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Je ne vais pas passer tous les faits saillants en détail, mais depuis 35 ans, l'industrie génère 4 p. 100 du produit intérieur brut — de 3,5 p. 100 à 4 p. 100, en fait. Elle est très importante pour les systèmes ferroviaire et portuaire, sur le plan, entre autres, du nombre total de chargements et des recettes du transport, et toute une gamme de compagnies offrent des services. Nous imposons un plafond pour ces 2 300 fournisseurs. Plus de 50 p. 100 de leurs activités commerciales sont attribuables à l'industrie minière. Si 10 p. 100 de vos activités sont attribuables à l'industrie ministère, nous pouvons sans doute multiplier ce chiffre par 3 ou par 4 étant donné la portée de l'industrie minière dans l'économie canadienne. Nous sommes aussi d'importants investisseurs dans la recherche et le développement.
Je vais m'attarder un peu sur la prochaine diapositive, le cadre théorique. J'estime que ce dernier permet de définir l'objectif de l'industrie qui, à mon avis, est aussi l'objectif de la société. Ce schéma s'inspire du travail de Herman Daly, qui est bien connu dans les domaines de l'environnement et du capital naturel, et aussi du travail de Veronica Alvarez Compillay dans l'ouvrage intitulé « Indicators of Sustainability for the Mineral Extraction Industries ». Je me suis aussi inspiré d'autres auteurs ainsi que de la Banque mondiale.
Le diagramme traditionnel de Herman Daly illustrant le cadre théorique de la durabilité est la pyramide que vous pouvez voir au centre de la diapositive. Vous constaterez que grâce aux sciences, à la technologie et à la politique économique, nous transformons le capital naturel en capital produit. C'est ce que fait l'industrie quand elle produit des matières premières. Le capital financier, lui, est réinvesti par le gouvernement dans les programmes touchant le capital humain et social. Si tout est fait convenablement, par conséquent, le bien-être général de l'économie et de la société canadiennes est amélioré.
La perception théorique qu'ont les économistes et les environnementalistes de l'évolution à partir du point de départ est devenue plus complexe et détaillée. C'est pourquoi j'ai inclus les pavés avec les flèches entre le capital naturel, le capital financier, le capital humain et le capital social. Nous mettons ainsi un peu mieux en évidence l'essence des débats qui ont eu lieu au cours des cinq dernières années à propos de la pyramide de base et des subdivisions plus détaillées des divers éléments, sans pour autant perdre de vue ce que la pyramide cherche à illustrer, au centre.
Je précise que le capital social, par exemple, est souvent divisé en capital institutionnel, ou capital institutionnel social. En effet, quand nous investissons convenablement le capital dérivé d'autres parties du système, nous améliorons les structures de gouvernance institutionnelle de la société. Cela fait partie de la politique publique, à laquelle nous pouvons aussi participer.
Je vais tout d'abord expliquer le capital naturel. Il s'agit des fluctuations dans les réserves de ressources et de services naturels, l'eau, la flore, la faune, les minéraux et les métaux. C'est ce qu'englobe le capital naturel. Ce capital n'est pas statique, parce que le soleil produit de l'énergie, qui vient stimuler la croissance du biote, entre autres. Les minéraux et les métaux, ainsi que les combustibles, sont soumis à un peu plus de contraintes.
Nous transformons le capital naturel en d'autres formes de capital grâce à l'application du capital financier, de la politique économique et de la politique sociale. Nous produisons ensuite d'autres sortes de capital. Nous investissons dans cela, et les gouvernements investissent dans le capital humain grâce à l'éducation, la formation, le développement des compétences, la santé, les richesses, la communication et le savoir. Parallèlement, en tant que société et en ce qui concerne le capital social, nous nous intéressons particulièrement à investir, dans le capital social, une partie des richesses financières dérivées d'autres formes produites et naturelles de capital. Pour définir ce concept, je me sers de la définition de l'OCDE tirée d'un document, publié en 2001, intitulé « Politiques à l'appui du développement durable ».
