Les règles du débat / Ordre et décorum

Prise du vote : députés qui entrent dans la Chambre au moment où la question est mise aux voix; validité du vote

Débats, p. 26694–26695

Contexte

Le 20 mars 2019, Peter Julian (New Westminster—Burnaby) soulève une question de privilège concernant la validité du vote sur la motion no 126 des crédits faisant l’objet d’opposition au budget provisoire des dépenses pour l’exercice financier se terminant le 31 mars 2020. M. Julian fait remarquer que, plus tôt au cours de la séance, Kevin Lamoureux (secrétaire parlementaire de la leader du gouvernement à la Chambre des communes) a invoqué le Règlement au sujet de l’incapacité des députés à entendre la motion qui était mise aux voix. Par conséquent, la présidence commence à lire la motion no 126 de nouveau et la Chambre passe au vote. M. Julian soutient que divers députés sont entrés dans la Chambre et ont voté après que la présidence a commencé à lire la motion la première fois, ce qui jette un doute sur l’intégrité du vote et des règles de la Chambre[1]. Le 1er avril 2019, Candice Bergen (Portage—Lisgar) et Pat Kelly (Calgary Rocky Ridge) interviennent pour dire que des députés ont commis un outrage à la Chambre en votant alors qu’ils étaient arrivés dans la Chambre après la lecture de la question une première fois par la présidence[2]. Le Président prend l’affaire en délibéré.

Résolution

Le Président rend sa décision le 4 avril 2019. Il réitère qu’il lui incombe, en sa qualité de Président, de protéger le droit de vote des députés et que les députés sont autorisés à voter à condition qu’ils soient à la Chambre pour entendre la question lorsqu’elle est mise aux voix. Le Président fait observer qu’en raison des interruptions imprévues avant le vote sur la motion no 126 pour résoudre des problèmes de son, la présidence a déterminé qu’il était approprié de relire la question dans son intégralité pour que les députés présents puissent faire un choix éclairé. Il rappelle aussi aux députés qu’il revient à chacun d’eux de déterminer s’il peut ou non voter. Par conséquent, le Président statue que les résultats du vote sont valides et qu’il n’y a pas, de prime abord, atteinte aux privilèges.

Décision de la présidence

Le Président : Je suis maintenant prêt à me prononcer sur la question de privilège soulevée le 20 mars 2019 par le député de New Westminster—Burnaby concernant la validité du vote sur la motion no 126 des crédits qui font l’objet d’opposition, sous la rubrique Budget provisoire des dépenses, pour l’exercice se terminant le 31 mars 2020.

Dans l’examen de cette question de privilège, j’ai pris note du point de vue de la leader à la Chambre de l’opposition officielle et des députés de Chilliwack—Hope et de Calgary Rocky Ridge. Je remercie également les autres députés qui ont pris la parole à ce sujet.

Dans son intervention, le député de New Westminster—Burnaby signale à juste titre qu’un rappel au Règlement a été soulevé concernant l’incapacité des députés d’entendre la motion mise aux voix à la Chambre. Après avoir écouté le rappel au Règlement, la présidence a lu la motion à nouveau et la Chambre est passée au vote sur la motion no 126.

Le problème soulevé par le député de New Westminster—Burnaby tient au fait que de nombreux députés auraient été en train d’entrer à la Chambre la première fois que la présidence a lu la motion. Le député a fait valoir que les députés qui sont arrivés après que la présidence a commencé la lecture de la motion et qui ont voté ont enfreint le Règlement et les usages de la Chambre. Par conséquent, l’intégrité du vote a été remise en question.

Le 1er avril 2019, la leader à la Chambre de l’opposition officielle est arrivée à la même conclusion et a soutenu que le fait que de nombreux députés soient entrés dans la Chambre après la lecture de la question sans le reconnaître constitue une atteinte à nos travaux et un outrage à la Chambre.

Le droit de voter lors d’un vote par appel nominal est l’un des droits les plus importants qu’ont les députés à la Chambre. Le 21 février 2019, j’ai dû rendre une décision sur une affaire semblable, dans laquelle j’ai réaffirmé ce principe, à la page 24980 des Débats de la Chambre des communes :

Le droit de vote pour tous les députés est fondamental. On ne saurait trop le souligner : c’est en votant que les députés participent à la prise de décisions de la Chambre. En tant que Président, j’ai le devoir de protéger ce droit qui appartient à tous les députés.

