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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 064 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 8 mai 2023

[Enregistrement électronique]

  (1545)  

[Traduction]

    Bienvenue à la 64e réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne la Chambre des communes.
    Conformément à l'ordre adopté à la Chambre le 8 mars 2023, le Comité se réunit en public pour commencer son étude du projet de loi C‑295, Loi modifiant le Code criminel (négligence d’adultes vulnérables).
    La réunion d'aujourd'hui se déroule dans un format hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 23 juin 2022. Les membres du Comité assistent à la réunion en personne dans la salle et à distance par l'entremise de l'application Zoom.
    Comme vous êtes tous députés, y compris la témoin, je ne reviendrai pas sur la manière d'utiliser Zoom ou les fonctions d'interprétation.
    Pour gagner du temps, j'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à Mme Fry au Comité.
    Madame Fry, vous avez la parole. Vous avez cinq minutes. Nous passerons ensuite directement aux questions.
    Je vous remercie, monsieur le président. Je vous remercie beaucoup, chers collègues, de m'avoir invitée à parler de mon projet de loi, le projet de loi C‑295.
    Je pense que c'est un projet de loi important, même s'il peut sembler assez simple. C'est un projet de loi important parce que la question des soins de longue durée relève de la compétence des provinces. Elle n'est pas visée par la Loi canadienne sur la santé, car c'est une compétence purement provinciale. Le seul moyen pour le gouvernement fédéral de jouer un rôle dans ce domaine est d'agir dans le cadre de sa compétence, c'est‑à‑dire le Code criminel.
    Le projet de loi vise à modifier les articles 214 et 215 du Code criminel, afin de protéger les adultes vulnérables en élargissant la définition aux adultes vulnérables. Actuellement, les articles 214 et 215 traitent de la maltraitance et de la négligence à l'égard des enfants. Nous étendons maintenant cette définition aux adultes vulnérables.
    Le projet de loi contient certaines définitions explicites. Il précise par exemple ce qu'est un adulte vulnérable. Un adulte vulnérable est une personne qui est fragile en raison de son âge, d'une maladie mentale ou physique ou d'un handicap. C'est ce qui rend un adulte vulnérable. La capacité de prendre soin de cet adulte vulnérable s'inscrit dans le droit fil des articles 214 et 215 du Code criminel, qui concernent les enfants.
    Pourquoi faisons-nous cela? Nous le faisons parce qu'actuellement, les seules normes nationales dont nous disposons pour les soins de longue durée, qui relèvent de la compétence des provinces — et je tiens à le répéter — sont un ensemble de normes nationales à adhésion volontaire. Ce sont des normes qui énoncent simplement que les gens « devraient » et « pourraient » essayer de faire ceci ou cela, etc. Il n'y a pas de mandat pour cela. Cette situation a perduré pendant très longtemps, jusqu'à ce que la COVID‑19 mette en évidence la vulnérabilité de ce système.
    Comme nous le savons tous, environ 54 % des établissements de soins de longue durée sont gérés par le secteur privé. Un grand nombre d'entre eux sont à but non lucratif. Certains sont gérés par le secteur confessionnel, mais la plupart d'entre eux sont privés.
    Je pense que c'est ce que nous avons pu observer après la pandémie de COVID‑19. Nous avons constaté que même si seulement 3 % des personnes ayant contracté la COVID‑19 se trouvaient dans des établissements de soins de longue durée, elles représentent 43 % des personnes qui sont décédées de la maladie, ce qui est vraiment disproportionné et traduit un déséquilibre profond.
    En même temps, dans d'autres pays, même si 41 % des personnes vivant dans des établissements de soins de longue durée sont décédées des suites de la COVID‑19, le Canada a les pires résultats à cet égard. En effet, au Canada, environ 69 % des décès liés à la COVID‑19 étaient des personnes âgées qui avaient contracté la maladie.
    Je pense que c'est parce que nous n'avons pas de normes obligatoires. Le gouvernement fédéral ne peut pas imposer de normes dans ce domaine. Ce sont les gouvernements provinciaux qui devront s'en occuper.
    Actuellement, le projet de loi définit ce qu'est un adulte vulnérable. Il étend l'obligation de diligence de l'enfant à l'adulte vulnérable. Il introduit également d'autres définitions. Par exemple, il définit ce qu'est un « établissement de soins de longue durée ». Il s'agit d'un endroit où résident trois personnes ou plus qui sont vulnérables en raison — comme je l'ai déjà dit — de leur âge, d'un trouble mental, d'une maladie physique, d'un handicap, etc. Ces personnes ne sont pas unies par les liens du sang ou du mariage avec les fournisseurs de soins. Cela exclut donc les personnes qui s'occupent de l'un de leurs grand-parents à la maison. On parle d'un établissement dans ce cas‑ci, et il doit y avoir au moins trois résidents dans l'établissement.
    Le terme « gérant » est aussi défini. Le projet de loi définit ce qu'est un gérant d'un établissement de soins de longue durée, ainsi que ses obligations. On y parle également de la notion de l'« omission de remplir l’obligation ». Ainsi, si le gérant ne s'acquitte pas de son obligation de fournir les nécessités de la vie et les soins appropriés aux adultes vulnérables, il est passible, comme l'indique évidemment le projet de loi, de certaines sanctions, par exemple une amende ou une peine d'emprisonnement.
    Le projet de loi mentionne aussi certaines choses qui ne fonctionnaient pas. Pourquoi la COVID‑19 a‑t‑elle révélé un problème que nous ne connaissions pas auparavant? À titre de médecin, j'étais au courant de la situation des établissements de soins de longue durée. J'ai soigné des patients dans certains de ces établissements. Nous étions donc au courant des problèmes qui se posaient.