Selon l'OCDE, le capital social désigne les réseaux, normes communes, valeurs et interprétations qui facilitent la coopération à l'intérieur des groupes et entre groupes. Il est question de cohésion sociale, d'objectifs communs. Si je précise tout cela et si beaucoup d'ouvrages parlent maintenant de capital institutionnel, c'est parce que dans certains cas, cette infrastructure institutionnelle est une plateforme nécessaire pour que ces normes sociales soient utiles et plus cohérentes, et pour qu'elles s'améliorent. Les subtilités sont nombreuses.
Si je voulais vraiment compliquer les choses en tenant compte de tout ce qu'on dit dans les ouvrages, j'ajouterais d'autres flèches entre le capital naturel et le capital humain, et entre le capital social et le capital financier. Après tout, plus on en sait, plus on peut oeuvrer à protéger ce capital naturel, c'est-à-dire remettre le terrain en état et accroître une fois de plus le capital naturel. Dans le même ordre d'idées, on peut aussi mettre le capital social et les connaissances traditionnelles des Premières nations, par exemple, au profit du capital naturel. Ce n'est donc pas pour rien que les flèches reliant tous ces pavés vont dans les deux sens.
En ce qui concerne l'administration publique, les gouvernements fédéral, provinciaux et du monde entier, ainsi que l'industrie, mettent en application les sciences et la technologie, la politique économique, la politique publique et autres pour établir des liens convenables et maximiser les bénéfices découlant de la transformation du capital illustré dans tous ces pavés. Un tel diagramme cadre avec ce dont il était question au Sommet de la Terre, en 1992, avec Action 21, sur le développement durable. Il cadre avec la définition de la Commission Brundtland concernant la mise en oeuvre d'une approche à trois volets — économique, social et environnemental — en matière de développement économique et social.
Bien que le diagramme soit compliqué — il ne me reste qu'une chose à dire à son sujet — il nous permet de constater qu'il existe la durabilité faible et la durabilité forte. Je ne vais pas trop m'attarder là-dessus, mais je les mentionne aux fins du compte rendu parce que je pense que vous les comprendrez mieux à la fin, et ce sont des concepts importants.
Les théoriciens diraient de la durabilité faible qu'il s'agit de maintenir, au fil du temps, les réserves générales de capital, les types de capital dont je vous ai parlé. Je me sers des définitions de l'ouvrage de M. Eggert tiré de la publication du PNUE, le Programme des Nations Unies pour l'environnement, intitulée « Sustainable Development and the Future of Mineral Investment ». Une fois de plus, tout cela est très bien établi dans les ouvrages.
La durabilité forte repose principalement sur deux éléments et nécessite le maintien, au minimum, des réserves générales de capital et aussi des ressources naturelles. Ainsi, certains auteurs font valoir qu'il faut s'intéresser tout particulièrement aux réserves des capital naturel.
C'est tout pour la théorie. Mais comment appliquer ces bases théoriques à, par exemple, l'industrie minière, qui exploite des ressources non renouvelables? Comment pouvons-nous agir selon les principes de la durabilité de manière à aider la société à atteindre ces objectifs, c'est-à-dire maintenir des réserves de capital constantes afin de pouvoir, au bout du compte, améliorer le bien-être de la société?
C'est sur cela que va porter la prochaine partie de mon exposé. Je vais utiliser la définition du développement durable de la Commission mondiale sur l'environnement et le développement — la Commission Brundtland — parce qu'elle est au coeur des activités que nous menons dans le cadre de l'initiative Vers le développement durable. Selon cette commission, « Le développement durable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. » Cette définition cadre parfaitement avec l'autre diagramme, parce que c'est une dynamique à long terme; nous voulons accroître le bien-être sans pour autant nuire irrémédiablement à un capital donné.
Afin que vous sachiez un peu plus où nous en sommes, nous avons commencé nos activités en 2004, après quatre ans de travail intensif au sein de l'AMC, l'Association minière du Canada. L'engagement envers ce processus est une condition d'adhésion: les membres doivent rendre des comptes en fonction des paramètres dont je vais vous parler. Le principe de l'association voulant que nous harmonisions les opérations de l'industrie avec les priorités et les valeurs des communautés d'intérêts, et que nous respections les priorités et les valeurs des collectivités dans lesquelles nous travaillons, est un exemple de cohésion sociale. C'est un engagement envers l'accroissement du capital social, et nous voulons réhausser notre réputation en améliorant notre rendement, qui revient à moins puiser dans le capital naturel et à accroître le capital financier et la capacité des gouvernements et autres, au bout du compte, à investir dans le capital humain.
