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ENVI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de l'environnement et du développement durable


NUMÉRO 007 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 5 juin 2006

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    Je crois que nous pouvons commencer. Nos autres invités finiront par se joindre à nous.
    Je voudrais souhaiter la bienvenue à notre groupe aujourd'hui.
    Nous étudions le principe de la prudence dans le cadre de notre examen de la LCPE. Je propose que nous commencions. Nous demandons à nos invités de prendre au plus dix minutes pour présenter leurs points de vue, puis il y aura un volet de questions--et autant de volets qu'il le faut pour aller au fond des choses.
    Notre intention--et nous avons ici une personne de la Bibliothèque du Parlement, qui prend diligemment des notes--, c'est d'avoir, à la fin, une proposition concernant les recommandations que nous adressons au gouvernement en ce qui concerne l'examen de la LCPE.
    Nous entendrons d'abord l'Association canadienne du droit de l'environnement. Monsieur Benevides, je vous prie de commencer.
    Je m'appelle Hugh Benevides. Je travaille à l'Association canadienne du droit de l'environnement, ou ACDE, comme je l'appellerai durant mon exposé.
    L'ACDE est un bureau d'aide juridique établi sous le régime des lois de l'Ontario. Nous existons depuis 1970. Notre raison d'être est de représenter les moins nantis de la société dans la mesure où ils ont des besoins liés à l'environnement. Du fait de ce mandat, nous participons également à des activités de réforme du droit et des orientations de l'État aux échelles nationale, provinciale, municipale et internationale.
    L'ACDE, comme vous le savez, est membre de Pollution Watch, projet de collaboration dont le but est la défense de l'environnement. Mon collègue, M. Khatter, vous a rendu visite le 10 mai, je crois. Comme vous le savez, nous avons un site Web--pollutionwatch.org--et nous produisons des rapports périodiques, en puisant largement dans l'inventaire national des rejets de polluants.
    Comme c'était une table ronde qui était prévue, je ne savais pas si je disposerais des dix minutes habituelles. Je vais donc en prendre moins pour formuler quelques remarques préliminaires, toutes se rapportant à la notion de prudence. Bien entendu, c'est un thème qui est lié de très près à presque tous les autres thèmes qui se trouvent dans la loi. J'ai essayé d'en tenir compte, étant donné le sujet qui nous occupe aujourd'hui.
    Je dirais d'abord que la mise en application du principe de la prudence prévu dans la LCPE est un voyage et non pas une destination. Cela dit, on ne se tromperait pas en affirmant que mon groupe souhaite faire le voyage plus rapidement que les autres et en franchir les étapes plus rapidement aussi. Pour aller au coeur de la notion de prudence, disons que les problèmes environnementaux supposent toujours un risque lié à quelque chose qui est toujours présent dans la vie, notamment en rapport avec les questions environnementales, soit l'incertitude. Qui dit risque dit danger. Or, certaines activités comportent un danger intrinsèque. Dans le cas qui nous occupe, celui de la LCPE, le danger intrinsèque est celui de certaines substances. Voici notre vision de la LCPE: pour éviter qu'il y ait tort, il faut veiller à éliminer les dangers en question, avant qu'ils ne soient justement à l'origine d'un tort. Cela va au coeur même des mesures de précaution ou de prudence. Cela suppose que nous menions une réflexion et une action soignées avant d'entreprendre la fabrication et l'utilisation de nouveaux produits chimiques toxiques, ce qui, bien entendu, représente maintenant une obligation éthique prévue en droit international. Cela fait intervenir aussi une obligation concernant les substances déjà utilisées, celles que nous qualifions habituellement de « substances présentes » sous le régime de la LCPE.
    Pour ce qui est des substances présentes, les conclusions tirées par les deux ministères en septembre 2006, après la catégorisation, sont très importantes. J'encourage le comité à suivre de près cette démarche. J'en parlerai un peu plus durant mon exposé.
    La notion de prudence est articulée de plusieurs façons dans les divers traités et lois qui existent. Le droit international continue de privilégier non pas l'une quelconque des définitions proposées, mais plutôt l'esprit de la notion. Comme la synthèse à laquelle vous avez eu droit vous a déjà permis de le voir, la partie de la loi qui porte sur l'application administrative, l'alinéa 2(1)a), le préambule, le paragraphe 6(1.1) et l'article 76.1 parlent tous, expressément, du principe de la prudence. De ce fait, le principe de la prudence peut être interprété comme étant un élément du mandat de la LCPE. Cependant, nous ferions tous un travail utile auprès des responsables, et un travail salutaire du point de vue de l'environnement et de la santé humaine, si nous envisagions, pendant l'examen qui nous est confié ici, une meilleure façon d'articuler la notion dans toute la partie 5 de la loi, comme ailleurs.
    Les propositions formulées par Pollution Watch aux fins de l'examen en question sont liées de très près à l'approche de précaution, dont elles en sont un élément constituant. C'est le lien entre les questions, notamment celle de la prudence, que j'ai mentionnée il y a quelques instants. Exemple: exiger davantage que les promoteurs des projets fournissent des données et des renseignements à ce sujet, et une plus grande participation du public--commencer par exiger que les mêmes renseignements soient rendus publics moins tard dans le processus et de façon plus convaincante.

  (1535)  

    J'aimerais seulement aborder cet après-midi quelques questions qui ont toutes un lien très fort avec la notion de précaution au sens large. Je veux parler brièvement de la manière dont des mesures précoces peuvent être prises à diverses étapes, de la manière dont nous pourrions avoir une plus grande précaution, de la façon dont nous pourrions centrer notre action sur une meilleure prévention, la manière dont nous pourrions protéger de ce fait l'environnement et la santé humaine.
    D'abord, il y a l'étape de la catégorisation. Le comité l'a appris--et, certes, nous qui travaillons dans le milieu de l'environnement le savons: il y a quelque 4 000 substances qui seront désignées comme méritant un suivi à la suite de l'exercice de catégorisation. Techniquement, les substances en question sont celles qui présentent les caractéristiques de la persistance ou de la bioaccumulation, et qui sont intrinsèquement toxiques. Il y en a bon nombre qui présentent au moins deux des caractéristiques en question--intrinsèquement toxiques et persistantes ou bioaccumulatives. Il y a également les substances qui présentent le risque d'exposition le plus grand. Un grand nombre des substances provenant d'un groupe qui, lui, il faut l'avouer, est beaucoup plus grand, soit 23 000 substances, sont énumérées.
    Comme vous le savez, une autre étape--celle de l'évaluation préalable--est prévue dans la loi. Nous utilisons les termes avec beaucoup de soin, car il est facile de confondre les deux étapes en question. Au moment de l'évaluation préalable des risques dont il est question dans la loi, plusieurs questions se posent. Par exemple, on nous dit qu'environ 400 des 4 000 substances ont pour ainsi dire la triple qualification: la persistance, la bioaccumulation et la toxicité intrinsèque.
    Selon Pollution Watch--organisation dont nous faisons partie, projet auquel nous participons--, il faut agir dès que possible pour éliminer toutes ces substances. Par ailleurs, les deux ministères proposeront peut-être des mesures immédiates touchant un sous-ensemble de ces substances. Sur quoi se fonderaient-ils pour agir ainsi? C'est ce que les quelques semaines à venir permettront de mieux voir. Par exemple, il faut voir encore le cas des cancérogènes et des substances dont on sait qu'elles présentent un danger pour la reproduction ou le développement. Quelle que soit la sous-catégorie employée, nous allons proposer que des mesures immédiates soient prises.
    Si je soulève la question, c'est que votre comité se trouve dans une position heureuse, ou peut-être une position compliquée, cela dépend du point de vue que l'on adopte: vous avez pour mandat de réviser le mécanisme de la loi, mais, en même temps, tandis qu'approche le mois de septembre, nous en venons à un moment extrêmement critique de la vie de la LCPE de 1999. Les ministères prendront diverses décisions quant à ce qu'il faut faire des diverses substances en question. À mon avis, plus le comité prend en charge les questions concernant le moment de réaliser les évaluations préalables, les substances visées, et les délais, mieux les Canadiens seront servis.
    Je délaisserai ce sujet pour l'instant, en rappelant qu'il s'agit ici de la vitesse à laquelle nous décidons de franchir les étapes prévues, pour les différentes catégories en jeu. Or, c'est cette vitesse qui définira dans quelle mesure nous appliquons le principe de la prudence à la mise en oeuvre de la loi.
    En rapport avec le sujet suivant, soit la gestion des risques, vous allez vouloir vous demander quels sont les moyens dont disposent les autorités pour agir en rapport avec un sous-ensemble quelconque des substances dangereuses en question. Par exemple, l'article 94 de la Loi permet de prendre un arrêté d'urgence en rapport avec de telles substances. Je crois que cette disposition n'a jamais servi depuis que la loi existe, soit six ans. Par exemple, dans le cas des EDPB, pourquoi la disposition n'a-t-elle pas été employée? Servira-t-elle un jour? Pourquoi? Pourquoi pas? Le délai et la vitesse à laquelle le gouvernement peut et doit agir...

  (1540)  

