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CIIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent du commerce international


NUMÉRO 013 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 28 janvier 2014

[Enregistrement électronique]

  (1100)  

[Traduction]

    La séance est ouverte. Je demande aux députés de bien vouloir prendre leur place afin que nous puissions commencer.
    Nous poursuivons notre étude sur l'Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l'Union européenne. C'est ce qui est prévu également pour notre réunion de jeudi. La semaine prochaine, nous serons à Vancouver, où nous tiendrons des journées d'audiences, une qui portera sur l'AECG et l'autre, sur le Partenariat transpacifique (PTP).
    Nous sommes heureux d'accueillir nos deux premiers témoins. Il s'agit de M. Michael McBane, directeur exécutif de la Coalition canadienne de la santé; et de M. Stuart Trew, chargé de la campagne sur le commerce du Conseil des Canadiens.
    Monsieur Trew, nous entendez-vous bien?
    Nous vous entendons bien également. Nous sommes donc tous prêts.
    C'est vous qui commencez, monsieur McBane. La parole est à vous.
    Au nom de la Coalition canadienne de la santé, je remercie le président, M. Rob Merrifield, et les membres de ce comité de me donner l’occasion d’exprimer les sérieuses préoccupations que nous avons quant aux conséquences négatives de l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne sur le système de soins de santé du Canada.
    La Coalition canadienne de la santé s’occupe depuis plus de 20 ans de questions relatives au commerce international, puisqu’elles ont une incidence sur le système public de soins de santé. Même si l'entente de principe a été annoncée en octobre 2013, le texte de l'AECG reste secret. Il n’empêche que le comité parlementaire mandaté pour étudier l’AECG doit avoir accès au texte de cet accord.
    J'aimerais soulever deux problèmes. Le premier concerne les menaces générales envers le système de soins de santé du Canada provenant des réserves incorrectes contenues dans l’AECG relativement aux soins de santé. Le deuxième a trait aux menaces particulières que font peser sur la viabilité des régimes de médicaments d’ordonnance les dispositions de l’AECG visant les produits pharmaceutiques.
    Tout d'abord, les principes de la Loi canadienne sur la santé, qui régissent le système de soins de santé du Canada, sont diamétralement opposés aux principes juridiques régissant le marché. La Loi canadienne sur la santé soustrait la prestation des soins de santé des règles du marché afin d’assurer l’accès en fonction des besoins; les services, les populations et les régions soi-disant « non rentables » ne doivent pas être laissés de côté en raison d’une dépendance vis-à-vis des soins de santé asservis au marché.
    Le système public de soins de santé du Canada témoigne des valeurs des Canadiens. Dans son rapport final, la Commission Romanow indique ce qui suit: « les Canadiens considèrent le régime d’assurance-santé comme une entreprise non pas commerciale mais morale ». Au Canada, les soins de santé sont légiférés comme un bien public, non comme une marchandise commerciale.
    Comme je l'ai dit, notre système public de santé repose sur la Loi canadienne sur la santé, selon laquelle la prestation des soins de santé est liée essentiellement aux besoins des patients, sans égard à leur capacité de payer ou à leur statut socio-économique, et j'ajouterais, à leur lieu de résidence. Soit dit en passant, cette loi offre également les meilleures garanties qui soient en matière de rapport coût-efficacité et de viabilité.
    D'autre part, le principal objectif des accords commerciaux internationaux, y compris de l’AECG, c'est la libéralisation des échanges commerciaux grâce à la réduction des obstacles au commerce. La raison avancée pour justifier cet objectif est que les biens et services doivent être distribués uniquement en fonction du pouvoir d’achat. Les préoccupations liées à l’équité en matière de répartition et d’accès sont vues comme un obstacle au commerce.
    Le mélange des intérêts publics et privés concernant l’aspect prestation du système de soins de santé fait en sorte qu’il est difficile de tracer une démarcation nette entre les sphères publique et privée. Cela devient problématique lorsque l’on applique les réserves et les exemptions du Canada à des accords commerciaux comme l’ALENA, l’AGCS et l’AECG. Ces accords commerciaux établissent une nette démarcation entre les intérêts publics et privés.
    Comme vous le savez, le Canada et l’Union européenne ont tous deux manifesté leur intention d’exclure de l’AECG les services de soins de santé. Pourtant, l’une des premières priorités de l’UE dans les négociations de l’AECG est d’étendre l’accès aux services dispensés par les gouvernements provinciaux et aux services locaux.
    En conséquence, l’UE a demandé au Canada de renoncer à la réserve générale contenue dans l’annexe I de l’ALENA, qui offre une certaine protection aux services de la santé. Le Canada aurait accepté de renoncer à la réserve, ce qui suppose que les gouvernements provinciaux et territoriaux devront négocier des exemptions sous forme de mesures non conformes dans le secteur de la santé, faute de quoi ils devront se fier exclusivement à la protection conférée par la réserve figurant à l’annexe II. Il serait intéressant de savoir quelles provinces ont présenté une liste d'exemptions.
    Or, la réserve de l’annexe II ne met pas le secteur des soins de la santé à l’abri du plein effet des accords commerciaux. Il s’agit plutôt d’une réserve limitée, dont la portée qualitative ne protège un service de santé que dans la mesure où il s’agit d’un « service social établi ou maintenu à des fins d’intérêt public ». La portée de cette protection est incertaine parce que le Canada et les États-Unis interprètent ces termes de façon différente. En raison de l’incertitude conférée par l’annexe II-C-9 de l’ALENA, et dans le but de répondre aux pressions des gouvernements provinciaux, des administrations des États et de la société civile et de donner suite à un avis juridique commandé en 1996 par la Coalition canadienne de la santé, le gouvernement du Canada a négocié une deuxième réserve avec les États-Unis et le Mexique. La réserve sera supprimée par l'AECG.
    Afin de pallier les graves lacunes de la réserve sur laquelle le gouvernement du Canada s’appuie pour protéger les services de santé dispensés par le fédéral, les provinces et les territoires, la Commission Romanow sur l’avenir des soins de santé avait recommandé au Canada de négocier une nouvelle exemption plus efficace en matière de soins de santé dans tous ses prochains accords sur le commerce et l’investissement. Dans le but de protéger au maximum les services de santé et sa capacité à étendre la couverture du régime public d’assurance-maladie, la nouvelle exemption portant sur les services de santé nécessitait une exception complète des services de santé, comme il y a une exception complète pour l'ALENA concernant l'application de la loi.
    Je recommande donc que le gouvernement du Canada négocie une nouvelle exemption qui serait la suivante: « aucune disposition de l’AECG ne sera interprétée de façon à s’appliquer à des mesures adoptées ou maintenues par une partie en ce qui a trait aux soins ou services de santé ou à l’assurance maladie ».

  (1105)  

    Le deuxième problème que je veux soulever concerne le coût des médicaments.
    Les Canadiens s’inquiètent beaucoup du fait que le gouvernement Harper ait négocié un accord commercial qui entraînera une hausse des coûts des médicaments délivrés sur ordonnance. D’après une récente étude indépendante, l’AECG se traduira en effet par une hausse de plusieurs centaines de millions de dollars en médicaments sur ordonnance par année. Dirigée par deux professeurs de l’Université York, cette étude affirme que les concessions consenties par le gouvernement fédéral pour sceller l’accord retarderont l’arrivée sur le marché de médicaments génériques à prix concurrentiels. Ce retard ajoutera chaque année de 850 millions à 1,65 milliard de dollars, ce qui représente une hausse maximale de 13 %, au prix total des médicaments que paient annuellement les Canadiens, qui paieront soit directement ou par des régimes d’assurance.
    L’étude a examiné les dernières révélations portant sur l’accord commercial provisoire et a conclu que l’AECG obligera le Canada à créer un nouveau système de prolongation de la durée de validité des brevets, lequel pourra retarder l’arrivée sur le marché de médicaments génériques; qu'il bloquera les durées actuelles de protection des données, rendant difficile, voire impossible, pour les prochains gouvernements de les annuler; et qu'il accordera un nouveau droit d’appel dans le cadre du système de liens entre brevets, ce qui entraînera encore davantage de retards.
    Au Canada, les coûts des médicaments par habitant sont déjà les deuxièmes en importance dans le monde, devancés seulement par les États-Unis. Selon cette étude, le gouvernement fédéral a promis d’indemniser les provinces et les territoires pour les coûts additionnels; cependant, cela signifie seulement qu’au lieu de les payer à la province ou au territoire, les contribuables les paieront au fédéral. Il est important de souligner que les personnes qui paient leurs médicaments de leur poche ou par l'intermédiaire d'une assurance privée seront doublement désavantagées: par la hausse des coûts des médicaments et la hausse des taxes applicables.
    Bien que le texte de l’AECG est tenu secret, un fait est bien réel: cet accord réduira grandement la capacité des Canadiens de se payer des soins de santé de qualité.
    Il est également de notoriété publique qu'il y a quelque temps, le ministre du Commerce international a dit aux Canadiens que c’est un mythe de croire qu’un accord de libre-échange entre le Canada et l’UE entraînera une hausse des coûts des médicaments et des soins de santé.
     Le gouvernement Harper induit les Canadiens en erreur lorsqu’il déclare que les dispositions de l’AECG portant sur l’industrie pharmaceutique « cherchent à trouver un juste équilibre entre, d'une part, la promotion de l’innovation et la création d’emplois... et, d'autre part, la garantie que les Canadiens continueront d’avoir accès aux médicaments dont ils ont besoin, à un prix abordable ».
    Un examen critique du rendement économique de l’industrie pharmaceutique — et j'exhorte le comité à examiner la performance de l'industrie du médicament de marque au Canada — révèle qu’il n’y a aucun lien entre la hausse des profits de l’industrie pharmaceutique et l’innovation ou la création d’emplois. Il n'y a aucun lien. Il n’est pas non plus crédible d’affirmer que les Canadiens pourront continuer à acheter des médicaments à prix abordables, alors que l’AECG propose de retarder l’accès aux médicaments génériques qui coûtent moins cher.
    Le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés, organisme relevant du gouvernement fédéral, affirme dans son plus récent rapport que « plusieurs pays de comparaison, dont les prix des produits médicamenteux brevetés sont en moyenne beaucoup moins élevés qu’au Canada, ont obtenu des ratios des dépenses de R-D par rapport aux recettes tirées des ventes grandement supérieurs à ceux du Canada ». Par exemple, en France et au Royaume-Uni, le ratio des dépenses de R-D par rapport aux recettes tirées des ventes est le double de celui du Canada et leurs prix sont 10 à 20 % inférieurs à ceux du Canada.
    Dans ce contexte, il ne faut pas oublier qu’étant donné l’adoption de modifications en 1987, l’industrie des médicaments d’origine s’était engagée publiquement à accroître ses dépenses annuelles en R-D dans une proportion égale à 10 % de ses recettes de ventes au plus tard en 1996. Pourtant, la proportion de dollars investis des Rx&D s’est avérée inférieure à 10 % au cours des 10 dernières années consécutives. C'est la réalité.
    Cela signifie que les Canadiens ont commencé à payer de 15 à 20 % de plus pour les nouveaux médicaments brevetés depuis que les changements ont été apportés par le gouvernement Mulroney, en échange d’une promesse d’innovation et de création d’emplois qui n'a pas été respectée. Au Canada, les prix plus élevés des médicaments de marque déposée nous coûtent chaque année au moins 2 milliards de dollars de plus que ce qu’ils devraient coûter selon la méthode utilisée par le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés. Ajoutez à cela un autre milliard de dollars supplémentaire découlant des dispositions de l'AECG, et cela nous donne 3 milliards de dollars de plus. Cela équivaut à une subvention à l'industrie pharmaceutique provenant des budgets de soins de santé, mais pire encore, cela provient des budgets provinciaux pour payer une concession au fédéral.
    Pour tourner le fer dans la plaie, imaginez la réaction des provinces et des territoires lorsque le premier ministre Harper les réprimandera parce qu’ils ne réussiront pas à contrôler leurs dépenses en matière de soins de santé.
    Pour couronner le tout, l’industrie pharmaceutique utilise cet argent non pas pour faire des recherches, mais pour acheter de l’influence auprès de l’organisme de réglementation fédéral, des médecins, des consommateurs et des médias, par le truchement de leurs services de publicité. Existe-t-il une expression signifiant « être soudoyé avec son propre argent »?
    Les Canadiens ne reçoivent rien en échange de ces concessions majeures.

