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CHPC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent du patrimoine canadien


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 9 juin 2005




¿ 0905
V         La présidente (Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest—Nepean, Lib.))
V         Mme Zoe Druick (professeur adjoint, école de communication, Université Simon Fraser, à titre personnel)

¿ 0910
V         La présidente
V         Mme Catherine Murray (professeur associé, école de communication, Université Simon Fraser, à titre personnel)

¿ 0915

¿ 0920
V         La présidente
V         M. Bart Beaty (professeur adjoint, Faculté de communication et culture, Université de Calgary, à titre personnel)

¿ 0925
V         La présidente
V         M. Gary Schellenberger (Perth—Wellington, PCC)

¿ 0930
V         M. Bart Beaty

¿ 0935
V         M. Gary Schellenberger
V         M. Bart Beaty
V         Mme Catherine Murray

¿ 0940
V         Mme. Zoë Druick

¿ 0945
V         La présidente
V         M. Marc Lemay (Abitibi—Témiscamingue, BQ)

¿ 0950
V         Mme. Zoë Druick
V         Mme Catherine Murray

¿ 0955
V         M. Bart Beaty

À 1000
V         La présidente
V         M. Mario Silva (Davenport, Lib.)

À 1005

À 1010
V         Mme Catherine Murray
V         Mme. Zoë Druick

À 1015
V         M. Mario Silva
V         La présidente
V         M. Mario Silva
V         Mme. Zoë Druick
V         La présidente
V         L'hon. Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.)

À 1020
V         Mme Catherine Murray

À 1025
V         M. Bart Beaty
V         L'hon. Sarmite Bulte
V         Mme. Zoë Druick

À 1030
V         La présidente
V         Mme Catherine Murray
V         La présidente
V         M. Gary Schellenberger

À 1035
V         La présidente
V         M. Marc Lemay
V         L'hon. Sarmite Bulte
V         Mme Catherine Murray
V         L'hon. Sarmite Bulte
V         La présidente
V         Mme Catherine Murray
V         La présidente
V         La présidente
V         M. Brian Gromoff (président national, ACTRA - Calgary, Alliance des artistes canadiens du cinéma, de la télévision et de la radio)

À 1055

Á 1100

Á 1105
V         La présidente
V         M. Don Ramsden (président, Vancouver, Alliance internationale des employés de scène et des projectionnistes des États-Unis et du Canada)

Á 1110

Á 1115

Á 1120

Á 1125
V         La présidente
V         M. Gary Schellenberger

Á 1130
V         M. Don Ramsden
V         M. Gary Schellenberger
V         M. Don Ramsden
V         M. Gary Schellenberger
V         M. Don Ramsden
V         M. Brian Gromoff
V         M. Ken Thompson (directeur, ACTRA - Toronto Performers)
V         M. Gary Schellenberger

Á 1135
V         La présidente
V         M. Gary Schellenberger
V         M. Brian Gromoff
V         M. Gary Schellenberger
V         La présidente
V         M. Marc Lemay
V         La présidente
V         M. Marc Lemay

Á 1140
V         M. Don Ramsden
V         M. Brian Gromoff
V         M. Marc Lemay
V         M. Don Ramsden
V         M. Marc Lemay
V         La présidente
V         L'hon. Sarmite Bulte

Á 1145
V         M. Brian Gromoff
V         L'hon. Sarmite Bulte
V         M. Brian Gromoff
V         L'hon. Sarmite Bulte
V         M. Brian Gromoff
V         L'hon. Sarmite Bulte
V         M. Don Ramsden
V         L'hon. Sarmite Bulte
V         M. Don Ramsden

Á 1150
V         L'hon. Sarmite Bulte
V         M. Don Ramsden
V         La présidente
V         M. Mario Silva
V         M. Don Ramsden
V         M. Mario Silva
V         M. Don Ramsden

Á 1155
V         M. Mario Silva
V         M. Don Ramsden
V         M. Mario Silva
V         M. Don Ramsden
V         M. Mario Silva
V         M. Don Ramsden
V         M. Brian Gromoff
V         M. Mario Silva
V         M. Don Ramsden
V         M. Mario Silva
V         M. Don Ramsden
V         M. Ken Thompson

 1200
V         M. Mario Silva
V         La présidente










CANADA

Comité permanent du patrimoine canadien


NUMÉRO 045 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 9 juin 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

¿  +(0905)  

[Traduction]

+

    La présidente (Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest—Nepean, Lib.)): Nous avons une bonne représentation. Nous attendons toujours Libby Davies, mais je déclare néanmoins ouverte la séance du Comité permanent du patrimoine canadien. Nous reprenons nos travaux sur l'industrie de la cinématographie canadienne.

    Qui commence la première? Madame Druick et Catherine Murray. Des membres du Comité m'ont demandé de... [Note de la rédaction: Difficultés techniques]

    Mesdames et messieurs, je vous demanderais de cerner très brièvement vos recommandations afin de nous laisser le plus de temps possible pour la discussion, si vous n'y voyez pas d'inconvénient. Je vous remercie.

+-

    Mme Zoe Druick (professeur adjoint, école de communication, Université Simon Fraser, à titre personnel): Merci.

    Je remercie le Comité de son invitation. Je m'appelle Zoë Druick. J'enseigne à l'école de communication de l'Université Simon Fraser.

    J'ai effectué passablement de recherches sur l'histoire de l'Office national du film, aussi j'ai adopté le point de vue historique de la politique canadienne en matière de cinématographie. Même si je sais que vous avez déjà entendu et que vous entendrez probablement encore pas mal de membres de l'industrie vous faire part de leurs inquiétudes pressantes, mon propre témoignage s'inspire davantage d'une vision à long terme du sujet.

    Dans cette très brève introduction, permettez-moi d'aborder deux points importants que j'ai développés dans mon mémoire: premièrement, la complexité de l'industrie cinématographique canadienne, et deuxièmement, l'importance qu'il y a de développer une culture cinématographique plus vaste en tant que stratégie pour la création de films canadiens populaires. Je vous ferai quelques suggestions de politiques susceptibles de faire avancer cette entreprise.

    Ma collègue, Catherine Murray, abordera quant à elle deux ou trois autres points mentionnés dans notre mémoire.

    Pour parler tout d'abord de la complexité de l'industrie cinématographique canadienne, le cinéma canadien est constitué d'un amalgame d'industries et d'auditoires variés. C'est pourquoi il est illusoire d'envisager une solution simple au problème que représente la cinématographie canadienne pour les auditoires canadiens. Des volets du cinéma canadien, ou de ce que j'appelle, à l'instar d'Alan Parker du U.K. Film Council, l'industrie cinématographique, s'adressent à divers auditoires et ont des ambitions esthétiques diversifiées, et par conséquent, ils nécessitent des mesures différentes pour évaluer la réussite. Voici donc un aperçu des divers volets de cette industrie au Canada.

    Tout d'abord, il y a bien sûr Hollywood, qui fait partie de notre culture cinématographique, non seulement en raison de l'influence exercée sur l'industrie par ses méthodes de production mondialisées, mais aussi en raison de l'influence sur les genres et les préférences des auditoires.

    Un autre volet de notre industrie est celui des coproductions réalisées en conformité de traités, qui reposent sur la participation de Canadiens avec des sociétés internationales en vue de créer des produits à l'intention du marché international. Beaucoup d'analystes ont trouvé qu'à bien des égards ces coproductions avaient tendance à s'éloigner des récits typiquement canadiens, surtout parce qu'elles sont destinées au marché américain.

    Le cinéma indépendant est une autre facette de notre industrie. Je pense surtout aux longs métrages. Et cette catégorie inclut également les films projetés dans les festivals et les films d'art, de même que les documentaires longue durée.

    Enfin, deux autres volets importants de l'industrie cinématographique canadienne sont le cinéma québécois, et vous avez pu constater le succès qu'il remporte en empruntant des avenues très différentes de celles du cinéma canadien de langue anglaise.

    Ces composantes de l'industrie cinématographique canadienne exigent des structures de financement différentes, des méthodes de distribution différentes, qu'il s'agisse des salles de cinéma, de la télévision ou des festivals, ainsi que des indicateurs différents pour en mesurer le succès.

    Certains éléments de ce cinéma canadien à multiples facettes sont contradictoires et incompatibles. Le développement du secteur des services aux productions étrangères, par exemple, plus particulièrement en Colombie-Britannique, n'a pas eu d'effets mesurables sur le soutien de l'industrie nationale. De fait, il se peut qu'il contribue à établir des normes dans l'industrie qui nuisent en fin de compte à la capacité des longs métrages canadiens d'être réalisés avec les moyens à leur disposition.

    Le grand cinéaste inuit, Zacharias Kunuk, décrit ce problème en expliquant que la structure verticale et de type militaire utilisée par Hollywood est imposée comme étant la seule manière valable de faire des films. D'après lui, cette structure est privilégiée au détriment de méthodes de travail plus collectives et horizontales et même, pourrait-on dire, plus économiques qui fonctionnent sans que l'on ait à se plier à de strictes hiérarchies.

    Je vais passer au deuxième point, la culture cinématographique, au sens large. L'éducation, la publication et la préservation sont trois aspects à ne pas négliger si on ambitionne d'accroître l'importance des films canadiens dans l'existence des Canadiens. Les institutions gouvernementales, culturelles et d'enseignement, de même que les médias sont des entités complémentaires importantes dans la promotion de la culture cinématographique. Par exemple, les initiatives liées à la diversité peuvent être amorcées très tôt au sein du système scolaire en présentant aux enfants des formes de culture qui sortent des sentiers hollywoodiens, ce qui contribuerait à faire l'éducation des auditoires et des créateurs du futur.

    Par ailleurs, certaines de nos institutions culturelles comme la SRC, l'ONF et l'Inuit Broadcasting Corporation, ainsi que le Centre canadien du film ont montré que les institutions culturelles dotées d'un financement stable sont les meilleurs endroits pour soutenir la créativité des collectivités dans ce pays.

    Il faudrait obtenir davantage de mesures d'aide à la recherche cinématographique, à l'enseignement du cinéma et de bourses d'études. Cela s'explique par le fait que la signification culturelle des films prend un certain temps à se développer, et à long terme, à contribuer au discours public sur les films et les cinéastes.

¿  +-(0910)  

    Par ailleurs, le rôle de l'Institut canadien du film et du Trust du patrimoine audiovisuel quant à la préservation de nos films et à l'accessibilité à l'information et à l'interprétation des films canadiens doit être renforcé. Et ce renforcement comprend non seulement la préservation des copies de films déposés aux Archives nationales, ce qui est en soi une innovation majeure, mais aussi des vidéos et des copies DVD distribuées dans les bibliothèques publiques partout au pays et mises à la disposition des étudiants, des chercheurs et du grand public en général qui sont tout aussi importants. En outre, la publication soutenue de communications et de revues sur le cinéma canadien contribuera en définitive à mieux le faire connaître, et à stimuler l'intérêt pour la filmographie canadienne et ses cinéastes.

    En résumé, nous devons développer notre culture cinématographique au sens large afin de soutenir le cinéma canadien à long terme, et nous doter d'une perspective sur l'industrie cinématographique canadienne qui constitue le paysage cinématographique au Canada.

    Merci.

+-

    La présidente: Avez-vous quelque chose à ajouter, madame Murray?

+-

    Mme Catherine Murray (professeur associé, école de communication, Université Simon Fraser, à titre personnel): Je ne vois pas ce que je pourrais ajouter. J'aimerais toutefois vous parler d'un aspect qui est abordé dans notre mémoire. Il s'agit de la stratégie de développement des auditoires. À mon avis, elle a un rôle à jouer. J'ai remarqué que lors de nombreuses interventions présentées devant votre comité, cet aspect a été abordé à partir d'un ensemble intéressant et extrêmement ambigu de perspectives, aussi j'aimerais ajouter l'éclairage indépendant du milieu universitaire sur la stratégie à privilégier pour accroître les revenus au guichet de 5 p. 100. Cet objectif figurait d'ailleurs dans La politique canadienne du long métrage (2000): Du scénario à l'écran.

    Nous avons entendu ma collègue, le professeur Druick, vous expliquer à quel point il est important de bâtir une culture cinématographique. L'un des principaux aspects de cet exercice consiste, bien entendu, à bâtir la participation des auditoires, la participation culturelle, à la cinématographie au Canada, aussi j'aimerais exhorter les membres du Comité permanent à faire preuve de courage et à ne pas reculer sur cette question.

    Nous deviendrions très représentatifs de nombreux régimes ailleurs dans le monde; en effet, nous nous mettrions ainsi au diapason d'un nombre croissant de pays membres des Nations Unies qui se penchent sur l'étude de la participation culturelle. Cette tendance se caractérise par deux orientations. La première consiste à se concentrer de plus en plus sur la nécessité de susciter la participation des citoyens à la culture dans chacun des secteurs culturels, et la deuxième, à faire en sorte que les pays du monde entier comprennent les répercussions de ces décisions sur la raison d'être de la politique culturelle, de manière générale.

    À l'échelle internationale, on constate que de plus en plus de pays, sans toutefois que ce soit la majorité, s'entendent sur les nouvelles raisons d'être de la politique culturelle dans des économies modernes, complexes et vraiment intéressantes. Les paradigmes en présence semblent être la diversité culturelle--envers laquelle le Canada s'est déjà engagé profondément en jouant le rôle d'un chef de file en cette matière à l'échelle internationale--et une perspective de la citoyenneté qui mette vraiment l'accent sur le droit des citoyens de participer à une culture cinématographique originale. À la lumière des décisions sans précédent des tribunaux en matière de santé, nous savons qu'au Canada, nous sommes en train de redéfinir la relation existant entre les droits individuels et les droits collectifs sur tout un éventail de questions de politique gouvernementale, y compris la culture, et plus particulièrement en matière de culture cinématographique.

    En 2000, on s'est surtout attaché à la mise en place de signes avant-coureurs, en matière de développement des auditoires, des signes qui reflètent le changement d'attitude en matière de politique culturelle dans le monde entier. En Australie et au Royaume-Uni, par exemple, nous assistons à l'émergence d'une prise de position résolument déterminée en matière de développement des auditoires et de participation des citoyens.

    Je tiens à mentionner que les données sur les résultats de cette politique, qui existe maintenant depuis près de cinq ans, sont très mitigées. D'aucuns pourraient les interpréter comme traduisant un succès retentissant--je tiens à vous mettre en garde contre une rhétorique de l'autopromotion et du nombrilisme--et d'autres pourraient y voir une situation ambiguë. Il ne faut pas oublier que les seuls chiffres disponibles sont ceux des guichets de langue française. Et effectivement, certains faits semblent suggérer une baisse relative dans l'assistance canadienne de langue anglaise lors des représentations au cinéma.

    À vrai dire, je félicite le Comité permanent, non seulement d'être venu jusqu'à Vancouver--après tout, c'est ici que le ministre du Patrimoine canadien de l'époque a annoncé cette politique--mais aussi d'avoir entrepris cet examen parce que, franchement, à titre de chercheure externe, n'ayant aucun intérêt direct dans l'industrie, j'éprouve beaucoup de difficulté à faire de la recherche sans l'aide d'un comité permanent pour réunir les données et les publier. J'aimerais dire, à titre de chercheure en matière de politiques, que je trouve les ressources découlant des audiences du comité permanent beaucoup plus précieuses pour m'aider à me former une opinion que toute autre source en provenance de l'industrie, y compris de Téléfilm. J'inclus Statistique Canada, la Société canadienne de production de film et télévision et d'autres organisations dans cette affirmation. Vous jouez un rôle très important pour aider le grand public à comprendre et pour faciliter la recherche d'intérêt public.

    Mon argument est le suivant: il est beaucoup trop tôt pour dire s'il s'agit ou non d'un succès, la stratégie de développement des auditoires doit être intégrée dans un cadre stratégique cohérent et efficace au sein du ministère du Patrimoine canadien, et cette politique doit reposer davantage sur un modèle de citoyenneté et de diversité culturelle pour la politique culturelle.

¿  +-(0915)  

Je pêche probablement par excès de prudence en affirmant que la politique n'a pas encore porté fruit. Je n'irais pas jusqu'à dire qu'elle a échoué, mais je préfère m'en tenir au verdict qu'elle n'a pas encore réussi. Bien entendu, la raison pour laquelle elle n'a pas encore réussi est décrite dans notre mémoire à la page 6.

    Je tenais simplement à attirer votre attention sur mon argument comme quoi elle n'a pas vraiment réussi à convaincre le petit cinéaste indépendant que cette attention accordée à la maximisation des auditoires ne visait pas seulement, comme le fait remarquer ma collègue Zoë Druick, à obtenir l'effet d'un rouleau compresseur, à adopter une approche à grande échelle, digne de Hollywood, et axée sur la superproduction, de la cinématographie au Canada, parce que, selon moi, il s'agit d'une approche aberrante. En effet, à mon avis, cette approche ne comportait pas de mesures adéquates pour l'expression des minorités--des mesures de protection pour les segments de l'industrie mentionnés par la professeure Druick: les cinéastes très « tendance » du milieu alternatif qui en sont à leurs premières armes, et ainsi de suite. Je pense que Téléfilm a échoué en ce qui concerne ces segments à l'époque.

    La deuxième raison pour laquelle je pense que l'on remet en question cette approche... ou l'obstacle, si vous préférez, nous empêchant d'affirmer que la politique a été un succès est celle-ci. Au Canada, malgré les dépenses énormes de fonds publics et les enquêtes successives ainsi que les modèles innovatifs intéressants proposés par les comités consultatifs chargés de trouver des solutions à ce qui est évidemment un problème très difficile à résoudre, avec une part de marché de 1,3 p. 100 pour le film original sur les marchés canadiens de langue anglaise, nous savons très peu de choses au sujet des modèles de participation culturelle.

    Je me contenterai d'affirmer ceci, et vos recherchistes réussiront, je l'espèce, à le confirmer. Si vous faites une recherche sur Internet à l'aide d'un moteur de recherche avec l'expression « auditoire des cinémas au Canada » et si vous poussez vos recherches dans toutes les sources gouvernementales, vous obtiendrez un résultat nul. C'est tout simplement effarant. La majorité des renseignements recueillis sont de nature confidentielle; ils ne sont pas divulgués. Aucun universitaire n'a encore produit de demande en vertu de l'accès à l'information, ce qui devrait permettre de rendre une partie de ces renseignements disponibles. L'un des éléments les plus importants, à mon avis, de votre rapport devrait être de faire valoir la nécessité de se doter d'une stratégie de recherche et développement au sujet des auditoires et des préférences des auditoires. Je pense que ce serait extrêmement utile.

    Je mentionne en passant que les universitaires sont parfois utiles aux parlementaires désireux d'obtenir une bonne politique gouvernementale. L'un des éléments les plus importants à se rappeler est que nos habitudes de dépenses en matière de recherches universitaires reflètent la même part négligeable du total des dépenses réalisées pour la recherche sur la production culturelle ou la politique culturelle. Un collègue, Marc Raboy, vient tout juste de réaliser une étude dans laquelle il indique qu'au CRSH, au cours des trois dernières années, nous avons obtenu moins de 1 p. 100 de la part des dépenses en matière de recherches sur la culture ou la communication dans cet organisme.

    Ce n'est pas un scénario acceptable à long terme. Il faut investir dans des recherches universitaires, il faut investir dans des recherches sur les auditoires, et il faut absolument régler le problème qui existe à Statistique Canada où l'on produit des données inopportunes, retardataires et majoritairement non représentatives lorsqu'il est question de la culture cinématographique.

    Il nous faut une stratégie en matière de R-D si nous voulons atteindre les objectifs fixés dans la politique sur les longs métrages Du scénario à l'écran . Il faut également reconnaître que sans une stratégie de présentation ou de distribution liée au développement des auditoires, il est évident que ce développement est voué à l'échec.

    Je sais que mon collègue, le professeur Beaty, va vous entretenir du problème à résoudre en ce qui concerne la présentation et la distribution.

