Passer au contenu
Début du contenu

AANO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain







CANADA

Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord


NUMÉRO 019 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 17 octobre 2006

[Enregistrement électronique]

  (0910)  

[Traduction]

    Chers membres du comité, avant que nous nous attaquions à notre ordre du jour, j'aimerais simplement vous signaler que j'ai commis une erreur de procédure il y a quelques réunions, c'est-à-dire avant la semaine de relâche. Mme Neville avait invoqué le Règlement, et j'aurais dû tout laisser tomber et aborder immédiatement son rappel au Règlement. Au lieu de faire cela, j'ai permis à M. Bruinooge de poursuivre son rapport à l'intention de Mme Crowder. C'était une erreur de ma part, et je présente donc mes excuses à Mme Neville et à tous les membres du comité pour cette entorse au Règlement. Je crois savoir qu'il en sera de nouveau question pendant la deuxième moitié de la prochaine réunion, et je voulais juste m'assurer que les membres du comité sont au courant de la situation.
    Monsieur Lemay, je crois savoir que vous allez présenter certains de nos invités.

[Français]

    Monsieur le président, permettez-moi de prendre quelques secondes de votre temps.
    Pour le Québec, en particulier pour la nation Atikamekw, c'est un très grand moment. J'aimerais vous présenter la nouvelle grande chef et présidente de la nation Atikamekw, Mme Eva Ottawa, qui est présente ici ce matin. Elle est accompagnée de M. Paul-Émile Ottawa, chef de Manawan, de M. Jean-Pierre Mattawa, chef d'Opitciwan. Devraient également arriver bientôt, si ce n'est déjà fait, M. François Neashit, chef de Wemotaci, ainsi que Mme Sandrine Brindejonc, coordonnatrice aux communications du Conseil de la nation Atikamekw. Ils assisteront à une partie de notre rencontre de ce matin. Je pense que c'est un très grand honneur pour nous de les recevoir.
    Nous voulons féliciter Mme Ottawa et lui souhaiter bonne chance dans ses nouvelles fonctions. Elle peut compter sur nous et sur notre comité pour l'aider dans la réalisation de son programme.

[Traduction]

    Merci, monsieur Lemay.
    Ce matin, nous accueillons les représentants de l'Assemblée des Premières nations du Québec et du Labrador et de sa commission scolaire. Je vois que le chef Picard n'est pas encore présent, mais je me permets de présenter nos témoins: du Conseil d'éducation des Premières nations, Mme Lise Bastien, directrice, et Gilbert Whiteduck, conseiller principal en éducation; de la Commission scolaire crie, M. Gordon Blackned, président; et de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, Edith Cloutier, présidente du conseil d'administration, et Johanne Jean, rectrice.
    Bienvenue à vous tous.
    Je crois savoir que Mme Bastien sera la première à prendre la parole. Comptez-vous faire l'exposé liminaire? Nous invitons chaque groupe à faire un exposé d'une dizaine de minutes, et après ce sera aux membres du comité de vous poser des questions.

[Français]

    Merci pour cette invitation. D'abord, je voudrais excuser l'absence du chef régional, Ghislain Picard. Il est très occupé présentement, en raison de l'organisation du Forum socioéconomique des Premières Nations, comme la plupart d'entre vous le savez. Par contre, j'aimerais vous présenter rapidement un message de Ghislain concernant l'enseignement postsecondaire chez les premières nations.
    Ghislain vous fait part d'un constat accablant. Les premières nations traînent toujours loin derrière tous les autres groupes de la population canadienne en éducation. En 2004, la vérificatrice générale rapportait un écart de 28 ans. Ce fossé ne cesse de s'élargir et a des conséquences sur l'accès à l'emploi et les conditions socioéconomiques en général.
    En ce qui concerne l'enseignement postsecondaire en particulier, toutes les études s'entendent sur le fait que plus les gens sont scolarisés, plus leurs chances d'accéder à des emplois valorisants sont élevées. Cela ne fait aucun doute. Par contre, les chances sont très restreintes pour la grande majorité des membres des premières nations puisque l'accès à l'enseignement postsecondaire reste minime. Et cela dure depuis plusieurs années. Les personnalités publiques ne diront jamais que les membres des premières nations inscrits dans un établissement postsecondaire sont confrontés au défi de la réussite scolaire, dans un milieu qui est pensé, conçu et développé par et pour une culture dominante. Par conséquent, les facteurs de difficulté pour les gens des premières nations qui fréquentent les écoles postsecondaires sont très élevés.
    Je vais conclure le message de Ghislain en disant que les premières nations sont convaincues qu'il y a des solutions. Nous avons une expertise pointue en matière d'éducation pour nos premières nations. Il serait injuste de concevoir ou de développer des solutions sans qu'on soit partie prenante, car cela concerne principalement notre avenir. Sans doute que la présence d'un ou plusieurs établissements d'enseignement postsecondaire conçus pour et par les premières nations serait une solution viable pour l'avancement de la scolarisation des jeunes des premières nations.
    C'est essentiellement le message que Ghislain voulait livrer aujourd'hui. Bien entendu, je l'ai résumé, mais je crois avoir transmis l'essence de son message.
    Rapidement, je voudrais présenter le Conseil en Éducation des Premières Nations. Nous sommes un organisme qui existe depuis plus de 21 ans et nous représentons 22 communautés au Québec, dans toutes les sphères de l'éducation. Nous avons fait nos preuves en matière de gestion et d'administration de programmes. Bien entendu, ce ne sont certainement pas nos succès qui feront la une des journaux ces temps-ci. Je pense qu'on devrait peut-être déjà penser à un revirement quant aux messages que véhiculent les médias sur les réussites ou la situation des premières nations.
    À l'heure actuelle, on entend beaucoup parler de cas de mauvaise gestion ou de mauvais fonctionnement, alors qu'il y a énormément de réussites et de personnes capables de gérer et d'administrer tout à fait correctement et de développer des programmes adaptés aux premières nations.
     Un organisme comme le nôtre, qui représente 22 communautés, a développé au fil des ans une expertise tout aussi valable que celle de certains ministères. Il serait important qu'on le reconnaisse. En outre, les études que nous avons menées sur le financement des programmes d'enseignement postsecondaire devraient être considérées comme valables.
    Je vais laisser la parole à mon collègue Gilbert, qui est conseiller principal en éducation. Il a participé au comité national en éducation postsecondaire et il oeuvre dans le domaine de l'éducation depuis plus de 30 ans.

  (0915)  

[Traduction]

    Bonjour, et merci de cette occasion de prendre la parole devant les membres du comité. C'est une occasion unique pour les Premières nations du Québec qui, malheureusement, n'ont pas souvent cette possibilité.
    Je sais que vous avez déjà beaucoup d'information au sujet du programme postsecondaire. Comme vous le savez, ce programme est constitué de deux composantes: premièrement, l'aide aux étudiants et, deuxièmement, le soutien institutionnel -- ce qui est très important.
    Avant les années 1990, le programme d'aide aux étudiants représentait à une enveloppe budgétaire sans restriction qui permettait d'aider tous les étudiants qui présentaient une demande. Mais c'est au cours de cette période que le programme a été bloqué; on a imposé un plafond. Ainsi il ne devait y avoir qu'une augmentation de 2 p. 100 par année, même si les statistiques démographiques démontraient clairement que notre population augmentait très rapidement. Nos écoles connaissaient un peu plus de succès, étant donné que plus d'étudiants obtenaient un diplôme, mais il n'y avait malheureusement pas suffisamment de possibilités de financement pour permettre à nos étudiants de poursuivre leurs études.
    Fait encore plus important, le programme -- ainsi que la politique qui régit le programme et permet de déterminer le niveau de financement -- ne correspondait plus aux réalités de notre société, c'est-à-dire la hausse des frais de scolarité, dont vous êtes tout à fait au courant, et la hausse du coût de la vie et de la technologie.
    Donc, le programme n'a pas évolué au même rythme, et par conséquent, nos étudiants éprouvent beaucoup de difficultés. Il arrive souvent que des étudiants décident de ne pas étudier parce qu'ils n'ont tout simplement pas les ressources nécessaires. Étant donné le degré de pauvreté qui existe au sein de nos collectivités, il est évident que les familles ne peuvent se permettre d'aider financièrement leurs enfants, même si elles espèrent que ces derniers pourront participer à un programme d'études postsecondaires et réussir leurs études.
    Je voudrais prendre quelques minutes pour vous parler d'une particularité du Québec. La formation professionnelle au Québec est donnée au niveau secondaire, contrairement à la plupart des autres régions du Canada, où elle est dispensée au niveau postsecondaire. En conséquence, les collectivités des premières nations et les étudiants au Québec ne peuvent accéder au programme postsecondaire de formation professionnelle. Il existe certaines restrictions à cet égard, et nous espérons qu'il sera possible à un moment donné de régler ce problème. Il va sans dire que bon nombre de nos étudiants ne vont pas fréquenter l'université, mais comme il existe des débouchés intéressants dans les métiers, il faut absolument examiner ce problème.
    Depuis cinq ou six ans, nos statistiques font état d'une baisse du nombre d'inscriptions au niveau postsecondaire, c'est-à-dire à la fois dans les collèges et les universités. Nous constatons une tendance à la baisse. À notre avis, cette diminution est liée à la politique et à l'insuffisance du soutien financier qui est actuellement disponible. Nous sommes également d'avis qu'il faut absolument appuyer les étudiants très tôt, une fois qu'ils ont entamé leurs études secondaires, afin de s'assurer qu'ils sont bien préparés, qu'ils obtiennent une base solide, qu'ils ont accès à des services d'orientation professionnelle et que, lorsqu'ils décident de quitter leur collectivité ou même de fréquenter un établissement postsecondaire des premières nations, qu'ils auront l'aide qu'il leur faut.
    Cela nous semble tout à fait critique. Il existe toujours un écart -- nous avons effectivement examiné ce problème dans notre région -- qui se situe entre 15 et 25 p. 100. Cela varie d'une collectivité à l'autre. Mais en ce qui nous concerne, c'est inadmissible. Nous estimons que la politique actuelle devrait prévoir une aide beaucoup plus importante pour les étudiants et leur offrir des incitations positives.