Nos principes directeurs sont les suivants: combler de manière responsable les besoins de la société en minéraux et métaux; prendre un engagement envers le développement durable; harmoniser nos actions; prôner des valeurs communes; protéger de façon permanente nos employés, communautés et clients ainsi que le milieu naturel.
J'ai amené des copies française et anglaise du rapport de VDMD, elles sont au fond. Je ne m'attarderai donc pas dessus, vous pourrez les parcourir quand vous voudrez, elles sont a vous.
Nous nous engageons, dans toutes les facettes de nos activités, à respecter les droits de la personne, à respecter les cultures, les moeurs et les valeurs, à nous conformer aux pratiques exemplaires, à être sensibles aux priorités communautaires, etc.
Dans le cadre de cette application pratique, nous avons élaboré des indicateurs du rendement, parce qu'en fin de compte, la mesure du progrès fait partie de l'équation du développement durable. Comment traduire les principes directeurs en paramètres concrets afin de pouvoir démontrer si l'on réalise des progrès ou non?
C'est exactement en cela que consistent les principes directeurs de VDMD de l'AMC et les activités de l'AMC: élaborer des indicateurs du rendement pour s'attaquer aux secteurs de rendement critiques que la société civile nous a demandé d'améliorer. Notre comité a décidé qu'il est souhaitable et même nécessaire d'avoir des résultats mesurables. Il veut être en mesure de rendre compte de ses activités au public, et pour ce faire, il doit disposer de données sur les progrès et les résultats.
Nous pourrons aussi renforcer notre crédibilité auprès des communautés d'intérêts et gagner leur confiance, non en leur demandant de nous croire sur parole quand nous affirmons vouloir faire de notre mieux, mais en leur démontrant que nous sommes à la hauteur de nos engagements en leur montrant la mesure de notre rendement.
Tout d'abord, les indicateurs — une fois de plus, tout cela provient des commentaires que nous ont faits nos communautés d'intérêts. On pourrait parler d'« intervenants », mais les Premières nations et nos membres inuits et métis préfèrent le terme « communautés d'intérêts ». Ces dernières considèrent qu'elles sont plus que des intervenants et des gouvernements et, dans la plupart des cas, à raison, c'est pourquoi j'utiliserai le terme plus long, « communautés d'intérêts ».
Ces dernières voulaient avant tout que nous améliorions les communications dans le cadre de la gestion des crises, nos activités de communication externe auprès des localités où nous menons nos activités, et elles voulaient que nous reflétions ces valeurs, que nous adoptions de meilleurs mécanismes de rétroaction et que nous apportions des avantages à l'échelle locale.
Les gaz à effet de serre et la consommation énergétique sont d'importantes questions sur lesquelles nous nous concentrons depuis plusieurs années.
À cause des incidents de mauvaise gestion des résidus miniers qui ont eu lieu à l'étranger dans les années 1990, on nous a demandé de tâcher d'élaborer des pratiques exemplaires et de nous imposer en tant que leaders mondiaux en ce qui concerne l'exploitation des installations de gestion des résidus pour veiller à ce que ce genre de catastrophe environnementale ne se reproduise plus. Nous faisons maintenant preuve de diligence raisonnable dans notre approche à la gestion des résidus miniers; cette approche est devenue un exemple de calibre mondial qui figure sur le site international du PNUE. Nous l'avons mise à la disposition du monde entier. C'est un cas de leadership en matière de pratiques exemplaires.
Nous avons construit une structure complexe pour passer des principes directeurs à l'interprétation de ces derniers et, enfin, à la définition des indicateurs de rendement. Nous travaillons sur deux éléments supplémentaires: les relations avec les Autochtones et la biodiversité. Nous avons tenu des ateliers avec nos communautés d'intérêts et élaboré des positions de principe cette année, et l'année prochaine, nous définirons les paramètres.
Ensuite, nous nous attaquerons aux guides sur la présentation des rapports et aux systèmes de déclaration des résultats, et passerons à la vérification par un tiers en 2007. Je répète que ce sera un processus complexe, et il ne s'arrêtera pas là. Nous sommes toujours en train de construire la structure. Voici cependant un exemple de rapport sur l'initiative VDMD destiné au public qui, je le répète, est disponible en anglais et en français, et nous entreprendrons une vérification externe l'année prochaine.