    Deuxième grande catégorie à la suite du processus, si on veut: les ressources. Je sais que la question a été soulevée au moment de l'exercice de synthèse que vous avez eu avec M. Moffet et M. Glover de Santé Canada. Je crois que les témoins vous ont invité à demander au ministre ce qu'il en est des ressources. Au stade où nous en sommes, je dirais seulement que la question importe, si on veut répondre aux questions que j'ai posées au cours des dernières minutes à propos du délai d'action touchant les substances en question. La question de base est la suivante: avons-nous les moyens qu'il faut pour agir ainsi? Encore une fois, c'est vous qui êtes les mieux placés pour trouver la réponse à ces questions, qu'il s'agisse de faire appel au ministre ou de consulter une autre source.
    Troisièmement, il y a la question du pouvoir discrétionnaire et de la façon de l'adapter. Je n'ai pas eu l'occasion de dire à M. Moffet que j'allais soulever quelques-uns des points qu'il a soulevés lui-même le 15 mai--et que je ne m'attaquais pas à lui, enfin, peut-être que je le fais--mais il a affirmé entre autres que la LCPE est une loi habilitante qui ne nous oblige pas vraiment à adopter toute une série de mesures concrètes. Je crois qu'il a raison et que, pour la plupart des lois en matière d'environnement, c'est le cas. Toute décision envisagée en rapport avec la LCPE exige l'application du principe de prudence.
    La question devient: comment resserrer le pouvoir discrétionnaire des ministres de l'Environnement et de Santé Canada dans les situations où les mesures de précaution les plus urgentes s'imposent? Autrement dit, le pouvoir discrétionnaire existe toujours, mais y aurait-il des cas où il importerait davantage pour nous de restreindre et d'adapter le pouvoir en question, de nous approcher davantage d'une approche obligatoire?
    Je me demande si vous pourriez conclure.
    La dernière observation que je voulais formuler, monsieur le président, quant aux catégories que je souhaitais faire valoir, c'est qu'il existe des obstacles à l'adoption de mesures de prudence--et vous pouvez voir en quoi cela est lié à mon dernier thème--, dans la loi elle-même et dans diverses politiques et directives que les autorités sont tenues d'appliquer. Je serais heureux d'en parler.
    En outre, Pollution Watch préconise l'adoption de dispositions particulières touchant les Grands Lacs, et j'aimerais en faire aussi un thème général.
    Je vous remercie, et je serais heureux de répondre à vos questions--aujourd'hui et tout au long de l'examen.
    Merci.
    Je crois que nous allons entendre les exposés maintenant.
    J'aimerais que les membres du comité sachent que nous allons devoir plier bagages autour de 16 h, mais la mise aux voix devrait se faire très rapidement.
    Je demanderais à nos invités de prendre un autre café; nous allons revenir tout de suite. Nous ne serons pas partis très longtemps.
    Monsieur Lourie, pourriez-vous présenter votre exposé? Ensuite, nous allons peut-être devoir vous quitter pour un bref laps de temps, et je m'en excuse.
    Monsieur le président, pourrions-nous finir les exposés, puis attendre de revenir avant de poser les questions?
    Essayer de faire les deux?
    Oui, si c'est possible.
    Voyons si vous pouvez faire entrer cela dans 15 minutes, car c'est à peu près ce qu'il nous reste.
    Merci, monsieur le président. Je vais faire de mon mieux. Comme vous le savez, j'ai remis au comité une version étoffée de mes remarques. Je vais essayer d'en faire ressortir quelques points.
    Merci de m'accueillir. J'étudie depuis de nombreuses années les questions relatives aux polluants toxiques au Canada, à la fois comme expert-conseil auprès du gouvernement et de l'industrie, et aussi pour le compte des ONG. Durant ma carrière, j'ai fini par beaucoup travailler à la question de la pollution au mercure. Plutôt que de consacrer beaucoup de temps à l'étude de détails précis de la LCPE, je crois qu'il serait utile de donner quelques exemples de pollution au mercure qui, à mon avis, nous permettront de comprendre directement la façon dont le principe de prudence est appliqué ou non. J'ai cru aussi qu'il serait très difficile de traiter de prudence sans traiter aussi de prévention de la pollution, concept qui m'apparaît lié et qui est aussi un élément fondamental de la LCPE.
    Dans le mémoire que j'ai fourni, je fais un rappel du précédent examen de la LCPE, des observations formulées depuis par le commissaire au développement durable et des observations sur le document de synthèse que nous avons devant les yeux.
    Pour résumer très rapidement, il semble qu'il n'y ait pas eu grand-chose qui ait changé depuis le dernier examen de la LCPE. On a fait à l'époque le même genre de remarques que l'on a fait aujourd'hui. De même, le même genre de critiques concernant l'inaction demeure.
    Je dirais que cela entre dans quatre grands thèmes, le premier étant l'absence de leadership au gouvernement fédéral, le deuxième, l'accent mis sur les décisions et les intérêts industriels ou économiques, au détriment des intérêts écologiques, le troisième l'absence de décisions scientifiquement fondées, et le quatrième, l'absence de mise en oeuvre de mesures de prévention de la pollution et de précaution. Il est très difficile de dissocier tout cela, mais je vais aborder quelques-unes de ces questions.
    De même, j'ai décrit quelque peu l'histoire du mercure, qui, de fait, est très intéressante. Depuis longtemps, le Canada fait des recherches sur le mercure et s'active mondialement en rapport avec la question. De fait, il y a quelque 35 ans, nous étions un chef de file en ce qui concerne la recherche sur le mercure et les mesures à adopter pour régler les problèmes causés par le mercure au Canada. Malheureusement, depuis quelque temps, particulièrement depuis dix ans, notre retard s'accentue vraiment. J'ai donné quelques exemples de restrictions et de règlements et d'interdiction de produits qui ont été appliqués dans le monde, mais pas au Canada.
    Si je soulève la question du mercure, c'est qu'il s'agit de l'une des substances toxiques les plus étudiées. Ses effets néfastes font peu de doute. Depuis dix ans, néanmoins, à l'inverse de ce qui se fait dans la majeure partie de l'Europe, aux États-Unis et dans nombre d'autres pays industrialisés, nous n'avons pas encore adopté de règles pour restreindre l'emploi du mercure ou les émissions de mercure.
    À étudier la situation, il me semble que si nous n'arrivons pas à restreindre l'emploi du mercure sous le régime de la LCPE et à appliquer le principe de prudence et la prévention de la pollution, il est peu probable que nous puissions réglementer efficacement quelque substance que ce soit sous le régime de la LCPE. C'est que le mercure est un excellent indicateur des mesures que nous prenons face aux substances toxiques.
    Je ne veux pas trop parler de l'autorité fédérale, du leadership fédéral. Les autres témoins vous en toucheront peut-être un mot. Je soulignerais tout de même que les questions soulevées en rapport avec le terme « cohésion nationale », dans le document de synthèse, donnent lieu à certaines préoccupations. Je crois que, pour une bonne part, la LCPE a eu pour effet de déléguer la responsabilité à d'autres organismes, à d'autres parties et à d'autres instances. De fait, je parle précisément à ce sujet du CCME et du processus pancanadien d'établissement des normes, qui n'ont pas vraiment débouché sur les restrictions et règlements qui existent dans la plupart des autres pays industrialisés. J'ai donc décrit certaines des questions en jeu.

  (1545)  

    Pour parler des raisons, encore une fois--le mercure est pour nous le bon exemple d'un cas où le gouvernement fédéral devrait agir et exercer son pouvoir, car il s'agit d'un polluant atmosphérique transnational. Des questions liées au commerce interprovincial entrent en jeu. C'est importé d'autres pays. Nous avons signé de nombreuses ententes internationales. Le poisson, de responsabilité fédérale, constitue la principale voie d'exposition. Le mercure se trouve également dans les appareils médicaux, responsabilité de Santé Canada. L'Arctique canadien est particulièrement à risque, et nombre de Premières nations dans le Grand Nord vivent avec un niveau de risque nettement supérieur aux normes de l'OMC en ce qui concerne le mercure.
    Tout cela s'appliquant donc au mercure, nous en savons plus sur le mercure que sur à peu près n'importe quelle autre substance. Néanmoins, pour une raison ou pour une autre, au Canada, nous n'arrivons pas à appliquer des concepts comme ceux de la prudence et de la prévention, pour élaborer ne serait-ce qu'une stratégie nationale pour savoir ce que nous allons faire du problème du mercure.
    Il y a dix ans, nous écrivions que le Canada prenait du retard sur le reste du monde industrialisé; dans l'intervalle, peu de choses se sont produites, et je souligne ici que, pour la seule année dernière, 251 lois en rapport avec le mercure ont été adoptées aux États-Unis. Cela, après plusieurs années où les autorités ont adopté des règlements touchant le mercure partout aux États-Unis. Je crois donc qu'il y a certainement lieu de s'inquiéter de telles choses.
    Je vais parler brièvement de prévention de la pollution. C'est une notion qui est mentionnée dans pratiquement tous les documents fédéraux concernant la gestion des substances toxiques. Le CCME assimile la prévention de la pollution à notre politique de gestion des substances toxiques, la LCPE, et pour cause: c'est un concept à la fois simple et puissant. Essentiellement, cela revient à dire qu'il est plus facile de ne pas mettre dans les produits des éléments néfastes que d'essayer d'en contrôler le rejet par la suite.
    Encore une fois, si nous étudions des cas concrets d'implantation--et j'en donne bon nombre ici, mais je vous donne juste un exemple tout de suite, celui des amalgames dentaires comprenant du mercure--, tous les ans, nous importons encore trois millions de grammes de mercure destinés à la dentition des gens. Sous le régime des normes pancanadiennes, plutôt que d'opter pour la prévention de la pollution--même s'il existe des solutions de rechange simples, et même si plus de la moitié des dentistes n'y recourent plus--, nous avons opté pour la lutte au polluant lui-même. Nous avons concocté une ligne directrice volontaire, pour qu'il y ait dans les cabinets des dentistes un petit appareil pour piéger le mercure. Ce n'est pas de la prévention de la pollution; c'est de la lutte au polluant.
    Les interrupteurs à mercure dans les voitures, les thermostats et les thermomètres--voilà autant d'exemples où il serait facile d'appliquer la prévention de la pollution. Les solutions de rechange existent. Elles sont rentables. Elles sont simples.
    Encore une fois, si nous n'y arrivons pas là où il existe des solutions de rechange, là où elles sont rentables, dans les cas où nous savons quoi faire pour réduire la pollution au mercure, la question qu'il faut vraiment se poser est la suivante: comment allons-nous vraiment implanter quelque mesure que ce soit sous le régime de la LCPE, pour lutter contre telle ou telle substance, là où l'incertitude est encore plus grande.
    Cela soulève vraiment la question de la prudence. Comme vous le savez tous sans doute, le principe de précaution ou de prudence est une réaction précise à de l'incertitude. Ce que nous voyons depuis plusieurs années, c'est une application de plus en plus rigide de la gestion des risques et de l'évaluation des risques, mais particulièrement de la gestion des risques, au point où je dirais que, au Canada, notre interprétation de la gestion des risques diffère de celle de la plupart des autres pays. Quand il y a une forme quelconque d'incertitude, même la plus faible qui soit, qu'il s'agisse d'une voie d'exposition, d'une émission ou de la réaction d'un écosystème, cela sert toujours de prétexte pour que l'on n'agisse pas. C'est un grave problème, et c'est là que le principe de prudence entre en jeu.
    Si nous regardons toutes ces choses ensemble, la nécessité pour le gouvernement fédéral de prendre les choses en main, le besoin de recourir à des instruments rentables, par exemple la prévention de la pollution, et la nécessité de mieux comprendre les questions entourant l'incertitude et le risque... particulièrement, nous évoquons encore la notion d'une assise scientifique solide, dans le document de synthèse, et nous voyons qu'il en est question dans les documents fédéraux. En lisant quoi que ce soit sur le sujet, vous constaterez que c'est une notion créée par l'industrie pour créer à dessein de l'incertitude et un doute autour des décisions. Le fait qu'il soit encore question d' « assise scientifique solide » dans la documentation fédérale donne à penser que nous allons vraiment nous engager dans le genre de notion dont se sert l'industrie pour miner à dessein les mesures antipollution.

  (1550)  

    Je crois que cela pose un problème. J'ai sondé quelque 30 personnes de l'industrie, des gouvernements, des ONG, du droit et du milieu universitaire. Les seuls qui prêtaient une légitimité à cette notion, c'était les gens du gouvernement. Même les gens de l'industrie admettaient que c'était une stratégie expressément conçue pour retarder les choses.
    Cela touche à une question particulière qui me cause des problèmes.
    Pour conclure, je crois que les modifications de la LCPE doivent confirmer la responsabilité fédérale en la matière et déterminer la gestion des substances toxiques au Canada. Nous comptons trop sur les efforts volontaires et sur les autres gouvernements. Il y a les allusions aux Premières nations et aux autres mécanismes fédéraux. De toute évidence, cela n'a pas fonctionné par le passé; il n'y a pas de raison de croire que ça va fonctionner à l'avenir. Je crois que l'examen doit faire ressortir les mécanismes qui permettent d'affirmer l'autorité de réglementation fédérale en ce qui concerne la gestion des substances toxiques.
    Pour ce qui est de la prévention de la pollution, nous n'avons pas vraiment utilisé les mécanismes prévus dans la LCPE pour mettre en oeuvre la prévention de la pollution, même dans les cas les plus évidents et les plus rentables. La LCPE doit être renforcée d'une manière ou d'une autre, à cet égard, de sorte qu'Environnement Canada dispose expressément du pouvoir nécessaire pour instaurer la prévention de la pollution.
    Enfin, à propos de la prudence et du risque, je dirais que la LCPE n'a pas facilité du tout l'adoption de mesures de précaution au Canada, particulièrement en ce qui concerne la gestion des substance. Si nous ne nous attaquons pas aux obstacles inhérents au principe de prudence, particulièrement à notre application rigide de la gestion des risques et à des concepts erronés comme l'« assise scientifique solide », je ne crois vraiment pas que nous puissions atteindre nos buts.
    Peut-être que le gouvernement fédéral devrait exiger d'Environnement Canada et de Santé Canada qu'ils préparent, sous une forme ou une autre, une ligne directrice interne sur la manière de comprendre et d'intégrer la notion d'incertitude. Cela orientera peut-être les décisions. Nous devons nous assurer que l'incertitude ne sert pas de prétexte à l'inaction et que nous appliquons vraiment le principe de prudence.
    Parmi les lois d'un ensemble de pays, j'imaginerais que la LCPE serait probablement la moins bonne pour ce qui est de l'application du principe de prudence au cas des substances toxiques.
    Je serais heureux de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup.