    Je voudrais seulement dire encore une chose, et c'est que nous possédons le génie requis pour effectuer cette recherche au Canada. Certains précédents--par exemple, j'ai entendu parler d'études effectuées par Robert Lantos il y a plus de dix ans--ont déjà examiné des aspects fondamentaux de la question. Il est lui-même à l'origine d'une étude très créatrice réalisée à l'appui du lancement de son Showcase. Cette étude comportait de simples questions, comme des quizz sur les titres des films--des questions visant à déterminer si les gens se rappelaient, avec ou sans aide, les titres d'un portefeuille de films canadiens sortis au cours de l'année écoulée, et aussi, s'ils avaient l'intention d'aller les voir dans le futur, et autres questions du même acabit. Ce sont des études très valables.

¿  +-(0920)  

    Des renseignements non scientifiques laissent entendre que, sur le marché canadien de langue anglaise, on connaît les titres de films canadiens dans une proportion de 25 à 27 p. 100. À mon avis, il s'agit du marché potentiel que l'on doit viser chez les Canadiens de langue anglaise, et j'irais jusqu'à dire que les pronostics de Wayne Clarkson souhaitant que l'on élève la cible à 10 p. 100 sont modestes, mais ce genre d'approche graduelle et évolutive est probablement la bonne.

    Voici qui met fin à mon exposé, madame la présidente. Merci.

+-

    La présidente: Merci.

    Monsieur Beaty.

+-

    M. Bart Beaty (professeur adjoint, Faculté de communication et culture, Université de Calgary, à titre personnel): Merci de me donner l'occasion de m'adresser à vous, ce matin.

    J'aimerais vous parler surtout au nom de mes étudiants. En tant que professeur en études cinématographiques à l'Université de Calgary, depuis cinq ou six ans, j'ai donné le cours obligatoire sur le cinéma canadien au moins six ou sept fois. L'un des devoirs que je donne à mes étudiants est de trouver un moyen d'améliorer la culture cinématographique canadienne, et ils éprouvent beaucoup de difficulté avec ce sujet. C'est l'un des devoirs les plus difficiles qu'ils ont à rendre dans l'année.

    D'après ce que me confient mes étudiants, ils se sentent un peu coupables de ne pas voir de films canadiens, mais par ailleurs, ils trouvent que les possibilités de voir du cinéma canadien en dehors des cours sont très limitées. Il y a quelques années, j'avais invité le cinéaste de Calgary, Gary Burns, qui a réalisé entre autres Waydowntown et A Problem with Fear, à venir s'adresser à mes étudiants. Beaucoup étaient intéressés à devenir cinéastes, aussi ils étaient très enthousiastes à l'idée d'entendre Gary Burns leur faire part de ses expériences dans l'industrie.

    Il leur a dit que le Canada était un endroit extraordinaire pour faire des films, et qu'il se pourrait même que notre pays soit le meilleur endroit au monde pour y réaliser des films. Étant donné le personnel très compétent et très motivé que nous possédons ainsi que les possibilités de financement offertes par les administrations fédérale et provinciales, les possibilités sont nombreuses pour les jeunes réalisateurs et les jeunes scénaristes de voir leurs oeuvres produites dans ce pays.

    Ceci dit, les étudiants lui ont demandé pourquoi il était si difficile de voir ses films et aussi pourquoi il était aussi difficile dans une ville de l'envergure de Calgary de voir des films canadiens, et il a répondu que c'était un tout autre sujet. Le Canada est en effet un endroit merveilleux pour les jeunes cinéastes qui veulent faire des films, sauf si ces cinéastes sont très désireux que leurs films soient vus par des Canadiens, parce que le Canada n'est pas un pays qui a bien rempli ses promesses en ce qui concerne la possibilité que nos films soient vus par nos propres citoyens.

    Je pense que si Gary Burns était venu parler à mes étudiants il y a 40 ans des possibilités de réaliser des films dans une ville comme Calgary, la réunion aurait été de très courte durée. Elle aurait tourné autour des possibilités offertes par l'Office national du film. Il se faisait une très petite production indépendante, un très petite production dans le secteur privé, en Alberta. Mais les choses ont changé radicalement depuis les cinquante dernières années, et elles ont changé pour le mieux.

    Je pense qu'il est indéniable que le Canada a enregistré des succès extraordinaires en matière de production cinématographique. Un certain nombre de nos réalisateurs ont obtenu une reconnaissance internationale et jouissent d'une réputation enviable dans le monde entier, et le Canada est un chef de file dans bien des secteurs du cinéma. Je pense que c'est assez révélateur de cette situation que la presse canadienne ait été en état de choc parce qu'aucun film canadien ne s'était mérité de prix lors du dernier Festival de Cannes, en mai. On croyait, étant donné que Atom Egoyan et David Cronenberg présentaient des films lors de ce festival, que le Canada méritait d'avoir un prix et on était sûr qu'il allait en remporter un. Les choses étaient bien différentes il n'y a pas dix ans de cela.

    Par ailleurs, toutefois, j'ai vérifié les horaires de cinéma hier dans la ville de Calgary, et j'ai réalisé qu'il n'y avait qu'un seul film canadien à l'affiche: le film d'Aaron Sorenson intitulé Hank Williams First Nation. Ce film est également à l'affiche à Edmonton. Il n'y a aucun film canadien à l'affiche à Lethbridge, à Red Deer ou dans toutes les autres villes de l'Alberta.

    Donc, en Alberta, en ce moment, on ne peut voir qu'un seul film canadien sur deux écrans de cinéma, et à mon avis cela reflète un échec total. C'est presque inconcevable que dans une province aussi grande que l'Alberta, et une ville aussi importante qu'Edmonton et Calgary, on ne trouve qu'un seul film canadien à l'affiche. Par ailleurs, un film israélien, un film français, deux films britanniques et, à Calgary, trois films indiens sont projetés dans un cinéma de genre Bollywood, dans le nord-est.

    Les problèmes de distribution pour les films canadiens sont majoritairement d'origine historique. Lorsque mes étudiants essaient de trouver des solutions, ils mentionnent toujours qu'à bien des égards, le Canada a cédé la distribution dans les années 20 lorsque nous avons permis aux entrepreneurs américains de venir dans ce pays et ouvrir des chaînes de cinéma, et aujourd'hui, nos chaînes de cinéma appartiennent majoritairement à des intérêts américains. Cette situation confère à Hollywood un avantage énorme sur les réalisateurs canadiens.

    Dans ma classe, je pense que l'un des cours les plus ennuyeux pour la plupart de mes étudiants, est celui qui relate l'historique des efforts visant à changer cette situation, et les interventions de la part des administrations, des groupes d'artistes, et des groupes de cinéastes pour changer ces politiques ainsi que les politiques de distribution. Nous avons été invités à maintes reprises à procéder à ce changement, mais nous n'avons jamais pris de mesures véritables. Et ce qui en est résulté, pour reprendre la formulation de Mme Druick, c'est que nous nous sommes retrouvés avec un rouleau compresseur américain dans le domaine de la présentation et de la distribution des films canadiens.

¿  +-(0925)  

    De nos jours, avec le succès que connaissent les superproductions américaines, on constate que le budget moyen pour la réalisation d'un film américain est de 100 millions $. Il coûte en moyenne 35 millions $ pour faire la mise en marché d'un film américain. Ce chiffre dépasse largement, pour ne pas dire outrageusement, le budget total des films canadiens, et il ne faut pas s'étonner ensuite que l'on soit incapable de les visionner. Ce n'est pas parce que les films canadiens ne sont pas assez bons qu'ils ne sont pas projetés dans les cinémas canadiens; c'est tout simplement qu'on n'en entend pas parler suffisamment.

    Ce que Mme Murray vient tout juste de mentionner concernant la pénurie de titres canadien me touche. Au début de la semaine, je faisais le trajet entre Toronto et Calgary sur un vol d'Air Canada, et on projetait un film intitulé Saint Ralph, un film canadien, et je suis presque sûre que tous les autres passagers de l'avion, et moi y compris, n'en avions jamais entendu parler. En attendant de prendre possession de mes bagages, j'écoutais les commentaires des passagers--notre avion avait été retardé et retardé; il y avait eu des problèmes avec ce vol--et les gens disaient, « Heureusement que le film était bon. C'était vraiment bien. Avais-tu entendu parler de ce film? » Mais personne n'en avait jamais entendu parler. Et tout le monde l'avait adoré. Des gens pleuraient à la fin. Mais, on n'en avait jamais entendu parler dans ce pays, et c'est ça le vrai problème.

    Faire la promotion des films canadiens s'annonce très difficile. À moins que le gouvernement fédéral ne soit prêt à investir des dizaines et même des centaines de millions de dollars pour faire la promotion de films comme SaintRalph, nous ne sommes pas au bout de nos peines pour faire connaître ces films au grand public. Je pense que l'occasion nous est donnée de faire preuve de créativité pour trouver les moyens de faire de la publicité au sujet de ces films auprès des Canadiens. La suggestion que me font sans relâche mes étudiants, et c'est celle que je vous suggère, consiste à prendre des mesures en ce qui concerne la présentation et la distribution. Nous pouvons nous inspirer des modèles ayant donné de bons résultats dans les industries culturelles canadiennes, notamment celui de la musique populaire et de la télévision canadienne, qui sont toutes deux sont en fort meilleure posture que l'industrie canadienne du cinéma actuellement, et qui, bien entendu, bénéficient toutes les deux de la réglementation sur le contenu canadien.

    Il n'existe aucune réglementation en matière de contenu canadien pour les cinémas dans ce pays et, à mon avis, c'est l'une des choses qui nous a entraînés dans la crise actuelle de l'industrie cinématographique canadienne. Je pense qu'il incombe à ce Comité et au gouvernement de manière générale, de commencer à réfléchir afin de trouver des moyens créatifs de faire en sorte que l'on présente des films canadiens dans les cinémas. Parce que si ces films canadiens sont mis à l'affiche, et qu'ils sont projetés aux Canadiens, les gens vont quitter la salle après avoir vu des films comme SaintRalph en se disant: « C'était un très bon film. Je n'aurais jamais cru qu'il me ferait pleurer. » C'est exactement le genre de réaction que nous voulons provoquer.

    Merci beaucoup.

+-

    La présidente: Nous allons commencer avec M. Schellenberger.

+-

    M. Gary Schellenberger (Perth—Wellington, PCC): Merci beaucoup.

    Merci beaucoup de votre exposé, et d'être venus.

    Mon deuxième prénom est Ralph, et effectivement, sur le vol d'hier soir, on projetait Saint Ralph, et c'est un très bon film.

    Nous avons entendu des commentaires élogieux sur ce film pendant toutes nos réunions, d'un bout à l'autre du pays. Je suis étonné, monsieur Beaty, que vous n'en ayez pas entendu parler auparavant, parce qu'on nous a raconté qu'il s'agit de l'un des meilleurs films ayant été produits depuis un bon bout de temps. Donc, oui en effet, nous avons un vrai problème, à mon avis, avec la distribution et la publicité.

    Vous avez parlé du devoir le plus difficile que vous demandez à vos étudiants en exigeant d'eux qu'ils trouvent la solution à ce problème. C'est justement la raison d'être de ce comité. C'est tout ce qui nous occupe vraiment, trouver le moyen de remplir les salles. Même le meilleur film du monde, le meilleur scénario et les meilleurs acteurs ne servent à rien si personne ne voit le film et si personne ne sait à quel point il est formidable. Donc, c'est l'un de nos principaux objectifs.

    Je dois reconnaître que la marque de 5 p. 100 que nous avions fixée il y a presque cinq ans se trouve apparemment à 4,6 p. 100 aujourd'hui. Et il est vrai que la majeure partie de cette fraction est imputable à l'industrie cinématographique de langue française, principalement au Québec. Je pense que cette industrie se situe aux alentours de 20 p. 100, et que le Canada anglais se situe à quelque chose comme... de toute façon, c'est un chiffre assez bas. Donc, oui, je pense que cela pourrait continuer de baisser.

    Je suis aussi d'accord avec vous qu'il faut enseigner la culture cinématographique canadienne. Je le répète, l'une des choses que nous avons essayé d'obtenir, et je pense que vous y avez fait allusion, c'est le montant d'argent qui est dépensé aux États-Unis. J'ai horreur de continuellement ramener les États-Unis sur le tapis, mais que voulez-vous, ce sont nos voisins et ils exercent une forte influence sur nous, et particulièrement dans l'industrie cinématographique. Ce serait la même chose si nous parvenions à construire la meilleure voiture du monde. Si notre budget de publicité pour cette voiture était de 100 $, et si le concurrent dépensait 100 000 $, personne n'entendrait parler de notre voiture. Alors, voilà la situation.

    Je le répète, l'une de mes principales préoccupations est: comment procéder pour inciter les gens à venir s'asseoir dans les salles de cinéma, à venir voir les bons films pour pouvoir en parler ensuite, et dire à tous ceux qu'ils connaissent d'y aller eux aussi.

    J'aimerais entendre votre réponse.

¿  +-(0930)  

+-

    M. Bart Beaty: L'un des problèmes que nous avons et que vous avez mis en lumière, je crois, c'est la distinction qui existe entre la culture cinématographique d'expression française dans ce pays, et celle d'expression anglaise, et c'est une différence spectaculaire. Et je pense que nous devons comprendre la culture cinématographique comme s'il s'agissait de trajectoires. Nous devons reconnaître que les succès remportés par la culture cinématographique québécoise s'appuient sur d'autres réussites antérieures, parce que dans cette province on a le culte des célébrités, de sorte que lorsque les gens vont voir Elvis Gratton III ou Les Boys III ou Séraphin, ils savent à quoi s'attendre venant d'un film québécois. En revanche, ils n'ont aucune idée de ce qui les attend en allant voir un film canadien de langue anglaise. De sorte que les films canadiens d'expression anglaise doivent constamment réinventer la roue. Nous connaissons un succès de temps en temps avec les films de langue anglaise, puis il se produit une longue éclipse.

    Cela signifie que les films d'expression anglaise doivent toujours se définir par rapport aux films américains, parce que les États-Unis analysent constamment les recettes de leurs succès. S'ils ont du succès avec une comédie romantique, alors ils en font 10 autres. Le cinéma canadien de langue anglaise n'a jamais assez de succès avec un film pour que cela justifie d'en faire 10 autres pareils. Aussi, je pense que la solution consiste en partie à créer une sorte de culture de base des connaissances nous permettant de nous inspirer des succès remportés dans l'industrie cinématographique canadienne de langue anglaise.

    Par ailleurs,--pour en revenir à quelque chose ayant été dit par les autres témoins, auparavant--il y a quelque chose au sujet de la culture cinématographique qui reste à établir. Je n'ai qu'à penser au succès que remportent à Calgary les films en provenance du sud-est asiatique. Certains cinémas projettent deux, trois et même parfois quatre films du sud-est asiatique en même temps, à Calgary, les soirs où le cinéma de Bollywood est à l'honneur. Donc, il existe une certaine relation affective entre les populations canadiennes qui sont originaires du sud-est asiatique et ce cinéma, une relation qui est absente par rapport au cinéma de langue anglaise. Il faut analyser cette relation et commencer à chercher comment reproduire le même genre de succès, qui sont vraiment des succès d'intérêt local. Je pense qu'il faut commencer à réfléchir au moyen de rendre notre industrie cinématographique plus locale.

    Lorsque Gary Burns fait un film, son film marche bien à Calgary, parce que c'est un petit gars du coin et que les gens veulent l'encourager. Mais, à Vancouver, personne ne le voit et c'est la même chose à Regina et à Ottawa. Donc, il faut trouver comment construire une industrie cinématographique locale durable dans ce pays.

¿  +-(0935)  

+-

    M. Gary Schellenberger: La distribution est très importante, alors cela revient au distributeur? Téléfilm est-elle constituée de telle façon que seul un distributeur canadien peut distribuer ce film? Cela limite-t-il la distribution? Y a-t-il une sorte de protection, du genre, par exemple, que seuls des hommes chauves peuvent faire telle ou telle chose, alors quiconque a des cheveux ne peut poser sa candidature? C'est ce que je me demande. Je sais que c'est canadien, et je sais qu'il s'agit d'argent canadien, mais s'il y a un problème dans la distribution -- et ce problème semble parfois évident à Téléfilm, c'est-à-dire que si le distributeur n'est pas canadien, ça ne passera pas par Téléfilm -- je me demande s'il peut y avoir là des changements. Vous dites que la distribution ne va pas parce que ce qu'on voit à Calgary n'arrivera peut-être pas à Vancouver.

    Je sais cependant que certains distributeurs sont sur de gros contrats avec certaines grosses boîtes américaines. On peut avoir un film qui va très bien dans son cinéma, il peut tenir l'affiche une semaine, et tout à coup une autre superproduction est attendue. Ce film risque d'être écarté et de ne jamais plus être vu.

    Alors encore une fois, que peut-on y faire? Est-ce la distribution? Peut-il y avoir quelque chose, une loi, qui exige autre chose? Je ne sais pas.

+-

    M. Bart Beaty: Je reviendrai à la question des contingents à l'écran. Il doit y avoir une façon d'avoir ces films. Vous avez parfaitement raison de dire que les circuits sont réservés par les superproductions américaines. Il n'y a pas de place. Même lorsqu'un film américain sort et ne marche pas, il est très difficile de simplement insérer un film canadien dans le système à ce moment là. Cela devient une véritable crise.

    La crise est encore plus grave en dehors des grandes villes. Au moins à Calgary nous avons le Calgary International Film Festival. Alors pendant deux semaines en octobre on peut voir des films canadiens et des petits films internationaux. Pour les gens qui vivent à Red Deer, Lethbridge ou dans des régions éloignées de l'Alberta, ces films n'arrivent tout simplement jamais dans les cinémas. Alors ils sont complètement coupés de la culture cinématographique canadienne.

    Comme je l'ai dit, nous créons et produisons d'excellents films, mais si nous investissons de l'argent dans la production de films que personne ne voit, alors ce n'est rien d'autre qu'une politique de création d'emplois, rien de plus. Si nous voulons vraiment des consommateurs et des citoyens engagés et à l'esprit critique, je crois qu'il est temps de réserver de l'espace pour les films canadiens dans les cinémas.

    Les plus importants cinémas de Calgary aujourd'hui ont 30 ou 31 écrans, dont 12 sont réservés pour Star Wars, huit pour The Longest Yard et sept pour Madagascar. Le mercredi soir, après la première ruée pour voir le film dans la première semaine, ces cinémas sont de plus en plus vides; on peut les voir occupés au dixième. Mes étudiants trouvent que c'est de la folie de ne pas réserver ces cinémas pour des films canadiens alors que nous avons 31 écrans dans les plus importants cinémas.

+-

    Mme Catherine Murray: J'aimerais vraiment souligner cela, parce que très peu d'universitaires sont d'avis que la justification du contingent à l'écran a aujourd'hui radicalement changé. Lorsque nous débattions de ces choses au début des années 90 ou lorsque nous en débattions dans les années 20, le phénomène de l'industrie cinématographique n'était pas ce qu'il est aujourd'hui. Je veux souligner cela.

    M. Beaty a déclaré que les cinémas à propriété américaine utilisent constamment l'argument de la pénurie. Je dirais que cet argument contre la présentation ne tient plus. Ils ont un excès de capacité. Il faut le rappeler. Il est possible de revoir la question d'une façon créative. Je crois que ce qu'il faut, c'est une stratégie ciblée de présentation. Il faut réserver des fins de semaines importantes au Canada. Par exemple, le 1er juillet doit être une période réservée et ciblée pour la présentation. Il faut trouver de nouvelles façon de faire la promotion.

    On ne peut se limiter à la seule industrie cinématographique canadienne. Les industries culturelles doivent afficher une synergie commerciale. C'est ce qu'il nous faut réaliser. Elle doit d'abord venir de politiques, et nous la verrons ensuite s'accroître spontanément.