  (0920)  

[Français]

    Je vais terminer en vous proposant une solution qui va au-delà de l'augmentation du financement de la politique actuelle de soutien aux étudiants. Il faut certainement considérer la possibilité pour les premières nations de développer leurs propres services postsecondaires et institutions.
    Aucun peuple, aucune nation ne peut se développer sainement si elle n'a pas ses propres institutions. Je pense que vous comprenez tous que si on ne peut pas développer nos écoles et nos lieux de culte, on ne peut avoir une culture saine qui se développe avec fierté.
    Nous pensons qu'un premier pas serait la mise sur pied d'un collège ou d'une institution postsecondaire qui serait beaucoup plus significative pour les jeunes qui en sont à ce niveau d'études. Par exemple, les collèges donnent un cours sur le rôle de l'État et du citoyen, mais on ne parle jamais du rôle de l'État autochtone ou du gouvernement autochtone, ne serait-ce que celui du conseil de bande. On ne parle pas non plus du rôle de citoyen d'une première nation. Les contenus ne sont pas significatifs pour nos jeunes.
    On croit fermement qu'un collège serait une alternative pour les jeunes autochtones qui ont réussi leur secondaire V, qui veulent fréquenter un collège et qui, souvent, décrochent à ce niveau. On parle beaucoup des décrocheurs au niveau secondaire, mais on ne parle jamais des décrocheurs au niveau collégial. Il y en a plus qu'on ne le pense. D'ailleurs, on observe ce phénomène dans toutes les sociétés parce que c'est une étape charnière de la vie. C'est au cours de cette période qu'on forge ses idées.
    Si l'établissement scolaire permettait de développer de jeunes leaders dans le respect de leur culture — pas strictement des leaders politiques —, ceux-ci pourraient ensuite participer activement et de manière significative à la société.
    Une des solutions qui nous tiennent à coeur est la création d'un collège dont la conception et les contenus seraient élaborés par des premières nations, ce qui permettrait à nos jeunes d'être fiers d'être Autochtones. Un des plus grands défis actuels est de transmettre la fierté à nos jeunes. Les enfants de 5, 6 ou 7 ans qui entendent des messages négatifs concernant les Autochtones ont souvent le réflexe de cacher leur identité.
    Le fait de mettre à la disposition des premières nations des fonds suffisants afin de développer leurs établissements et institutions aiderait grandement nos jeunes à participer activement à la société.
    En conclusion, je veux vous mentionner que j'ai fréquenté un collège autochtone il y a plus de 30 ans. On a fermé ce collège au bout de cinq ans. Il y avait au moins 50 jeunes qui y obtenaient leur diplôme chaque année. C'est une aberration. Si ce collège existait encore, au Québec, on aurait aujourd'hui au moins 30 fois 50 jeunes qui détiendraient un diplôme d'études collégiales. Je peux affirmer que le portrait socioéconomique actuel de nos communautés serait différent. Malheureusement, cela a été une mauvaise décision politique. J'espère de tout coeur qu'on rétablira la situation.
    Je vais laisser le mot de la fin à Gilbert, afin qu'il puisse rappeler les grandes solutions.

  (0925)  

    Depuis plusieurs années, les premières nations ont fait maintes recommandations, et beaucoup d'études ont été effectuées. Il est maintenant temps d'en finir avec les études et de passer à l'action en mettant sur pied des programmes concrets. Les premières nations sont toujours prêtes à travailler avec le ministère des Affaires indiennes afin de trouver des solutions viables. On parle souvent de transparence et d'imputabilité. On est prêts à le faire. On veut démontrer qu'on peut mieux gérer le financement, mais il faut donner une chance à nos jeunes. Il y a des jeunes dans nos communautés qui sont en attente. On peut changer les perspectives au sein de nos communautés. Il faut donner de l'espoir à nos jeunes, qui n'en ont pas beaucoup à l'heure actuelle.
    Mon engagement dans le domaine de l'éducation au niveau de la communauté depuis plus de 30 ans m'a permis de constater beaucoup de pertes. On peut en pleurer, mais pensons à ces jeunes qui n'ont plus d'espoir mais qui voudraient contribuer à la société canadienne dans leur propre culture. On a besoin d'un bon coup de main pour les prochains 10 à 15 ans. Qu'on cesse de parler et qu'on agisse.

[Traduction]

    Vous avez la parole, monsieur Blackned.
    Je voudrais simplement vous dire, avant de commencer, que je me suis perdu ce matin. Je n'ai jamais mis les pieds dans ces bâtiments, pas même pour visiter les lieux.
    Quoi qu'il en soit, j'imagine qu'on m'a demandé de participer aux audiences d'aujourd'hui pour parler de la question qu'abordera Mme Edith Cloutier de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue dans son exposé, à savoir la stratégie d'intervention en matière d'enseignement et de recherche à l'intention des populations de premières nations.
    Je suis le président actuel de la Commission scolaire crie. J'ai été élu au mois d'août de cette année, et je représente la Nation crie du Québec. J'imagine que vous avez beaucoup entendu parler de cette nation. Quoi qu'il en soit, je suis là aujourd'hui pour appuyer Mme Cloutier et cautionner ses recommandations pour ce qui est de rapprocher les services d'enseignement postsecondaire du territoire cri.
    À l'heure actuelle, la Commission scolaire crie parraine entre 350 et 400 étudiants du niveau postsecondaire qui poursuivent leurs études dans différentes régions de la province du Québec, mais surtout dans la province de l'Ontario; mais nous avons également un certain nombre d'étudiants qui fréquentent d'autre collèges et universités situés dans tout le Canada, même aussi loin qu'en Colombie-Britannique.
    Le principal problème dont je voudrais vous faire part, par rapport à l'initiative fort positive prise par l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, concerne le fait qu'au cours des dernières années, nos étudiants connaissent un faible taux de succès pour ce qui est de terminer les programmes menant à un grade ou un diplôme à l'établissement postsecondaire qu'ils fréquentent, et c'est surtout en raison du choc culturel et du fait qu'ils se trouvent loin de chez eux. Nos étudiants terminent leurs études secondaires dans leurs collectivités, mais une fois qu'ils quittent ces dernières, ils se retrouvent dans un nouvel environnement, un environnement étranger où on s'attend à ce qu'ils réussissent, alors que cela n'a pas normalement été le cas pour eux. Par conséquent, la mise sur pied d'établissements situés plus près du territoire cri permettait de garantir que nos étudiants puissent plus facilement mener à bien leurs études postsecondaires.
    La Nation crie du Québec a évolué très rapidement au cours des 30 dernières années. Nous avons notre propre commission scolaire crie, notre propre régie des services de santé cris, nos propres compagnies cries, des entreprises cries, etc. En février 2002, nous avons signé un nouvel accord de relations avec la province du Québec, de même qu'avec Hydro-Québec pour de nouveaux aménagements hydroélectriques. Cet accord nous est extrêmement avantageux en ce sens qu'il nous permet de faire de la formation, d'assurer des services d'enseignement, et même d'obtenir des emplois et d'être autonomes comme Nation crie.
    En vertu de cet accord, un certain nombre de postes devront être créés sur l'ensemble du territoire cri, au fur et à mesure que les collectivités évolueront et que leur développement économique s'intensifiera. À l'heure actuelle, notre commission scolaire compte environ 1 000 employés. La majorité de ces employés sont des cadres subalternes ou font partie du personnel de soutien administratif.
    Nous avons des enseignants qui sont des diplômés de notre programme de formation des enseignants, créé en vertu de l'article 16 de la Convention de la baie James et du Nord québécois. Au fil des ans, nous avons formé des enseignants du niveau élémentaire. Tout récemment, nous avons élargi notre programme de formation des enseignants pour permettre aux enseignants de l'élémentaire d'acquérir les connaissances requises pour enseigner au niveau secondaire.
    Je précise également qu'il y a un grand nombre d'enseignants non autochtones qui doivent être remplacés par des membres de notre nation. Nous avons énormément d'infirmières et d'infirmiers et de médecins qui devront éventuellement être remplacés par des membres de la Nation crie.

  (0930)  

    Les entités dont je vous parle supportent des dépenses très importantes qui sont liées aux logements et aux autres avantages qu'il faut offrir aux non-Autochtones qui viennent du sud. Et même ces avantages ne sont pas suffisants pour les garder dans nos collectivités pendant longtemps. En règle générale, ils restent quatre ans, en moyenne, mais ils finissent toujours par partir. Pour nous, c'est une question de cohérence et de continuité, et nous estimons qu'il faut être à même de dispenser davantage de programmes d'enseignement postsecondaire plus près de notre territoire cri, pour que nos efforts réussissent.
    Dès leur jeune âge, les enfants chez nous commencent à se familiariser avec les collectivités du sud se trouvant près du territoire cri. Ils participent à beaucoup d'activités éducatives et sportives. Le nouvel accord de relations conclu par la Nation crie et la province du Québec a justement donné lieu à des relations beaucoup plus étroites avec les collectivités francophones de Val d'Or, d'Amos, de Rouyn-Noranda, et d'autres localités de la région avoisinante.
    À mon sens, la Commission scolaire crie doit envisager d'assurer des services d'enseignement postsecondaire beaucoup plus près de chez nous, afin que nous puissions éventuellement doter les postes vacants de membres de la Nation crie, au lieu d'avoir à constamment faire venir des gens du sud qui restent pendant quelques années mais finissent toujours par partir, sans jamais prendre un engagement à long terme vis-à-vis du développement de la collectivité crie.

  (0935)  

    Excusez-moi de vous interrompre, mais nous devons garder un certain temps pour les questions des membres du comité. Serait-il donc possible de passer maintenant à Mme Cloutier? Merci beaucoup.

[Français]

    Membres du comité, chefs, collègues, je m'appelle Edith Cloutier. Je suis présidente du conseil d'administration de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue et directrice générale du Centre d'amitié autochtone de Val-d'Or. Je suis une fière Anishinabe du territoire Anishinabe Aki. Il me fait grandement plaisir de participer à ce panel et je vous remercie du temps que vous nous accordez.