  (1550)  

    Après ce qui s'est passé avec la COVID‑19… Comme vous le savez, des membres des forces armées sont allés prêter main-forte dans certains de ces établissements. Dans un rapport cinglant, ils expliquent comment, en réalité, de nombreuses personnes dans ces... La propreté laissait à désirer, les protocoles nécessaires n'étaient pas en place, la plupart des aides-soignants qui s'occupaient des personnes âgées n'avaient aucune formation médicale ou formation en matière de soins de santé. Pendant l'épidémie de COVID‑19, ils passaient d'un patient à l'autre en utilisant les mêmes gants et le même équipement de protection, et ils ne se lavaient pas souvent les mains. Je pense que ce sont là des choses que nous avons observées.
    Ce que le projet de loi s'efforce d'accomplir… L'Association canadienne de normalisation a établi des normes très claires sur les soins qui doivent être apportés aux adultes vulnérables dans ces établissements. Le projet de loi indique donc aux gérants et aux propriétaires de ces établissements que s'ils ne respectent pas ces normes, ils seront pénalisés. Cela donne du poids à ces normes et permet d'améliorer la reddition de comptes. C'est la seule façon pour le gouvernement fédéral d'intervenir dans ce domaine.
    Je vais m'arrêter ici. Je serai heureuse de répondre à vos questions.
    Je vous remercie.
    Je vous remercie, madame Fry.
    Avant d'entamer la première série de questions, nous allons rapidement faire un test de son avec M. Caputo. Je vais laisser la greffière s'en occuper.
    J'espère que tout fonctionne bien maintenant. Je vous remercie de votre patience.
    Tout fonctionne bien maintenant. Vous pouvez procéder.
    C'est très bien.
     Nous entendrons d'abord M. Van Popta pour la première série de questions. Il s'agira d'une série de questions de cinq minutes en raison des votes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je vous remercie, madame Fry, d'être ici aujourd'hui. Je vous remercie également de votre projet de loi d'initiative parlementaire. Nous l'appuyons de façon générale, mais le Comité en est saisi pour que nous puissions l'améliorer ensemble.
    Avant d'entrer dans le vif du sujet, j'aimerais poser une question d'ordre plus général.
    Dans le discours du Trône de 2020, le gouvernement fédéral s'était engagé à collaborer avec le Parlement pour apporter des modifications au Code criminel, en vue de pénaliser explicitement les personnes qui négligent les aînés, et voilà que cela se retrouve dans un projet de loi d'initiative parlementaire. La lettre de mandat de M. Lametti stipule également qu'il doit continuer à travailler avec la ministre des Aînés pour renforcer l'approche du Canada à l'égard de la maltraitance des personnes âgées en mettant la dernière main à certaines mesures législatives.
    Pourquoi a‑t‑on laissé à un projet de loi d'initiative parlementaire le soin de présenter cette importante mesure législative?
    Il fallait bien que quelqu'un le fasse. Puisque je suis médecin, j'ai observé ce qui s'est passé. Nous sommes nombreux à savoir qu'un grand nombre de personnes très... J'utilise le mot « vulnérables » pour dire qu'elles ne peuvent pas se faire entendre. Elles n'avaient personne pour les défendre, elles n'avaient pas le droit de recevoir la visite de leur famille, etc. Ce n'était pas nécessaire.
    Dans ces établissements de soins de longue durée, nous observons beaucoup de négligence et de mauvais traitements réels.
    Il fallait que quelqu'un propose un projet de loi qui permettrait d'aller au fond des choses et de négocier diverses mesures avec les provinces, etc.
    Je pense que nous sommes tous d'accord pour affirmer qu'il s'agit d'un projet de loi important, mais pourquoi le gouvernement ne prend‑il pas l'initiative dans ce domaine? Pourquoi le ministre de la Justice et procureur général du Canada ne mène‑t‑il pas cet effort?
    Je suis allée le voir pour lui dire que je présentais ce projet de loi et lui demander si cela lui posait un problème. Il m'a répondu que cela ne lui posait aucun problème et qu'il pensait que c'était une bonne idée. Il m'a dit que si j'étais prête à le faire, je devrais le faire.
    Pourquoi ne mène‑t‑il pas cet effort?
    Je tiens à souligner qu'à l'étape de la deuxième lecture, nous avons tous voté pour renvoyer le projet au Comité, mais M. Lametti n'a pas voté. Il n'était probablement pas présent à la Chambre ce jour‑là, mais il a choisi de ne pas voter à distance.

  (1555)  