    Alors je dirais, par exemple, qu'un sommet devrait être convoqué par le ministre du Patrimoine canadien demandant aux diffuseurs commerciaux privés de lancer leur programme de messages d'intérêt public pour les trois prochaines années -- 50 p. 100 pour la promotion de titres canadiens. C'est le genre de synergie qu'il faut rechercher.

    Il faut également lancer le défi dans d'autres domaines au secteur de l'imprimé et exiger que le CRTC dise si sa stratégie visant à construire un star système anglophone dans la culture populaire a fonctionné, et si elle n'a pas marché, qu'elle dise pourquoi. C'est parce que le divertissement électronique ou autres productions canadiennes ne respectent pas les conditions de leur permis. Alors la commission doit intervenir aussi.

    Bien qu'une stratégie de distribution soit manifestement nécessaire, l'accent est mis beaucoup plus sur la commercialisation et la promotion d'une façon plutôt sophistiquée. Enfin, n'oublions pas -- et je sais que le Dr Druick soulèvera ce point -- l'importance des festivals. N'oublions pas l'importance du secteur de la diffusion dans l'achat et la location de DVD.

    N'oublions pas qu'il y a quelques années Vancouver a réalisé une étude du marché de location des vidéocassettes -- qui n'est pas mort et qui en fait génère toujours d'importants revenus dans l'industrie cinématographique. Ils cherchaient une façon de promouvoir les films locaux et les titres canadiens. Il y a eu une étude appelée Canada Rack Program, qui a été rejetée par Rogers à l'époque parce qu'elle ne semblait pas atteindre son objectif. Mais en fait elle a vraiment suscité une augmentation des locations locales d'art ou de films canadiens, au lieu de mettre le Canada dans la section des films étrangers.

¿  +-(0940)  

+-

    Mme. Zoë Druick: À M. Schellenberger, je crois que vous demandez pourquoi les distributeurs américains -- parce que leur infrastructure est en place et en raison de leur liens avec les exploitants -- n'assument pas le rôle de distributeur de films canadiens. La raison pour laquelle cela ne marcherait pas, c'est que le modèle de distribution américain est un modèle mondial, alors la distribution locale ou régionale ne les intéressent pas. Ils ne s'intéressent qu'aux produits qui sont commercialisables partout.

    Ils traitent le cinéma canadien comme ils traitent tous les cinémas, sauf le leur, c'est-à-dire comme des équipes-écoles pour développer des talents. S'ils aiment ce qu'ils voient dans un film canadien, ils ne vont pas distribuer ce film localement et tenter d'obtenir les incitatifs en argent que le marché canadien peut offrir. Ils vont approcher ces travailleurs, directeurs, écrivains et acteurs et les feront intégrer l'infrastructure cinématographique américaine.

    Ils ne traiteront jamais le Canada comme une région distincte à desservir et n'ont jamais été intéressés à le faire. Ils sont plutôt intéressés à faire en sorte que les auditoires canadiens et les goûts des Canadiens fassent partie d'un modèle mondial de distribution de productions mondiales plus ou moins standardisées.

    Nous avons tenté dans le mémoire d'évaluer ce que fait le Canada et de trouver une façon de corriger notre position, qui est vraiment contradictoire. Nous soutenons le Hollywood mondial par l'entremise de notre politique de promotion de l'industrie de la production étrangère au Canada et par nos politiques de co-production sous accord. Or, nous sommes en fait impliqués dans ce que nous croyons combattre, c'est-à-dire comment arriver à diffuser les histoires canadiennes. D'un côté nous disons cela alors que de l'autre nous participons à une sorte de culture cinématographique internationale qui met l'accent sur l'absence d'identité -- des histoires non distinctes, non canadiennes -- ainsi qu'un star système international et un genre qui ne sont pas distincts.

    L'un des points que nous essayons de soulever ici, c'est qu'il nous faut admettre que nous sapons sur le plan industriel ce que nous aimerions promouvoir sur le plan culturel.

¿  +-(0945)  

+-

    La présidente: Monsieur Lemay.

[Français]

+-

    M. Marc Lemay (Abitibi—Témiscamingue, BQ): Merci d'être là. Je vous informe que j'ai lu avec beaucoup d'attention vos mémoires. Je pourrais vous dire exactement ce qu'il y a à une page donnée, parce que je trouve intéressant, lorsque des universitaires nous disent des choses, que nous les écoutions.

    Cependant, je vous dirai que St. Ralph a terminé deuxième au Marathon de Boston, que nous sommes deuxièmes et que nous aurons de la difficulté à être premiers devant nos amis américains. Je pense que l'objectif n'est pas d'être premiers et de battre les Américains, mais plutôt de développer notre propre système, ce qu'il a réussi à faire, d'ailleurs.

    Je serais curieux, cependant, de voir la bande annonce du film St. Ralph. Je suis à peu près convaincu qu'il n'y en avait pas. Voici un des problèmes du cinéma canadien-anglais.

    Je vous dirai qu'au Québec — et vous connaîtrez tout de suite ma position — lorsque Star Wars est sorti, le film Le Survenant est sorti en même temps. Or, les meilleures salles ont été attribuées au film Le Survenant. Les Américains ont piqué une sainte colère de Los Angeles à New York en passant par Chicago, en disant: « What the hell is Le Survenant? » Alors, il faut les battre sur le même terrain.

    Je ne suis donc pas en faveur de l'imposition de quotas et je pense que cela transpire. Je pense qu'il faut les battre avec une intégration complète. Au Québec, le travail a duré dix ans: on commence à peine à voir les résultats, c'est-à-dire l'intégration des producteurs, des réalisateurs, le star système, que vous n'avez pas du côté du Canada anglais. Vous savez de quel côté je me branche.

    Il va falloir que vous cessiez d'exporter vos scénaristes et vos artistes à Los Angeles. Comment fera-t-on pour les retenir ici? Au Québec, on a la langue, d'accord. Pour une fois que la langue nous sert à quelque chose, à se défendre... Nous maîtrisons la situation parce que nous avons la protection de la langue. Vous ne l'avez pas.

    J'adresse ma question à Mmes Druick et Murray. Avez-vous des études sur le cinéma en Grande-Bretagne? Vous avez parlé d'études sur le cinéma par rapport à la présence du public, au nombre de gens qui fréquentent les salles, etc. De telles études existent-elles? Sinon, nous devrions peut-être aller faire un petit tour de l'autre côté pour voir ce qui s'y passe, car la Nouvelle-Zélande et la Grande-Bretagne, entre autres, sont en train de développer un cinéma très intéressant. C'est ma première question.

    J'ai une question plus pointue pour Mmes Druick et Murray. Votre troisième recommandation m'a fait sourciller et même me soulever de mon fauteuil. Vous dites:

Le Fonds d'aide à la production de longs métrages indépendants à petit budget devrait explicitement soutenir les films qui remettent en question les normes sociales et la cohésion de la société, de même que l'esthétique généralement acceptée.

    Ma première réaction a été de me dire que cela signifie qu'on pourrait faire des films sur la pédophilie. Où arrête-t-on? Qui fixe la limite? Qui trace la ligne?

    Je vais terminer en m'adressant à vous, monsieur Beaty, car j'ai lu votre texte. À la page 4 de la version française, vous dites:

La politique actuelle devrait être plus précise quant aux sortes de films populaires qu'elle souhaite voir produire et à la façon de les « vendre » à des auditoires donnés.

    Monsieur Beaty, vous êtres un bon professeur, j'en suis convaincu. J'ai une question à vous poser. Quelles recommandations nous suggérez-vous de faire pour atteindre cet objectif?

¿  +-(0950)  

[Traduction]

+-

    Mme. Zoë Druick: Merci, Monsieur Lemay. Je vais tenter de répondre à certaines des questions pointues que vous nous avez posées.

    J'ai examiné attentivement les politiques du Royaume-Uni et de l'Australie. J'ai également examiné les politiques de Taïwan et de l'Iran, des pays qui possèdent une industrie intérieure dynamique dont nous pourrions tirer des enseignements. Le Royaume-Uni a une stratégie agressive semblable à la nôtre. Elle est fondée sur la co-production et la production étrangère pour les films américains. C'est ce qui constitue le principal moteur de développement de leur industrie. La justification est la même que celle que nous entendons au Canada, à savoir que si l'on développe l'infrastructure, les cinéastes locaux pourront l'utiliser. Si on lie sa politique à la force ou à la faiblesse de sa monnaie, on finit par perdre au change. Alors au cours des cinq dernières années, l'Europe de l'Est s'est accaparé une bonne partie du travail qui était allé au Royaume-Uni et a renforcé son industrie.

    On a vu des auditoires nombreux au Royaume-Uni pour des films britanniques. Mais un bon nombre de ces films sont faits selon la formules des mégaproductions, comme les films de Bridget Jones. Ces films, selon certains calculs, sont quelque peu britanniques. Ils ont des auteurs et des réalisateurs britanniques, mais ils ont des vedettes américaines qui propulse le film dans un marché international. C'est ce qui a fait s'accroître les auditoires britanniques, c'est-à-dire les co-productions internationales avec les États-Unis. Ils ont des vedettes américaines avec des clichés sur la réalité britannique.

    Ce que j'ai essayé de faire ressortir et que vous avez repris, c'est l'idée de la politique de diversité. Ce qui m'a impressionnée dans le cinéma britannique, et ce qui a été un succès pour eux depuis leur initiative Channel 4 dans les années 80, c'est le développement de films à petit budget qu'on pourrait qualifier de naturalistes et un peu dangereux. Ils ont intégré à leur politique quelque chose de semblable à ce que nous avions dans notre fonds d'aide aux films à petit budget, c'est-à-dire un accent sur la diversité. Nous parlons beaucoup de cela. Mais ils ont mis de l'avant un fonds du nouveau cinéma à titre de politique d'orientation. C'est comme un fonds d'aide aux films à petit budget mais le mandat vise la promotion de films risqués qui traitent de la société et de la diversité britanniques — diversité raciale, diversité des classes, et ainsi de suite — de façon audacieuse. J'ai trouvé stimulant la façon dont ils ont intégré cela à leur politique. Ces films ont connu du succès dans le circuit des festivals du film.

    Malheureusement, d'autres industries, dont notamment celles de l'Australie et de Taïwan, ont perdu au cours des cinq dernières années le pouvoir de leur industrie intérieure. Ils ont déréglementé, et maintenant leurs écrans sont remplis de films américains. Ces exemples semblent étayer le point de vue du professeur Beaty. À moins d'avoir un modèle fortement protectionniste pour la production, la distribution et la présentation, il importe peu que vos films connaissent du succès à l'échelle internationale et dans les festivals du film. Il n'y aura pas de marché intérieur pour vos films.

[Français]

+-

    Mme Catherine Murray: Monsieur Lemay, vos questions sont superbes.

[Traduction]

    Je regrette de ne pouvoir parler et répondre en français.

¿  +-(0955)  

    Permettez-moi de commencer par l'idée des bandes annonces. Voici un exemple d'un élément négligé. Alors que nous investissons dans la commercialisation et le développement par l'entremise de fonds de réserve spéciaux — et vous verrez que les agences provinciales interviennent spécifiquement pour aider et sensibiliser les intervenants — je dirais que l'état des bandes annonces au Canada anglais demeure désespéré. Nous ne savons pas comment les faire. Il nous faut de la recherche et développement sur la façon de les faire. Comme la télévision, nous ne faisons pas d'essai avec des extraits sur un auditoire. Alors il nous faut travailler davantage sur les bandes annonces et leur promotion. Mais encore une fois, il faudra accompagner le tout d'une stratégie afin d'assurer que les bandes annonces seront diffusées par nos diffuseurs privés et publics, par exemple, dans le cadre d'une quelconque stratégie de promotion. Nous avons donc besoin d'une stratégie de synergie.

    Vous avez également demandé s'il y avait de la recherche. Eh bien, la recherche en Grande-Bretagne par le British Film Institute est superbe. Elle couvre les deux éléments, soit l'évolution des créateurs et les tendances en production, et elle a recours à de nouvelles façons de sonder les auditoires et leurs goûts. C'est excellent.

    Vous avez posé une question sur la Nouvelle-Zélande, je crois. Très brièvement, au cours des six prochaines semaines, à partir d'excellents travaux d'un étudiant diplômé, notre école produira une étude comparative de la politique cinématographique de Nouvelle-Zélande et de Colombie-Britannique. Les marchés et les revenus au guichets sont de tailles identiques mais nous avons des trajectoires très différentes quant au succès commercial. Nous serons heureux de fournir cela au comité, si l'horaire le permet.

    Vous aviez une question sur la recherche, en particulier sur la participation filmique ou les auditoires dans le marché canadien-anglais. Mon argument, c'est que ce n'est pas public. Je sais que certaines études ont été réalisées à Téléfilm et ailleurs, mais les universitaires et les producteurs intéressés à comprendre ces travaux n'y ont pas accès, alors nous n'avons pas d'information commerciale.

    La deuxième chose que je veux souligner, c'est qu'il n'est pas certain que le ministère du Patrimoine canadien a un objectif stratégique global d'accroître les auditoires ou la participation culturelle dans toutes les industries culturelles. Je ne crois pas qu'ils soient conséquents dans leur plan stratégique, leurs rapports au Conseil du Trésors ou leur propres indicateurs de développement faisant état de leur propres succès. Je crois qu'il y a encore du travail à faire ici.

    Enfin, vous contestez notre troisième recommandation. Je crois qu'il est historiquement important de reconnaître que le vieux modèle culturel nationaliste de politique cinématographique n'est pas très apprécié dans l'ouest, en Colombie-Britannique. Peu d'argent du gouvernement fédéral est allé à la Colombie-Britannique, alors il y a toujours eu un argument historique ou un grief au sujet de la sous-représentation dans le financement en général, et en particulier en cinéma. Alors l'argument culturel nationaliste n'aurait pas beaucoup de succès ici car il évoque souvent la partialité en faveur de la production culturelle de l'Ontario et du Québec, et on peut dire qu'ils n'ont pas d'écho culturel. Alors lorsque nous disons « remettre en question la cohésion sociale », nous voulons dire remettre en question la vieille hypothèse nationaliste et faire une place à des produits nouveaux et emballants.

    Il est ironique que vous mentionniez la pornographie infantile ou la pédophilie ici en Colombie-Britannique, mais je veux dire que nous avons une collectivité vivante ici qui discute de liberté d'expression, de censure et de normes collectives en matière de goût. Nous avons besoins de ce genre de défi.

    L'objectif de la troisième recommandation, je crois, c'est de permettre que ce point de vue marginal soit représenté et, je dirais, qu'il soit exprimé par de nouveaux artistes colorés.

    Merci.

+-

    M. Bart Beaty: J'aime votre métaphore sur Saint Ralph qui arrive deuxième au Marathon de Boston. Je crois que nous pouvons tous reconnaître que l'industrie cinématographique canadienne ne dépassera jamais l'industrie cinématographique américaine, du moins pas de notre vivant, c'est certain. La question est réglée.

    Vous évoquez vous-même les succès qu'a connus le Québec dans le maintien de sa propre culture cinématographique distincte contre celle des États-Unis. En fait, il y a un film que j'enseigne assez régulièrement parce qu'il a été un immense succès commercial et populaire, bien que ce ne soit pas le meilleur film jamais réalisé. En 1997, Titanic est devenu le film le plus populaire jamais projeté et celui qui a connu le plus de succès, celui qui a généré le plus de revenus bruts dans tous les marchés mondiaux sauf un. Au Québec, il a dû se mesurer à un film intitulé Les Boys, et Les Boys, semaine après semaine, rapportait plus que Titanic. Fox voulait pouvoir dire que Titanic était le numéro un partout, aux États-Unis, au Canada, au Japon, à Taïwan, en France, en Allemagne, partout, sauf qu'il y avait ce petit coin appelé Québec dont ils n'avaient probablement jamais entendu parler. Et ils se demandaient, qu'est-ce que c'est que ce film sur le hockey, Les Boys, ce film avec des vedettes que personne ne connaît aux États-Unis, et comment pouvons-nous le battre?

    Alors Les Boys est un film qui a gagné le Marathon de Boston. Je crois que c'est ce genre de succès individuels que le Canada doit viser.

    Vous avez demandé comment ce genre de résultat peut être produit. Je proposerais un exemple venu de France. L'industrie cinématographique locale y est beaucoup plus robuste qu'au Canada, et si vous marchez dans les rues de Paris, vous verrez que la moitié des films à l'affiche dans les cinémas sont français. Dans les petites villes, et même dans les petits villages, vous verrez des productions françaises dans les cinémas.

    La France a une journée du cinéma tous les ans. Ils s'inquiètent de la baisse de fréquentation des cinémas en France. Alors il y a environ trois ans, on a eu l'idée de favoriser la fréquentation des salles en permettant d'y entrer gratuitement pendant une journée. L'événement est publicisé dans les journaux et par plusieurs sociétés françaises qui parrainent ces journées. Vous pouvez acheter un journal, obtenir un billet gratuit et aller au cinéma. Le cinéma en tire des avantages parce que les gens viennent et, puisque c'est gratuit, ils sont davantage susceptibles d'acheter de la nourriture et des boissons, et c'est là-dessus que les cinémas font une grande partie de leurs profits de toute façon. Alors ils sont heureux d'avoir des salles pleines. Les journaux et les sociétés sont heureux d'appuyer leur industrie cinématographique locale.

    À mon avis, nous avons besoins de quelque chose comme ça au Canada. Au cours de la longue fin de semaine du 1er juillet, pourquoi le Globe and Mail, le National Post, les journaux de Southam et le Sun n'offriraient-ils pas l'admission gratuite dans les cinémas pour voir des films canadiens? On verrait alors ces cinémas, qui voudraient nécessairement attirer ce public nombreux qui viendra acheter leur popcorn et ainsi de suite, réserver des films canadiens partout au pays afin de tirer profit de cette promotion.

    Je crois que c'est le genre de promotion nationale qui peut être faite très facilement, très économiquement, au profit de l'industrie et des cinémas. Je crois que c'est une situation où tout le monde gagne qui pourrait lancer le processus et constituer un important premier pas dans la direction que j'évoquais et dont vous parliez dans la longue lutte du Québec au cours des 10 dernières années pour bâtir une solide industrie cinématographique. Je crois que ce genre de changement commence par de très petits pas, et celui-ci en est un que je recommande.

À  +-(1000)  

+-

    La présidente: Merci.

    Monsieur Silva.

+-

    M. Mario Silva (Davenport, Lib.): Merci, Madame la Présidente.

    Tout d'abord, j'ai beaucoup apprécié les présentations, et en particulier la discussion sur la participation et la diversité culturelle. À titre de citoyen de Toronto, où la moitié des gens sont nés à l'extérieur de ce pays, c'est une histoire fort remarquable.

    Ce à quoi nous avons assisté au fil des ans, c'est la croissance des marchés créneaux, qu'il s'agisse du festival du film juif, du festival du film gay et lesbienne, ou du festival du film italien. Il y a une série de festivals, et ils ont certainement contribué à la promotion de films, dont un bon nombre ne sont malheureusement pas faits dans ce pays. Mais ils ont certainement réussi à atteindre divers auditoires et à promouvoir des films qui n'atteignent pas le grand public.

    Bien que ce soit intéressant, nous connaissons tous les problèmes. Il s'agit d'élaborer une solution. Le Dr Beaty a rappelé que l'industrie cinématographique canadienne est en bonne santé quant à la production mais présente d'importantes lacunes quant à la distribution et à la présentation. C'est là le vrai problème.

    Nous, du comité, avons parlé de la situation au Canada anglais et au Canada français et des réalités différentes dans ces deux marchés. La situation est difficile pour le Canada anglais. Le star système reste à faire, mais c'est compliqué car beaucoup de nos vedettes, que ça leur plaise ou non, veulent connaître du succès à Hollywood. Elles sont heureuses de réussir à Hollywood parce qu'elles savent qu'elles peuvent atteindre un auditoire international beaucoup plus rapidement que si elles restaient au Canada. C'est la même chose pour nos étoiles du sport. C'est la beauté et l'inconvénient de vivre à côté d'un tel géant. Et nous nous assimilons si vite. Il y a beaucoup d'acteurs, de réalisateurs et de scénaristes canadiens de grand talent à Hollywood. Hollywood en est rempli, mais très peu d'Américains savent qu'ils sont canadiens. Je crois d'ailleurs qu'ils s'en foutent qu'ils soient canadiens. Ils se sont si bien assimilés.

