Minsk de l'OSCE. Les coprésidents en sont la France, la Russie et les États-Unis. Comme vous le savez probablement, le Groupe de Minsk a eu d'énormes problèmes pour reprendre ses fonctions après la guerre de 2020 en raison de la résistance de l'Azerbaïdjan à collaborer avec lui. Bakou pense que le Groupe a échoué dans le cadre des négociations en vue d'un accord de paix. Bakou a tout de même essayé de collaborer avec le Groupe. Ils ont toutefois constaté que les choses ne se passaient pas comme ils le souhaitaient et que le processus se trouvait dans une impasse.
    L'autre raison pour laquelle le Groupe de Minsk de l'OSCE ne se réunit pas est l'invasion russe de l'Ukraine. Lorsque l'Occident est devenu beaucoup plus engagé dans la médiation entre les dirigeants de l'Arménie et de l'Azerbaïdjan, la Russie s'est essentiellement retirée du Groupe. Il existe toujours sur le papier, donc il est possible qu'il se réunisse à nouveau, mais pour l'instant, il est difficile d'imaginer une quelconque coopération entre les États-Unis et la Russie, y compris, malheureusement, au sujet du Haut-Karabakh.
    Cela étant dit...
    Merci, madame Vartanyan. Pourriez-vous conclure? J'aimerais donner à M. Cutler l'occasion de s'exprimer lui aussi.
    Certainement. Je veux juste dire que l'OSCE devrait avoir ce rôle. Les événements récents survenus à la frontière, par exemple, montrent que l'OSCE peut envoyer une mission et mener une mission d'enquête, mais cela ne signifie pas vraiment... Même si l'OSCE, à laquelle Bakou est si allergique, ne peut pas faire son travail, rien n'empêche le Canada de faire quelque chose et de soutenir, par exemple, l'Union européenne comme le font les États-Unis.
    Merci.
    Allez‑y, monsieur Cutler.
    Merci pour votre question.
    Pour reprendre le dernier point de l'intervenante précédente, si l'OSCE n'a pas envoyé de mission d'enquête, c'est parce que la décision avait été mal prise et qu'il n'y avait pas de mandat.
    Si le Groupe de Minsk n'a aucune chance de réussir, je suis désolé de le dire, c'est parce que son mandat est devenu obsolète. Le mandat du Groupe de Minsk était fondé sur la résolution pacifique du conflit, ce qui n'a pas été le cas. Vous connaissez probablement les six points des Principes de Madrid, qui ont été rédigés en 2007 et révisés en 2009. La lecture de ces six points indique qu'ils sont obsolètes. Soit ils ont été réalisés, soit ils ont été dépassés par les événements. Je pense qu'on peut le dire ainsi. De plus, si l'on prend les trois coprésidents — la Russie, la France et les États-Unis — aucun d'entre eux ne s'intéresse au Groupe de Minsk.
    Hier encore, le secrétaire d'État américain a insisté sur le fait que la seule voie possible serait d'établir des contacts bilatéraux directs entre les deux parties. La France n'est pas une partie neutre en raison des proclamations très publiques du président Macron. Par exemple, après le déclenchement de la guerre, à l'automne 2020, il a déclaré à ses concitoyens français que la France ne permettrait pas — il s'agit presque d'une citation directe, car j'ai écrit sur ce sujet — à l'Azerbaïdjan de reprendre le Haut-Karabakh et que la France jouerait son rôle pour empêcher que cela ne se produise. Il s'agit d'une paraphrase très fidèle, presque une citation directe. La France n'est pas digne de confiance, et on peut comprendre la méfiance de l'Azerbaïdjan à l'égard de ce pays sur ce point.
    Enfin, la Russie ne veut pas donner un droit de parole aux États-Unis ou à la France sur la situation parce que c'était le cas jusqu'à ce que Charles Michel commence sa médiation ou ses convocations en décembre 2021, qui ont été très fructueuses jusqu'à un certain point... Suite à la déclaration trilatérale de novembre 2020, la Russie monopolisait les interactions entre ces deux pays. Aucun des coprésidents du Groupe de Minsk n'a...

  (1430)  

    Je crains que votre temps ne soit écoulé, monsieur Cutler.
    ... d'incitatif à poursuivre.
    Merci beaucoup.
    Merci, madame Fry et monsieur Cutler.
    Nous allons maintenant passer à M. Bergeron.
    Monsieur Bergeron, vous avez six minutes.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être des nôtres aujourd'hui.
    Je vais d'abord m'adresser à M. Cutler. D'abord, j'aimerais lui dire que sa présentation de la situation m'apparaît être une présentation alternative de la réalité qui a cours là-bas. En effet, cette présentation ne correspond pas, à première vue, à l'ensemble des informations qui circulent à propos de ce qui se passe véritablement dans le corridor de Latchine. En ce sens, je salue sa contribution aux travaux du Comité.
    Cela m'amène à lui poser immédiatement une question. Je dois dire que je suis extrêmement dubitatif en ce qui a trait à sa présentation, dans la mesure où le Canada, les États‑Unis, l'Union européenne, la France, qui de toute façon n'est pas un intervenant fiable, crédible et neutre, selon ses propos, ont, au cours des premières heures ou des premiers jours du blocage, qui aurait eu lieu le 12 décembre, réclamé de l'Azerbaïdjan qu'elle rouvre les communications. Or M. Cutler présente une séquence des faits différente.
    Monsieur Cutler, êtes-vous en train de laisser entendre que les services de renseignement des États‑Unis, de l'Union européenne, de la France et du Canada étaient complètement à côté de leurs pompes?
    Je crois comprendre que le député a terminé son intervention.
    Est-ce que j'ai la parole, monsieur le président?

[Traduction]

    La parole est à vous, monsieur Cutler.

[Français]

     Je vous remercie de vos propos, monsieur le député.
    D'abord, il ne s'agit pas d'informations venant des services de renseignement, mais d'informations propagées par les médias de masse. Je vous assure que tous les constats dont je vous fais part sont basés sur des reportages sur le terrain, que je suis au jour le jour.
    Effectivement, c'est une version des faits différente, dans la mesure où elle diffère de celle qui est présentée par les médias de masse.
    Je vais vous donner un exemple. Depuis le début, nous avons beaucoup entendu dire que 120 000 habitants de Stepanakert auraient été touchés par une pénurie de denrées alimentaires, entre autres. Je vous dis carrément, monsieur le député, que ce chiffre est périmé, car il remonte à avant la guerre de 2020. Selon des dires publics et les autorités arméniennes, la population de Stepanakert ne serait que de 30 000 habitants.
     On parle aussi de l'interruption de l'approvisionnement en gaz, dont les Azerbaïdjanais seraient supposément coupables. Il s'agit d'un gazoduc souterrain construit pendant l'occupation et contrôlé par l'État arménien. Ce sont les Arméniens d'Arménie qui fournissent ce gaz aux Arméniens du Haut‑Karabakh. L'Azerbaïdjan n'est pas en mesure de couper cet approvisionnement en gaz. L'année dernière, on racontait la même histoire. Je m'en souviens, car je suis de très près les événements, et je suis certain qu'on racontera la même histoire l'année prochaine. En fait, les Azerbaïdjanais devaient demander la permission des autorités arméniennes et des troupes russes pour intervenir sur le terrain et faire le nécessaire pour régler le problème. On le leur a permis, et le problème est disparu.
    Il ne s'agit donc pas d'informations venant des services de renseignement ou des services secrets, privés ou privilégiés, monsieur le député. Ce sont des informations propagées par les médias de masse. Nous avons appris, depuis un certain temps, à faire preuve de scepticisme dans l'évaluation de tout ce genre d'informations.
    En conclusion, monsieur le député, je vous assure qu'en tant que spécialiste, je suis de près, au jour le jour, les événements. Vous dites que je présente une version différente des faits. Effectivement, elle diffère de la soi-disant réalité qui est dépeinte par les médias, mais je vous assure que c'est la réalité sur le terrain.

  (1435)  

    Je ne voudrais pas tomber dans des théories complotistes en prétendant que les médias de masse, comme vous les appelez, cherchent à imposer un scénario qui ne correspondrait pas à la réalité. Par qui cela serait-il téléguidé, et pourquoi? Je ne sais trop, mais je suis d'autant plus étonné par votre propos qu'il semble laisser entendre que des États comme le Canada, les États‑Unis et les pays de l'Union européenne baseraient leurs prises de position publiques sur le plan international uniquement sur des informations véhiculées par des médias de masse plutôt que sur des informations qui leur sont fournies par leurs services de renseignement.
    Quoi qu'il en soit, j'aimerais m'adresser maintenant à Mme Vartanyan. Le président m'indique qu'il me reste très peu de temps mais, lorsque nous aurons l'occasion d'y revenir, peut-être pourrez-vous nous dire quelques mots à ce sujet. La déclaration trilatérale ou l'accord de cessez-le-feu prévoit que le corridor de Latchine demeure sous le contrôle des forces de maintien de la paix de la Fédération de Russie et que l'Azerbaïdjan s'engage à garantir la sécurité des déplacements des citoyens, des véhicules et des biens dans les deux sens. Or tout indique que la circulation dans un sens est interdite dorénavant.
    S'agit-il manifestement d'une violation de l'accord de cessez-le-feu?

[Traduction]

    Madame Vartanyan, je crains que vous n'ayez que 20 à 30 secondes pour répondre, car nous avons largement dépassé le temps qui nous est imparti.
    Je n'ai pas besoin de plus de temps. Il suffit de regarder la déclaration de cessez‑le‑feu faite en novembre 2020. Dans le même ordre d'idées, il y a aussi la déclaration de l'OSCE concernant l'envoi d'une mission d'enquête en Arménie l'année dernière, celle que M. Cutler a remise en question plus tôt.
    Merci.
    Merci beaucoup, madame Vartanyan.
    Nous allons maintenant passer à M. Davies.
    Monsieur Davies, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Mes questions s'adressent à Mme Vartanyan.
    Il me semble, ou j'ai l'impression, qu'il y a différentes versions de ce qui se passe sur le terrain.
    Madame Vartanyan, selon vos sources ou votre témoignage, y a‑t‑il ou non un blocus du corridor de Latchine actuellement?

