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RNNR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des ressources naturelles


NUMÉRO 028 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 7 décembre 2006

[Enregistrement électronique]

  (1540)  

[Traduction]

    Merci d'être arrivés à l'heure — ou du moins, d'être venus le plus rapidement possible.
    Aujourd'hui, nous allons parler davantage du projet de recherche sur les sables bitumineux et du rôle du gouvernement fédéral dans leur mise en valeur.
    Les témoins suivants comparaîtront: Wayne Henuset nous vient de Calgary et représente la Energy Alberta Corporation; Angus Bruneau, de Terre-Neuve, est président et directeur d'entreprise de Bruneau Resources Management Limited; David Keith, professeur à l'Université de Calgary, représente le département de génie chimique et pétrolier du département d'économie.
    Je crois que vous connaissez la marche à suivre. Nous allons vous demander de fournir des renseignements généraux au comité, puis les membres vous poseront des questions, et nous espérons ensuite pouvoir conclure. Je vais vous demander, dans la mesure du possible, de tenter de vous en tenir à 10 minutes par exposé. Nous accusons un léger retard aujourd'hui en raison du vote.
    Monsieur Keith et monsieur Bruneau, allez-vous faire un exposé conjoint, ou prendre chacun la parole pendant 10 minutes? Veuillez m'excuser, je n'en ai pas parlé avec vous avant la réunion.
    Nous n'allons pas faire d'exposé conjoint. Je peux en revanche être succinct dans mes remarques liminaires.
    J'imagine qu'on m'a invité parce que j'ai présidé le panel — des relations puissantes — et je ne sais pas si...
    Oui. Vous avez étudié tout ce domaine. Certains membres du comité ont trouvé que vos connaissances spécialisées seraient utiles pour répondre à des questions. J'aimerais également que vous vous en teniez à une brève déclaration liminaire.
    Commençons d'abord avec M. Keith, suivi de M. Bruneau. Ensuite, M. Henuset pourra nous parler de l'initiative du secteur privé.
    Vous pouvez commencer, monsieur Keith.
    Mes remarques et celles d'Angus seront complémentaires. Je vais d'abord parler plus généralement du changement climatique. Ensuite, je discuterai d'une structure que le gouvernement devrait appuyer pour promouvoir l'innovation dans les sables bitumineux. Je n'aborderai pas en détail le rapport du groupe d'experts, nous pourrons en parler davantage lors des questions.
    Le Canada possède ce qui fait défaut à bien des pays: des ressources énergétiques sûres et abondantes. Le grand défi pour notre réseau énergétique consiste à exploiter ces ressources tout en protégeant le climat et en optimisant la valeur ajoutée qu'elles peuvent procurer aux Canadiens sur le plan économique. Or, pour y arriver, il faut accélérer le rythme de l'innovation dans le domaine des sciences, de la technologie et de la gestion dans tout le secteur.
    Je me pencherai tout d'abord sur la question climatique. Je risque de vous sermonner un peu, mais je pense que c'est la chose à faire. Je vais articuler mes propos autour de trois dates charnières. La première date à laquelle je fais allusion, c'est la fin de l'Éocène. Il ne s'agit donc pas d'une date historique à proprement parler, puisque cette ère a pris fin il y a 35 millions d'années. L'Éocène représente la dernière période durant laquelle les concentrations de CO2 s'élevaient à plus de 1 000 parties par million. Cela représente quatre fois plus au XXVIIe siècle, avant l'interférence des humains.
    Le climat de l'Éocène était beaucoup plus chaud que celui d'aujourd'hui. Des crocodiliens fréquentaient les côtes de l'île Axel Heiberg dans ce qui constitue de nos jours l'Arctique canadien. Au cours d'un siècle — pas 25 millions d'années mais 100 ans — soit la durée de vie de mes enfants s'ils sont chanceux, l'activité humaine risque de faire monter les concentrations de CO2 à des niveaux inédits depuis l'Éocène. Nous ne saurions prédire avec exactitude les résultats des expériences auxquelles nous soumettons notre planète, mais nous pouvons affirmer en toute connaissance de cause que si nous poursuivons dans la voie actuelle, nous condamnons nos enfants à subir des changements climatiques qui se produiront à une allure vertigineuse par rapport au rythme des changements que l'humanité a connus depuis l'invention de l'agriculture.
    Il est tout à fait plausible, par exemple, que le niveau de la mer augmente de plus de cinq mètres d'ici un ou deux siècles. Il suffit de quelques mètres à peine pour altérer radicalement le contour des littéraux tels qu'on peut les voir depuis l'espace. Si le niveau de la mer augmentait de quelques mètres, la Floride serait réduite de moitié, et le delta du Fraser serait complètement submergé.
    Il n'y a rien à redire au climat de l'Éocène et aucune raison inhérente de préférer les crocodiles de la Floride à ceux qui habitaient autrefois l'île Axel Heiberg. Mais il ne faut pas oublier que nos infrastructures, nos exploitations agricoles et l'emplacement même de nos villes côtières ont évolué en fonction du climat actuel. La science humaine n'est pas en mesure de prédire avec exactitude les répercussions socio-économiques d'un changement climatique rapide — et je peux vous dire que je ne crois pas à tout ce qui se trouve dans le rapport Stern — mais en admettant qu'un tel changement puisse s'avérer avantageux pour certains, il demeure fort probable que le nombre de perdants l'emportera sur celui des gagnants.
    La deuxième date se situe en 1965, l'année où l'homme politique le plus puissant du monde a eu vent du premier avertissement scientifique au sujet du changement climatique. Le rapport que le président Johnson a reçu à l'époque de son comité consultatif scientifique décrivait des faits identiques à ceux qui nous sont connus aujourd'hui. Les activités humaines ne font que multiplier les concentrations de dioxyde de carbone et à moins d'y remédier, un changement radical est à craindre d'ici un siècle. Cela fait longtemps que nous sommes au courant. J'évoque le rapport de 1965 afin de mettre en relief la constance du discernement scientifique en la matière et d'illustrer l'absurdité des prétentions des soit-disant sceptiques du changement climatique tels que les Friends of Science de Calgary.
    La dernière date que j'ai à l'esprit, c'est 1994, l'année où la Convention-cadre sur les changements climatiques a été négociée. Cet événement a marqué l'émergence du changement climatique comme enjeu de tout premier ordre. Je n'attribue pas plus de mérite qu'il ne faut à la convention et au Protocole de Kyoto qui y a fait suite. Qui plus est, à mon avis, le Protocole affiche des lacunes si graves qu'il risque de vouer nos efforts de gestion du climat à une véritable impasse. Ce que je veux dire par là, c'est qu'après plus d'une décennie pendant laquelle le changement climatique a occupé une place de choix dans l'ordre du jour, nos réalisations se résument pour ainsi dire à néant. Et je ne parle pas seulement du Canada. Les Européens en ont beaucoup parlé, mais ils n'ont pas réduit considérablement leurs émissions.
    La teneur en dioxyde de carbone de l'atmosphère ne fait que s'accroître depuis 1994. L'impact le plus palpable que les pourparlers internationaux ont réussi à produire réside dans la pollution attribuable aux innombrables aller-retour en avion des participants.
    L'incertitude persistera des décennies durant quant à la réaction du climat face à nos interventions humaines. Or, l'incertitude ne justifie nullement que nous restions les bras croisés, et elle ne doit pas non plus servir d'excuse pour reporter le branle-bas de combat. Cette incertitude existera pendant longtemps. Vous devez trouver le moyen de prendre des décisions malgré l'incertitude et accepter que les répercussions du changement climatique pourraient s'avérer plus ou moins graves que nous ne saurions le deviner. Si vous attendez après nous pour avoir une certitude, vous attendrez éternellement.
    Il n'est pas encore trop tard pour agir. Il y a bien des choses que nous pouvons faire d'ores et déjà pour réduire une bonne fraction de nos émissions de dioxyde de carbone, et cela ne coûterait que quelques pourcent de notre PIB — un montant comparable à ce que nous dépensons pour les forces armées, et bien moins que ce qui va aux soins de santé ou à l'éducation. Le recours à l'énergie éolienne, au charbon avec des dispositifs de capture et de stockage de CO2, ou encore à l'énergie nucléaire, nous permettrait d'atténuer nettement les émissions émanant des centrales électriques et de l'industrie lourde. Les émissions en aval pourraient également être réduites en améliorant l'efficacité de nos bâtiments et de nos infrastructures de transport.