    Nous avons parlé de distribution et de présentation. Notre pays souffre d'une autre façon, contrairement aux Européens, en ce que nous sommes aussi une fédération, alors nous avons des provinces qui ont également des compétences en matière de quotas.

    Ce qu'il nous faut vraiment faire, c'est de nous concentrer sur une stratégie nationale qui intègre les provinces, et je dirais -- et je suis reconnaissant que notre premier ministres parle maintenant d'en tenir compte -- les villes. La ville de Toronto, où j'ai fait partie du conseil pendant 10 ans, a une excellente politique cinématographique, une politique très agressive, qui relève maintenant du bureau du maire. C'est un dossier qui a été suivi de très près. L'intégration de nos politiques avec celles des provinces et des municipalités et notre collaboration exigeront, en réalité, une stratégie nationale qui réunira les divers ordres de gouvernement et les différents intervenants. Il est à souhaiter que cette étude en particulier permettra d'aller dans cette direction.

    Nous avons entendu parler à maintes reprises du problème du financement insuffisant en commercialisation. Nous faisons d'excellents films dans ce pays. Nous sommes reconnus partout dans le monde, bien sûr, pour nos documentaires et nos animations et nous avons également produit d'excellentes séries. Je me rappelle, lorsque j'ai étudié en France il y a 13 ou 15 ans, que la meilleure série à la télévision pour les jeunes était Degrassi Junior High. C'était le numéro un. Tout le monde l'aimait. Ils se dépêchaient de rentrer vite à la maison pour regarder la série. C'était l'émission préférée des jeunes. Anne ... la maison aux pignons verts était aussi très populaire partout dans le monde. Alors nous avons fait de bonnes choses. Nous avons produit de très bonne séries familiales qui sont très appréciées par des auditoires partout dans le monde.

    Du côté des longs métrages, nous en avons eu de très bons, et ce, tant en anglais qu'en français. Certains de mes films préférés sont canadiens. Le problème, bien entendu, comme nous le savons tous, c'est la distribution et la présentation de ces films. Nous manquons de financement en commercialisation et, comme vous le notiez, d'expertise du côté des bandes annonces. Les bandes annonces sont un gros problème.

À  +-(1005)  

    Nous avons eu des exploitants ici, même lundi, à Halifax, et leur présentation portait sur le fait que certains producteurs canadiens leur demandent de porter leurs films à l'écran, mais lorsqu'ils leur demandent une bande annonce, ils disent qu'ils n'en ont pas. Alors comment faire pour les sortir?

    Même en projetant des films sur les grands écrans et en allouant des heures, même au Canada, le problème ne sera pas réglé parce que si on ne sait pas que c'est un excellent film, ou si le film n'est pas connu, s'il n'y a pas de promotion... Les Américains dépensent des millions, des milliards probablement en commercialisation, parfois plus que pour produire les films, alors ils savent qu'il leur faut ces fonds pour la commercialisation. On ne peut tout mettre sur la production et ne pas mettre de grosses sommes dans la commercialisation, les bandes annonces, et tout le reste. Si nous devions obtenir ce genre de succès, il nous faudrait changer ce paradigme, si vous me passez l'expression. Nous devrons tous faire de gros efforts.

    Je dois dire que je suis très fier et quelque peu jaloux de ce qui se passe au Québec. Je crois que c'est parce que le gouvernement du Québec et les gens du Canada français ont la passion de la culture. Ce n'est pas vraiment une question dont on discute à l'extérieur du Québec. Je ne crois pas que le gouvernement de l'Ontario et le gouvernement de la Colombie-Britannique soient préoccupés par l'identité culturelle et les questions de culture. C'est important mais on n'y accorde pas la même importance qu'au Québec, je crois, et c'est là un gros défi à relever pour nous tous.

    J'en ai dit suffisamment, alors je serais heureux d'avoir vos commentaires, si possible.

À  +-(1010)  

+-

    Mme Catherine Murray: Merci beaucoup, Monsieur Silva.

    J'aimerais simplement dire que je suis tout à fait d'accord -- et je suis persuadée que nos collègues le seront aussi -- avec l'idée d'une stratégie nationale sur la présentation et la distribution. Je dirais vraiment que c'est très important. Vous avez raison. C'est complexe sur le plan des compétences, mais il est temps.

    En outre, je veux souligner que pendant que nous revenons malicieusement sur la question des quotas de présentation dans le circuit ces cinémas, le circuit ne représente toujours que le tiers environ de l'ensemble du dossier du côté du Canada anglais, alors il faut une stratégie plus sophistiquée avec d'autres quotas de présentation. Je crois qu'il faut regarder le secteur de la télévision. Il faut examiner les chaînes payantes et spécialisées comme Showcase pour leurs contributions, et en particulier Radio-Canada, pour diffuser des films canadiens.

    Pour ma part, j'ai été très déçue de surtout voir des mégaproductions américaines -- de bonne qualité, remarquez -- lorsque La Soirée du hockey a été retirée des ondes, et je crois que ce problème doit être réglé.

    Je voudrais dire que nous devons nous demander si nous sommes trop concentrés sur le film. La plupart des cinéastes veulent que nous soyons concentrés sur le film mais je vais inviter le comité permanent à regarder les succès dans d'autres industries culturelles. Alors je veux poser cette question : pourquoi les Canadiens anglais en connaissent-ils davantage sur la musique dans ce pays que sur les films? Je vais vous soumettre qu'il y a deux raisons.

    L'une des raisons, c'est que la structure des programmes d'aide à l'enregistrement audio est beaucoup plus complexe et est probablement adaptée au nouvel univers multimédia vers lequel nous nous dirigeons. Il y a des enveloppes pour la musique alternative nouveau genre. Il y a des enquêtes que Radio-Canada fait pour la scène de la musique indépendante, où elle archive et développe le partage public de point à point de la musique pour faire la promotion d'orchestres de garage. C'est une nouvelle façon très créative et efficace de faire connaître la musique canadienne, les compositeurs canadiens, en particulier en Colombie-Britannique -- incidemment, provenant de CBC en C.-B.

    Je crois qu'il nous faut le genre d'approche préconisée par les gens d'Ofcom et The Z Review au Royaume-Uni, qui est une sorte de stratégie de présentation publique dans Internet pour les biens culturels publics. Bien sûr, des enregistrements audio et des films seront bientôt disponibles pour téléchargement. Nous savons que le dernier Star Wars était disponible illégalement le même jour partout dans le monde. Je crois qu'il est important de se rappeler lorsqu'il est question de stratégies de remplacement en distribution que l'enregistrement audio a connu certains succès et que sa stratégie de développement et de sensibilisation des auditoires semble marcher à certains égards.

    Il y a des différences structurelles énormes entre les deux industries. Ma collègue Zoë Druick dirait qu'il s'agit d'une concentration verticale qui n'est tout simplement pas la même façon. La façon de fonctionner des grands studios à l'échelle internationale est très différente en matière de cinéma de la façon de faire dans le domaine de l'enregistrement audio, en raison notamment des économies d'échelle de la production. Cela change, et cela pourrait changer, et je vous recommande de prendre en compte ces genres de succès.

+-

    Mme. Zoë Druick: Merci de croire en nous pour trouver une solution à ce problème insoluble. Au Canada, la question est là. Parce qu'en effet, le problème n'est pas de produire de bons films, mais d'arriver à les voir sur les écrans. Je pense que l'un de nos problèmes s'explique par les différences qui existent entre le Québec et le Canada anglais. En effet, au Canada anglais, nous avons hérité du soupçon qu'entretiennent les protestants à l'égard du plaisir et du divertissement; par conséquent, le cinéma est une activité envers laquelle nous éprouvons des sentiments mitigés. C'est ce qui explique que nous voulons toujours qu'il soit instructif et stimulant.

    Je pense que nous en arrivons à une question vraiment cruciale, est-ce que l'objectif consiste simplement à remplir les salles de cinéma, ou plutôt à remplir les salles de cinéma pour certains types de films? Il ne serait pas difficile de remplir les salles si c'était notre seul objectif. Tout ce que nous aurions à faire, ce serait de mener une enquête auprès des auditoires et de trouver le genre de films que les gens veulent voir, et c'est ce que nous avons expliqué dans le mémoire. Autrement dit, si tout ce qui nous intéresse c'est de savoir le genre de films que les jeunes des communautés rurales veulent voir, et nous sommes partis de là, ce serait très facile de le savoir, et de remplir les salles de cinéma.

    Mais notre façon de procéder est quelque peu différente, parce que nous croyons toujours dans ce que font les producteurs, et les artistes, et nous sommes toujours convaincus que... Nous nous intéressons d'abord à la vision de l'artiste, et par la suite, nous tentons de la vendre à l'auditoire. Même si, je vous l'accorde, nous n'atteindrons jamais au grand jamais le niveau d'influence des Américains sur le plan de la machine à promotion--qui ne fait pas seulement appel au film, mais aussi à la télévision, aux parcs thématiques et aux magazines, qui tous travaillent de concert à faire la promotion des films--même la force écrasante de la machine américaine est impuissante à vendre n'importe quel film à n'importe qui. Certains films connaissent des échecs aux États-Unis, et cela malgré les campagnes massives de promotion.

    Nous pourrions bien entendu adopter une approche davantage axée sur l'auditoire, et essayer de savoir ce que les gens veulent voir et comment faire pour leur donner ce qu'ils désirent. Ce serait une approche de la politique culturelle très différente de toutes celles que nous avons adoptées dans ce pays, mais si c'est notre principal objectif, ou du moins l'un de nos objectifs, alors pourquoi ne pas l'essayer? C'est pourquoi nous avons tenté, dans notre mémoire, de faire une place particulière aux festivals de cinéma qui font la promotion de genres particuliers de marchés dans le créneau des films d'art urbain.

    Si nous ne voulons pas tourner de films du genre populaire, alors intégrons-le dans la politique. Nous voulons avoir un nombre x de comédies, un nombre x de films d'action débridée. Alors, il suffit de le prévoir et de déterminer que c'est cela que souhaite l'auditoire. Et il ne reste plus qu'à remplir ce but.

    Mais il nous resterait toujours à jongler avec la question de ce que nous souhaitons accomplir. Souhaitons-nous bâtir une industrie, ou construire quelque chose de significatif et d'original sur le plan culturel? Cette question, ce débat, finit toujours enlisé dans cette contradiction.

À  +-(1015)  

+-

    M. Mario Silva: Professeur Druick, j'aimerais poser une autre question. Lorsque vous parlez de l'auditoire...

+-

    La présidente: Pourriez-vous être bref? Mme Bulte n'a pas encore eu la chance de poser ses questions.

+-

    M. Mario Silva: Je voulais seulement m'assurer que l'on voulait parler des « auditoires » au pluriel, parce qu'il y a divers groupes.

+-

    Mme. Zoë Druick: Oui, auditoires au pluriel, vous avez raison.

+-

    La présidente: C'est au tour de Mme Bulte.

+-

    L'hon. Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.): Merci beaucoup.

    Je dois dire que j'ai trouvé les échanges très intéressants aujourd'hui. Je n'ai pas assez de temps pour vous questionner sur tous les points. Mais il y a certaines affirmations que j'approuve, et d'autres non.

    Pour commencer, professeur Druick, pour revenir à votre commentaire comme quoi la production cinématographique industrielle repose sur notre devise. Je ne sais pas si vous avez eu la chance de lire The Flight of the Creative Class de Richard Florida qui est sorti la semaine dernière. On y décrit le Canada et ses grandes villes comme des pôles d'attraction pour les personnes talentueuses de toute la planète, et on nous y considère comme une menace pour les États-Unis qui déploie beaucoup d'énergie pour attirer la classe créative. Toronto et Vancouver sont classées comme des villes de deuxième ordre, juste après New York et Los Angeles. Mais ce livre montre aussi qu'étant donné la nature de notre politique de l'immigration très confuse, et en raison de la tolérance liée à l'indice bohémien... Et le livre explique aussi que ce qui a conduit Richard Florida à considérer le Canada comme pôle d'attraction pour les talents du monde entier, c'est le succès remporté par nos politiques culturelles et en matière de cinéma.

    Je pense qu'il serait simpliste d'affirmer que c'est tout simplement cela. Le Canada est bien placé dans le monde pour inverser l'exode culturel et l'empêcher d'aller vers les États-Unis et il est très bien placé, si nous faisons le nécessaire par l'entremise de la politique gouvernementale, et pas seulement sur le plan culturel, mais dans toute la politique, par l'entremise de l'immigration et de nos programmes sociaux, pour devenir un chef de file, et pour devenir vraiment un pôle d'attraction pour les talents, puisque cela fait partie de notre politique en matière d'innovation de devenir le pays le plus innovateur du monde d'ici 2010.

    Ceci dit, je m'intéresse beaucoup à vos concepts connexes de participation culturelle et d'engagement des citoyens. Je considère qu'ils s'appliquent non seulement à l'industrie cinématographique, mais aussi à l'ensemble de nos industries culturelles.

    L'une des choses que nous avons découvertes ces dernières années--peut-être dans le sillage du SRAS, mais je ne pense pas que le SRAS soit à blâmer en l'occurrence, parce que nous avions déjà amorcé le mouvement--c'est que nous perdons de l'affluence dans les cinémas, et on peut affirmer que les cinémas sont la pépinière d'où sont issues nos productions cinématographiques et télévisuelles. Les théâtres de Stratford, de Shaw et même de Vancouver découvrent que leur clientèle n'est plus la même. Les gens ne choisissent pas de venir au cinéma; ils choisissent de ne pas sortir. Oui, le SRAS--certainement à Toronto, en tout cas--a contribué à aggraver la situation, mais il y a une raison que nous n'arrivons pas à cerner pour expliquer pourquoi, soudainement, nous perdons l'auditoire que nous voudrions voir dans les salles de cinémas, dans les théâtres, à l'orchestre symphonique, au ballet--lors de toutes les manifestations culturelles. Je pense que c'est le noeud de la question. Il se peut que la situation ne concerne pas seulement l'industrie cinématographique; il se peut qu'elle touche un secteur beaucoup plus vaste que cette seule industrie.

    J'aimerais beaucoup savoir, si vous avez une explication sur la cause éventuelle de cette situation, et si vous avez des suggestions sur ce que l'on pourrait faire pour inverser la tendance, et susciter la participation des citoyens. Je vois, professeur Murray, que vous êtes déjà prête à répondre. J'aimerais vous entendre, plus précisément sur cette question, parce que à mon avis, elle est primordiale.

    Mes collègues vont en avoir assez de m'entendre répéter ceci, mais lorsque je me suis rendue dans une école secondaire pour y parler de mon travail en tant que parlementaire et que membre d'un comité, et pour y expliquer que nous étions en train d'étudier l'industrie cinématographique, une étudiante de secondaire m'a demandé où l'on pouvait voir des films canadiens? Le seul film canadien que cette jeune femme se souvenait d'avoir vu--j'oubliais de préciser qu'il s'agissait d'un cours de français--était La grande séduction. C'était le seul film canadien... Et l'histoire se passe dans ma circonscription, dans une école secondaire de Toronto. Comme le disait M. Silva, la Ville de Toronto est très déterminée à attirer les auditoires pour le cinéma. Elle est en train d'organiser, avec le concours de Téléfilm j'espère, quelque chose qui ressemble au programme Apprendre par les arts, un programme ayant été intégré à celui du Conservatoire, afin d'obtenir l'appréciation des auditoires ou de les augmenter dans les écoles secondaires. C'est là qu'il faut frapper, parce que c'est là que se trouvent nos futurs auditoires--beaucoup plus que chez nous.

    De toute façon, je m'intéresse particulièrement à ce domaine précis.

À  +-(1020)  

+-

    Mme Catherine Murray: Je vais poursuivre en reprenant votre dernier point. Le plus grand problème posé par les politiques culturelles d'un bout à l'autre de ce pays comporte deux volets. Premièrement, la reconnaissance qu'il y a un mouvement dans les centres d'intérêt des champs de compétence, un besoin de coordination entre les paliers fédéral, provincial et municipal. Et plus particulièrement, la répartition par le gouvernement fédéral des responsabilités entre l'éducation et la culture n'a pas joué en notre faveur. Nous avons désespérément besoin d'une stratégie en matière d'éducation, d'une stratégie coordonnée ou harmonisée.

    Si je voulais réclamer une stratégie nationale intergouvernementale, elle ferait appel aux villes et aux provinces qui seraient chargées d'examiner la formation en arts et cinéma de façon particulière. Nous avons mis en place des politiques graduelles qui visent notamment la formation en multimédia au niveau secondaire, en Colombie-Britannique. Certaines de ces politiques ont été très fructueuses. Naturellement, les résultats varient beaucoup, surtout en raison du génie des enseignants ou de la participation des écoles, mais c'est une avenue à explorer.

    J'avoue que j'ai pris connaissance de ces données préliminaires sur la baisse des auditoires dans les grandes manifestations culturelles. Nous l'avons constaté à Vancouver. On n'a qu'à penser à l'échec qu'a connu l'une des plus grandes salles de cinéma qui est en train de reprendre du terrain en ce moment. Jane Jenson parle de collectivités culturelles à géométrie variable. On sent une préférence, attribuable en partie au vieillissement et au cycle de vie des cohortes culturelles qui utilisent le système, pour des manifestations plus intimes et à plus petite échelle. Je pense que nous allons assister à une adaptation du marché. Elle explique que ces manifestations doivent être à une échelle plus réduite, que l'on doit pouvoir s'y rendre à pied ou dans un rayon de 20 kilomètres. Je pense que nous allons assister à une nouvelle redistribution géographique autour des manifestations culturelles, et plus particulièrement des cinémas.

    Donc, on devrait se concentrer sur les caractéristiques locales, et intergouvernementales. J'espère que l'on va repenser les manifestations de plus petite taille et l'accessibilité de l'infrastructure aux alentours. Il faudrait aussi reconnaître que lorsque l'on vend l'expérience cinématographique, c'est une expérience que l'on vend. Il faut revenir à l'idée de la bande-annonce. Il s'agit d'une expérience ou d'une soirée entièrement intégrée, et il convient de l'approfondir d'une certaine manière. Il ne s'agit plus simplement d'aller voir un film; il faut élargir le concept qui entoure l'activité.

    Dans la petite localité de Port Moody, nous avons eu quelques événements intéressants à l'Hôtel de Ville, Dieu merci! en organisant la présentation de films réalisés par des cinéastes indépendants qui sont venus nous entretenir de leur oeuvre. Ces activités font partie du programme de la bibliothèque, et il s'agit d'une manifestation stimulante et différente.

    Je ne voudrais pas vous quitter en vous laissant l'impression qu'il n'y a que Saint Ralph à voir. Effectivement, plusieurs films merveilleux ont été réalisés en Colombie-Britannique, des films déjà sortis ou qui sortiront bientôt. Je vous suggérerais d'aller voir, si on peut convaincre Air Canada de le mettre à l'affiche, une coproduction entre la Colombie-Britannique et le Royaume-Uni intitulée It's All Gone, Pete Tong, par Pete Tong Productions Inc. Ce film va être tout simplement super.

À  +-(1025)  

+-

    M. Bart Beaty: J'aimerais rappeler qu'il est crucial de mettre l'accent sur l'enseignement des arts. J'ai passé beaucoup de temps ces dernières années à visiter les écoles de l'Alberta. À Calgary, lors des journées consacrées au perfectionnement professionnel au niveau secondaire, j'invite les enseignants à utiliser les films en classe et à les intégrer davantage dans leurs cours, de même que les médias. Les enseignants me confient que leurs étudiants du secondaire et de l'intermédiaire sont très enthousiastes. Ils réagissent très favorablement, de même qu'aux cours sur les médias canadiens. Le problème vient de ce que les écoles ne voient pas cet enseignement comme faisant partie du programme et des sujets d'examen. Et lorsqu'une matière n'est pas sujet d'examen, on a tendance à la marginaliser.