  (1440)  

    Nous considérons que les événements actuels constituent clairement un blocus, à l'instar des organisations de défense des droits de la personne comme Freedom House et Amnesty International. D'autres acteurs considèrent également ces mêmes événements comme un blocus.
    Merci.
    J'aimerais revenir sur la question de mon collègue, M. Bergeron, concernant l'accord de cessez‑le‑feu de novembre 2020. Cet accord prévoit que le corridor de Latchine demeure sous le contrôle des forces du maintien de la paix de la Fédération de Russie, et que l'Azerbaïdjan s'engage à garantir la sécurité des déplacements de citoyens, de véhicules et de biens dans les deux sens dans le corridor de Latchine.
    Est‑ce le cas actuellement? Selon vous, quelles mesures l'Azerbaïdjan prend‑il ou ne prend‑il pas pour assurer la libre circulation des biens et des personnes dans les deux sens sur le corridor de Latchine?
    Depuis plus de 40 jours, des civils de l'Azerbaïdjan bloquent la seule route qui relie le Haut-Karabakh à l'Arménie. Un certain nombre de faits permettent de déterminer que ces militants sont liés au gouvernement de l'Azerbaïdjan. Nous avons fait nos propres recherches à ce sujet. Ces militants sont clairement liés au gouvernement. En outre, nous avons constaté que les dirigeants de l'Azerbaïdjan, lorsqu'ils s'expriment et font certaines déclarations, reprennent ou utilisent les mêmes propos que les militants.
    Nous pensons donc que les membres de la communauté internationale qui demandent à l'Azerbaïdjan de respecter l'accord et de garantir la sécurité et la libre circulation sur place ont raison de demander à l'Azerbaïdjan de faire quelque chose à ce sujet.
    Le 19 janvier, le Parlement européen a adopté une résolution condamnant l'inaction des forces de maintien de la paix russes dans le Haut-Karabakh et demandant leur remplacement par des forces de maintien de la paix internationales de l'OSCE, sous mandat de l'ONU. Cette résolution critiquait également le Groupe Minsk pour son inactivité.
    Êtes-vous d'accord avec l'appel du Parlement européen à remplacer les forces de maintien de la paix russes dans le Haut-Karabakh par des forces de maintien de la paix de l'OSCE sous mandat de l'ONU? Si oui, pourquoi?
    Je comprends qu'il est très important de poursuivre les discussions sur la sécurité et les droits de la personne des personnes d'origine arménienne qui vivent dans le Haut-Karabakh. Selon la déclaration de cessez‑le‑feu faite par l'Arménie, l'Azerbaïdjan et la Russie, les soldats de la paix russes qui sont actuellement présents dans les zones du Haut-Karabakh peuplées par des Arméniens sont chargés d'observer le cessez‑le‑feu. Si la communauté internationale peut aider les deux parties à conclure un accord de paix garantissant que les personnes d'origine arménienne locales pourront continuer de vivre sur place, je suis sûre que je ne serais pas la seule à soutenir cette solution. Beaucoup de personnes la soutiendraient.
    Je crois que pour que cela se produise, nous devons tout d'abord examiner la possibilité de rétablir la présence internationale sur le terrain. Actuellement, seul le CICR, qui a un mandat humanitaire, est présent sur le terrain. Depuis que le Crisis Group a vu la déclaration de cessez‑le‑feu de 2020, au tout début, il demande que la communauté internationale s'engage davantage dans cette situation, y compris, par exemple, en confiant à l'ONU une mission qui pourrait avoir accès à la situation sur le terrain, l'observer et en rendre compte directement et régulièrement au Conseil de sécurité de l'ONU. Je suis certaine que nous pourrions ainsi obtenir plus de renseignements de première main sur les événements sans parler de rapports étranges et de gazouillis que certaines personnes suivent. Nous pourrions ainsi comprendre ce qui se passe et ce que nous pouvons faire pour commencer à progresser vers la fin de ce conflit.
    Je vais terminer en disant ce qui suit. Je pense que nous aimerions tous ramener la paix dans la région pour toutes les parties. Comment les opinions sur les perspectives de paix diffèrent-elles, par exemple, en Azerbaïdjan, en Arménie et dans le Haut-Karabakh? Comment peut-on instaurer une paix durable dans la région et quels sont les obstacles à cet égard?

  (1445)  

    Je pense que l'Arménie et l'Azerbaïdjan sont sur la bonne voie. Ils entretiennent un dialogue et ont discuté de l'essence même de sujets très difficiles. Ils doivent continuer de le faire. Il ne devrait pas y avoir de recours à la force ni de situations comme celles que connaît le Haut-Karabakh. Les escalades empêchent les négociations, et il devrait assurément y avoir plus de contacts entre Bakou et Stepanakert pour garantir l'avenir des personnes d'origine arménienne dans le Haut-Karabakh.
    Je vois que le président brandit le panneau rouge. Merci.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à la deuxième série de questions. La première question revient à M. Hoback.
    Monsieur Hoback, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais remercier les deux témoins de leur présence cet après-midi.
    Madame Vartanyan, comment envisagez-vous le rôle des Russes en tant que gardiens de la paix? Ont‑ils le soutien des deux camps? Pensez-vous qu'ils ont le respect et la capacité nécessaires pour s'acquitter de ce type de mandat?
    Les forces de maintien de la paix ont un contingent très limité sur le terrain. Elles sont surtout présentes le long des routes principales, avec divers points de contrôle. Elles n'ont pas assez de personnel, par exemple, pour assurer la sécurité de la population locale. Dès le début, la population locale s'est posé des questions, mais comme elle a compris qu'il s'agissait de la seule présence internationale convenue à ce jour, elle l'a acceptée et l'a soutenue.
    Plus la situation se prolongeait, plus les gens se rendaient compte qu'il y avait des problèmes. L'Azerbaïdjan a profité de l'invasion de l'Ukraine par la Russie et du fait que la Russie préfère toujours se concentrer sur sa guerre, c'est‑à‑dire sur sa guerre illégale en Ukraine. Comme je l'ai décrit dans mon mémoire et comme je l'ai dit plus tôt dans ma déclaration préliminaire, l'Azerbaïdjan a attaqué le Haut-Karabakh à deux reprises l'année dernière, et a même attaqué la frontière. Je dirais que la dernière frappe était encore plus étendue, car elle a duré deux jours et a pris place sur 200 kilomètres. On ne peut pas vraiment lancer une attaque spontanée comme celle‑là sans la planifier.
    Ce que j'essaie de dire, c'est qu'au début, certaines personnes étaient prêtes à faire confiance aux forces de dissuasion russes, mais cette confiance a certainement été ébranlée, et les gens sur le terrain se posent maintenant des questions. C'est la raison pour laquelle je pense que c'est une bonne chose que nous ayons cette discussion, car ce sont les principaux enjeux sur lesquels il faut se pencher en ce moment. Si la situation ne change pas, nous assisterons peut-être à la montée de la violence dans la région. Nous ne voulons certainement pas faire face à une situation dans laquelle nous ne pourrions pas intervenir dans une nouvelle guerre, car je pense qu'une telle guerre serait dévastatrice et entraînerait de graves conséquences.
    Nous voyons certainement l'influence historique russe dans la région.
    Vous avez dit que vous aviez vu les responsables arméniens et azerbaïdjanais discuter entre eux et chercher une nouvelle voie à suivre. Pensez-vous que d'autres pays pourraient nuire à l'adoption de cette nouvelle voie? Pensez-vous que les expatriés ou d'autres groupes pourraient empêcher la réalisation de cet objectif?
    Je ne pense pas que ce soit vraiment le cas. L'Arménie est un pays souverain depuis plus de 30 ans. L'Azerbaïdjan a adopté une approche très déterminée et réaliste au sujet de nombreux enjeux. Je pense que le plus gros problème reste le fait que les responsables cherchent à achever le processus le plus rapidement possible. Ils se penchent sur des enjeux très difficiles. Malheureusement, ils le font sans médiation, car le Groupe de Minsk de l'OSCE s'est désintégré, même s'il existe toujours en théorie.
    En outre, il existe un profond manque de confiance lorsqu'une partie craint toujours que l'autre partie puisse utiliser ses paroles, ses positions ou toute autre déclaration qu'elle a faite. Cela empêche d'atteindre certains des résultats que de nombreuses personnes souhaiteraient obtenir.
    Je travaille ici depuis plus de 15 ans et j'ai été témoin de la guerre en 2020. Dans chaque village d'Arménie où je me suis rendue pendant cette guerre, il y avait des funérailles. Cela a marqué les habitants. Ils veulent la paix, mais cette paix doit apporter la stabilité, et non d'accroître la possibilité qu'une nouvelle guerre éclate.
    Comment le blocus s'inscrit‑il dans cette équation? Fait‑il partie du processus? Est‑il un outil de négociation?
    Nous avons entendu les gens qui sont à proximité affirmer qu'il s'agit d'une manifestation pour l'environnement ou qu'il est fondé sur des questions minières, et je pense que de nombreuses personnes rejettent cette explication. S'agit‑il seulement d'un élément dans le cadre d'un processus plus vaste?

  (1450)  

    Si cela concernait l'environnement, il y aurait d'autres façons de procéder.
    Presque le même jour où le processus a commencé, c'est‑à‑dire lorsqu'on a bloqué la route, les autorités locales de Stepanakert ont tenté de proposer des pourparlers. Elles ont même proposé, si on ne leur faisait pas confiance, de faire venir des experts internationaux et des ONG internationales qui pourraient les aider à examiner leurs préoccupations et à résoudre le problème. Cependant, il est évident que rien ne bouge. Il n'y a aucune communication à cet égard.
    Le blocus actuel découle de tous les problèmes que nous avons observés l'année dernière, et l'Azerbaïdjan a intensifié ses efforts et ses manifestations de puissance. Il faut trouver un moyen de remédier à la situation, surtout avec les problèmes humanitaires qui ne cessent de s'accroître sur le terrain.
    Je pense que le président me fait signe que mon temps est écoulé. Je vais donc m'arrêter ici.
    Je vous remercie de votre temps.
    Je vous remercie beaucoup.
    La parole est maintenant à M. Oliphant.
    Monsieur Oliphant, vous avez cinq minutes.
    Je remercie les témoins.
    J'imagine que vous pouvez comprendre que nous essayons de démêler tout cela pour nous faire une idée plus précise de la situation actuelle dans un contexte élargi. Nous comprenons que ce contexte élargi a 100 ans. Un conflit qui a éclaté en 1992 se poursuit à ce jour, et il est donc très difficile pour nous de comprendre ce qui passe exactement en ce moment. Nous entendons différentes versions de la réalité. Je n'ai aucune intention de critiquer les réalités que nous avons entendues, mais je tente de comprendre ce qui se passe.
    Si vous n'avez pas de connaissances directes, pouvez-vous me diriger vers quelqu'un qui possède de telles connaissances? Je demanderais aux deux témoins de nous indiquer à qui nous devrions nous adresser pour mieux comprendre la situation.
    Monsieur le président, pourriez-vous demander aux témoins de répondre, puisqu'ils ne peuvent parler qu'à vous et non à moi?
    Monsieur Cutler, pourriez-vous répondre en premier, s'il vous plaît?
    Oui. Je crois que des photographies par satellite de sources ouvertes sont accessibles — sans interprétation — et qu'il est possible de les examiner. Il y a toutes sortes de rapports sur le terrain, puisque nous sommes en 2023. Il est toutefois nécessaire, bien entendu, d'évaluer ces rapports très soigneusement, mais à force de s'y exercer, cela devient possible. Il n'est pas nécessaire d'avoir une vision conflictuelle des choses pour préciser que le scepticisme est toujours une bonne chose lorsqu'on évalue des renseignements fournis par des personnes qui ont un intérêt à ce que ces renseignements soient crédibles ou non.
    Je ne peux répondre qu'à partir de mon expérience personnelle et individuelle. J'ai été formé pendant la dernière décennie de la guerre froide. J'ai fait mes premières armes en lisant la presse soviétique. Il est nécessaire d'évaluer même les témoignages qui semblent être de première main et qu'on affirme être de première main. Il est toujours nécessaire de s'interroger sur les motivations des personnes qui fournissent ces témoignages et de se demander s'il y a d'autres points de vue. C'est comme un casse-tête, et il faut assembler toutes les pièces pour déterminer ce qui est plus probable et ce qui l'est moins.
    Je ne suis pas certain, monsieur, qu'il y ait une source unique ou même une petite poignée de sources qu'on peut utiliser en toute confiance pour affirmer que ce sont celles que nous avons… Avec tout le respect que je dois à l'International Crisis Group, un groupe de travail que je respecte beaucoup, il s'agit seulement d'un groupe dans un grand nombre…