Pour remplir leurs fonctions parlementaires — comme voter — les députés doivent avoir la conviction qu’ils peuvent exercer ces fonctions sans ingérence et comme le prévoient nos règles et usages. L’article 16(1) du Règlement est utile pour la question qui nous occupe. Il prévoit :

Lorsque le Président met une proposition aux voix, il est interdit à tout député d’entrer dans la Chambre, d’en sortir ou d’aller d’un côté à l’autre de la salle, ou encore de faire du bruit ou de troubler l’ordre.

Comme on l’indique également dans la troisième édition de La procédure et les usages de la Chambre des communes, à la page 588 :

Pour que leurs votes soient enregistrés, les députés doivent être à la Chambre pour entendre la lecture de la motion et se trouver à leur siège au cours du vote pour que leur vote soit consigné. Un député qui entre à la Chambre pendant que la question est mise aux voix ou après coup ne peut voter. Les députés doivent demeurer à leur siège jusqu’à ce que le Greffier annonce le résultat du vote.

Comme la présidence l’a dit à de nombreuses occasions, les députés doivent être à la Chambre pour entendre la motion. La présidence l’a bien dit au moment du vote sur la motion no 126. La logique de cette exigence est incontournable; pour dire les choses simplement, les députés doivent prendre une décision éclairée.

Les votes par appel nominal se déroulent normalement de façon ordonnée. La présidence fait la lecture de la motion sans se faire interrompre et les autres étapes du vote s’ensuivent. Toutefois, la présidence doit parfois adapter quelque peu l’application de ces règles en raison de circonstances imprévues. C’est exactement ce que la présidence a fait le 20 mars lorsqu’elle a été interrompue par un rappel au Règlement concernant le vote en question, après avoir pris connaissance qu’il y avait eu des problèmes de son. Comme il est important que les députés entendent la motion, la présidence a repris la lecture de la motion et l’a lue intégralement pour les députés présents. En ce qui concerne les circonstances entourant le vote sur la motion no 126, la présidence a rendu une décision qui s’appliquait à ce vote.

Les votes tenus pendant la séance du 20 mars étaient quelque peu exceptionnels; il est juste de dire qu’il s’agissait d’un marathon de votes. Les votes se sont déroulés de façon continue et successive pendant plus de 30 heures sur plus de 250 motions. Il est naturel et compréhensible qu’il y ait eu plus de députés qui entrent à la Chambre et en ressortent que d’habitude. En tant que Président, je peux assurer à la Chambre que cette situation n’a eu aucune incidence sur l’applicabilité et le respect attendus des règles et des pratiques de vote.

Toutefois, le point crucial de l’affaire porte sur l’incertitude entourant le droit de certains députés qui ont voté sur la motion no 126. À la suggestion de certains députés, j’ai regardé la séquence vidéo pertinente; malheureusement, cette vidéo n’a pas permis de déterminer si des députés étaient entrés ou sortis de la Chambre ni le moment de ces entrées ou sorties, le cas échéant. On m’a informé qu’il n’existait pas d’autres vidéos pertinentes pour aider la présidence à mieux comprendre la situation.

Le député de New Westminster—Burnaby, pour sa part, s’adresse à la présidence pour confirmer quels sont les députés qui n’ont pas entendu la question, peu importe les circonstances particulières durant le vote. La présidence n’a pas ce pouvoir. Les députés peuvent très certainement le comprendre.

Il appartient uniquement à chaque député de déterminer s’il peut voter ou non. Le Bosc et Gagnon prévoit ceci à la page 588 :

[…] si la présence d’un député est mise en doute et que ce député affirme avoir été là au moment de la lecture de la motion, il est d’usage que la Chambre accepte la parole du député.

Il incombe à chaque député personnellement de savoir, et de faire savoir, si son vote doit être compté ou non. On ne peut s’attendre à ce que la présidence surveille la Chambre ou sache à tout moment précisément qui était présent ou non au moment de la lecture d’une motion qui est mise aux voix. La présidence doit plutôt pouvoir compter sur tous les députés pour garantir que lorsqu’ils se lèvent pour voter à la Chambre, ils ont entendu la motion sur laquelle ils se prononcent. D’ailleurs, le député de New Westminster—Burnaby a signalé que, pour la motion no 126, certains députés se sont abstenus, tandis que d’autres ont voté ou ont retiré leur vote qui n’aurait pas dû compter.

En ce qui concerne le vote par appel nominal sur la motion no 126, les résultats du vote sont maintenus et, en ma qualité de Président, je ne peux conclure qu’il y a, de prime abord, matière à question de privilège.

Je remercie tous les honorables députés de leur attention.

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[1] Débats, 20 mars 2019, p. 26443–26444.

[2] Débats, 1er avril 2019, p. 26525–26526.