  (1545)  

    L'innovation doit être une pierre angulaire de notre stratégie en matière d'énergie. Le Canada ne consacre pourtant pas assez d'attention à la recherche et au développement dans ce secteur. Notre pays dépense moins que ses principaux concurrents en pourcentage du PIB, et beaucoup moins aussi pour la production d'énergie. L'industrie énergétique canadienne n'investit que 0,75 p. 100 de son chiffre d'affaires en recherche et développement, moins que le cinquième de la moyenne industrielle canadienne. Les dépenses fédérales au chapitre de la recherche et du développement dans le secteur ont reculé de 70 p. 100 par rapport au sommet atteint au début des années 1980, alors que nous avions des défis de taille à relever dans le secteur énergétique.
    Or, l'argent ne suffit pas à lui seul pour stimuler l'innovation. Tel que nous l'avions avancé dans le rapport du groupe consultatif, la gestion de la recherche et du développement dans le domaine énergétique public et privé n'est pas assez ciblée. Les fonds sont si éparpillés que nous avons de la difficulté à atteindre la masse critique nécessaire à l'exécution d'un programme donné. Le rapport recommandait que les efforts du gouvernement fédéral au chapitre de la recherche et du développement dans le secteur soient restructurés autour de quelques domaines essentiels en laissant aux gestionnaires la responsabilité de prendre des décisions tout au long du processus d'innovation, depuis la recherche jusqu'à la commercialisation.
    Un secteur énergétique plus vigoureux sur le plan de l'innovation mettrait le Canada en position d'atteindre ses objectifs sur le plan climatique. Cela est d'autant plus important que ce regain d'innovation pourrait augmenter la productivité économique de nos ressources énergétiques. Notre but devrait être de pousser plus haut la chaîne de valeur énergétique de manière à obtenir par unité d'énergie exploitée un maximum de valeur ajoutée pour l'économie canadienne. Les emplois durables et bien rémunérés sont créés par les innovations les plus rentables pour le Canada, et non pas en exploitant au maximum les ressources.
    Comment rendre notre secteur énergétique plus novateur? Vous pensez sans doute que mes affinités universitaires me pousseront à réclamer davantage d'argent pour la recherche universitaire. Pourtant, et sans rien ôter à l'utilité manifeste de crédits à la recherche, j'estime que le concours financier de l'État ne peut être efficace à lui seul. Pour que l'innovation dans les technologies énergétiques fonctionne, il faut que le rythme de la recherche et du développement soit proportionnel aux impératifs du marché. Dans le cas des innovations environnementales, dont les nouvelles technologies qui réduisent considérablement les émissions de dioxyde de carbone, les gouvernements doivent jouer un rôle de premier plan pour les stimuler. On aurait beau discuter des mérites d'un système de plafonds et d'échanges, d'une norme de pourcentage d'énergie renouvelable pour les portefeuilles à émissions, ou d'une taxe, il nous est impossible de faciliter l'innovation ou d'attirer les capitaux privés nécessaires pour régler le problème sans un signal économique clair et transparent attribuant un prix au dioxyde de carbone.
    Parlons maintenant des sables bitumineux. Nous disposons des outils nécessaires pour gérer les émissions de CO2 des sables bitumineux. On ne peut pas rester les bras croisés parce qu'on est en train de faire de la recherche afin d'avoir des outils plus tard. L'industrie continuera à améliorer l'efficacité énergétique de ses procédés, mais ces améliorations ne serviront pas à elles seules à garantir leur réduction des émissions. La réduction des émissions exige des technologies qui permettent de produire de la chaleur et de l'hydrogène avec un minimum de CO2. La plus importante percée en la matière réside sans doute dans les dispositifs de capture et de stockage des CO2, bien que l'énergie nucléaire, la biomasse et les puits géothermiques profonds puissent également jouer un rôle non négligeable.
    Les sables bitumineux sont un créneau inusité du secteur énergétique mondial. Notre stratégie d'incitation à l'innovation doit faire entrer en ligne de compte les caractéristiques spéciales de leur exploitation. La gazéification assortie de dispositifs de capture et de stockage, par exemple, est relativement plus rentable pour l'exploitation des sables bitumineux — car nécessitant dans les deux cas de la chaleur et de l'hydrogène — que par le reste du secteur électrique. Quant à l'énergie nucléaire, elle sera sans doute un peu moins rentable dans le cas des sables bitumineux que dans le cas des énergies plus classiques, en raison de sa consommation de chaleur et d'hydrogène. Enfin, l'énergie géothermique produite par la chaleur que dégagent les roches profondes serait certainement plus rentable pour les sables bitumineux, dont le traitement ne nécessite que de la chaleur de basse énergie.
    Un financement plus généreux de la recherche et du développement pourrait produire des innovations qui finiraient par réduire les coûts de dépollution des sables bitumineux. Cela dit, je suis d'avis que le meilleur moyen qui permettrait de stimuler à lui seul les nouvelles percées technologiques, serait de facturer le gaz carbonique. Par exemple, plusieurs grands projets de capture et de stockage de CO2 sont déjà presque une réalité. Certains, dont le projet Quest de Shell, avanceraient sans doute plus rapidement si le gouvernement leur donnait un signe clair et transparent.
    L'historique de la réduction des émissions de soufre des centrales électriques est révélatrice. L'adoption par les États-Unis de la Clean Air Act en 1970 a stimulé l'innovation, à en juger d'après la ruée vers les brevets et l'éclosion des activités de recherche et de développement dans le secteur privé qui ont suivi son adoption. Le gouvernement établissait les règles, et l'industrie privée créait les innovations. Pendant les vingt années suivantes, le coût des épurateurs a chuté de plus de 50. p. 100 en raison du marché extrêmement concurrentiel que la réglementation avait créé pour ces technologies. Dans l'industrie de l'énergie éolienne, en revanche, les activités de recherche et développement qui avaient été lancées relativement tôt par le gouvernement américain avaient permis à cette industrie moderne de démarrer. Or, dans les années 90 et en l'absence de mesures incitatives stables, les États-Unis ont perdu leur prépondérance sur ce marché au profit de l'Europe, où, stimulée par les appels des pouvoirs publics et par les réglementations sur le dioxyde de carbone, une industrie représentant un chiffre d'affaires annuel de 10 milliards de dollars a vu le jour grâce en partie, aux recherches qui avaient été financées au départ par le gouvernement des États-Unis.

  (1550)  

    Le Canada a tôt fait de s'ériger en chef de file pour ce qui est de la capture et du stockage de CO2. À mon sens, nous avons perdu cette longueur d'avance et, en l'absence de mesures gouvernementales claires et nettes, nous perdrons bientôt aussi toute possibilité de récupérer notre place. Il s'agirait de ne pas recommencer les erreurs du programme d'énergie éolienne aux États-Unis. Si notre but consiste à réduire les émissions et à récolter les avantages économiques de la nouvelle technologie pour les Canadiens, le rythme atteint par les les activités en recherche et développement doit être proportionnel aux impératifs du marché. En ce qui a trait aux technologies de réduction du CO2, ces marchés doivent être créés par une réglementation gouvernementale.
    Le financement des recherches dans les universités et les laboratoires du gouvernement ou des mesures incitatives pour les activités de recherche et de démonstration au sein de l'industrie s'avéreront, dans le meilleur des cas, improductifs aussi longtemps que le gouvernement n'aura pas fixé clairement les règles du marché. Il faut faire les deux. Au Canada, les consultations durent depuis dix ans. Cela suffit, il est temps maintenant de prendre des décisions, il est temps d'agir.
    Merci.
    Merci, monsieur Keith. C'était très instructif.
    Monsieur Angus Bruneau.
    Monsieur le président, ayant écouté l'exposé de David, j'ai décidé de procéder d'une manière bien différente. J'aimerais commencer en prenant un certain recul, en parlant de questions fondamentales.
    Les gens ont souvent du mal à voir clairement le rôle de l'énergie dans les changement climatiques. Il est essentiel de bien comprendre que ce n'est pas l'énergie que nous utilisons qui nous met dans le pétrin, ce sont plutôt les sous-produits matériels des procédés de conversion que nous utilisons pour produire de l'énergie sous une forme utile pour nous.
    Si l'on fait le calcul, l'homme pourrait utiliser 150 fois plus d'énergie qu'il n'en utilise actuellement, et si on la transformait en chaleur — ce qui serait assez logique — cela ne ferait augmenter que de un degré Celsius la température de la planète. L'énergie ne fait rien.
    Nous nous retrouvons dans le pétrin parce que nous n'avons pas fait attention aux sous-produits des procédés et parce qu'on a découvert il y a environ trois mille ans, que si on chauffe un bout de charbon, il brûle, et la même chose après pour le pétrole, le gaz, etc. Nous faisons cela depuis des millénaires, nous croyons que c'est un privilège, un droit fondamental que de faire tout ça dans l'air.
    Nous ne le faisions pas tellement jusqu'à tout récemment. Maintenant, nous le faisons beaucoup. Aucune autre industrie au Canada ne s'attend à pouvoir, en toute impunité, évacuer les sous-produits matériels de ces procédés de conversion dans l'atmosphère. Il y a 30 ans, l'industrie des pâtes et papier savait déjà que cela ne pourrait plus durer.
    Soyons clairs. L'objectif n'est pas de tenter de découvrir comment utiliser moins d'énergie. Il faut plutôt travailler au niveau des sous-produits et sur des technologies susceptibles de les modifier. Lorsque nous dégageons, développons, traitons, raffinons et utilisons l'énergie, nous avons toujours recours à la technologie.
    Certains diront que je suis de ceux qui croient encore que la solution réside dans la technologie. Mais lorsqu'on parle d'énergie, on n'a rien sans technologie. Chaque étape est une technologie. Il est donc important, si on veut modifier le système, d'investir dans des esprits novateurs qui nous permettront de comprendre la science et les changements à introduire dans les technologies que nous utilisons dans ce gros contentieux qu'est l'évacuation illimitée de nos sous-produits dérivés dans l'atmosphère.
    J'aimerais également parler des sables bitumineux. Une des choses les plus importantes qui soit ressortie de nos discussions avec le comité d'experts, c'est qu'il serait possible de prospérer beaucoup en étudiant de manière systématique les composantes de nos systèmes énergétiques. En d'autres termes, il ne faut pas seulement se limiter à étudier une composante et voir comment on pourrait l'optimiser ou la rendre plus rentable dans l'économie actuelle, il faut voir le système comme un tout.
    J'aimerais vous parler d'un système en particulier, le système géologique du bassin sédimentaire de l'Ouest canadien. Nous avons énormément de ressources, mais il faut se demander s'il est possible d'avoir le beurre et l'argent du beurre. Ces ressources sont spécifiques au Canada. On ne trouve nulle part ailleurs dans le monde les ressources en charbon, bitume, pétrole lourd, pétrole classique, gaz liquide et gaz que nous avons ici. Nous avons tout cela ici.