    Je suis désolée, mais je ne peux pas parler au nom de M. Lametti.
    D'accord, je comprends.
    Vous avez souligné qu'il y a une nouvelle définition pour les mots « établissement de soins de longue durée » et pour le mot « gérant », mais il n'y a pas de définition du mot « propriétaire » dans le projet de loi C‑295. Pourtant, les propriétaires — quels qu'ils soient — pourraient faire face à des accusations criminelles.
    Ne pourrait‑on pas améliorer votre projet de loi en ajoutant une définition claire et concise de ce qu'est le propriétaire d'un établissement de soins de longue durée?
    Voici la définition contenue dans le projet de loi:
gérant Toute personne (...) ayant, au sein d’un établissement de soins de longue durée, l’une ou l’autre des responsabilités suivantes 
a) embaucher les employés chargés de fournir des soins aux résidents ou établir leur horaire;
b) faire ou diriger l’achat des fournitures médicales et autres produits utilisés pour fournir aux résidents les choses nécessaires à leur existence;
c) diriger les activités quotidiennes de l’établissement, y compris par la planification et la coordination des soins...
    Il y a donc une longue liste de tâches comme la supervision de tous les soins, la surveillance de la mise en œuvre des politiques et des protocoles…
    Je suis désolé, mais je n'ai que cinq minutes et…
    Le propriétaire embauche généralement un gérant pour effectuer ces tâches quotidiennes.
    Vous récitez la définition du mot « gérant », mais quelle est la définition du mot « propriétaire », en particulier dans le cas d'une entreprise privée, qu'elle soit à but lucratif ou non? Les structures d'entreprises sont parfois complexes. Par exemple, une société possède un bâtiment mais en confie l'exploitation à une autre, qui peut ensuite conclure des contrats de sous-traitance avec d'autres sociétés privées pour l'exploitation d'une partie du bâtiment.
    Qui est le propriétaire dans cet exemple?
    Dans ce cas‑là, il peut s'agir de la société ou d'un particulier qui est propriétaire de la société. Le fait est que si ce particulier exerce également ces fonctions, c'est‑à‑dire s'il gère les soins, il est par définition gérant et propriétaire.
    Dans ce cas, cette personne…
    Il peut s'agir aussi de propriétaires indépendants qui ne savent pas ce que font les gérants.
    Cette personne serait alors visée par la définition de gérant. Voici donc ma question. Pourquoi n'y a‑t‑il pas de définition du mot propriétaire, alors que le propriétaire, quel qu'il soit, pourrait faire face à des accusations criminelles en vertu de cette loi? Nous essayons d'améliorer le projet de loi. Où est la définition du mot propriétaire?
    Je pense que nous voulions éviter de dire qu'un propriétaire… Prenons l'exemple d'un propriétaire d'une entreprise qui embauche des gens pour faire le travail. L'entreprise a des directives claires, mais ne s'occupe pas des soins quotidiens, et la personne qui gère l'établissement laisse certaines choses de côté. Nous ne voulons pas communiquer avec le propriétaire pour lui dire qu'il est responsable juste parce qu'il est le propriétaire. En réalité, nous voulons communiquer avec la personne qui fait le travail et qui gère les tâches quotidiennes.
    Nous en resterons donc là. J'aimerais seulement souligner, pour le compte rendu, qu'il n'y a pas de définition du mot « propriétaire », et que je ne sais donc pas comment un propriétaire pourrait faire l'objet d'accusations.
    J'aimerais maintenant revenir sur la définition du mot « gérant ». Cette définition, en revanche, est extrêmement vaste et elle englobe même la personne qui établit l'horaire des employés. J'ai déjà parlé à un responsable des horaires dans un établissement de soins, et c'est un travail important et stressant, surtout lorsqu'il y a une pénurie de travailleurs qualifiés.
    Cette personne, qui fait de son mieux pour s'assurer que tous les quarts de travail sont comblés, ferait-elle preuve de négligence criminelle si un événement tragique se produisait ce jour‑là dans l'établissement?
    Veuillez répondre très brièvement, madame Fry.
    Je pense qu'au bout du compte, lorsque quelque chose de tragique se produit, il faut retourner en arrière et en trouver les raisons. Si la personne devait comparaître devant le tribunal, elle devrait dire qu'elle n'a pas pu trouver de personnel ou expliquer d'autres circonstances atténuantes. Elle pourrait invoquer cette raison. Les hôpitaux manquent tout le temps du personnel.
    Je vous remercie, monsieur Van Popta.
    La parole est maintenant à Mme Brière. Elle a cinq minutes.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Madame Fry, je vais parler en français. J'aimerais d'abord vous remercier d'être des nôtres aujourd'hui et du dépôt de ce projet de loi. J'ai eu la chance de collaborer avec vous au Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir, et je pense que le projet de loi que vous présentez aujourd'hui est un autre moment fort de notre engagement continu envers les personnes les plus vulnérables de notre société.
    On sait que la COVID‑19 a mis en lumière les conditions de vie préoccupantes d'aînés et d'autres personnes vulnérables qui vivent dans les centres de soins de longue durée. Ces situations peuvent se produire partout au Canada. Le mois dernier, dans ma région, à Sherbrooke, des locataires d'une résidence ont dû être évacués à la suite de soupçons de négligence. Au cours des dernières années, on m'a raconté toutes sortes d'histoires, notamment celle d'un patient qui est resté dans le lève-personne pendant toute la durée de la pause de l'employé.
    Croyez-vous que votre projet de loi va constituer une première étape pour établir un cadre légal plus fort concernant la maltraitance envers les aînés et les personnes vulnérables?

  (1600)  

[Traduction]

    Oui, c'est un premier pas — et je vous remercie de l'avoir souligné —, mais c'est quelque chose qui devait être fait, car nous n'avons aucun moyen de savoir si une autre pandémie va nous frapper demain, et nous ne voulons pas devoir tout improviser une fois de plus. Nous voulons avoir des protocoles et des lignes directrices claires, et exercer une reddition de comptes. À l'heure actuelle, les lignes directrices nationales qui visent les provinces sont à adhésion volontaire. Comme l'a dit le directeur général de la Ontario Health Coalition, rien n'a été fait, aucune accusation n'a été portée, personne n'a été tenu responsable de ce qui s'est produit dans les établissements de soins de longue durée pendant la pandémie de COVID‑19.
    Ce projet de loi représente une première étape qui permettra d'aider les gens à rendre des comptes. L'Association canadienne de normalisation a récemment établi de nouvelles lignes directrices. Lorsqu'un tel organisme établit des lignes directrices et que nous connaissons ces lignes directrices, si les gens ne les respectent pas et si les provinces ne veulent rien faire à cet égard, le gouvernement fédéral peut alors les tenir responsables dans l'intervalle. Nous espérons que la prochaine étape consistera à collaborer avec les provinces pour trouver le moyen de les inciter à avoir des lignes directrices claires et à les appliquer elles-mêmes à l'échelle locale.

[Français]

    Croyez-vous que le projet de loi respecte le partage des compétences entre le fédéral et les provinces?

[Traduction]

    Je suis désolée, mais je n'ai pas entendu la question.

[Français]

    Croyez-vous que le projet de loi respecte le partage des compétences entre le fédéral et les provinces?