D'une manière générale, l'application pratique a permis à l'industrie d'augmenter le rendement, de mettre l'accent sur les écarts de rendement et de stimuler les activités dans ce domaine, d'attirer l'attention sur les buts et objectifs et de créer une culture axée sur les réalisations. Ce sont là les raisons de mettre en oeuvre la mesure du rendement. Cette dernière nous permet de déterminer les tendances et de les comparer avec d'autres, autant à l'échelle internationale qu'avec d'autres secteurs de l'économie. Elle crée aussi une culture de la transparence et nous permet de mériter notre permis social.
Passons maintenant aux sables bitumineux en tant que tels et aux membres de l'Association minière du Canada qui s'y intéressent — je ne peux que parler en leur nom — notamment Syncrude, Suncor et Shell Albian. Ce sont les chefs de file dans la mise en oeuvre de l'initiative Vers le développement minier durable. Dans bien des cas, il avaient déjà établi des normes de calibre mondial en matière de pratiques exemplaires relativement à la gestion de l'énergie et des résidus miniers, à la communication externe, aux relations avec les Autochtones et à la communication en situation de crise, et nous nous sommes servis de leurs pratiques exemplaires pour stimuler le rendement dans d'autres secteurs de l'industrie.
Je ne m'attarderai pas trop sur les faits concernant l'industrie des sables bitumineux et la position du Canada. Si j'ai bien compris, des représentants albertains du secteur des sables bitumineux et du secteur pétrolier comparaîtront devant votre comité à l'avenir. Ils pourront vous en parler en plus grand détail.
Les recettes que nous sommes en mesure de générer pour l'économie et les gouvernements au cours des 20 à 25 prochaines années sont stupéfiantes. Les avantages en matière d'emploi et de politiques d'approvisionnement à l'échelle du pays sont considérables. En 2005, l'industrie a dépensé plus de 310 million de dollars en contrats visant à obtenir des biens et services d'entreprises appartenant aux Autochtones. La culture de la réussite et l'esprit d'entreprise que possèdent les communautés autochtones en Alberta suscitent l'envie de nombreuses autres communautés autochtones au Canada. Celles du Nord du Canada qui travaillent dans l'industrie du diamant affichent les mêmes qualités. Nous espérons pouvoir observer ce phénomène dans l'industrie du diamant en Ontario et l'industrie minière en général. Nous appliquons à d'autres secteurs les pratiques exemplaires en matière de communication externe et de participation des Autochtones qui existent dans l'industrie des sables bitumineux.
Le nombre d'emplois créés est assez remarquable. J'aimerais revenir à certains des indicateurs du rendement de VDMD: la participation des Autochtones dans l'industrie des sables bitumineux, le travail réalisé avec le Conseil de la Première nation d'Athabasca, les 1 500 Autochtones qui ont obtenu des emplois permanents en 2005. J'ai parlé du contrat.
D'après les indicateurs du rendement de VDMD, le secteur des sables bitumineux a obtenu le meilleur rendement dans le domaine de la communication externe et des relations avec les Autochtones. Syncrude s'est vu octroyer le prix d'excellence en matière de relations avec les Autochtones par le Conseil canadien pour le commerce autochtone. Cette société fait de son mieux, tout comme nous, l'industrie en général, en investissant dans le développement des entreprises autochtones et des compétences humaines, ainsi que dans la formation. C'est là qu'entre en jeu le capital humain: Nous aidons ces collectivités à être autonomes, à assurer leur avenir économique et à accroître leur capital social. Une fois de plus, il s'agit des interrelations dans le diagramme. Le revenu que touchera le gouvernement mettra ce dernier en position d'investir dans les capitaux humain et social, et ce, à une échelle beaucoup plus vaste que simplement régionale.
À propos de la gérance de l'environnement — l'air, l'eau, la terre — ces sociétés consacrent beaucoup d'efforts à la gestion des résidus miniers et à la biodiversité. Ces domaines sont réglementés à l'échelle fédérale et provinciale. Suncor a doublé sa production dans les cinq dernières années sans avoir augmenté sa consommation d'eau. Nous utilisons l'eau de manière beaucoup plus efficace, ce qui est évidemment un des objectifs clés de l'industrie en général. C'est une question urgente dans cette région de l'Alberta. Je le répète, on affiche un très bon rendement dans ces domaines.