  (1555)  

    Historiquement, il y a d'abord eu l'industrie pétrolière. On voulait du brut classique et du brut léger non sulfuré. On l'extrayait et on le réutilisait dans le système. Puis est arrivée l'industrie gazière. Elle avait son propre système et sa propre infrastructure. Je pourrais vous décrire toutes les étapes.
    Aujourd'hui, nous avons l'industrie des sables bitumineux. Elle est très différente. Il se pourrait qu'une industrie soit un marché pour l'autre, mais nous n'avons jamais pris suffisamment de recul pour nous rendre compte que nous avions ici une occasion unique dans le bassin sédimentaire de l'Ouest canadien. Si nous gérions intelligemment ce bassin en utilisant les ressources disponibles de façon optimale, si nous reconnaissions qu'il serait possible de stocker de façon sûre et pratique une quantité infinie — mille ans de production de CO2 — de dioxyde de carbone provenant de la production canadienne dans ce bassin, et si nous prenions des mesures indiquant clairement qu'il est temps de changer notre approche envers l'environnement, et si on prenait le temps de voir tout ce que ce bassin a à nous offrir — et personne d'autre au monde ne va le faire pour nous — alors on se rendrait compte de l'occasion à saisir pour le Canada.
    Certains disent que nous sommes déjà allés trop loin et qu'on ne peut pas revenir en arrière. Mais rendez-vous compte, même avec l'exploitation du site tel qu'on la connaît aujourd'hui, et même en tenant compte de l'exploitation à venir ces prochaines années, on n'aura utilisé qu'environ 20 p. 100 des ressources qui s'y trouvent.
    Comment les Canadiens peuvent-ils tirer pleinement profit de ces ressources extraordinaires? Cela ne pourra se faire que si nous prenons du recul et demandons à des grands cerveaux d'étudier la façon d'utiliser ces ressources de manière optimale pour obtenir les produits dont nous avons besoin et que nous voulons. Cependant, nous devons également assumer nos responsabilités pour ce qui est de la gestion des sous-produits, nous ne pouvons tout simplement plus continuer à les évacuer sans aucune restriction dans l'atmosphère.
    Monsieur le président, ces observations visent seulement à lancer un défi, voire le débat. Je vais m'en tenir là. Bien entendu, je serai très heureux de répondre à vos questions.
    Merci, monsieur Bruneau. Je pense que c'est un bon début.
    Nous allons maintenant entendre M. Henuset, qui va nous proposer des solutions possibles à certains de ces problèmes.
    J'ai dix minutes. J'avais préparé une petite déclaration liminaire pour ces dix minutes, mais je pourrais aussi bien la jeter étant donné ce qu'ont dit mes collègues ici. Je vais malgré tout vous la lire, sinon mon allocution risquerait d'être interminable.
    Energy Alberta est une société qui a été créée en vue d'être un fournisseur d'énergie rentable au moindre coût grâce à l'utilisation de l'énergie nucléaire en Alberta. Lorsqu'on examine les demandes énergétiques d'une petite partie de l'Alberta, à savoir les sables bitumineux, on se rend vite compte que des sources d'énergie autres que le gaz naturel sont nécessaires.
    L'Office national de l'énergie et d'autres prévoient que la production des sables bitumineux pourrait quadrupler d'ici 2015 pour les seuls projets de DGMV qui utilisent des systèmes de cogénération alimentés au gaz naturel. On peut s'attendre pour la région à une envolée de la demande de gaz qui pourrait dépasser les cinq milliards de pieds cubes par jour d'ici 2015. Ce scénario se trouve sur le graphique qui vous a été distribué. Ça vous donne une idée. Notre force est de pouvoir fournir aux exploitants un avantage concurrentiel à long terme.
    Tout d'abord, nous sommes en matière environnementale un meilleur choix que le gaz naturel. Une centrale nucléaire, au cours de son cycle de vie, n'émet pratiquement pas de CO2. Cela permet d'offrir aux exploitants des sables bitumineux l'assurance d'être en conformité avec les lois environnementales à venir, et un prix concurrentiel et stable à long terme.
    Deuxièmement, l'énergie nucléaire est dérivée d'un combustible à prix stable à long terme, et l'approvisionnement énergétique en provenance d'une centrale CANDU 6 coûte environ 550 millions de dollars par an, alors que l'équivalent en gaz serait de 650 millions de dollars par an pour un gigajoule à 7 $. Nous sommes donc compétitifs pour ce qui est du prix, et nous avons un avantage évident pour ce qui est des émissions de CO2.
    Notre plan d'affaires souligne le fait que l'énergie nucléaire est un outil unique pour se couvrir. Notre technologie représente la meilleure option pour l'industrie. ÉACL respecte toujours pour ses centrales nucléaires et les échéances de construction, et les budgets, et nous proposons toujours un contrat à prix fixe pour une centrale clé en main. C'est d'ailleurs le modèle que nous proposons en Alberta.
    Notre plan d'affaires a recours à divers programmes d'assurance pour atténuer les risques de dépassement des coûts imprévus ou de retards dans le développement du projet qui pourraient avoir une incidence sur le chiffre d'affaires des exploitants. Cela nous permet donc de proposer une option de couverture à long terme pour les coûts de production d'énergie. Nos rendements énergétiques sont stables pour les projets réalisés sur place, qu'il s'agisse du DGMV ou du carbonate pour les installations de traitement et autres parties intéressées.
    Dans le cadre de la Loi sur la qualité de l'air qui vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 65 p. 100 d'ici 2005 par rapport au niveau de 2003, l'un des éléments de la stratégie de réduction des émissions est l'établissement pour l'industrie énergétique de cibles en matière d'intensité des émissions. Même si ce critère n'est pas encore bien défini, les entreprises devront réduire leurs émissions par unité de production.
    L'énergie nucléaire peut aider l'industrie des sables bitumineux à respecter la Loi sur la qualité de l'air car le recours à une centrale nucléaire permettrait de réduire considérablement pratiquement toutes les émissions découlant de la production ou du traitement du bitume. Par conséquent, un projet aurait un niveau d'intensité des émissions pratiquement nul.
    L'énergie nucléaire permettrait de réduire les émissions de CO2 d'environ 3,3 millions de tonnes par an, ce qui représenterait une économie de 70 millions de dollars, et même plus au fur et à mesure que les coûts liés au CO2 augmenteront.
    La nature même de l'énergie nucléaire offre une protection contre l'inflation et les fluctuations de prix des combustibles utilisés comme intrants. Une centrale nucléaire exige un énorme investissement. Plus de 74 p. 100 du chiffre d'affaires annuel de 550 millions de dollars revient au remboursement du capital emprunté pou la construction de la centrale, et cela inclut 2 p. 100 pour le déclassement et la gestion du combustible épuisé. Vingt-six pour cent des recettes nécessaires sont soumises à l'inflation, y compris 8 millions de dollars pour le combustible nucléaire.
    Lorsqu'on compare cela à la production de gaz naturel, pour produire la même quantité d'énergie, les coûts liés au combustible représentent 94 p. 100 des rentrées annuelles obligées de la centrale. Energy Alberta, avec l'énergie nucléaire, propose une option de couverture à long terme avec un prix stable et prévisible pour les 20 ans à venir.