[Traduction]

     Oui. Tout le monde parle de la Loi canadienne sur la santé, mais elle n'inclut pas les établissements de soins de longue durée. Le gouvernement fédéral ne peut donc pas l'utiliser pour discuter des soins de longue durée. Il ne peut aborder cette question que dans le cadre de négociations individuelles avec les provinces.
    Entretemps, il peut se tourner vers le Code criminel pour tenir les gens responsables s'ils n'ont pas respecté leur obligation de prodiguer des soins.

[Français]

     Dans le cadre de l'élaboration du projet de loi, avez-vous rencontré différents intervenants et visité des centres de soins de longue durée?

[Traduction]

    Oui, je l'ai fait. J'ai passé beaucoup de temps dans des établissements de soins de longue durée pendant mes 20 années de carrière en médecine. J'ai vu des patients qui se plaignaient des soins qu'ils recevaient ou ne recevaient pas, et des mauvais traitements qu'ils subissaient de la part de nombreux soignants... Je ne pouvais que me plaindre. Je ne pouvais rien changer. Les patients devaient également se taire, au risque d'être encore plus maltraités. Les personnes en position d'autorité pouvaient vous sanctionner si vous osiez dénoncer une situation qui ne vous plaisait guère, ou si votre famille se plaignait de quoi que ce soit.
    Maintenant, je suis députée, et je pourrais utiliser ce pouvoir pour régler un problème. Lorsque j'abordais cette question avant la pandémie, les gens voulaient savoir de quoi je parlais. La COVID a exposé tous ces problèmes. Le groupe de travail des forces armées a rédigé des rapports très clairs, qui ressemblaient presque à des histoires d'horreur, sur ce qui faisait défaut dans ces établissements de soins de longue durée.
    Je vous remercie, madame Brière.
    Je cède maintenant la parole à Mme Larouche, pour cinq minutes.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Madame Fry, merci beaucoup d'être des nôtres et de témoigner sur un projet de loi auquel je suis très sensible. Vous avez parlé de votre expérience comme médecin. De mon côté, avant d'être députée, j'ai été chargée de projet sur la sensibilisation à la maltraitance et à l'intimidation envers les personnes aînées.
    Au Québec, le Secrétariat aux aînés s'est doté d'une politique pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées, et le Québec a une loi visant à renforcer la lutte contre cette maltraitance.
    Le sujet me tient particulièrement à cœur et j'ai suivi de près la situation. J'ai travaillé en collaboration avec différents acteurs, notamment sur un processus d'intervention concerté où on a réuni des représentants du milieu de la santé, du milieu policier et du milieu communautaire, comme l'organisme Justice alternative et médiation, pour lequel je travaillais. On s'est aussi doté d'outils pour porter plainte.
    À vous écouter, j'ai l'impression que la réalité du Québec est différente de celle du reste du Canada, et je vous explique pourquoi. On a une loi assez complète au Québec visant à contrer la maltraitance envers les personnes aînées. On a aussi un taux plus élevé de résidences publiques pour les aînés. En effet, au Québec, 88 % des centres d'hébergement de soins de longue durée, ou CHSLD, sont publics, par rapport à 46 % dans le reste du Canada. C'est une différence marquée.
    Vous avez parlé du respect des champs de compétence dans votre allocution. Comment pourrait-on s'assurer que ce projet de loi les respecte? L'inscription de la question de la maltraitance dans le Code criminel — nous serions prêts à le faire — relève du fédéral, mais j'aurais un bémol à mettre à ce sujet. J'aimerais votre point de vue sur la question du respect des champs de compétence parce que, dans le cas du Québec, 88 % des CHSLD sont publics et relèvent du ministère de la Santé et des Services sociaux.

  (1605)  

[Traduction]

    Il s'agit d'une question importante. Je vous remercie de l'avoir posée.
     Pendant la pandémie, nous avons constaté qu'il y avait 13 administrations de santé publique différentes qui avaient chacune leurs protocoles. Le gouvernement fédéral ne pouvait pas leur dire: « Adoptons tous le même plan, pour que nous suivions tous les mêmes règles. » Le gouvernement fédéral ne pouvait pas faire cela. En raison de ces différentes méthodes de gestion d'une province à l'autre, nous avons...
    Le Code criminel s'applique aux personnes et aux établissements. Si le Québec dispose d'excellentes lois et d'excellents protocoles, ils s'appliquent uniquement au Québec. Aujourd'hui, nous parlons de ce qui peut s'appliquer dans l'ensemble du pays. Les pandémies ne connaissent pas de frontières. Les pandémies surviennent et notre devoir est de protéger les gens.

[Français]

     Il est bien évident que nous voulons protéger les gens. Comme la protection des gens relève du réseau de la santé et des services sociaux, il existe déjà des normes. Vous l'avez dit.
     Je ne veux aucunement banaliser ce qui s'est passé, mais je veux juste vous rappeler que ce sont les Forces armées canadiennes qui, dans leur rapport, ont signalé ce dont les gens avaient besoin. Vous parlez de la pénurie de main-d'œuvre, mais il faut quand même mettre ces normes en application et, pour les mettre en application, il nous faut des moyens et du personnel pour prendre soin des gens. Il faut donc aussi de plus gros budgets en santé. L'importance des transferts des moyens financiers, ce n'est pas moi qui l'ai dit, ce sont les Forces armées canadiennes même qui le mentionnent dans leur rapport.
    J'aimerais terminer avec deux petits bémols, sur lesquels on pourra revenir plus tard.
    Nous sommes prêts à discuter de votre projet de loi et à trouver des façons de l'améliorer. Par exemple, la définition d'« établissement de soins de longue durée » proposée dans le projet de loi ne précise pas que ces établissements, comme les CHSLD, sont de compétence provinciale. C'est quelque chose que nous devrons regarder. De plus, cette définition est très prescriptive et exclut notamment les personnes plus âgées qui sont aptes à décider, volontairement, de résider dans un de ces établissements mais qui n'ont pas nécessairement d'incapacités. Il faudrait donc ajouter ces choses-là. Êtes-vous prête et ouverte à en parler dans votre projet de loi?