À propos de la consommation responsable d'énergie et de la gestion de l'énergie, ce sont des leaders, et beaucoup de nos sociétés membres sont allées en Alberta pour voir les processus éconergétiques en place. Ils ont souvent indiqué la marche à suivre. Il reste encore de gros obstacles à surmonter, dont je parlerai dans ma conclusion. Cependant, on continue d'effectuer des améliorations en ce qui concerne le captage du souffre et la réduction des émissions d'oxydes d'azote, de particules et de gaz à effet de serre.
En conclusion, je vous ai exposé le côté pratique de la question, mais je tenais vraiment à le faire dans le cadre d'un contexte théorique.
Honnêtement, à l'avenir, le développement au Canada devra surmonter certains obstacles. La solution, pour faire en sorte que le secteur des sables bitumineux, l'exploitation minière et l'exploitation de toutes les ressources naturelles continuent d'entrer dans l'équation de la durabilité, n'est pas de dévaloriser les ressources en mettant un frein au développement. Il faut faire en sorte de disposer d'une bonne politique publique pour optimiser les composantes des capitaux humain, social et financier tout en réduisant au minimum les coûts environnementaux et l'utilisation du capital naturel. Dans le secteur des sables bitumineux, cela signifie que nous devons concentrer notre attention sur les partenariats de recherche entre les gouvernements et l'industrie axés sur le captage et la séquestration des gaz à effet de serre — surtout le CO2 — et l'amélioration continue de l'efficacité énergétique dans les procédés de production.
J'aimerais maintenant citer une partie du discours prononcé par Fred Carmichael, président du Conseil tribal des Gwich'in et président du Aboriginal Pipeline Group, le 24 octobre dernier, devant le Conseil canadien pour le commerce autochtone. Il a dit: « J'estime que le créateur a mis les ressources sous et sur la terre pour que notre peuple puisse continuer de bien gagner sa vie ». Cela rejoint les retombées économiques et le bien-être que représentent ces ressources, qu'il faut cependant exploiter de façon responsable.
L'industrie est déterminée à y parvenir. Mais nous sommes loin d'être en état de grâce. Il reste beaucoup de travail à faire sur beaucoup de fronts, mais l'industrie est déterminée à continuer de s'améliorer, d'élaborer des pratiques exemplaires et de collaborer avec le gouvernement dans le but de réaliser certains des changements progressifs qui s'imposent.
Merci.
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On n'avait pas de PowerPoint. J'espère donc que vous avez reçu les notes. Traiter à la fois des sables bitumineux et du développement durable nous a semblé un défi fort intéressant.
On a changé de nom l'an dernier. Nature Québec est donc une transition. L'UQCN a été fondée en 1981. Au cours des deux premières années, on a adopté la Stratégie mondiale pour la conservation de l'Union internationale pour la conservation de la nature, ou UICN. Le développement durable a alors été mentionné dans un document international pour la première fois. Depuis 23 ans, nous oeuvrons dans ce domaine. Le développement durable est inclus dans notre charte et nos activités principales. Nous travaillons dans les secteurs agricole, forestier et énergétique.
De temps à autre, je donne des conférences à l'Association minière du Québec, organisme avec lequel nous sommes régulièrement en contact. Nos contacts avec l'Association minière du Canada sont beaucoup plus sporadiques.
Après avoir écouté M. Peeling, je dirais qu'à notre avis, l'approche de l'Association minière du Canada constitue plutôt de la très bonne gestion environnementale plutôt que de la gestion en fonction du développement durable. C'est un peu le cas de l’Association canadienne des fabricants de produits chimiques, auprès de laquelle je suis vérificateur. On ne parle pas toujours de développement durable ou non, mais plutôt d'une bonne gestion environnementale. J'utilise ici le mot « environnement » dans un sens très large.
Les notes sont assez brèves, pour ce qui est du développement durable. J'ai arrêté de développer le sujet il y a une dizaine d'années, après la parution du livre qui traite des 211 définitions du développement durable. Je ne voudrais pas émettre de critique, mais le document que M. Peeling a déposé suscite chez moi certaines réactions. Je suis d'avis que c'est la gestion environnementale qu'il faut vraiment respecter. Souvent, c'est de l'avant-garde.