  (1600)  

    Les éléments liés à l'inflation ont peu d'incidence. Même si le prix de l'uranium venait à doubler, le coût de l'énergie nucléaire n'augmenterait que de 3 p. 100 environ. Cette possibilité de se couvrir fait que le nucléaire gagne du terrain non seulement en Alberta, mais également dans le monde entier.
    Nous sommes en pleine renaissance nucléaire. Plus de 442 réacteurs fonctionnent aujourd'hui dans le monde. Vingt-huit nouveaux réacteurs sont en construction et 62 autres en sont à l'étape de la planification. Normalement, c'est Énergie Atomique du Canada qui devrait construire le nouveau réacteur en Ontario en utilisant la technologie CANDU. Cela nous aidera pour les nouvelles centrales en Alberta.
    On nous demande souvent si l'Alberta est prête pour le nucléaire. Avant de démarrer ce projet, nous avons commandité un sondage d'opinions auprès du public albertain. Les résultats étaient en faveur du projet: 40 p. 100 des Albertains étaient pour la proposition, et 36 p. 100 avaient une attitude neutre envers le concept. Ces derniers mois, l'attitude du public albertain envers l'énergie nucléaire a beaucoup changé.
    Début octobre, Alan Greenspan a parlé devant 2 000 hommes et femmes d'affaires réunis à Calgary de la nécessité de trouver d'autres sources d'énergie. Il a clairement dit que le nucléaire était une option possible en Alberta pour les sables bitumineux.
    En août de cette année, nous avons signé un contrat d'exclusivité avec Énergie Atomique du Canada pour nous porter acquéreur d'une centrale CANDU 6, qui servirait à alimenter en énergie l'exploitation des sables bitumineux. ÉACL nous fournit son expérience en matière d'énergie nucléaire.
    Le bilan d'ÉACL en matière de construction de centrales nucléaires CANDU 6 est excellent. Les six réacteurs construits depuis 1996 l'ont tous été en respectant les délais et les budgets, et c'est également le cas pour la centrale qui est en train d'être construite en Roumanie.
    Le combustible épuisé sera géré de façon sécuritaire conformément aux procédures réglementaires canadiennes. Les coûts de gestion du combustible épuisé sont inclus dans les prix de l'énergie produite, donc nous nous chargeons de l'élimination des déchets. Le stockage à long terme se fera en fonction des recommandations soumises au gouvernement fédéral par l'Organisation de la gestion des déchets nucléaires.
    Cela se fera probablement hors de l'Alberta, et nous souhaiterions plus de précisions de la part du gouvernement fédéral sur ce point. Nous avons déjà déboursé 1 milliard de dollars, et le gouvernement fédéral a élaboré un programme, mais il n'a pas encore été adopté.
    Le combustible épuisé représente une petite quantité, et le transport du combustible épuisé stocké est un processus pleinement assurable et cela se fait partout dans le monde aujourd'hui. Les exploitants n'ont aucune responsabilité dans ce domaine.
    Energy Alberta, en collaboration avec des consultants spécialistes des marchés des assurances de la Lloyd's de Londres, a élaboré un plan qui fournit une assurance supplémentaire contre tout risque associé à des accidents nucléaires. De plus, nous avons conçu un plan d'assurance contre les dépassements de coûts imprévus.
    Cela étant dit, nous sommes conscients du fait que nous devons faire face, en matière de main-d'oeuvre et d'infrastructure à des défis qui touchent l'exploitation des sables bitumineux. Étant donné l'importance de sables bitumineux pour le Canada et les retards qui sont dus à des infrastructures inadéquates, l'implantation d'infrastructures fiables dans cette région devrait être une question d'importance nationale pour le gouvernement canadien.
    La centrale CANDU 6 produira trois types d'énergie: de la vapeur, de l'eau chaude et de l'électricité. On peut produire de l'hydrogène à partir de l'électricité. Les exploitants sur place ont besoin de vapeur et d'électricité pour le DGMV, et ils ont besoin d'électricité pour extraire le bitume des dépôts de carbonate. Les travaux d'exploitation minière exigent de grande quantité d'eau chaude et d'électricité. Toutes les installations de traitement ont besoin d'importantes quantités d'électricité et d'hydrogène. Enfin, et c'est tout aussi important, les habitants de l'Alberta et les secteurs autres que les sables bitumineux ont également besoin d'électricité.
    Le processus réglementaire fédéral est bien défini. Energy Alberta devra faire une demande de licence pour le site, la construction et l'exploitation. Ces demandes pourraient être examinées par la Commission canadienne de sûreté nucléaire conformément au processus fédéral d'octroi de licence pour les centrales nucléaires au Canada.
    Dans le cadre de ce processus, Energy Alberta doit également effectuer une étude d'impact sur l'environnement. Nous espérons pouvoir avoir recours à des études similaires déjà effectuées.

  (1605)  

    Il faudrait également préciser la façon dont le processus réglementaire fédéral et les exigences provinciales s'articulent. Divers organismes pourraient prendre part au processus fédéral en tant qu'intervenants, mais peut-être ne savent-ils pas comment s'y prendre. Il est essentiel que le gouvernement fédéral offre un cadre réglementaire clair au gouvernement provincial. Cela permettrait à tous les intervenants de travailler dans le cadre d'un processus réglementaire fiable et efficace.
    Le projet d'utilisation de l'énergie nucléaire pour l'exploitation des sables bitumineux a été élaboré en juillet 2005 avec Energy Alberta. Nous avons signé un contrat d'exclusivité avec ÉACL pour nous porter acquéreur d'une centrale CANDU, destinée à alimenter l'exploitation des sables bitumineux. L'énergie produite par cette centrale sera vendue soit dans le cadre d'ententes directes avec un exploitant, soit par le biais d'un processus d'appel d'offres ouvert. Nous pensons être en mesure d'amorcer le processus réglementaire dès mars 2008, et la centrale devrait être totalement opérationnelle d'ici 2016.
    Merci.

  (1610)  

    Merci, monsieur Henuset.
    Je pense que nous allons maintenant passer aux questions. Comme d'habitude, le premier tour de questions sera de dix minutes pour les questions et réponses pour chacun des députés, puis nous passerons à un deuxième tour de cinq minutes de temps d'intervention.
    Nous commençons notre premier tour de questions avec M. Cullen.
    Merci, monsieur le président, et merci à tous nos témoins.
    Ma première remarque s'adresse à M. Keith. Tout d'abord, félicitations pour le titre de meilleur scientifique environnemental de l'année qui vous a été décerné par le Canadian Geographic. Bravo.
    Vous nous avez dit qu'il fallait accélérer le rythme de l'innovation et qu'il fallait envoyer des signaux sur le marché. Vous avez également mentionné d'autres initiatives, mais les signaux sur le marché sont un élément important. Vous avez proposé un prix pour le carbone. Est-ce qu'un système de plafonds et d'échanges pourrait correspondre à cela, ou encore remplacer le prix pour le carbone?
    Deuxièmement, dans le cadre de la Loi sur la qualité de l'air, le gouvernement propose des réductions fondées sur l'intensité. Je ne sais pas si ce serait un bon signal pour le marché, pourriez-vous m'en dire un peu plus à ce sujet?
    Pour ce qui est de la valeur ajoutée, on peut se demander si l'utilisation du gaz naturel par l'industrie des sables bitumineux est la meilleure utilisation qui puisse être faite de nos ressources en gaz naturel. L'industrie pétrochimique court après les combustibles. M. Henuset, dans son exposé, nous a expliqué qu'on allait devoir importer du gaz naturel. Quand on soulève cette question, on nous répond que c'est le marché qui en décidera. Il semblerait que le marché va décider de bien des choses, d'après ce qu'on nous dit, mais je ne suis pas certain que ce sera le cas, ni même que cela devrait l'être.
    Pour ce qui est de la valeur ajoutée et de l'utilisation optimale de notre gaz naturel et d'une meilleure valorisation, à votre avis quel type de signaux devraient être envoyés au marché, quelle politique environnementale devrait être élaborée? Pourriez-vous nous en dire un peu plus au sujet des signaux économiques?
    Merci beaucoup.
    J'aimerais d'abord parler de la réglementation axée sur l'intensité. À mon avis, là n'est pas le problème. Si on mise sur l'intensité, on pourrait régler la question climatique. Il s'agit de savoir où fixer la barre, jusqu'où réduire l'intensité. Si on veut la faire chuter de 1 p. 100 par année, on n'obtiendra pas de véritable réduction des émissions de CO2 car l'économie croîtra plus rapidement. Si on diminue l'intensité plus rapidement, on pourra facilement arriver aux résultats visés.
    Je crois que l'on s'engage dans un faux débat. Cette partie de la Loi sur la qualité de l'air ne me pose pas de problème. Il faut plutôt décider si nous allons créer un système qui soit véritablement transparent, un système fait pour les ingénieurs plutôt que les avocats dans des entreprises.
    Je vais éclaircir mes propos par un exemple. Aux États-Unis, la U.S. Clean Air Act est en quelque sorte très simple dans le cas du soufre. La règle de base est qu'il y a un nombre donné d'installations qui, à la fin de chaque année, doivent avoir un nombre de permis correspondant à leurs émissions. Sinon, l'usine doit fermer boutique.
    On crée un marché en le rendant simple et en rendant l'application de la loi si rigide que personne n'enfreint les règles. Ainsi personne n'enfreint les règles, car leur application est très stricte. Tout le monde s'y plie, car, sinon, les sanctions sont très sévères. Outre cela, il appartient à l'industrie de décider comment procéder. Elle peut utiliser la technologie qu'elle veut, avoir un marché futuriste si c'est cela qu'elle qu'elle. C'est sa décision. Il est important de s'en tenir là.
    Les gens qui travaillent dans le secteur de l'énergie comprennent probablement encore mieux — et je déteste dire cela — que les fonctionnaires comment les choses fonctionnent. Le rôle du gouvernement est de fixer des objectifs généraux. Je ne prétends pas du tout que le marché du dioxyde du carbone ne sera que grâce au libre marché. Non. Et rejeter du dioxyde de carbone dans l'atmosphère, utiliser celle-ci comme un dépotoir gratuit pour les sous-produits matériels de ce que nous brûlons présente des risques environnementaux. Le gouvernement doit imposer des paramètres pour écarter ce risque. Hormis cela, je ne crois pas que le gouvernement doive s'attarder aux petits détails.
    La vision actuelle de la réglementation est toute autre. Si vous regardez les détails du schéma des grands émetteurs en aval, vous verrez que ce sera très complexe au niveau même de l'usine. Ce schéma enrichira bon nombre de consultants et d'avocats mais ne dira rien aux ingénieurs.
    J'aimerais vous donner un exemple pour vous montrer à quel point cela peut bien marcher. La réglementation sur l'azote aux États-Unis a connu plusieurs étapes. J'ai fait le plus clair de ma carrière aux États-Unis, alors je m'y connais bien. Une des étapes consistait à doter la centrale d'une chambre de post-combustion avec apport d'air secondaire. C'était un règlement péremptoire qui obligeait l'industrie à installer ce gadget, et c'est ce qu'elle faisait. Mais le règlement ne disait pas qu'il fallait en faire le réglage, de sorte que cette responsabilité n'incombait à personne.
    Puis on est passé à une série de règlements avec des échanges de permis d'émissions d'azote. Tout d'un coup, le siège social appelait les gens de la centrale électrique située près de Pittsburgh, où j'habitais, et leur disait: « Est-ce que vous pouvez faire quelque chose à propos de ces émissions d'azote, car elles nous coûtent beaucoup d'argent? » Les bons administrateurs savent comment réduire les frais, car c'est cela qui fait tourner les bonnes entreprises.
    Il y a de petites choses qu'on peut faire et qui ne coûte rien — par exemple, on peut régler le feu dans une centrale à charbon qui utilise beaucoup de gigawatts. Ainsi, simplement en réduisant le feu, sans dépenser un sou, on peut réduire de quelques pour cents les émissions de NOx. Plusieurs centrales l'ont déjà fait.
    La morale de cette histoire, c'est qu'il faut présenter quelque chose de très clair à celui qui fait tourner l'usine. Les règlements dont nous discutons aujourd'hui, qui ont été proposés par l'ancien gouvernement et que le gouvernement actuel est en train d'étudier, sont si complexes que bon nombre de gens avec qui je travaille quotidiennement dans le secteur pétrolier de Calgary sont en train d'embaucher des équipes d'avocats et des vice-présidents pour mieux comprendre comment se conformer aux exigences environnementales. Ils ne se contentent pas de fixer un prix pour le dioxyde de carbone. Ils étudient comment ils paieront la différence entre leur objectif et entre les émissions produites en achetant un fonds technologique. Bien entendu, il n'est pas facile de chiffrer les émissions industrie par industrie. Il est très complexe de déterminer les émissions réellement attribuables à son usine.
    Voilà qui termine mes observations générales. Vous devez absolument miser sur la simplicité. C'est ma remarque la plus importante.