[Traduction]

    Je ne sais pas...
    Je vous remercie, madame Larouche.
    Madame Fry, soyez très brève, il ne vous reste que 10 secondes.
    Je ne suis pas certaine d'avoir bien compris la question, mais nous pourrons peut-être y revenir lors d'une autre série de questions.
    Merci.
    Je vous remercie.
    Nous passons maintenant à M. Garrison. Vous disposez de cinq minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président. Madame Fry, je vous remercie de votre présence aujourd'hui, et d'avoir présenté ce projet de loi.
    Je pense que les membres du Comité comprennent tous que le Code criminel est un instrument imparfait et limité, mais il nous permet de nous attaquer à la crise que nous avons connue pendant la pandémie.
    Avec tout le respect que je dois à ma collègue du Bloc, je pense que le problème n'en était pas un de compétence. Il s'agissait de la propriété...

  (1610)  

[Français]

    Monsieur le président, je suis désolée, il y a un problème d'interprétation.

[Traduction]

    Nous semblons avoir un problème d'interprétation. Nous allons faire une courte pause.
    Pourriez-vous dire quelques mots pour voir si...
    L'interprétation ne fonctionne pas. Est‑ce que ça fonctionne?
    Je vais revenir un peu en arrière.
    Ma collègue du Bloc a parlé d'une différence en matière de compétences, mais ce n'est pas ce que j'ai observé. Pendant les 15 premiers mois de la pandémie, 56 000 résidents et 22 000 employés d'établissements de soins de longue durée au Canada ont contracté la COVID. Près de 14 000 résidents sont décédés. Cela représente environ 20 % des personnes infectées.
    Cependant, le bilan dans les établissements privés à but non lucratif fut bien pire. Ils ont recensé trois fois plus d'infections et deux fois plus d'infections par lit parmi le personnel, et un nombre nettement plus élevé de décès parmi les résidents. Parfois, on comptait entre 30 et 40 % de personnes infectées, alors que le taux général se situait autour de 20 %.
    Il me semble que dans le cas qui nous occupe — et les faits le confirment —, il ne s'agit pas de savoir de qui relevait la compétence, mais à qui appartenaient ces établissements. Je me demande si vous seriez d'accord avec moi pour dire qu'il s'agit d'un problème important.
    Oui, je suis tout à fait d'accord avec vous. Vous établissez une distinction importante.
    Prenez l'Ontario, par exemple. Les gens qui se trouvaient dans un établissement de soins de longue durée pendant la pandémie étaient 13 fois plus susceptibles de contracter la COVID et d'en mourir que les personnes du même âge qui vivaient dans la communauté. Je pense que le problème avait trait aux établissements de soins de longue durée, et n'était pas nécessairement seulement une question d'âge.
    En outre, la différence entre les établissements publics, les établissements à but non lucratif et les établissements à but lucratif était assez importante.
    Nous savons que dans certaines provinces, il existe un très grand nombre d'établissements à but non lucratif. C'est ce que nous voulons dire. La situation diffère d'une province à l'autre, et nous utilisons cet instrument imparfait pour tenir les gens responsables.
    En tant que néo-démocrate, je suis de ceux qui pensent que nous devrions essayer d'éliminer les établissements de soins de longue durée à but lucratif. C'est la raison pour laquelle, lorsque nous avons conclu l'entente avec le gouvernement, nous avons obtenu son engagement de présenter une loi sur les soins de longue durée sécuritaires, qui corrigerait cette lacune dans la Loi canadienne sur la santé.
    Que penseriez-vous d'une loi distincte sur les soins de longue durée sécuritaires?
    Cela ne peut être assuré en vertu de la Loi canadienne sur la santé, parce qu'il n'en a jamais été ainsi. Il faudrait donc inscrire ces éléments dans la Loi canadienne sur la santé. Selon moi, il serait très difficile de modifier cette loi et d'y inscrire de nouvelles choses...
    Voilà pourquoi j'ai proposé de présenter une loi sur les soins de longue durée sécuritaires.
    Oui. Il faudrait que ce soit une loi distincte sur les soins de longue durée sécuritaires.
    D'accord.
    Dans votre projet de loi, votre définition de « gérant » est très large. J'ai entendu dire que bon nombre de travailleurs de première ligne devaient composer avec beaucoup de contraintes et que les propriétaires et les décideurs financiers limitaient les ressources financières disponibles, de sorte qu'ils ne pouvaient pas embaucher plus de personnel et qu'ils ne pouvaient pas acheter plus de produits de nettoyage.
    La préoccupation qui a été exprimée est que votre définition générale de « gérant » pourrait inclure certaines personnes qui font de leur mieux pour fournir des soins, mais qui sont limitées dans ce qu'elles peuvent accomplir à cause des pratiques des propriétaires et des décideurs financiers des établissements.
    Si vous lisez la définition, vous verrez qu'on y parle de gens qui embauchent les employés et qui établissent leur horaire. Il y est aussi question de direction des activités quotidiennes, de supervision des employés, de contrôle et d'évaluation de la qualité des soins fournis, du contrôle de la mise en oeuvre efficace. On n'y fait pas mention d'employés qui obéissent à des ordres qui leur ont été donnés.
    À la lecture du rapport des forces opérationnelles du 4e Bataillon, nous avons appris qu'on avait souvent omis de faire certaines choses pour économiser de l'argent. Ensuite, nous avons appris que des employés avaient été embauchés alors qu'ils n'étaient pas nécessairement qualifiés et qu'ils manquaient d'expérience. Le rapport disait aussi que beaucoup d'employés avaient peur de prodiguer des soins aux personnes atteintes de la COVID, car ils craignaient de contracter la maladie.
    Encore une fois, il existe toute une série de facteurs qui, comme vous le dites, pourraient être abordés dans une loi sur les soins de longue durée, comme l'accréditation, l'agrément, et le type d'employé qui devrait travailler dans ces établissements.
    Il existe certainement une différence, cependant, entre un gérant dont le travail consiste à embaucher des employés, à établir leurs horaires, et qui sait qu'il existe un grand besoin en matière de personnel, mais qui n'a pas reçu les ressources pour embaucher... Je m'inquiète du fait que ces cadres intermédiaires sont malheureusement inclus dans votre projet de loi. Peut-être devrions-nous modifier la définition pour qu'elle ne s'applique qu'aux personnes qui prennent des décisions financières cruciales quant aux soins.
    Je ne pense pas qu'il s'agisse uniquement de décisions financières. Même si des protocoles étaient en place, nous savons, d'après le rapport, que certains gérants des opérations quotidiennes ne les ont pas suivis. Il ne s'agit pas seulement de savoir qui paie les factures et qui veut économiser de l'argent. Nous voulons aussi savoir qui n'a pas respecté les protocoles liés à la COVID, ou qui n'a pas été en mesure de former ses employés. Quelqu'un doit être tenu responsable de la prestation des soins quotidiens et des choses nécessaires à l'existence des personnes.
    Nous parlons plus précisément de la COVID, mais nous pourrions aussi parler des hôpitaux. Leurs ressources sont limitées en matière de professionnels de la santé. Ils essaient d'embaucher du personnel. L'épuisement professionnel représente un gros problème. Il était impossible de trouver des personnes qualifiées qui travailleraient dans ces établissements. En outre, les employés n'étaient pas suffisamment rémunérés.