    Il faut trouver le moyen d'intégrer la culture des médias canadiens. Cette intégration comprendrait notamment la réunion du cinéma et de la télévision. Un endroit formidable pour voir des films canadiens est l'Independent Film Channel, un canal numérique de deuxième volet, ou encore le canal D, qui est exploité conjointement par l'ONF et la SRC. Ce sont des exemples de canaux où les Canadiens peuvent voir du cinéma canadien, mais à Calgary, ce serait plutôt sur les canaux 102 et 103 sur le réseau de Shaw, et il faut s'abonner. Ce serait bien si on pouvait voir du cinéma canadien sur des canaux plus fréquentés sur le réseau numérique, afin qu'ils soient plus accessibles à la majorité des Canadiens.

    Je suis d'accord avec le professeur Murray. Lorsque la SRC a perdu la soirée du hockey cette année, on n'a pu que constater son incapacité pathétique de saisir l'occasion en or de faire la promotion du cinéma canadien. Nous comprenons tous qu'il faut rentabiliser la télévision, et que la chaîne a perdu son émission la plus populaire. Mais, il reste qu'elle a une obligation à l'échelle nationale.

+-

    L'hon. Sarmite Bulte: Je vous approuve totalement. Ce n'est pas comme si on manquait de productions. Nous tenons la cérémonie de remise des Prix Genie depuis je ne sais plus combien d'années maintenant--25 ans, peut-être, sinon davantage. Il y a des produits sur le marché. Je le répète, c'est de constater que... La politique culturelle canadienne a toujours reposé sur le choix du créateur et de la création, et elle a toujours misé là-dessus; et ensuite, sur l'infrastructure requise pour présenter ces oeuvres de création. Lorsque les deux sont entremêlées... il devient impossible de les séparer, et je ne peux pas être plus d'accord avec vous.

    Professeur, pourriez-vous élaborer un peu sur la question de la participation des citoyens, et sur les moyens que vous suggérez pour la susciter? Comment y arriver? Quelles sont les politiques à mettre en place pour favoriser un tel état de chose? Je pense que c'est central, mais pour pouvoir parler de la participation des citoyens... je dois me concentrer sur ce que nous, en tant que responsables des orientations politiques, pourrions faire.

+-

    Mme. Zoë Druick: Tout d'abord, pour revenir à Richard Florida et à The Flight of the Creative Class, les Canadiens sont fiers de vanter les mérites des villes canadiennes, et cela vient appuyer sa théorie comme quoi nous possédons des villes à dimension humaine où les manifestations artistiques sont florissantes.

    Mais je pense que vous avez aussi touché un autre point, et il s'agit de la baisse dans la fréquentation des manifestations artistiques de haut niveau. On a tendance à jeter le blâme pour cette situation sur la distribution, dans les foyers, d'autres types de médias, qui incitent les gens à rester à la maison. Mais, comme vous le mentionnez, il ne semble pas que ce soit le cas parce qu'on a tendance à mettre l'accent sur deux formes d'activités très différentes.

    La question de la participation des citoyens, qui a été soulevée initialement par M. Silva et développée par Mme Murray, reprend l'idée comme quoi les villes sont vraiment le lieu par excellence où développer la culture. Même s'il est évident que nous avons besoin de stratégies nationales, il reste qu'il faut faire preuve d'une plus grande sensibilité à l'égard des initiatives de la base. Parfois, je réfléchis à ce qui est arrivé aux beaux-arts au Canada, et je me dis que l'on assiste à une certaine forme de calcification de l'offre qui s'apparente beaucoup trop à un modèle eurocentriste en phase descendante.

    Ce qui doit se refléter dans un modèle de citoyenneté, dans un modèle créatif de type urbain, c'est le mouvement ascendant de toutes sortes de nouvelles formes de culture et de très stimulantes nouvelles hybridations de formes transculturelles de collectivités et de types de productions culturelles, qui sont à mon avis très fécondes. Aussi, plutôt que de voir la culture canadienne comme une culture sur le déclin, ce modèle s'arrête à ses facettes les plus vivantes, et il s'en inspire.

À  +-(1030)  

+-

    La présidente: Merci beaucoup, madame Bulte.

    Nous allons manquer de temps. Je vais essayer de glisser une dernière question, mais vous n'aurez pas le temps d'y répondre.

    J'aimerais revenir sur ce que vous avez dit, professeur Murray, au sujet de la capacité de notre Comité à produire de l'information et des recherches. Je pense au contraire que c'est pour nous un sujet de frustration que de constater qu'il n'y a pas de données sur ce qui se passe avec ce pourcentage de 90 p. 100 des films qui ne sont pas présentés dans les salles de cinéma ou lors de festivals, sur le nombre de films qui sont vus dans les clubs vidéos, sur DVD, à la télé payante, et le reste. Nous n'avons aucun renseignement à cet égard.

    Lorsque vous dites qu'il n'existe pas de financement auprès du CRSH, est-ce que vous voulez dire que l'on manque de propositions de sujets de recherche, ou encore que des projets sont soumis, mais qu'ils ne reçoivent pas d'aide financière? Et dans ce cas, peut-être que vous voulez jeter un coup d'oeil sur les postes vacants au sein du CRSH et proposer quelques candidatures.

    Vous avez aussi mentionné des études ayant été effectuées, mais qui ne sont pas disponibles, et c'est un domaine où nous pouvons peut-être jouer un rôle. Pourriez-vous nous indiquer quelles sont ces études? Dans quels domaines elles ont été réalisées? Parce que j'ai pris connaissance de ce document... et qu'on y déplore qu'il n'y a pas de données sur ceci ou de données sur cela--et sans parler de l'analyse des données.

    Pourriez-vous nous transmettre, chacun d'entre vous, ou collectivement, vos impressions sur les données qui devraient être recueillies, sur les recherches qui devraient être effectuées, du simple point de vue de la responsabilité et de la bonne gouvernance afin de vérifier dans quelle mesure une politique donne des résultats, quels sont ces résultats et comment s'articulent-ils? Il est essentiel de pouvoir compter sur une bonne collecte de données, sur des recherches bien documentées. Cela fait partie de la bonne gouvernance, et c'est nécessaire afin de prendre une décision sur ce qu'il y a à faire.

+-

    Mme Catherine Murray: Nous en serions ravis et nous allons nous consulter brièvement. J'aimerais aussi inviter le Comité à poser cette question à tous les intervenants, que ce soit durant leur exposé ou après coup.

    Sur les deux études dont j'ai entendu parler, une a été citée dans le mémoire de l'Association canadienne de production de film et de télévision. En réalité, elle n'est pas encore achevée. Il s'agit d'une analyse des distributeurs, et des films qu'ils ont décidé de présenter, même si ces films n'avaient pas bénéficié de l'aide de Téléfilm. C'est une étude en cours de réalisation, et j'ignore où on en est rendu; elle n'a pas encore été publiée et il n'est pas facile de mettre la main dessus.

    La deuxième étude dont j'ai entendu parler, et encore une fois, je l'ai appris par ouï-dire, parce qu'il n'y a eu aucune demande d'accès à l'information officielle, porte sur une évaluation de programme liée à la stratégie de la politique énoncée dans Du scénario à l'écran . Une évaluation réalisée soit avec le consentement de Téléfilm, soit à sa demande, et je ne pense pas qu'elle ait été publiée encore.

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Avez-vous une dernière question, monsieur Schellenberger, et vous aussi, monsieur Lemay?

+-

    M. Gary Schellenberger: Oui, en effet, j'aimerais poser une dernière petite question. Vous avez mentionné plusieurs choses, dont l'éducation de nos jeunes gens en matière de cinématographie canadienne.

    À l'Université Simon Fraser ou à l'Université de Calgary, existe-t-il un cinéma électronique ou une salle de cinéma dans vos complexes?

    Lors de notre visite à Montréal, nous avons vu quelques cinémas électroniques. Il y en avait trois au même endroit, et l'un de ces cinémas avait quelque chose de particulièrement unique. En effet, une salle de cinéma complète pouvant accueillir une centaine de personnes pouvait être transformée en salle de réunion ou encore en gymnase. C'était assez remarquable. Des salles de ce genre pourraient être utilisées pour présenter des films canadiens, que ce soit à Montréal ou dans nos écoles secondaires dans les petites villes, ou encore dans des localités avoisinantes situées dans un rayon de 20 milles. À l'occasion, on pourrait s'en servir strictement pour présenter des films canadiens.

    Est-ce qu'une initiative de ce genre pourrait être utile? Je dis ça simplement parce que pour faire l'éducation de nos jeunes, et pour les sensibiliser à notre cinéma, il faut leur en montrer. Je le répète, 90 à 95 p. 100 de ces films ne sont pas projetés. Donc, peut-être que les gouvernements pourraient collaborer avec le système d'enseignement et installer certaines de ces salles en vue de les utiliser de cette manière.

    Je sais que nous n'avons pas le temps maintenant, mais vous pourriez peut-être revenir pour partager avec nous quelques-unes de vos idées à ce sujet.

    Je vous remercie.

À  +-(1035)  

[Français]

+-

    La présidente: Monsieur Lemay, avez-vous une autre question à poser ou un commentaire à faire?

[Traduction]

+-

    M. Marc Lemay: Non.

    Merci beaucoup, mais je pense que la seule différence qu'il y a entre la Colombie-Britannique et le Québec, c'est la langue.

+-

    L'hon. Sarmite Bulte: J'aurais une dernière question, si vous le permettez, madame la présidente.

    Je pense, professeur Murray, que vous avez dit qu'il existe une étude comparative des industries de la Colombie-Britannique et de la Nouvelle-Zélande. Serait-il possible d'en obtenir une copie par l'intermédiaire de notre greffier?

+-

    Mme Catherine Murray: Oui, cette étude est en cours de réalisation. Elle est menée par un de nos étudiants au doctorat, et elle devrait être terminée dans six semaines. Je ne sais pas si le moment sera bien choisi pour vous, mais nous vous en transmettrons avec plaisir une copie lorsqu'elle sera achevée.

+-

    L'hon. Sarmite Bulte: Ce serait formidable. Merci.

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Je vous réitère nos excuses pour avoir dû annuler notre visite, il y a environ un mois. Nous apprécions beaucoup que vous ayez consacré du temps pour venir témoigner et préparer vos mémoires.

    Merci encore.

+-

    Mme Catherine Murray: Et bonne chance dans la rédaction de votre rapport.

+-

    La présidente: Nous allons faire une pause d'environ 10 minutes. Je m'en excuse auprès de nos prochains témoins--mais au retour, nous vous accorderons le temps prévu.

À  +-(1037)  


À  +-(1051)  

+-

    La présidente: Nous reprenons nos travaux du Comité permanent du patrimoine canadien.

    Je souhaite la bienvenue à nos témoins. De l'ACTRA, nous accueillons M. Thompson et M. Gromoff, ainsi que M. Don Ramsden. Merci beaucoup.

    Nous allons commencer avec M. Gromoff.

    Comme nous l'avons dit à tous nos autres témoins, et comme vous l'avez entendu pendant que vous attendiez, nous nous intéressons surtout aux échanges que nous comptons avoir avec vous. Aussi, je vous demanderais d'être aussi brefs que possible dans vos exposés afin de nous laisser le temps de poser des questions.

    Nous avons entendu parler de l'ACTRA, comme vous le savez, lors de chacune des audiences que nous avons tenues, aussi je vous demanderais de ne pas vous répéter, et plutôt d'élaborer sur un sujet qui intéresse particulièrement l'Ouest dans le contexte général de l'Alliance.

    Merci.

+-

    M. Brian Gromoff (président national, ACTRA - Calgary, Alliance des artistes canadiens du cinéma, de la télévision et de la radio): Merci, madame la présidente. Je vais faire de mon mieux.

    Bonjour, madame la présidente, et mesdames et messieurs. Je m'appelle Brian Gromoff. En mai dernier, lorsque nous devions nous rencontrer, j'étais président du bureau de Calgary de l'ACTRA. Aujourd'hui, je suis l'ancien président de ce bureau de l'ACTRA. Au fil des ans, j'ai occupé le poste de trésorier, de vice-président et aujourd'hui, je suis le président national de l'ACTRA.

    Je suis accompagné de Ken Thompson, notre directeur, Politique publique et communications, de notre bureau national.

    Je suis heureux d'être ici pour vous parler de nos recommandations concernant la politique canadienne du long métrage. J'ai l'intention d'aborder non seulement la question du long métrage, mais aussi celle de la télévision parce qu'à mon avis, la relation entre les deux est de plus en plus étroite, au fur et à mesure que l'industrie évolue.

    Je suis un acteur depuis 1962. Au fil du temps, j'ai enseigné dans trois universités et j'ai joué au cinéma, au théâtre et à la télévision dans trois pays. Pourquoi avoir choisi le métier d'acteur? Eh bien, parce que c'est ma voie, ma passion et ma profession.

    Pendant toutes ces années où j'ai été acteur, de nombreuses études et tout autant de rapports ont été produits sur l'industrie culturelle. Tous s'entendaient pour dire que nous possédons une culture qui nous est propre et qu'elle a besoin d'être protégée.

    Il y a quelques années, en tant que président de l'ACTRA, je représentais le Canada au symposium de la Banque mondiale sur la culture en tant que ressource renouvelable. L'un après l'autre, tous les conférenciers insistaient sur les monuments, bâtiments, tissages et objets qu'ils tenaient à préserver. À la fin, j'ai dû intervenir pour dire que c'était merveilleux de préserver tous ces objets, mais je me demandais que faire pour le prochain Robertson Davies, Margaret Atwood, Groupe des Sept, Glenn Gould, Leonard Cohen, Tremblay, Shakespeare, Milton? Comment faire en sorte que les futurs grands atteignent la maturité? Malheureusement, ils n'ont su que répondre.

    Je vous pose la question à votre tour: comment nous assurer que notre prochaine génération d'artistes arrivera à maturité? Comment nous assurer que notre culture est protégée contre ceux qui voudraient l'affaiblir? Allons-nous la laisser tout simplement nous filer entre les doigts? Il faut la soutenir--oui, bien entendu, nous pouvons l'aider financièrement, mais aussi il faut voir à ce qu'elle ait des occasions de se produire, de se présenter et de se faire connaître.

    Lorsque je vivais en Angleterre, je me rappelle que l'industrie cinématographique britannique était en pleine croissance parce qu'à l'époque prévalait ce qu'il était convenu d'appeler le programme double. L'une des films devait nécessairement être un film anglais--réalisé avec des acteurs anglais, une équipe anglaise--et j'ai toujours été impressionné par la simplicité de cette approche.

    En Corée, il existe un système de quotas sur les écrans--chaque cinéma doit présenter des films coréens durant 40 p. 100 du temps au cours de l'année; les télédiffuseurs ont aussi l'obligation de présenter des films coréens. Le système de quota a remporté un énorme succès depuis sa mise en oeuvre, il y a dix ans. Le nombre de jours durant lesquels des films coréens sont projetés est passé de 107, en 1993 à 147, dix ans plus tard. La part de marché des films coréens a grimpé de 15,9 p. 100 en 1993, à 45,2 p. 100 dix ans plus tard.

    Comme vous le savez, Américains et Coréens sont en train de négocier un traité d'investissement bilatéral. La pierre d'achoppement a été l'insistance des Américains qui tenaient absolument à éliminer le système de quotas. J'ai cru comprendre qu'ils avaient réussi.

    Donc, produire, présenter, publiciser et ce faisant, soutenir. Dans le passé, nous avons soutenu l'industrie en lui fournissant une aide financière pour qu'elle produise; aujourd'hui, il faut aussi soutenir la publicité et les occasions de présenter des films et des émissions de télévision canadiens.

    Les Américains sont chanceux; ils ont de la publicité gratuite en s'assurant de la présence de leurs vedettes dans les émissions d'interviews variétés. Nous ne pouvons pas nous offrir ce luxe. Naturellement, si nous avions un vedettariat, le public aurait la chance de voir un film canadien, mettant en vedette des acteurs canadiens dans les rôles principaux, et ce, durant plus d'une fin de semaine avant qu'on le retire de l'affiche pour présenter un film américain.

    Venir en aide à l'industrie canadienne du cinéma et de la télévision est d'une simplicité désarmante. En effet, il suffit de lui donner accès à du financement et à de la publicité; il faut l'appuyer à l'aide de réglementations gouvernementales, et enfin, il faut lui donner des écrans de cinéma--des écrans appartenant à des intérêts canadiens et lui imposer des quotas en ce qui concerne la présentation de films canadiens.

À  +-(1055)  

    Nous devrions faire de même pour la télévision.

    Notre incapacité à intéresser l'auditoire canadien à nos histoires n'est pas due au manque de talent pour réaliser des émissions de qualité. Le désintérêt n'est pas non plus imputable à un manque de ressources. C'est l'absence de volonté qui est en cause.

    D'autres facteurs expliquent également notre échec. La SRC est paralysée par la bureaucratie. L'ONF se transforme en coquille vide. Les stations privées s'enrichissent en nous diffusant des productions que les États-Unis rejettent littéralement dans le dépotoir canadien. Elles réduisent le contenu canadien au minimum acceptable. Les producteurs indépendants doivent solliciter des partenaires étrangers pour boucler leur budget.

    Des règlements inadéquats sur le contenu canadien donnent l'avantage à des productions conçues expressément pour le marché étranger, qui laissent peu de place à la créativité des Canadiens. La convergence dans l'industrie donne naissance à des géants peu sensibles aux intérêts des Canadiens, et il ne faut plus compter sur le CRTC pour délivrer des licences restrictives et imposer des règlements stricts.

    Vous aurez sans doute remarqué l'empressement subit des réseaux canadiens privés à vanter leurs produits canadiens ces derniers temps. La raison en est bien simple: ils sont en pleine période de renouvellement de leurs licences. Une fois leur licence reconduite, profitant du relâchement des règlements sur le contenu et les dépenses, ils changeront ces émissions de cases horaires ou ils en cesseront simplement la diffusion.

    L'année prochaine, le bureau de Calgary de l'ACTRA célébrera 40 ans de solidarité entre les artistes et les gens de l'industrie. Notre section locale a été mise au monde en 1966 par des artistes dont l'unique source de travail étaient la radio et la télévision, ainsi que la production de bandes commerciales à la SRC de Calgary. En ces temps, ces emplois étaient les seuls qui existaient dans le domaine des médias enregistrés. Toutes les émissions étaient produites par la SRC. Plus récemment, 25 années plus tard, lors de la préparation en vue des négociations collectives avec la SRC, le bureau de Calgary de l'ACTRA a convié un groupe de discussion pour les membres ayant travaillé à contrat pour la radio ou la télévision de la SRC au cours de la dernière année et demie. Nous avons trouvé seulement quatre membres de l'ACTRA qui avaient été contractuels pour la SRC à Calgary pendant cette période. Outre les émissions d'informations régionales, la programmation digne d'intérêt produite par la SRC à Calgary est à toutes fins utiles inexistante.

    Auparavant, nous produisions 85 heures de dramatiques radio. Maintenant, plus rien. Or, si je me fie à la Loi sur la radiodiffusion, le mandat de la SRC est très large. Elle doit offrir une gamme complète d'émissions qui renseignent, éclairent et divertissent. Notamment, la programmation devrait être principalement et typiquement à teneur canadienne. Elle doit refléter la globalité canadienne et rendre compte de la diversité régionale du pays, tant au plan national qu'au niveau régional, tout en répondant aux besoins particuliers des régions. Elle doit en outre contribuer activement à l'expression culturelle et à l'échange des diverses formes d'expression, au partage d'une conscience et d'une identité nationales, refléter le caractère multiculturel et multiracial du Canada, et être offerte partout au pays de la manière la plus adéquate et efficace, au fur et à mesure de la disponibilité des moyens.