[Traduction]

    Je voudrais maintenant vous présenter la rectrice de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, Mme Johanne Jean, qui est responsable de l'université qui est le plus récent membre du réseau de l'Université du Québec. Cet établissement dessert essentiellement les étudiants de l'Abitibi-Témiscamingue et des régions du nord du Québec.
    Comme toutes les universités canadiennes, l'UQAT dispense divers programmes qui jouissent d'une excellente réputation dans d'autres régions. De plus, elle a un effectif de 100 instructeurs et chercheurs, et dessert une population de 2 400 étudiants, dont 200 sont Autochtones. L'UQAT travaille, d'ailleurs, avec les Autochtones depuis 25 ans. Vous avez entendu M. Blackned tout à l'heure, qui vous parlait du travail qui a été accompli de concert avec la Nation crie. Les peuples autochtones ont retenu l'université comme partenaire pour la formation de leurs ressources humaines.
    Nous dispensons différents programmes menant à un certificat ou un diplôme de baccalauréat dans le domaine de la gestion, de l'éducation des jeunes enfants, de l'enseignement primaire et secondaire, et du travail social. Nos programmes de formation sont assurés à la fois dans les collectivités et sur le campus autochtone situé à Val d'Or, en anglais et en français, selon la deuxième langue des membres des collectivités concernées. Jusqu'à présent, l'UQAT a décerné 153 diplômes à des Inuits, des Cris et des membres de la Nation algonquine anishnabe.

[Français]

    Je vais poursuivre en français, parce que c'est la réalité dans laquelle je vis.
    Nous sommes honorés d'être invités à cette tribune pour partager notre expertise quant aux défis qui entourent — on a entendu les gens de l'Assemblée des Premières Nations — la formation postsecondaire des étudiants inuits et des premières nations.
    Avant de vous parler des orientations et de la façon de faire, nous allons examiner le profil de deux étudiantes et faire un parallèle entre elles. Il s'agit d'une étudiante allochtone et d'une étudiante autochtone qui fréquentent toutes les deux le campus.
    La première, que nous nommerons Louise Tremblay, a 22 ans. Elle est étudiante au baccalauréat en éducation au préscolaire et en enseignement au primaire. Elle a complété ses études collégiales et en est maintenant à sa deuxième session à l'université. Aujourd'hui, elle terminera son cours à 16 heures. Elle quittera le campus pour se rendre à son appartement, qu'elle partage avec une colocataire. Pendant qu'elle se fera couler un bon bain chaud pour se détendre, elle ouvrira son ordinateur pour lire ses plus récents courriels. Évidemment, il y a un bon repas qui mijotera sur la cuisinière. Elle n'aura que deux petites heures pour compléter son travail qui doit être remis le lendemain à son cours. Ce soir, Louise aura le temps de sortir pour rencontrer ses amis et collègues au bistro du campus.
    La deuxième, que nous nommerons Bella Papatie, a 33 ans. Elle terminera ses cours et ses ateliers pédagogiques à 16 heures. Elle est aussi inscrite au baccalauréat en éducation au préscolaire et en enseignement au primaire, mais la pédagogie des cours a été adaptée à la culture des premières nations. Bella travaille à la garderie de sa communauté à Kitcisakik, un village situé à une centaine de kilomètres de Val-d'Or, dans la réserve faunique Lavérendrye. Elle rêve d'enseigner un jour dans une école primaire au sein de sa communauté et elle désire être qualifiée légalement. Qui sait, peut-être enseignera-t-elle dans une autre communauté où on souhaite avoir ses services, ou même en ville, lorsque ses enfants quitteront la réserve pour s'inscrire dans un cégep. Sa langue maternelle est l'algonquin. Elle a appris le français à l'école primaire, mais elle écrit dans cette langue seconde avec plus de difficulté qu'un étudiant non autochtone. À la fin de son cours, Bella ne pourra se rendre immédiatement à son domicile à Kitcisakik; pas question non plus de prendre un bain chaud ou de brancher l'ordinateur, parce qu'il n'y a pas d'eau courante ni d'électricité dans sa communauté. Chacun dispose d'une petite génératrice et, compte tenu du coût du carburant, cela ne fonctionne pas tous les soirs comme elle le voudrait. C'est sa « coucoune » qui fait mijoter un plat sur le poêle et qui s'occupe des enfants en attendant son retour. La maison est petite, elle abrite une famille de 14 personnes, soit des parents, des enfants, des grands-parents et un vieil oncle. La promiscuité des lieux ne laisse pas nécessairement d'espace à Bella pour qu'elle puisse se concentrer sur ses travaux.
    Par contre, à l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, on a prévu de l'aide pour Bella. Grâce à un grand projet pour assurer la réussite scolaire des étudiants des premières nations, Bella et ses collègues demeurent au campus après leur dernier cours. Elles ont la chance d'obtenir une aide pédagogique pour les guider dans leur apprentissage. Les étudiants des premières nations qui proviennent d'une communauté dont la langue seconde est l'anglais ont accès à des documents traduits en anglais.
    En outre, elles bénéficient d'une aide psychologique, si elles en ont besoin. Il s'agit d'une intervenante qui connaît la culture et les modes d'intervention autochtones. On lui offre un soutien qui lui assurera une réussite scolaire. Également, la conseillère à la vie étudiante la réfère au centre d'amitié autochtone pour obtenir des services pour elle et pour sa famille.
    De son côté, le corps professoral a accepté d'ajouter plusieurs heures à leur encadrement, justement pour soutenir davantage les groupes issus des premières nations. L'université a ainsi garanti à Bella qu'elle pourra réussir ses études et que son diplôme lui permettra d'enseigner dans sa communauté ainsi que dans n'importe quelle commission scolaire qu'elle choisira.
    C'est vers 18 heures que Bella pourra prendre la route de Kitcisakik, certaine d'avoir terminé les travaux prévus à son horaire. Elle pourra enfin consacrer sa soirée à sa famille et à sa communauté, qui la considèrent comme un modèle.

  (0940)  

[Traduction]

    Les parents de Louise et de Bella sont nés vers la fin des années 1940. Les parents de Louise sont nés à l'hôpital de Val d'Or; ceux de Bella, dans la forêt. Au début des années 1960, la société des parents de Louise a connu de grands bouleversements, que l'on désigna ensuite sous le vocable de Révolution tranquille. La mère de Louise était promise à un avenir tout tracé d'avance: elle terminerait sa 12e année et deviendrait maîtresse d'école ou infirmière. Son père, malgré ses talents, irait travailler à la mine.
    C'est alors que le gouvernement a décidé de changer l'ordre des choses et de leur ouvrir les portes de la connaissance. L'enseignement secondaire fut offert partout au Québec, on mit sur pied un réseau de cégeps et le grand réseau de l'Université du Québec. Les parents de Louise devinrent médecin et ingénieur. Le Québec venait de se donner le plus formidable outil de développement, en assurant la formation de la grande majorité de sa population.
    Malheureusement -- et il ne nous appartient pas ici de juger ceux qui ont fait l'histoire de cette époque -- les Autochtones reçurent un traitement différent. Les parents de Bella n'eurent pas accès à l'école primaire, jusqu'au moment où l'on décida d'enlever tous les enfants à leurs parents pour les instruire et surtout pour tenter de les assimiler à la culture dominante. Les pensionnats créés à leur intention furent un échec, et les premières nations en subissent encore les conséquences. Tout est à refaire et le temps presse.
    Je pense que le temps presse en ce qui me concerne également, et je vais donc passer tout de suite à la conclusion, car j'aimerais laisser le dernier mot à Mme Jean.
    Pour ce qui est maintenant du projet de construction d'un pavillon des premières nations à l'UQAT, j'ai accepté d'être présidente du conseil d'administration parce qu'à mon avis cet établissement est le véritable partenaire des premières nations et que sa vision à court, à moyen et à long terme correspond à celle des premières nations, qui souhaitent que cet établissement soit administré par les premières nations, pour les premières nations. Cette vision et ce projet d'avenir représentent pour nous et pour notre peuple l'occasion de contrôler nos propres institutions et de garantir que d'autres membres de premières nations pourront éventuellement nous remplacer.
    J'invite maintenant Mme Jean à conclure.
    Meegwetch.

  (0945)  

[Français]

    Je vous remercie de me recevoir. Je serai brève.
    J'aimerais faire un parallèle avec ce qu'Edith vient de dire. Le projet de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue nous ramène au début de la Révolution tranquille. Dans les années 1960, on a créé au Québec le réseau de l'Université du Québec. L'objectif poursuivi était de hausser le niveau de diplomation et de scolarité des francophones, des Québécois. On a établi des institutions dans l'ensemble du Québec et élargi ce réseau, ce qui a rendu la formation universitaire accessible au plus grand nombre de personnes possible au Québec.
    L'UQAT aura 25 ans en 2008. On a atteint une partie des objectifs, mais certains restent encore à réaliser. Lors de la Révolution tranquille au Québec, on a créé le réseau et commencé par former nos maîtres en enseignement. Par la suite, on a formé nos travailleurs sociaux, nos psychoéducateurs, nos gestionnaires, nos infirmières. Après plusieurs années, l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue a formé des ingénieurs, des forestiers. On a entrepris une sorte de deuxième phase au deuxième et au troisième cycles.
    En Abitibi-Témiscamingue, au moment de la création du réseau de l'Université du Québec, on a fait appel à des coopérants français parce qu'il n'y avait pas suffisamment de professeurs universitaires au Québec. On a donc fait venir des Français en Abitibi-Témiscamingue. Plusieurs oeuvrent d'ailleurs encore parmi nous.
     J'essaie d'établir un parallèle avec le projet de Pavillon des Premières Nations à l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue qu'on veut mettre sur pied en collaboration avec les premières nations dans le but de hausser leur niveau de scolarité.
    Mme Bastien a fait état du décrochage au niveau secondaire. Il est important qu'on puisse introduire dans les milieux autochtones des modèles autochtones et des professeurs dûment formés. Des Autochtones qui, par la suite, exerceront leur profession à l'intérieur de leur communauté et serviront de modèles. On sera alors en mesure de briser un cercle vicieux et de s'assurer qu'après deux ou trois décennies, on dispose de suffisamment de professeurs, de diplômés et de professionnels autochtones.
    Une dimension très importante de notre action — Edith l'a rappelé — est la perspective de prise en charge par les premières nations. On s'assure d'avoir du personnel autochtones et de pouvoir le former, car il arrive que certains professeurs autochtones aillent chercher les diplômes requis et reviennent ensuite chez nous exercer leur profession.
    Comme on l'a fait avec l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, on s'assure, au terme de deux ou trois décennies, que les premières nations puissent elles-mêmes prendre en charge l'ensemble de ces institutions, y compris la formation universitaire.
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Nous ouvrons maintenant la période des questions. La parole est d'abord au parti libéral, et plus précisément Mme Neville.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je voudrais tout d'abord vous remercier de votre présence parmi nous ce matin. Vos exposés étaient certainement très complets.
    Je voudrais tout particulièrement vous remercier, madame Cloutier, de nous avoir expliqué les différences entre un étudiant autochtone et non autochtone, et les problèmes auxquels ils sont confrontés.
    Je m'intéresse à cette notion d'établissement postsecondaire autochtone, et je comprends ce que fait actuellement l'université. Avez-vous une idée du modèle que vous aimeriez établir au Québec? Avez-vous déjà entamé des discussions avec le gouvernement du Québec? Avez-vous entamé des discussions avec le gouvernement fédéral? Et quels sont les éventuels problèmes de compétence qui pourraient se poser avant que ce projet puisse se réaliser?