  (1555)  

    Merci beaucoup.
    Monsieur Stoffman, nous vous donnerons quatre ou cinq minutes, puis nous allons partir.
    De fait, vous disposez de sept minutes; le greffier dit que nous pouvons y arriver.
    Merci beaucoup de m'inviter à présenter un exposé au nom de la Stratégie canadienne de lutte contre le cancer. Je suis le président du Comité national sur les expositions environnementales et professionnelles, qui travaille sous l'égide de la Stratégie canadienne de lutte contre le cancer.
    Il y a environ un an, à l'automne 2005, nous avons présenté un mémoire sur la LCPE de 1999 et formulé plusieurs recommandations que le comité aurait fait circuler. Quand on m'a demandé de venir témoigner aujourd'hui plus particulièrement en rapport avec le principe de prudence, je savais pourquoi--en vérité, c'est le principe qui sous-tend toute action--ou inaction, selon le point de vue qu'on adopte--pour ce qui touche la prudence face aux préoccupations touchant l'environnement ou la santé au travail.
    De fait, l'application du principe de prudence sous-tend toutes les recommandations que nous associons à la Stratégie canadienne de lutte contre le cancer en rapport avec la LCPE et en rapport avec la restriction ou l'élimination de cancérogènes reconnus dans notre environnement. Nous incluons le milieu de travail dans l'environnement, bien entendu, car nous couvrons les deux.
    Nous ciblons deux domaines en ce qui concerne les recommandations que nous formulons à l'intention du gouvernement, de l'industrie, des autres ordres de gouvernement et du milieu du travail, et des autres ONG. Il s'agit, premièrement, de programmes pour la prévention de la pollution, particulièrement pour repérer et classer les agents cancérogènes pour l'homme; et des mesures instituant la divulgation de la présence, de l'utilisation ou du rejet de cancérogènes classifiés comme tels dans les collectivités du Canada et dans l'environnement du Canada.
    Nous l'avons dit: tant et aussi longtemps que vous et le public ne comprendrez pas clairement ce que peuvent représenter les expositions en question--leur nature, la nature du risque qu'elles comportent--, de toute évidence, les orientations devant être adoptées ne seront ni comprises ni appuyées. D'après ce que nous avons pu découvrir, plus le grand public est renseigné à cet égard, plus il exige des orientations favorables à la protection de la santé humaine contre les cancérogènes de l'environnement ou, tant qu'à y être, les cancérogènes présents dans les biens de consommation et ainsi de suite.
    Il y a eu, visiblement, un débat prolongé sur le degré de gravité des risques associés aux expositions environnementales--et il y aura toujours un débat sur la détermination exacte des pourcentages de cancers au Canada attribuables aux expositions environnementales ou professionnelles. De fait, dans un document très utile et très éclairant publié il y a un an à propos des cancérogènes dans l'environnement, Action Cancer Ontario a déterminé qu'il est à peu près impossible d'établir des preuves irréfutables du tort ou du cancer causé par une exposition environnementale. Cela ne veut pas dire que vous ne trouverez aucune preuve; des preuves, il y a en a toujours, mais vous n'avez pas à établir de preuve irréfutable.
    Les auteurs du document ajoutaient que, malgré ce fait--ou en raison de ce fait, pourrait-on dire--, il devient nécessaire d'appliquer des méthodes comme celles du principe de prudence pour commencer à restreindre et éliminer plusieurs des menaces très importantes et très graves pour notre environnement et notre santé en ce qui concerne les expositions environnementales. En particulier, ils ont parlé des sous-produits de l'eau potable chlorée, de l'exposition au radon, des polluants atmosphériques associés au gazole, de certains insecticides et des métaux lourds.
    Autrement dit, ce qu'ils ont dit et ce que nous disons nous-mêmes, c'est qu'il est possible d'établir un ordre de priorité. Il n'est pas question de quelque 40 000 composés chimiques dont il faudrait régler immédiatement le cas au moyen du principe de prudence. Aucun gouvernement ne sera en mesure de faire cela, nous n'en avons pas les moyens, et les gens vont demander comment on établit un ordre de priorité.
    Un des éléments que nous avons classés, établis par ordre de priorité, ce sont les produits cancérogènes pour les humains. Ils sont classés par l'Organisation mondiale de la santé et ils sont également énumérés dans nos lois, fédérales et provinciales, en ce qui concerne non seulement l'environnement, mais aussi tous les règlements sur la santé au travail, à titre de cancérogènes connus auxquels le degré d'exposition, dans toute la mesure du possible, devrait être ramené à zéro. Quand vous appliquez cela à l'environnement, vous appliquez le principe de prudence d'une certaine façon, d'une façon ciblée.
    Encore une fois, nombreux sont ceux qui avanceront que les preuves justifiant un passage à l'action sont insuffisantes. Nous renversons la proposition--nous disons que les orientations gouvernementales et la prévention primaire reposent sur des données limitées et sur la nécessité de mesures de précaution. Nous avons cité une exception de l'Union européenne, soit l'adoption par la commission européenne d'une définition du principe de précaution.

  (1600)  

    Vous l'avez entendu à maintes reprises. Essentiellement, dès lors qu'on dispose d'éléments scientifiques viables prouvant qu'une substance chimique peut avoir des effets néfastes sur la santé humaine ou sur l'environnement, mais qu'il subsiste encore des incertitudes scientifiques quant à la nature précise ou à l'ampleur du dommage potentiel, la prise de décisions doit être guidée par la précaution afin d'éviter les dommages à la santé humaine et à l'environnement.
    Un certain nombre de très éminents scientifiques canadiens ont traité de la question aussi. Au Canada, par exemple, le président d'Action cancer Ontario, le Dr Terry Sullivan, a révélé, dans Insight on Cancer: « les gouvernements peuvent choisir d'aller au-delà des preuves existantes et être guidés par un éventail de principes...» Puis, parlant du principe de prudence, il invoque une « tradition en matière de santé publique, qui, au Canada, par l'intermédiaire de la Cour suprême, a donné aux municipalités le pouvoir d'interdire les pesticides » pour parler de l'application du principe de précaution en tant qu'usage établi.
    Le Dr Tony Miller, professeur émérite à l'Université de Toronto et un collègue à moi, membre de notre comité, a su le dire d'une façon on ne peut plus claire: « les cancers qui peuvent être évités, mais qui ne le sont pas, constituent un préjudice potentiel du non-respect de ce principe .» Voilà un fait qu'il n'est pas difficile de saisir.
    Le Dr Donald Wigle, anciennement de Santé Canada et maintenant au Centre R. Samuel McLaughlin d'évaluation du risque pour la santé des populations, a cité Horace Krever et la commission canadienne sur le système d'approvisionnement en sang, qui a reformulé lui-même le principe de précaution:
« Si on a des preuves raisonnables d'une menace imminente à la santé publique, il ne faut pas attendre d'avoir des preuves strictes de l'existence d'un rapport de cause à effet avant de prendre les mesures nécessaires pour contrer ce danger. »
    Au Canada, il y a non seulement tout un débat autour de ce principe, mais je crois qu'il y a aussi deux citations de la Commission européenne qui nous éclaireraient particulièrement. Une est l'affirmation selon laquelle l'application du principe en question représente en fait l'élément central de la politique de la Communauté. Les termes sont tirés de la documentation de l'Union européenne. Il y a une situation qui me semble particulièrement pertinente: « c'était dans les situations où les effets négatifs se faisaient sentir très longtemps après l'exposition... »...
    J'invoque le règlement, monsieur le président. Il nous reste cinq minutes pour nous rendre à la Chambre. Étant donné les capacités différentes et les vitesses de marche différentes des membres, je crois que nous devrions mettre fin à la séance.
    J'ai du temps devant moi. Si vous voulez que je finisse à votre retour, cela me convient tout à fait. Merci.
    Très bien. Nous vous laisserons conclure.
    Oui, vous pouvez marcher très lentement. Le tunnel n'est pas loin. Si vous n'y arrivez pas en deux minutes, vous avez des problèmes.

    


    

  (1635)  

    Nous recommençons à nouveau.
    Monsieur Stoffman, je crois que vous étiez sur le point de clore votre exposé.
    Plus l'incertitude est grande, plus il vous faut prendre les mesures de précaution pour y pallier, ce qui peut sembler être le gros bon sens du point de vue du commun des mortels. Quand vous ne savez pas en quoi consiste le problème, vous devez faire attention. Si vous n'êtes pas certain du fait qu'il n'y ait aucun problème, vous devez en tenir compte. Ce n'est que de la prudence. Du point de vue de la santé publique, comme il est question d'un mandat que le public s'attend à voir réalisé, cela devient une nécessité.
    Je voudrais aborder deux autres questions très rapidement, questions qui seront manifestement toujours là en arrière-plan durant tout le débat sur la façon d'appliquer cette forme de gestion des risques--ce sont les études coûts-avantages et la rigueur plus ou moins grande de la démarche scientifique.
    Premièrement, pour ce qui est des études coûts-avantages, si vous passez en revue les facteurs inhérents au principe de prudence, vous remarquerez que, parfois, la notion de « mesures effectives » (du point de vue des coûts) figure dans la définition, mais pas toujours. Il y a eu toutes sortes de débats--certains importants, d'autres, moins--visant à savoir s'il faut intégrer la définition de telles notions. Évidemment, une administration l'envisagera toujours. Cependant, il faut voir cela dans un certain contexte. Encore une fois, je cite l'Union européenne:
L'examen des avantages et des charges ne peut pas se réduire seulement à une analyse économique coûts-avantages. Il est plus vaste dans sa portée, intégrant des considérations non économiques. [...] La Commission affirme que les exigences liées à la protection de la santé publique, conformément à la jurisprudence de la Cour, devraient incontestablement se voir reconnaître un caractère prépondérant par rapport aux considérations économiques.
    La Commission a ensuite fait valoir--et c'est une affirmation que les responsables de la Stratégie canadienne de lutte contre le cancer, et particulièrement notre comité de prévention primaire, ont avalisé et aimeraient voir appliquée partout au Canada--que tous les agents cancérogènes, agents génotoxiques et substances potentiellement nuisibles à la reproduction, y compris les substances chimiques perturbatrices du système endocrinien, des groupes 1 et 2 sont très préoccupants, que leurs seuils d'absorption quotidienne sont inacceptables et qu'ils nécessitent une autorisation stricte avant leur utilisation.
    Voilà la position de l'UE, qui a adopté des lois et des directives à cet égard. Plusieurs États, aux États-Unis, ont fait de même et emprunté ce chemin. Le Canada est probablement en retard sur toutes ces instances territoriales qui adoptent des mesures proactives face à ces groupes de composés chimiques en particulier.
    La question des données scientifiques, qu'elles soient rigoureuses ou irréfutables, est la dernière chose dont je voudrais parler. Essentiellement, notre comité est un comité tripartite. Nous comptons des représentants de l'industrie, du milieu syndical, du monde universitaire et d'organismes parapublics comme la CSPAAT. Nous sommes appuyés par Santé Canada et l'Agence de santé publique du Canada. La Société canadienne du cancer et plusieurs de ses organismes affiliés jouent un grand rôle au sein du comité.
    Quand nous avons présenté au conseil directeur de la Stratégie un document de 100 pages et deux douzaines environ de recommandations clés, le sujet dont les membres voulaient parler, c'était le principe de prudence. Même au sein de ce conseil directeur, composé d'abord et avant tout de spécialistes des sciences de la santé, la signification du terme demeurait incertaine. Il a fallu discuter de la question, comme nous le faisons aujourd'hui, pour en dégager le sens. Il n'est pas question ici d'affirmer que, pour agir, nous n'avons nullement besoin de preuves. Nous disons que là où le tort éventuel est important, il faut agir, même si les preuves ne sont pas irréfutables. Et il y aura toujours le contre-raisonnement -- quelle que soit la question -- pour presque n'importe quelle substance préoccupante. La question devient alors: convient-il d'agir?
    Si nous devons avoir au Canada une orientation à cet égard, faisons de la planification de la prévention de la pollution une obligation réglementaire. Nous devons étudier le cas de certains des groupes de composés chimiques ayant été désignés. Il s'agit des agents cancérogènes, des toxines nuisibles à la reproduction, par exemple--voilà, clairement, deux catégories de composés dont il faut tenir compte.
    Lorsque vous avez l'occasion, de jour en jour, de lire une série d'articles dans le Globe and Mail, sur le syndrome de choc toxique ou quoi que ce soit d'autre, qui a attiré l'attention de nombreuses personnes la semaine dernière, j'en suis sûr, si vous lisez soigneusement les séries en question. vous vous apercevez qu'il était beaucoup question des catégories de composés en question. Voilà le plus grand souci des Canadiens. C'est là que les mesures de précaution se justifient le plus, car les composés en question peuvent avoir d'importants effets chroniques à long terme, mais qui n'ont pas encore été pleinement recensés. Dans les cas où il y a un tel degré d'incertitude et que les conséquences pour la santé sont à ce point importantes, il faut agir et non pas se contenter d'attendre que tous les éléments de preuve soient recueillis.