  (1455)  

    Je vous remercie. Je vais devoir vous arrêter ici, car il ne me reste qu'une minute.
    J'aimerais maintenant aborder un autre point. Si la vérité est la première victime de la guerre — et je pense que c'est ce que nous entendons aujourd'hui — et que la vérité se trouve quelque part, il me semble que nous devons faire marche arrière et résoudre ce qui était à un moment donné un conflit latent et qui s'est maintenant transformé en escarmouches dispersées et en blocage sur une route, ce qui pourrait peut-être causer une crise humanitaire.
    Quelles sont vos suggestions pour l'avenir? Devons-nous mettre l'accent sur le processus de Minsk? Devons-nous envisager un processus de rechange? Cela se ferait‑il avec l'Union européenne ou s'agirait‑il d'un autre processus de l'ONU? Que recommanderiez-vous?
    Madame Vartanyan, j'aimerais d'abord entendre votre réponse.
    Je vous remercie beaucoup.
    Je pense qu'il faudrait faire deux choses au sujet du blocus. Premièrement, je pense que le Canada devrait continuer à exercer des pressions sur Bakou pour que nous puissions commencer à voir au moins plus de mouvement sur cette route.
    Je parle régulièrement aux gens sur le terrain et d'après ce que je comprends, la situation ne cesse d'empirer. Malheureusement, les contacts sont inexistants. Ce sont eux qui pourraient, par exemple, résoudre certains des problèmes liés au manque de gaz ou d'électricité, car les lignes se trouvent dans les zones contrôlées par les Azerbaïdjanais.
    La deuxième chose est très importante, car il s'agit de demander des pourparlers. En ce sens, l'idée selon laquelle l'Union européenne et les États-Unis doivent créer une voie de communication directe entre Bakou et Stepanakert est une excellente idée. Le fait d'y croire pourrait satisfaire toutes les parties.
    Il est très important de continuer à appuyer les efforts de l'Union européenne pour réunir les dirigeants. De même, comme je l'ai dit, je pense que le Canada devrait soutenir la mission européenne à la frontière arméno-azerbaïdjanaise.
    La parole est maintenant à M. Bergeron.
    Monsieur Bergeron, vous avez deux minutes et demie.
    Excusez-moi, monsieur, mais la question ne m'était-elle pas adressée?
    Monsieur Cutler, elle vous était adressée, mais le temps imparti est écoulé. Je suis désolé, mais nous devons donner la parole à l'intervenant suivant.
    Monsieur Bergeron, vous avez deux minutes et demie.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Comme participant actif à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, j'ai l'occasion d'entendre la rhétorique de l'Arménie et de l'Azerbaïdjan sur le conflit qui, comme l'évoquait M. Oliphant, a cours entre ces deux pays depuis de nombreuses décennies.
    Évidemment, nous savons que le problème du corridor de Latchine est directement lié à ce conflit. Zaur Shiriyev, un analyste de l'International Crisis Group, a expliqué à Eurasianet, le 15 décembre dernier, que si Bakou s'engageait de bonne foi auprès des Arméniens locaux, cela pourrait réduire les risques concernant l'accord de paix.
    Pourriez-vous nous dire, très rapidement, quelles sont vos impressions sur un éventuel accord de paix? La paix est-elle possible ou faut-il se résigner à cet état de guerre permanent entre les deux pays?
    Ma question s'adresse aux deux témoins, indifféremment.
    Je vous remercie.
    Pouvez-vous me donner la parole, monsieur le président?

[Traduction]

    C'est déjà fait, monsieur Cutler.

[Français]

    Je vous remercie.
    Monsieur le député, on ne peut qu'être d'accord sur un engagement entre Bakou et les Arméniens du Haut-Karabakh. Cela a eu lieu en été et en automne.
    L'autre expert qui comparaît devant vous aujourd'hui sait comme moi, j'en suis certain, qu'un nouveau leader a été parachuté au Haut-Karabakh arménien à partir de Moscou. Il s'appelle Ruben Vardanyan et n'est pas originaire du Haut-Karabakh. Je suis sûr qu'il n'y a aucune relation entre lui et Mme Vartanyan. Je ne vais pas tout raconter à son sujet, mais disons que, dès son arrivée, la politique arménienne s'est durcie. Or une nette amélioration était en cours.
    Je profite de l'occasion pour exprimer mon accord sur la nécessité de mettre de la pression sur Bakou. Comme je le disais au début, il faut pour cela qu'il y ait une ambassade canadienne à Bakou et qu'on puisse ainsi faire savoir à ce gouvernement ce que pensent les Canadiens. Parmi les choses que peut faire le Canada, il y a la sensibilisation à la question des mines et la réalisation de l'accord de 2020.
    Je vous remercie.

  (1500)  

     Est-ce encore à moi?

[Traduction]

    Non, parce que vous avez dépassé le temps imparti, ce qui est également arrivé lors de la série de questions précédente, monsieur Bergeron.
    La parole est maintenant à M. Davies pour la dernière série de questions.
    Vous avez deux minutes et demie, monsieur.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Madame Vartanyan, je pense qu'en plus des solutions politiques, nous devons également prêter attention aux structures juridiques si nous souhaitons réellement bâtir un système international fondé sur la primauté du droit. À cette fin, j'aimerais souligner que le 21 décembre, la Cour européenne des droits de l’homme a indiqué au gouvernement azerbaïdjanais qu'il devait prendre toutes les mesures relevant de sa compétence pour assurer le passage sécuritaire, par le corridor de Latchine, des personnes gravement malades qui ont besoin de traitements médicaux en Arménie et d'autres personnes bloquées sur la route qui n'ont ni abri ni moyens de subsistance. En même temps, la Cour a indiqué que la mesure dans laquelle le gouvernement azerbaïdjanais contrôlait actuellement la situation dans le corridor de Latchine était contestée et incertaine.
    Qu'en pensez-vous? Pourquoi l'Azerbaïdjan est‑il incapable de contrôler la situation dans le corridor? Ou pensez-vous au contraire que le pays contrôle la situation dans le corridor?
    Comme je pense l'avoir déjà dit, nous observons que l'Azerbaïdjan contrôle les manifestants qui sont présents sur cette route. D'autres signes montrent que les manifestants assurent une étroite coordination avec les structures gouvernementales azerbaïdjanaises. De plus, nous pouvons observer que les dirigeants azerbaïdjanais utilisent les mêmes mots que les manifestants.
    Je vous remercie.
    Je pense que je vais terminer mon intervention en abordant la question de la situation humanitaire. Il semble difficile d'obtenir des renseignements sur cette situation.
    Pouvez-vous nous donner une idée générale de l'état actuel de la situation humanitaire à laquelle font face les habitants de la région?
    La population locale souffre de pénuries de nourriture. Par exemple, il n'y a plus de légumes ou de fruits depuis des semaines. Il y a également d'autres problèmes avec les fournitures médicales, car les gens ne peuvent même plus obtenir de simples analgésiques à leur pharmacie locale, sans parler des médicaments nécessaires pour les personnes atteintes de cancer, par exemple, ou de diabète.
    En outre, près de la moitié de la population du Haut-Karabakh vit à Stepanakert. Devant les magasins, on peut voir de très longues files de personnes qui tentent d'acheter au moins des oeufs ou des fromages apportés des autres villages, car aucune autre nourriture n'arrive au Haut-Karabakh à cause du blocage de la route.
    De plus, les gens sur le terrain commencent à avoir des problèmes avec le chauffage, car l'approvisionnement en gaz est intermittent. Encore une fois, le gazoduc et les lignes électriques se trouvent sur le territoire contrôlé par l'Azerbaïdjan. Par conséquent, les gens souffrent d'une pénurie d'aliments essentiels. Ils n'ont pas de fournitures médicales et en plus de tout cela, ils ont tout simplement froid. En effet, c'est l'hiver là‑bas et il s'agit d'une région montagneuse.
    Je vous remercie beaucoup.
    À ce moment‑ci, permettez-moi de remercier M. Cutler et Mme Vartanyan. Nous vous remercions de votre temps, de votre point de vue et de vos témoignages. Ils nous ont été très utiles, et je sais que je parle au nom de tous les membres du Comité lorsque je dis que nous espérons voir une résolution pacifique immédiate de ce conflit.
    Nous allons maintenant suspendre la séance pendant cinq minutes.