  (0950)  

    D'abord, nous avons déjà élaboré un projet et il est assez bien avancé. Nous avons défini le concept d'un certificat de leadership des premières nations. C'est nous qui avons mis au point tout ce concept, et nous avons déjà conclu un accord avec l'Université Saint-Paul.
    Ce projet se réalisera de concert avec un établissement postsecondaire. Cela veut donc dire que nous aimerions qu'il y ait un programme de niveau collégial et certains services au niveau universitaire. Il pourrait s'agir d'un programme de certificat ou d'un microprogramme. Nous dispensons également un programme de technologie de 15 crédits de concert avec l'Université de Montréal.
    D'abord, cet établissement assurera un enseignement de niveau collégial. Je pense qu'il faut absolument établir cette capacité. Le projet est déjà prêt; tout est en place. Nous travaillons avec deux collèges, soit le Collège Dawson, et peut-être aussi le Cégep d'Abitibi-Témiscamingue. Comme nous travaillons en anglais et en français au Québec, nous devons traiter avec deux établissements. Donc, tout est prévu.
    En ce qui concerne la question des compétences, nous sommes actuellement en négociation avec le collège, le NAQ, la province, et le gouvernement fédéral. Au départ, il faut que le collège nous accorde une accréditation. Mais nous espérons que, d'ici dix ans, nous aurons l'entière responsabilité d'administrer cet établissement. Ils sont au courant, et ils sont tout à fait ouverts à cette possibilité.
    Donc, tout est prévu. Nous serons prêts à commencer en septembre 2008. Nous sommes actuellement en train de négocier un budget.
    Nous voulons commencer par de petits groupes. Il serait impossible de lancer un projet de ce genre, qui consiste à assurer un enseignement de première qualité, si nous avions un groupe important d'étudiants. De plus, nous tenons à respecter les normes les plus rigoureuses possible. Il est très important que nous fassions comprendre aux membres des premières nations que nous dispensons des programmes d'enseignement de première qualité, et que nous en avons justement la capacité.
    Nous devons également assumer la responsabilité des services de faible qualité que nous et les établissements postsecondaires avons assurés au fil des ans. Ces établissements décernaient un certificat ou un diplôme, mais les étudiants qui les fréquentaient n'avaient pas les mêmes capacités en terminant le cours que d'autres groupes. Par conséquent, le baccalauréat qu'on leur décernait était de qualité inférieure.
    Ces personnes qui reviennent travailler dans nos collectivités assurent des services de piètre qualité. Je pense, en conséquence, qu'il importe de faire comprendre aux gens que nous ne sommes pas inférieurs et que nous avons la capacité d'assurer les services de première qualité. Nous avons des gens compétents dans nos collectivités. Gilbert vous a parlé du potentiel de nos collectivités. Nous voulons travailler avec les étudiants qui ont du potentiel, et nous voulons nous appuyer là-dessus pour aller plus loin. Dans la première année, nous n'aurons peut-être qu'un petit groupe de 20 ou de 40 étudiants. Mais peu importe. Cela coûtera peut-être un peu plus cher au départ, mais au bout de cinq ans, je suis convaincu que ce message aura atteint l'ensemble des collectivités et que les étudiants seront fiers de pouvoir fréquenter un établissement géré par les premières nations.

  (0955)  

    Voilà. J'espère avoir répondu à votre question.
    Merci.
    Me reste-t-il du temps, monsieur le président?
    Oui, il vous reste une ou deux minutes.
    J'aimerais savoir sur quoi portent vos discussions actuelles avec le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral, et quels sont les problèmes de compétence qui se posent à l'heure actuelle.
    Dans notre cas, comme nous l'avons indiqué, la première étape consiste à établir un partenariat avec des cégeps qui existent déjà au Québec. Pendant que nous renforçons notre capacité d'administrer un collège, nous allons entamer un dialogue avec le gouvernement du Québec en vue de faire reconnaître pleinement notre établissement. Nous savons qu'il y a plusieurs étapes à passer avant que cela puisse se réaliser.
    Pour ce qui est du gouvernement fédéral, les autorités fédérales n'ont pas manifesté beaucoup d'intérêt jusqu'à présent pour ce projet, ni même pour la possibilité de nous assurer des fonds de démarrage. On nous a accordé seulement un minimum de financement, ce qui est malheureux, étant donné que nous avons, à notre avis, élaboré un projet qui représente la meilleure solution, à notre avis, pour faire progresser la situation; il s'agit d'un excellent exemple du genre de collaboration qui peut donner lieu à des résultats intéressants, si on nous donne la possibilité de l'exécuter.
    Je voudrais faire un commentaire par rapport à ce dont vous parlez, Lise. L'Université McGill, par exemple, dispense depuis plusieurs années un programme de formation des enseignants. C'est un programme de quatre ans menant à un baccalauréat en éducation prévoyant exactement les mêmes crédits, sauf que si vous suivez le programme à l'intention des Autochtones et que vous obtenez un diplôme, votre accréditation vous permet d'enseigner uniquement les étudiants issus de premières nations. Par contre, le gouvernement du Québec ne reconnaît pas l'équivalence de ce diplôme et des crédits du programme, étant donné que ce programme s'adresse aux membres des premières nations. Mais cela n'a absolument aucun sens. Ces programmes, qui sont essentiellement dispensés dans les collectivités, coûtent extrêmement cher, mais en fin de compte, l'étudiant doit se limiter à l'enseignement des membres de premières nations ou à un poste d'enseignement dans une réserve. Ce n'est pas normal. Voilà justement le genre de choses que nous souhaitons corriger grâce à notre analyse.
    Merci.
    Nous passons maintenant au Bloc québécois. C'est à M. Lemay.

[Français]

    Merci.
    J'en apprends à tous les jours. Je ne dirais pas, monsieur Whiteduck, que vos propos me font tomber de ma chaise, mais ils me surprennent. Je lisais avec attention le mémoire que vous avez présenté au comité. J'aimerais comprendre une chose dont on parle à la page 7. On y dit:
Les Premières Nations ont des besoins particuliers en matière d'éducation. La gestion des bandes, l'administration [...]
     Vous avez mentionné tous ces critères, qui m'apparaissent essentiels. Croyez-vous être en mesure, dans le cadre du projet que vous êtes sur le point d'élaborer, de dispenser une formation adaptée aux premières nations? Le cas échéant, est-ce que ça pourrait commencer à se faire au cours des prochains mois, de la prochaine année, à la fin de 2008 ou avant?
    En fait, le projet est prévu pour septembre 2008. Le travail d'adaptation des cours devrait commencer très prochainement, soit en décembre ou janvier. On doit se pencher sur le contenu. Pour ce qui est de la gestion et de l'administration des bandes, de l'économie, des langues et de la culture, il est tout à fait possible d'adapter ces cours. On maîtrise vraiment bien ce contenu.
    J'ai une question précise. J'hésitais à la poser, mais je vais quand même le faire. Vous prévoyez dispenser les cours en français en Abitibi-Témiscamingue si vous concluez l'entente nécessaire avec le Cégep de l'Abitibi-Témiscamingue. On parle donc ici d'une région. Les cours en anglais se donneraient pour leur part au Collège Dawson — et Dieu sait qu'on a entendu parler de ce collège au cours des dernières semaines —, en plein coeur de Montréal. Je voulais que vous nous donniez des précisions à ce sujet.

  (1000)  

    Je pourrais vous faire parvenir le projet dans son entier. Nous sommes à la recherche d'un territoire pour offrir les cours. Nous ne sommes pas tenus d'occuper les locaux des deux cégeps qui travaillent avec nous et qui vont, entre autres, vérifier les normes et octroyer l'accréditation.
    Je comprends. Vous auriez donc une entente avec le Cégep de l'Abititi-Témiscamingue ou le Collège Dawson, mais les cours pourraient se donner à Kanesatake ou à Kanahwake, par exemple.
    C'est exact.
    C'est clair
    Ils vont être dispensés au même endroit, aussi bien en anglais qu'en français.
    Je serais bien mal venu de ne pas vous poser de question sur l'Université du Québec. Les autres membres du comité et moi-même voulons en savoir plus à ce sujet. J'irai donc dans le même sens que Mme Neville.
    Vous avez un projet intitulé le Pavillon des Premières Nations. Où en sont les relations, les négociations avec le fédéral et le provincial concernant la mise en oeuvre de ce projet? J'imagine que c'est quelque chose de neuf. Pouvez-vous nous donner un peu plus de détails à ce sujet?
    La particularité de ce projet est qu'il est vraiment rassembleur. J'utilise ce terme parce que le projet répond à la volonté aussi bien autochtone que non-autochtone. Il est sur la table depuis quatre ans déjà. Il est bien connu de tous les gens avec lesquels on discute, aussi bien au niveau provincial que fédéral.
    La semaine dernière, j'ai rencontré le ministre de l'Éducation du Québec. Pour le moment, les discussions tournent autour du Forum socioéconomique des Premières Nations qui va se tenir la semaine prochaine. Le Québec s'est engagé à financer 50 p. 100 de la construction d'un édifice qui coûtera 8 millions de dollars. La communauté non-autochtone a rassemblé 1,5 million de dollars. Sur cette somme, un demi-million de dollars ira à la construction, et l'autre million de dollars au développement et à la recherche.
    La balle a donc été lancée dans le camp du fédéral. Pour le moment, les gens des Affaires indiennes disent ne pas pouvoir financer 50 p. 100 de la construction du pavillon. Par ailleurs, il en coûte 1,2 million de dollars pour maintenir les services qui ont été développés et qui impliquent, dans la majorité des cas, du personnel autochtone.
    Au cours des discussions qu'on a tenues avec lui la semaine dernière, M. Fournier s'est engagé à investir 350 000 $ par année dans le soutien à l'offre de service. Dans ce cas également, on est retournés aux Affaires indiennes. Ces gens nous ont dit ne pas disposer des fonds suffisants.
    Je vais demander à Johanne de continuer.
    Je pense que tu as très bien fait le tour de la question.
    Il me reste du temps, monsieur le président?