  (1110)  

    J'invoque le Règlement, monsieur le président. Avec tout le respect que je dois au témoin, et ce n'est jamais dans mon intention de m'élever contre quelque chose, mais lorsque nous utilisons un terme comme « soudoyer », peu importe le gouvernement dont on parle, je veux seulement inviter notre témoin, dont le point de vue m'intéresse grandement, à faire attention aux termes qu'il utilise, s'il vous plaît.
    Il ne s'agit pas d'un rappel au Règlement, mais le député aura l'occasion de poser des questions au témoin un peu plus tard à ce sujet.
    Allez-y, monsieur McBane.
    Certains disent que cette seule concession qui, comme nous l'avons dit, est de près de 1,6 milliard de dollars, vaut plus que ce que le Canada économisera grâce à la réduction des tarifs avec l'Europe, ce qui, selon les estimations, équivaudra à seulement 225 millions de dollars. C’est une énorme concession. Qu'obtiendrons-nous en retour?
    Vous avez dépassé le temps qui vous a été accordé. Je vais vous laisser conclure très rapidement, mais je ne...
    D'accord. Compte tenu des préoccupations sur les coûts exorbitants des médicaments, la deuxième recommandation est la suivante: que le gouvernement du Canada retire toutes les concessions liées aux brevets pharmaceutiques des accords commerciaux, dont l'AECG. À la place, le Canada doit imposer à l’industrie pharmaceutique ses conditions dans le but de défendre l’intérêt du public et de protéger le bien commun contre les monopoles privés.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Nous entendrons maintenant M. Trew. La parole est à vous, monsieur.
    Monsieur le président, madame et messieurs les membres du comité, je vous remercie de me donner l'occasion de venir une fois de plus vous donner notre point de vue sur les négociations commerciales entre le Canada et l'Europe. Je suis un chargé de la campagne sur le commerce du Conseil des Canadiens, un organisme de défense des droits des citoyens et de la justice sociale de premier plan au Canada. Il compte plus de 100 000 militants au pays.
    Notre organisme a comparu devant le comité en 2011 pour lui faire part de certaines de ses préoccupations sur l'accord, qui était en train de prendre forme à l'époque. Je vais en répéter aujourd'hui, car, d'après ce que nous avons appris lors de la séance d'information technique qui s'est tenue en octobre, ainsi que dans des documents qui ont fait l'objet d'une fuite, nous sommes toujours très préoccupés par ces aspects. En fait, je vais faire valoir que beaucoup de Canadiens partagent notre point de vue, et même la majorité dans certains cas, comme pour la question des marchés publics, et que les politiciens ont les mêmes préoccupations.
    Afin que je ne manque pas de temps, et puisque vous avez une copie de mon exposé, je vais laisser tomber les points principaux.
    En novembre, nous avons mené un sondage dans lequel nous avons essayé de voir la réalité derrière les données sur l'appui à l'AECG. Les statistiques du gouvernement...
    Veuillez m'excuser juste un instant. Je veux seulement préciser que puisque nous n'avons reçu qu'une version anglaise de votre exposé, le comité n'en a pas de copie.
    D'accord. Je comprends.
    Les sondages ont toujours démontré qu'on appuie fortement l'idée d'un accord commercial avec l'Union européenne. En effet, cet appui est de l'ordre de 70 à 80 %. Nous avons obtenu les mêmes résultats lorsque nous avons mené notre sondage auprès des Canadiens en novembre. Nous avons décidé de poser quelques questions supplémentaires sur certains des éléments les plus controversés de l'accord, car nous pensons que les résultats de sondage qui démontrent un appui élevé n'approfondissent pas nécessairement la question; ces données pourraient dissimuler plus d'informations qu'elles n'en divulguent.
    Je vais me concentrer sur l'approvisionnement, les investissements et les produits pharmaceutiques.
    Par exemple, les règles d'approvisionnement de l'accord commercial Canada-Europe obligeraient essentiellement les municipalités canadiennes, les sociétés d'État et d'autres organismes provinciaux à traiter tous les soumissionnaires aux contrats publics sur un pied d'égalité, qu'ils viennent du Canada ou de l'Europe. Toutefois, à mon avis, c'est un problème mineur comparativement au fait qu'on empêchera les entités publiques visées — et selon le résumé technique, cela comprendra les villes — d'inclure des exigences liées au contenu local dans les contrats, quels que soient les soumissionnaires, ou on les empêchera d'envisager d'autres mesures compensatoires qui augmenteraient les avantages du développement local découlant des dépenses publiques.
    Ensemble, ces changements empêcheront les communautés d'être en mesure de porter une attention particulière ou peut-être d'accorder plus de points dans le processus de DP aux entreprises qui peuvent garantir une plus grande activité économique au Canada ou qui peuvent garantir qu'un plus grand nombre d'emplois demeureront au pays.
    Nous avons demandé aux Canadiens si, à leur avis, les municipalités devraient conserver le droit d'accorder la préférence aux soumissionnaires des entreprises locales ou canadiennes. Jusqu'à 77 % des répondants ont affirmé que les municipalités devraient conserver ce droit. Ce taux était le plus élevé parmi les partisans du NPD et du Parti vert. De plus, 87 % des partisans du NPD, 82 % de ceux du Parti vert et du Bloc, 76 % des libéraux et même 71 % des partisans conservateurs étaient d'accord pour dire qu'il était important de favoriser les structures locales dans le cadre des dépenses publiques.
    Nous avons aussi constaté que c'était le sentiment général dans un grand nombre de municipalités du Canada, y compris la municipalité de Toronto. En effet, elles souhaitent être exclues de l'accord et surtout de ces règles en matière d'approvisionnement. Le résumé technique laisse croire qu'elles ne l'ont pas été.
    Je dirais que c'est étrange, car le gouvernement fédéral lui-même reconnaît que les politiques qui encouragent l'achat de produits canadiens fonctionnent. Il le reconnaît surtout en matière d'approvisionnement militaire, et cette constatation est appuyée par plusieurs études, notamment une étude intitulée « Le Canada d'abord, exploiter l'approvisionnement militaire en s'appuyant sur les capacités industrielles clés ». J'aimerais citer un passage de cette étude:
Les nombreuses réussites au Canada montrent clairement la valeur d'une stratégie d'approvisionnement proactive qui soutient l'industrie et le rendement économique exceptionnel à long terme qui peut en découler lorsque les investissements du gouvernement sont bien ciblés.
    Le rapport traite de l'utilisation de mécanismes de compensation qui exigent que les entreprises réinvestissent dans l'économie une certaine partie de l'argent et des profits réalisés. Il traite également de la façon d'obtenir un meilleur rendement des investissements en ayant recours aux conditions liées à l'achat de produits locaux, et il mentionne les bons emplois canadiens et les entreprises à forte croissance, c'est-à-dire toutes ces choses qui sont encouragées dans le cadre de l'approvisionnement militaire, mais qui ne seront plus jamais accessibles aux municipalités, aux sociétés d'État ou aux organismes provinciaux en raison de l'accord commercial Canada-Europe. J'aimerais souligner qu'on fait preuve d'esprit de contradiction ou même d'hypocrisie en empêchant nos gouvernements municipaux d'avoir accès à cette politique qui a donné de très bons résultats.
    Nous avons posé des questions sur les changements qui seront apportés à la politique sur les produits pharmaceutiques. Je n'entrerai pas dans les détails, car le témoin précédent en a parlé dans son exposé. Il suffit de mentionner que je crois que 65 % des Canadiens, selon notre sondage, sont contre la prolongation de la protection des brevets dans le cadre de l'accord commercial avec l'Europe. C'est au Canada atlantique que ce taux était le plus élevé, c'est-à-dire environ 70 %. Il était aussi élevé parmi les gens qui se trouvent dans la tranche de revenus élevés, c'est-à-dire que 74 % des gens qui gagnent de 100 000 $ à 1 million de dollars par année s'y opposeraient, tout comme le feraient 55 % des partisans conservateurs.
    Le gouvernement fédéral reconnaît qu'il y aura des coûts supplémentaires pour les régimes d'assurance-maladie et il a promis d'offrir des compensations aux provinces, mais comme l'a fait le témoin précédent, j'aimerais préciser que cela revient seulement à déplacer de l'argent d'un endroit à l'autre. On ne fait que déplacer les coûts publics. Essentiellement, nous gonflons les budgets des entreprises de médicaments de marque déposée qui réalisent déjà d'énormes profits sans vraiment générer d'emplois ici au Canada.
    La troisième question du sondage concernait la protection des investissements. Encore une fois, je crois qu'il s'agit d'une question très importante qu'on a passée sous silence pendant les négociations de l'AECG. Il s'agit du chapitre 11 de l'ALENA qui permet aux entreprises de poursuivre en justice les gouvernements devant les tribunaux administratifs privés lorsqu'elles sont d'avis que leurs investissements ont subi les conséquences d'une décision du gouvernement. Malgré la nébulosité du sujet, 54 % des Canadiens n'aiment pas l'idée d'inclure cela dans les négociations de l'AECG.

  (1115)  

    Les négociateurs canadiens ont laissé entendre à votre comité qu'ils avaient appris les leçons tirées de l'ALENA et que le chapitre sur les investissements de l'AECG rendra les causes sans fondement moins probables. Mais comme vous l'avez entendu de Howard Mann à l'Institut international du développement durable il y a quelques semaines, l'AECG pourrait donner aux investisseurs plus d'occasions et plus de droits que jamais, même plus que dans l'ALENA, et il dit que cela a été fait sciemment et délibérément.
    J'aimerais ajouter que la tendance internationale va dans l'autre direction. Par exemple, en Afrique du Sud, on a annulé des traités d'investissement avec des pays européens, car on s'est rendu compte qu'il n'y avait aucun avantage économique, mais plutôt un énorme risque de poursuites coûteuses dans le cadre de lois protégeant l'intérêt public. L'Australie n'a pas inclus ce processus dans son accord avec les États-Unis comme le Canada l'a fait, et le pays résiste toujours en ce qui concerne le Partenariat transpacifique. Évidemment, le Brésil attire plus d'investissements étrangers que n'importe quel autre pays d'Amérique latine, mais aucun de ces traités n'a été ratifié jusqu'ici. Il n'y a manifestement pas de lien étroit entre la quantité d'investissements et l'existence d'un traité.
    En ce moment, la commission a suspendu les négociations avec l'Union européenne, du moins en ce qui concerne les investissements, car elle organise une consultation publique. J'aimerais préciser que votre comité et le gouvernement fédéral en général devraient probablement saisir cette occasion, et je vous encourage à examiner la politique du Canada en ce qui concerne la signature de ces traités d'investissements et l'inclusion de mesures de règlement de différends entre les investisseurs et les États dans les accords de libre-échange, car c'est ce que l'Union européenne fait en ce moment. Vous recevriez un appui généralisé en ce sens. Encore une fois, notre sondage a révélé que les partisans du Parti vert et du NPD s'opposaient en grand nombre aux règlements sur l'investissement du type de ceux de l'ALENA, et même moins de la moitié des partisans du Parti conservateur appuient l'idée d'un droit de poursuivre, c'est-à-dire d'un droit pour les entreprises d'amener ces poursuites devant les tribunaux arbitraires privés, avec très peu de comptes à rendre et aucun compte à rendre aux électeurs.
    Pour résumer, dans notre sondage, nous avons aussi posé des questions sur l'idée d'organiser des consultations publiques. Un témoin précédent en a également parlé. C'est une bonne chose que nous parlions maintenant du résumé technique. Il n'y a pas assez d'information pour prendre une décision éclairée à l'égard de nos sentiments par rapport à l'accord. Je crois que le texte complet devrait être rendu public. Les partis politiques appuient à 80 % l'organisation de consultations publiques à l'échelle du Canada lorsque cela se produira. Avant de pouvoir signer l'accord, étant donné que nous savons qu'il sera impossible d'y apporter des changements par la suite — et le vote sera rapidement expédié au Parlement après un très court débat —, les Canadiens demandent qu'on le leur présente et qu'on organise des consultations publiques qui auront le pouvoir d'entraîner des répercussions sur l'accord avant qu'il soit signé.
    Je vais terminer ici. Si le gouvernement ne fait pas cela, il ne lui reste essentiellement qu'à dire aux Canadiens qu'un accord a été négocié sans leur avis et qu'il sera finalisé sans leur consentement. Je crois que ce n'est pas une bonne idée. Je crois qu'il est préférable de rendre l'accord public au cours des prochains mois.
    Merci beaucoup.