    Malgré la Loi, les productions canadiennes diffusées à Calgary se raréfient. Je le rappelle, le talent n'est pas en cause. Le scénariste-réalisateur Gary Burns, qui se dit albertain, a tourné deux films ces cinq dernières années, et il tourne actuellement Comeback Season. Les équipes de production extrêmement talentueuses qui oeuvrent à Alberta Filmworks ont conquis le public avec North of 60, qui fut d'abord une série dont on a tiré un film. On a tenté de raviver la production de séries d'émissions à Calgary avec Tom Stone, mais la SRC a abruptement interrompu la diffusion au cours de la deuxième saison parce que les cotes d'écoute stagnaient sous les 400 000 auditeurs. L'an dernier, nos membres se sont envolés vers l'Autriche pour filmer Crazy Canucks. Voilà quelques années, Atom Egoyan a donné vie à Ararat, dans des payages désertiques de sables et de bad-lands.

    Ces deux ou trois dernières années, nous avons assisté à la naissance de quelques autres équipes de production bourrées de talent, dont Voice Pictures Inc. et Nomadic Productions ne sont que quelques exemples. C'est la bonne nouvelle. La mauvaise est que des sociétés comme Alberta Filmworks, Voice Pictures Inc. et Nomadic Productions doivent payer les factures. Ces producteurs, plus souvent qu'autrement, doivent se mettre au service de productions étrangères qui viennent au Canada et qui ont besoin d'aide pour se dépêtrer dans les dédales canadiens des crédits d'impôt, des financements de films et des relations avec les syndicats de l'industrie. Ils acceptent de jouer les producteurs de service pour assurer leur survie pendant qu'ils cherchent des investisseurs et du financement pour réaliser leurs propres projets—des projets canadiens—ou des projets de coproduction avec d'autres pays. Ces aventures favorisent les échanges culturels, dont les retombées sont multiples, ne serait-ce qu'en profits pour l'industrie du tourisme et de l'accueil. Elles ont également pour effet d'ouvrir le marché international à la programmation canadienne.

Á  +-(1100)  

    Pour la plupart, les producteurs canadiens qui n'ont pas su se mettre au diapason en sont à leurs derniers souffles. Il n'est plus possible de durer bien longtemps si le seul amour du travail est tout ce qui vous anime. Le fait que le travail vienne exclusivement de productions étrangères réalisées au Canada est une arme à deux tranchants. D'un côté, elles ouvrent des perspectives intéressantes et elles dépensent de l'argent dans notre pays et notre province, que nous pourrions utiliser pour stimuler la croissance de l'infrastructure de notre industrie locale du cinéma et de la télévision. D'un autre côté, les scénarios et les raconteurs canadiens, nos écrivains, nos réalisateurs et nos artistes restent sur le banc, à crier: «Faites-moi jouer, coach!»

    En regardant dans le journal, vendredi dernier, j'ai constaté qu'un seul film produit au Canada était diffusé dans les salles à Calgary. Il a été réalisé à Calgary, au titre d'une entente de production indigène indépendante de l'ACTRA. Selon cette entente, l'ACTRA permet des variations dans les taux et les droits de suite du producteur pour qu'un film puisse être produit; ces productions à contenu exclusivement canadien sont toujours à petit budget. Les membres de l'ACTRA font leur part pour favoriser l'industrie. La suite vous appartient.

    Comment changer les choses? Quel sera le meilleur plan de match? La politique du long métrage adoptée en 2000 a déjà donné de bons résultats. Cependant, comme vous le savez, seulement certaines recommandations ont été mises en oeuvre. Vous connaissez tous le rapport Lincoln. De toute évidence, nous attendons impatiemment que le gouvernement donne suite aux recommandations, tel que promis dans le rapport au printemps. L'action du gouvernement à l'issue de ce processus de consultation et des politiques que vous recommandez devra être bénéfique pour l'Alberta et ses artistes.

    Voici certaines de nos recommandations.

    La promotion et la distribution des films canadiens au pays ont souffert d'un appui insuffisant. À moins de vivre dans une ville canadienne relativement cosmopolite, les chances de voir un film canadien au cinéma sont presque nulles. Pour les citoyens qui vivent dans la banlieue d'une ville relativement cosmopolite, les possibilités de voir un film canadien au grand écran sont tout juste un peu supérieures à celles de leurs concitoyens des régions rurales. Or, c'est en ouvrant les yeux de la nation qu'on ouvrira la nation à nos films et à nos histoires.

    Au fait, qu'est-ce qu'une oeuvre canadienne? Pour être canadienne, une oeuvre doit avoir été écrite, jouée, réalisée et produite entièrement par des Canadiens. Si les acteurs, les chanteurs, les danseurs et les autres artistes sont canadiens; si le scénariste, le cinéaste, le monteur, le créateur des costumes, les techniciens et les juges sont canadiens; et si le travail de post-production est confié à des artistes canadiens, le projet aura une facture et une allure canadiennes, peu importe le propos et l'endroit où il est filmé.

    Par ailleurs, le processus exige en lui-même que les marchés anglophones et francophones ne soient pas traités de la même façon. Les films en français touchent un auditoire captif, et la concurrence étrangère est beaucoup moins féroce dans ce segment de marché. La France n'envahit pas le Québec comme les États-Unis le font pour le Canada, auquel cas ce serait différent.

    Au terme du processus, nous avons grand espoir que vos recommandations engloberont des mesures visant la production et la promotion de films canadiens de meilleure qualité; à faciliter la production pour les créateurs, en leur offrant du soutien stable et à long terme de la part de Téléfilm, de l'Office national du film, du Fonds de financement des longs métrages, du Fonds canadien de télévision et de la SRC; ainsi qu'à garantir l'application des dispositions existantes de la Loi sur la radiodiffusion et l'adoption de nouvelles dispositions qui pénaliseraient les diffuseurs qui expurgent les ondes de leur contenu canadien.

    Il faut hausser à 30 p. 100 le crédit d'impôt pour la production cinématographique ou magnétoscopique au Canada. C'est un influx vital pour favoriser la production canadienne et l'essor de l'industrie. De plus, pour renforcer notre infrastructure, le crédit d'impôt pour services aux productions devrait grimper à 18 p. 100, et l'embauche de main-d'oeuvre pour la réalisation de films devrait également ouvrir droit à un crédit d'impôt. Ainsi, nous investirons pour l'avenir.

    Nous pourrions en outre investir dans la recherche, nous inspirer des modèles d'investissement en vigueur aux États-Unis pour intéresser les investisseurs du privé à l'industrie cinématographique. Les investisseurs canadiens sont déjà intéressés et ils sauteront dans l'aventure à pieds joints si c'est bien fait—par exemple, si on leur offre une déduction pour amortissement. Lorsque des intérêts privés auront des parts dans cette industrie, l'engouement pour les produits maison augmentera. Peut-être développerons-nous notre propre système de vedettariat, qui sait?

Á  +-(1105)  

    Il existe d'autres façons d'augmenter—ce n'est rien de nouveau pour vous... Par exemple, on pourrait prélever des droits au guichet, une taxe sur les activités de distribution de films américains et étrangers en général, ou encore un droit sur les recettes brutes de la distribution dans les cinémas et en vidéo. Une droit de 50 cents sur les admissions généreraient un montant de 100 millions de dollars environ; même chose si ce droit est de 5 p. 100. Vous avez ce pouvoir puisque la note irait aux entreprises.

    D'accord, nous ne serons probablement jamais un leader de l'exploration spatiale ni de la production cinématographique. Cependant, beaucoup d'autres pays voient en nous un modèle en matière de protection de la vie culturelle, comme l'a démontré notre appui au traité de l'UNESCO sur la diversité culturelle.

    Si vous me le permettez, je vais citer, en déformant ses propos, un chef de guerre dont aucun d'entre vous n'est assez vieux pour se souvenir.

    Nous allons nous battre pour nos écrivains. Nous allons nous battre pour nos artistes. Nous allons nous battre pour nos acteurs. Jamais nous n'allons abandonner le patrimoine culturel du Canada.

    Merci de m'avoir consacré votre temps et votre attention.

+-

    La présidente: Merci.

    Monsieur Don Ramsden—pouvez-vous nous redonner le nom de votre organisme?

+-

    M. Don Ramsden (président, Vancouver, Alliance internationale des employés de scène et des projectionnistes des États-Unis et du Canada): À vrai dire, je vais m'en abstenir, si vous me le permettez. Nous ne l'inscrivons pas sur nos cartes de visite parce qu'il empiéterait sur le verso. Nous nous contentons de l'appeler l'IA.

    Je voudrais tout d'abord vous remercier de nous accueillir et de nous donner l'occasion de témoigner devant vous. Je commencerai par un bref historique de notre section locale.

    Elle a été fondée en 1962. Le cinéma a une longue histoire à Vancouver, malgré ce que d'aucuns peuvent en penser. Nous avons été le plus important intervenant dans la province depuis. La section compte près de 5 000 membres, et 5 000 autres aimeraient bien intégrer nos rangs. Nous sommes la plus importante organisation de ce genre au Canada, et nous comptons parmi les dix plus nombreuses sections locales de notre alliance, le plus important syndicat de l'industrie du divertissement sur la planète. Bref, nous ne sommes pas nés de la dernière pluie.

    Notre syndicat n'est pas comme les autres. Nous comptons probablement plus d'entrepreneurs que toute autre organisation syndicale. La plupart d'entre nous cumulent un statut d'entrepreneur du domaine des services et d'employé. Je vous fais part de ces détails pour bien illustrer que nos membres ont contribué également au développement de l'infrastructure de services élaborée et enviable de la Colombie-Britannique. Nos membres ont réinjecté des millions de dollars dans la collectivité en services d'accessoires et de décors de plateau, ou en location de services ou de produits locaux.

    Notre section locale a dépensé plus d'un million de dollars seulement en formation ces dernières années. Parce qu'ils ne sont pas des employeurs réguliers, nous avons dû entreprendre nous-mêmes ce processus. La Colombie-Britannique a été la première juridiction en Amérique du Nord à fournir des programmes d'apprentissage pour différents métiers. Nous avons joué un rôle de leader afin de promouvoir la Colombie-Britannique comme emplacement et centre de production, et nous avons favorisé la production nationale de diverses façons. Nous avons fourni du personnel qualifié à des tarifs extrêmement bas. Nous avons élaboré un modèle de report des rémunérations, en vertu de quoi les indemnités de nos membres sont seulement versées si le film est rentable. En fait, seulement deux producteurs nous ont remboursés. Nous ne leur en portons pas rigueur; nous comprenons leur situation.

    Toutes ces contributions réunies ont réussi à faire de la Colombie-Britannique le troisième plus important centre de production en Amérique du Nord. Malgré les problèmes économiques et politiques, c'est encore notre secteur des services étrangers qui continue d'alimenter nos membres. Cependant, nous savons que notre dépendance à l'égard de la production des services à prédominance américaine nous met à la merci de mouvements de devise fréquents et de l'hégémonie culturelle de nos voisins du sud. Nous accueillerons avec joie une inversion des rôles, où le principal fournisseur serait la production canadienne et la production de services étrangers jouerait seulement un rôle secondaire. Ce revirement de situation nous comblerait de joie. Malheureusement, en vertu de notre modèle de financement actuel, la Colombie-Britannique est plus souvent qu'autrement perçue comme un autre magnifique emplacement plutôt qu'un partenaire de production potentiel.

    Quand nous avons examiné l'ancienne politique canadienne du long métrage, nous avons apprécié le fait que le gouvernement canadien a fourni un soutien financier au secteur de l'industrie canadienne de la cinématographie au cours des dernières années. Il n'y a aucun doute que cet apport a aidé à élaborer une infrastructure étendue de production, de services et de soutien.

    Cependant, cette infrastructure n'est en rien une industrie pleinement développée. Cela nécessiterait une série de sociétés de production indépendantes, diversifiées et pleinement dotées de capitaux permanents capables d'offrir des niveaux de production durables. Ce que nous avons maintenant au Canada, ce sont plutôt des sociétés de production vivant au jour le jour, qui ont acquis une mentalité de bien-être social, dépendant du financement des gouvernements pour chacune de leurs productions.

    En 2000, le gouvernement canadien déclarait, à la page 5 de sa politique de long métrage, Du scénario à l'écran: Une nouvelle orientation de politique en matière de longs métrages: «Le défi est clair. Nous avons construit une industrie, le moment est venu de bâtir un public.» Je pense que ces félicitations sont prématurées, et qu'elles illustrent la base pour le moins chambranlante sur laquelle la dernière politique était construite, à savoir qu'il existait déjà une industrie de production cinématographique pleinement développée au Canada.

    En vérité, au moment où l'on a rédigé cette politique, les sociétés de production avaient déjà commencé à imploser et à disparaître, amenant avec elles la santé de cette soi-disant industrie. À peine cinq ans plus tard, les sociétés de production cinématographique dotées de capitaux permanents au Canada anglais sont presque inexistantes. Nous croyons que nous avons visé le mauvais objectif, soit de développer l'industrie en misant exclusivement sur l'accroissement de l'auditoire. Nous devons mener à bien les deux éléments de concert étant donné qu'ils ont une relation symbiotique: les deux ne peuvent exister sans l'autre.

    J'aimerais vous rappeler ce que l'Alliance IATSE à l'échelle nationale a déjà précisé devant vous à Toronto concernant les retombées financières de notre travail. En 2003-2004, l'industrie du cinéma et de la télévision canadienne a fourni 51 800 emplois et contribué 4,92 milliards de dollars au produit intérieur brut du Canada.

    Nous devons revenir à la production indigène—incidemment, je n'aime pas vraiment ce qualificatif. Je préférerais parler de production «nationale» ou «intérieure». Le terme «indigène» me fait toujours penser à des gens vêtus de pagnes et qui lisent un scénario autour d'un feu. C'est pourquoi je parlerais plutôt de «production nationale».

Á  +-(1110)  

    Le Local 891 de l'IATSE croit que la santé future de l'industrie cinématographique canadienne, en fait sa survie à long terme, dépend de la création d'une industrie de production indigène, nationale, forte. Voici une citation du directeur exécutif de Téléfilm Canada, Wayne Clarkson, qui illustre cette situation:  «Bâtir une industrie fondée sur la production étrangère équivaut à bâtir une maison sur du sable mouvant.»

    La Colombie-Britannique en sait quelque chose. Sur tous les milliards de dollars dégagés par son solide secteur de services de production étrangers au cours des 20 dernières années, la communauté cinématographique provincial a, chose surprenante, recueilli peu de retombées sous la forme de sociétés de production dotées de capitaux permanents durables. Malheureusement, nous avons réalisé que la plupart des sociétés de production de services établies en Colombie-Britannique ne réinvestissent pas toujours les revenus dégagés de leur travail de service dans les sociétés de production locale. Cette situation résulte peut-être du fait que les producteurs de services sont attirés par les gros chèques de paye des productions de studios américains, les faibles risques et l'absence de frais de développement. Nous reconnaissons également que l'élaboration et la production de ses propres projets exigent un solide talent créateur et des capacités financières et commerciales, ce qui n'est pas le cas pour tous les producteurs de services.

    Bien que nous soyons fiers de notre contingent de scénaristes, producteurs et réalisateurs créatifs établis en Colombie-Britannique, qui nous ont donné des longs métrages tels que The Grey Fox, Double Happiness, Flower and Garnet et Falling Angels, ces projets ont tous été produits isolément. Aucune continuité ni création de sociétés fondées sur leur succès passé ne s'en sont suivies.

    Il faut créer un nouveau modèle financier. Les membres de l'IATSE, dans le cadre de l'évolution de notre syndicat, comprennent que nous ne pouvons plus compter sur la production de services. Cependant, afin de faire cette transition, nous aurons besoin d'un système de longs métrages canadien qui nous permettra de réussir. L'absence d'une composante industrielle et commerciale dans le secteur de la production se traduit par un manque important d'argent provenant du secteur privé. Nous avons en quelque sorte écarté le secteur privé dans notre quête d'une appartenance culturelle; par conséquent, il semblerait que le système de financement que nous avons créé nous a empêchés d'accéder aux capitaux privés. Nous devons trouver une façon d'inviter les investisseurs à prendre part de nouveau au processus. Chose certaine, nous savons que s'il est possible de faire des profits, ils seront intéressés.

    Les producteurs canadiens ont également besoin de davantage de véhicules financiers. Ils comptent pour l'instant sur le système de crédit d'impôt qui, au mieux, est une solution symbolique et, au pire, un piège insoutenable. Si je demande à nos membres de comprendre que leurs honoraires subventionnés sont de 25 $ de l'heure et s'ils accepteraient de travailler pour 17 $ l'heure advenant l'abolition de la subvention, ils pouffent de rire. Ils ne voient pas le lien. Nous avons bâti un piège assez ingénieux, mais je ne voudrais pas être là quand le ressort cédera.

    De plus, si des grandes entreprises publiques comme Alliance Atlantis Communications, avec sa longue liste de crédit et avec ses liens bien établis avec des distributeurs et des diffuseurs internationaux ferment leur section de production de longs métrages, il faut vraiment nous demander quel type de société de production cinématographique peut réellement survivre au Canada! «Nous allons en acheter si vous réussissez, mais n'attendez pas notre aide pour réussir...» Voilà en quelques mots ce qui semble s'être passé.

    Ce qui nuit encore plus à notre problème de financement des longs métrages est le fait que les producteurs du Canada anglais—dans leur quête pour satisfaire les exigences en matière de contenu canadien en matière de financement, alliée à la nécessité de trouver un plus large auditoire international pour leurs films—ont créé, somme toute, un produit dénué de tout intérêt qui ne présente aucun attrait pour les auditoires canadiens et internationaux. La seule question à laquelle on doit répondre est la suivante: «Sur tous les projets de long métrage financés par Téléfilm, combien ont pu récupérer l'investissement de Téléfilm?» Je ne connais pas la réponse, et je vous encourage à la chercher. Je suis très avide de connaître le résultat.

    Compte tenu que le Canada ne compte que 32 millions d'habitants, les films canadiens ne peuvent pas survivre en misant seulement sur les succès en salle, pas plus que nous ne pouvons nous permettre de nous raconter nos histoires seulement à nous-mêmes. D'ailleurs, je n'aime pas penser que le succès se mesure uniquement aux admissions. C'était la première fois l'an dernier que les ventes de DVD excédaient les profits en salle pour les grands distributeurs nord-américains. C'est le nouvel étalon du succès—le nombre de DVD vendus—, aussi bien que le nombre de sacs de maïs soufflé vendus, le seul capable de nous donner l'heure juste sur notre situation financière.

    La «culture», selon le dictionnaire, se définit comme «les modèles de comportement, les arts, les convictions, les institutions et tous les autres produits du travail et de la pensée humains transmis socialement». C'est un phénomène non statique qui est en constante évolution. Combien de personnes dans le monde ont vu The Grey Fox en ne sachant pas qu'il s'agissait d'un film canadien ou sans accorder d'importance à l'origine du film? Pour les Canadiens, c'était un film important pour notre fierté culturelle, mais pour le reste du monde il s'agissait simplement d'un bon film avec une bonne histoire, une magnifique histoire, qui incidemment était canadien. Nous avons besoin davantage de films comme cela.

    Nos membres croient que le ministère de l'Industrie devrait travailler plus étroitement avec Patrimoine canadien afin de trouver une solution pour encourager davantage d'investissements privés qui pourraient soutenir le développement et la capitalisation de sociétés de production indépendantes.

Á  +-(1115)  

    La communauté créatrice sans contredit a joué un rôle très important dans les structures et les prises de décision de Patrimoine canadien et de Téléfilm Canada, mais la prochaine étape consistera réellement à amener la communauté des affaires ou des sociétés de placement à faire de même. Car, si nous n'arrivons pas à obtenir des placements privés, nous ne pourrons compter que sur des entreprises velléitaires manipulées et subventionnées par le gouvernement, ce qui va à l'encontre de notre monde de globalisation et de libre-échange. Nous condamnons nos producteurs à un régime voisin de l'assurance-chômage.