Mme Marylène Dussault et moi-même avons rédigé les notes. Nous serons prêts à répondre à vos questions après ma présentation. En ce qui concerne le développement durable, il s'agit d'un terme qui est contesté en français. La traduction de la Commission Brundtland, dont nous étions partenaires et responsables, est « développement soutenable ». La décision a été prise en Suisse. Nous avons donc un nouveau terme. En anglais, on parle de sustainable development. Quoi qu'il en soit, le terme « développement durable », qu'on entend depuis 25 ans environ, vaut vraiment la peine d'être retenu. La question est toute simple : ce qu'on fait va-t-il durer ou non?
Je me suis permis de passer immédiatement au deuxième point. Le principe de départ est que l'activité minière en général n'est pas durable. Ce n'est pas une critique, c'est un constat : la ressource va s'épuiser. Bien souvent, l'industrie réagit en développant des technologies visant à exploiter des gisements de plus en plus pauvres mais en extrayant davantage de ressource. Je pense que le problème, en ce qui concerne les sables bitumineux, surtout le pétrole, si on le prend au sens large, et le charbon également, est qu'ayant déjà vécu plusieurs centaines d'années avec cette ressource, nous ne concevons pas la possibilité qu'elle ne dure pas indéfiniment.
Un principe assez répandu veut qu'on exploite une ressource non renouvelable en autant qu'on développe au même moment la ressource qui va la remplacer. Il peut s'agir d'une autre ressource non renouvelable, mais de nos jours, on parle plutôt d'énergies renouvelables.
Il y a quatre ans, Ralph Torrie a réalisé un document pour la Fondation Suzuki et le Climate Action Network Canada sur la façon de gérer les émissions de gaz à effet de serre. Il a présenté un plan visant à les réduire de 50 p. 100 d'ici 2030. Selon lui, entre 1970 et 2000, on a produit plus d'énergie par l'entremise des économies d'énergie et de l'efficacité énergétique que par celle des nouvelles productions.
Parallèlement, au cours de ces 30 années, il y a eu un gain de 50 milliards de dollars. On peut donc dire qu'il serait facile, en ce qui concerne les ressources de remplacement, d'avoir recours à l'efficacité énergétique.
M. Torrie n'a pas considéré nos exportations pour ce qui est de la réduction de 50 p. 100 des émissions. Je l'ai appelé et j'ai vérifié : il ne savait pas quoi faire concernant les sables bitumineux. Par contre, cette semaine, soit le jour même où on a pris contact avec moi, l'institut Pembina a publié un rapport intitulé Carbon Neutral by 2020. Celui-ci s'attaque explicitement et uniquement à la façon de gérer les sables bitumineux.
L'approche prône soit la séquestration soit l'achat de crédits. Nous allons revenir sur cette question et y ajouter des commentaires. Ce qui est frappant, dans le cas des sables bitumineux par rapport au pétrole du Moyen-Orient ou d'ailleurs, c'est que le rendement d'entrée-sortie, donc ce qui est produit par rapport à ce que demande la fabrication du produit, est de plus en plus faible. Dans le cas du pétrole, on parle d'environ 10 barils produits pour un baril d'intrant énergétique. Pour ce qui est des sables bitumineux, il est difficile de trouver des données. J'ai posé la question à deux ou trois personnes qui font partie de notre commission de l'énergie. On m'a dit qu'il s'agissait de deux ou trois barils.
La séquestration va réduire d'autant plus le rendement des sables bitumineux en termes énergétiques. Ce n'est pas une raison pour y mettre un terme. Il s'agit de reconnaître ce que j'appelle un indicateur. Le fait que la production de deux barils de pétrole exige un intrant d'un baril indique que l'ère du pétrole touche à sa fin. C'est ce qu'on prétend. J'ai ici quelques références à ce sujet.
Nous avons donc intérêt à réduire notre dépendance à l'égard du pétrole. Pour le moment, les sociétés américaine et canadienne de même que les pays développés en sont totalement dépendants, que ce soit pour les transports, les procédés industriels ou d'autres utilisations. Nous sommes en situation de rareté croissante. Le prix du baril est présentement de 70 $. Je présume qu'il va atteindre 100 $ ou même à 150 $ dans un avenir assez rapproché. Il reste qu'à l'heure actuelle, l'industrie se porte assez bien.