  (1120)  

    Nous allons entamer les séries de questions. Monsieur Davies, vous avez la parole.
    Merci, monsieur Trew et merci, monsieur McBane, d'être ici aujourd'hui. Je vous souhaite la bienvenue au comité.
    Je suis d'accord: le processus est important. Nous savons que les négociations ont commencé en 2009 et qu'elles ont duré de quatre à cinq ans. Nous savons également que le gouvernement a mené plusieurs consultations auprès d'entreprises du secteur privé... et auprès de plusieurs acteurs du secteur privé au Canada. Un grand nombre de ces organismes ont comparu devant le comité. Leurs représentants ont dû signer des ententes de confidentialité.
    Monsieur Trew, votre groupe, c'est-à-dire le Conseil des Canadiens, a-t-il été consulté par le gouvernement au cours des cinq dernières années?
    Nous avons participé aux séances d'information qui se sont tenues après la première des neuf séries de négociations. Il s'agissait de séances d'information qui réunissaient de nombreux groupes, des universitaires et des ONG. Nous avons eu l'impression qu'il s'agissait surtout d'une communication à sens unique. Évidemment, nous avons eu l'occasion de poser des questions, et l'activité a été utile dans une certaine mesure, mais il ne s'agissait pas d'une consultation dans le sens qu'il n'y avait aucune façon de déterminer si on tenait compte des contributions offertes par les différents groupes.
    Je ne sais pas si je l'ai mentionné en novembre 2011 — je ne pense pas —, mais on nous a dit que les commentaires n'étaient pas enregistrés et qu'il n'existait aucun procès-verbal de ces séances d'information. Nous avions l'impression qu'il ne s'agissait pas vraiment de consultations au sens exact du terme, et j'aimerais préciser qu'elles n'ont pas été menées de façon très publique. Lorsqu'il s'agit de consultations publiques, nous croyons généralement qu'elles devraient être accessibles à un plus grand nombre de personnes que celles qui ont reçu l'appel téléphonique.
    Monsieur Trew, avez-vous eu à signer une entente de confidentialité avant de participer à ces négociations ou à ces consultations?
    Non.
    D'accord.
    Monsieur McBane, votre groupe a-t-il été consulté par le gouvernement pendant les négociations?
    Je ne dirais pas que nous avons été consultés de façon exclusive. Nous avons demandé une réunion avec un ancien ministre du commerce international et on nous l'a accordée; nos préoccupations ont donc été présentées, mais nous n'avons participé à aucune consultation technique.
    Merci.
    J'essaie de comprendre la différence. Des témoins nous ont dit qu'ils avaient eu accès à des négociateurs et qu'ils avaient dû signer des ententes de confidentialité. Cependant, vous avez tous les deux confirmé que ce n'était pas le cas. Je me demande seulement si nous parlons de la même chose. Parlons-nous du fait que vos groupes fournissent des commentaires au gouvernement et ont accès aux points négociés, ou sommes-nous seulement en train de parler des séances d'information?
    Les membres de la Coalition canadienne de la santé ont eu accès, comme n'importe quel citoyen d'une démocratie, à nos représentants élus. Il n'y a eu aucune consultation sur les éléments techniques. Dans ce sens, on ne nous a pas traités de la même façon que l'industrie en ce qui concerne l'information privilégiée.

  (1125)  

    Monsieur McBane, vous avez dit: « Or la réserve de l'annexe II ne met pas le secteur des soins de la santé à l'abri du plein effet des accords commerciaux. » Vous avez poursuivi en disant: « Dans le but de protéger au maximum les services de santé et sa capacité à étendre la couverture du régime public d'assurance maladie, le Canada doit négocier une nouvelle exemption portant sur les services de santé... »
    Pourriez-vous approfondir? J'aimerais surtout connaître votre avis. Craignez-vous qu'une disposition de l'AECG empêche l'expansion future de l'assurance maladie au Canada, par exemple celle du régime national d'assurance médicaments ou du régime national de soins dentaires, ou une autre expansion?
    Il y a plusieurs problèmes avec les dispositions des réserves, c'est-à-dire, comme je l'ai mentionné, qu'il ne s'agissait pas d'exemptions complètes pour le secteur. Elles étaient soumises à des conditions. Il y a aussi une ambiguïté entre les aspects publics et privés du système de soins de santé du Canada. On craint donc que les industries internationales des soins de santé se servent des accords commerciaux pour ne pas se soumettre aux politiques gouvernementales. En fait, récemment, une poursuite a été lancée par Eli Lilly contre le gouvernement du Canada dans le cadre de l'ALENA, ce qui prouve que ces problèmes ne sont pas seulement théoriques.
    Je présume que ce que nous ne comprenons pas, c'est que s'il y a un risque, pourquoi le prenons-nous? Nous ne prenons pas de risque en ce qui concerne l'application du droit, il y a une exemption complète, alors pourquoi y a-t-il une exemption limitée pour les soins de santé? Nous jouons avec le feu. Je ne comprends pas pourquoi nous voulons prendre un risque, surtout qu'il est de notoriété publique que les négociateurs des États-Unis sont déjà en désaccord sur ce qui constitue un service public en matière de soins de santé. Je crois que nous nous attirerons des problèmes si nous n'avons pas une exemption beaucoup plus péremptoire pour les soins de santé.
    Monsieur McBane, vous avez cité le ministre Fast lorsqu'il a dit aux Canadiens que c'était un mythe que l'accord commercial Canada-UE ferait augmenter les coûts des médicaments et des soins de santé. Quelle est la position de la coalition à cet égard? Croyez-vous que l'AECG fera augmenter le coût des médicaments et des soins de santé au Canada? Si oui, avez-vous une estimation à nous communiquer?
    Nous collaborons avec quelques experts du secteur qui ont étudié les demandes de l'industrie, qui ont étudié les séances d'information du gouvernement, et qui nous donnent une idée de ce qui se trouve dans le nouvel accord. Au mieux de leurs compétences, ils ont estimé une échelle des coûts supplémentaires.
    Il ne fait aucun doute qu'il y aura des coûts supplémentaires, car il y aura un certain temps d'attente avant de lancer les médicaments génériques sur le marché. Toutes les mesures ne sont pas clairement définies. C'est pourquoi il y a une échelle. Mais il y aura des coûts supplémentaires, et je ne crois donc pas que le gouvernement peut affirmer de façon crédible qu'il n'y aura pas de conséquences sur les coûts. En fait, le gouvernement affirme depuis que s'il y a des conséquences, il trouvera une façon de compenser. Je crois qu'il y aura manifestement des répercussions sur les coûts.
    L'autre point que nous voulons faire valoir, c'est que nous récompensons la mauvaise conduite des entreprises en leur accordant plus de subventions, alors qu'elles n'investissent pas ici. Nous payons déjà des prix beaucoup trop élevés, beaucoup plus qu'en Europe.
    Monsieur Trew, on nous a dit que rien, dans l'AECG, n'exigera la privatisation des services publics, par exemple l'approvisionnement en eau ou les services d'égout, etc., surtout au niveau municipal, mais il n'est pas clair si l'AECG empêchera ou entravera la reprise de ces services par le domaine publique une fois qu'ils seront privatisés. Avez-vous des commentaires à cet égard?
    Oui. Il s'agit d'une autre préoccupation que nous avons au sujet de la couverture en matière de services dans l'accord, c'est-à-dire la couverture des services municipaux en particulier. En Europe, des investisseurs ont lancé des poursuites contre l'État concernant la remunicipalisation, et dans ce cas-là, il s'agissait de services de soins de santé. Ces services n'ont pas été exclus de l'AECG. Il y aura donc une immobilisation des services municipaux si on tente de les retourner au domaine public, par exemple parce que les coûts sont beaucoup trop élevés ou parce que les services sont distribués de façon non appropriée, et cela pourrait certainement provoquer des différends entre les investisseurs et l'État. Nous pensons que le gouvernement devrait prendre des mesures pour veiller à ce que cela ne se produise pas et qu'il faudrait prévoir des exemptions complètes pour les services d'approvisionnement en eau, par exemple.
    Monsieur O'Toole.
    Merci, monsieur le président. Je suis heureux de vous voir de retour. J'aimerais vous remercier de votre leadership continu au sein comité. De plus, j'aimerais remercier notre greffier et nos analystes.
    J'aimerais également remercier les deux témoins de comparaître aujourd'hui.
    Je vais tenter de diviser mes questions entre les deux témoins, et je vais commencer par M. McBane.
    Votre exposé fourmille de ce que vous décrivez comme étant des menaces contre notre système de soins de santé. Cela m'a amené à examiner d'autres rapports qui sont sur votre site Web.
    Je trouve curieux que votre groupe remette en question le vieillissement de la population et qu'il qualifie de mythe l'affirmation selon laquelle les changements en matière de population et de données démographiques exerceront des pressions supplémentaires sur notre système de soins de santé. Si j'examine l'autre extrémité du continuum, il y a par exemple le rapport de l'Institut Fraser, qui a étudié l'augmentation de l'ordre de 30 % des coûts liés aux soins de santé entre 2006 et 2010, et a conclu qu'elle était surtout attribuable aux changements démographiques. Comment expliquez-vous cela?
    Je sais que les deux organismes respectifs se trouvent aux deux extrémités du continuum, mais de bien des façons, le commerce, comme vous l'avez souligné, vise à favoriser le pouvoir d'achat, et l'accroissement des échanges commerciaux pourrait représenter un avantage en rendant les soins de santé plus abordables à long terme, en faisant exception de la question des produits pharmaceutiques. Comment expliquez-vous la différence d'opinions sur les données démographiques et leurs conséquences sur notre système de soins de santé?

  (1130)  

    Je vous remercie pour la question.
    Nous ne contestons pas le phénomène du vieillissement de la population. Nous croyons cependant que le fait d'y voir la cause première de l'augmentation des coûts de la santé relève du mythe. Voilà où se situe le mythe, pas dans le vieillissement de la population.
    L'augmentation des coûts attribuables au vieillissement de la population est inférieure à 1 % des dépenses de santé. Nous ne devrions donc pas imputer aux personnes âgées l'augmentation des frais de santé. Voilà notre opinion sur l'aspect démographique, et d'autres facteurs contribuent à l'explosion des coûts.
    Eh bien, dans votre rapport, on lit que vous estimez que c'est la quête du profit qui fait s'envoler les coûts, mais, aujourd'hui, vous dites — personne n'est visé ici — que l'augmentation des soins, à mesure que la population vieillit, ce qui est naturel et compréhensible, contribue à moins de 1 % de la pression exercée sur les budgets des provinces. N'est-ce pas?
    Oui. Le principal facteur n'est pas les personnes âgées. Laissons-les tranquilles si la maîtrise des coûts nous préoccupe. Le principal coupable est la participation du privé aux soins de santé.
    Au fond, c'est les produits pharmaceutiques. Si nous nous soucions des coûts, tous nos efforts devraient viser à obtenir le plus pour notre argent qui va à ces produits. De toute évidence, nous devrions, dans ce cas, offrir des soins à domicile et d'autres soins continus aux personnes âgées pour les garder en bonne santé et à la maison.
    Ma deuxième question porte sur le passage des pages 4 et 5 de votre exposé et sur votre deuxième recommandation portant précisément sur les médicaments. Vous citez une étude que vous qualifiez de récente. Il y en a eu quelques-unes sur cette question. En fait, la plupart ont précédé l'entente de principe sur les conditions définitives. Est-ce le cas de cette étude?
    Elle est postérieure. Nous y avons travaillé avec des spécialistes, après communication, par le gouvernement, de la teneur de l'Accord économique et commercial global, en octobre 2013.
    Nous avons entendu des représentants de l'industrie des produits pharmaceutiques génériques et de ceux des produits de marque déposée. Aussi bizarre que cela puisse paraître, tous affirment que l'accord instaure un équilibre. Je manque peut-être d'expérience politique, mais quand deux groupes habituellement rivaux affirment que l'équilibre existe, c'est généralement bon signe. Qu'est-ce qui vous amène à affirmer le contraire?
    Eh bien, nous ne représentons pas l'industrie. Si elle pense qu'il existe un équilibre, je pense donc qu'il y va de l'intérêt public de demander si c'est dans l'intérêt public. J'aurais tendance à dire que non. Nous payons trop cher les médicaments génériques et ceux de marque déposée. Le bonheur de l'industrie n'est pas nécessairement un bon signe pour une politique viable de santé publique.
    À la page 5 de votre exposé, vous parlez du prix des médicaments au Royaume-Uni et en France. Les modifications apportées à l'accord permettraient en fait d'harmoniser nos règles ou lignes directrices sur la propriété intellectuelle avec celles de ces pays. Intrinsèquement, votre groupe se soucie-t-il plus de la propriété intellectuelle et de la notion de brevet?
    Cela nous ennuie certainement que les médicaments essentiels à la vie ou d'autres biens collectifs soient brevetables, mais, d'une certaine manière, c'est un problème philosophique distinct. À l'instar du droit international, nous pensons qu'il existe une hypothèque sociale sur toute propriété intellectuelle. La question de brevet mise à part, parce qu'elle n'est pas vraiment de notre ressort, nous croyons que, peu importe la formulation du brevet, les États ne devraient pas payer ce que les sociétés pharmaceutiques demandent pour les produits de marque déposée. La plupart des pays négocient des prix très inférieurs, grâce à des ententes d'achat en masse, comme les Européens,...