  (1640)  

    La restriction de la fumée de tabac ambiante représente un exemple de l'application du principe de prudence au Canada, et c'est tout le pays et toutes les instances qui sont en faveur aujourd'hui. Il y a au fond de la pièce une affiche qui explique la loi sur le tabagisme au travail. Je la regardais pendant la pause. Voilà un exemple de l'application du principe de prudence face à l'incertitude et à des preuves équivoques. Nous savons tous qu'il existe une quantité d'éléments de preuve concernant le tabagisme et le cancer et d'autres maladies, mais si vous demandez à n'importe quel spécialiste des sciences de la santé si les preuves concernant la fumée secondaire sont irréfutables, il répondra que non, elles ne le sont pas.
    Les gens sont nombreux à dire: je sais que le risque pour moi de mourir d'un cancer si, à l'occasion, j'arrive dans une pièce et que quelqu'un fume une cigarette n'est pas très important, mais, tout de même, il existe--et il y a des gens qui en sont morts. Nous avons donc pris une mesure de précaution, du point de vue des orientations gouvernementales et des lois, à l'encontre de cette substance.
    Or, il est absurde de constater que les substances mêmes que contient la fumée de cigarette sont émises en grandes quantités ailleurs dans les collectivités du Canada, comme en font foi les données recueillies sous le régime de la LCPE. Les aldéhydes, les formaldéhydes, les composés aromatiques polycycliques--ne pas les réglementer tout en appliquant le principe de la prévention de la pollution à la fumée secondaire, voilà qui est absurde.
    Merci. Je m'arrêterai là.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Moffet, avez-vous quelque chose à ajouter en rapport avec ce qu'ont dit nos témoins, avant que nous passions aux questions?
    Je serais parfaitement heureux de répondre à vos questions. Je crois que les membres ont bien hâte de poser des questions, et je serai heureux de répondre à toute question qu'ils veulent poser.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Godfrey.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Ce que j'aimerais faire, pour aider M. Moffet à répondre et aussi pour donner aux autres témoins l'occasion de parler de l'exemple du mercure, qui semble assez bien établi pour ce qui est des dangers pour la population... J'ai quelques questions à poser, que j'adresserais à M. Lourie ou à l'un quelconque de ses associés. Étant donné que nous en savons tant sur les effets néfastes du mercure, pourquoi est-ce que nous n'avons pas, dans ce cas particulier, appliqué le principe de précaution? Voilà le problème.
    Deuxièmement, y a-t-il un problème de délai? Est-ce un problème au sens où il n'y aurait pas suffisamment de pressions pour qu'on s'engage? J'aimerais qu'on m'explique un peu mieux pourquoi nous n'avons rien fait dans ce cas élémentaire que représente le mercure, puis j'aimerais que M. Moffet réagisse aux réponses données par les autres témoins.
    Je peux m'essayer.

  (1645)  

    Mais oui, allez-y. C'est votre thèse de doctorat.
    Je crois que c'est une bonne question à poser. Je crois que, pour une bonne part, cela nous ramène aux procédés décisionnels et au fait que l'on s'attendrait à ce que le Canada agisse d'une manière ou d'une autre. Si vous regardez les autres territoires qui se sont attaqués au cas du mercure, le plus souvent, une fois le problème reconnu et les données scientifiques établies, il existe un mécanisme pour que des mesures concrètes soient prises. Dans la plupart des cas, c'est le gouvernement fédéral qui entre en jeu. Aux États-Unis, c'est le gouvernement de l'État, la plupart du temps. Je crois que là où il existe une autorité reconnue qui dispose des données... Et c'est vraiment la question du poids de la preuve qui entre en ligne de compte; le poids de la preuve est un élément important du principe de prudence.
    Au Canada, nous avons d'abord constaté les émissions, puis nous avons constaté la circulation des substances, y a-t-il preuve que les substances se déposent? Y a-t-il preuve de l'absorption biologique? De la voie d'exposition? Étape par étape, il nous faut de plus en plus de preuves. Chaque fois qu'un autre élément de preuve est requis, typiquement, ceux qui souhaitaient qu'on n'agisse pas en rapport avec le mercure demandaient qu'il y ait davantage de preuves. Il y avait toujours de l'incertitude, il y avait toujours un manque de preuve, ou un manque de preuve du point de vue de l'industrie. Alors, même s'il y a cette preuve accablante, je peux seulement expliquer cela en disant que nous avons créé des systèmes de gestion des risques qui, essentiellement, ne nous permettent pas d'agir. Il faut peut-être ajouter à cela la tendance qu'a le gouvernement fédéral à créer des entités de concertation nationales où tout le monde doit s'entendre, par exemple le CCME, qui n'a pas vraiment fonctionné.
    J'aimerais savoir si, selon M. Moffet, cela se tient.
    Si quoi se tient?
    J'aimerais savoir si les gens qui souhaitent ralentir le processus--non pas par intérêt pour la démarche scientifique, mais parce qu'ils ont un intérêt dans l'affaire et souhaitent retarder la décision--ont trouvé dans la LCPE un mécanisme d'action, alors que d'autres administrations semblent s'attaquer à la question beaucoup plus rapidement. Il me semble que l'argument contre le mercure est si accablant.
    Je vais vous donner une réponse indirecte: je crois qu'il importe de distinguer, d'une part, ce que dit la loi et ce qu'elle exige du gouvernement ou ce qu'elle nous permet de faire et, d'autre part, la façon dont les pouvoirs publics, aujourd'hui comme hier, ont appliqué la loi dans les faits.
    Pour répondre à votre question, personnellement, je ne vois rien dans la LCPE qui nous empêcherait d'agir comme Bruce souhaiterait nous voir agir.
    Pourquoi ne l'avons-nous pas fait? Fondamentalement, j'avancerais que ce sont des décisions politiques. Pour ce qui est du leadership fédéral, la loi nous habilite à nous attaquer à toute une série de questions. La mesure dans laquelle nous avons choisi et que nous allons choisir, d'exercer le pouvoir en question demeure une décision politique. Il ne m'appartient pas de dire si nous avons eu tort ou raison. J'essaie de faire la distinction entre ce que prévoit la loi et la façon dont elle a été mise en oeuvre.
    De même, quant à savoir jusqu'à quel point Environnement Canada ou Santé Canada ont bien appliqué au principe de prudence, je ne vois rien dans la LCPE qui empêche les ministères ou les ministres de prendre des décisions axées sur la prudence.
    L'observation faite au sujet de la consultation des intervenants par le ministère est juste. On peut bien en arriver à croire que les procédés ainsi établis--qui ne sont pas prévus dans la LCPE et qui relèvent d'une décision touchant la mise en oeuvre--peuvent parfois prendre un aspect circulaire et s'assimiler au nivellement par le bas. Rien dans la LCPE ne les impose. Rien dans la LCPE n'empêche le ministre d'affirmer: quoi qu'il en soit, voici la décision.
    D'accord, pour...
    M. Benevides a une question à poser. Voulez-vous y aller tout de suite?
    Oui, je vous en prie. Je note que le mercure, au moment de l'édiction de la LCPE en 1999, figurait au huitième rang dans la liste des substances toxiques, ce qui montre clairement qu'il est là depuis un bon moment.
    La deuxième observation, c'est qu'il y a un écart--des substances qui figuraient déjà dans la liste au moment où la loi a été édictée, mais qui ne sont pas visées par les délais que nous appliquons maintenant. Une substance que l'on ajoute demain sera visée par quelques-uns des rares délais que prévoit la loi pour l'adoption d'une mesure.
    Voilà, évidemment, la raison technique pour laquelle aucune mesure n'a été prise, mais, bien entendu, M. Moffet a raison de dire que la vieille réponse--celle de la volonté politique--est la bonne. J'ai peut-être été poli en centrant la discussion sur l'idée de resserrer le pouvoir discrétionnaire de la loi, du point de vue de la prudence, car il faut vraiment s'attaquer au problème du manque de volonté. C'est pourquoi je demandais comment nous pourrions modifier la loi de manière à exiger de pouvoir agir dans de plus nombreux cas en rapport avec des substances comme celles-là.

  (1650)  

    Est-ce qu'une modification des termes suffirait--remplacer un « may » par un « shall »? Est-ce aussi simple que cela?
    Bien sûr. Je laisserai Bruce répondre à la question portant sur le mercure, étant donné les diverses situations qui se présentent, mais je crois que dans le cas des commutateurs à mercure... Le contexte variera, mais...
    Je crois que c'est juste, et je suis d'accord avec John quand il dit qu'il semble y avoir quelque chose, du point de vue de la volonté politique, qui fait défaut. D'une façon ou d'une autre, la volonté politique semble s'être disséminée dans la bureaucratie.
    Le but que je me donne depuis dix ans, c'est de trouver une façon d'éliminer le mercure de l'environnement. Alors, nous nous adressions à Environnement Canada et demandions: pourquoi ne pas éliminer le mercure des thermomètres dans les maisons? La plupart des autres pays le font. On répondait: eh bien, c'est le problème de Santé Canada--pourquoi ne vous adressez-vous pas à Santé Canada? Nous allions voir Santé Canada, qui disait: bien, vous savez, tant que le mercure demeure dans le thermomètre, ce n'est pas dangereux; c'est donc le problème d'Environnement Canada, une fois le thermomètre brisé. Nous voilà donc de retour à Environnement Canada, où on dit: eh bien, nous ne pouvons pas vraiment nous attaquer à cette question parce que nous n'avons pas le pouvoir voulu--apparemment, tout le pouvoir se trouve dans la LCPE. Alors, si tout pouvoir se trouve dans la LCPE, pourquoi ne sert-il pas?
    Malheureusement, il faut qu'une partie de la responsabilité nous revienne à nous, en tant qu'intervenants du gouvernement, au moment de savoir pourquoi le pouvoir n'est pas appliqué. Je ne suis pas avocat; ce n'est pas mon travail d'essayer de voir pourquoi le pouvoir n'est pas exercé. Je sais qu'il ne l'est pas; c'est clair. J'essaie seulement de souligner les nombreux cas où il faudrait qu'il soit exercé, mais qu'il ne l'est pas.
    Monsieur Stoffman, voulez-vous intervenir?
    À mon avis, ce qui est d'une évidence criante au Canada, par rapport à d'autres instances--les États-Unis et l'Europe en particulier, mais aussi l'Asie, où le Japon pourrait être un autre exemple--c'est l'inattention entière et totale portée à la question--et il n'y a pas eu de décision administrative ou politique pour dire: nous allons restreindre l'utilisation de certains groupes de composés dangereux; nous allons soit en bannir l'utilisation, soit imposer dans leur cas la prévention de la pollution.
    Il n'est pas difficile de déterminer de quelles substances il s'agit ni quelles instances ont agi ailleurs. Elles ont agi parce qu'elles n'arrivaient pas à déterminer ce qui représente un niveau d'exposition sécuritaire, il y a trop d'incertitudes. Les agents cancérogènes en sont un exemple: ils figurent dans les lois sur la santé au travail depuis des décennies. Il y a au Canada des lois provinciales qui exigent carrément qu'autre chose leur soit substituée. Le mercure serait un exemple, s'il est classé parmi les agents cancérogènes ou les toxines nuisibles à la reproduction. Vous prévoyez le cas de certains groupes de composés dès le départ, de manière que le pouvoir discrétionnaire ne s'applique pas à tout ce qui bouge... Bien, où est la volonté politique? Y a-t-il un consensus parmi les intervenants? C'est un beau plan pour paralyser les choses. Il n'y a pas de leadership au Canada à cet égard.
    Le mercure est un bon exemple. Nous savons tous qu'il constitue un danger pour la reproduction. Nous savons tous que c'est un métal lourd, une neurotoxine terrible; et je crois qu'il figure également parmi les agents cancérogènes. Merveilleux! Il y a donc trois prises contre le mercure. Mais nous n'avons pas de loi contre le mercure. Pourquoi pas? Le public est scandalisé; il présume que nous en avions une.
    Par exemple, en Colombie-Britannique, dans l'Okanagan--d'où je viens--, plusieurs enseignants et élèves sont malades d'avoir été exposés au mercure provenant de thermomètres brisés dans les laboratoires des écoles. C'est un incident qui s'est produit localement, dans la province, qui a été signalé dans les médias et ainsi de suite. Pourquoi? Les gens sont scandalisés. Les parents disent: eh bien, pourquoi utilise-t-on du mercure dans les laboratoires des enfants? Bien entendu, ça va tomber. Ce sont des enfants. C'est absurde. Nous interdisons que certaines choses soient utilisées dans les bijoux pour enfants. Nous interdisons l'utilisation de plomb dans les bijoux pour enfants, mais il y en a ailleurs.
    Qu'il y ait volonté politique ou non--et je suis d'accord pour dire que, historiquement, il n'y en a pas eu--, nous devons restreindre le pouvoir discrétionnaire et libérer les hommes politiques de l'obligation de devoir recourir à la volonté politique en rapport avec chacune de ces questions. Car vous vous dites: d'accord, pour ce groupe, comme les Européens ou certains États américains l'ont fait--les génotoxines en sont un exemple... L'industrie est d'accord. De vastes segments de l'industrie des produits chimiques sont d'accord. Ce sont les gens avec lesquels je travaille. Ils disent qu'ils sont d'accord pour qu'on élimine ces substances. Mais le pouvoir discrétionnaire politique est devenu un empêchement.