[Traduction]

    Vous disposez d'une minute et demie.

[Français]

    Ma question s'adresse à M. Blackned.
     Selon vous, quel serait le principal obstacle qui empêcherait un étudiant autochtone de poursuivre des études au collège ou à l'université?

[Traduction]

    Merci pour votre question, monsieur Lemay.
    Le principal obstacle pour un étudiant autochtone est celui d'avoir à s'adapter à un environnement étrange auquel il n'est pas habitué. Nos enfants restent dans les collectivités jusqu'à ce qu'ils aient terminé leurs études secondaires. Il y en a qui obtiennent leur diplôme à un âge différent, soit à 17 ans ou 18 ans, alors que d'autres sont un peu plus âgés, mais nous les gardons à l'école jusqu'à ce qu'ils obtiennent leur diplôme.
    Dans certains cas, la plupart des étudiants ne voudront pas faire d'études postsecondaires, de peur de se retrouver dans un environnement totalement différent. À mon avis, l'adaptation sociale constitue un autre problème de taille.
    De plus, il s'agit d'écoles qui sont isolées. De plus, l'éducation dispensée par ces écoles est considérée comme étant de qualité inférieure. Et comme notre langue crie est très forte, nous enseignons les deux langues secondes de notre peuple, soit l'anglais et le français, de même qu'une troisième langue, dans certaines écoles. Par conséquent, nous employons notre langue maternelle, le cri, une langue seconde, soit l'anglais, et une troisième langue, le français, même si ça pourrait être l'inverse dans certaines écoles.
    Donc, il y a plusieurs facteurs importants, mais si je me fonde sur mon expérience personnelle, je dirais que le plus gros obstacle est celui de l'adaptation sociale à un environnement auquel on n'est pas habitué. Ça c'est vraiment le problème le plus important auquel nous sommes confrontés actuellement. Comme je vous l'ai déjà dit, nous serions probablement à même de régler ce problème s'il était possible de dispenser certains programmes dans nos collectivités cries ou sur le territoire où nous habitons.

  (1005)  

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Madame Crowder.
    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais tout d'abord remercier les participants de leur présence et non seulement de nous avoir fait des suggestions et des recommandations, mais de nous avoir décrit avec autant d'éloquence les conditions actuelles.
    Mais je voudrais commencer par faire une observation.
    Je crois que c'est M. Whiteduck qui nous a rappelé les nombreuses études qui ont été menées au cours des années. Le fait est que les obstacles sont bien connus. Donc, en répondant à mes questions, je vous invite à vous demander pour quelles raisons nous n'avons pas réussi jusqu'à présent à donner suite aux recommandations et aux études qui sont si bien documentées.
    J'ai plusieurs questions à poser, mais je ne sais trop à qui elles s'adressent.
    En Colombie-Britannique, nous avons un réseau de collèges universitaires et ce, afin de pouvoir dispenser les programmes d'enseignement au niveau communautaire. Les collèges universitaires dispensent une vaste gamme de programmes de formation professionnelle et technique, d'alphabétisation, et universitaire. Je pense que c'est M. Whiteduck -- ou peut-être M. Blackned -- qui disait que les étudiants n'ont pas accès aux programmes de formation professionnelle au niveau secondaire. Je vous invite donc à me dire ce qu'il faut faire pour que les étudiants des premières nations et autochtones puissent avoir accès aux programmes de formation professionnelle. Voilà donc une première question.
    Deuxièmement, si vous parlez d'un collège ou université pour les premières nations, je présume que l'établissement en question serait situé quelque part dans une collectivité donnée, mais certains étudiants seraient tout de même obligés de quitter leur collectivité pour le fréquenter, comme votre nation possède un vaste territoire. Peut-être pourriez-vous nous dire ce qu'il faudrait faire pour aider ces étudiants, soit dans leur propre collectivité, soit pour qu'ils puissent aller vivre ailleurs.
    J'invite tout le monde à répondre.
    S'agissant de formation professionnelle, il convient de vous faire part d'une lettre, datée de 1972, que m'a fait parvenir le Conseil du Trésor, et dans laquelle on m'informe que le MAINC pourrait financer les études de formation professionnelle. À l'époque, on parlait d'éducation postscolaire, plutôt que postsecondaire.
    Pourriez-vous nous fournir une copie de la lettre en question?
    Avec plaisir. Cela vous donnera une idée de la situation.
    Au Québec, comme je vous l'ai déjà dit, la formation professionnelle est dispensée au niveau secondaire. Normalement, il suffit d'avoir terminé la secondaire quatre, ou la dixième année, si vous voulez, pour y avoir accès, contrairement aux autres provinces, où ce genre de programme est du niveau postsecondaire. Nous recommandons par conséquent que le programme postsecondaire prévoie la possibilité d'obtenir une aide financière pour suivre une formation professionnelle, étant donné la situation au Québec. Cela permettrait de régler le problème en permettant aux étudiants qui souhaitent obtenir ce genre de formation d'en profiter.
    Si je peux me permettre d'ajouter quelque chose, vous-même avez fait remarquer que notre territoire est vaste. Et c'est tout à fait vrai; la superficie du territoire cri est assez importante. Le problème auquel nous sommes confrontés est justement celui que vous décrivez -- à savoir qu'il faut déplacer les gens d'une collectivité à l'autre. Il y a environ un an, nous avons ouvert un centre de formation dans la collectivité de Waswanipi qui nous a été fourni par le ministère de l'Éducation. C'est un emplacement central pour les groupes qui se trouvent vers l'intérieur, mais c'est assez loin pour ceux qui habitent les collectivités côtières. Donc, c'est le fait d'avoir réimplanté les gens ailleurs qui pose problème. Encore une fois, il y a la question de l'adaptation. Ils se trouvent dans une collectivité qu'ils connaissent plus ou moins. Le dialecte est différent. Et les rapports entre les collectivités concernées peuvent ne pas être aussi étroits, et cela finit par influer sur les études qu'ils font. Certains y restent un certain temps; d'autres restent jusqu'à la fin du programme de formation professionnelle.
    Sur le territoire cri, la situation a évolué au point où nous avons maintenant un centre de formation, mais nous envisageons d'opter pour un système de satellite, c'est-à-dire dispenser des programmes d'enseignement dans nos propres collectivités par satellite. Je vous fais également remarquer que la Nation crie soumettra bientôt à l'examen des gouvernements une proposition de création d'un cégep cri. Nous avons déjà mené une étude de faisabilité à ce sujet; nous examinons cette possibilité depuis une dizaine d'années. Mais comme nos collectivités sont très éloignées les unes des autres, il ne serait pas possible de mettre sur pied un établissement qui puisse dispenser le genre de formation qu'on offre dans un cégep. Par conséquent, nous envisageons plutôt de travailler avec un cégep reconnu sur notre territoire et de dispenser les cours par satellite.

  (1010)  

[Français]

    Je vais répondre à votre question sur la localisation.
    L'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue couvre l'immense territoire qu'est l'Abitibi-Témiscamingue, mais également le nord du Québec, c'est-à-dire à peu près les deux tiers de la province. On a développé des stratégies qui rendent la formation universitaire accessible au plus grand nombre de personnes possible. Depuis plus de 25 ans, on travaille avec les communautés des premières nations. Lorsque des communautés nous demandent de leur donner de la formation à temps partiel, par exemple un certificat en administration ou en sciences de la gestion, on se rend dans la communauté. On a offert et on offre toujours de la formation dans un grand nombre de communautés, notamment Waswanipi, Oujé-Bougoumou, Chisasibi et Mistassini.
    Au cours des dernières années, par exemple, nous avons offert un programme de baccalauréat en travail social. On a débuté avec une cohorte composée de 50 étudiants et étudiantes cris, et 45 d'entre eux ont obtenu leur diplôme. Normalement, un programme de baccalauréat dure trois ans, mais on a pris sept ans pour donner la formation dans neuf communautés cries. On réservait un certain nombre de jours par mois pour pouvoir offrir la formation aux étudiants. Les professeurs, les aides pédagogiques et le personnel de soutien se déplaçaient dans une communauté et se rendaient dans une autre communauté le mois suivant. Le programme a été offert à neuf communautés sur une période de sept ans. On a également offert de la formation à Val-d'Or et à Rouyn-Noranda.
    Comme M. Bagnell l'a mentionné, il existe d'autres stratégies telles que l'enseignement à distance et l'utilisation de la vidéoconférence.
    L'UQAT a choisi d'offrir la formation à temps complet à Val-d'Or, car cette ville est située sur le territoire de l'Abitibi-Témiscamingue et du nord du Québec. C'est un canal normal. Les communautés des premières nations ont accès à un ensemble de services à l'intérieur de la communauté de Val-d'Or. Edith pourra peut-être vous en parler davantage.
    On ne prétend pas apporter une solution à l'ensemble de la province. Je vous parle simplement de nos interventions sur notre territoire, qui est l'Abitibi-Témiscamingue et le nord du Québec.

[Traduction]

    C'est à M. Blaney.

[Français]

    Je voudrais souhaiter la bienvenue aux représentants du milieu de l'éducation autochtone. Mes parents sont professeurs, et ce que vous nous présentez ce matin est extrêmement inspirant.
    L'éducation est au coeur du développement économique des premières nations. D'ailleurs, la semaine prochaine, plusieurs d'entre nous se rendront à Mashteuiatsh pour assister au Forum socioéconomique des Premières Nations. Le thème de l'éducation sera au coeur du forum puisque tout l'avant-midi de jeudi, la journée maîtresse, y sera consacré. Nous sommes impatients de travailler en partenariat avec les premières nations et le gouvernement québécois pour explorer des avenues afin d'améliorer la formation.
     Ma première question s'adresse aux experts du Conseil de l'Éducation des Premières Nations. Notre comité s'est beaucoup penché sur l'éducation postsecondaire et il réalise que des barrières importantes existent à cet égard. J'aimerais savoir ce que vous envisagez de faire afin d'amener plus d'étudiants autochtones à fréquenter les institutions que l'on veut créer.