  (1615)  

    D'accord, merci. Ces renseignements sont utiles.
    En ce qui concerne les objectifs d'intensité, je suis d'accord avec vous pour dire que si, théoriquement, on augmente l'intensité des réductions, on va obtenir les mêmes résultats. En revanche, je ne suis pas certain que c'est dans cette direction que nous allons.
    Qu'en est-il de la valeur ajoutée et du gaz naturel? Quels signaux doit-on envoyer au marché pour obtenir la meilleure utilisation de nos ressources en gaz naturel?
    Lorsque je songe à la valeur ajoutée et à ce que notre comité en pensait, il est essentiel que notre système énergétique passe plus en amont sur le marché. Le Canada dispose d'énormes ressources, mais à long terme nous ne pourrons pas créer d'emplois véritablement productifs si nous exploitons ces ressources pour un prix minimal, de sorte que lorsque je parle de valeur ajoutée, je veux dire qu'il faut injecter plus d'argent dans la recherche et le développement afin de développer de nouvelles technologies de pointe qui procureront des emplois à plus grande valeur ajoutée et augmenteront nos exportations. Qu'il s'agisse de piles à combustible avancées, de nouvelles technologies pour la production d'hydrogène à partir du gaz naturel ou de technologies de gazéification pour remplacer le gaz naturel dans le traitement de sables bitumineux — comme l'usine OPTI/Nexen — ou encore de centrales nucléaires pour produire de l'électricité, tout cela nous donnerait de la valeur ajoutée.
    Je ne crois pas que le gouvernement doive être le seul à établir les prix. Il y a des choses que nous devons faire pour promouvoir l'innovation. J'aimerais que les universités et les industries reçoivent plus d'argent pour la recherche et le développement. Il faut trouver le moyen d'encourager l'innovation, donner des mesures incitatives à ceux qui osent prendre des risques en premier.
    Pour ce qui est du gaz naturel, il existe actuellement des méthodes permettant de réduire l'utilisation du gaz naturel pour le traitement des sables bitumineux, l'utilisation d'autres technologies. L'énergie nucléaire est une possibilité, et la gazéification des résidus en est une meilleure encore puisque c'est ce que fait déjà OPTI/Nexen à Long Lake. Elle fait actuellement du découpage, et elle prend d'énormes risques pour le faire. Il faut trouver des mesures qui encourageraient les entreprises à prendre ce premier gros risque.
    C'est une excellente transition qui m'amène à l'exposé de M. Henuset. Merci.
    Pour ce qui a trait à l'option nucléaire, pourriez-vous nous en dire un peu plus à propos du combustible épuisé et des déchets nucléaires, et de la façon dont vous prévoyez gérer cela? Je pense que c'est une question qu'il faut poser.
    On entend parler de l'idée de construire un réacteur nucléaire dans la région de Fort McMurray, mais on nous dit également la chose suivante: puisque les producteurs achètent leur gaz naturel à bas prix, il n'y a aucune raison pour qu'ils appuient la construction d'une centrale. À moins que quelqu'un ne décide de prendre l'initiative dans ce dossier, rien ne se passera.
    Pouvez-vous me dire où vous en êtes dans votre projet? Attendez-vous le feu vert de quelqu'un pour aller dans une certaine direction, ou peut-être attendez-vous que le secteur privé vous fasse une proposition de financement pour aller de l'avant? C'est une bonne idée. Nous entendons beaucoup de bonnes idées, mais rien de concret ne semble en découler. Où en êtes-vous?

  (1620)  

    Au départ, nous sommes tout de suite allés voir les producteurs de vapeur pour le DGMV. Les procédés de DGMV utilisés actuellement ne sont pas assez gros consommateurs pour pouvoir absorber la quantité de vapeur produite par un réacteur nucléaire. À moins qu'il y ait un producteur utilisant le DGMV qui escompterait produire plus de 200 000 barils par jour dans un rayon de... Mais aucun d'entre eux n'accroît sa capacité. Certains prévoient de le faire, mais ce sont des projets à long terme qui en sont encore à l'étape de planification.
    En ce moment, nous nous concentrons moins sur les utilisateurs de vapeur et nous mettons plutôt l'accent sur l'électricité. Actuellement, il y a un excédent d'électricité en Alberta, mais le demande d'hydrogène est à la hausse, et Shell et Husky vont avoir besoin de plus d'électricité, donc nous pensons que c'est probablement la voie à suivre.
    Je suis préoccupé par la quantité de gaz utilisée par certains exploitants pour la cogénération, ainsi que par la quantité de dioxyde de carbone qui est libérée dans l'atmosphère. D'après le graphique, dans dix ans nous devrons importer du gaz pour faire fonctionner ces installations. Je pense que c'est au gouvernement fédéral d'établir des politiques afin que le gaz soit utilisé pour les bons processus, afin qu'on ne fasse pas brûler de l'or pour produire du charbon. C'est ce qui se passe actuellement, on brûle du gaz de qualité.
    Les exploitants dans la région s'en rendent compte. Comme nous l'avons dit, ils testent différents processus car ils craignant qu'après avoir construit cette gigantesque infrastructure pour produire du pétrole, ils pourraient se retrouver sans le combustible nécessaire à ces procédés, c'est pourquoi ils cherchent d'autres solutions. Actuellement ils privilégient la cogénération du bitume, mais nous essayons de leur démontrer à quel point l'énergie nucléaire est rentable.
    Le nucléaire est loin d'être une source d'énergie évidente pour les Albertains. Au cours de la dernière année, nous avons réussi à les faire changer d'avis, c'est désormais une solution qu'ils prennent très au sérieux. Au début, cette idée leur faisait peur car ce sont des gens qui ne connaissent que le pétrole et ils ne voulaient pas se retrouver avec une industrie concurrente dans leur région.
    Merci, monsieur Cullen.
    Merci à MM. Keith et Henuset pour leur réponse.
    Nous passons maintenant à M. Ouellet du Bloc.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Docteur Bruneau, j'ai bien aimé votre façon d'exposer le problème. Il m'a semblé, de toute évidence, que vous aviez une approche holistique, mais je n'ai pas bien compris où cette approche vous menait. Autrement dit, j'ai bien compris votre analyse, mais je n'ai pas compris si vous en aviez tiré une conclusion ou si vous aviez fait une synthèse de votre analyse.
    Cette analyse nous mène-t-elle à l'épuisement des gaz, comme on vient de nous dire? S'il n'y a pas d'épuisement, devrions-nous aller vers la séquestration du CO2 dans le sol? Vous nous avez parlé de couches. Faudrait-il simplement laisser tomber le gaz et utiliser une autre forme d'énergie comme, peut-être éventuellement, le nucléaire?