  (1655)  

    Merci.
    Monsieur Lussier, je voudrais vous avertir du fait qu'il y a ici une petite boîte grise qui vous chronomètre. Alors, en cas de différends, j'ai le chrono.
    Voilà que 12 minutes et 34 secondes viennent de s'écouler...
    Mais ces 12 minutes étaient excellentes.
    Ces 12 minutes étaient excellentes, oui.
    De toute façon, ça ne vise qu'à faire peur aux gens.
    Allez-y, monsieur Lussier.

[Français]

    En vertu du principe de précaution, on a interdit la fumée du tabac dans plusieurs municipalités et plusieurs provinces. Ensuite, grâce à un jugement de la Cour suprême, on a limité l'utilisation de pesticides sur les gazons dans plusieurs municipalités du Québec.
    Que doit-on penser de la chloration de l'eau? On sait depuis de nombreuses années qu'il y a des produits et des sous-produits cancérigènes. Doit-on appliquer le principe de précaution aux municipalités qui utilisent la chloration?

[Traduction]

    Puis-je répondre?
    Merci de poser la question. Oui, nous devrions. Comme je l'ai déjà dit, le principe de prudence est une forme de gestion des risques; il n'y a pas qu'une seule forme possible--par exemple, l'interdiction. Il y a diverses mesures que vous pouvez prendre dans le contexte de la prudence, allant de l'adoption de règles relatives à l'étiquetage à l'interdiction pure et simple d'une substance.
    Vous avez raison. Le Québec, je crois, est sur le point d'appliquer une loi interdisant la vente de pesticides utilisés à des fins cosmétiques. Cela s'applique au grand public comme à chaque quincaillerie qui se trouve dans la province. C'est la loi la plus avancée qui soit en la matière au pays, et de loin, parmi toutes les provinces. Je crois que ce sera l'an prochain au Québec. C'est un fait que nous avons noté dans notre examen des pratiques exemplaires qui devraient être envisagées et adoptées par d'autres municipalités et provinces au pays.
    Quant aux sous-produits de la chloration, évidemment, la chloration de l'eau destinée à la consommation est importante pour enrayer les maladies infectieuses, alors vous ne dites pas tout de go: nous allons interdire toute chloration de l'eau. Ce que vous regardez, c'est les précautions qui ont été prises ailleurs et ce que vous pouvez prendre pour... Il ne s'agit pas de dire: réduisons au minimum les torts causés; plutôt, il s'agit de dire: éliminons le tort s'il est possible de le faire; sinon, comment faire pour le réduire au minimum?
    Par exemple, il existe des entreprises canadiennes qui sont des chefs de file mondiaux en production de systèmes de filtration qui, de fait, sont aussi efficaces que la chloration pour réduire les infections, la présence de micro-organismes dans l'eau potable. Certains pays d'Europe et certaines villes d'Europe ont adopté les procédés en question, et ce sont des choses dont il faudrait faire la promotion. On pourrait se donner une stratégie fédérale à cet égard.
    De fait, quand il est question de transfert de fonds au profit des municipalités--et on a dit dans les médias, hier, que le gouvernement en place le fait--, il faudrait le faire à condition que les municipalités étudient ce qu'il en coûterait pour adopter les systèmes de filtration en question afin de réduire la chloration de l'eau potable dans nos collectivités.
    Le traitement à l'ozone est un autre exemple. Ce sont des procédés qui coûtent cher. Est-ce impossible? Non. Y a-t-il eu volonté d'y recourir? Dans certaines régions du monde, oui. Au Canada, non. De fait, il est paradoxal de constater que ce sont des entreprises canadiennes qui sont à l'avant-garde dans ces domaines techniques.
    Le gouvernement canadien devrait donc dire: nous allons subventionner la municipalité qui recourt à ce procédé et nous allons révéler au public que ces procédés réduisent votre exposition aux agents cancérogènes pour les vessies. Si le public le savait, il serait peut-être prêt à assumer une taxe foncière plus élevée, pour financer un tel système municipal, mais la discussion n'a même pas lieu.

[Français]

    Je voulais plus précisément savoir si on devait obliger les municipalités qui ont recours au chlore à annoncer que leur eau potable est porteuse d'agents cancérigènes.

[Traduction]

    Cela se fait. Dans l'État de New York, je crois qu'ils le font. Je crois que les Américains ont adopté des lois sur l'eau potable qui font que cela doit se faire tous les ans. Souvent, il s'agit de fournisseurs du secteur privé. Ma soeur habitait New York; j'ai donc pu voir son relevé. Tous les ans, on envoyait un relevé sur l'eau potable, sur les métaux lourds et agents cancérogènes qui s'y trouvaient et dans quelle concentration, en disant si c'était supérieur ou inférieur à la limite et ainsi de suite. Vous parlez donc du droit de savoir de la collectivité. Plus le public en sait, à mon avis, plus nous pouvons avoir une discussion éclairée sur les mesures de précaution à prendre.

  (1700)  

[Français]

    Ma prochaine question s'adresse à M. Lourie.
    Les études sur le mercure chez les Autochtones de la Baie-James étaient très avancées il y a 15 ou 20 ans. Or, selon ce que je comprends de votre rapport, on aurait laissé tomber ces études. Est-ce exact?

[Traduction]

    Il y a des études qu'il reste à achever là-dessus. Je crois que c'est plus compliqué pour les effets du mercure provenant de barrages hydroélectriques et pour les effets sur les Premières nations. Je crois que nous avons dû faire là un grand compromis du point de vue de la santé, en reconnaissant que le gagne-pain et la subsistance culturelle des gens avaient tout autant d'importance que leur santé, du moins que c'était un aspect de leur santé. De fait, ce qui est arrivé au Canada, c'est que nous avons permis que les Autochtones, dans le poisson qu'ils consommaient, ingèrent des concentrations de mercure nettement supérieures aux normes internationales, pour ne pas compromettre leurs valeurs culturelles.

[Français]

    Par contre, on ne fait plus d'études, n'est-ce pas?

[Traduction]

    Nous n'avons probablement pas besoin d'autres études. Nous savons quoi faire. En ce moment, particulièrement dans le Nord, nous sommes témoins d'une concentration croissante provenant non seulement des barrages hydroélectriques, mais aussi des émissions actives de mercure provenant de centrales thermiques et d'autres installations.
    Le cas de l'hydroélectricité est un peu différent, au sens où il y a beaucoup de mercure au début, puis un déclin au fil du temps. Hydro-Québec fait beaucoup de recherches là-dessus, et a démontré que le mercure décline au fil du temps.
    Il vous reste trois minutes.
    Je vends mes trois minutes à ce monsieur.
    Monsieur Cullen.
    Merci, messieurs, de me donner ainsi l'occasion de parler.
    C'est une des journées où je souhaiterais que nos débats soient télévisés. Les premiers exposés que j'ai entendus--touchant la foi que les parlementaires et les Canadiens prêtent, dans un contexte plus vaste, à un truc comme le principe de prudence, le sentiment général de sécurité qu'éprouvent les Canadiens à propos des tests et des épreuves rigoureuses auxquels nous soumettons certains de ces éléments, même si votre description du cas du mercure et le fait, incroyable, que nous ne puissions l'inscrire dans la liste ou, simplement, prendre des mesures de base--tout cela me frappe.
    Il y a une question que j'aimerais soumettre au comité avant que nous poursuivions la discussion. Les travaux me déçoivent aujourd'hui, car le but original de nos tribunes, c'était d'avoir un échange d'idées, de discuter des tenants et des aboutissants de certaines questions. Nous avons eu droit à une critique très vigoureuse de l'usage inefficace du principe de prudence jusqu'à maintenant; en regardant la documentation de la Chambre de commerce du Canada, je vois que celle-ci adopte le point de vue opposé, et je suis déçu de savoir qu'elle n'est pas présente aujourd'hui. Je vais essayer d'agir auprès des membres du comité individuellement, car je crois qu'elle devrait être là. Je crois que la Chambre devrait faire plus que simplement remettre un mémoire renfermant des suggestions contraires à celles que nous avons entendues aujourd'hui. Je vais faire respectueusement pression auprès des membres du comité pour voir s'ils ne pourraient pas encourager vivement la Chambre à venir présenter ces vues.
    Si vous me permettez d'interrompre, je dirais que la Chambre a été invitée...
    Oui, je sais...
    ...et elle a décliné l'offre.
    Oui.
    C'est pour que vous le sachiez, simplement. Elle a été invitée.
    Il y a des moments où c'est comme ça. Je pose la question aux membres: jusqu'à quel point la notion du principe de prudence est-elle critique en tant que fondement de la LCPE, en tant que fondement de la manière dont nous abordons le traitement des produits chimiques? Monsieur Stoffman, pourriez-vous commencer?
    Jusqu'à quel point est-ce critique? À mon avis, comme je l'ai déjà dit, c'est le fondement des orientations gouvernementales du point de vue de la santé du public et de la santé de l'environnement. Si vous en faites fi, si vous ne vous engagez pas à l'appliquer à l'encontre de toxines extraordinairement nuisibles, alors vous vous retrouvez sans fondement. Je dirais qu'on ne saurait avoir des lois efficaces pour protéger l'environnement si le principe de prudence n'en est pas le fondement.
    Avant d'entendre un autre témoin, je dirais que cette notion de rigueur scientifique semble se situer... non pas en opposition, mais en lien avec un niveau de critères auquel il semble presque impossible de satisfaire. Pourriez-vous expliquer cela un peu plus?
    Bon nombre de groupes d'affaires vous diront qu'ils sont en faveur du principe de prudence; ça semble merveilleux. Il suffit de présenter les données scientifiques--en premier lieu--, puis l'analyse de rentabilité--en deuxième lieu--dans votre demande. Quant à l'expérience canadienne, je dirais que ce qu'on avait pour protéger les Canadiens contre certaines des substances les plus néfastes est un échec lamentable. Quelqu'un peut-il commenter?