  (1015)  

    Merci.
    Ce qui importe au premier chef, c'est d'être branché sur le milieu. À l'heure actuelle, les universités et les collèges provinciaux ne sont pas branchés sur les premières nations, alors que nos organisations entretiennent un lien constant avec elles. C'est nous-mêmes, finalement.
    Le collège du Conseil en Éducation des Premières Nations appartiendra à 22 communautés. D'emblée, les communautés favoriseront et valoriseront elles-mêmes la participation de leurs jeunes à ce collège. Il s'agit évidemment d'une solution de rechange, et non d'une panacée, d'une solution qui peut s'appliquer à tout le monde. Ce n'est donc pas un problème que d'attirer le plus grand nombre d'élèves possible.
    M. Blaney a mentionné que le postsecondaire a plusieurs facettes. On pense qu'il n'y a pas de solution unique. Il faut aussi déployer le plus de solutions de rechange possible pour toucher le plus grand nombre d'étudiants. Ce qui est intéressant dans notre projet de collège, c'est qu'il sera d'abord réservé aux premières nations. Il faudra faire nos preuves pendant les premières années.
    En revanche, au niveau universitaire, on offre un certificat en leadership autochtone. Il est ouvert à tous. Mettre en contact premières nations et allochtones pour qu'ils échangent leurs points de vue présente à nos yeux un certain intérêt. Il est assez intéressant de voir pour la première fois, dans le cadre d'un programme conçu par les premières nations, la réaction des allochtones face à ce que nous leur disons de notre histoire. Cela crée des échanges très intéressants. On espère que cela améliorera les relations.
    D'accord. Le fait d'avoir des institutions autochtones postsecondaires peut être une façon de dire, de la maternelle au secondaire, qu'il y a des débouchés.
    Il faut renforcer la base, qui est le primaire et le secondaire. Il faut offrir un programme solide au niveau secondaire afin que l'étudiant possède les préalables nécessaires à des études postsecondaires, sans avoir à suivre un programme de transition.

[Traduction]

    Nous avons parlé de modèles et de leur importance. Il est essentiel que les jeunes gens aient des modèles jeunes. En fait, on a nommé hier douze jeunes modèles à qui la gouverneure générale a décerné un prix. J'étais présent à cette occasion. Les intéressés étaient si fiers, et d'autres jeunes gens étaient présents et pouvaient voir eux-mêmes ce que ces jeunes avaient réussi à faire et le succès qu'ils avaient connu. Les jeunes dans nos collectivités doivent avoir le sentiment que cela leur est possible, et pour cela, il nous faut établir un programme solide d'études secondaires.
    Je sais que ce comité se penche sur les possibilités qui se présentent aux niveaux élémentaire et secondaire, mais j'estime qu'il faut renforcer la base, pour qu'ils puissent ensuite passer au niveau supérieur. Il faut aussi que les gens comprennent, lorsqu'ils fréquentent l'école, qu'ils auront le niveau de connaissances requis pour continuer. Sur le plan social, les défis sont déjà de taille; mais si vous êtes désavantagé sur le plan des connaissances, c'est encore plus difficile.

[Français]

    Merci. J'ai une question pour nos amis du projet de l'Abitibi.
     De quelle façon votre projet s'inscrit-il dans l'évolution de l'université? Je pense, par exemple, au taux de fréquentation et aux mécanismes que vous avez déjà mis en place pour intégrer les autochtones. Comment intégrez-vous cela au développement de votre institution?

  (1020)  

    Comme je l'ai mentionné rapidement un peu plus tôt, il y a plus de 25 ans que nous travaillons avec les communautés des premières nations. Au cours des cinq dernières années, nos interventions ont beaucoup augmenté, en réponse à des demandes qu'elles nous ont faites. Bien entendu, sur notre territoire, il s'agit principalement de Cris et d'Algonquins. Avec les communautés des premières nations, notre institution a fait le choix de relever ce défi.
    On a choisi de le faire d'une façon particulière avec la communauté de Val-d'Or. Le projet — qui est déjà en marche — d'offrir de la formation à temps complet sur le territoire de Val-d'Or est destiné principalement aux communautés des premières nations et se réalise conjointement avec elles. En termes de stratégie, bien sûr, d'autres universités travaillent différemment, mais nous avons choisi de former des groupes composés uniquement d'étudiants et d'étudiantes issus des communautés des premières nations, qui, selon leur deuxième ou leur troisième langue de travail, fonctionnent en anglais ou en français.
    Vous nous avez demandé de quelle façon on pouvait augmenter l'accession ou le taux de fréquentation des institutions primaires, secondaires et postsecondaires. À l'heure actuelle, on forme beaucoup de maîtres en enseignement. Nous croyons qu'il faut réintroduire, à l'intérieur des milieux, des enseignants dûment formés et, surtout, possédant le même diplôme que tout autre étudiant diplômé. C'est important, et il s'agit d'une des règles de conduite que nous avons adoptées.

[Traduction]

    Je vais donner la parole à Mme Cloutier.

[Français]

    Je voudrais compléter de façon concise en parlant du plan stratégique de l'Université du Québec. Le dernier plan auquel j'ai accepté de travailler à titre de membre du conseil d'administration s'inspire de ce principe visant à développer des services pour les premières nations en leur consacrant un pavillon universitaire, dans une perspective de prise en charge par les premières nations. Suite à ce plan stratégique, on a élaboré un plan d'intervention stratégique en formant un comité composé de gens issus des premières nations pour, de façon encore plus précise, définir la vision du Pavillon des Premières Nations.
    À partir de ce plan stratégique, on a mené des consultations sur tout le territoire Anishnabe auprès des communautés algonquines et auprès des Cris. J'ai présenté ce projet aux chefs de l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, qui ont appuyé cette initiative. On en a fait un engagement commun en vue du forum socioéconomique; on mobilise l'ensemble des acteurs autour d'un projet mobilisateur qui pourrait, évidemment, apporter beaucoup sur le plan de l'éducation.
     Évidemment, nous souhaitons aussi que l'expertise développée sur le territoire par l'Université du Québec et les premières nations soit exportable, si je puis dire, ailleurs au pays. Je crois qu'on a de grands besoins. Il n'y a pas qu'une seule solution, comme Lise l'a mentionné. Plusieurs outils devront être offerts aux premières nations. L'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, ou UQAT, et les membres des premières nations sont prêts à partager cette expertise.

[Traduction]

    C'est à M. Merasty.
    D'abord, permettez-moi de vous remercier de vos exposés.
    Afin de régler le problème de l'éducation des membres des premières nations au Canada, nous sommes obligés de nous intéresser aux mythes et de chercher à les dissiper. Ayant été grand chef pendant six ans avant d'être élu à la Chambre des communes, je sais que l'un des problèmes qui m'a semblé le plus épineux consistait à déterminer comment détourner l'attention des gens des mythes qui circulent grâce aux rapports quantitatifs qui ne tiennent aucun compte de l'aspect qualitatif et surtout ne tiennent pas compte du succès des programmes destinés aux membres des premières nations.
    Selon le mythe qui circule, les provinces réussissent beaucoup mieux que nous à assurer des services d'enseignement, et que s'il existe un écart, c'est de notre faute, c'est la faute de nos collectivités, et des étudiants, parce que les étudiants autochtones n'ont pas la même aptitude aux études. Par conséquent, on a tendance à parler beaucoup moins des succès que nous avons remportés au cours des années dans nos collectivités. Voilà ce qui me trouble depuis bien des années.
    Un Aîné m'a dit une fois que si on met l'accent sur la pauvreté, on finit par vivre dans la pauvreté; par contre, si on met l'accent sur la prospérité, on finit par connaître la prospérité. Et comme ces statistiques font l'objet d'un certain battage médiatique, les gouvernements et d'autres ont tendance à mettre l'accent sur la pauvreté ou sur les mauvaises nouvelles que renferment de tels rapports.
    Je suis très content que vous ayez parlé des succès que vous avez remportés dans chacun de vos organismes. En Saskatchewan -- c'est-à-dire ma province natale -- je sais que notre programme de formation des enseignants, le centre du droit des Autochtones, et le programme de maîtrise en administration des affaires à l'intention des Autochtones ont tous des taux de diplômation d'environ 90 p. 100. La nécessité de permettre aux étudiants de faire leurs études là où la culture correspond à la leur et l'importance de l'apport de la collectivité sont deux éléments qui nous en disent long sur le modèle qu'il convient d'adopter.
    M. Whiteduck a parlé du programme d'aide aux étudiants, soit le PAENP, et du programme d'aide aux étudiants indiens, soit le PAEI. On me dit: « Gary, ne donne pas toujours la priorité à l'argent », mais je pense que les solutions existent au sein de la collectivité, et que nous devons habiliter les collectivités pour qu'elles puissent les partager avec d'autres et les mettre en oeuvre.
    Si les gens ne comprennent pas que, sur un graphique, la courbe indiquant l'accroissement de notre population trace un angle de 45 degrés, alors que le financement trace une courbe comme ça, il est évident que l'écart va aller en se creusant chaque année, parce que nous avons une population en forte croissance. Qu'arrivera-t-il si nous ne finançons pas correctement les programmes actuellement en vigueur, soit le PAEI et la PAENP? Quelle sera l'incidence sur votre peu de succès et que vous arrivera-t-il si l'on n'augmente pas ce financement?

  (1025)  