  (1135)  

    Comme les provinces ont commencé à faire...
    ... et ce qu'on commence à voir au Canada.
    Merci beaucoup. Je dois passer à M. Trew.
    Merci d'être avec nous par vidéoconférence, monsieur Trew.
    Pour commencer, je suis le Conseil des Canadiens depuis des années. Je suis un nouvel élu, et je constate que vous êtes le principal porte-parole ou le chercheur du conseil en matière de commerce.
    Est-ce que le conseil appuie les échanges commerciaux, sous une forme ou une autre? Pouvez-vous nommer un accord, soit de protection, soit de libre-échange, signé par le Canada et que votre conseil appuie?
    Bien sûr, nous sommes pour les échanges commerciaux. En fait, la plupart des Canadiens aussi, manifestement. Les sondages le montrent: 80 % sont favorables à un accord commercial avec l'Europe. Nous sommes pareils.
    Nous n'appuyons pas les types d'accords que le Canada cherche habituellement à conclure, les accords de libre-échange ni, pour certaines des raisons que nous avons exposées aujourd'hui, le fait de déborder les questions commerciales pour englober celles de propriété intellectuelle, d'approvisionnement, de protection des investissements, ce qui, d'après nous, est exagéré. Cela dit, en ce qui concerne l'accord signé avec l'Association européenne de libre-échange, nous ne nous opposerions pas à sa signature avec les autres membres de l'Union européenne.
    Pour revenir, monsieur Trew, à ma question, je pense que, pour la plupart des Canadiens, Maude Barlow s'est fait connaître grâce à l'ALENA et à l'accord de libre-échange. Pouvez-vous nommer un accord de libre-échange en vigueur que le Canada a signé et que votre conseil appuie?
    Bien sûr que non, parce qu'ils s'inspirent tous du modèle de l'ALENA, auquel nous continuons de nous opposer pour certaines des raisons que j'ai exposées aujourd'hui. Nous pensons que ces accords donnent beaucoup trop de pouvoir aux sociétés commerciales, qu'ils n'ont pas été aussi bons pour le public qu'on le dit souvent, et que, tant qu'ils continueront de ressembler à l'ALENA...
    La réponse est aucun. Aucun, ça me va.
    Merci beaucoup.
    Monsieur  McBane, avant de passer au prochain intervenant, revenons à ce que vous avez mentionné: qu'un pour cent des coûts croissants de la santé sont attribuables au vieillissement de la population. Pouvons-nous renvoyer le comité à une étude?
     Bien sûr. Des organismes indépendants de recherche sur la santé ont estimé l'effet du vieillissement de la population sur les coûts. Je peux vous communiquer cette information.
    Je vous en serais reconnaissant.
    Monsieur Pacetti, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président. Je remercie les témoins d'être ici.
    Monsieur McBane, j'ai une petite question pour vous. Pour moi, les soins de santé réunissent les services et les produits. Arrêtons-nous aux produits, les produits pharmaceutiques, parce que des représentants du secteur ont comparu devant le comité, pour les produits génériques ou ceux qui sont issus de la recherche.
    Est-ce que le volet services est menacé? Y a-t-il des services qui deviendront plus chers? Je parle des services fournis par le personnel médical, les infirmières, les médecins et les spécialistes.
    Je pense que le risque existe. Dans le secteur de la santé, on souhaite certainement échanger et vendre des services. Il existe certainement une industrie internationale avec laquelle il faut compter. C'est la raison pour laquelle nous pensons qu'il faut une mise à part générale, qu'il ne faut pas...
    Est-ce que cela serait avantageux, car nous pourrions obtenir ou attirer plus de spécialistes, ou bien cela serait-il désavantageux dans ce régime de libre-échange dans le secteur de la santé?
    Notre position, qui, je pense, est proche de celle de beaucoup de professionnels de la santé, est qu'il ne devrait pas y avoir de libre-échange pour eux, parce que nous en enlèverions au tiers monde. Nous écumerions les rares ressources humaines d'autres régions qui sont affectées à la santé. Nous croyons simplement que ce n'est pas une bonne méthode pour monter son système de santé. C'est comme dans le Nord, où nous essayons de former des professionnels d'origine locale.
    Votre position est une exclusion complète de tous les types de services de santé.
    Qui représentez-vous? Représentez-vous une province?
    Nous avons des filiales dans la plupart des provinces et dans un territoire, mais notre tâche est vraiment concentrée sur les responsabilités fédérales dans le domaine de la santé.
    On pourrait entre autres se demander si le Canada pourrait se concerter avec les pays européens pour acheter en bloc tous les produits pharmaceutiques nécessaires. Est-ce que cela aiderait à réduire certains prix? Plutôt que de se concurrencer, ces pays pourraient peut-être acheter les produits en masse, comme je disais.
    Je commencerais par le faire à l'intérieur de la fédération canadienne.
    Je regarde vers l'avenir.
    C'est très compliqué à faire avec l'Union européenne à cause de la diversité des intérêts en jeu. Je pense que nous... Quelqu'un a dit que les provinces avaient déjà commencé à le faire. Je pense que c'est par là qu'il faut commencer.
    Il s'agit simplement de les amener à...
    L'achat en masse, voilà la solution.
    Oui. Les inciter à agir un peu plus vite.
    Merci, monsieur McBane.
    Monsieur Trew, j'ai deux petites questions pour vous.
    Pour les achats locaux, est-ce vraiment une menace? Est-ce que des compagnies européennes vont venir ici soumissionner pour des projets d'approvisionnement local? Je parle ici de trottoirs et de construction d'infrastructures qui feront l'objet de soumissions et pour lesquels il faudra de l'équipement. Est-ce qu'on importera cet équipement de l'Europe? Est-ce là que se situe la menace ou vise-t-elle des projets de plus grande envergure?

  (1140)  

    Il subsistera des seuils pour les travaux visés. Je pense que l'Union européenne et ses sociétés qui tenaient vraiment à l'insertion de ces règles d'approvisionnement dans l'accord prétendront que cela leur sera avantageux. En fait, dans les résumés de l'accord sur lequel il y a entente de principe, nous constatons une certaine jubilation de la part de l'Union européenne à ce sujet, que ç'a été un très bon accord pour elle.
    Encore une fois, nous craignons que les villes et les provinces perdent la capacité de maximiser ces avantages économiques, d'en obtenir le maximum pour leur argent, si vous voulez. Souvent, les villes des États-Unis conservent la capacité d'exiger des compensations pour les PME ou d'inclure, par exemple, une clause permettant d'exiger 25 % de contenu local pour les travaux d'électricité ou les gros travaux pour les transports en commun.
    Je sais que certaines exclusions sont prévues dans l'accord, si je me fie à la séance d'information technique. Nous ne savons pas exactement en quoi certaines consisteront, mais, dans l'ensemble, nous perdrons le droit d'appliquer les règles d'approvisionnement public qui, en fait, sont très avantageuses.
    Mais sentez-vous une menace? Même si un consortium européen décrochait un contrat, l'embauche ne serait-elle pas locale? Ne subsisterait-il pas des avantages à l'échelle locale?
    Voyons par exemple les grandes sociétés d'ingénierie de Montréal. Elles se font maintenant une gloire de tous les projets réalisés à l'étranger. Elles profitent visiblement des marchés internationaux et pas nécessairement du marché canadien.
    Ce n'est pas tant de cette capacité de concurrence dont nous nous soucions. Je pense que les firmes canadiennes sont capables d'affronter la concurrence. Je pense que le retrait définitif de toutes ces options aux villes ne semble pas une décision optimale pour le Canada, dans les circonstances. Pour les grands projets, les villes ont réussi à créer des emplois. Je pense que la stratégie d'approvisionnement pour la Défense le montre. Avec la suppression définitive de cette option, le Canada semble perdant.
    Une toute petite...
    Je suis désolé. Je dois passer à M. Cannan.
    Vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Trew, soyez le bienvenu encore une fois au comité, et bienvenue à vous aussi, monsieur McBane. Je suis très heureux que vous soyez ici. Vos témoignages nous sont précieux.
    Peut-être qu'un bref historique vous sera utile. C'est vers le mois de mai 2009 que les dirigeants canadiens et européens ont entrepris de négocier cet accord économique et commercial global. Ça ne s'est pas fait du jour au lendemain.
    En ce qui concerne l'Accord de libre-échange, les consultations ont atteint un niveau historique. Je fais partie du comité depuis maintenant un peu plus de huit ans. Nous avons visité les Maritimes et, la semaine prochaine, nous irons consulter les Canadiens à Vancouver. Essentiellement, nous avons entendu divers acteurs de partout au Canada, y compris vous, messieurs Trew et McBane. À l'époque, vous avez eu la possibilité de rencontrer le ministre. Nous avons aussi consulté les provinces et les territoires. Tous ont donné leur accord, y compris la Fédération canadienne des municipalités.
    Je représente la circonscription de Kelowna—Lake Country. J'ai été conseiller municipal pendant neuf ans, tout comme M. le ministre Fast, du Commerce international, neuf ans, lui aussi, à Abbotsford. Il sait donc ce qu'est travailler en étroite collaboration avec les pouvoirs locaux.
    En 2012, le président de la Fédération canadienne des municipalités, à l'époque, a dit:
La Fédération canadienne des municipalités se réjouit de l'engagement pris aujourd'hui par le ministre du Commerce international Ed Fast en vue de protéger les intérêts des municipalités dans l'AECG et dans les accords commerciaux futurs.
La FCM a activement plaidé en faveur de mesures concrètes pour protéger les villes et les collectivités dans tout accord commercial. Aujourd'hui, en promettant que les sept principes de la FCM concernant le commerce international seront respectés, le ministre Fast a été sans équivoque.
    Plus tard, cette année-là, la nouvelle présidente a dit que si, en fait, la majorité des membres de sa fédération n'avaient pas demandé d'exemption et que si le ministre s'était engagé publiquement à l'égard des sept principes avalisés par la fédération, ces principes étaient à la base des négociations qui concernaient le secteur des pouvoirs locaux. Elle a ajouté qu'ils constituaient des seuils raisonnables pour l'approvisionnement, l'administration rationalisée, l'application graduelle des lois, les mécanismes de règlement des différends, la consultation et les communications. Elle a précisé que les communications avec le cabinet du ministre et le négociateur en chef étaient tout à fait ouvertes et qu'ils répondaient à toutes les questions. Elle a dit que ses membres croyaient fermement que le ministre comprenait la position des pouvoirs locaux et qu'il l'avait affirmé à la table de négociations de l'accord.
    À l'annonce de la conclusion de l'accord, l'automne dernier, nous avons encore entendu la Fédération. Elle déclarait, le 18 octobre 2013:
L'annonce de ce matin montre que la voix des gouvernements locaux du Canada a été entendue et respectée dans les négociations commerciales avec l'Europe et elle ouvre la porte à un partenariat économique beaucoup plus solide entre, d'une part, le gouvernement fédéral et, d'autre part, les villes et les collectivités du Canada.
Et ainsi de suite.
    J'y suis revenu, parce qu'il s'agit d'un accord historique. Il n'est pas uniquement d'actualité aujourd'hui, mais il offre d'énormes possibilités à de nombreuses générations à venir de Canadiens. Il y a 20 ans, nous célébrions l'ALENA et sa réussite. Cet accord a multiplié les possibilités.
    Dans la région viticole que je représente, en 1989-1990, le ciel nous tombait sur la tête. C'était la fin du monde. Les producteurs de raisins allaient arracher toutes leurs vignes. Ils en ont replanté, et, maintenant, la province et le pays produisent des vins qui, dans de nombreux cas, gagnent des prix internationaux.
    En Colombie-Britannique, nous voyons que l'Accord économique et commercial global nous offre beaucoup de possibilités. Je me demande si, pour les Canadiens, vous percevez des avantages qui découlent de l'accord proposé. La question est pour M. Trew ou M. McBane.

  (1145)  

    Eh bien je fais ce que je peux pour l'industrie viticole.
    Des voix: Oh, oh!
    Merci. Je vous en suis reconnaissant, merci!
    Un collègue de la région de Niagara, qui remplace un de nos membres aujourd'hui.
    Nous ne sommes pas ici pour porter un jugement technique sur tous les aspects de l'AECG. Il y a bien sûr certains éléments positifs. Notre travail consiste à protéger le système de santé.
    On m'a posé précédemment une question sur les brevets et la propriété intellectuelle. Il n'y a pas pire tribune pour traiter de ces questions que celle des négociations commerciales. Tous ceux qui ont participé de près aux négociations nous ont dit qu'il y a un certain marchandage qui se fait et que nous nous retrouvons ainsi avec une politique déficiente concernant les brevets parce que nous avons voulu obtenir certaines concessions en agriculture ou dans un autre domaine. Nous soutenons que les soins de santé sont trop importants pour servir de monnaie d'échange avec d'autres secteurs.
    C'est ainsi que les choses se passent dans les négociations commerciales à l'échelle internationale. Ce n'est pas que l'accord soit complètement à rejeter. Nous disons simplement qu'il y a une lacune que nous pouvons corriger et qu'il est de notre devoir de le faire.
    Monsieur Trew.
    J'aimerais revenir sur quelques-uns des éléments que vous avez soulevés.
    Premièrement, je suis d'accord avec vous pour ce qui est des enjeux municipaux. J'ai pris connaissance des déclarations de la FCM. Je dirais toutefois que l'on ne sait pas encore si toutes les conditions ont été remplies. Je pense notamment à la quatrième condition concernant la possibilité d'accorder la préférence à des entreprises locales dans des secteurs stratégiques comme le transport et l'hydroélectricité. Il serait très avantageux que l'on ait pu prévoir des exceptions en ce sens. Nous ne savons toujours pas à quoi nous en tenir, car nous n'avons pas vu la version définitive de l'accord. Je crois que ces choses-là restent encore à déterminer.
    Il va de soi que des villes comme Toronto demeurent préoccupées. Il y a quelques semaines à peine, les autorités municipales ont indiqué, et je crois que c'était unanime, souhaiter une consultation avec la province pour savoir ce qui a été convenu. La ville veut avoir son mot à dire quant à la mesure dans laquelle elle sera liée par l'entente.
    Par ailleurs, l'Union des municipalités de la Colombie-Britannique (UBCM) a adopté une position bien différente de celle de la FCM. L'UBCM aimerait être totalement exemptée de l'application des règles en matière d'approvisionnement. Je crois que cette prise de position est en partie attribuable à l'expérience vécue dans le cadre de l'entente sur le commerce, l'investissement et la mobilité de la main-d'oeuvre avec l'Alberta (TILMA) qui a entraîné pour les municipalités des problèmes assez semblables à ceux qui pourraient découler des règles d'approvisionnement prévues dans l'accord.
    Comme l'indiquait M. McBane, il va de soi que nous ne nous opposons pas à toutes les dispositions de l'accord. De fait, je crois qu'il serait très bénéfique que nous puissions nous entendre avec l'Union européenne au sujet des droits de douane pour nos secteurs des pêches et des exportations agroalimentaires. Nous nous inquiétons surtout de constater que le comité et le Parlement sont incapables de débarrasser l'accord de ces éléments ne servant pas au mieux les intérêts des Canadiens. C'est l'aspect qui ne nous convient pas. Nous sommes d'avis que l'on devrait pouvoir accepter certaines dispositions et en rejeter d'autres. Il faudrait absolument pour ce faire tenir des consultations publiques beaucoup plus vastes que ce que permet le mode de négociation actuel.
    Enfin, je ne crois pas que l'accord soit d'une ampleur et d'une portée aussi larges qu'on nous l'a décrit. Il procure des avantages considérables à certains secteurs d'exportation. On nous parle bien sûr du porc et du boeuf, mais on ne sait pas encore quelles coupes de ces viandes seront acceptées sur les marchés de l'Union européenne.
    Par ailleurs, on ne s'attend pas à ce que l'accord stimule grandement les échanges commerciaux. C'est ce que révèlent les chiffres avancés par le gouvernement lui-même, des chiffres d'ailleurs jugés plutôt exagérés à la suite d'études menées ultérieurement. Je dirais que nous avons fait beaucoup de concessions pour réaliser très peu de gains.