  (1615)  

    Je vous remercie, madame Fry.
    Nous allons continuer avec notre série de cinq minutes. Les cloches ne sonnent toujours pas. Il n'y aura donc probablement pas de vote. Poursuivons avec la prochaine série de questions.
    Monsieur Brock, vous disposez de cinq minutes.
    Je vous remercie.
    Je vous remercie, madame Fry, de défendre cette cause.
    J'aimerais vous poser une question qui porte sur l'application de la loi en général.
    Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais j'ai déjà travaillé comme procureur de la Couronne. Je peux vous dire qu'en cette qualité, j'ai entendu de nombreuses histoires de maltraitance à l'égard d'adultes vulnérables. Divers travailleurs sociaux ou aidants naturels seraient accusés en vertu du régime existant dans le Code criminel.
    Je sais que votre projet de loi va plus loin et s'intéresse aux gérants et aux propriétaires potentiels, mais j'ai toujours eu l'impression — je parle de la pandémie et de tous les exemples de maltraitance d'un océan à l'autre — que les services policiers semblent réticents à porter des accusations en vertu du Code criminel dans les cas extrêmes de mauvais traitement, lorsque les preuves sont là, que les témoins se sont manifestés et que des photos ont parfois été prises. La police dispose de nombreux outils, mais elle choisit de ne pas engager de poursuites en vertu du Code criminel.
    La question que j'aimerais vous poser est très simple. Lorsque vous avez consulté des parties prenantes pendant la rédaction de ce projet de loi, avez-vous consulté les forces de l'ordre en général, et leur avez-vous demandé pourquoi il semble toujours y avoir cette réticence à tenir les gens responsables lorsque des cas extrêmes de maltraitance à l'égard des membres vulnérables de notre société surviennent?
    Je n'ai pas consulté les représentants des forces policières, mais je prends bonne note de votre commentaire. Auparavant, les forces policières ne disposaient pas d'une définition claire de la maltraitance ni d'une loi à cet effet. La police pouvait seulement intervenir dans des cas de maltraitance envers les enfants, car les articles 214 et 215 du Code criminel étaient très clairs à ce sujet. Nous avons depuis élargi la portée de ces articles pour englober les adultes vulnérables. Les forces de l'ordre disposent désormais d'outils supplémentaires dans le Code criminel qui leur permettent de faire certaines choses qu'ils ne pouvaient pas faire autrefois.
    Je m'attendais en quelque sorte à cette réponse de votre part. J'aimerais savoir comment vous conciliez cette explication avec la terminologie, les infractions et les principes de détermination de la peine qui existent dans le Code criminel.
    Permettez-moi de vous donner un exemple. En vertu de l'alinéa 215(1)c) du Code criminel, il existe déjà l'infraction de ne pas avoir fourni les choses nécessaires à l'existence d'une personne à sa charge. L'article 217.1 parle de l'omission de prendre des mesures voulues pour éviter des lésions corporelles lorsqu'on dirige l'accomplissement d'un travail d'autrui. Le Code comprend ensuite l'expression fourre-tout de « négligence criminelle », qui pourrait certainement s'appliquer à de nombreux cas de maltraitance que j'ai vus et à propos desquels j'ai lu pendant la pandémie.
    L'article 22.1 du Code criminel indique qu'une organisation — telle qu'un établissement de soins de longue durée — peut être considérée comme partie à une infraction. Pour ce qui est de votre projet de loi, les propriétaires ou les gérants pourraient être tenus criminellement responsables de la même manière que la personne qui a infligé les mauvais traitements, car des dispositions à ce sujet existent déjà dans le Code criminel. Les dispositions sur la détermination de la peine à l'alinéa 718.2a) indiquent que dans tous les cas de maltraitance des personnes âgées, on pourrait considérer comme circonstance aggravante « des éléments de preuve établissant que l'infraction a eu un effet important sur la victime en raison de son âge et de tout autre élément de sa situation personnelle, notamment sa santé et sa situation financière. »
    Je reviens à la question que j'ai posée plus tôt. La police dispose déjà d'outils. À l'exception, peut-être, des éléments qui définissent le gérant et le propriétaire dans votre projet de loi, dans quelle mesure votre projet de loi fournit‑il des ressources supplémentaires et nouvelles à la police?