  (1705)  

    Ce que j'ai essayé de souligner à propos de la rigueur de la démarche scientifique et ce qui explique en partie l'échec connu, c'est qu'on s'attend à une telle certitude et une telle clarté de la part de la science, alors que cela n'existe pas dans le monde de la science. Cela n'existe que dans le monde des politiques, ou dans le monde des politiques tel que le voudrait l'industrie.
    C'est presque comme si le fait de parler d'une assise scientifique solide dans le document de synthèse sur la LCPE et, en même temps, de nous demander de commenter la question du principe de prudence étaient contradictoires; ce sont des choses presque contraires.
    Si cette vision de la démarche scientifique avait été appliquée à la fumée secondaire, ou au tabagisme en général, en serions-nous au stade où nous en sommes aujourd'hui?
    Absolument pas. Il serait permis de fumer à toutes sortes d'endroits--par exemple, dans la salle où nous nous trouvons en ce moment.
    Je ne devrais pas parler de démarche scientifique. Cela n'est pas scientifique. C'est comme Alice au pays des merveilles, n'est-ce pas?
    Oui, bien sûr.
    Car ceux qui font valoir qu'une assise scientifique solide équivaut à des preuves irréfutables, à aucune preuve contraire, ne sont pas des scientifiques; ce sont des politiciens ou des lobbyistes.
    Je travaille avec des scientifiques tous les jours. Au sein de notre comité, il y a, par exemple, le Dr Paul Demers, un des grands épidémiologues au Canada et qui travaille dans un des groupes du CIRC, à Genève, à l'Organisation mondiale de la santé, qui classe les agents cancérogènes dont nous parlons, et Paul est un classificateur connu. Le Canada se reporte donc à ces classifications dans ses lois, partout au pays. Paul est l'auteur de l'ouvrage qui fait autorité sur les pratiques exemplaires, où il dit que, de fait, s'il faut parler de risque... Dans le monde où nous vivons aujourd'hui, il n'appartient pas à la science de dire que le risque équivaut à x ou à y. Ça dépend à qui vous parlez.
    Aujourd'hui, nous n'avons pas parlé de populations vulnérables ou de gens qui sont plus exposés ou moins exposés. Nous souhaitons protéger les gens contre un agent cancérogène ou un agent nuisible à la reproduction. Si les gens n'y seront pas exposés, nous n'avons pas vraiment à nous en soucier. Mais nous savons que, partout au pays, il y a des « poches » de population, des éléments des collectivités, des groupes entiers qui sont davantage à risque parce qu'ils sont exposés, et voilà où il faut agir et voilà pourquoi il faut appliquer le principe de prudence.
    Si quelqu'un veut donc contester ce que je dis, ou encore ce que disent les spécialistes des sciences de la santé avec lesquels je travaille, à propos de la rigueur de la démarche scientifique, non seulement nous n'aurions rien fait en rapport avec la fumée secondaire du tabac, mais encore nous n'aurions pas adopté quelque loi que ce soit concernant le tabac, car l'industrie a toujours affirmé que les données scientifiques n'étaient pas suffisamment probantes, même pour procéder à l'étiquetage. Nous n'aurions même rien fait en rapport avec les pesticides, auxquels vous avez fait allusion plus tôt.
    Si, par rigueur scientifique, vous entendez qu'il faut des preuves irréfutables que le fait d'étendre tels pesticides sur son gazon va causer une maladie X, Y ou Z, il n'y aurait pas au pays une seule municipalité qui aurait banni l'usage de tels pesticides.
    Il est impossible de satisfaire à un tel critère, essentiellement.
    Oui.
    Si je peux vous faire changer de sujet pour un instant, monsieur le président, combien de temps...
    Je crois que M. Moffet voulait faire une observation--vous en êtes à six minutes.
    Merci.
    Je vais essayer d'être bref.
    Je voulais souligner à l'intention du comité que la notion de rigueur scientifique ne figure pas dans la LCPE. Dans une certaine mesure, nous nous attaquons donc à un faux problème. Il n'y a pas d'obligation--et il n'y a absolument pas d'interprétation de la loi ou, dans les ministères... Eh bien, aucune loi ni aucune orientation officielle ne nous astreint à une certitude. N'importe quel scientifique--dans les ministères, à tout le moins--dirait, je crois, que toutes les mesures de gestion des risques adoptées sous le régime de la LCPE l'ont été en fonction de l'idée de l'incertitude.
    Nous pouvons donc débattre du fait qu'il aurait peut-être fallu en faire plus, mais je voulais signaler clairement que les ministères le disent sans aucune équivoque: ils ne cherchent pas quelque certitude, et ils reconnaissent qu'ils ne peuvent chercher une telle certitude. C'est un beau plan pour ne rien faire, et tout le monde est d'accord là-dessus.
    Monsieur Benevides.
    Merci, monsieur le président.
    Je suis certain que John a raison de dire que la loi ne contient pas les mots « assise scientifique solide ». Cependant, le propos de M. Lourie concerne la réalité du genre d'activités et de discussions que l'on retrouve dans une gamme de secteurs s'articulant autour de la loi. La loi n'est, bien sûr, que l'élément central autour duquel gravitent ces secteurs.
    Dans mon exposé, j'ai mentionné les obstacles que contient la LCPE, à l'égard de laquelle votre comité a au moins la capacité de formuler des recommandations musclées. Mais ce genre de langage peut également être utilisé dans les politiques, les directives et les lignes directrices sur lesquelles se fondent les représentants, c'est-à-dire l'ensemble de règles qu'ils doivent respecter. Par exemple, il y a un cadre fédéral relatif à l'application du principe de la prudence dans la prise de décisions fondées sur des données scientifiques probantes, un cadre qui--à l'insistance de l'industrie et des gouvernements--applique le principe de la prudence dans le contexte d'un cadre de gestion des risques, puisqu'il y a une divergence d'opinions fondamentale à l'égard de l'idée selon laquelle le principe de la prudence consiste à faire les choses différemment.
    Maintenant, cette divergence d'opinions n'est pas aussi importante que la façon dont nous enchâsserons des mesures de précaution supplémentaires dans les processus.

  (1710)  

    Je vais vous interrompre, si vous le permettez, car le temps dont je dispose sera bientôt écoulé. Nous parlerons de cela après la séance. J'aimerais poser une autre question, mais je sais que M. Lourie a également une question.
    Très brièvement, je crois que John faisait allusion au document de synthèse relatif à la LCPE, où l'on trouve effectivement ce terme. L'une des rubriques du document de synthèse relatif à la LCPE concerne les assises scientifiques solides et la prise de décisions éclairées.
    Il importe que les membres du comité tiennent compte du fait que cette question, qu'elle soit officiellement envisagée par Environnement Canada ou pas, compte parmi les enjeux que soulève l'industrie, et le comité doit s'assurer de comprendre le sens de ce terme.
    Le débat ou l'analogie sur le tabagisme est important à cet égard. Le dioxyde de carbone a été mentionné dans le cadre de nos discussions, et des activités du comité. Je me demande si les témoins ont des commentaires à formuler en ce qui concerne l'application du principe de la prudence au cas du dioxyde de carbone, dont la présence sur la liste des substances toxiques établies par la LCPE est plutôt controversée.
    C'est l'un des meilleurs exemples de non-application du principe de la prudence.
    Pourquoi donc?
    J'ignore si vous avez lu des publications récentes, comme The Weather Makers, par Tim Flannery, ou, évidemment, il y a le film d'Al Gore. Ce sont ces oeuvres qui remportent la faveur du public. L'information dont nous disposons donne à croire que nous sommes confrontés à des dommages écologiques importants, et nous disposons déjà des preuves en ce qui concerne l'impact du niveau de dioxyde de carbone dans l'atmosphère. S'il y a une situation où l'application du principe de la prudence s'impose, c'est bien celle-là.
    Bien sûr, la loi est en mesure de réagir à ce problème, en particulier, par exemple, à l'égard des grands émetteurs finaux. Alors, il y a lieu de se poser la question: où sont les règles qui imposeraient des limites fermes à ces émetteurs, et où sont les échéances à l'égard de ces règles?
    Ce que la loi nous autorise à faire. Le principe de la prudence laisserait supposer qu'il faut...
    Agir aujourd'hui plutôt que demain.
    Merci.
    Bravo, Nathan.
    Est-ce que je me suis bien tiré d'affaire? Ai-je droit à une récompense?
    Vous allez enfin battre M. Godfrey.
    Monsieur Warawa.
    Je vais essayer de vous épater moi aussi.
    Merci d'être ici.
    J'aimerais revenir sur certains des commentaires formulés par M. Cullen à l'égard de la formule adoptée aujourd'hui. Puisqu'il s'agit d'une table ronde, nous espérons entendre le point de vue de toutes les parties. Il s'agit d'un examen de la LCPE, et les membres du comité ont discuté de la formule à privilégier et opté pour la table ronde, et nous aborderons des sujets spécifiques, dont celui que nous abordons aujourd'hui.
    Concernant le principe de la prudence, monsieur Lourie, vous avez mentionné que la LCPE n'a pas facilité la gestion préventive. Critiquez-vous le principe de la prudence ou la LCPE elle-même? Je crois que la LCPE fait l'unanimité, mais nous devons procéder à un examen. Nous sommes tenus par la loi de procéder à un examen, et c'est ce que nous faisons aujourd'hui. Est-ce que vous vous en prenez à la LCPE elle-même, ou simplement au principe de la prudence?
    Il est de plus en plus difficile de circonscrire la portée de la LCPE et de l'action gouvernementale, et de déterminer où elles se rejoignent.
    Je n'ai rien, en soi, à reprocher à la loi. Cela me rappelle l'anecdote de l'enfant qui a appris les bonnes manières, mais qui ne les applique pas. C'est une bonne loi, seulement on ne l'a pas vraiment appliquée, ce qui nous aurait permis de déterminer quelles dispositions sont efficaces et de cerner les vrais problèmes. On mentionne le principe de la prudence dans le préambule. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas l'appliquer aux mesures prises en vertu de la LCPE.
    D'une façon, ma réponse, c'est que je ne trouve pas vraiment grand-chose à redire au principe de la prudence ou à la loi, mais je suis très critique lorsqu'il est question de la façon dont la loi a été exécutée ou pas. Lorsqu'on lit la loi, on se dit qu'une foule de mesures fantastiques ont sûrement été prises au Canada, mais ce n'est pas le cas.

  (1715)  

    À l'occasion de notre première ou de notre deuxième réunion, nous avions parlé très brièvement de REACH. L'adoption de dispositions législatives efficaces à cet égard au Canada est tout à fait hypothétique, alors nous verrons plus tard ce qu'il adviendra de REACH.
    Essentiellement, vous dites que la LCPE a du potentiel, mais vous déplorez le fait que nous ne l'appliquions pas. C'est ce que je crois comprendre. L'exemple du mercure est très bon.
    Au lieu de retourner à la maison, comme d'habitude, j'ai passé la fin de semaine à prendre connaissance de divers mémoires et documents. J'ai trouvé le document Une nation toxique, que j'avais lu en diagonale auparavant. Je l'ai relu, et cela m'a beaucoup fait réfléchir. Nous vivons maintenant dans un pays doté d'une LCPE, mais est-ce que nous l'appliquons? Ce que vous dites, c'est que nous ne l'appliquons pas.
    C'est exact.
    Ma question--peut-être que M. Moffet pourrait y répondre--est la suivante: quel impact le principe de la prudence a-t-il eu sur les intervenants en industrie?
    Pourriez-vous préciser votre question?