    Dans le même ordre d'idées, nous croyons fermement qu'une voix culturelle canadienne dans la production de longs métrages doit se faire entendre, mais celle-ci ne doit pas et ne peut pas être axée sur les profits. C'est un point de vue que nous endossons absolument. Par conséquent, le gouvernement doit continuer à soutenir et à nourrir cet élément, mais tout en comprenant clairement que nous, à titre de contribuables, ne pouvons plus participer aux dépens de la portion axée sur les profits des entreprises de production. Il faut en arriver à une relation homéostatique. Les deux éléments doivent contribuer à leur financement mutuel.

    Nous proposons de créer des corridors de financement parallèles, l'un qui serait axé sur la culture et l'autre sur la rentabilité. À notre point de vue, cela mettrait fin au débat pour déterminer qui obtient quelle portion de l'assiette de financement, ainsi qu'aux disputes sans fin pour l'obtention des subventions de Patrimoine canadien, chaque province accusant les autres d'avoir reçu un plus gros morceau du gâteau au chocolat. Si nous arrivons à promouvoir la possibilité de faire des profits, cela ira de soi. Si un projet est prometteur et qu'il se trouve des gens intéressés à l'acheter et à le voir, sa provenance importera peu pourvu qu'il conserve son parfum canadien.

    On continuerait de tenir compte de l'équilibre régional, mais seulement dans le corridor du financement culturel. L'élément commercial ne serait plus un facteur de décision. Si l'industrie veut survivre par elle-même, nous devons permettre aux producteurs d'accéder à du capital avec en plus comme incitatif la possibilité de faire des profits... et la possibilité que leur compagnie croisse.

    Je vais ici m'éloigner de ma déclaration écrite, pour vous expliquer la situation en mes propres mots. Si, à titre de fabricant de meubles, je conçois et produis une gamme que je présente à un acheteur chez La Baie, qui adore le concept et me passe une commande de 10 000 articles, je pourrai apporter la lettre à mon gérant de banque, assortie d'un bon plan d'affaires, et je lui dirai: «Donnez-moi l'argent qui me permettra de livrer la marchandise. Je vais créer des emplois et de l'activité économique.» Rien de tel n'existe dans l'industrie cinématographique. Il n'existe nulle part...

    Ce serait merveilleux si un Canadien génial pouvait se rendre à Londres ou à Los Angeles, ou peu importe, avec un bon scénario et un produit bien fignolé, en disant à l'acheteur potentiel: «Savez-vous quoi? Nous pouvons être partenaires. Je peux fournir la moitié du financement. Si vous fournissez l'autre moitié et que vous payez les coûts d'impression et de publicité, c'est dans la poche. Ma seule exigence est que le tournage se déroule au Canada, avec des artisans locaux.»

    Cette avenue résoudrait les problèmes attribuables aux fluctuations des taux de change. Nous serions des partenaires, un argument massue pour vendre nos produits. L'offre pourrait être multiple puisque les distributeurs et les studios ne prennent jamais de décision à partir d'un scénario unique. Ils examinent toute une saison de films, parce qu'ils savent que, statistiquement, certains seront des flops, même s'ils ne sont pas mauvais—c'est ainsi. En réalité, deux films sur dix généreront des recettes suffisantes pour faire des profits et couvrir les pertes.

    Nous devons être partie prenante à la totalité du processus. C'est notre seul espoir de bâtir une structure de financement autosuffisante de la production de films, sans empêcher les Canadiens de produire des films canadiens destinés au public canadien et d'ailleurs.

    Si vous lisez un roman de Margaret Laurence à Savannah, en Georgie, vous n'y voyez pas un roman canadien. C'est tout simplement un bon roman. Nous avons besoin de beaucoup de succès du genre dans le domaine du cinéma.

    L'entreprise privée ne participe pas présentement à ce secteur. Si l'Ontario et la Colombie-Britannique faisaient disparaître immédiatement leurs crédits d'impôt sans mettre en place un autre mécanisme de remplacement, de préférence par le biais de l'introduction d'un véhicule d'entreprise privée, cela aurait l'effet d'un tremblement de terre sur le secteur. Je vous renvoie à l'allégorie de M. Clarkson concernant les sables mouvants—pour dire le vrai, les sables mouvants deviendraient inutiles; la liquéfaction serait instantanée. Aucune ride au sol. Il ne resterait plus d'industrie à cause des niveaux astronomiques de subventions actuels.

    Ces subventions ne sont pas toujours un appui à l'émergence du talent canadien. Quand des films comme X-Men et La femme chat—Dieu nous en protège!—sont tournés ici, les concepteurs de costumes, les cinéastes ou les grands artistes canadiens ne sont pas sollicités. Ils transplantent ici des Américains. Si je peux faire travailler beaucoup de machinistes et d'électriciens, ce n'est pas ce qui aide notre cause. Certes, l'argent nous aide à payer l'hypothèque, mais nous aimerions trouver un moyen de tout faire nous-mêmes.

Á  +-(1120)  

    L'industrie cinématographique canadienne exige quatre systèmes ou piliers pour créer et soutenir un environnement homéostatique: culture, commerce, éducation et gouvernement. Ces piliers ne fonctionnent pas à l'unisson et doivent être équilibrés si l'on veut créer un environnement sain pour assurer la croissance de l'industrie.

    L'absence d'une planification stratégique et d'une vision partagée à long terme au sein de la collectivité s'explique par le fait que, historiquement, l'industrie se serre les coudes seulement en temps de crise. Qu'il suffise de mentionner la menace d'élimination des crédits d'impôt sur la main-d'oeuvre en Colombie-Britannique et en Ontario dans la période de Noël et, auparavant, le plan de l'ARC d'imposer les acteurs étrangers célèbres à la source. Bien entendu, il est ridicule de penser que des acteurs comme Sylvester Stallone accepteront de payer 45 p. 100 en impôts à la source. Ils refuseront tout simplement de venir, mais l'industrie a été fouettée. Nous avons défendu nos idées et nous avons gagné.

    Mais, si cette industrie doit réussir, elle doit cesser de passer d'une crise à une autre et établir une planification stratégique importante comme industrie nationale pour le bien de l'ensemble de l'industrie.

    Une partie des problèmes dépend du provincial, non du fédéral, mais nous aimerions que vous donniez un petit coup de pouce. Nous sommes certains que les exigences de résidence pour certains aspects du crédit d'impôt sont contre-productives. Ainsi, si un décorateur, un costumier, un directeur photo, un monteur, un acteur ou un réalisateur ne résident pas en Ontario ou en Colombie-Britannique, on leur refuse souvent la possibilité d'être embauché dans une autre province, parce qu'ils ne sont pas admissibles à la portion provinciale de crédit d'impôt de leur producteur. Nous croyons qu'il s'agit là d'une pratique discriminatoire parce que la province d'origine est considérée comme un critère acceptable, mais pas la compétence.

    Cela illustre et confirme notre position à l'effet que les décisions en matière de production créatrice sont souvent basées sur les critères d'un organisme de financement obscurs plutôt que sur ce qui est bon et approprié pour le scénario.

    Nous avons donc quelques recommandations à vous formuler. Nous aimerions que l'on mise sur la création d'une industrie cinématographique canadienne viable et solide en développant des sociétés bien dotées de capitaux permanents et en augmentant l'auditoire.

    Nous demandons que soit établi un autre véhicule de financement qui pourrait stimuler les investissements privés dans les sociétés de production cinématographique. Cette initiative permettrait alors d'éliminer les systèmes de crédit d'impôt fédéral.

    Une autre de nos recommandations vise l'établissement de corridors de financement parallèle pour soutenir financièrement des projets culturels et axés sur le succès commercial. Nous ne voulons pas qu'un producteur puisse cumuler les subventions, mais si un projet est réalisable et financé par un corridor, une série de mécanismes de financement serait mise à profit. Si l'autre corridor est celui qui lui est indiqué—le processus culturel—, le producteur ne pourrait pas cumuler divers avantages financiers.

    Il faudrait également réviser la définition du BCPAC de contenu canadien. Selon l'ancienne vision, la seule façon de protéger la culture était de l'isoler. La nouvelle façon consiste à s'assurer qu'elle peut compétitionner à l'échelle internationale. Il faut la faire connaître. Nous devons vendre ce qui distingue la culture canadienne. La définition actuelle de la culture canadienne est trop limitée et rend peu attrayante la vente aux deuxième et troisième niveaux de nombreux de nos produits.

    C'est justement le sort actuel de Da Vinci's Inquest, dans le domaine de la télévision. Il a fallu cinq ans—et d'ailleurs, l'émission a changé depuis le début—, avant que l'émission soit vendue aux États-Unis, pour être diffusée à 23 h 30 sur les ondes d'une station locale de Los Angeles. C'est absurde!

    Nous devons créer l'environnement homéostatique dont je ne cesse de parler, qui englobe les quatre piliers de la culture, du commerce, de l'éducation et du gouvernement. Nous devons travailler en partenariats et inciter les gouvernements provinciaux à assouplir leurs exigences en matière de résidence.

    Voici un exemple de la réalité actuelle. Pour une production américaine, un décorateur canadien est approché mais on ne trouve pas de terrain d'entente, ou encore le décorateur a accepté un contrat pour un autre spectacle. Le producteur—même s'il vient de Los Angeles—décide donc d'engager celui qu'il avait pressenti au départ, dans sa ville. Au lieu d'en chercher un autre à Toronto, le producteur, comme il n'a droit à aucun crédit d'impôt provincial pour la main-d'oeuvre, se dit qu'il n'a rien à perdre à engager le décorateur avec lequel il travaillait deux semaines auparavant à Phoenix ou ailleurs. C'est ainsi qu'il amène ses travailleurs avec lui.

    Selon le système en place, un Canadien ne peut obtenir un emploi dans une autre province, ce qui est pour le moins étrange.

    Merci de m'avoir donné l'occasion de vous livrer ces quelques remarques.

Á  +-(1125)  

+-

    La présidente: Merci énormément.

    Je vais vous tenir un peu plus serré dans la prochaine série de questions, parce que le temps file.

    Nous allons commencer avec vous, monsieur Schellenberger.

+-

    M. Gary Schellenberger: Merci.

    Merci à chacun pour ces exposés.

    Je sais que nous sommes tous submergés par ce problème et par une désorganisation complète du dossier. L'organisation et la gouvernance des organismes participant de près ou de loin à la mise en oeuvre de la politique canadienne du long métrage sont-elles appropriées et, dans la négative, quels changements précis faudra-t-il apporter en matière de gouvernance? C'est ma première question.

    Les prescriptions concernant le contenu canadien—je sais que le mécanisme de certification du BCPAC est tout nouveau—aident-elles ou au contraire nuisent-elles à la démarche créatrice sous-jacente à la production de longs métrages canadiens?

    Je crois que vous avez répondu à certaines questions, mais j'aimerais les poser de nouveau à tous ceux qui sont concernés.

Á  +-(1130)  

+-

    M. Don Ramsden: Le mécanisme du BCPAC ne me pose aucun problème en lui-même, si ce qu'on entend par contenu canadien n'empêche pas de tourner un film.

    J'ai lu qu'une nouvelle série était fort prometteuse; elle est écrite par Edgar Rice Burroughs et est intitulée John Carter of Mars. C'est une fabuleuse histoire de science-fiction—incidemment, elle a été achetée par Paramount, qui s'apprête à la produire au complet. Comme l'action se déroule entièrement sur Mars, il fut un temps où le régime du BCPAC aurait considéré que le contenu n'était pas canadien. Pourtant, le fait qu'une personne vient de Kapuskasing et qu'elle a une sensibilité canadienne devrait suffire. C'est la façon de voir et de comprendre qui fait que c'est canadien. Ce n'est pas parce qu'on ne voit pas de rondelle ou de pierre de curling que ce n'est pas canadien!

    Je veux qu'on change d'étalon de mesure. Est-ce que c'est un bon projet? Fait-il avancer notre cause? Y a-t-il un marché? Personnellement, je tremble quand je pense à tout cela. Je suis ravi, dois-je le préciser, qu'on relâche un peu la bride. Actuellement, une production réalisée avec l'argent de Téléfilm, intitulée Partition, traite de la séparation de l'Inde et du Pakistan. Le producteur, le réalisateur et le scénariste sont des membres de ma section locale. Le tout a une saveur canadienne. J'en suis ravi. Il y a quelques années seulement, la production n'aurait peut-être pas été possible. Il faut libéraliser ce secteur.

+-

    M. Gary Schellenberger: J'ai été très surpris un jour. À une table ronde sur l'agriculture, nous discutions de l'année exceptionnelle qu'avaient connue les vignobles de la vallée du Niagara, en Ontario. Pourtant, les agriculteurs avaient de la difficulté à vendre leurs raisins. Pour être reconnus ontariens, les vins devaient être constitués à 30 p. 100 de raisins de l'Ontario. Le restant venait du Chili. À l'époque, je faisais une promotion intensive des vins canadiens ou ontariens. C'était un mélange.

    Je suis tout à fait d'accord avec vous.

    Je peux donc en conclure que certaines choses ont changé au sein du BCPAC?

+-

    M. Don Ramsden: Oui, les choses s'améliorent.

+-

    M. Gary Schellenberger: Mais il y a encore place à l'amélioration?

+-

    M. Don Ramsden: Je crois que oui.

+-

    M. Brian Gromoff: Le BCPAC fonctionne parce qu'il est canadien. Il a une résonance canadienne. Quand on regarde un film américain, on sait que c'est un film américain. Il y a des effets spéciaux, des poursuites en voiture, des coups de feu, des explosions à tout bout de champ. Pour le scénario, on repassera. Si c'est un film anglais, il y a des costumes, on voit les interactions des acteurs. Dans un film canadien, c'est un mélange des deux, pas de pétarades, mais un peu plus de profondeur dans le scénario. C'est notre couleur. C'est ce que doit rechercher le BCPAC. Tout commence par une histoire. Si le scénario est bon, le film sera bon. C'est là où il faut aller—du côté du scénario.

    Aviez-vous quelque chose à ajouter?

+-

    M. Ken Thompson (directeur, ACTRA - Toronto Performers): Oui, en fait. Merci, Brian.

    J'aimerais aborder la question des coproductions, sans lesquelles beaucoup de films canadiens et de partenariats canadiens en matière de cinéma n'existeraient pas. Vous avez posé une question sur la gouvernance. L'un des épouvantails contre lesquels se bat l'ACTRA depuis toujours est que les ententes de coproduction permettent que des partenaires non-canadiens et non parties à l'entente de coproduction fassent appel à des acteurs qui ne sont ni canadiens ni non originaires des pays qui participent à la coproduction. Or, ces films sont classés comme films canadiens aux fins des fenêtres de diffusion et autres considérations du genre. C'est l'un des problèmes avec le régime de gouvernance en place. Nous avons tenté à répétition de faire reconnaître le problème par le ministère du Patrimoine et le BCPAC. Il faut poursuivre les discussions.

+-

    M. Gary Schellenberger: J'ai l'immense honneur de représenter la circonscription où se déroule le Festival de Stratford. Je vis dans un petit village à trois milles de Stratford. Je connais donc d'excellents comédiens, dont Colm Feore, Sheila McCarthy et Bill Hutt. Tous les trois font autant du théâtre, du cinéma que de la télévision, comme la plupart de leurs collègues. J'ai une assez bonne compréhension de ce que vous évoquez. Je sais qu'actuellement, Colm Feore se trouve à New York. Les comédiens doivent aller là où se trouve le travail. Je comprends ce que vous voulez dire.

    Je sais que les techniciens—il se trouve également beaucoup de techniciens dans notre région et, au fil des années, j'ai été en contact... Pendant 30 ans, j'ai eu comme voisin un régisseur de plateau. Il est maintenant décédé. Je ne compte plus le nombre de contrats à court terme qu'il a eus. Il allait de Winnipeg à Charlottetown, partout. Je sais que c'est votre réalité: vous êtes des migrateurs. À maintes reprises, il restait à la maison, sans salaire, parce qu'il lui manquait deux semaines pour être admissible à l'AE. Je l'engageais dans notre entreprise de décoration, pour qu'il gère le magasin pendant deux semaines afin de compléter sa période d'admissibilité, en attendant un autre contrat. Je comprends bien les conditions qui sont les vôtres.

    Une fois de plus, quelqu'un est revenu à la charge avec la question du système de vedettariat canadien. Le Québec a ses vedettes. À mes yeux, Colm Feore, Sheila McCarthy et Bill Hutt sont des vedettes. Je les rencontre parfois à l'épicerie. Pensez-vous qu'il faille améliorer notre système de vedettariat au Canada anglais et dans notre industrie du long métrage?

Á  +-(1135)  

+-

    La présidente: Pourriez-vous nous donner des réponses brèves? M. Schellenberger a nettement dépassé son temps, et il empiète donc sur celui des autres.

+-

    M. Gary Schellenberger: Je suis désolé.

+-

    M. Brian Gromoff: J'étais également à Stratford, dans les derniers temps de Jean Gascon.

    Oui, un système de vedettariat serait profitable. Il fonctionne dans les théâtres à cause de cette raison précisément. Nous voyons les vedettes dans la rue et nous leur parlons. Elles existent dans votre vie.

    Dans le domaine du cinéma, nous n'aurons jamais de système de vedettariat si nous n'apercevons pas les vedettes sur les écrans. Quand ils les verront à l'écran, les gens les reconnaîtront dans la rue. Les vedettes auront un profil. C'est ce qu'il faut leur donner: un profil.

+-

    M. Gary Schellenberger: Merci.

+-

    La présidente: Monsieur Lemay.

[Français]

+-

    M. Marc Lemay: Bonjour.

    Je vais essayer d'aller vite. J'aurais voulu, encore une fois, qu'on ait plus de temps pour parler, parce que j'ai lu vos textes. Je les connais par coeur et j'ai des questions.

    Pour commencer, monsieur Gromoff, je vais vous dire une chose: je ne suis pas très nerveux d'avoir la France à côté du Québec, parce que nous ne faisons pas le même genre de films au Québec qu'en France. On parle beaucoup moins dans nos films que dans ceux de la France et on pleure beaucoup moins longtemps. C'est mon côté humoristique.

    J'ai lu, entre autres, le texte du syndicat, et il y a un élément qui m'a accroché: « Le défi est clair. Nous avons construit une industrie [...] »

+-

    La présidente: Monsieur Lemay, à quelle page est-ce?

+-

    M. Marc Lemay: C'est à la page 3 du document de M. Ramsden et c'est tiré du texte Du scénario à l'écran: Une nouvelle orientation de politique en matière de longs métrages. Le paragraphe est intitulé: « Examen de l'industrie canadienne de la cinématographie ».

    Je reprends ce qui est écrit: « Le défi est clair. Nous avons construit une industrie, le moment est venu de bâtir un public. » J'adhère complètement à cette idée.

    Monsieur Ramsden, votre quatrième recommandation, à la fin du texte, dit ceci: « Nous devons vendre ce qui distingue la culture canadienne. »

    Ma question s'adresse à vous trois. Qu'est-ce qui distingue la culture canadienne de la culture américaine, de la culture de la Grande-Bretagne, de la culture anglophone? J'espère que ma question est très précise. Donnez-moi un exemple de ce qui différencie la culture canadienne des autres.

Á  +-(1140)  

[Traduction]

+-

    M. Don Ramsden: À mes yeux, la distinction la plus importante entre les États-Unis et le Canada est leur relation au multiculturalisme par rapport à la notion de fusion des cultures, ou ce qu'il est convenu d'appeler le creuset. Tout le Canada adore son aura de multiculturalisme, c'est ce qui lui donne sa patine particulière. Combien de fois avons-nous entendu dire que la moitié des habitants de Toronto étaient nés ailleurs? Nous adhérons à cette vision. C'est à mon avis une caractéristique nettement absente aux États-Unis. À vrai dire, les Américains s'insultent si une personne ne se fond pas rapidement dans le creuset, alors que c'est un élément important du filtre à travers lequel les Canadiens voient le monde.

