Le privilège parlementaire / Droits de la Chambre

Outrage à la Chambre : député qui aurait délibérément induit la Chambre en erreur

Débats, p. 24980.

Contexte

Le 13 décembre 2018, Nathan Cullen (Skeena—Bulkley Valley) soulève une question de privilège relativement à une déclaration qu’aurait faite à la Chambre Nicola Di Iorio (Saint-Léonard—St-Michel) en répondant à une autre question de privilège soulevé par M. Cullen à son sujet[1]. M. Cullen soutient que M. Di Iorio a délibérément induit la Chambre en erreur, le 11 décembre 2018, en affirmant à plusieurs reprises qu’il n’empochait aucun salaire de député pendant son absence prolongée du Parlement[2]. À ses yeux, cette affirmation est tout simplement fausse, puisque l’administration de la Chambre des communes, en vertu de la Loi sur le Parlement du Canada, a l’obligation de verser un salaire à tout député jusqu’à ce qu’il ne soit plus député. M. Cullen considère ainsi que la déclaration de M. Di Iorio représente un outrage à la Chambre. Le Président prend la question en délibéré.

Le 29 janvier 2019, M. Di Iorio se lève pour répondre aux propos de M. Cullen en déclarant qu’il a été absent de la Chambre tout en continuant son travail de député et en œuvrant à une cause qui lui tient beaucoup à cœur. Il avait choisi, dès le début de son absence, de ne pas faire sien le salaire de député[3].

Résolution

Le Président rend sa décision le 29 janvier 2019. Il réitère l’importance qu’il accorde aux accusations d’induire la Chambre en erreur portées contre un député. Le Président reconnaît que les mots utilisés par M. Di Iorio lors de son discours du 11 décembre 2018 semblent contredire des faits établis, à savoir que M. Di Iorio n’empochait pas de salaire, alors que l’Administration de la Chambre a l’obligation légale de lui en verser un.

Le Président rappelle que son rôle n’est pas d’interpréter ce que les députés veulent dire lorsqu’ils s’expriment à la Chambre; la tâche de la présidence se limite à des aspects procéduraux. À cet égard, un examen minutieux des précédents et du cas présent ne permet pas d’établir qu’il y a, de prime abord, matière à question de privilège. Le Président invite finalement les députés à porter une attention particulière aux mots qu’ils utilisent, afin de minimiser toute confusion qui pourrait engendrer un malentendu.

Décision de la présidence

Le Président : Je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur la question de privilège soulevée le 13 décembre 2018 par l’honorable député de Skeena—Bulkley Valley concernant une déclaration trompeuse qu’aurait faite à la Chambre l’ancien député de Saint-Léonard—Saint-Michel.

Je remercie le député d’avoir soulevé cette question. Je remercie aussi l’ancien député de Saint-Léonard—Saint-Michel et le député de Grande Prairie—Mackenzie de leurs commentaires.

Lorsqu’il a soulevé sa question de privilège, le député de Skeena—Bulkley Valley a déclaré que, le 11 décembre 2018, en réponse à une autre question de privilège, l’ancien député de Saint-Léonard—Saint-Michel avait induit la Chambre en erreur lorsqu’il a affirmé qu’il ne touchait pas son salaire de député. Il a conclu que cette déclaration devait être incorrecte étant donné que, selon la Loi sur le Parlement du Canada, l’Administration de la Chambre des communes doit verser un salaire à tous les députés en poste et l’ancien député de Saint-Léonard—Saint-Michel était toujours en poste lorsqu’il a fait cette déclaration.

Plus tôt aujourd’hui, l’ancien député de Saint-Léonard—Saint-Michel a réaffirmé qu’il n’avait jamais eu l’intention d’empocher son salaire et qu’il en avait d’ailleurs fait don à une cause de son choix. Il a aussi expliqué qu’il avait fait sa déclaration en français et que la traduction anglaise sur laquelle le député de Skeena—Bulkley Valley s’est fondé pour la question de privilège dont la Chambre est saisie actuellement ne rendait pas bien son point de vue et a donné lieu à une interprétation erronée de ses propos.

J’ai examiné soigneusement la déclaration que l’ancien député de Saint-Léonard—Saint-Michel a faite le 11 décembre 2018 dans laquelle il a effectivement dit à plusieurs reprises qu’il n’empochait aucun salaire. Les mots prononcés à ce moment, ou du moins l’interprétation qu’on peut facilement en faire, semblaient contredire les faits, notamment pour ce qui est de l’obligation légale de l’Administration de la Chambre des communes de verser un salaire à tous les députés jusqu’à ce qu’ils quittent leurs fonctions de députés. La déclaration d’aujourd’hui clarifie ce que l’ancien député voulait dire.

La présidence considère toujours qu’il est très grave d’accuser un député d’induire la Chambre en erreur, car en plus des aspects techniques de l’accusation, l’intégrité du député est en cause. La présidence est tenue, bien sûr, de respecter les conventions établies acceptées par la Chambre en la matière; elle n’a toutefois pas à interpréter ce que les députés voulaient dire. Comme le Président Parent nous le rappelle à la page 9247 des Débats du 19 octobre 2000, et je cite :

La tâche qui m’incombe est plutôt de rendre une décision sur une question plus restreinte de procédure, à savoir, s’il y a eu une tentative délibérée d’induire la Chambre en erreur. […] Seules des preuves irréfragables peuvent permettre à la Chambre ou à son Président d’agir dans les cas où l’on a tenté d’induire en erreur les députés.

Après un examen minutieux des précédents et du cas présent, la présidence ne peut conclure qu’il y a suffisamment de preuves pour établir qu’il y a, de prime abord, matière à question de privilège.

Avant de conclure, j’encourage une fois de plus les députés à accorder plus d’attention à leur choix de mots afin de minimiser toute confusion qui pourrait entraîner un grave malentendu, même si cette confusion est causée par inadvertance. Bien sûr, cela est encore plus important lorsqu’une déclaration ambiguë ne peut être clarifiée facilement, comme dans le cas actuel. Par ailleurs, j’exhorte les députés à faire preuve de prudence lorsqu’ils songent à accuser un autre député.

Je remercie tous les honorables députés de leur attention.

Post-scriptum

Plus tard au cours de la même séance, le Président annonce à la Chambre la démission de M. Di Iorio. Il annonce aussi qu’un ordre officiel d’émettre un bref d’élection en vue de pourvoir à cette vacance a été adressé au directeur général des élections[4].

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[1] Débats, 13 décembre 2018, p. 24845–24846.

[2] Débats, 11 décembre 2018, p. 24689–24690.

[3] Débats, 29 janvier 2019, p. 24934–24936.

[4] Journaux, 29 janvier 2019, p. 4531–4532.