  (1720)  

    Nous avons le principe de la prudence. On nous dit que ni ce principe ni la LCPE ne sont appliqués. Alors, comment ce principe est-il appliqué par l'industrie? On nous a présenté l'exemple du mercure. J'aimerais donc savoir, de façon générale, comment nous appliquons le principe de la prudence à l'égard des produits chimiques et d'autres substances.
    Tout d'abord, laissez-moi préciser que la loi mentionne le principe de la prudence à quatre endroits, pas seulement dans le préambule. À l'article 2, la loi impose au gouvernement l'obligation administrative d'assurer l'application du principe de la prudence à l'ensemble des dispositions énoncées dans la loi. Les ministères sont donc tenus d'appliquer le principe de la prudence à toutes décisions prises en vertu de la loi, y compris aux décisions administratives. De fait, la LCPE est la seule loi fédérale canadienne assortie d'une telle obligation. Un certain nombre de lois mentionnent le principe de la prudence dans le préambule, mais aucune autre ne l'érige en obligation. Il s'applique donc à toutes les décisions.
    L'une des façons d'envisager l'impact du principe de la prudence, c'est de dire qu'il permet de prendre certaines des décisions qui ne seraient pas prises autrement. Ainsi, de nombreuses décisions prises en vertu de la LCPE pourraient probablement avoir été prises, et auraient probablement été prises, si ces dispositions ne figuraient pas dans la loi, ou sans qu'on soit tenu d'envisager le principe de la prudence. Le principe de la prudence a pour effet de déplacer le seuil d'acceptabilité des décisions.
    On ne saurait déterminer clairement où se retrouve le seuil et quel genre de décisions devraient être prises. On laisse ça à l'entière discrétion des décideurs, sauf lorsqu'il s'agit de substances persistantes, bioaccumulables et intrinsèquement toxiques. Lorsqu'un ministère découvre qu'une substance donnée est PBTi, pour prendre l'acronyme utilisé par M. Benevides, alors les ministres doivent recommander que la substance fasse l'objet d'une quasi-élimination. C'est là un exemple de situation où la loi prévoit effectivement un certain type de mesures, mais M. Stoffman a tout à fait raison de dire qu'elle ne prévoit pas de mesures similaires à l'égard d'autres catégories ou classes de substances, en fonction du type de préjudice occasionné.
    Alors, la réponse à votre question, c'est que les ministères rendent compte de l'application du principe à chaque décision. Je suis à peu près certain du fait que si des représentants de l'industrie avaient accepté de comparaître, au moins certains d'entre eux auraient avancé que Santé Canada et Environnement Canada ont appliqué le principe de la prudence de façon exagérée. Ainsi, le degré de prudence dont nous devrions faire preuve tient davantage du jugement de valeur.
    Combien de temps me reste-t-il?
    Trois minutes et demie.
    Eh bien, allons-y.
    Je m'adresse donc aux trois témoins en même temps: appuyez-vous le principe de la prudence enchâssé dans la LCPE et la formulation actuelle, qui nous vient de Rio? Appuyez-vous l'application de ce principe dans le cadre de la LCPE? Je crois comprendre que c'est le cas, mais qu'il suffit simplement d'appliquer la LCPE. On a soulevé la question de la volonté politique. Estimez-vous que la LCPE est une bonne loi, mais qu'il nous faut l'appliquer convenablement, et que nous n'avons pas fait cela? C'est ça que vous nous dites?
    Oui, c'est ce que je dis. Je crois qu'on peut bien parler de formulation et de choses comme l'efficience, mais je ne crois pas vraiment que ces questions soient cruciales. Je crois que le débat fait ressortir, peut-être, cette idée de discrétion ministérielle ou politique, mais qui semble être au coeur, bien souvent, de la mise en oeuvre lacunaire de la loi.
    C'est ça.
    Dans mes observations liminaires, j'ai tenté de poser comme principe l'idée selon laquelle la prudence n'est pas facultative, car il s'agit d'un principe naissant du droit international, et que la façon dont le principe est formulé dans la loi--et il y a de nombreuses autres formulations possibles--est contestée. M. Stoffman en a proposé une autre. J'ai ici quelques formulations de rechange que je pourrais soumettre au comité. Alors, il ne s'agit pas vraiment de déterminer si le principe est énoncé dans la loi, ou combien de fois on le mentionne.
    Si vous permettez que je revienne aux remarques concernant le système REACH, monsieur Warawa, bien sûr, vous avez raison. Pour l'instant, REACH n'est qu'une possibilité, dans la mesure où nous ignorons quelle sera sa forme finale, et la version européenne initiale du système est diluée, en raison du même genre de contraintes qui minent la qualité de nos lois au Canada.
    J'aurais pensé qu'il ne serait pas question ici d'attendre ce qu'il adviendra de REACH et de voir à quel point ce système sera bon ou mauvais; je m'attendais à ce qu'on se demande comment faire concurrence vraiment, à ce qu'on cherche à établir la loi la plus exigeante ou la plus prudence en ce qui concerne la prise de mesures précoces, la fourniture de renseignements supplémentaires par les promoteurs, l'imposition d'obligations plus lourdes aux promoteurs à l'égard de la divulgation de cette information, la fourniture d'informations supplémentaires au public, et l'affectation de ressources accrues permettant, par exemple, de produire des choses comme le rapport de Défense environnementale intitulé La pollution chez les enfants, une nation toxique: Rapport sur la pollution chez les familles canadiennes, mais en se fondant sur une abondance de données, comme on le fait aux États-Unis, en Allemagne et ailleurs.
    Alors, en ce qui concerne ce genre de questions, je crois que nous devrions nous préoccuper de la façon dont nous allons faire concurrence à des lois comme celle qui régira le système REACH, quelle que soit sa forme finale.
    Juste une petite intervention rapide, brièvement.
    Je dirais que je ne suis pas tout à fait d'accord avec l'affirmation selon laquelle la LCPE est bien belle et n'a pas besoin d'être reformulée, mais qu'il nous faut tout simplement l'appliquer. C'est une loi-cadre qui permet de faire beaucoup de choses, certes, mais si on procédait à un examen article par article, on constaterait que certaines dispositions et tournures ont besoin d'être renforcées. Il faudrait, notamment, étendre la portée de la liste des substances toxiques de la LCPE afin qu'elle englobe des choses comme les toxines qui nuisent au développement et, en particulier, les agents cancérogènes classés, ce qu'elle ne fait pas, comme l'a signalé M. Moffet. Alors, il y a cela.
    Pour ce qui est des définitions, si on se penche sur le terme « efficience », je crois que nous mettrions de l'avant une définition plus générale, comme l'a fait la commission en Europe, où l'efficience n'est pas une simple question d'économie. Quels sont les coûts réels liés aux décès attribuables au cancer, ou les coûts liés aux personnes qui se sentent violées parce qu'elles craignent pour leur santé génésique ou sont préoccupées par l'arrivée précoce de la puberté chez leurs enfants, ou autre chose? Ce sont également des coûts, et il s'agit certainement de coûts publics et politiques. Il faut donc se pencher sur ces choses.
    En ce qui concerne REACH, même si je conviens que REACH est en cours d'élaboration, il y a néanmoins un certain nombre de directives adoptées par tous les pays de l'UE, lesquels ont déjà abordé un certain nombre d'enjeux qui, selon nous, devraient être abordés dans le cadre d'une LCPE renouvelée. Ainsi, que REACH soit plus ou moins dilué, que ce système soit adopté par le Parlement européen ou non, il n'en demeure pas moins que cinq ou six directives sont en place, certaines d'entre elles depuis une vingtaine d'années, et que ces directives reflètent le fait que les produits de consommation ne devraient pas contenir certaines catégories de composés chimiques, que certaines émissions seront interdites, qu'on doit tenir des registres nationaux des sociétés qui émettent certains agents cancérogènes, et ainsi de suite. Ainsi, REACH cherche à consolider de nombreuses mesures qui ont déjà été prises là-bas.

  (1725)  

    Mon temps est écoulé depuis longtemps, n'est-ce pas?
    Il est écoulé, oui. Merci beaucoup.
    Je me demande si les membres du comité et si nos témoins seraient disposés à rester un peu plus longtemps, histoire de reprendre le temps perdu? Il y a encore quelques personnes qui ont des questions à poser. Est-ce que cela conviendrait à tout le monde?
    Eh bien, qui ne dit mot consent...
    Je dois vous quitter, j'ai une autre réunion à 17 h 30.
    Je crois que nous avons encore le quorum, alors ça va.
    Avez-vous une idée précise du temps qu'il faudra mettre?
    Je ne crois pas que quelqu'un d'autre va utiliser la salle, alors...
    Non, je vous pose la question parce que j'ai moi aussi une réunion.
    Eh bien, 15 minutes, ça vous va?
    D'accord, mais avant de partir, puis-je poser ma question?
    Eh bien, il faudrait que M. Silva...
    Je dois partir. Je ne pourrai pas poser ma question.
    Monsieur Silva, c'est à vous. Consentez-vous à laisser votre place?
    Certainement.
    Allez-y, monsieur Harvey.
    Merci.

[Français]

    M. Lussier a mentionné plus tôt la présence de substances cancérigènes dans l'eau. Il s'agit sans doute des trihalométhanes. Ces derniers se créent au contact des produits organiques et du chlore.
    Il faut se demander s'il est préférable de ne pas utiliser de chlore, donc de conserver ces matières organiques et de risquer de contracter d'autres maladies, ou de traiter l'eau, tout simplement.

[Traduction]

    Il ne s'agit pas de déterminer si un traitement s'impose, il faut plutôt s'interroger sur la nature du traitement à utiliser. Quelles sont les possibilités? Il y a le chlore. Cette méthode a ses inconvénients, comme vous venez tout juste de le souligner. Il y a d'autres méthodes de filtration, des technologies de pointe, qui sont utilisées à l'heure actuelle dans le monde, et certains avanceraient que ces méthodes sont plus efficaces. Il faut les promouvoir. Et nous devons utiliser des instruments législatifs et des stratégies fiscales pour promouvoir ces choses au pays.

[Français]

    Dans ce cas, on parle plutôt de nanofiltration ou de filtration sur membrane, n'est-ce pas?

[Traduction]

    C'est un exemple, oui.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Monsieur Silva.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je reconnais qu'il y a un écart entre la politique et la notion de principe de prudence et son application, et c'est bien regrettable. Mais nous devons faire tout notre possible pour veiller à ce que ce principe ne soit d'aucune façon dilué, car le nombre de cancers au pays augmente de façon fulgurante. Nous sommes au courant, par exemple, des nombreuses situations où du mercure a été retrouvé dans notre écosystème et dans notre chaîne alimentaire. Aujourd'hui, nous sommes très préoccupés par la concentration très élevée de mercure dans le saumon ou le thon. Et il y a, à vrai dire, bien trop de cancers dont nous ignorons à peu près tout, et nous ignorons d'où ils viennent. Par conséquent, nous devrions tous être très préoccupés et inquiets à l'égard de cette tendance croissante.
    Si nous procédons à l'examen de la LCPE, comment pouvons-nous veiller à ce que sa formulation soit non pas affaiblie, mais bien renforcée? Je crois que vous étiez sur le point de répondre à cela, mais je ne crois pas vous avoir entendu énoncer une recommandation très spécifique et expliquer en quoi, de fait, elle renforce le principe très important qui doit être maintenu dans le cadre de la LCPE.

  (1730)  

    Je suis désolé, je n'ai pas, au pied levé, de formulation à vous suggérer. Toutefois, comme je vous l'ai certainement déjà dit cet après-midi, on pourrait écrire que l'application du principe de la prudence à tels composés ou à telles catégories de composés qui posent un risque inhérent exclut toute possibilité d'établir des quantités d'absorption admissibles. Nous devrions établir des programmes de prévention de la pollution permettant de veiller à ce que ces émissions soient éliminées. Une telle formulation serait certainement utile. Et elle s'applique peut-être déjà à certaines autres catégories, comme les composés toxiques biopersistants et intrinsèquement toxiques. Mais la prochaine étape--c'est-à-dire la nécessité d'établir cette catégorie d'interdiction des programmes de prévention de la pollution--tarde à venir.
    Pour ce qui est de la question de la compétence, c'est un tout autre débat, car il y a la compétence fédérale et provinciale. Certainement, pour commencer, on s'intéresse aux entreprises à l'égard desquelles la compétence fédérale est indiscutable; on applique les principes et les pratiques régissant les entreprises relevant de la compétence fédérale, et on montre, du point de vue du gouvernement fédéral, ce qui devrait être fait. Si les provinces adhèrent à cela, alors, c'est fantastique. Il y a tout un débat sur la façon dont on peut renforcer la LCPE en vue de donner suite également aux enjeux liés à la compétence. C'est une question complexe.
    Y a-t-il une différence dans la façon dont le terme « principe de la prudence » est appliqué et perçu dans les cadres législatifs provincial et fédéral? Est-il possible que la formulation soit comparable, mais que l'application soit différente?
    C'est le contexte qui déterminera comment se déroulent les choses. Diverses lois provinciales s'assortissent de dispositions relatives à la prudence, même si ce mot n'est pas utilisé. C'est pour cette raison que je dis qu'il est plus important de s'attacher au sens particulier du terme qu'aux endroits où on peut prévoir des mesures pour accroître le caractère préventif de la loi. J'ai tenté de cerner certains de ces endroits.
    Certainement, même si une formulation du principe de prudence est plus rigoureuse qu'une autre, et il serait peut-être intéressant de l'avoir dans une loi provinciale et pas dans une autre loi fédérale, l'essentiel, c'est de veiller à ce qu'il ne s'agisse pas d'un guichet unique. Il doit y avoir un certain nombre d'endroits où la prudence est prévue de façon obligatoire et claire afin qu'on puisse, par exemple, aborder les aspects de la mise en oeuvre qui relèvent du pouvoir discrétionnaire.
    C'est l'argument que je cherchais à formuler dans mes observations liminaires. Nous serions heureux de fournir des précisions à l'égard des divers stades, en particulier la partie 5 de la loi, tout au long du processus.
    Monsieur Cullen.
    Merci, monsieur le président. Je vais tenter d'être bref.
    J'aimerais avoir une petite idée du contexte international. Nous avons parlé de l'Europe et de certains des États. Je découvre à quel point l'application de choses comme le principe de prudence--mécanisme général de protection de la santé publique--est, à mon avis, exécrable, et je me demande où se classe le Canada à l'échelle internationale? Avons-nous tendance à tirer de l'arrière à ce chapitre, ou est-ce que le monde compte sur nous pour obtenir des directives ou des conseils à l'égard de la façon de procéder?
    Je ne me souviens pas du classement exact à l'OCDE. Au chapitre du rendement en matière d'environnement, je crois que le Canada occupe le 27e rang parmi les 28 membres de l'OCDE. Pour ce qui est de l'ONU, je crois que le Canada occupe la queue du peloton, parmi les pays industrialisés.
    Mais il s'agit là d'indices. A-t-on déjà établi un classement à l'égard de la pollution en particulier?
    Je connais les classements de l'ONU et de l'OCDE, mais il s'agit d'indices composés qui tiennent compte d'un certain nombre d'aspects différents. Certains tiennent compte des espaces verts, d'autres pas. Cela peut biaiser radicalement les résultats.
    En ce qui a trait à cet aspect et à la protection générale de la santé publique contre la pollution...