[Traduction]

    Merci.
    Mes propos ne visaient en aucun cas à résumer quoi que ce soit qui se trouve dans le rapport. Je voulais plutôt souligner le fait que nous n'atteindront pas nos objectifs simplement en essayant d'utiliser moins d'énergie.
    En fin de compte, lorsque nous aurons des systèmes énergétiques inoffensifs, nous aurons une société bien plus grande consommatrice d'énergie qu'elle ne l'est aujourd'hui. Si vous voulez aujourd'hui une centrale à charbon écologique, il faut consommer de l'énergie pour le faire. Et je ne parle ici que de l'utilisation des technologies déjà disponibles.
    J'ai abordé cette question pour vous dire qu'on ne doit pas se laisser leurrer par ceux qui pensent qu'on devrait utiliser moins d'énergie. Il faut comprendre que notre véritable problème est l'utilisation sans aucune restriction de l'atmosphère comme dépotoir gratuit. C'est le problème que nous devons régler. Si nous réglons ce problème, il y aura de nombreuses retombées positives.
    Je ne sais pas si ça répond à votre question, ou si vous souhaitez que j'en dise un peu plus.

  (1625)  

[Français]

    Si vous faisiez une évaluation afin de vous attaquer au problème, par où commenceriez-vous? Nous utilisons toute l'énergie dont nous avons besoin, nous l'utilisons en masse, mais comment faire pour protéger notre planète des gaz à effet de serre, qui sont produits par une utilisation de plus en plus grande d'énergie?

[Traduction]

    Les gaz à effet de serre sont produits lorsque nous utilisons principalement des combustibles à base de carbone. Dans le rapport, nous arrivons à la conclusion que l'une des technologies très importantes que le Canada devrait envisager, et ce sous tous ses aspects, depuis la recherche fondamentale jusqu'aux démonstration d'exploitation à l'échelle commerciale, est une technologie généralement connue sous le nom de gazéification. Il s'agit en fait de prendre ces matériaux et de les décomposer en leurs éléments constitutifs dans un système fermé et de réassembler ces éléments avec d'autres produits — ajoutez de l'oxygène par exemple — afin de produire des produits différents. Si on faisait cela, nous aurions des technologies qui nous permettraient, si nous produisions beaucoup de CO2 dans ce processus de gazéification, de séparer ce flux de CO2.
    Une fois cela fait, une autre technologie dont nous parlons dans le rapport, et que le Canada devrait également envisager, et que David a mentionnée dans son introduction, entre en jeu, à savoir le stockage du CO2. Il faut séparer le CO2, le transporter et le stocker. On parle de séquestration, et c'est cela le stockage.
    J'ai dit que nous avions tellement de place pour stocker du CO2 dans le bassin de l'Ouest canadien qu'on ne pourrait jamais produire assez de CO2 pour le remplir. Il faut trouver des principes sur lesquels le gouvernement et le secteur privé pourraient s'entendre sur l'orientation à prendre pour ce système. La réglementation aurait un rôle à jouer.
    Je voudrais vous donner l'exemple d'un règlement très efficace qui a été instauré pour le soufre dans l'essence et le diesel. Il a fallu plus d'une décennie pour y arriver. L'industrie a participé, on s'est mis d'accord sur un échéancier, des investissements ont été effectués en R et D et dans des nouveaux processus qui ont permis d'aboutir aux résultats souhaités. Il est intéressant de noter que l'industrie avait une cible encore plus stricte que celle sur laquelle elle s'était mise d'accord avec le gouvernement car elle savait qu'à terme, s'il devenait possible d'éliminer tout le soufre, elle serait obligée de le faire de toute façon.
    Pour faire tout cela, pour capter, transporter, comprimer et stocker le CO2, il faudra subitement consommer plus d'énergie. Le système consommera plus d'énergie, mais il sera plus propre puisqu'il permettra d'éliminer ce dont on veut se débarrasser.

  (1630)  

[Français]

    A-t-on idée, monsieur Bruneau, de la quantité supplémentaire d'énergie qu'il faudrait par baril de pétrole pour réaliser la séquestration du CO2?

[Traduction]

    Je ne peux pas vous donner de chiffres, je peux simplement vous dire que si le procédé devient propre, et nous savons aujourd'hui que c'est possible, alors il y aura une plus grande consommation d'énergie.
    Évidemment, cela ne change rien puisque je pars du principe que nous aurons toujours assez d'énergie. Certes, nous pourrions épuiser certaines des formes que nous utilisons déjà, mais nous avons toujours arrêté d'utiliser des sources d'énergie, non pas parce qu'elles s'épuisaient mais parce qu'on finissait par découvrir de meilleures technologies et de meilleures sources. Nous n'avons pas arrêté d'utiliser le charbon pour chauffer nos maisons parce que nous avions épuisé les réserves de charbon: il est simplement devenu plus facile d'installer un brûleur à mazout ou une chaudière électrique.

[Français]

    Si je comprends bien, vous favorisez l'élimination du CO2 par l'utilisation de plus d'énergie, qui proviendrait d'ailleurs, pour éliminer les gaz à effet de serre.

[Traduction]

    Je ne défends pas ici un procédé en particulier. Je dis simplement qu'étant donné ceux qui existent aujourd'hui, si nous voulons changer la situation, nous devons commencer à capter le dioxyde de carbone. Si le coût est trop élevé, alors des esprits brillants trouveront d'autres façon de produire. C'est pour cela qu'il est absolument essentiel d'investir dans la recherche et le développement et les technologies scientifiques. Généralement, ces investissements se font avec une idée précise en tête, mais souvent, c'est grâce aux surprises qui surviennent pendant les recherches qu'on arrive à véritablement changer nos façons de faire. Ce que je vous demande ici, c'est d'investir davantage dans le capital intellectuel, mais si vous partez du principe qu'on doit consommer moins d'énergie, alors on n'arrivera à rien.

[Français]

    Des incitatifs financiers sont donc nécessaires. Le gouvernement pourrait offrir des incitatifs pour permettre à la roue de tourner.
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Oui.

[Français]

    C'est bien. Je vous remercie.

[Traduction]

    Merci, monsieur Ouellet. Quelle séance formidable!
    Nous passons maintenant à M. Bevington du NPD.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, messieurs, d'être venus aujourd'hui.
    D'abord, monsieur Henuset, je serais curieux d'en savoir davantage sur les chiffres que vous utilisez. Une usine de 200 000 barils nécessiterait une centrale nucléaire de quelle taille?
    Une centrale nucléaire, avec la filière CANDU 6, produit environ 740 mégawatts d'électricité. Si vous les convertissez en vapeur, et qu'au lieu de produire de l'électricité vous utilisez de la vapeur pour le DGMV, cela permet de produire environ 220 000 barils par jour. À l'heure actuelle, nous n'avons pas de système de DGMV de cette taille. C'est de l'ordre de 220 000 barils.
    Mais nous parlons d'une exploitation des sables bitumineux qui produirait 15 fois cela.
    Oui.
    Vous proposez une seule centrale pour 2016. En toute logique, cela ne suffirait pas aux besoins à ce moment-là.
    C'est exact.
    Il faudrait donc investir dans d'autres systèmes pour réaliser l'expansion, n'est-ce pas?
    Chaque système est différent. Avec le procédé DGMV, nous n'utilisons que la vapeur. Dans l'extraction minière, on utilise l'électricité ainsi que l'eau chaude, mais beaucoup moins de vapeur. Pour les opérations minières, une centrale peut desservir plusieurs sites. On peut acheminer de l'eau chaude sur environ 75 kilomètres, mais de la vapeur sur 25 kilomètres seulement.
    Très bien.
    Mais cela ne couvre pas le traitement du bitume.
    Non, en effet.

  (1635)  