Notre première suggestion consiste à retirer les incitatifs fiscaux mis en vigueur par le gouvernement Chrétien en 1995-1996. Ils atteignaient une somme de 8 milliards de dollars répartie sur 20 ans. Cette industrie va très bien. Elle doit composer avec toutes sortes de contraintes, mais il reste que c'est la fin de son règne. Elle n'a pas besoin d'incitatifs. Celle des énergies renouvelables, par contre, en a besoin. Nous vous proposons donc de considérer l'idée de transférer ces incitatifs vers les énergies renouvelables, ce qui ne générerait aucun coût additionnel en termes budgétaires. En outre, on est de plus en plus conscients des impacts de l'exploitation des sables bitumineux. Il en va de même pour l'industrie, comme l'a précisé M. Peeling. Il y a le problème de l'eau, qui est tout aussi important que celui des émissions. On parle aussi de la perte de certaines superficies de forêt boréale.
Il est juste de dire que la planification a été faite sans que l'ensemble de ces impacts, qui étaient plus ou moins connus, soit pris en considération. C'est malheureux. C'est précisément le problème. Le cycle de vie, dont Marylène parlait plus tôt, nous donne la chance de déterminer les impacts et les mesures qui devront être prises pour éviter que ce soit pire ou pour améliorer les choses. Pour ce faire, on peut suivre en partie les principes de l'association canadienne.
Nous proposons aussi que les coûts externes soient considérés lors de la planification, et non après coup. D'après nous, la seule façon de le faire serait d'avoir recours, même si je déteste le terme, au principe du pollueur-payeur. « Consommateur-payeur » serait l'expression la plus juste, étant donné que le prix est intégré de toute façon. Le coût des impacts devrait être intégré dans le prix. La seule vraie façon d'y arriver serait d'établir un marché. Le gouvernement actuel ne veut pas d'un marché. Le gouvernement antérieur en parlait.
Nous proposons, lorsque les technologies utilisées ne produisent pas les réductions requises, que la compagnie ou l'industrie puisse acheter des crédits. Une telle approche serait intéressante en ce sens que le consommateur qui choisirait un produit plutôt qu'un autre paierait la note. Le coût serait intégré. J'y reviendrai plus tard et je donnerai plus de détails à ce sujet.
Le troisième problème est qu'au chapitre de l'énergie de remplacement, on n'est pas prêts. Un banquier qui gère des dizaines de milliards de dollars d'investissements en matière d'énergie vient de terminer un livre. Il constate que l'Arabie Saoudite n'a pas les réserves qu'elle dit avoir. Il faut se préparer pour l'après-pétrole. On y sera dans 20 ou 40 ans et non demain matin, mais la crise va pour sa part sévir beaucoup plus rapidement. Le coût va montrer, et nous n'aurons pas d'énergies de remplacement. L'idée de transférer les incitatifs vers les énergies renouvelables, que j'ai mentionnée plus tôt, permettrait de trouver des substituts aux ressources non durables et de favoriser ces substituts.
Le point 6 de mes notes répond peut-être à ce qui semble être la préoccupation de M. Peeling. Je trouve regrettable que le débat se concentre sur le respect du Protocole de Kyoto ou sur des propositions visant à retarder ou arrêter le développement des sables bitumineux. Pour notre part, nous prétendons être assez réalistes et nous pensons que personne ne va y mettre un terme. Vous avez rencontré des représentants de l'Office national de l'énergie la semaine dernière. On parlait de 94 milliards de dollars. Au moment de la table ronde, il était question de 70 milliards de dollars. Il y a deux semaines à peine, on parlait de 150 milliards de dollars d'ici 2020. Dans le cas de l'Office national, on pourrait arrondir à 100 milliards les 94 milliards de dollars prévus en investissements d'ici 2015 . C'est le problème des politiciens, qu'ils soient libéraux ou conservateurs. Personne ne va arrêter ça. On n'est pas ici pour vous suggérer de le faire. On propose plutôt de placer les sables bitumineux dans un contexte de marché, une option qui n'existe pas actuellement. Du moins, il n'y a pas de marché pour les crédits d'émission et il y a des subventions qui permettent à l'industrie de ne pas planifier son développement.