    Je suis content que vous ayez soulevé la question du succès, parce que nous avons justement connu de nombreux succès, en ce qui concerne à la fois les programmes qui ont été exécutés et le fait que de nombreux jeunes sont retournés dans les collectivités pour assumer des rôles très importants. Il faut célébrer cette réussite, et vous avez raison de dire que très souvent nous oublions cet aspect-là et avons tendance à nous concentrer sur les éléments négatifs.
    Mais si le financement n'est pas augmenté de façon à permettre aux étudiants de suivre une formation professionnelle ou de faire des études postsecondaires, d'après ce que j'ai vu en visitant les différents coins de notre collectivité, les problèmes sociaux et les bouleversements que connaissent actuellement nos collectivités ne vont pas disparaître. Ce qui va se produire, c'est qu'il va y avoir de plus en plus de confrontations, car à un moment donné, les gens ressentent le besoin de réagir. Je pense qu'il va y avoir de plus en plus de routes bloquées, et ce genre de choses. Qu'est-ce qu'on peut faire d'autre pour attirer l'attention de la société? Les gens nous disent que ce n'est pas ça qu'ils ont envie de faire. Nous préférerions investir notre temps dans quelque chose qui va donner de bons résultats, et déployer des efforts dans ce sens, mais quand on n'a pas le choix, qu'est-ce qu'on peut faire d'autre?
    J'ai fait partie du groupe de travail national sur l'éducation à l'époque du ministre Nault, et nous avons conclu qu'il existait 6 000 rapports sur l'éducation des membres des premières nations au Canada.
    Vous avez raison: des solutions se trouvent dans notre propre collectivité. Notre organisme et les collectivités sont prêts à travailler avec le MAINC afin de réaliser des progrès, de trouver des solutions qui vont donner de bons résultats, de célébrer ce qu'on a réalisé, de continuer à parler des aspects positifs, de regarder toujours vers l'avenir, et non pas de parler constamment de ce qui manque; il faut plutôt insister sur le potentiel qu'il convient d'exploiter.
    L'un des modèles qui a donné de bons résultats jusqu'à présent consiste à rapprocher les établissements postsecondaires des collectivités. D'ailleurs, je crois que vous avez tous insisté là-dessus. Cet élargissement est absolument critique, en raison de l'accroissement de la population et du fait que certains établissements autochtones, ou du moins les établissements qui travaillent en partenariat avec les premières nations, comme la Commission scolaire crie et les Cris de la Baie James, se trouvent vraiment dans le voisinage des collectivités concernées. Nous sommes vraiment dans le voisinage des collectivités, et j'estime que leur permettre de faire une première expérience des études postsecondaires le plus près possible de leur collectivité constitue un excellent modèle à suivre pour leur permettre de s'intégrer à la société, pour ainsi dire.
    À mon avis, il faut examiner de plus près cette possibilité. Elle permet de s'assurer que les étudiants seront en harmonie avec leur environnement culturel, et donc d'atténuer les facteurs de stress qui s'ajoutent lorsqu'un étudiant doit quitter la maison, d'une part, et s'adapter à sa nouvelle situation scolaire au niveau postsecondaire.
    Mais ma question est celle-ci: nous avons RHDCC, qui s'occupe de la formation professionnelle ou technique, et nous avons le MAINC, qui est responsable du PAENP, mais ces deux organismes ne se parlent pas nécessairement. Ce n'est pas nécessairement la faute de quelque gouvernement que ce soit -- ni le gouvernement actuel, ni un gouvernement précédent -- mais à mon avis, il faut absolument que ces organismes communiquent entre eux.
    Pourriez-vous nous parler un peu plus de l'importance de cette communication, pour ce qui est de nous permettre de faire avancer le dossier?

  (1030)  

    Pourriez-vous nous faire une réponse brève? Nous avons déjà dépassé le temps imparti.
    À mon avis, il est bien important que les deux ministères concernés en discutent entre eux, mais le fait est qu'en tant que représentants des premières nations, nous insistons beaucoup là-dessus auprès des ministères concernés, alors que cette communication ne s'est toujours pas concrétisée. Or nous ne pouvons attendre, si ces derniers ne veulent pas se parler. C'est la même chose pour Industrie Canada et Affaires indiennes, dès lors qu'il est question de technologie dans les écoles.
    Donc, il me semble bien important que cette discussion ait lieu, mais entre-temps, il nous faut trouver une solution pour les projets à entreprendre immédiatement. C'est très important. Nous avons déjà lancé les discussions aux niveaux communautaire et régional, et donc, nous nous parlons entre nous; et nous sommes favorables à l'idée que les responsables des différents services et programmes discutent également entre eux. Pour moi, c'est non seulement très important, mais plus efficace.
    Merci.
    Monsieur Bruinooge.
    Merci, monsieur le président. Je voudrais remercier nos témoins de leur présence parmi nous ce matin. Nous sommes toujours contents de connaître le point de vue des gens dans chacune des régions, et aujourd'hui nous avons d'excellents représentants de la province du Québec.
    Si j'ai suffisamment de temps -- et je ne suis pas sûr que ce soit le cas -- je voudrais poser une question à chaque groupe. Je commence par M. Whiteduck.
    Vous nous avez dit qu'il faut s'assurer que les étudiants ont une base solide de connaissances et qu'ils possèdent les connaissances requises pour réussir. À cet égard, j'aimerais que vous nous disiez quels facteurs doivent être réunis pour que cela se fasse, et pour que les étudiants puissent passer sans heurts à l'établissement postsecondaire de leur choix, que ce soit un établissement qui reflète la culture des premières nations, ou un établissement aux États-Unis ou dans une autre localité, selon l'endroit où ils décideront de poursuivre leurs études. Pourriez-vous nous parler de ces facteurs?
    Je pourrais vous en parler longuement, mais j'aimerais plutôt vous citer quelques exemples qui me semblent pertinents. D'abord, il faut régler le problème de l'insuffisance du financement accordé pour les études primaires et secondaires. Il faut revoir la formule de financement, afin de s'assurer que les enseignants touchent le même salaire et ce, afin de pouvoir recruter les enseignants les plus qualifiés et de travailler au niveau communautaire. Comme le ministre Prentice, au CEPN, nous, aussi, nous parlons des services de second niveau. Ces derniers sont essentiels pour garantir que les normes et la qualité de l'enseignement dans les écoles administrées par les premières nations soient les mêmes. Nous espérons que le nouveau gouvernement voudra prendre des mesures dans ce sens. Cela permettra de consolider les efforts déjà déployés dans les écoles des premières nations. Ces dernières font déjà du bon travail dans ce domaine. Mais il faut en faire beaucoup plus. En conséquence, j'espère que les gens seront prêts à vraiment faire avancer ce dossier.
    En préparant un forum socioéconomique, nous avons soumis ce qui nous semblait être une importante proposition permettant de passer à des services de second niveau, alors qu'on nous a répondu que le nouveau gouvernement n'était pas nécessairement prêt à faire avancer ce dossier aussi rapidement qu'on le souhaitait. Pour nous, c'était l'occasion rêvée d'établir les modèles, les mécanismes de responsabilisation, et l'appui communautaire requis pour préparer nos jeunes à faire la transition. Quand nous parlons de nos propres établissements pour les membres des premières nations, ce que nous disons essentiellement, c'est que nous voulons que nos jeunes aient le choix. Cela ne veut pas dire qu'ils vont nécessairement fréquenter l'établissement administré par les premières nations, et c'est très bien. S'ils optent pour un établissement traditionnel, leur sens de leur identité n'en sera que plus fort. C'est ça la clé. Au moment de quitter leur collectivité, s'ils ont l'impression que leur identité est le moindrement menacée, bon nombre d'entre eux voudront revenir immédiatement. À notre avis, de meilleures études secondaires et une meilleure préparation leur permettront de faire plus facilement la transition et de se rendre compte qu'il y a des possibilités intéressantes à exploiter.
    Là je parle des jeunes qui vivent dans la réserve, mais bon nombre d'étudiants qui sont membres de premières nations fréquentent une école provinciale. Et il y a encore beaucoup de travail à faire au niveau des écoles provinciales. Le taux de succès aux écoles secondaires de la province n'est guère plus élevé que celui des collectivités autochtones. Par conséquent, il faut absolument ouvrir un dialogue avec les responsables du ministère de l'Éducation du Québec. Le gouvernement fédéral doit aussi être présent pour faire avancer ce dossier.

  (1035)  

    Monsieur Blackned, dans votre collectivité, cherchez-vous à suivre les diplômés qui intègrent la population active? Avez-vous une idée du taux de succès de ces derniers dans les différents métiers? La majorité de vos diplômés réussissent-ils à profiter des débouchés qui existent?
    Nous n'avons pas chez nous un système à proprement parler qui nous permettrait de suivre les étudiants qui font des études postsecondaires. Nous essayons de leur conseiller des cours de formation ou des programmes universitaires ou collégiaux qui leur permettront de doter les postes qui sont vacants sur le territoire cri -- par exemple, dans l'enseignement ou le domaine des soins médicaux. Mais les domaines correspondant aux spécialisations de nos diplômés ne sont pas nécessairement ceux dans lesquels ils finissent par obtenir un emploi ou faire carrière.
    Nos collectivités sont petites. Le développement économique de nos collectivités n'est pas suffisant pour leur permettre d'accéder aux postes pour lesquels ils ont reçu une formation. Par conséquent, on trouve bien des comptables et d'autres professionnels qui n'ont pas d'emploi. Nous leur donnons des postes pour lesquels ils n'ont pas nécessairement reçu la formation appropriée.
    Quant aux emplois qui existent dans nos collectivités, nous pourrions prendre l'exemple du programme de formation des enseignants. Ce programme relève de la Commission scolaire crie. Aux termes de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, la Commission scolaire est censée former les enseignants cris. Nous en avons formé beaucoup. Bon nombre d'entre eux ont enseigné dans nos écoles. D'autres ont préféré accepter d'autres emplois. Mais il n'y a pas de véritable cohérence en ce qui concerne cette formation. C'est-à-dire qu'une fois qu'on a terminé le programme, il n'y a pas de garantie qu'un poste sera disponible. Voilà le problème auquel nous sommes confrontés sur notre territoire.
    Merci.
    Monsieur le président, pourrais-je poser une dernière petite question?
    Non, désolé.
    C'est à M. Lévesque.

[Français]

    Vous comprenez maintenant pourquoi je suis aussi fier de représenter les gens de la circonscription d'Abitibi—Baie-James—Nunavik—Eeyou, aussi bien que ceux d'Abitibi-Témiscamingue, d'où vient la rectrice.
    Je dois aussi signaler la présence dans l'assemblée de M. Lemire, qui était auparavant le directeur général du Conseil de développement régional de l'Abitibi-Témiscamingue et qui a constaté, dès les années 1980, la nécessité de reconnaître de nation à nation la participation de toute une société au développement économique.
    J'ai eu l'honneur de travailler avec M. Lemire et je le salue. Je salue également M. Blackned, qui a su donner de son temps, de sa culture et renoncer un peu à sa chasse pour venir témoigner devant nous aujourd'hui. J'espère qu'il nous a ramené un orignal.
    Je salue également Edith.
     Je me promène de la côte est de mon comté, qui est la côte du Labrador, jusqu'à l'ouest des limites de la province de Québec. Dans mon comté, il y a des Algonquins, des Abénakis, des Atikamekw, des Cris, des Inuits, des Naskapis. Ce sont tous de fiers travailleurs qui ne demandent qu'à avoir les outils nécessaires pour se développer. D'ailleurs, avec les quelques outils qu'on a fournis aux Cris — pas tous, mais néanmoins une partie —, tenez-vous bien, le Canada et le Québec vont se développer beaucoup plus rapidement qu'ils ne le font présentement.
    J'ai eu des rapports de M. Blackned et avec l'Université du Québec. Je sais qu'il n'existe pas de données à ce sujet, mais d'après sa connaissance du domaine de l'éducation, M. Blackned pourrait-il dire combien d'étudiants ne peuvent faire des études postsecondaires parce qu'ils doivent s'éloigner de leur foyer ou de leur culture? Parmi ceux qui partent, combien reviennent dans leur communauté pour y travailler?
    Combien en coûte-t-il à la commission scolaire crie lorsque des étudiants acceptent d'aller étudier à l'extérieur?