  (1620)  

    Lors de la détermination de la peine, il faut prendre en compte les facteurs aggravants, comme vous le savez bien, mais vous devez retenir que mon projet de loi est plus précis. Il se concentre sur les établissements de soins de longue durée. En d'autres termes, il ne s'agit pas de savoir si vous avez maltraité votre grand-mère. Le projet de loi se concentre plutôt sur les établissements et les personnes qui les possèdent et les gèrent. J'ai voulu préciser ces éléments, pour que la police puisse s'y pencher.
    Je pense que les autres dispositions étaient plus générales et ne donnaient pas à la police les outils dont elle avait besoin.
    Nous avons dépassé de 30 secondes le temps qui vous était imparti.
    Nous devrons poursuivre cette discussion à un autre moment.
    Je vous remercie, madame Fry et monsieur Brock.
    Nous passons maintenant à Mme Dhillon. Vous disposez de cinq minutes.
    Je vous remercie, madame Fry, d'avoir présenté ce projet de loi.
    J'ai remarqué que votre projet de loi ne comprend aucune définition de la « maltraitance envers les aînés ». Seriez-vous disposée à en ajouter une? Si oui, à quoi pourrait ressembler cette définition?
    Tout d'abord, je pense que le projet de loi concerne les abus, les négligences, etc., dans un établissement. Il ne faut pas oublier qu'il s'agit d'un établissement. Un établissement a été défini dans le projet de loi que je présente ici. Je pense que ce que nous voulions faire, c'était éviter la maltraitance des aînés qui peut se produire généralement au sein d'une famille par quelqu'un qui s'occupe d'une personne, encore une fois, par les liens du mariage ou du sang. Il existe d'autres parties du Code criminel qui pourraient traiter de la maltraitance manifeste des aînés. Il s'agit d'un établissement spécialement conçu pour s'occuper d'une personne adulte vulnérable et lui fournir les nécessités de la vie.
    Selon vous, étant donné que c'est une question urgente et que nous voulons agir le plus rapidement possible, un projet de loi d'initiative parlementaire était la meilleure façon de procéder. Pouvez-vous expliquer en quoi il est urgent de présenter ce projet de loi de cette manière?
    L'urgence, c'est que les pandémies sont présentes en raison des déplacements internationaux, parce que nous sommes très mobiles. Nous nous déplaçons d'un endroit à l'autre. Des pandémies surviendront. À l'heure actuelle, c'est une pandémie respiratoire. Il y a eu la COVID et le virus respiratoire syncytial. Il y avait toutes sortes de maladies respiratoires. Il pourrait y en avoir d'autres. Il pourrait s'agir de maladies transmises par le sang. Elles peuvent se propager par les matières fécales. Elles pourraient se transmettre par le sang.
    Les pandémies vont désormais faire partie de la réalité, et l'Organisation mondiale de la santé a signalé que c'est une réalité. Nous savons que les personnes qui sont dans ces établissements parmi d'autres personnes susceptibles d'être malades... Nous devons réfléchir à la transmission de virus d'une personne à une autre au sein d'un établissement, car les maladies contagieuses se propagent dans les foules ou dans les lieux où de nombreuses personnes sont rassemblées, comme dans un établissement de soins de longue durée.
    En quoi cette mesure législative serait-elle préférable au statu quo?
    Le statu quo n'a pas fonctionné, n'est‑ce pas? Toutes ces personnes qui sont mortes inutilement, qui ont été maltraitées et négligées... La COVID a permis de tout révéler.
    Nous savons désormais que nous devons prendre certaines mesures pendant que nous discutons et négocions avec les provinces au sujet des ressources humaines et de toutes les autres choses que nous devons faire, et pendant que nous étudions une loi sur les soins de longue durée, comme l'a dit M. Garrison. D'ici là, que se passerait‑il si une pandémie éclate demain? Il doit y avoir quelque chose que nous pouvons faire dès maintenant pour prendre soin des personnes vulnérables.
    Nous savons également que la maltraitance des aînés n'est pas bien documentée au Canada. La collecte des données est limitée. Il n'y a pas assez de signalements pour les nombreuses raisons que vous avez mentionnées dans votre témoignage, comme la crainte de représailles, le fait qu'ils sont tout simplement incapables de signaler ces abus ou qu'ils sont très vulnérables.
    Comment pensez-vous que la collecte de données pourrait être améliorée?

  (1625)  

    Des modifications à la loi et au Code criminel ne sont qu'une partie de la solution à de nombreux problèmes. Au nombre de ces solutions, citons la collecte de données, la recherche, l'éducation, la possibilité de permettre aux gens de connaître leurs droits et une foule d'autres choses.
    C'est une partie de la solution. Ce n'est pas une solution passe-partout. Cela n'empêchera pas tous les cas de maltraitance, mais c'est une partie de la solution. Encore une fois, dans le Code criminel, nous ne pouvons pas inscrire des mesures comme la recherche et le développement, car c'est totalement différent, mais je pense que la collecte de données de recherche est très importante. Si vous ne pouvez pas détecter le problème, comment pouvez-vous le prévenir?
    On mentionne ces préoccupations que les gérants ou les propriétaires ne cessent d'exprimer à propos de ce projet de loi, comme le manque de personnel pour travailler pour eux ou le fait que cela dissuadera les gens de travailler pour eux, mais nous savons également que les établissements de soins de longue durée sont les moins surveillés. Nous l'avons constaté durant la pandémie: le problème a éclaté au grand jour.
    Ce n'est pas comme si les caméras de surveillance n'avaient pas détecté d'abus dans le passé, alors comment répondriez-vous aux préoccupations des propriétaires et des gérants?
    Je pense que si l'objectif des propriétaires et des gérants est de faire du profit, de réduire les médicaments et le personnel, c'est un problème. Pourquoi pensez-vous que le rapport a révélé que bon nombre des membres du personnel n'étaient pas autorisés ou certifiés? C'est parce que les gens veulent payer des salaires très bas, alors ils font travailler des personnes non formées et non qualifiées.
    Beaucoup d'infirmières autorisées ne travailleraient pas pour des salaires de la sorte et dans un endroit où elles savent qu'il y aura des abus et des refus d'accès aux protocoles et aux soins de santé à leurs patients, alors ces personnes sont libres de faire ce qu'elles veulent.
    Nous essayons de les en empêcher.
    Merci, madame Dhillon.
    Pour terminer, nous procéderons à une série d'interventions de deux minutes et demie, que nous allons commencer avec Mme Larouche.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Madame Fry, j'aimerais revenir rapidement sur ce que je disais à la fin de mon premier tour.
    Ce qui est problématique, c'est que la définition très prescriptive proposée par le projet pour un « établissement de soins de longue durée » ne mentionne même pas que ce sont des établissements qui relèvent de la compétence des provinces. De plus, cette définition exclut les personnes âgées qui décident, de façon volontaire, de résider dans ces établissements, mais qui ne souffrent pas nécessairement d'incapacités.
    D'où provient donc cette définition, et concorde-t-elle avec les lois du Québec et des provinces?