  (1150)  

    Merci.
    Je crois que les gens de Toronto ont d'autres problèmes sur les bras actuellement.
    Nous n'avons pas le temps d'aborder ce sujet.
    Monsieur Davies, nous allons partager la période qui reste. Vous aurez droit aux trois prochaines minutes et M. Holder aura les trois suivantes. C'est ainsi que prendra fin cette portion de notre séance.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Trew, j'aimerais parler des dispositions relatives aux différends investisseur-État. Le Canada et les pays de l'Union européenne sont des démocraties modernes dotées de systèmes judiciaires efficaces. On y respecte la primauté du droit. Les mécanismes judiciaires misent sur les concepts de transparence et d'inamovibilité des juges ainsi que sur des processus d'appel appropriés.
    Les détracteurs font valoir que ces dispositions présentent de graves lacunes, car les différends commerciaux ne sont pas jugés par les tribunaux nationaux offrant toutes ces garanties, mais plutôt par des instances internationales dont les arbitres n'ont pas de sécurité d'emploi. Il y a même des allégations de conflit d'intérêts, car les mêmes personnes passent du rôle d'arbitre à celui d'employé des différentes entreprises ayant formulé des plaintes. On déplore en outre l'absence d'un processus d'appel adéquat et le manque de transparence.
    Qu'est-ce qui empêche le Canada et l'Union européenne de faire en sorte que les différends commerciaux soient jugés par les tribunaux des pays concernés?
    Je ne vois pas pourquoi on ne le ferait pas. Je ne vois aucune bonne raison d'inclure l'arbitrage des différends investisseur-État dans l'AECG. À l'instar de bien des groupes et avocats qui ont pris connaissance de ce texte maintenant accessible à tous sur certains sites Web, je ne suis pas convaincu que l'on règle ainsi les problèmes que vous venez de soulever, comme ceux concernant le processus lui-même et l'équité du régime d'arbitrage. Je ne crois pas qu'il existe d'arguments valables en faveur de l'inclusion de ces dispositions dans l'AECG, mais il y a de nombreuses bonnes raisons pour les en exclure.
    Partagez-vous les préoccupations exprimées par certains critiques à l'effet que les dispositions régissant les relations investisseur-État pourraient faire en sorte que le Canada et les pays de l'Union européenne ne puissent plus prendre de décisions stratégiques à titre d'État souverain sans craindre les poursuites intentées par des sociétés étrangères? Êtes-vous également d'avis que cet accord commercial pourrait restreindre la marge de manoeuvre stratégique des différents pays?
    C'est ce que je pense. De fait, c'est aussi l'avis du gouvernement fédéral. C'est ce que nous avons pu constater lors des négociations sur les services financiers dans le cadre des pourparlers sur l'AECG. Il était très clair que l'on ne souhaitait pas que les mesures financières prises au Canada puissent faire l'objet de contestations dans le cadre du processus investisseur-État. Le gouvernement a expressément indiqué que cela minerait notre capacité de mettre en place les mesures nécessaires pour protéger notre système financier et, notamment, pour éviter les situations de crise.
    Si un effet nuisible semblable se manifeste dans le secteur financier, j'estime tout à fait logique de s'attendre à la même chose dans d'autres secteurs comme la politique environnementale, les décisions touchant les concessions minières et les projets pétroliers et gaziers. Nous constatons en effet à l'échelle planétaire que ce sont les secteurs les plus litigieux. Ici même au Canada, le moratoire sur la fracturation décrété par le Québec suscite des contestations. En Amérique latine, les projecteurs sont tournés vers les décisions très controversées prises dans l'Intérêt public relativement à l'exploration minière, à l'exploitation pétrolière et gazière, à la fracturation et à des activités semblables. Je pense qu'en ratifiant l'AECG dans sa forme actuelle, le Canada ne ferait que s'exposer à des contestations de la sorte.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Holder, vous avez trois minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins.
    Monsieur Trew, vous avez indiqué tout à l'heure que l'AECG n'est pas un accord aussi important qu'on le croit.
    Pourriez-vous nous dire à combien se chiffre le produit intérieur brut de l'Union européenne?
    C'est la plus grande entité économique au monde...
    M. Ed Holder: Je suis heureux de vous l'entendre dire.
    M. Stuart Trew: ... J'en suis bien conscient.
    Vous pouvez poursuivre. Avez-vous un chiffre à nous donner? Vous avez raison de dire que c'est la plus importante entité économique.
    Il faut toutefois avouer que nous avons déjà accès à ce marché. Ce n'est pas un marché fermé. L'Union européenne compte pour 10 % de nos activités commerciales. C'est notre principal partenaire après les États-Unis. Il n'y a pour ainsi dire rien qui nous empêche de faire du commerce ou des affaires avec l'Union européenne.
    Connaissez-vous la valeur de nos exportations vers les États-Unis à l'heure actuelle?
    C'est aux environs de 200 milliards de dollars.
    Eh bien, la valeur combinée de nos exportations et de nos importations dépassait 600 milliards de dollars en 2012. Uniquement pour les exportations, ce n'était pas 200 milliards, mais plus de 325 milliards de dollars.
    Savez-vous à combien cette valeur se chiffrait en 1988, à l'amorce de l'ALENA, seulement pour nos exportations? Je sais que c'est un peu difficile, car vous n'avez sans doute pas ces statistiques en main, mais je vais vous aider un peu. Les exportations canadiennes dépassaient à peine 81 milliards de dollars. Elles ont augmenté de 400 %, et je ne vous parle même pas des importations dans le cadre des échanges économiques entre nos deux pays. Nous sommes donc parvenus à accroître de 400 % les exportations du Canada vers les États-Unis. Cela ne vous empêche toutefois pas de nous dire que vous n'appuyez pas l'ALENA, et que vous ne considérez pas le fait qu'avec l'Europe, que vous qualifiez à juste titre de plus grande entité économique de la planète, le Canada deviendrait le seul pays du G8 à avoir un lien direct avec les deux plus grandes économies au monde... Nous en avons fait la preuve avec l'ALENA, qui n'a pas votre appui... Nous avons accru nos exportations — et je répète que je ne tiens pas compte pour le moment des importations — de 400 % en éliminant ces obstacles.
    Je dois admettre que notre relation avec les États-Unis n'est pas toujours la meilleure qui soit, mais nous avons obtenu ce taux de croissance qui s'est traduit par des emplois pour les Canadiens. Si on pouvait faire la même chose avec l'Europe, en ayant accès à la plus grande entité économique au monde... Soit dit en passant, son PIB se chiffre à 17 billions de dollars, ce qui nous donne une bonne idée de l'ampleur de ce marché.
    Je sais que vous n'avez pas ces chiffres en main, et d'après ce que vous nous avez indiqué, et ce que nous a dit également M. McBane, vous ne semblez pas appuyer ces mesures favorables aux créateurs d'emplois, ceux-là mêmes qui, il faut bien l'avouer, font en sorte que M. McBane et vous-même comme nous tous, Canadiens, pouvons occuper un emploi et profiter de nouveaux débouchés... Mon collègue vous a posé une question à tous les deux.
    Le président: Très rapidement.
    M. Ed Holder: Vous avez dit ne pas vous opposer à tous les éléments de cet accord, mais pourriez-vous nous indiquer quelles en sont les dispositions qui obtiennent votre faveur?

  (1155)  

    D'accord, une très brève réponse.
    Je peux vous donner l'exemple de l'industrie des pêches dans l'Atlantique qui pourrait bénéficier d'une diminution des droits de douane. C'est en effet une industrie où ces droits sont plutôt élevés, mais ils sont par contre relativement faibles dans la plupart des autres secteurs de notre économie où il y a des échanges avec l'Union européenne. Je ne crois pas que l'expérience de l'ALENA puisse être reproduite avec l'Europe. L'économie nord-américaine est très fortement intégrée. Il est difficile de savoir dans quelle mesure l'ALENA a contribué à cette croissance de 400 %. Même au moment de la signature de cet accord avec les États-Unis, les droits de douane étaient déjà plutôt faibles.
    Quant à la possibilité qu'un scénario semblable se reproduise avec l'Europe, même l'étude menée par le gouvernement fédéral ne l'envisage pas. On prévoit un déficit commercial qui s'accroîtra à 8 milliards de dollars après la signature de l'AECG.
    Un grand merci à nos deux témoins. Nous terminons ainsi cette portion de notre séance. Nous allons interrompre nos travaux quelques minutes, le temps que les témoins suivants s'installent.
    Merci encore de votre contribution à nos travaux.

  (1155)  


  (1200)  

    Nous reprenons nos travaux.
    Nous tenons à remercier de leur présence les témoins qui viennent de se joindre à nous.
    De l'Alliance canadienne du commerce agroalimentaire, nous accueillons M. Martin Rice. Ce n'est pas votre première comparution et nous nous réjouissons de vous accueillir de nouveau.
    De l'Association canadienne de la technologie de l'information, nous recevons Lynda Leonard, vice-présidente principale. Merci d'être des nôtres.
    Nous débutons avec vous, monsieur Rice. Vous avez la parole.
    Je m'appelle Martin Rice et je suis l'un des administrateurs de l'Alliance canadienne du commerce agroalimentaire (ACCA). Je représente le Conseil canadien du porc et je suis ravi de pouvoir présenter aux membres du comité le point de vue de l'ACCA concernant l'Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l'Union européenne.
    Comme vous le savez peut-être tous, l'ACCA est une coalition de producteurs nationaux et régionaux et d'associations de l'industrie qui travaille à l'instauration d'une structure ouverte et transparente pour le commerce international des produits agroalimentaires. Au total, nos membres sont responsables d'environ 80 % des exportations annuelles du Canada dans le secteur agroalimentaire.
    L'ACCA a pu immédiatement exprimer son soutien marqué à l'entente de principe dont le Premier ministre Harper et le président de l'Union européenne, M. Barroso, ont fait l'annonce le 18 octobre dernier.
    L'AECG nous assure un accès tangible et sans équivoque à l'un des rares marchés d'exportation agroalimentaire dont la valeur se chiffre en milliards de dollars. Plus important encore, nous allons bénéficier de cet accès avant nos principaux compétiteurs. Nous partageons le point de vue des nombreux experts en commerce international qui ont indiqué qu'il s'agira du plus important accord commercial conclu par le Canada depuis l'ALENA. L'AECG traite d'un large éventail de questions y compris les droits de douane, les barrières non tarifaires, les services et l'investissement, les services financiers, les approvisionnements gouvernementaux et bien davantage.
    Il est très important de noter que, pour la toute première fois dans l'histoire des ententes commerciales conclues par le Canada, l'AECG porte sur des enjeux relevant de la compétence des provinces et territoires, ce qui a conféré aux 13 gouvernements provinciaux et territoriaux un rôle important dans le processus de négociation. Nous félicitons ces gouvernements de leur contribution à ces négociations internationales sans précédent.
    Depuis l'adhésion de la Croatie en 2013, l'Union européenne regroupe 28 pays dont la population combinée dépasse les 500 millions de personnes.
    À l'heure actuelle, les exportations canadiennes de produits agroalimentaires à destination de l'Union européenne atteignent seulement 2,4 milliards de dollars, soit à peine 5 % de notre total. L'AECG offre donc un potentiel de croissance formidable à nos membres. Les exportations canadiennes devraient vraiment être beaucoup plus élevées. J'aimerais vous présenter un échantillon des prévisions des membres de l'ACCA relativement aux débouchés additionnels que devrait leur procurer l'AECG. Selon le Conseil canadien du canola, l'augmentation des ventes pour les exportateurs de ce secteur pourrait atteindre 90 millions de dollars grâce à l'accord.
    Pour sa part, la Canadian Cattlemen's Association signale un nouvel accès sans droits de douane pour près de 65 000 tonnes de boeuf, des exportations d'une valeur estimée à près de 600 millions de dollars.
    L'AECG pourrait se traduire par de nouvelles possibilités directes et indirectes dans le secteur du grain. La Western Grain Elevator Association a cerné des débouchés pour la vente de blé sans droits de douane, en plus du grain qui sera utilisé pour l'alimentation du bétail afin de satisfaire l'accroissement de la demande de viande canadienne sur le marché de l'Union européenne.
    Selon le Conseil des viandes du Canada, qui représente les transformateurs de viande, la valeur des importations agricoles de l'Union européenne s'est accrue de quelque 145 % en un peu plus de 10 ans, soit de 2000 à 2012. On prévoit d'importants débouchés pour la croissance des exportations de bison, de veau et de viandes préparées, en plus du porc et du boeuf.
    L'Institut canadien du sucre s'attend à ce que l'AECG permette une augmentation de 100 millions de dollars des exportations de produits contenant du sucre vers l'Union européenne.
    Ma propre organisation, le Conseil canadien du porc, qui représente les éleveurs porcins du Canada, prévoit, en se fondant sur la connaissance actuelle du marché et les débouchés anticipés pour certaines coupes de porc, que cet accord pourrait, en quelques années à peine, porter à 400 millions de dollars la valeur des ventes annuelles du Canada vers l'Union européenne.
    Au total, nous estimons que la pleine mise en oeuvre de l'AECG pourrait susciter de nouvelles exportations agroalimentaires du Canada vers l'Union européenne d'une valeur de 1,5 milliard de dollars.
    Les droits de douane sur près de 94 % des produits agroalimentaires exportés du Canada vers l'Union européenne seront éliminés dès l'entrée en vigueur de l'AECG. Au fil de la mise en oeuvre de l'accord, à peu près tous les droits de douane, à l'exception de ceux s'appliquant au boeuf et au porc, seront également supprimés.
    Si l'industrie canadienne de l'agroalimentaire est si favorable à l'AECG, c'est aussi parce que les négociations n'ont pas porté uniquement sur les droits de douane. En effet, on a traité d'un large éventail de questions non tarifaires dont la résolution est essentielle pour les exportateurs canadiens du secteur agroalimentaire.