  (1500)  


  (1510)  

    Nous reprenons la séance pour la quatrième heure de notre audience sur la situation actuelle entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie, notamment en ce qui concerne le corridor de Latchine.
    Nous sommes reconnaissants d'avoir avec nous aujourd'hui M. Anar Jahangirli, président du conseil du Network of Azerbaijani Canadians, ainsi que M. Christopher Waters, professeur à l'Université de Windsor.
    Vous disposerez chacun de cinq minutes pour faire une déclaration préliminaire. Les membres du Comité vous poseront ensuite des questions. Lorsqu'il ne vous restera que 30 secondes, je brandirai ce carton, qui signifie que vous devez conclure votre intervention. Cela s'applique à votre déclaration préliminaire et aux réponses que vous donnerez aux questions qui vous seront posées par les membres du Comité.
    Monsieur Jahangirli, vous avez la parole. Vous avez cinq minutes.
     Je vous remercie, monsieur le président, mesdames et messieurs, de m'avoir invité à témoigner. Je représente le Réseau des Canadiens azerbaïdjanais, une organisation communautaire qui défend les intérêts des Canadiens azerbaïdjanais.
    Plus tôt aujourd'hui, le Comité a entendu quatre témoins arméniens et un expert qui se trouve être arménien aussi. Je pense qu'il est très symbolique que l'autre partie doive présenter son point de vue en cinq itérations. Le point de vue azerbaïdjanais vous informera des faits importants qui manquent dans ce discours enflammé. Un seul témoin suffira pour présenter la vérité.
    Je m'exprime aujourd'hui à un moment très difficile pour la région du Caucase du Sud, où le président russe Vladimir Poutine tente de provoquer une nouvelle crise et de rompre le processus de paix fragile entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie. Il est donc très important de nous arrêter un peu pour porter attention à ce qui n'a pas été dit, afin de replacer la situation dans le contexte de ce qui se passe réellement dans la région.
    Je mentionnerai trois périodes importantes dans l'histoire.
    La première est celle où l'Arménie encourageait l'irrédentisme et le séparatisme ethnique en Azerbaïdjan, pendant les dernières années de l'Union soviétique. Juste après l'effondrement de l'U.R.S.S., le conflit a dégénéré en guerre à grande échelle. La plus grande atrocité de masse de ce conflit, le massacre de Khojaly, a fait 613 victimes en une nuit parmi les civils azerbaïdjanais au cœur du Karabakh, aux mains des soldats arméniens.
     La guerre s'est finie en 1994, laissant environ 15 % des territoires azerbaïdjanais internationalement reconnus sous occupation arménienne et 700 000 Azerbaïdjanais autochtones du Karabakh en proie au nettoyage ethnique, forcés de vivre dans des camps de personnes déplacées ailleurs dans le pays. À ces réfugiés totalement oubliés du monde, il faut ajouter 200 000 Azerbaïdjanais qui ont dû quitter l'Arménie elle-même.
    Par la suite, pendant 26 ans, se sont étirés des négociations, ou plutôt un semblant de négociations, l'Arménie ne faisant rien pour se retirer des territoires azerbaïdjanais occupés illégalement.
    Le deuxième virage important s'est amorcé quand la guerre a éclaté, en septembre 2020, et que l'Azerbaïdjan a réussi à libérer la plupart de ses territoires occupés illégalement par l'Arménie. Le 9 novembre, après que l'Azerbaïdjan ait repris le contrôle de territoires clés et de la ville historique azerbaïdjanaise de Shusha, l'Arménie a accepté de signer une déclaration dans laquelle elle fournissait un calendrier de retrait de ses troupes du reste des territoires azerbaïdjanais occupés. Malheureusement, certaines dispositions de cet accord n'ont toujours pas été mises en œuvre par l'Arménie. Je serai heureux de vous en parler davantage si le temps me le permet. Selon la déclaration en question, un contingent de maintien de la paix russe devait être déployé dans la région jusqu'en novembre 2025.
    Depuis, les parties se sont engagées dans des pourparlers de paix. En octobre dernier, à Prague, l'Azerbaïdjan et l'Arménie ont signé une déclaration confirmant leur engagement à reconnaître l'intégrité et la souveraineté territoriale l'un de l'autre. C'est à ce moment‑là que le régime de Poutine a parachuté un oligarque arméno-russe, Ruben Vardanyan, au Karabakh pour déstabiliser la situation et faire dérailler le processus de paix.
     Cela m'amène à mon dernier point, à la situation actuelle.
    Cet individu, qui est d'ailleurs sanctionné par l'Ukraine, a rapidement pris le pouvoir en tant que « ministre d'État » dans la région azerbaïdjanaise du Karabakh, où le contingent russe de maintien de la paix est temporairement déployé. Depuis le 12 décembre, des militants azerbaïdjanais manifestent sur la route qu'empruntent les Arméniens du Karabakh pour rejoindre l'Arménie proprement dite. Ils manifestent contre l'exploitation illégale de mines d'or et de cuivre dans la région azerbaïdjanaise du Karabakh, et non contre les civils ou le transport humanitaire.
    Actuellement, des militants azerbaïdjanais contrôlent la route pour empêcher le transport hors de la région d'armes et de ressources aurifères extraites illégalement. Je répète qu'aucun accès humanitaire n'est bloqué. C'est évident au vu des nombreux véhicules qui continuent de passer par là chaque jour. Plus de 1 000 véhicules et camions ont emprunté cette route au cours du dernier mois et demi, selon les informations les plus récentes.
    Si la situation sur le corridor de Latchine n'est pas du tout celle dans laquelle les Azerbaïdjanais et les Arméniens devraient se trouver, nous nous interrogeons sur les motivations de ceux qui amplifient les affirmations facilement réfutables d'un oligarque soutenu par la Russie. Nous nous interrogeons sur les motivations de ceux qui ne se sont pas prononcés une seule fois en faveur du processus de paix et de la signature d'un accord de paix, mais qui au contraire régurgitent une propagande haineuse en faveur de la guerre. Notre communauté canadienne azerbaïdjanaise s'oppose fermement à l'ingérence de la Russie dans la région du Caucase du Sud, afin que l'Azerbaïdjan et l'Arménie puissent poursuivre leurs négociations de paix jusqu'à la conclusion d'un traité de paix.

  (1515)  

     Par conséquent, nous exhortons le gouvernement canadien à se demander si les discours qu'il amplifie sont fondés sur des faits ou de la manipulation, premièrement, et s'ils mèneront à une paix durable dans la région ou aideront la région à retourner dans la sphère d'influence de la Russie, deuxièmement.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup, monsieur Jahangirli.
    Monsieur Waters, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Bonjour, monsieur le président, et merci beaucoup de m'avoir invité à comparaître devant le Comité.
     J'étudie le Caucase du Sud depuis 25 ans, de sorte que j'ai effectué de nombreux voyages dans la région en ma qualité de professeur de droit. Si le Canada est maintenant engagé dans le Caucase du Sud plus qu'il ne l'a été pendant l'essentiel de ces deux décennies et demie, c'est en partie grâce à ce comité et aux audiences qu'il a tenues il y a deux ans, en particulier, sur les transferts d'armes à la Turquie et les ramifications de tout cela sur le conflit dans le Haut-Karabakh, donc je vous en remercie.
    J'ai trois points à soulever.
    Premièrement, je crois que le blocus du corridor de Latchine crée actuellement une crise humanitaire qui nécessite notre attention de toute urgence. Deuxièmement, j'estime que l'État de l'Azerbaïdjan doit en assumer la responsabilité. Troisièmement, je dirais que le Canada a de bonnes raisons de prendre position à cet égard.
    Tout d'abord, en ce qui concerne l'importance capitale du corridor de Latchine, comme vous le savez, l'accord de cessez‑le‑feu conclu le 9 novembre 2020 avec l'appui de la Russie comprend notamment une disposition selon laquelle « la République d'Azerbaïdjan garantit la sécurité des citoyens, des véhicules et des marchandises circulant le long du corridor de Latchine dans les deux directions. »
    Depuis 2020, ce corridor est une bouée de sauvetage pour les quelque 120 000 habitants du Haut-Karabakh. Son blocage par l'Azerbaïdjan a déjà des conséquences désastreuses, et celles‑ci risquent fort de s'aggraver.
    La population est ainsi privée d'électricité et de gaz; elle est confrontée à des pénuries alimentaires, y compris au rationnement de denrées de base comme le blé, le sarrasin, les légumes et d'autres aliments, ainsi qu'à des pénuries de fournitures médicales et à l'impossibilité de transférer des patients arméniens gravement malades, y compris des enfants, vers des hôpitaux en Arménie à proprement parler. De plus, certains enfants sont coincés en Arménie et ne peuvent rejoindre leur famille dans le Haut-Karabakh.
    Ces actes constituent non seulement des violations de l'accord de cessez‑le‑feu, mais aussi des atteintes aux conventions internationales en droit humanitaire et en droits de l'homme. Ils font partie d'un effort plus vaste de nettoyage ethnique du Haut-Karabakh. Ils s'inscrivent dans un contexte de propagande arménophobe généralisée de la part du régime et de destruction des biens culturels. Le fait que l'Institut Lemkin pour la prévention des génocides ait levé le drapeau rouge par crainte d'un génocide dans la région devrait nous inquiéter.
     Il faut reconnaître que les deux parties ont de quoi avoir des préoccupations légitimes quant à la manière dont le cessez-le-feu a été mis en œuvre. Je reconnais tout à fait les préoccupations légitimes des deux parties à cet égard, et nous devons faire pression sur les deux parties afin qu'elles fassent de véritables efforts de compromis pour parvenir à une paix durable dans la région, mais il n'y a pas de place pour les luttes entre les deux parties sur le corridor de Latchine. Le blocus a des conséquences humanitaires immédiates et graves sur les civils. Ils sont essentiellement pris en otage.
    Soyons francs. L'Azerbaïdjan est un État autoritaire, et les affirmations selon lesquelles ce blocus est le résultat d'un militantisme spontané de la part des citoyens azerbaïdjanais ne sont tout simplement pas crédibles, mais ce n'est pas que moi qui le dit. On peut lire dans le rapport de Human Rights Watch sur l'Azerbaïdjan: « L'espace pour l'activisme indépendant, le journalisme critique et les activités politiques de l'opposition a fortement réduit. »
    Le pouvoir, en Azerbaïdjan, est entre les mains du président Ilham Aliyev, successeur de la dynastie de son père, qui occupe le poste de président depuis 2003. Et même si les militants écologistes étaient des particuliers azerbaïdjanais bloquant spontanément la route, c'est l'État de l'Azerbaïdjan qui en porte la responsabilité. Un État peut être responsable des effets du comportement de parties privées s'il ne prend pas les mesures nécessaires pour les prévenir.
    Permettez-moi de faire une analogie. Un État n'est pas responsable de la prise d'une ambassade par des citoyens, comme cela s'est produit à Téhéran, mais il est responsable de ses actes s'il ne prend pas de mesures pour l'empêcher ou s'il n'agit pas ensuite de manière appropriée pour protéger l'ambassade ou en reprendre le contrôle. La Russie porte également une responsabilité d'État dans ce cas, nous y reviendrons peut-être dans les questions.
    Mon troisième point est que le Canada a de bonnes raisons de prendre position. Comme vous le savez, nous avons célébré en 2020 le 30e anniversaire des relations diplomatiques entre le Canada et l'Arménie. Ces célébrations ont toutefois été éclipsées par les violences en cours, et ce n'est pas parce que les relations entre le Canada et l'Arménie sont mauvaises. Au contraire, les relations entre les deux pays n'ont jamais été aussi fortes.
    Si les liens entre les deux peuples sont si forts, c'est grâce à la diaspora arménienne importante et engagée qui est présente au Canada. Sur le plan politique, l'Arménie s'est engagée sur la voie des réformes depuis la révolution de velours de 2018, bien que cela ne se fasse pas sans heurts. Sur le plan géopolitique, l'Arménie se distancie de plus en plus de l'orbite russe, tandis que sur le plan diplomatique, l'annonce récente par le Canada de l'ouverture d'une ambassade en Arménie, sa première dans le Caucase du Sud, constitue un pas en avant très encourageant, tout comme les autres recommandations de M. Dion pour « faire de l'Arménie une priorité en tant que démocratie fragile ».