Dans le rapport Pembina et dans d'autres rapports — et M. Peeling en a parlé très brièvement —, on parle de la séquestration. Il s'agit d'un ensemble de technologies qui ne sont pas encore rodées ou développées, mais qui seront nécessaires pour enfouir le CO2 directement dans des réservoirs sous terre, en espérant qu'il va rester là quelques milliers d'années avant de ressortir. C'est un gros défi, et les compagnies planchent là-dessus. On en parle à la fin du document de M. Peeling. Quoi qu'il en soit, on ne propose pas que le gouvernement subventionne cette recherche. On propose plutôt que des contraintes soient imposées à l'industrie de façon à ce que cela fasse un tout, qu'il y ait de la recherche sur les technologies et sur d'autres aspects de la production.
Le rapport Pembina parle aussi de l'achat de crédits. Or, il n'y a même pas de marché. J'ai participé à la table ronde avec Bob Page, qui est vice-président de TransAlta et qui représente plusieurs compagnies. Il a passé à la télévision pas plus tard qu'il y a deux semaines. On entend dire régulièrement que les industriels voudraient que les perspectives à moyen terme soient plus claires pour des raisons d'investissement. Même lorsqu'il s'agit d'installer les tuyaux pour les prochains développements de sables bitumineux, ces gens ne savent même pas s'ils doivent se diriger vers le Pacifique ou vers les États-Unis.
J'ai déjà parlé du Peak Oil. Je trouve intéressant que vous ayez mis ensemble développement durable et sables bitumineux. Il n'est pas nécessaire de parler du Protocole de Kyoto. C'est un débat qui est passablement différent, sauf qu'il souligne le problème des gaz à effet de serre. Matthew R. Simmons, un banquier américain qui gère depuis 30 ou 40 ans des investissements se chiffrant à des dizaines de milliards de dollars et qui a un site Web à son nom, a constaté il y a plusieurs années qu'il ne connaissait pas la teneur du risque de ses investissements. Depuis 20 ans, l'OPEP ne publie plus l'état de ses réserves, ses sources d'approvisionnement, etc. C'est une inconnue globale.
M. Simmons savait que les ingénieurs pétroliers se réunissaient régulièrement et publiaient des rapports techniques. Il a alors analysé 225 de ces rapports, surtout ceux portant sur le Moyen-Orient, et a ensuite écrit un livre intitulé Twilight in the Desert: The Coming Saudi Oil Shock and the World Economy, qu'on pourrait traduire par Crépuscule dans le désert : le choc à venir en Arabie Saoudite et l'économie mondiale.
L'auteur est un banquier; ce n'est pas un écolo. Son constat : l'Arabie Saoudite n'a pas les réserves qu'elle dit avoir et il est probable qu'on n'y découvre plus de nouvelles réserves. Même le pétrole y est beaucoup moins abondant que ce que l'Arabie Saoudite prétend. M. Simmons conclut que, si on n'a pas encore atteint un pic pétrolier, on en est très près. On se fiche de savoir s'il a été atteint l'an dernier, cette année ou s'il le sera dans cinq ans. Le déclin s'est amorcé, et la demande augmente. Il faudrait se préparer mieux qu'on ne le fait actuellement.
L'extraction de sables bitumineux est trois fois moins efficace que l'extraction de pétrole ordinaire. C'est ce qui se passe en Alberta présentement. Cela constitue un défi de taille, qui s'avère sûrement quand même rentable, surtout si le prix du baril continue à grimper.
Comment se préparer à faire face à la situation imminente d'un pétrole qui coûtera si cher qu'il faudra ajuster les économies en conséquence? Tout comme vous, je n'ai pas eu le temps de lire le rapport de M. Stern, qui n'est pas un écologiste non plus. En fait, il est l'ancien économiste en chef de la Banque mondiale. Il dit que c'est là où nous en sommes et que les risques sont énormes.
Plutôt que de parler de développement durable, j'ai choisi de partir du constat voulant que le pétrole n'est pas durable et de m'interroger sur la façon de faire face à une telle situation. Les sables bitumineux peuvent durer 20, 30 ou 40 ans, mais on est déjà dans un régime de rareté.