    Ça ne couvre pas l'injection d'hydrogène dans le bitume. Et on aurait besoin de quoi comme capacité nucléaire pour produire de l'électricité pour produire par l'électrolyse l'hydrogène nécessaire au traitement?
    C'est exact. En ce moment, par rapport au gaz naturel, utiliser de l'électricité pour produire de l'hydrogène coûte environ 12 $ par gigajoule. Nous ne sommes donc pas rentables puisque le gaz naturel est moins cher.
    C'est la capacité qui m'inquiète pour le moment.
    D'accord, la capacité de la centrale.
    Oui, ne s'agit-il pas d'environ 600 mégawatts pour une usine de traitement produisant 60 000 barils par jour?
    Oui, grosso modo.
    D'accord. Alors, dans les faits, si nous utilisons le nucléaire pour produire du pétrole synthétique à partir des sables bitumineux, au bout du compte, nous allons avoir besoin d'un nombre considérable de réacteurs nucléaires.
    Effectivement.
    Oui. Ce serait de l'ordre de...
    Vingt.
    Vingt?
    Dix-neuf.
    Donc un investissement considérable.
    Je vous ai écouté avec beaucoup d'attention lorsque vous avez parlé de la diminution de nos réserves de gaz naturel. Ressources naturelles Canada a dit la même chose, et c'est très grave. Aux yeux du comité des ressources naturelles, il s'agit quasiment d'une catastrophe en devenir, si nous ne faisons pas plus attention à nos réserves de gaz naturel au Canada. Nous nous disons une superpuissance énergétique et pourtant, vous nous dites que d'ici 5 à 10 ans, nous ne pourrons même pas honorer nos engagements en vertu de l'ALENA.
    Nous n'avons pas inventé ces chiffres.
    Je le sais. Nous avons un gros problème avec le gaz naturel.
    Vous avez déjà vu ces chiffres. Il y a un problème.
    C'est bien, parce que l'ACPP a comparu il y a à peu près six semaines, pour nous dire que nous avons beaucoup de gaz naturel et de ne pas nous inquiéter. C'est ce qu'ils ont dit. Je pense que le témoignage d'aujourd'hui contredit cette opinion.
    Les producteurs, dans les régions des sables bitumineux, cherchent d'autres combustibles parce qu'ils ont eux-mêmes ces chiffres. Le gaz naturel est très instable, et ils doivent avoir une source de combustible stable. C'est pour cela qu'ils cherchent des sources différentes pour appuyer leur développement.
    C'est comme si on achetait une voiture en sachant qu'il n'y aura plus d'essence dans 10 ans. Les gens là-bas construisent des voitures , mais nous ne pourront plus le faire dans 10 ans, étant donné la consommation et l'épuisement des ressources.
    Je vais passer à M. Bruneau qui dit que nous n'avons pas de problème d'énergie. Nous avons simplement un problème de pollution dû à l'utilisation que nous faisons de l'énergie.
    M. Keith a indiqué que nous pourrions opter pour l'intensité des émissions au lieu de limiter l'expansion de l'industrie. Qu'en pensez-vous?
    Parlons un peu de l'aspect intensité.
    Quand nous parlons d'émissions de gaz à effet de serre, nous parlons d'un problème planétaire. Certains d'entre vous ont dû voir récemment que Alcan a décidé de construire en Afrique du Sud une aluminerie d'une capacité annuelle d'un million de tonnes à cause du contrat qu'elle qu'il pourrait passer avec Eskom, qui est plus grosse que Ontario Hydro. Je ne pourrai pas vous donner les chiffres actuels, mais il y a 10 ans Eskom produisait 85 p. 100 de toute l'électricité produite en Afrique. Mais elle utilise du charbon sale.
    Si le monde veut un million de tonnes d'aluminium de plus par an, et si vous le produisez au Canada en assurant les deux tiers ou même la totalité des besoins énergétiques à partir d'une nouvelle source d'hydroélectricité, vous aurez réglé le problème international même si l'économie canadienne utilise beaucoup plus d'énergie.
    Le Canada ne devrait jamais s'excuser d'être un grand consommateur d'énergie. C'est parce qu'il y a des choses que nous faisons mieux que la plupart des autres pays, et nous le faisons en émettant moins de gaz à effet de serre.
    Quand vous regardez le Canada, vous devez voir ce que vous faites dans un contexte planétaire si vous voulez vraiment régler le problème planétaire. Si on décide de produire de l'aluminium en Afrique du Sud à partir du charbon sale, on fait un pas en arrière, pas en avant.

  (1640)  

    Ce qui m'inquiète davantage maintenant, c'est de savoir comment nous allons chauffer nos maisons au gaz naturel en 2015 si les chiffres que nous avons devant nous sont vrais.
    Les compagnies ne font pas de forages parce que le prix du gaz naturel n'est pas assez élevé pour le justifier.
    Le prix du gaz a quadruplé depuis dix ans.
    Je me souviens d'avoir entendu un conférencier dire que si jamais le prix du gaz arrivait à 1 $ canadien le 1 000 pieds cubes, l'économie de l'Alberta s'effondrerait parce qu'il serait impossible de soutenir ces coûts.
    L'année dernière, nous avons foré 15 000 puits en Alberta.
    C'était plutôt 22 000.
    Quinze mille puits de gaz en Alberta l'année dernière, et qu'en avons-nous fait?
    On aurait pu en forer beaucoup plus. Je suis membre du conseil d'administration d'une compagnie pétrolière et nous ne sommes pas prêts d'épuiser les réserves de gaz. Ce sont les coûts qui vont déterminer l'utilisation que nous en ferons.
    Ces chiffres se fondent sur les prévisions selon lesquelles nous extrairons 2 milliards de pieds cubes de méthane de houille d'ici 2010 et quatre milliards de pieds cubes d'ici 2025. Ce sont là aussi des enjeux importants. Pour pouvoir forer dans le sud de l'Alberta et mettre en valeur autant de méthane de houille, il faut amorcer rapidement le processus d'octroi de permis.
    Je partage l'avis d'Angus, le problème n'est pas une pénurie d'énergie. Il faut adopter une perspective historique. À Pittsburgh, on a commencé à parler sérieusement d'une éventuelle pénurie de pétrole déjà en 1880, une vingtaine d'années après le début de l'industrie pétrolière. Au cours du dernier siècle, le ratio entre les réserves et la production a peu changé et il y a toujours eu des gens pour prétendre que nos ressources seraient épuisées d'ici 20 ou 30 ans. Il y a des raisons qui expliquent pourquoi ce n'est pas arrivé, et cela n'arrivera pas encore cette fois-ci. Nous sommes aux prises avec un grave problème environnemental, les changements climatiques, et nous ne risquons pas vraiment de manquer de pétrole.
    Je ne parle pas du pétrole, mais bien du gaz naturel. Voici les chiffres qu'on nous a présentés. Si vous les contestez, veuillez le dire.
    Je le conteste absolument. C'était justement le sens de mon intervention.
    Mais Ressources naturelles Canada a des chiffres semblables selon lesquels nous aurons une pénurie de gaz naturel d'ici dix ans.
    Bien entendu. Et ils affirmaient la même chose il y a 20 ou 40 ans.
    Il y a 40 ans, nous aurions des réserves de gaz naturel pour 25 ans. Il n'y avait pas de crise pour le gaz naturel.
    Vous êtes donc persuadé qu'il y en a une, mais de façon générale, la plupart des gens que je connais dans les milieux de l'énergie ne croient pas que nous vivons une situation de crise ni que nous allons manquer de ressources énergétiques. Nous avons d'énormes réserves de divers combustibles, et nous savons comment convertir un type de combustible en un autre. Vous avez demandé comment nous allions chauffer nos maisons. S'il n'y avait pas le problème des changements climatiques, nous pourrions le faire de nombreuses façons. On peut convertir le charbon en gaz synthétique à un coût assez compétitif, compte tenu du prix du gaz aujourd'hui.
    Nos réserves énergétiques nous offrent beaucoup d'options différentes. Nous devons trouver les combustibles nécessaires pour faire fonctionner notre société. Dans le domaine de l'énergie, le problème dominant au Canada, étant donné nos ressources extraordinaires, ce sont les conséquences environnementales de l'utilisation de ces combustibles et non pas l'approvisionnement. Il y a des raisons systématiques bien connues pour lesquelles les prévisions gouvernementales sous-estiment la conversion des ressources en réserves à long terme; les gouvernements centraux ne tiennent pas compte de l'évolution de la technologie.
    Les réserves de gaz non conventionnelles — qu'il s'agisse de gaz de réservoir étanche, d'hydrates et ainsi de suite — ne sont pas prises en compte par les gouvernements tant qu'elles ne sont pas converties en réserves, c'est-à-dire en réalité économique. Or, je suis entouré dans mon service d'un tas de gens qui réfléchissent très sérieusement au moyen de produire des réserves de gaz non conventionnelles à partir des réserves du delta du Mackenzie ou en haute mer, et ces moyens vont indéniablement se concrétiser. Je ne peux pas prévoir, et ce n'est du reste pas mon rôle, si la production de l'Alberta va augmenter ou diminuer à court terme. Mais à long terme, je crois qu'il est faux de penser que nous allons épuiser nos réserves de gaz. Ce qui va s'épuiser, c'est l'atmosphère, bien avant les réserves de gaz.