  (1520)  

     Le rapport de M. Dion a été commandé avant l'invasion générale de l'Ukraine par la Russie. Dans sa lettre de mandat, il lui a été expressément demandé de ne pas tenir compte des facteurs géopolitiques sur le soutien du Canada à l'Arménie. Depuis, cependant, le soutien du Canada a pris une plus grande importance géopolitique. En somme, le soutien du Canada aux démocraties fragiles issues de l'ancienne Union soviétique a gagné en importance.
    En conclusion, à mon avis, le Canada devrait non seulement continuer de faire pression sur les deux parties pour qu'elles parviennent à une paix durable, mais aussi condamner les actions de l'Azerbaïdjan dans le corridor de Latchine en des termes similaires à ceux de ses alliés, de l'Union européenne et du Conseil de l'Europe, et utiliser tous les outils diplomatiques et économiques à sa disposition pour que le corridor humanitaire soit ouvert et le reste.
    Merci.
    Merci, monsieur Waters.
    Le temps est maintenant venu de laisser les députés vous poser leurs questions.
    Le premier intervenant sera M. Hoback, pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les deux témoins d'être ici cet après-midi pour nous donner leur point de vue sur la situation.
    Monsieur Jahangirli, vous avez dit que la question des mines d'or et de cuivre était au coeur des préoccupations et que le blocus découlait de préoccupations environnementales — ou pas nécessairement de préoccupations environnementales, mais de problèmes liés à l'exploitation illégale d'or et de cuivre. Pouvez-vous nous en dire plus?
    Absolument. La partie azerbaïdjanaise a dénoncé à maintes reprises déjà que des ressources minérales, de l'or et du cuivre, soient exploitées illégalement dans la région du Karabakh. Toute société ou entité qui souhaite mener des activités minières sur les territoires azerbaïdjanais internationalement reconnus doit obtenir un permis en bonne et due forme. C'est comme dans n'importe quel pays normal, au Canada, en Europe ou ailleurs dans le monde. Malheureusement, pendant 26 ans, jusqu'en 2020, la zone où vivent actuellement les Arméniens du Karabakh, qui était trois fois plus grande qu'elle ne l'est aujourd'hui, était sous occupation de la République d'Arménie. L'Azerbaïdjan n'avait pas accès à ces territoires pour s'assurer de la conformité des permis.
    Après la guerre, en 2020, l'Azerbaïdjan a vu son intégrité territoriale établie et reconnue dans les déclarations signées les 9 et 10 novembre 2020. Depuis, l'Azerbaïdjan réclame l'arrêt immédiat de toute activité minière dans la région.
    J'ajoute que les activités minières menées dans la région ont détruit environ 100 hectares de forêt. C'est une préoccupation majeure pour l'Azerbaïdjan également. Cela ne devrait pas se produire...

  (1525)  

    Je m'excuse. Je n'ai que six minutes.
    Je suppose que la question que j'ai alors est la suivante: si vos préoccupations portent sur cet enjeu précis, pourquoi vous en prendre à l'ensemble de la population? Pourquoi bloquer tout le monde? Pourquoi ne pas seulement bloquer les véhicules qui entrent dans la mine ou en sortent, par exemple?
    Vous avez dit que 1 000 véhicules avaient pu passer les blocus, mais nous avons également entendu dire que les gens sont autorisés à partir, mais pas à revenir. Avez-vous des statistiques attestant du nombre de véhicules qui sortent de la région et du nombre de véhicules qui y reviennent? Combien de ces 1 000 véhicules entraient dans la région et combien l'ont quittée définitivement?
    Le nombre que je cite, les 1 000 véhicules qui sont entrés dans la région ou en sont sortis sont des véhicules des forces de maintien de la paix russes et du CICR acheminant de l'aide humanitaire et des fournitures essentielles aux personnes qui vivent dans la région.
    Je pense qu'il faut faire la distinction entre les revendications des manifestants, des militants écologistes, qui sont de nature purement environnementale, et les demandes et griefs du gouvernement azerbaïdjanais. Je ne peux pas parler en leur nom, mais je peux vous expliquer la situation. Il faut faire la distinction entre les demandes du gouvernement azerbaïdjanais et celles des militants écologistes, mais le fait qu'elles concordent, le fait qu'on voie que les militants écologistes présentent des demandes très viables et très sensées et le fait que le gouvernement azerbaïdjanais a certaines préoccupations qui doivent être prises en compte...
    Il y a deux problèmes ici...
    Je suis confus.
    Encore une fois, je vous demande simplement votre opinion. C'est une chose de dire qu'on veut prendre des mesures contre cette industrie ou les personnes qui en font partie, mais il me semble exagéré — de mon point de vue extérieur — de prendre de telles mesures contre toute la région. Cela prend une ampleur qui n'est pas forcément nécessaire. Ne seriez-vous pas d'accord avec cela?
    Pourquoi bloquer les livraisons de nourriture dans la région, par exemple? Pourquoi bloquer les envois de fournitures médicales dans la région?
     C'est une chose si vous voulez bloquer l'entrée d'équipements miniers ou de choses liées à l'exploitation minière. C'est une chose. Mais pourquoi vous attaquer à d'autres domaines ou à des produits qui n'ont rien à voir avec le secteur minier? Pourquoi vous en prendre si fortement aux personnes qui vivent dans la région?
    Tout le monde en Azerbaïdjan, le gouvernement comme la société civile, s'en prend aux personnes qui vivent dans la région.
    Le gouvernement de l'Azerbaïdjan a déclaré à maintes reprises qu'il était prêt... et il facilite la circulation le long de la route pour les civils et les envois humanitaires. Les préoccupations du gouvernement azerbaïdjanais concernent le matériel militaire, l'équipement minier et les ressources naturelles exploitées.
    Il y a là un problème qui doit être résolu. Les préoccupations du gouvernement et de la population de l'Azerbaïdjan doivent être prises en compte. En même temps, nous devons veiller à ce que les personnes vivant dans la région reçoivent les fournitures, l'équipement et les denrées nécessaires à leur subsistance.
    Je pense qu'il me reste 30 secondes, donc je dois être assez bref.
    Monsieur Waters...
    J'ai bien peur que votre temps soit écoulé, monsieur Hoback.
    Je n'ai plus de temps.
    Merci, monsieur le président.
    Je suis désolé.
    Nous passons maintenant à M. Sorbara.
    Monsieur Sorbara, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à nos témoins d'aujourd'hui pour leurs commentaires et leurs présentations.
    Ma première question s'adresse au professeur.
    Pourriez-vous simplement clarifier ou reformuler vos commentaires sur le rôle que la Russie doit jouer dans le corridor selon l'accord de novembre 2020?
    L'accord de 2020 prévoit deux choses en ce qui concerne le corridor de Latchine.
    La première, c'est que le corridor de Latchine, qui s'étend sur cinq kilomètres, assure la connexion entre le Haut-Karabakh et l'Arménie et reste sous le contrôle du contingent de maintien de la paix de la Fédération de Russie. La deuxième, c'est que la République d'Azerbaïdjan garantisse la sécurité des citoyens, des véhicules et des marchandises qui circulent dans le corridor. Il y a là une double responsabilité.
    La Russie a clairement failli à sa responsabilité puisqu'elle est distraite par la guerre en Ukraine. Il y a un vide de pouvoir sur le terrain. Les autorités azéries et leurs agents ont très clairement comblé ce vide de pouvoir.

  (1530)  

    Ma deuxième question porte sur le Caucase du Sud et l'importance de cette région dans le monde. Plus tôt, dans votre déclaration, vous avez mentionné le travail qui a été fait par ce comité à cet égard ainsi que le travail effectué par l'honorable Stéphane Dion.
    Pourquoi selon vous est‑il si important que le Canada s'implique dans cette région du monde?
    C'est important sur le plan politique en raison de sa situation géographique. C'est possiblement un lieu clé en Eurasie, je suppose, pour le transit depuis l'Europe, l'Iran et d'autres parties de l'ancienne Union soviétique. La région a d'intéressantes et importantes richesses minérales, ainsi que des richesses pétrolières et gazières. Je pense qu'il y a d'importantes communautés de la diaspora au Canada, d'où l'importance de la région pour nous.
    Enfin, comme indiqué précédemment, dans le nouveau contexte géopolitique, alors que l'Arménie cherche à sortir de l'orbite russe — elle comptait habituellement sur la Russie pour garantir sa sécurité face à l'hostilité de la Turquie et de l'Azerbaïdjan —, il s'agit d'une occasion de soutenir ce que M. Dion appelle une « démocratie fragile ».
    Ma question complémentaire pour nos deux témoins, aujourd'hui, porte sur le blocus actuel. Nous avons entendu des témoignages sur les motifs et sur ce qui se passe exactement sur le terrain. Ne pourrait‑on pas dire que le blocus a des répercussions humanitaires sur la population de cette région et que ces répercussions sont négatives?
    À ma connaissance, cela ne fait aucun doute, et prétendre le contraire serait fallacieux. Cela a fait l'objet de commentaires, non seulement de nos alliés — les États-Unis, le Royaume-Uni et la France —, mais aussi de dirigeants d'organismes de l'ONU comme l'UNICEF.
    Il y a très peu d'aide qui parvient à passer. J'ai vu des images montrant des camions de la Croix-Rouge de la Géorgie passer, sous couvert d'une mission du CICR. Ce n'est pas qu'absolument rien ne passe, mais plutôt que les quantités sont minimes et ne suffisent pas à subvenir aux besoins de la population. Une fraction de ce qui franchit habituellement...
    Pouvons-nous passer à M. Jahangirli maintenant, s'il vous plaît?
    Merci, monsieur Sorbara.
    Je pense que le fait que les manifestations des militants aient restreint la circulation... C'est limité, évidemment, mais les fournitures nécessaires passent par la route. Donc, ce n'est pas un blocus, mais une route contrôlée. Des discussions entre les parties s'imposent pour répondre aux doléances de l'Azerbaïdjan et tenir compte de ses préoccupations de sécurité. Cela nécessite une solution globale.
    L'accord du 10 novembre qui a mis fin à la guerre en 2020 imposait également à l'Arménie de retirer toutes ses forces armées de la région du Haut-Karabakh, ce qu'elle n'a pas fait. Depuis, l'Arménie a utilisé ce corridor pour transporter des mines terrestres afin de les placer en territoire occupé... dans le territoire où les forces de maintien de la paix russes sont toujours stationnées.
    Merci, monsieur Jahangirli.
    Toutes mes excuses, monsieur Sorbara. C'est mon erreur. Il vous reste une minute, monsieur.
    Merci, monsieur le président. Je vous ai vu brandir le livre rouge, et je me suis dit que vous me signaliez d'arrêter.
    Il est évident que la situation actuelle est intenable. Cela ne peut pas continuer ainsi.
    Permettez-moi de dire, et j'ai entendu les questions de mes collègues... Il va sans dire que tout éventuel accord de paix passera inévitablement par un accord bilatéral entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, sans ingérence indue d'autres pays — notamment la Russie —, pour ainsi dire.
    Devons-nous aller en ce sens? Est‑ce la solution souhaitable? Les conditions sur le terrain sont-elles propices à cela? Vous pouvez tous les deux tenter une réponse; vous avez 20 secondes chacun.