  (1040)  

[Traduction]

    C'est une bonne question. Je n'ai pas de statistiques sous les yeux. Je vais devoir me fier à ma mémoire.
    La proportion des diplômés qui quittent la collectivité pour fréquenter des établissements postsecondaires -- c'est-à-dire des étudiants qui ont terminé la secondaire cinq -- est de l'ordre de 40 p. 100 ou 50 p. 100 au départ. Comme je vous l'ai déjà expliqué, d'autres voudront attendre un an, deux ans, ou trois ans, avant de poursuivre leurs études postsecondaires. Sur le nombre d'étudiants qui quittent la collectivité et finissent par obtenir un diplôme dans une discipline particulière, 100 p. 100 reviennent à la collectivité. Ils finissent par trouver un emploi qui leur convient, ou quelque chose de semblable, mais la plupart du temps, comme je vous le disais tout à l'heure, cet emploi ne sera pas lié à leur discipline à moins qu'ils n'aient suivi des programmes particuliers, tels que le programme de formation des enseignants.
    Payer les frais de subsistance et de scolarité des enfants qui quittent leur collectivité coûte très cher; cela suppose un investissement assez important. Certaines préoccupations ont justement été soulevées ici concernant le niveau de financement accordé aux étudiants du niveau postsecondaire. À mon avis, les premières nations sont confrontées à cette difficulté dans l'ensemble du Canada.
    À la Commission scolaire crie, nous, aussi, nous sommes confrontés à ce problème de financement. Nous recevons sans arrêt des demandes de fonds additionnels de la part de nos étudiants car, dans certaines localités où ils sont allés faire leurs études, il leur est très difficile de trouver un logement. D'abord, étant donné qu'ils sont membres de premières nations, parfois le propriétaire leur refuse un logement. De plus, ils ont parfois du mal à trouver un logement qu'ils puissent louer pour toute la durée de leurs études, en raison de l'arrivée dans la localité d'un grand nombre d'étudiants non autochtones.
    Certains membres de ma famille ont quitté la collectivité cet automne. Certains ont dû aller ailleurs; après avoir cherché un appartement ou un logement pendant une semaine ou deux, ils se sont vus obligés d'aller dans une autre ville pour faire leurs études, car c'est là qu'ils ont pu obtenir un logement pour la durée de leurs études. Dans ce sens-là, les voyages coûtent cher. Sur notre territoire, le coût des déplacements est faramineux en raison de la distance que doivent parcourir les étudiants.
    Mais à long terme, si l'on tient compte du fait qu'entre 40 et 50 p. 100 quittent la collectivité pour faire leurs études et que 100 p. 100 d'entre eux reviennent pour remplir leurs obligations vis-à-vis de cette même collectivité, à quelque titre que ce soit, c'est tout de même un succès considérable, en ce qui nous concerne.

  (1045)  

    C'est à M. Albrecht maintenant.
    Merci, monsieur le président, et merci à chacun de nos participants.
    J'ai quelques questions générales, mais ensuite j'aurais des questions plus spécifiques.
    Monsieur Whiteduck, vous nous dites qu'un plafond de 2 p. 100 par an s'applique depuis 1997. Pourriez-vous m'aider à comprendre la raison d'être de ce plafond et la raison pour laquelle on l'a établi à ce moment-là? De plus, comment cela se compare-t-il au financement accordé aux non-Autochtones au niveau postsecondaire au Canada? Le savez-vous? Pour ma part, je n'en ai aucune idée.
    Eh bien, au début des années 1990, il a été décidé que le financement ne serait pas accordé en fonction des besoins régionaux.
    Le bureau régional des Affaires indiennes aurait donc la responsabilité de déterminer les besoins, et le financement serait ensuite accordé à chaque région en fonction d'une enveloppe budgétaire bien précise. Ce financement a fini par être bloqué, et tout d'un coup, il a été décidé de ne plus accorder que 2 p. 100 par année pour le coût de la vie -- de base, si vous voulez -- et par conséquent, le financement ne correspondait plus au profil démographique et aux besoins de nos collectivités. Chaque collectivité se faisait attribuer une enveloppe budgétaire; si elle manquait d'argent, elle devait déterminer qui recevrait des fonds en fonction d'une liste de priorité. Les étudiants poursuivant leurs études sans interruption continueraient à recevoir des fonds, etc. Mais cela nous a beaucoup compliqué la tâche, car à ce moment-là, c'était à la collectivité d'apprendre la mauvaise nouvelle à un étudiant qui était peut-être parti. Par exemple, une jeune femme qui était tombée enceinte et avait quitté la collectivité se serait ferait dire un an ou deux plus tard, au moment de vouloir revenir, que son nom était sur une liste d'attente. C'est évident que ce genre de situation suscitait beaucoup de frustration, et les gens finissaient par abandonner.
    S'agissant du financement que peuvent obtenir les étudiants non autochtones, je n'en suis pas très sûr, car ce programme est évidemment administré différemment.
    Pourrais-je vous poser une autre question dans le même ordre d'idées? Je commence à en savoir plus long sur les besoins en matière d'éducation des collectivités autochtones, et des autres provinces.
    Je ne suis pas du Québec. Mais vous dites que la formation professionnelle au Québec est dispensée au niveau secondaire, et qu'on n'a donc pas accès à des programmes postsecondaires de formation professionnelle, notamment au niveau collégial. Pourriez-vous me donner d'autres détails à ce sujet? J'ai du mal à comprendre. Quel type de formation les étudiants autochtones peuvent-ils obtenir au niveau collégial?
    C'est une formation préuniversitaire au niveau collégial.
    Mais il n'y a pas d'écoles de formation professionnelle.
    Si. Par exemple, il existe des programmes dans les domaines des soins infirmiers, de la technologie, etc., et il peut s'agir de programmes de trois ans. Mais quand je parle de formation professionnelle, je parle plutôt des métiers, comme la menuiserie, par exemple. Il pourrait également s'agir d'autres types de compétences professionnelles. Le Collège Algonquin ici à Ottawa dispense tous ces différents programmes au niveau postsecondaire. Donc, les étudiants qui souhaitent... C'est curieux, parce que les collectivités autochtones qui se trouvent près de la frontière de l'Ontario peuvent envoyer leurs étudiants dans ces établissements et obtenir le financement nécessaire en vertu des programmes postsecondaires. Celles qui se trouvent plus loin ne peuvent le faire, cependant.
    Très bien. Merci pour cette explication.
    Et enfin, si on m'accorde encore une demi-minute, madame Bastien, vous avez dit qu'à votre époque, il existait un établissement qui était destiné aux Autochtones, mais que cet établissement fermait ses portes. Pourriez-vous me faire un peu l'historique de cet établissement?
    Il s'agissait du Collège Manitou. Ce collège était situé près de Montréal, entre Montréal et Maniwaki. Il a existé pendant cinq ans et décernait des diplômes collégiaux. C'est assez intéressant, car pour la première fois de notre vie, nous, de jeunes Mi'kmaq, Mohawk, Hurons et Algonquins nous trouvions tous au même endroit. Nous ne nous connaissions pas, car à l'époque, les moyens de communication et de transport n'étaient pas les mêmes. Cela remonte à une trentaine d'années, évidemment. Pour nous, c'était tout à fait nouveau et stimulant, car pour la première fois, nous rencontrions des gens dont la réalité était la même que la nôtre. Je ne savais pas qu'il y avait des Mi'kmaq en Nouvelle-Écosse, et j'ai donc rencontré des personnes intéressantes qui faisaient face aux mêmes difficultés que moi. Et de plus, j'ai appris l'anglais.
    J'ai pu profiter de cette possibilité. Je n'ai fréquenté le collège que pendant un an, parce qu'ils ont décidé de le fermer.
    Voilà justement ma question. Pour quelle raison a-t-on décidé de le fermer? Est-ce parce que les inscriptions ou le financement disponible n'étaient pas suffisants?
    Non. Je pense qu'il s'agissait plutôt d'une décision politique. Telle est mon opinion, mais c'est également l'opinion de beaucoup de gens. Les étudiants du collège s'investissaient beaucoup plus sur le plan politique, et je crois que certains avaient peur de ce phénomène, parce que nous étions assez politisés. Et c'était un collège -- c'est-à-dire le genre d'endroit où la personnalité des jeunes se définit de plus en plus et où ils commencent à se politiser... Vous savez, c'est dans ce genre d'endroit que la culture sociale se développe. Pour moi, cet établissement formait des jeunes qui risqueraient ensuite de troubler certaines institutions.

  (1050)  

    Ce qui est particulièrement ironique, c'est qu'il s'agissait d'une ancienne base de lancement de missiles Bismarck qui avait été donnée aux premières nations, et ces dernières l'avaient acceptée parce qu'elles y voyaient des possibilités intéressantes; mais par la suite, on leur a demandé de partir et on a mis fin au financement. Et si je ne m'abuse, ils l'ont transformée en prison à sécurité moyenne ou minimum où sont justement incarcérés de nombreux membres des premières nations. Ce qu'il y a d'ironique, c'est que si ce collège était resté ouvert, bon nombre des personnes qui se trouvent actuellement en prison n'y seraient probablement pas.
    Avant de lever la séance, je voudrais faire une observation, à savoir que quand je suis retourné dans ma circonscription électorale, j'ai visité le Collège Okanagan. Ils y ont fait quelque chose de fort innovateur pour favoriser la formation professionnelle en ce sens qu'ils ont créé trois unités mobiles. Ils en ont une pour le soudage, une autre pour la plomberie, et une troisième pour l'électricité. Ces unités se déplacent entre les différents collèges. Nous avons une multiplicité de collèges éparpillés dans toute la vallée. Il y a quatre campus, et on a établi un roulement, afin d'éviter de saturer le marché. Ce système donne d'excellents résultats. Vous voudrez peut-être envisager de faire la même chose chez vous, car ces unités peuvent venir directement dans les collectivités, et si vous avez suffisamment d'espace, il est possible de décharger l'équipement et d'exécuter tous les programmes sur place. Il me semble que pour vous, ce serait une possibilité vraiment intéressante.
    Je voudrais remercier tous nos témoins pour vos exposés. Et merci aussi aux membres du comité.
    La séance est levée.