[Traduction]

    Je pense que les personnes qui décident d'aller vivre dans un établissement de soins de longue durée ont manifestement besoin de soins. Elles sont évidemment incapables de s'occuper d'elles-mêmes. C'est peut-être attribuable au fait qu'elles souffrent d'une maladie chronique ou qu'elles sont fragiles. Elles ne sont pas forcément handicapées ou atteintes de maladie mentale, mais elles ont des raisons de ne pas pouvoir s'occuper d'elles-mêmes.
    Elles vont dans ces établissements en ayant confiance que les personnes qui les gèrent leur apporteront les soins dont elles ont besoin. Nous devons les empêcher de croire que, parce qu'elles vont dans un établissement, elles recevront les soins dont elles ont besoin.

[Français]

    Vous avez plus ou moins répondu à la question concernant les champs de compétence et à celle sur la provenance de cette définition et sa concordance avec les lois du Québec et des provinces.
    Le projet de loi définit le rôle de gérant ou de propriétaire et dresse une longue liste de tâches qui s'y rattachent. Encore une fois, cependant, ces établissements de soins de santé sont administrés par le Québec et les provinces. Ce projet de loi n'est donc peut-être pas le bon endroit pour une liste aussi précise.
     De plus, ce projet de loi est vague. Il faut savoir ce qu'impliquent les services rendus au sein de l'établissement. Il faut aussi se demander à quel point la portée du projet de loi est grande. Est-ce que cela fait retomber toute la responsabilité sur le dos du gérant ou du propriétaire, même lorsque l'acte implique seulement l'employé et la personne âgée vulnérable?
    Qu'avez-vous à nous dire au sujet des incertitudes que nous avons à propos du projet de loi?

  (1630)  

[Traduction]

    Veuillez répondre très rapidement, docteure Fry.
    La mesure législative énonçait très clairement qui serait responsable dans ses définitions de « gérant » et d'« établissement de soins ». L'identité des personnes employées à titre occasionnel n'entre évidemment pas en ligne de compte dans cette définition.
    Merci, docteure Fry.
    Pour terminer, nous allons entendre M. Garrison pour deux minutes et demie.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Encore une fois, sur cette question de compétence, si nous examinons les 15 premiers mois, il y avait un établissement privé à Pickering, où 35 % des personnes qui ont contracté la COVID sont décédées, et il y en avait un à Dorval, géré et administré par le secteur privé, où 35 % des personnes infectées sont décédées. Or, dans les établissements publics et à but non lucratif dans les deux provinces, les taux de mortalité chez les personnes infectées étaient moins de la moitié de ce taux.
    Encore une fois, je vais revenir à ce que les faits nous révèlent: ce n'est probablement pas une question de compétence. Il s'agit d'une question générale liée à la COVID et aux soins de longue durée, mais aussi d'une question de propriété. Encore une fois, je pense que vous serez probablement d'accord avec moi sur ce point.
    Je suis effectivement tout à fait d'accord avec vous.
    Il s'agit de déterminer qui est le responsable.
    Sauf votre respect, docteure Fry, lorsque vous parlez des gérants, c'est comme si tout à coup nous avions un groupe de gérants qui sont des professionnels de la santé certifiés, des infirmières, des professionnels des soins de longue durée et qui soudainement ne font pas leur travail. J'ai un peu de mal à accepter cette explication, car ces personnes sont extrêmement dévouées et travaillent très fort chaque jour, et elles n'ont aucun intérêt à ne pas bien faire leur travail. À mon avis, ce sont les personnes qui se souciaient d'économiser de l'argent qui doivent être surveillées et qui sont responsables de ce taux de mortalité plus élevé.
    Encore une fois, je pense que ce qui a été découvert dans le rapport, c'est que l'économie d'argent est l'une des principales raisons, mais d'autres raisons étaient que le personnel n'était pas formé et avait peur... Il avait peur d'entrer dans les chambres des personnes atteintes de la COVID. Si les membres du personnel n'étaient pas formés, ils utilisaient le même matériel et le même équipement de protection pour entrer dans la chambre du patient A que pour entrer dans la chambre du patient B. Le personnel n'était pas équipé, formé et capable de fournir des soins de qualité.
    Nous revenons encore à cela: les établissements embauchaient des gens, mais ne pouvaient pas payer les infirmières ou les personnes ayant la formation nécessaire pour fournir ces soins.
    Avec tout le respect que je vous dois, cela nous ramène à la question dont je parlais: qui a pris les décisions financières à l'origine de cette situation?
    Sur ce, monsieur le président, je vais conclure mes questions.
    Je vous remercie.
    Docteure Fry, merci d'avoir présenté le projet de loi et répondu à toutes les questions. Je suis certain que nous aurons plus de témoins dans les prochains jours et que nous pourrons approfondir le sujet et produire un rapport exhaustif. Je tiens à vous remercier.
    Comme une réunion du Sous-comité est prévue, je déclare la séance levée.
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