  (1535)  

    Vous avez mis le doigt sur le problème. Il est très difficile de voir la voie à suivre, mais je pense que c'est possible.
    Une chose qui m'apparaît certaine, c'est que le blocage de l'aide humanitaire aura seulement pour effet d'ancrer les positions et, bien franchement, de perpétuer le nettoyage ethnique de facto sur le terrain. Il y a des problèmes bien réels à régler — dont certains ont été mentionnés aujourd'hui par rapport à la recherche d'une paix durable —, mais je pense qu'il est possible d'y arriver, grâce à des pourparlers directs ainsi qu'avec la médiation internationale. Le Canada a la possibilité d'appuyer ces efforts.
    Merci.
    J'aimerais faire un commentaire sur l'emploi de l'expression « nettoyage ethnique ». L'Azerbaïdjan a déclaré à maintes reprises que l'Azerbaïdjan et son gouvernement — l'État du peuple azerbaïdjanais — sont prêts à accueillir ses citoyens arméniens. Cela ne fait aucun doute. Je pense qu'il est tout à fait exagéré de dire qu'il y a une intention de faire du nettoyage ethnique.
    Quant au processus de paix, la paix est possible. Un ordre international fondé sur des règles est possible, et l'intégrité territoriale des États est un principe que l'Azerbaïdjan a défendu. Ensuite, nous pourrons parler des droits des minorités.
    Merci, monsieur Jahangirli.
    Nous passons maintenant à M. Bergeron.
    Vous avez six minutes, monsieur.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Monsieur Jahangirli, nous avons eu l'occasion de discuter ensemble à quelques reprises. Vous me semblez être un homme extrêmement raisonnable, et je crois sincèrement que vous souhaitez vraiment la paix dans la région.
    Cependant, il y a un certain nombre de choses que je n'arrive pas à comprendre. Par exemple, s'il est vrai que vous croyez dans l'intention des deux présidents d'en arriver à un accord de paix, comment expliquez-vous que, quelques semaines seulement après qu'ils se soient rencontrés sous l'égide de la France, le gouvernement d'Azerbaïdjan ait décidé de lancer une offensive de grande envergure sur le territoire arménien, en septembre?

[Traduction]

    Merci, monsieur Bergeron.
    Mon interprétation, d'après ce que je sais grâce aux médias et aux reportages entourant les faits, c'est que les escarmouches de septembre sont survenues à la suite des nombreuses provocations de l'Arménie et que l'Azerbaïdjan a dû prendre des mesures pour empêcher une attaque imminente sur son territoire. Le...

[Français]

     Je vous interromps tout de suite et je suis désolé de le faire, mais il n'y a pas eu d'attaque arménienne contre le territoire azerbaïdjanais. Il y a eu une attaque de l'Azerbaïdjan contre le territoire de l'Arménie.
    Si l'on recherche véritablement la paix, comment peut-on concilier cette prétention avec une offensive de grande envergure sur le territoire même de l'Arménie qui, en théorie, n'est pas contesté? Je m'explique mal cela.

[Traduction]

    Concernant la frontière à laquelle vous faites référence, monsieur Bergeron, l'Arménie n'a pas reconnu l'existence de cette frontière pendant 30 ans. L'Arménie pensait que la frontière traversait le territoire qu'elle a occupé pendant toutes ces années. Maintenant, l'Azerbaïdjan a établi une frontière qui est reconnue internationalement, mais qui n'est ni démarquée ni délimitée. Ce que l'Azerbaïdjan a demandé, à maintes reprises, c'est que les parties se rencontrent afin de délimiter la frontière et de s'entendre sur le tracé de la frontière.

[Français]

    Cela doit-il se faire par les armes?
    Les présidents s'étaient rencontrés quelques semaines plus tôt pour tenter d'en arriver à une entente. Voilà que, de nouveau, l'Azerbaïdjan prend les armes contre l'Arménie.
    Est-ce la façon de faire pour en arriver à un accord de paix?

[Traduction]

    Je pense que cela s'est vu plusieurs fois dans le passé, monsieur Bergeron. En 1992, lorsque les présidents de l'Azerbaïdjan et de l'Arménie étaient en pourparlers, la ville azerbaïdjanaise de Shusha a été occupée alors que les pourparlers de paix étaient en cours...

  (1540)  

[Français]

    Si les Arméniens l'ont fait, nous allons donc le faire aussi.

[Traduction]

    Non. Absolument pas. Ce n'est pas ce que je dis. Toutefois, nous ne savons pas entièrement ce qui s'est passé sur le terrain et sur ce qui a pu influencer les perceptions de l'Azerbaïdjan quant à sa sécurité à ce moment‑là. Par conséquent, le fait que l'État ait agi pour prévenir une attaque imminente... Voilà ce que le gouvernement de l'Azerbaïdjan a déclaré. Je n'ai aucune raison de croire que ce n'est pas le cas.

[Français]

    D'accord.
    Il y a quelques instants, vous avez dit dans votre déclaration que le gouvernement de l'Azerbaïdjan était prêt à accueillir ses citoyens arméniens.
     Pourquoi, alors, les laisser partir, mais les empêcher de revenir?

[Traduction]

    C'est une très bonne question, monsieur Bergeron.
    Je pense qu'il y a là un malentendu. Il est faux que le gouvernement d'Azerbaïdjan laisse sortir les gens, et ne les laisse pas revenir. Je pense que ce n'est pas ce que le président de l'Azerbaïdjan a déclaré. Il a indiqué que nous sommes prêtes à accueillir la communauté arménienne en tant que citoyens du pays, mais que nous ne retiendrons pas ceux qui sont insatisfaits de la situation.
    Voilà l'essence de la déclaration. Ce n'est pas que les gens partent et qu'ils ne peuvent pas revenir. Depuis deux ans, monsieur Bergeron, il y a des gens qui voyagent dans un sens ou l'autre sans problème.
    J'aimerais aborder rapidement une autre question. Aux termes de l'accord de novembre 2020, l'Arménie s'est engagée à garantir le passage et l'accès sans entrave entre les régions de l'ouest de l'Azerbaïdjan et la région du Nakhitchevan. Cela n'a pas été fait. L'Azerbaïdjan négocie pour obtenir cet accès depuis deux ans, mais cela ne s'est pas concrétisé.

[Français]

    Cela autorise-t-il l'Azerbaïdjan à bloquer le corridor et à affamer la population du Haut-Karabakh?

[Traduction]

    Je ne pense absolument pas qu'il s'agit de représailles par rapport à cela. Je ne pense pas non plus qu'il y a un risque imminent de famine sur le terrain. D'après ce que nous avons vu dans les médias, les gens ont accès à des fournitures et à de la nourriture dans la région.
    Cependant, la situation est grave et doit être réglée. Cela ne peut continuer ainsi. Il y a de graves préoccupations pour les gens qui vivent là‑bas, mais il y a aussi de sérieuses préoccupations du côté azerbaïdjanais.

[Français]

     Merci beaucoup.
    Justement, dans le site…

[Traduction]

    Votre temps est écoulé.

[Français]

    Ah bon. J'y reviendrai plus tard, monsieur le président.

[Traduction]