  (1205)  

    Ainsi, on a pu discuter de questions comme les obstacles techniques au commerce, les enjeux sanitaires et phytosanitaires, la coopération en matière réglementaire et les subventions à l'exportation. Il s'agit souvent des entraves les plus importantes à nos exportations, aussi nuisibles dans certains cas que les droits de douane eux-mêmes pour ce qui est de l'Union européenne.
    L'AECG établit des mécanismes qui favoriseront la coopération et la concertation à l'égard des questions réglementaires et des barrières non tarifaires au commerce. Dans le cadre de cet accord, le Canada et l'Union européenne se sont également engagés à travailler ensemble pour réaliser des progrès à l'égard de différents enjeux non tarifaires, y compris l'accréditation des installations de transformation des viandes et l'approbation plus rapide des caractéristiques biotechniques. Dans ces dossiers-là comme dans d'autres, des solutions plus définitives doivent être trouvées avant la mise en oeuvre de l'AECG, mais nous sommes convaincus que le gouvernement canadien a à coeur d'y parvenir.
    À mon avis, les exportateurs canadiens du secteur agroalimentaire ont investi individuellement et collectivement beaucoup plus de temps et d'efforts pour que les négociations de l'AECG aboutissent à un résultat favorable qu'ils ne l'avaient fait pour tout autre exercice du genre auparavant. Nous avons la ferme conviction que l'AECG procurera à notre pays un avantage net qui justifie pleinement sa ratification et sa mise en oeuvre. Nous nous réjouissons à la perspective de pouvoir continuer à appuyer les efforts des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux à cette fin.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant entendre notre deuxième présentatrice. Madame Leonard, la parole est à vous.
    Je vous remercie infiniment d'avoir invité les représentants de l'ACTI à venir vous rencontrer aujourd'hui pour parler de l'accord économique et commercial global.
    Je suis ici cet après-midi pour remplacer tant bien que mal mon patron, Karna Gupta. Karna se trouve à Dubaï aujourd'hui, où il dirige une mission commerciale à la Conférence arabe sur la santé. Il y est accompagné de sept de nos membres actifs dans les services de santé électronique.
    Il s'agit de notre deuxième mission dans des pays émergents en autant de mois, ce qui peut vous donner une idée de l'importance des marchés mondiaux pour les sociétés technologiques que nous représentons.
    À ma connaissance, c'est la première fois qu'une porte-parole de l'ACTI comparaît devant vous. Je vous remercie encore de m'en donner l'occasion. Je vais donc commencer par vous présenter rapidement un portrait de l'industrie de l'information et des communications au Canada.
    Il y a plus de 30 000 sociétés en TIC au Canada. Au total, elles génèrent environ 155 milliards de dollars de revenus annuels et contribuent au PIB canadien à hauteur d'environ 5 %. Elles emploient directement 521 000 Canadiens. Si l'on tient compte de tous les spécialistes des technologies employés dans d'autres secteurs, notre groupe compte 800 000 travailleurs.
    Nos employés sont très instruits: 45 % des employés en TIC ont des diplômes universitaires, par comparaison avec la moyenne nationale qui est de 26 %. Ils touchent également une excellente rémunération, puisque leur salaire moyen est d'environ 52 % plus élevé que la moyenne nationale.
    Notre secteur est celui qui attire le plus d'investissements en recherche et en développement dans toute l'économie, il attire près du tiers des investissements privés en R-D au Canada.
    Bien que certains membres de l'ACTI aient plus de 100 ans et que l'Association elle-même existe depuis 60 ans, notre industrie est encore relativement jeune. Elle a connu sa croissance la plus rapide entre 1976 et 2001, environ. Je pense qu'on peut dire que notre secteur a connu son principal essor à une époque où les échanges commerciaux étaient plus libres qu'aujourd'hui et que nous bénéficions clairement des accords de libre-échange qui ont été conclus jusqu'ici.
    Notre croissance et notre succès dépendent énormément de notre accès aux marchés d'exportation. Nous exportons beaucoup plus de la moitié de ce que nous produisons. C'est simple, le marché canadien est nettement trop petit pour suffire à soutenir la croissance et le leadership des producteurs canadiens d'ordinateurs, de logiciels, d'appareils sans fil, d'applications et de dispositifs microélectroniques.
    Les entreprises du secteur des TIC savent que dès qu'elles ont franchi l'étape de l'incubation, elles doivent se trouver des consommateurs dans les marchés mondiaux si elles veulent survivre. L'un des grands mandats de notre association est de les aider le mieux possible à se doter de stratégies de développement international efficaces le plus tôt possible dans leur évolution, puis de les aider en cours de route, de toutes les façons possibles. Nous dépendons énormément des ressources du ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement, des services de ses délégués commerciaux, de même que de ceux du personnel d'Exportation et Développement Canada pour nous acquitter de notre mandat.
    En 2011, nous avons exporté des biens et des services d'une valeur de 20,7 milliards de dollars. La nature de ces exportations change, toutefois. Les États-Unis et les liens étroits que nous entretenons avec l'industrie américaine des TI sont très importants pour nous. L'héritage du libre-échange nord-américain nous confère la réputation de Silicon Valley du Nord, ou nous porte à nous voir comme tels, ni plus ni moins.
    La libre circulation des talents de part et d'autre du 49e parallèle a également eu une incidence profonde sur notre industrie. L'expérience acquise à Silicon Valley est recherchée dans les entreprises canadiennes. De très nombreux entrepreneurs ambitieux vont faire leurs preuves en TIC dans la vallée, aux alentours ou dans d'autres centres d'excellence des TIC. Ils reviennent ensuite très souvent bâtir des entreprises encore plus fortes, qu'ils viennent créer ici, au Canada.
    L'accès aux géants mondiaux installés aux États-Unis est également très prisé. Les partenariats avec ces entreprises peuvent assurer le succès mondial d'entreprises canadiennes dans leur chaîne d'approvisionnement. Bien sûr, les marchés des entreprises et des consommateurs des États-Unis, qui sont exponentiellement plus vastes que ceux du Canada, exercent également un magnétisme sur les entreprises canadiennes en TIC. Pour toutes ces raisons, les États-Unis sont et vont rester d'une importance cruciale pour notre industrie; c'est d'ailleurs la destination d'environ 64 % de nos exportations.
    Il y a cependant d'autres marchés qui gagnent en importance eux aussi. L'ampleur des exportations canadiennes en TIC vers les États-Unis a même décliné en 2011, alors que nos exportations vers les pays de l'Union européenne ont augmenté de 8 % pour s'établir à 12 % de l'ensemble de nos exportations en TIC, ce qui représente environ 1,4 milliard de dollars. Nos échanges avec les pays de l'Asie-Pacifique se sont aussi beaucoup intensifiés.
    La nature de ce que nous exportons change. Les ordinateurs et les logiciels représentent actuellement 86 % de notre secteur, et c'en est le segment qui connaît la croissance la plus rapide.

  (1210)  

    Les entreprises canadiennes montrent qu'elles sont passées maîtres dans le monde pour relever les défis de la transformation d'entreprise. Nous constatons que les services représentent une part croissante des exportations en TIC; ils représentaient un peu moins de la moitié de nos exportations en 2011.
    Il nous faut donc repenser la nature des exportations de savoir du XXIe siècle et les concepts comme ceux des envois et des points d'entrée. Il faut réfléchir à la nature de plus en plus numérique de notre production et à la manière invisible et instantanée dont elle atteint les marchés mondiaux. Nous sommes d'avis que cet accord économique et commercial global relève admirablement bon nombre de ces défis. Je suis heureuse de vous dire que nous observons la même réflexion avant-gardiste sur d'autres accords commerciaux actuellement à l'étude, d'ailleurs.
    Lorsque l'AECG a été annoncé l'automne dernier, nous l'avons accueilli comme une bonne nouvelle pour la technologie, comme un outil qui donnerait à nos sociétés un accès sans précédent au marché de pointe de 28 pays. Nous espérons avoir réussi à exprimer tout notre enthousiasme dans notre réponse. Voici quelques-uns des éléments de l'AECG que nous accueillons favorablement.
    L'AECG montre qu'on comprend l'importance du commerce mondial des services. Comme on peut le lire clairement dans l'aperçu de l'AECG: « Le commerce va au-delà de l'importation et de l'exportation de produits. Les idées et l'expertise font aussi l'objet d'échanges sous la forme de services, et les courants d'investissements d'un pays à l'autre soutiennent la création d'emplois et la croissance à la fois dans le pays d'origine et le pays destinataire. »
    Cet accord témoigne avec justesse du fait que dans le contexte commercial actuel, le plus grand atout du Canada en matière d'exportation, c'est le fruit de nos cerveaux. Les dispositions de l'AECG montrent bien qu'on comprend que pour exporter du savoir, il faut permettre une circulation plus libre des personnes. Grâce à la technologie numérique, le fruit de notre intelligence peut être exporté de diverses façons, mais il faut parfois pour cela relocaliser physiquement la personne à qui appartient le cerveau.
    Compte tenu du caractère absolument fondamental de l'exportation pour notre industrie et parce que nous apprécions de plus en plus nos succès sur les marchés mondiaux, nous avons appris assez vite qu'aucun pays ne pouvait avoir le monopole de la créativité ou de l'innovation, si bien que les sociétés canadiennes de TIC ont développé un intérêt marqué pour les talents hautement qualifiés qu'elles peuvent recruter partout dans le monde. Nous estimons important de protéger les emplois et les employés canadiens contre les abus, mais comme nous produisons principalement du savoir, nous voyons la quête d'un accès plus libre aux marchés du travail mondiaux comme découlant tout naturellement de l'élan qui nous pousse à chercher de nouveaux débouchés dans les marchés mondiaux de biens et de services. Tout le monde ne partage pas nécessairement cette conviction, donc il est encourageant de constater que cette idée a inspiré en partie la réflexion sur laquelle s'appuie l'AECG.
    Cet accord inclut explicitement les secteurs axés sur le savoir, en reconnaissant encore une fois qu'il n'y a pas de monopole naturel du savoir. L'AECG vise à renforcer nos liens pour favoriser la discussion et la coopération dans les secteurs scientifiques comme le nôtre. Il souligne par ailleurs l'importance de nous doter de mécanismes clairement interprétés et partagés pour protéger la propriété intellectuelle. En mettant l'accent sur les façons dont la réglementation peut nuire à l'innovation ou la stimuler, il crée l'environnement nécessaire à une coopération réglementaire.
    L'AECG s'appuie sur une bonne compréhension du rôle que jouent les marchés publics dans la croissance économique. Les dispositions de cet accord visent à assurer aux sociétés canadiennes des débouchés nombreux et sûrs pour leurs biens et leurs services en leur donnant accès aux marchés publics de l'Europe. De même, les entreprises européennes auront accès aux marchés publics canadiens, ce qui devrait donner lieu à une concurrence robuste pour l'obtention de contrats avec les gouvernements et à de meilleurs résultats pour les contribuables.
    Enfin, je souligne que cet accord est visionnaire et encourage les Canadiens à être visionnaires eux aussi. L'AECG est un accord commercial résolument moderne parce qu'il met l'accent sur les secteurs du savoir, qu'il intègre judicieusement le commerce électronique et qu'il atteste du fait indéniable que les entreprises sont tellement dynamiques dans le monde d'aujourd'hui que même les accords commerciaux doivent être adaptés aux nouvelles réalités.
    Nous attendons son officialisation avec impatience. Cet accord va donner au Canada plus librement accès aux marchés de la moitié du monde, ce qui constitue une excellente nouvelle pour les grands acteurs du commerce international comme les sociétés technologiques du Canada.