  (1735)  

    Reprenons l'exemple du mercure--vous m'excuserez de constamment revenir sur cette question, mais le mercure est un sujet que je connais bien. Si on comparait les interdictions et les règles canadiennes relatives aux produits et aux émissions à celles, disons, de l'Asie, de l'Europe et des États-Unis, on constaterait certainement que le Canada tire de l'arrière.
    A-t-on cherché, à l'époque de la création de la LCPE, à veiller à ce que la mise en oeuvre de ces politiques échappe à l'influence des politiciens et favorise la prise de décisions fondées sur des assises scientifiques valides et solides? Selon vous, la loi a-t-elle été conçue de façon à être, d'une certaine façon, imperméable aux caprices de la classe politique?
    Lorsque je la lis, je crois que c'est là son intention. C'est certainement de cette façon que l'interpréterait le profane qui consulterait la loi sur Internet.
    M. Moffet pourrait peut-être nous aider à cet égard. J'aimerais délimiter les pouvoirs--discrétionnaires et autres--du ministre en matière de pollution. J'essaie d'articuler une question claire que le Canadien moyen, un non-initié, pourra comprendre.
    Supposons qu'il y a un agent cancérogène connu, une substance très toxique: le ministre a-t-il la possibilité de ne pas l'inscrire dans la liste, de faire en sorte que rien ne se produit, en ce qui concerne les restrictions ou les demandes? Est-ce que la loi permet cela?
    Oui. Pour les produits chimiques, essentiellement, la loi s'applique dans deux domaines: les nouvelles substances et les substances existantes. Si on veut introduire une nouvelle substance en l'important ou en fabriquant quelque chose qui n'est pas utilisé au Canada, il faut fournir au gouvernement les renseignements qu'il exige. Ces renseignements nous permettront de déterminer s'il y a un risque.
    Et le ministre peut-il décider d'autoriser la commercialisation d'un produit dont les risques sont documentés?
    Nous obtenons l'information, nous procédons à une évaluation, et nous soumettons une recommandation au ministre.
    À ce moment-là, le cabinet du ministre a tout le loisir de se plier à votre recommandation ou de faire fi des conclusions.
    Oui.
    Ensuite, parallèlement, lorsqu'il s'agit de substances existantes, la loi exige désormais que nous procédions à la catégorisation; nous devons maintenant effectuer une évaluation préalable. Nous sommes tenus de le faire, il n'y a aucun pouvoir discrétionnaire à cet égard. Si les chercheurs, les personnes responsables d'évaluer les risques, arrivent à la conclusion qu'une substance satisfait aux critères énoncés à l'article 64, on soumet une recommandation au ministre. Le ministre a ensuite tout le loisir de dire oui ou non, mais les données scientifiques seront rendues publiques.
    Le ministre possède également le pouvoir discrétionnaire de recommander l'ajout de la substance à l'annexe 1. C'est une décision prise par le Cabinet. Lorsque la substance est inscrite à l'annexe 1, on doit décider des mesures à prendre. Faut-il établir des exigences à l'égard de l'étiquetage? Faut-il l'interdire?
    C'est, encore une fois, une décision gouvernementale prise par le Cabinet, sauf lorsqu'il s'agit de substances persistantes, bioaccumulables et intrinsèquement toxiques. Si les données scientifiques dont on dispose révèlent la présence d'une telle substance, les ministres doivent procéder à la quasi-élimination et recommander l'inscription de cette substance à l'annexe 1.
    Ainsi, les produits chimiques qui font partie de cette catégorie semblent avoir un peu plus de poids lorsqu'il s'agit d'échapper au dédale politique menant à l'inscription à l'annexe 1 et à la prise de mesures concrètes.
    Oui.
    Et la langue utilisée dans la loi, comme la différence entre « peut » et « doit », ou le sens de l'expression « attendu que », peut laisser les Canadiens perplexes. Y a-t-il lieu, pour votre comité, de chercher à comprendre quelle forme le langage prendrait si on appliquait à cette... comment s'appelle cette catégorie de produits chimiques déjà?
    On parle d'agents persistants, bioaccumulables et intrinsèquement toxiques. Il s'agit des substances que le comité qui a mis au point la LCPE en 1999 considérait comme prioritaires.
    Les douze salopards, non?
    Non, il y en avait beaucoup plus.
    Beaucoup plus que ça.
    Ainsi--je m'adresse maintenant aux autres témoins--, cela semble avoir un peu plus de poids que le dédale politique initial qu'on a décrit.
    Je serai bref : nous avons parlé des agents cancérogènes, des agents génotoxiques et des substances potentiellement nuisibles à la reproduction, et nous aimerions que ces substances fassent l'objet de mesures comparables à celles qui visent les PBTi.
    Monsieur Benevides, vous avez la parole.
    Monsieur le président, voici les 400 substances que j'ai mentionnées plus tôt et qui présentent ces caractéristiques. Certainement, comme point de départ, on voudrait tenter de déterminer quels délais obligatoires on voudrait enchâsser dans la loi, pour ce qui est de passer au prochain palier d'évaluation, ou de déterminer si une évaluation s'impose, à la lumière de l'information dont on dispose, de déterminer si on devrait procéder à la quasi-élimination, et dans quels délais. Afin d'orienter la formulation de recommandations relatives à la modification de la loi, j'ai mentionné qu'il serait peut-être utile aux membres du comité de prendre connaissance du contenu de cette liste de 400 substances auprès des ministères, et des sous-catégories de substances qui devraient peut-être faire l'objet d'une mesure plus rapide, afin que le comité ait son mot à dire à cet égard.
    Malheureusement, comme je l'ai déjà dit, la catégorisation sera terminée d'ici septembre. Je sais que les ministres réfléchissent à la façon de procéder. Le public aurait certainement avantage à ce que le comité apprenne comment ce processus va se dérouler, en ce qui concerne la formulation de recommandations relatives aux mesures qui devraient être prises avant même que la loi soit modifiée. C'est pour cette raison que j'ai signalé, plus tôt, que le temps presse.

  (1740)  

    Monsieur Godfrey, pourriez-vous essayer d'être bref, s'il vous plaît?
    Vous pourrez peut-être répondre par oui ou par non.
    Ma première question, je suppose, viserait à déterminer si la LCPE serait améliorée et plus utile si le principe de prudence prévu dans la loi était non pas un pouvoir discrétionnaire mais bien une exigence. C'est ma première question. Et ma deuxième question, je suppose, viserait à déterminer s'il serait utile d'enchâsser le principe de prudence--et je crois avoir entendu quelqu'un répondre par l'affirmative--dans certains mécanismes prévus dans la loi. Je songe tout particulièrement à la quasi-élimination des PBTi ou à l'élimination graduelle d'agents cancérogènes connus. Est-ce que ces deux choses procureraient un quelconque avantage?
    Puis-je prendre la parole en premier et laisser les autres témoins répondre par la suite?
    L'application du principe de prudence est obligatoire sous le régime de la LCPE. Il ne fait pas l'objet d'un pouvoir discrétionnaire. Le gouvernement doit appliquer le principe de prudence à toute décision prise en vertu de la loi.
    D'accord.
    Alors il n'y a pas de pouvoir discrétionnaire. Le pouvoir discrétionnaire concerne l'interprétation de la notion de principe de prudence...
    Ah bon.
    ...ce qui nous amène à votre deuxième question.
    Oui, et...
    J'invite les témoins à faire preuve de concision. Nous nous étions entendus sur la durée.
    Alors, à l'égard de certains risques sanitaires que présentent certaines catégories de composés, j'avancerais qu'il faut les définir en fonction du sens qu'on donne à l'expression « principe de prudence ». Cela veut dire qu'on prendrait, à l'égard de ces catégories de composés, les mesures A, B, C et D. Le débat tourne autour de la nature de ces mesures. À l'heure actuelle, nous ne sommes même pas tenus de prendre des mesures. Alors, qu'il s'agisse d'étiquetage ou d'interdiction ou de restriction, qui comptent parmi les options possibles, alors nous devons discuter de ce que devrait contenir la liste, à l'égard de certaines catégories de composés.
    J'ai également l'impression qu'il est vraiment très difficile d'appliquer le principe de prudence lorsque nous devons nous en remettre au Cabinet ou lorsqu'un pouvoir discrétionnaire est exercé, car, à ce moment-là, il s'agit non pas d'une décision fondée sur les faits, mais bien d'une décision politique.
    C'est précisément parce que les diverses étapes prévues dans la loi n'énoncent pas de mesures adaptées, en ce qui concerne les substances les plus dangereuses, à l'égard desquelles les mesures préventives doivent être plus spécifiques. Cela suppose non pas qu'on parle de « prudence » à chacune de ces étapes, mais qu'on insiste sur le caractère obligatoire de ce principe à diverses étapes. C'est l'adaptation du pouvoir discrétionnaire, comme je l'ai dit plus tôt, qui permettrait le mieux de veiller à rendre obligatoire la prise de mesures préventives dans l'ensemble de la loi.
    Merci.
    Je tiens à remercier nos témoins. Je crois que cela montre que le bon fonctionnement d'une table ronde tient effectivement à la présence des tenants des deux points de vue, et que nous avons effectivement besoin de quelqu'un qui vous soumettra à un examen critique. Cela nous permettra donc d'obtenir de meilleurs réponses, et le comité va mieux comprendre. Nous avons certainement parlé de cela ici, et nous ferons tout notre possible pour veiller à ce que ce débat ait lieu.
    D'ailleurs, j'irais même jusqu'à inviter nos témoins à revenir, au besoin, lorsque nous aurons pris connaissance de l'autre point de vue, si vous me permettez l'expression, afin qu'on puisse aller un peu plus loin? Je crois que ce serait très enrichissant. Certes, vous nous avez présenté d'excellents témoignages, mais nous avons besoin de vous mettre à l'épreuve un peu plus, car notre travail, au bout du compte, consiste à éclaircir tout cela, et ce n'est qu'en prenant connaissance de tous les points de vue que nous allons y parvenir. Alors, nous allons certainement essayer d'y arriver.
    À l'occasion de notre prochaine réunion, qui aura lieu lundi, nos témoins s'attacheront à évaluer le succès de la démarche. Je crois que nous avons déjà commencé cela aujourd'hui, et que la prochaine réunion pourra reprendre là où nous nous arrêtons, afin, encore une fois, de déterminer où nous nous en allons.
    Merci.
    La séance est levée.