    Merci, monsieur Bergeron.
    Nous passons maintenant à M. Davies.
    Monsieur Davies, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    La question est pour M. Waters. Dans le passé, vous avez fait des commentaires au sujet des problèmes liés au régime d'exportation des armes du Canada et à l'annulation du permis d'exportation de composantes vendues à la Turquie puis transférées à l'Azerbaïdjan. Pouvez-vous nous en dire plus sur vos préoccupations au sujet du régime d'exportation d'armes du Canada et sur les mesures à prendre, selon vous, pour garantir que nous ne contribuons pas à ce conflit ou à d'autres?
    Je vous remercie de la question, monsieur Davies.
    Vous savez, les travaux de ce comité portant sur ces transferts ont eu un rôle déterminant dans la mise en œuvre de ces suspensions. À ma connaissance, les capteurs ou autres armes de fabrication canadienne ne sont pas utilisés par les forces azerbaïdjanaises dans les escarmouches actuelles dans cette paix ténue que l'on voit en Azerbaïdjan aujourd'hui.
    J'ai d'autres préoccupations au sujet des exportations d'armes du Canada, y compris les exportations vers l'Arabie saoudite et d'autres pays, et je me ferai un plaisir d'en parler si cela peut intéresser le Comité. Je ne crois pas que les exportations d'armes soient un problème dans le cas du conflit du Haut-Karabakh aujourd'hui, mais dans une perspective plus large, selon moi, ces exportations nuisent sans doute à la réputation du Canada quant à ses obligations internationales aux termes du Traité sur le commerce des armes.
    Passons maintenant au droit humanitaire. Pouvez-vous expliquer ce que doivent faire les parties au conflit pour respecter les principes du droit humanitaire? Autrement dit, y a‑t‑il actuellement des violations du droit international humanitaire? En quoi cela consiste‑t‑il? Que faudrait‑il faire, selon vous, pour y remédier?
    Monsieur Davies, par l'intermédiaire de la présidence, je dirais qu'il y a trois cadres juridiques, pour ainsi dire.
    Le premier est la violation des obligations du cessez‑le-feu trilatéral. Je n'ai pas l'intention de pointer qui que ce soit du doigt et de dire que c'est le fait d'une seule partie. Je suis particulièrement préoccupé par l'accès humanitaire. Pour moi, cela contrevient à la fois au droit humanitaire international — ou au droit des conflits armés — et aux droits internationaux de la personne. Lorsqu'on pense aux droits internationaux de la personne — les droits de l'enfant, par exemple —, le fait que plusieurs milliers d'écoliers du Haut-Karabakh ne puissent pas aller à l'école en ce moment parce qu'il n'y a pas d'électricité ou de chauffage soulève des questions relatives aux droits de la personne, notamment le droit des enfants à l'éducation.
    Pour ce qui est du droit international humanitaire, dans la mesure où un conflit armé perdure, des questions comme le meurtre de prisonniers de guerre arméniens — l'une des violations du droit international humanitaire parmi d'autres relevées par Human Rights Watch — soulèvent des préoccupations continues.
    Les prisonniers pourraient tous être retournés ou non. Je crois savoir, selon des rapports crédibles, que certains des prisonniers n'ont pas été renvoyés en Arménie depuis l'Azerbaïdjan. À l'automne, il y avait, semble‑t‑il, un enregistrement vidéo de l'assassinat de cinq prisonniers de guerre arméniens. Human Rights Watch a fait un rapport à ce sujet.
    Le fait de ne pas établir un corridor humanitaire ou de ne pas permettre le libre passage de fournitures de secours constitue également une violation du droit humanitaire international.
    Quant à savoir s'il y a toujours une situation de conflit armé international, on pourrait en débattre, mais étant donné les attaques de l'Azerbaïdjan contre l'Arménie proprement dite à l'automne, je suis d'avis que la situation de conflit armé international perdure, de sorte que l'obligation de permettre la libre circulation des fournitures d'aide humanitaire demeure une préoccupation.

  (1545)  

    Merci.
    Il me semble — et je me demande si vous pourriez nous dire quelles orientations le régime de droit international nous fournirait à cet égard — qu'une des causes sous-jacentes du problème est la présence d'une enclave à forte majorité arménienne dans le territoire de l'Azerbaïdjan.
    J'ai déjà lu des articles sur le principe d'autodétermination. J'aimerais simplement savoir ce que nous dit le droit international concernant une solution possible, soit que la population de cette région détermine démocratiquement son avenir en tant que peuple. Ont-ils ce droit? N'ont-ils pas ce droit? Cela nécessite‑t‑il l'accord de l'Azerbaïdjan ou de l'Arménie? Que pouvez-vous nous dire?
    D'une certaine manière, les actions de l'Azerbaïdjan ces derniers mois, depuis la mise en place du cessez‑le-feu, ont favorisé le droit à l'autodétermination de la population de souche arménienne. À titre d'exemple, notre Cour suprême a déclaré, dans le renvoi relatif à la sécession du Québec, que le droit à l'autodétermination s'applique dans des situations de colonialisme ou autres situations semblables, ou lorsqu'une minorité ethnique est incapable de prendre en charge sa propre destinée et que les droits sont bafoués. Nous avons vu de telles violations de droits au cours des deux dernières années. Donc, en fait, le droit à l'autodétermination est plus fort maintenant.
    Je dirais qu'il faut s'éloigner de l'équation binaire qui oppose l'intégrité territoriale et l'autodétermination. Cela a entraîné une impasse totale, tant dans ce conflit que dans d'autres conflits dans l'ancienne Union soviétique. Il y a littéralement des dizaines de façons d'aborder la question du partage du territoire, et il importe de faire preuve de créativité dans le cas présent.
    Il faut faire pression sur les deux parties. Voilà où il faut exercer des pressions. Les deux parties devraient être poussées à faire les concessions nécessaires afin de parvenir à une solution durable. Il n'est pas impossible d'imaginer une situation où Arméniens et Azéris s'épanouissent dans le Caucase du Sud en toute amitié. Je suis peut-être naïf, ou peut-être indûment optimiste, mais je pense que c'est possible.
    Il existe de nombreux exemples de situations où des solutions créatives ont été trouvées, et ce qu'il faut, ici, c'est un compromis. Je ne suis pas certain qu'une approche binaire et sans nuance mettant en opposition l'autodétermination et l'intégrité territoriale nous mènera bien loin.
    Monsieur Jahangirli, rapidement, pour vous...
    Monsieur Davies, je crains que vos six minutes soient écoulées.
    Je suis désolé. Merci, monsieur le président.
    Merci.
    Nous passons maintenant à la deuxième série de questions.
    Monsieur Epp, la parole est à vous. Vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins de leur présence.
    La séance actuelle s'inscrit dans une série de réunions d'urgence sur la crise humanitaire. Tous reconnaissent que cette crise fait partie d'un conflit généralisé et prolongé, mais les témoignages que nous avons entendus aujourd'hui se contredisent. Mes questions porteront là‑dessus.
    Monsieur Jahangirli, vous avez dit que le président de l'Azerbaïdjan avait déclaré que les gens étaient libres de partir et de revenir s'ils étaient satisfaits de la situation. Notre étude porte sur la situation humanitaire. Pouvez-vous décrire la situation humanitaire actuelle dans le Haut-Karabakh?

  (1550)  

    Je ne suis pas au courant de la situation humanitaire dans la région.
    D'accord.
    Des témoins nous ont dit qu'elle était désastreuse. La région ne reçoit pas de médicaments, et il n'y a pas assez de nourriture. L'aide humanitaire qu'on laisse passer est loin d'être suffisante.
    D'après des témoignages reçus précédemment, le corridor de Latchine serait ouvert à la circulation. Vous dites que la circulation est contrôlée.
    Quels critères objectifs recommandez-vous au Comité d'examiner pour établir collectivement la position du Canada sur la crise actuelle? D'après vous, est‑il juste de qualifier cette situation de crise?
    Je dirais que la crise sévit depuis 30 ans. Elle n'a commencé ni aujourd'hui, ni l'an dernier, ni il y a cinq ans; elle dure depuis très, très longtemps. Même si le conflit était gelé, il perdurait le long de la ligne de contacts, la zone du territoire azerbaïdjanais où les troupes arméniennes ont été stationnées pendant 26 ou 27 ans.
    Depuis deux ans, l'Azerbaïdjan prône la paix: il préconise la conclusion d'un accord de paix avec l'Arménie et le lancement de discussions avec les citoyens arméniens. En fait, il a déjà commencé à discuter avec eux. L'an dernier, de nombreuses discussions ont eu lieu entre les autorités locales de l'Azerbaïdjan et les Arméniens vivant dans la région du Karabakh en vue de régler leurs problèmes quotidiens, comme ceux liés à l'eau et à l'électricité. Il y a deux ou trois mois, j'ai lu dans la presse que le président de l'Azerbaïdjan avait signé un décret ordonnant l'installation d'une conduite de gaz spéciale pour approvisionner la région en gaz et en électricité jusqu'en 2025. C'est ce qui se passe actuellement. L'Azerbaïdjan fait des propositions; toutefois, il faut que l'accord de paix soit conclu pour accélérer le processus.
    Quel est l'état actuel des conditions de vie dans le Haut-Karabakh?
    C'est difficile pour moi de le savoir.
    Pouvez-vous nous parler de la relation entre les militants écologistes et le gouvernement de l'Azerbaïdjan en ce qui concerne le contrôle du corridor de Latchine?
    Y a‑t‑il un lien entre les militants écologistes et le gouvernement de l'Azerbaïdjan?
    À ce sujet, j'encourage le Comité à inviter le porte-parole des militants écologistes à témoigner. J'ai demandé à plusieurs membres du Comité de convoquer la personne qui se trouve actuellement avec les manifestants.
    C'est en parlant aux personnes qui se trouvent sur le terrain que vous arriverez à mieux comprendre la situation.
    Je vous remercie.
    Ma dernière question s'adresse à M. Waters.
    Vous avez mentionné que le Canada entretenait des liens diplomatiques avec l'Arménie depuis 30 ans maintenant. Un témoin précédent nous a dit aujourd'hui que le Canada pourrait contribuer à redresser la situation actuelle, qui s'inscrit dans un conflit prolongé, en établissant des liens avec l'Azerbaïdjan.
    À votre avis, de tels liens seraient-ils utiles au processus de paix?
    Je pense que le Canada devrait discuter avec l'Azerbaïdjan. Il doit faire affaire avec les autorités gouvernementales parce que malheureusement, il n'y a pas de société civile indépendante en ce moment en Azerbaïdjan. La diplomatie officieuse n'est pas une option; c'est le régime ou rien.
    D'après moi, le Canada devrait discuter avec le régime et il devrait prôner la paix. Nous avons plus d'influence sur l'Arménie aujourd'hui qu'il y a un an. Selon moi, nous devrions tirer parti de notre influence pour encourager les deux camps à faire les concessions nécessaires, car tous deux devront faire des concessions que leurs populations respectives auront du mal à accepter.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Merci, monsieur Epp.
    Nous passons maintenant à Mme Fry.
    Vous disposez de cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens à remercier les témoins pour leurs témoignages sensés. Je pense que les deux comprennent... Ils me semblent intègres et sincères lorsqu'ils disent que des mesures s'imposent pour sortir du conflit, et ils présentent très honnêtement ce qu'ils savent de la situation sur le terrain.
    Chaque fois qu'on examine un conflit, on constate que les deux camps ont leur propre version des faits, et ces versions sont presque toujours partiales. Comme M. Rob Oliphant l'a dit tout à l'heure, la première victime de la guerre, c'est la vérité. S'il y a bel et bien un blocage de l'aide humanitaire, il faut parler des moyens d'y mettre fin. Certaines personnes disent qu'il y a un blocage. D'autres maintiennent qu'on laisse entrer certaines choses, avec des vidéos à l'appui.
    Voici ce que je veux savoir. La Russie est présente dans le corridor pour maintenir la paix et pour permettre la circulation. J'ai l'impression... Je suis la directrice de la délégation canadienne de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE, l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. Chaque fois que j'assiste aux réunions, je parle aux deux camps. Les parlementaires me semblent raisonnables. Leurs intentions sont bonnes. Ils veulent apporter des changements. Oui, ils se plaignent tous de certaines choses, mais je pense qu'ils sont prêts à discuter. Cependant, j'ai l'impression que ni l'un ni l'autre des camps n'appuie la présence de la Russie. Ils ont toujours été sous l'égide de la Russie et ils veulent s'en libérer.
    Ma question est la suivante. Étant donné le manque de confiance envers la Russie et étant donné l'aide offerte par l'Union européenne... Le fait est que la présence de l'OSCE est nécessaire puisque cette organisation comprend l'histoire du conflit et puisque ses États membres entourent la région et y appartiennent.
    Le Canada, qui est membre en règle de l'OSCE, ne pourrait‑il pas proposer que l'OSCE soit l'organisation qui observe et qui agisse en attendant la conclusion d'un accord?
    Je comprends que le Groupe de Minsk n'est plus pertinent parce que la Russie en fait partie et qu'elle continue à vouloir exercer de l'influence dans la région. Étant donné la guerre en Ukraine, il est rendu impossible pour le Groupe de Minsk de réussir. Il y a donc des problèmes réels et concrets à régler.
    L'OSCE est‑elle l'organisation la mieux placée pour intervenir? Elle comprend le Canada, ainsi que l'ensemble de ses 57 États membres, dont beaucoup ont la confiance et de l'Azerbaïdjan et de l'Arménie.
    Puis‑je obtenir une réponse brève de la part des deux témoins?