  (1215)  

    Je vous remercie infiniment de votre témoignage.
    Nous allons maintenant passer aux questions et aux réponses. Je vais donner d'abord la parole à M. Morin. La parole est à vous.

[Français]

    Monsieur Rice, le résumé technique nous fournit des données générales sur la biotechnologie.
    Pouvez-vous nous expliquer les principaux enjeux qui touchent les membres de votre organisme?

[Traduction]

    Je ne rendrais pas justice au Conseil canadien du canola si je vous disais que je comprends en profondeur les questions de biotechnologie qui le touchent, mais j'ai fait partie de délégations de l'autre côté de l'Atlantique. Je pense que le plus grand enjeu en ce moment, c'est l'impossibilité, dans l'UE, d'accepter toute trace infinitésimale de produits issus de la biotechnologie, du maïs ou du soya génétiquement modifiés qui n'ont pas encore été approuvés par l'UE. Il est donc très risqué d'y exporter les récoltes de cultures non génétiquement modifiées parce qu'on ne peut pas savoir à l'avance si l'on va trouver la plus petite trace de résidus d'OGM dans le conteneur qui les transporte. Les producteurs veulent que l'UE accepte de tolérer un certain seuil maximal de résidus, qui serait très bas, jusqu'à ce qu'elle puisse approuver ces produits.
    Ce serait la plus grande revendication du secteur de la biotechnologie dans les négociations avec l'UE, compte tenu de l'inflexibilité actuelle du régime de tolérer le moindre résidu dans les conteneurs, même s'il s'y trouve en quantité tellement faible qu'il ne présente aucun risque pour la santé publique.

  (1220)  

[Français]

    C'est un peu la même chose en ce qui concerne les organismes génétiquement modifiés. La plupart des pays européens sont beaucoup moins enthousiastes que le Canada à l'égard des organismes génétiquement modifiés.
    Par exemple, l'utilisation d'hormones de croissance dans l'élevage du boeuf pourrait-elle poser un défi ou être un obstacle à l'augmentation de nos exportations en Europe?

[Traduction]

    Il ne fait aucun doute que les acteurs de la chaîne d'approvisionnement du boeuf se demandent déjà comment ils pourront s'assurer que le produit répond aux exigences de l'UE. C'est la même chose dans mon secteur, celui du porc, où nous n'en utilisons pas. Nos produits ne sont pas approuvés dans les pays de l'UE, même s'ils le sont dans la plupart des pays producteurs de porc au monde, donc nous respectons le fait que nous devons produire notre viande sans en utiliser.
    Les secteurs qui ont recours aux OGM au Canada, dont les entreprises exportent vers des dizaines de pays, tout comme nous, je pense que les gens savent comment fournir des renseignements exacts sur le contenu génétiquement modifié ou non des produits. Je pense qu'ils peuvent le faire. C'est cette exigence vraiment ridicule qui nous bloque, une exigence que la plupart des gens voudraient probablement voir modifier, puisque l'UE approuve de plus en plus de nouveaux produits GM. Elle ne peut pas tous les approuver en même temps. Je pense que c'est là le problème, elle a besoin de temps pour les approuver, puis permettre l'envoi de variétés non GM vers l'UE.

[Français]

    Dans un contexte où les Européens refuseraient un produit ou une catégorie de produits, si nos producteurs voulaient vraiment développer le marché, ils devraient s'adapter et modifier leurs méthodes de culture ou d'élevage. Avez-vous une idée des coûts supplémentaires que devraient assumer nos producteurs pour s'adapter à ces conditions?
     Nous espérons que les pays européens accepteront tout, mais pour l'instant, il semble y avoir fermeture de leur part. Le cas échéant, les producteurs seront obligés de s'adapter aux normes européennes, ce qui entraînera des coûts supplémentaires. Vos membres ou vous-même avez-vous estimé ces coûts?

[Traduction]

    Nous savons qu'il y a quatre entreprises au Canada qui sont déjà en mesure d'envoyer des produits dans les pays de l'Union européenne. Elles répondent à tous les critères sur les plans de l'alimentation, de la transformation et des chaînes d'approvisionnement. Le secteur bovin est un peu en retard par rapport à d'autres, simplement parce qu'il n'y a pas encore eu d'occasion qui s'est présentée sur le marché.
    Tout cela représente des coûts supplémentaires, mais avec le temps, ces marchés vont nous permettre de générer des revenus supplémentaires, surtout si nous y avons accès en franchise de droits. À mon avis, il ne fait aucun doute qu'il va devenir intéressant d'y exporter des produits en deçà des quotas.

[Français]

    Le Canada a déjà accès à un certain marché: 50 000 tonnes pour le boeuf et environ 80 000 tonnes pour le porc. Nos exportations atteignent-elles les quotas qui nous ont été alloués?

[Traduction]

    Nous exportons très peu, malgré que nos quotas actuels nous le permettraient, parce que les tarifs sont actuellement très, très élevés. Il y a en fait un quota d'exportation canadien que nous avons acquis lorsque l'Union européenne a intégré des pays comme la Hongrie et la Pologne. Nous ne l'avons toutefois jamais utilisé parce que le tarif qui s'y applique est de presque 1 $ le kilo. Le commerce devient donc totalement inintéressant dans ces conditions. Si le tarif par kilo était nul, ce serait extrêmement intéressant. Nous exportons un peu de produits sous le régime de ces quotas, mais pas beaucoup, parce que dans notre secteur, un tarif de 10 ou de 20 ¢ suffit pour faire avorter un projet.

  (1225)  

    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant donner la parole à M. Hoback. Je vous souhaite la bienvenue au comité. Monsieur, la parole est à vous.
    Merci, monsieur le président. C'est fantastique de faire partie de ce merveilleux comité. Le commerce est l'une des choses qui m'a attiré à Ottawa, de même que mon expérience avec l'OMC et la Western Canadian Wheat Growers Association, donc je me sens à ma place ici. Je suis content d'être là aux côtés de Martin. Je connais très bien le travail de l'ACCA, c'est une excellente organisation.
    J'ai écouté avec intérêt les questions posées par mon collègue du NPD, sur la présence en faible quantité. Nous en avons discuté au Comité de l'agriculture. Il importe de reconnaître la validité des données scientifiques. Il existe un mécanisme de règlement des différends qui se fonde sur la science plutôt que sur la politique. C'est l'un des éléments que je trouve important dans cet accord commercial avec l'Union européenne, c'est certain.
    Lorsque je suis retourné dans ma circonscription, les dernières semaines, je me suis rendu compte que cet accord suscitait beaucoup d'enthousiasme chez les agriculteurs. Ils sont impatients d'en profiter. En fait, l'un d'eux m'a même dit de nous dépêcher.
    Je serais curieux de savoir comment il est accueilli dans le secteur porcin, qui a connu beaucoup de difficultés ces derniers temps. Êtes-vous enthousiastes? Que vous laisse-t-il entrevoir? Quelle incidence va-t-il avoir sur votre secteur?
    L'annonce de cet accord est la première bonne nouvelle pour notre industrie depuis cinq ans. Nous avons eu plusieurs nouvelles, tout récemment celle de l'apparition d'une nouvelle maladie, mais c'est la première fois que nous sommes en avance sur nos grands concurrents pour l'accès à un nouveau marché. Nous essayons de nous rattraper ailleurs. Nous croyons que cet accord survient à un excellent moment, parce que l'Europe tend vraiment à évoluer vers un régime d'importation des produits agricoles beaucoup plus axé sur le marché que sur la protection et les politiques commerciales. Les gens de notre secteur sont très, très heureux de ce résultat.
    Vous nous avez donné des chiffres, 90 millions de dollars pour le canola. C'est principalement le secteur du biodiesel, le non-alimentaire qui va en profiter. Quand l'Union européenne va commencer à changer sa politique sur les OGM et à reconnaître les preuves scientifiques sur la santé et la sécurité des OGM, ce chiffre pourrait exploser et peut-être même atteindre la barre des 600 millions de dollars, comme pour les exportations de boeuf.
    Dans le secteur porcin, je suis un peu curieux. Nous avons eu notre part de frustrations avec les États-Unis. Nous avons un accord de libre-échange avec les Américains. Il fonctionnait assez bien avant, mais il commence à y avoir des frustrations sur l'étiquetage du pays d'origine. Cet accord vous permettrait de rediriger une partie de la production destinée aux États-Unis pour l'envoyer ailleurs. Quel en sera l'effet sur votre secteur, puisque vous aurez accès à ce plus grand marché? Est-ce que cela va accroître la viabilité et la confiance dans votre secteur, au point où il pourrait y avoir des investissements dans les fermes porcines et que votre secteur pourrait connaître un essor comme nous n'en avons pas vu depuis longtemps?
    Nous sommes beaucoup confrontés à la concurrence des États-Unis. Lorsque l'ALENA est entré en vigueur, les États-Unis étaient un grand importateur net de porc. Aujourd'hui, ils en sont devenus le plus grand exportateur mondial. Il est indéniable que si nous voulons demeurer un grand exportateur, nous devons envisager d'exporter une plus grande part de notre production vers des marchés qui ne sont pas visés par l'ALENA. Encore une fois, nous pourrions percer le marché de l'UE sans que les États-Unis essaient de franchir la porte en même temps que nous.
    Permettez-moi d'être très clair. Vous avez accès à un marché auquel les États-Unis n'ont pas accès, n'est-ce pas? J'aimerais que vous me le confirmiez.
    C'est exact. Ils ne semblent pas près de conclure leur propre accord du jour au lendemain non plus.
    Je m'interroge un peu sur le processus qui a mené à cet accord. Les derniers témoins que nous avons entendus nous ont dit qu'ils n'avaient pas l'impression d'avoir pu participer activement au processus. Ils n'ont pas compris le processus ou ne se sont pas sentis écoutés.
    Comment avez-vous trouvé le processus qui a mené à cet accord comparativement à la préparation d'autres accords commerciaux? Avez-vous eu accès au ministre ou aux négociateurs en matière d'information; avez-vous bien compris ce qui se passait?
    Il y a comme un groupe de consultation permanent en agriculture, depuis quelque temps, qui nous informe périodiquement non seulement sur l'AECG, mais sur les autres négociations commerciales, et tous les groupes du secteur agroalimentaire qui veulent bien y participer peuvent le faire, qu'ils s'intéressent aux exportations ou aux importations.
    De plus, cet enjeu est d'une telle importance pour nous que nous nous sommes vraiment prévalus de toutes les occasions qui ont été présentées à toutes les parties intéressées, à notre connaissance, encore une fois que le but soit l'exportation ou le seuil d'importation de certains produits. Nous avons eu diverses occasions de transmettre de l'information sur notre secteur, et les négociateurs ont pu l'utiliser pour attester de l'intérêt que suscitaient certaines possibilités d'exportation, je suppose, donc...