    J'ajouterai que je suis un citoyen à double nationalité. J'ai un pied de chaque côté de la frontière. Je suis originaire du Connecticut, mais je suis au Canada depuis 40 ans. Je suis un mélange. Si mes propos sont un peu trop durs à l'endroit du pays au sud, dommage!

+-

    M. Brian Gromoff: J'allais dire que même si nous tournons des films différents—même si la sensibilité est différente au Québec et en France, si les deux pays étaient aussi près l'un de l'autre, beaucoup de films traverseraient la frontière... C'est ce qui est arrivé au Canada anglais—nous sommes submergés par un nombre incalculable de films et d'émissions de télévision que les Américains nous rentrent dans la gorge, et nos diffuseurs canadiens laissent faire. C'est là où le bât blesse.

[Français]

+-

    M. Marc Lemay: Je suis complètement d'accord sur ce que vous venez de dire: par opposition au melting pot américain, ici, on respecte le multiculturalisme

    Pourquoi alors ne fait-on pas de films multiculturels? Qu'est-ce qui manque pour que la sauce prenne?

[Traduction]

+-

    M. Don Ramsden: À mes yeux, il nous manque un champion. Nous n'avons pas de champion pour défendre notre cause. Dans notre secteur, le champion est le studio. Si les studios décidaient de se tailler un créneau et de tourner dix films multiculturels, ils se doteraient d'un plan et ils chercheraient le financement. Il ne semble pas que cela se fasse ici. Au contraire: l'auteur d'un scénario de film qui essaie de le vendre doit lui-même arpenter les dédales des organismes de financement. Comme je l'ai déjà souligné, il doit modifier le scénario et la production pour obtenir... C'est une étrange façon de réaliser des films. Nous devrions être en mesure de réaliser les films dans lesquels nous croyons, que nous croyons être capables de vendre aux autres, parce qu'ils y croiront, et obtenir le financement pour conquérir le marché. Le marché existe, j'en suis convaincu. Nous en avons la preuve avec le festival des films de Toronto, qui permet une recherche de nouvelles visions multiculturelles et ethniques.

    Nous n'avons pas de champion. Une seule personne ne peut jouer ce rôle. C'est un secteur qui a besoin de beaucoup d'argent, au moins 5 millions par film. Comme les créateurs ne peuvent pas payer avec leur carte American Express, ils doivent pouvoir compter sur des gens aussi convaincus qu'eux.

[Français]

+-

    M. Marc Lemay: Merci.

[Traduction]

+-

    La présidente: Madame Bulte.

+-

    L'hon. Sarmite Bulte: Merci de votre visite, monsieur Gromoff.

    J'ai été vivement intéressée de vous entendre relater votre visite à la Banque mondiale, où vous avez parlé de la culture comme étant une ressource renouvelable. C'est une vision sur laquelle il faudra insister de plus en plus, et davantage encore à l'échelon international. Quand M. Wolfensohn siégeait à la Banque mondiale, il était un fervent défenseur des arts, sensible à leur valeur intrinsèque dans le monde.

    J'aimerais aborder avec vous le thème du CRTC. Vous avez suggéré qu'il battait en retraite. Or, nous avons le pouvoir de donner des directives au CRTC. Pouvez-vous m'aider à définir concrètement ce qui pourrait être fait pour que le CRTC puisse vraiment aider l'industrie, tant dans les domaines de la télévision que de la production cinématographique?

Á  +-(1145)  

+-

    M. Brian Gromoff: De toute évidence, vous devriez renforcer l'application du règlement en matière de contenu canadien, obliger les diffuseurs privés à investir dans l'industrie nationale et vous assurer que la SRC se conforme à son mandat, y compris dans les régions. Comme je l'ai dit tout à l'heure, seulement 4 membres du bureau de Calgary de l'ACTRA ont obtenu des contrats de la SRC au cours de la dernière année et demie. Ils construisent des édifices. C'est comme la Banque mondiale. Elle construit des édifices, mais elle ne se soucie pas du développement des gens et elle ne donne aucun soutien aux écrivains, aux artistes, aux réalisateurs et aux producteurs. On se contente de construire des édifices, c'est tout.

    Il faut favoriser la production régionale dans toutes les régions du pays. C'est ce qui a construit ce pays—la SRC et le chemin de fer. Nous avons perdu le chemin de fer et nous sommes en train de perdre la SRC, de plus en plus centralisée à Toronto, de moins en moins présente à Vancouver. Pourtant, Vancouver était auparavant un chef-lieu; Winnipeg et la Saskatchewan également. Des studios se trouvent dans toutes ces régions, mais ils ne sont pas utilisés. Le CRTC doit forcer la SRC à les utiliser et elle doit la forcer à faire de la programmation régionale une priorité.

+-

    L'hon. Sarmite Bulte: C'est bien ce que dit la Loi, qui exige que la SRC reflète la diversité régionale. Quand M. Rabinovitch s'est assis dans le fauteuil du président et qu'il a annoncé qu'il abolissait la production régionale sur la côte est, l'indignation était à son comble.

+-

    M. Brian Gromoff: Quand la SRC a cessé de diffuser les nouvelles à Calgary, moins de 24 heures plus tard, 2 000 personnes se sont réunies au Jack Singer Concert Hall pour en discuter, y compris le maire et les autres dignitaires de la place. Cela n'a rien donné. La SRC a cédé pour une journée ou deux, mais il a été impossible de maintenir cette mobilisation pendant des semaines pour forcer la SRC à diffuser de nouveau une programmation régionale.

+-

    L'hon. Sarmite Bulte: L'argent est certainement l'une des choses... Je siégeais au comité qui a rédigé le rapport Lincoln, et je connais donc assez bien les recommandations qui y figuraient. Cependant, pensez-vous que c'est essentiellement une question d'argent ou est-ce que la volonté de la SRC y est aussi pour quelque chose?

+-

    M. Brian Gromoff: Ce n'est pas simplement une question d'argent, j'en suis certain. C'est une question de volonté. C'est une question d'appui, mais c'est aussi une question de veiller à ce que les films et les émissions de télévision réalisées soient portées par une volonté d'assurer leur succès.

    L'émission Tom Stone a été retirée lors de la deuxième saison parce que les cotes d'écoute plafonnaient à 400 000 auditeurs. Est-ce qu'il y a eu de la publicité? Non. Comment s'explique le succès de Men With Brooms? Il s'explique par le fait qu'ils ont dépensé des millions de dollars en publicité. C'est ce qu'il faut faire: il faut le dire que c'est un bon produit. Quand on le fait, on donne une carte de visite à l'acteur, comme s'il montait sur la scène en disant au public qu'il aimera son travail et qu'il a le droit d'être là. L'acteur dit: regardez-moi, écoutez-moi, vous aurez du plaisir. Il faut faire de même avec les films et avec la télévision. Nous avons le droit de fabriquer nos propres produits, et le public sera ravi s'il les regarde—si on lui donne la possibilité de les regarder.

+-

    L'hon. Sarmite Bulte: Tout à fait.

    Monsieur Ramsden.

+-

    M. Don Ramsden: Oui. L'argent est un argument massue et nous en avons besoin. Je ne connais pas les chiffres exacts—vous pouvez les trouver—, mais si par hasard les diffuseurs dépensent cinq fois plus d'argent pour acheter des productions étrangères que pour en produire eux-mêmes, il faut les obliger à changer ce ratio. Pour le drame et la comédie, le ratio devrait être 1 pour 1. Si on leur permet d'acheter des productions en reprise pour une deuxième et même une troisième fois, ou même de faire des diffusions simultanées d'émissions américaines, c'est autant d'argent qui nous manque pour réaliser notre but à tous, qui est de fabriquer nos propres produits nationaux.

+-

    L'hon. Sarmite Bulte: Cependant, l'une des conclusions du rapport Lincoln—corrigez-moi si je me trompe—était qu'il était de loin plus économique pour les diffuseurs privés d'acheter une émission américaine qu'une dramatique canadienne. Les dramatiques accusent un déclin parce que... Les priorités changent, et la décision prise en la matière en 1999 par le CRTC a aussi eu des répercussions. Or, quand nous avons examiné les chiffres, il ressortait clairement que les diffuseurs achetaient les dramatiques canadiennes à perte, et c'est l'excuse qu'ils nous servaient. Je ne suis pas...

+-

    M. Don Ramsden: Vous avez tout à fait raison, mais c'est moins cher s'ils achètent des productions des studios en deuxième et troisième rediffusion. C'est un genre de vente du gérant. Aux États-Unis, je crois que 80 p. 100 des licences de diffusion sont payés par le diffuseur. Si Kiefer Sutherland, de 24, dépense 2 millions de dollars par épisode, 80 p. 100 de ce montant sont refilés au diffuseur. Il ne reste plus grand-chose à payer pour le diffuseur canadien parce que 80 p. 100 de la note a été payée. Nous devons mettre un holà à ce processus.

Á  +-(1150)  

+-

    L'hon. Sarmite Bulte: La vente de la troisième reprise est très importante.

    Je ne suis pas d'accord avec vos recommandations concernant l'industrie, monsieur Ramsden.

    La semaine prochaine, après une longue lutte avec l'industrie, nous allons déposer une loi en matière de droits d'auteur. Le fait d'intégrer le ministère de l'Industrie à notre industrie culturelle me met sur les dents. Je comprends vos arguments, qu'il faut nous intéresser également à l'aspect des profits, mais je ne crois pas que l'industrie s'y intéresse ni qu'elle en soit consciente.

    Nous ne remettons jamais en question les subventions versées à des sociétés comme Bombardier, par l'entremise du Partenariat technologique. Ce n'est pas la seule bénéficiaire de ces fonds, mais elle est à but lucratif. Les subventions existent donc déjà dans l'industrie. Je n'ai aucun problème avec l'idée de subventionner Bombardier, mais je crois qu'il est important de continuer à favoriser—et je ne dis pas subventionner—nos industries culturelles, parce que ce sont elles qui nous donnent notre identité nationale et internationale, parce qu'elles créent des emplois, au même titre que Bombardier.

    Pouvez-vous m'expliquer ce que vous entendez par «nous, à titre de contribuables, ne pouvons plus participer aux dépens de la portion axée sur les profits des entreprises de production»?

+-

    M. Don Ramsden: Nous avons évincé le secteur privé, complètement. Qui dans ce pays fait plus que des films isolés? Personne... Aucun studio ne subsiste depuis la fermeture de la section production à Alliance Atlantis. Des gens font des films, mais ce sont des produits isolés. Tout se fait au jour le jour, un film après l'autre, sans continuité. Selon mon expérience, cette façon de faire est loin d'avoir démontré que c'était le meilleur chemin vers l'autonomie, pour aucune industrie.

    Si on accepte que la plus importante partie commerciale de notre travail sera toujours subventionnée, je ne suis pas surpris que les diffuseurs agissent comme ils le font, parce que ce sont eux qui reçoivent la part du lion. Ils font des millions avec ces subventions. Ils ne sont pas obligés de payer. S'ils peuvent obtenir la moitié du financement du gouvernement canadien, alors pourquoi payer la totalité?

    Il est impératif de trouver un autre mécanisme. Lequel? Je ne sais pas parce que l'analyse n'est pas claire. Voilà pourquoi je souhaite que toutes les parties prenantes se donnent une planification stratégique. Nos objectifs sont tous différents, mais nous sommes tous dans le même bateau. Nous devons trouver nos points communs, ce à quoi nous pouvons tous donner notre appui pour aller de l'avant.

    Il n'y a pas d'industrie privée. Le soutien sert à une industrie de services. Certains de nos membres sont propriétaires de camions, mais ils ne font pas de films. Ce serait impensable à Morgan Creek Productions, à Baltimore. Ils font des films.

+-

    La présidente: Je vais passer le flambeau à M. Silva, si vous voulez bien, Sam.

+-

    M. Mario Silva: Merci.

    J'apprécie énormément de pouvoir vous rencontrer.

    Dans votre rapport, vous parlez d'une contribution de 4,9 milliards de dollars au produit intérieur brut, ce qui comprend l'industrie cinématographique, les emplois indirects, et tout le reste. Je pensais que ce chiffre était plutôt de 4 milliards de dollars—qu'il s'était maintenu ou qu'il était en chute. Donc, vous parlez d'une augmentation de 1 milliard de dollars depuis l'an dernier—selon la dernière information que j'ai eue à cet égard. Ce n'est pas une question, mais plutôt une affirmation. Quoi qu'il en soit, avez-vous des précisions?

    Le deuxième point que je souhaite aborder concerne la part réelle venant des productions américaines.

+-

    M. Don Ramsden: Tout d'abord, veuillez m'excuser pour ce qui est du chiffre. Je l'ai extrait directement d'un document du directeur des affaires intérieures de l'IATSE, John Lewis. Il le citait dans un mémoire qu'il a déposé au Comité. Vous devrez donc le demander à John, mais je crois qu'il avait lui-même puisé ce chiffre dans un rapport de l'Association canadienne de production de film et télévision.

+-

    M. Mario Silva: Il est peut-être véridique. Je ne dis pas qu'il est erroné; je veux simplement des précisions.

+-

    M. Don Ramsden: Sur le plan des services aux productions étrangères, nos membres ont gagné des honoraires de 170 millions de dollars l'an dernier, dans cette seule province. Je parle d'argent en poche, pas des profits des services aux productions. C'est le total des chèques du jeudi, et l'année n'a pas été bonne. L'année a été l'une des pires depuis longtemps.

    La partie nationale augmente, mais les chiffres globaux pour la production étrangère, toujours selon le rapport de l'Association, sont de 180 millions de dollars. On ne peut comparer les deux résultats parce que le premier est un montant net en poche alors que l'autre correspond au chiffre de production. Par conséquent, la production canadienne est vraiment maigre. Lors des négociations pour la nouvelle série Da Vinci's Inquest, on nous a dit très fièrement qu'on avait dépensé quelque chose comme 22 ou 23 millions de dollars pour payer nos membres tout au long de la série. Je l'apprécie énormément, mais j'ai dû me pincer pour rester silencieux parce que Fantastic Four avait remporté 17 millions l'an dernier seulement—pas pour 6 saisons...

    Les chiffres sont astronomiques, et je crois qu'il faut trouver moyen d'inverser la tendance. Je me réjouis qu'on puisse avoir une industrie de services aux productions étrangères, mais...

Á  +-(1155)  

+-

    M. Mario Silva: Connaissez-vous les pourcentages?

+-

    M. Don Ramsden: Ils sont minuscules, dans cette province du moins. C'est encore moins ici que dans l'est, parce que c'est encore là que se font la production pour le Canada anglais et le Canada français.

+-

    M. Mario Silva: À l'échelle nationale, quels sont les chiffres?

+-

    M. Don Ramsden: Je ne le sais pas pour ce qui est de l'échelle nationale. Ici, c'est certainement moins de 10 p. 100 de mes recettes, pour la production intérieure.

+-

    M. Mario Silva: Donc, entre 80 et 90 p. 100 de la production est étrangère?

+-

    M. Don Ramsden: Oui. Elle occupe une très large part ici. Quand le dollar avoisine les 85 cents, nos membres passent un mauvais quart d'heure.

+-

    M. Brian Gromoff: Si on considère que le salaire des acteurs représente 5 p. 100 des coûts d'un film, j'imagine que c'est là où l'argent va—5 p. 100 des budgets.

+-

    M. Mario Silva: C'est le défi du Comité. Il est indéniable que notre objectif est de développer, de soutenir et de favoriser un marché intérieur. Nous ferons l'impossible pour y arriver.

    Je viens de Toronto. Là-bas, l'industrie cinématographique représente 1 milliard de dollars; c'est un très important secteur de notre ville. J'ai siégé à un comité des films pendant longtemps. Nous avions des défis. Nous sommes allés à Los Angeles à maintes reprises, notamment pour visiter des costumiers et pour trouver des ententes nous permettant d'utiliser leurs costumes. Il n'y avait pas de costumier dans notre ville ni dans notre pays, et nous en avions besoin. C'était très difficile.

    La politique doit prévoir un équilibre entre l'appui et la promotion du marché intérieur, sans pour autant faire fuir les 80 ou 90 p. 100 que représente le très gros investissement américain dans l'industrie du cinéma du pays. Par contre, je ne sais pas comment nous atteindrons cet équilibre. Vous saurez peut-être m'éclairer à ce sujet.

+-

    M. Don Ramsden: Disney ou Warner Brothers n'ont pas peur de nous, bien entendu. Nous n'avons aucune crainte à avoir pour ce qui est de les faire fuir. Le secteur des services aux productions étrangères ne m'inspire donc aucune crainte. Il y aura toujours de la place pour lui, et nous allons continuer de l'encourager. Notre souhait par ailleurs est de créer un créneau parallèle qui nous permettra d'améliorer nos productions, dans un style canadien. Je ne crois pas que l'industrie canadienne puisse faire quoi que ce soit qui ferait fuir l'industrie des services aux productions étrangères, sauf si elle pêche par avidité et qu'elle la décourage complètement. De toute façon, c'est vrai pour toutes les autres industries. La menace est irréelle. L'industrie canadienne n'est pas menacée.

+-

    M. Mario Silva: La pression est forte là-bas—je parle des États-Unis—pour que les films soient faits dans leur pays. Il n'est pas bien vu de les faire au Canada. Un très puissant lobby, constitué d'acteurs, de gouverneurs et de sénateurs, se bat en ce sens, et toutes les excuses seront bonnes pour les empêcher de venir au Canada.

+-

    M. Don Ramsden: C'est un fait et il faut le reconnaître mais, pendant toute ma vie... Quand j'étais jeune et que je vivais aux États-Unis, je me souviens d'être allé dans un centre où j'avais donné 10 $ à un membre de la United Auto Workers pour avoir la permission de frapper dans une Toyota à coups de marteau. Ce type de chauvinisme est typiquement américain. Il faut être prudent et ne pas l'oublier, mais je ne crois pas que le risque soit très grave. Tant et aussi longtemps qu'il sera plus économique de travailler ici, Paramount viendra travailler ici.

+-

    M. Ken Thompson: Monsieur Silva, la réaction vient essentiellement du sud de la Californie. Pendant des années, les citoyens ont considéré d'un mauvais oeil tout ce qui se faisait à l'extérieur de l'État, peu importe l'endroit—Alabama, Texas, peu importe. C'est un mouvement qui fluctue avec les hauts et les bas de l'économie dans le sud de la Californie et, depuis quelques années, la conjoncture est mauvaise.

    De toute évidence, il y a des réactions mais, dans la réalité, le Canada a tellement à offrir aux producteurs étrangers. Outre l'avantage monétaire, il y a également celui de la proximité. Il est possible de tourner à Vancouver un film qui se passe en Californie. La même similarité existe entre Toronto et New York—les spectateurs n'y verront que du feu. Idem pour Montréal et Boston.

    Notre pays offre d'énormes atouts mais, comme l'ont affirmé M. Ramsden et M. Gromoff, on ne peut pas faire de la production étrangère notre unique source de subsistance. Sans une industrie nationale forte, nous n'avons pas l'infrastructure nécessaire pour intéresser des investisseurs étrangers à notre cinéma, ou d'autres productions étrangères à venir utiliser nos services. C'est vraiment lié. Une industrie nationale prospère est essentielle pour que des productions étrangères continuent de venir demander nos services.

  -(1200)  

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    M. Mario Silva: Très bien. Merci.

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    La présidente: Merci beaucoup.

    Nous allons prendre une pause pour dîner. Merci beaucoup. Je tiens à m'excuser de nouveau d'avoir dû annuler votre comparution voilà un mois. Nous apprécions énormément les efforts que vous avez déployés pour venir ici, ainsi que vos mémoires. Merci.

    Nous reprendrons à 13 h.