  (1555)  

    Merci beaucoup pour la question, madame Fry.
    La présence de la Russie dans la région et le fait que les deux pays, les deux sociétés, souhaitent se libérer de l'influence de la Russie et mettre fin à sa participation sont des questions très pertinentes; toutefois, il y a une distinction importante à faire. Oui, à l'heure actuelle, les deux pays cherchent à se distancier de la Russie, mais l'Arménie n'a commencé à déployer des efforts en ce sens que lorsque la Russie a cessé de soutenir l'occupation des territoires de l'Azerbaïdjan.
    Pendant 26 ou 27 ans, la Russie a soutenu l'Arménie dans le cadre de l'Organisation du traité de sécurité collective, l'OTSC, dont l'Arménie et la Russie sont toutes deux membres. Elle a appuyé l'occupation, elle a gardé la frontière de l'Arménie et elle a soutenu les troupes arméniennes stationnées dans les territoires occupés de l'Azerbaïdjan, forçant ainsi 700 000 Azerbaïdjanais à vivre dans des camps de personnes déplacées...
    Je connais l'histoire. Ce qui m'intéresse, c'est l'avenir et la meilleure façon d'aller de l'avant. Quelle organisation est la mieux placée pour faire bouger les choses? Est‑ce toujours l'OSCE?
    Je ne pense pas que l'OSCE ait l'influence nécessaire dans la région pour continuer à négocier avec les parties. Pour sa part, l'Union européenne a réalisé des progrès importants en servant d'intermédiaire dans les discussions entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie. Je crois que les deux parties le voient ainsi.
    Dans la déclaration signée à Prague l'an dernier, l'Azerbaïdjan et l'Arménie se sont engagés mutuellement à reconnaître leur intégrité territoriale et leurs frontières reconnues.
    Selon moi, c'est l'Union européenne qui est la mieux placée pour œuvrer sur ce plan.

  (1600)  

    Monsieur le président, M. Waters a‑t‑il le temps de donner une réponse courte et claire?
    Vous disposez de 20 à 30 secondes, monsieur Waters.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Fry, en ma qualité d'ancien membre de la Mission de l'OSCE au Kosovo, je suis un grand partisan de cette organisation. Toutefois, je crains que l'OSCE ne traverse prochainement une période difficile, et bien que je sois d'avis qu'elle devrait continuer à servir d'intermédiaire et peut-être même qu'elle devrait assurer une présence sur le terrain, comme mon collègue l'a souligné, l'Union européenne est déjà là et elle a accepté de renouveler son engagement.
    Mme Vartanyan, de l'International Crisis Group, a aussi mentionné le renouvellement de ce mandat. Nous devrions certainement appuyer cette mesure. En fait, nous devrions appuyer toute mesure qui favorise la discussion entre les deux parties.
    Il y a une dernière chose que je tiens à dire, si vous me le permettez. Je ne comprends pas du tout l'approche de type « fausses nouvelles » à l'égard du corridor humanitaire. Bien qu'il y ait beaucoup de points à discuter en vue d'instaurer une paix durable dans la région, la question de l'accès sans entraves à l'aide humanitaire est très importante; elle menace actuellement la population.
    Merci, madame Fry.
    Merci, monsieur Waters.
    Nous passons maintenant à M. Bergeron.
    Monsieur Bergeron, vous disposez de deux minutes et demie.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    J'aimerais poser deux questions à M. Jahangirli.
    Tout d'abord, j'étais heureux de vous entendre dire qu'il fallait trouver une solution à la présente crise. Par contre, sur le site Internet de votre Réseau des Canadiens azerbaïdjanais, la dernière déclaration en date du 23 janvier porte sur une proposition en cinq points soumise à l'Arménie dans le but de normaliser les relations entre les deux pays.
    Pourquoi ne mentionnez-vous aucunement la question du blocage du corridor de Latchine?
    Quels ont été les efforts déployés par l'Azerbaïdjan jusqu'à présent pour mettre un terme au blocage du corridor, conformément à ce à quoi il s'était engagé dans l'accord de cessez-le-feu?

[Traduction]

    Merci, monsieur Bergeron.
    Je vous remercie d'avoir consulté le site Web de notre organisation. Il ne s'agit pas d'un fil d'actualité. Nous nous servons de notre site Web pour communiquer avec les membres de notre communauté. Nous ne publions pas des déclarations sur les événements quotidiens qui surviennent dans la région.
    Par rapport à votre deuxième question, pouvez-vous...

[Français]

    En ce qui concerne le premier point, je rappelle que cette déclaration date quand même du 23 janvier.
    La deuxième question est la suivante.
    Quels efforts ont été déployés par l'Azerbaïdjan jusqu'à présent pour mettre un terme au blocage du corridor, conformément à ce à quoi il s'était engagé dans l'accord de cessez-le-feu?

[Traduction]

    Les deux années de libre accès à la route sont une preuve de l'engagement de la part de l'Azerbaïdjan de permettre la circulation sans entraves...
    À l'heure actuelle...
    ... jusqu'au début des manifestations. Toutefois, monsieur Bergeron, durant ces deux années, l'Arménie n'a pas respecté ses engagements. Elle n'a pas rétabli la communication et l'accès entre l'Azerbaïdjan et le Nakhitchevan.
    On ne peut parler des engagements d'une partie sans parler aussi des engagements de l'autre partie.

[Français]

     Voulez-vous faire des commentaires, professeur Waters?

[Traduction]

    Je vais faire un commentaire très simple, monsieur Bergeron: il n'y a pas de crise humanitaire au Nakhitchevan. Comme mon homologue, je suis d'avis que l'accord de paix global doit comprendre le Nakhitchevan, mais cette région est bien approvisionnée par la Turquie.
    Il n'y a tout simplement pas de problème d'ordre humanitaire au Nakhitchevan, alors que dans le corridor de Latchine, la situation actuelle constitue une crise humanitaire réelle et urgente.
    Je vous remercie, monsieur Bergeron.
    Nous passons maintenant au dernier intervenant.
    Monsieur Davies, vous disposez de deux minutes et demie.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je remercie encore une fois les deux témoins de leur présence. Je comprends que ces enjeux sont liés à des convictions profondes et je vous suis reconnaissant de nous faire part de votre point de vue.
    J'aimerais profiter du temps qu'il me reste pour vous inviter à prendre environ une minute chacun pour nous présenter ce qui est, d'après vous, la meilleure façon de procéder. J'ai l'impression que tous souhaitent un règlement juste et pacifique; c'est ce que j'ai entendu à plusieurs reprises.
    Je vous accorde une minute chacun pour nous offrir des conseils sur la manière d'y arriver.

  (1605)  

    Je vous remercie, monsieur Davies.
    La meilleure façon de procéder, c'est en continuant à encourager et à exhorter les deux parties à conclure un accord de paix. La conclusion d'un accord de paix mettra fin au trafic de mines terrestres dans les territoires de l'Azerbaïdjan. Elle permettra aux Arméniens de circuler entre le Karabakh et l'Arménie, et elle assurera l'accès entre la région occidentale de l'Azerbaïdjan et le Nakhitchevan.
    Je rejette l'affirmation selon laquelle il n'y a pas de crise au Nakhitchevan et que l'accès n'y est donc pas nécessaire. Je ne sais pas comment mon collègue est arrivé à cette conclusion...
    Si vous me permettez, monsieur le président, je veux être sûr que M. Waters aura le temps de répondre à ma question. Cela concerne la question précédente.
    Je vous remercie.
    La parole est à vous, monsieur Waters.
    Je vous remercie, monsieur Davies.
    Le 19 janvier, le Parlement européen a adopté une résolution sur les conséquences humanitaires du blocus dans le Haut-Karabakh, en vertu de laquelle il « exhorte l'Azerbaïdjan à respecter et à mettre en œuvre la déclaration trilatérale du 9 novembre 2020 et de rouvrir immédiatement le corridor de Lachin afin de favoriser la liberté de circulation et de permettre l'accès aux biens et aux services essentiels ». Il exhorte également les parties à conclure un « accord de paix global ».
    Il y a deux éléments que je trouve très simples. Nous devons prôner l'accès immédiat aux biens d'aide humanitaire et la libre circulation de la population. Il est tout simplement inacceptable que des enfants soient coincés en Arménie et qu'ils ne puissent pas rejoindre leurs familles dans le Haut-Karabakh. Le Canada étant un acteur sur la scène internationale et un pays ayant maintenant une présence dans le Caucase du Sud, il doit exiger l'ouverture d'un corridor humanitaire.
    En même temps, le Canada doit exhorter les deux parties à continuer de négocier en vue de conclure un accord de paix durable et global; en fait, il doit l'exiger. En ce sens, j'encourage le Canada à prendre des mesures semblables à celles mises en œuvre par le Parlement européen.
    Je vous remercie tous les deux.
    Merci beaucoup, monsieur Davies.
    Voilà qui conclut la séance d'aujourd'hui.
    Permettez-moi de remercier MM. Jahangirli et Waters. Ce sont des enjeux très complexes, et vos témoignages nous ont aidés à les éclaircir. Nous vous en remercions.
    La séance est levée.
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