  (1230)  

    Non seulement avez-vous pu exprimer vos préoccupations au gouvernement fédéral, mais si je comprends bien, vous dites que les provinces ont également pu participer abondamment aux négociations en vue de cet accord commercial? Vous avez pu vous exprimer à vos gouvernements provinciaux locaux, qui ont pu à leur tour faire part de leurs préoccupations au gouvernement fédéral. Est-ce que c'est bien cela?
    Oui. Nos membres provinciaux ont communiqué avec leurs gouvernements provinciaux.
    Donc, si vous examinez le processus employé pour veiller à ce que tous les intervenants soient au courant de la façon dont les choses se déroulent et du type d'entente que nous obtiendrons, vous constatez qu'il est très détaillé.
    Nous avons, bien entendu, profité de l'occasion qui nous était donnée de rencontrer les autres délégations des pays européens, etc. Je pense qu'ainsi nous avons été en mesure de vraiment participer à des discussions avec un échantillon très vaste de parties intéressées à ces négociations. Nous avons passé beaucoup de temps ici et à Bruxelles à faire tout en notre pouvoir, je suppose, pour nous assurer que nos intérêts étaient bien compris. Bien sûr, nous n'avons jamais pénétré dans les salles de réunion; ce genre d'intervention ne s'est jamais produit, mais nous avons eu l'impression que nos intérêts étaient reconnus.
    Est-il juste d'affirmer que vous appuyez cet accord?
    Il est juste de dire que nous l'appuyons sans réserve.
    Vous êtes très satisfait du résultat?
    Oui.
    J'ai terminé, monsieur le président.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Pacetti, la parole est à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur présence aujourd'hui.
    Monsieur Rice, je ne dispose pas d'une copie de votre mémoire. Ce n'est pas la première fois que vous comparaissez devant nous mais plutôt la deuxième. Même si votre mémoire est rédigé dans une seule langue, si vous l'envoyez à l'avance, nous le ferons traduire, et nous aurons alors l'occasion de le consulter. Par conséquent, vous devriez nous le faire parvenir à l'avance. Vous avez de l'expérience, donc...
    Vous avez mentionné qu'un processus d'approbation était encore requis pour la transformation de la viande, mais y a-t-il d'autres exemples de ce genre? Certains secteurs doivent-ils toujours être approuvés, ou certains de leurs détails techniques doivent-ils toujours être réglés?
    Je pense que, dans les secteurs de la biotechnologie et des céréales, on cherche encore à préciser la façon dont sera résolue la question de la présence de faibles quantités d'OGM décelée au cours de la surveillance des résidus. Il est certain que, dans le cas de la viande, certains détails doivent toujours être réglés relativement aux protocoles d'analyse et à l'assurance que les systèmes d'approbation des usines seront mis en place.
    Ces détails auront-ils une incidence sur la version finale de l'accord de libre-échange? L'appuierez-vous toujours, quoi qu'il advienne?
    Je dirais qu'en ce qui concerne l'entente de principe que nous avons vu à ce jour, nous l'approuvons sans réserve. Toutefois, ces questions doivent aussi être réglées.
    Ce sont deux enjeux très importants.
    Ce sont effectivement deux enjeux très importants. Cependant, nous ne les considérons pas comme des pierres d'achoppement ou des questions qui pourraient faire tomber l'accord à l'eau.
    Cela indiquera simplement combien d'argent nous devrons investir. Est-ce que je crois comprendre?
    Je ne crois pas qu'il faudra nécessairement investir plus d'argent. Je pense qu'il s'agit plutôt d'accepter des niveaux de risque raisonnables et pratiques sur le plan de la sensibilité des technologies d'analyse. Disons que vous décelez la présence d'un OGM dans un des 50 billions de résidus trouvés sur un porte-conteneurs. Un résidu d'une espèce de soja, jugée parfaitement salubre par le pays exportateur, est toujours présent. Toutefois, si cet envoi risque d'être refusé en raison d'une politique de tolérance zéro, il s'agit là d'une question de politique. Ce n'est pas...
    Je ne suis pas agriculteur. Lorsqu'on parle de résidus, ceux-ci peuvent-ils être décelés dans n'importe quel produit que vous exportez, ou certains produits sont-ils plus susceptibles d'en contenir?
    Je suppose que cela dépend des espèces cultivées et de la capacité des agriculteurs à déceler les résidus à l'aide des technologies qu'ils possèdent. Je pense que, si vous souhaitez surveiller quelque chose, vous pouvez trouver certaines façons de procéder à des analyses, mais il n'y aurait aucune raison...
    Comment les Européens arrivent-ils à éviter de produire ces résidus? Comment sont-ils en mesure de garantir l'absence complète de résidus?
    Dans ces cas-là, ces conditions sont provisoires. Ils ne produisent pas d'OGM eux-mêmes. Ils n'ont pas encore approuvé leur utilisation. C'est la raison pour laquelle ils...
    Ces conditions sont-elles réciproques? Les Européens devront-ils respecter les mêmes normes que les Canadiens? Je présume que c'est le cas.
    J'estime qu'avec un peu de chance nous envisagerons ces aspects en fonction des risques. L'Europe s'est limitée elle-même dans un certain nombre de secteurs, notamment dans le cas de certains produits que nous utilisons et qu'ils considèrent inadmissibles, même si la salubrité de ces aliments n'est pas problématique. En affirmant qu'ils n'accepteront pas cette catégorie de produits, ils se privent de certains produits utiles.

  (1235)  

    D'accord.
    Madame Leonard, votre mémoire est très intéressant. Toutefois, je trouve étrange que vous indiquiez que le pays avec lequel nous avons conclu un accord de libre-échange est celui dans lequel les recettes de votre industrie ont périclité, alors qu'elles ont grimpé dans les pays avec lesquels nous n'avons pas négocié un tel accord.
    Cet accord avec l'Europe sera-t-il improductif? Aura-t-il pour effet de réduire vos recettes? Nous semblons avoir accès à un marché libre malgré l'absence d'un accord de libre-échange.
    Non, je pense que l'existence de notre secteur des TIC est l'un des résultats imputables à la négociation d'accords libéralisés avec les États-Unis et en Amérique du Nord.
    Donc, c'est simplement le cycle économique.
    C'est simplement le cycle économique. Je pense qu'en constatant l'activité accrue des marchés européens et qu'en sachant que des hausses semblables sont observées dans la région du Pacifique et en Asie...
    D'après ce que j'ai entendu au cours de la présentation de votre mémoire, je crois comprendre que c'est la réglementation liée à l'accord qui vous aidera. Est-ce l'un des avantages qui en découlent?
    Dans son mémoire, M. Rice a parlé des aspects non tarifaires. Je veux dire, c'est également ce qui nous attire. Je ne passe pas beaucoup de temps à discuter des droits de douane et de leurs conséquences avec mes membres, mais nous sommes assurément préoccupés par les barrières non tarifaires au commerce.
    Le fait d'avoir accès à des tribunes et d'avoir des occasions d'être...
    Des tarifs s'appliquent aux TI?
    Oh, les TI sont assujetties à des droits de douane, mais, comme je l'ai déclaré, ils ne représentent pas des obstacles, car, fondamentalement, nous dépendons des marchés d'exportation. La question des droits de douane n'est pas soulevée lors de discussions concernant...
    Désolé, ces personnes limitent mon temps de parole. Elles sont mauvaises.
    Il utilise son temps tellement efficacement qu'il est vraiment fascinant de l'observer.
    Merci, monsieur Pacetti.
    Monsieur Hiebert, vous avez la parole pendant sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les deux témoins de leur présence parmi nous cet après-midi.
    Je vais m'efforcer d'adresser la plupart de mes questions à Mme Leonard de l'Association canadienne de la technologie de l'information.
    J'ai remarqué avec intérêt le degré d'appui dont bénéficie l'AECG et le nombre d'emplois mentionné. Quelque 512 000 emplois représentent un énorme niveau d'emploi au Canada. Vous avez souligné le fait qu'en 2011 le pourcentage d'exportations vers l'Union européenne avait augmenté en passant à 12 % au total et que, pendant la même année, 64 % des importations étaient destinées aux États-Unis. La somme de ces pourcentages s'élève à environ 75 %.
    Pouvez-vous nous indiquer dans quels pays le reste de vos échanges commerciaux ont lieu?
    Comme je l'ai mentionné, on observe un intérêt naissant dans la région du Pacifique. De plus, un projet assez important entraînant des exportations vers l'Inde et le sud de l'Asie va de l'avant en ce moment. Par ailleurs, l'Amérique latine est en train de devenir un important marché, en particulier dans le secteur des communications sans fil. L'intérêt des Latino-Américains à notre égard est nouveau, tout comme l'évolution de leurs marchés.
    Je remarque que ce sont tous des pays et des régions avec lesquels le Canada a négocié des accords de libre-échange.
    M. Rice a mis en évidence toutes les industries qui pourraient bénéficier de l'accord et la croissance qu'elles pourraient enregistrer dans les pays de l'Union européenne. L'ACTI peut-elle nous indiquer les perspectives de croissance de ses membres? Nous savons à quoi s'élèvent vos chiffres de vente, soit 1,4 milliard de dollars. Selon vous, dans quelle mesure ces chiffres augmenteront-ils?
    Je suis désolée; je ne suis pas en mesure de répondre à cette question. Nous n'avons pas mené cette étude, et nous n'avons pas interrogé nos membres à ce sujet, mais, à mon avis, il nous incombe de le faire dans les mois ou les années à venir.
    Quels droits de douane votre industrie verse-t-elle en ce moment?
    Pardon, je ne connais pas les tarifs imposés.
    D'accord.
    En ce qui a trait aux services, vous avez souligné le fait qu'ils représentaient environ 50 % de vos exportations. Vous avez également signalé le fait que l'intelligence liée à ces services est parfois reliée à un corps qui doit se déplacer.
    Avez-vous une idée du pourcentage de services que vous fournissez sans que des Canadiens sortent du pays, de services que vous rendez à l'Union européenne à l'aide de technologies de l'information? Je songe à des scénarios semblables à ceux que le Canada observe en ce moment relativement à ses exportations vers l'Inde. Des cabinets d'experts-comptables rapprocheront des livres comptables pendant la nuit, au Canada, et pendant la journée, en Inde, ou des conceptions architecturales seront réalisées ici, ou des conceptions de puces seront réalisées en Inde pour être exportées ensuite vers le Canada sans que personne n'ait à parcourir de grandes distances.
    Pouvez-vous nous aider à comprendre dans quelle mesure de tels scénarios surviennent entre le Canada et l'Union européenne, scénarios dans lesquels le travail est effectué ici et le service est rendu ici, sans qu'aucun déplacement ne soit requis, même si le bénéficiaire se trouve là-bas?

  (1240)  

    Il est certain que les entreprises canadiennes, même les très petites, investissent dans les marchés du travail étrangers. Si vous fournissez des services de recherche à forfait dont les calculs exigent le recours à des mathématiques supérieures, il est possible que vous recherchiez un degré de qualité élevé à faible prix dans des États comme ceux de l'Europe de l'Est. Cette fonction peut être exercée précisément dans cette région et être amalgamée à tous les autres services de consultation intégrés dans le contrat de recherche.
    Selon la capacité requise, ainsi que la qualité et le coût du produit de connaissance désiré, il se peut que divers éléments de votre main-d'oeuvre soient déployés partout dans le monde afin de fournir à vos clients des services de la meilleure qualité qui soit, à des prix concurrentiels. Pour un certain nombre de nos entreprises membres, l'Europe joue assurément un rôle important dans cette équation. En ce qui concerne le pourcentage des services offerts de cette manière, je ne dispose pas de statistiques à cet égard, mais c'est l'un des profils classiques que présentent les entreprises internationales.
    Il me semble que vous décrivez là un scénario dans lequel des entreprises canadiennes emploient, en fait, des contractuels qui vivent dans des pays émergents de l'Europe de l'Est ou d'autre pays. Leur main-d'oeuvre internationale ne réside pas au Canada, mais elles effectuent du travail provenant de leur pays d'origine à un autre endroit. Est-ce ce que vous laissez entendre?
    Ce n'est pas ce que je laisse entendre. Je fais observer que certaines portions de la main-d'oeuvre peuvent vivre dans diverses parties du monde, selon la disponibilité des compétences et selon les prix précis auxquels ses services sont offerts.
    Eh bien, cela définit certainement un scénario dans lequel il n'est plus nécessaire d'être citoyen d'un pays précis. Pour être employé par une entreprise canadienne, par exemple, il semble que vous pourriez résider n'importe où et répondre aux besoins d'un client établi, lui aussi, n'importe où.
    À la fin de votre témoignage, vous avez fait ressortir un certain nombre d'aspects de l'AECG qui vous plaisent vraiment. Vous avez fait allusion au fait qu'il reconnaît les secteurs du savoir, protège la propriété intellectuelle et tient compte de la collaboration en matière de réglementation et des marchés publics. Ensuite, vous avez mentionné que l'accord était avant-gardiste et qu'il permettait de faire du commerce électronique.
    Je me demande si vous pourriez nous aider à comprendre dans quelle mesure l'accord tient compte des aspects économiques.
    Je ne peux me reposer que sur la description technique, mais je pense que, pour nous, le fait même que le commerce électronique soit mentionné montre clairement qu'il fait au moins partie du caractère de l'accord.
    Est-ce que certaines dispositions faciliteraient la participation au commerce électronique?
    Certes, certains obstacles pourraient être élevés et, en conséquence, le commerce électronique et le commerce ordinaire pourraient être traités différemment. Donc, le fait de reconnaître que... la description technique indique en quelque sorte que ces distinctions n'auront pas cours.
    Quelles distinctions?
    Les distinctions entre le commerce électronique et le commerce ordinaire.
    D'accord. Merci.
    Je tiens à remercier les témoins d'être venus.
    Il est formidable de constater qu'on est parvenu à un accord dont, très souvent, le public ne reconnaît pas les avantages, en particulier en ce qui a trait aux TI. Nous considérons que notre pays se livre surtout au commerce des ressources naturelles, et l'agriculture en est un exemple évident. Cependant, vos témoignages ont été très instructifs. Je vous suis reconnaissant d'être venus.
    Cela dit, nous allons maintenant suspendre la séance publique et poursuivre nos délibérations à huis clos afin de nous occuper de certains travaux du comité.
    Je vous remercie encore une fois d'être venus.
    Nous allons mener la séance à huis clos.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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