  (1645)  

    Merci, monsieur Keith. Je crois que vous avez répondu à la question.
    Merci, monsieur Bruneau.
    Je dois maintenant donner la parole à M. Trost.
    Merci, monsieur le président.
    Pour situer mes questions dans leur contexte, je dois dire qu'à mon avis notre comité doit décider ce que je gouvernement peut et ne peut pas faire. Mais nous devons également connaître les options possibles.
    Je m'excuse de ne pas avoir pu lire toutes les notes qui ont circulé, car je vois encore flou parce que je viens d'avoir un rendez-vous chez l'ophtalmologiste. Vous devrez donc m'excuser si je pose une question dont la réponse figure dans les notes.
    Monsieur Henuset, quand on se documente un peu sur cette question, on s'aperçoit qu'il y a d'autres options et bien sûr de la concurrence. Vous avez examiné seulement l'option de construire une centrale nucléaire parmi une vingtaine, mais quelles autres options s'offrent aux consommateurs? Ils examinent les mêmes données que nous. Ils se renseignent sur le coût du gaz naturel et cherchent des moyens de l'utiliser. Pourriez-vous nous présenter un survol des autres options possibles? Vous avez examiné la possibilité de construire une centrale ici et vous avez analysé la concurrence, mais quelles autres options existent à l'heure actuelle, en ce qui concerne les sables bitumineux, pour produire la vapeur, l'énergie, l'eau, etc. dont on a besoin et que l'énergie nucléaire pourrait fournir?
    En ce moment, la plupart utilisent le gaz. Le gaz étant volatile, ils songent à utiliser plutôt le bitume, avec une deuxième combustion.
    La compagnie Suncor fait-elle cela?
    Oui.
    La combustion du bitume produit du dioxyde de carbone en quantité sensiblement plus grande que la combustion du gaz naturel. Toutefois, ils se méfient beaucoup du gaz naturel à cause de la fluctuation de son prix. Ils se demandent combien de gaz sera disponible. Nous parlons en ce moment de gaz et de pétrole. Les prix ont changé et le coût d'extraction de ces produits a sensiblement augmenté.
    Il y a donc le bitume, le gaz et l'énergie nucléaire. Y a-t-il vraiment d'autres sources d'énergie? J'ai entendu des exposés sur d'autres possibilités, mais je ne sais pas si elles sont très sérieuses. On pourrait produire de l'énergie hydroélectrique dans les Territoires du Nord-Ouest. Bien des idées sont lancées. Y a-t-il d'autres sources d'énergie sérieuses qui pourraient rivaliser avec votre projet?
    Je pense qu'il y en a une vingtaine, n'est-ce pas, David?
    Nous examinons une vingtaine de procédés différents. En ce moment, tout le monde cherche de nouvelles méthodes.
    Le charbon est la principale source d'énergie envisagée. L'hydroélectricité n'est pas une idée sérieuse.
    Oui, nous songeons au charbon. L'hydroélectricité ne suffirait pas.
    Voici donc ma prochaine question. Vos clients sont-ils vraiment intéressés par ces options et quel est le rôle du gouvernement relativement à la réglementation, par exemple? À votre avis, que pourrions-nous faire pour accélérer les processus décisionnels si nécessaire? Comme vous l'avez dit, en ce moment les acteurs de l'industrie se sentent obligés de prendre des décisions importantes pour l'avenir étant donné les fluctuations de prix.
    Je me demande sincèrement ce que nous pouvons faire? En ce moment, ils sont très enclins à prendre une décision majeure pour différentes raisons. À votre avis, le gouvernement peut-il ou doit-il faire quelque chose d'important pour les aider à prendre ces décisions ou pour influencer la politique à cet égard?
    Nous souhaitons vivement une taxe sur le CO2 de manière à pouvoir obtenir les crédits. Notre usine serait beaucoup plus économique, parce que nous pourrions récupérer des crédits d'impôt.
    La commission de l'énergie nucléaire a rendu très difficile l'obtention de permis; nous voudrions que le processus d'octroi de permis soit simplifié. Ainsi, cela ne nous prendrait pas trois ou quatre ans pour obtenir la permission de construire une centre nucléaire.
    Il faut que les règlements soient plus clairs. C'est notre principale revendication. Le gouvernement doit exiger de la clarté pour que d'autres acteurs puissent se lancer dans le secteur de l'énergie; cela pose manifestement un problème en ce moment sur le plan de l'énergie parce qu'on ne sait pas combien il y avait de CO2 dans les émissions. L'énergie nucléaire fait partie de ce renouveau et pour que le Canada demeure une superpuissance énergétique, il faut songer à des sources d'énergie nouvelles en plus des sables bitumineux.
    L'extraction du pétrole des sables bitumineux a beaucoup servi l'ensemble du pays. Il faut en faire une priorité nationale afin que les installations puissent être économiquement rentables, pour que nous puissions exporter partout dans le monde car il ne fait aucun doute qu'ils dynamisent notre économie.

  (1650)  

    Certaines attitudes semblent m'indiquer que d'autres témoins veulent répondre à la question, non?
    Les façons les plus sérieuses de produire de la chaleur et de l'hydrogène dans les sables bitumineux à l'heure actuelle correspondent à ce que nous faisons en ce moment: combustion simple de gaz naturel et de combustibles lourds, c'est-à-dire le charbon, les asphaltènes ou les résidus. Si on ne se souciait pas du climat, on pourrait simplement les brûler. En fait, si on parle tant du gaz naturel, c'est entre autres parce que tout le monde pense qu'il y aura une taxe sur le carbone.
    La façon la moins coûteuse de produire de la vapeur pour les sables bitumineux, si on veut d'énormes quantités de vapeur, c'est par la méthode qu'Angus a décrite. Nous le faisons depuis le XVIIIe siècle: de brûler du charbon. Si l'industrie n'ouvre pas en ce moment de nouvelles centrales au charbon — et j'ai eu beaucoup de discussions avec les industriels à ce sujet — c'est qu'on s'attend à ce qu'il y ait un prix à payer pour les émissions de carbone.
    La véritable concurrence se fait entre l'énergie nucléaire, qui fournit de la chaleur sans émettre de CO2, et d'autres technologies qui peuvent faire la même chose. Je crois que la concurrence se fera surtout avec les méthodes de captage et de stockage de CO2, lorsqu'on utilisera du charbon, des asphaltènes ou des résidus comme combustible.
    Il importe de rappeler tout d'abord que les sables bitumineux ne sont pas la principale source d'émissions de CO2 en Alberta. Ce sont les centrales électriques au charbon. On parle beaucoup des sables bitumineux dans les médias, pour bien gérer le problème des changements climatiques, il faut regarder les centrales au charbon et non les sables bitumineux.
    Cela me ramène à ce que j'ai dit tout à l'heure au sujet de l'importance d'avoir une réglementation équitable. Le gouvernement se concentre évidemment sur certains aspects, mais si vous imposiez uniquement une taxe sur le carbone, cela aurait beaucoup plus d'effet sur les centrales au charbon en Alberta, voire en Ontario, que sur les sables bitumineux.
    À long terme, voici les options pour les sables bitumineux. À mon avis, le captage et le stockage de CO2 est mieux à même de concurrencer l'énergie nucléaire pour les sables bitumineux que l'électricité. Cela est attribuable au fait que le captage et le stockage du CO2 génère généralement de l'hydrogène, ce que l'énergie nucléaire ne peut pas faire de façon aussi rentable. Si la concurrence se fait entre une centrale au charbon munie d'installations de captage et de stockage de CO2 et une centrale nucléaire produisant de l'électricité, je pense que ces deux méthodes seraient à peu près à égalité en ce moment. Et je prends l'énergie nucléaire très au sérieux.
    Quant aux sables bitumineux, je souhaite bonne chance à Wayne et j'aimerais bien me tromper, mais je pense que le nucléaire, pour les sables bitumineux, est intrinsèquement moins compétitif parce qu'il ne produit pas d'hydrogène à un coût aussi faible et que les sables bitumineux ont besoin des deux. En revanche, comme nous construisons beaucoup d'installations, Wayne va peut-être avoir raison à cause du rythme effréné de construction de nouveaux bâtiments dans l'industrie du sable bitumineux.
    Disons, pour résumer, que vous recommandez une taxe sur le dioxyde de carbone et la mise en place d'une réglementation plus intelligente et efficace.
    Exact.
    Et cela vaut pour les deux secteurs. Cette réglementation exigerait l'élimination du dioxyde de carbone tout comme il y a des règlements sur l'élimination des déchets nucléaires. Il faut que ces deux cadres réglementaires soient clairs pour que l'une ou l'autre de ces technologies fonctionnent.
    Monsieur Bruneau, vous voulez ajouter quelque chose?
    Oui, très brièvement.
    Si on parle autant du gaz naturel et si certains craignent que les réserves viennent à manquer, c'est parce qu'une seule molécule de gaz naturel contient quatre atomes d'hydrogènes. Dame nature l'a voulu ainsi. On cherche les moyens d'avoir, au point d'utilisation, le ratio maximal d'atomes hydrogènes par rapport aux atomes de carbone dans le combustible. Ce ratio ne peut excéder quatre atomes d'hydrogène pour un atome de carbone, ce qui donne le méthane.
    On devrait alors utiliser le gaz naturel aux points d'utilisation finals plutôt que dans de vastes procédés industriels, où tout est... On peut le contenir, le transformer et en extraire le dioxyde de carbone. S'il doit servir à diverses utilisations, il faut avoir le ratio hydrogène-carbone le plus élevé possible. C'est l'utilisation préférée du gaz naturel.
    On peut générer de la vapeur, de l'hydrogène et toute la chaleur qu'on veut à partir du charbon contenu dans les sables bitumineux. Voilà justement l'idée. C'est comme un mille-feuilles et nous devons commencer à l'examiner sous de nouveaux angles. Quelle est la meilleure combinaison et quelle technologie nous permettra de l'exploiter?
    Merci beaucoup.
    Passons maintenant à un nouveau tour de questions. Chaque député aura cinq minutes et je vais commencer par les Libéraux.
    Monsieur St. Amand.

  (1655)  

    Merci, monsieur le président.
    Merci, messieurs, de vos exposés. Nous avons entendu beaucoup d'experts comme vous au cours des dernières semaines et, si vous me le permettez, j'aimerais vous en résumer certains points saillants.
    D'abord, en tant que citoyen canadien j'ai été quelque peu embarrassé et même médusé d'apprendre que le village autrichien de Gleisdorf, avec ses 35 000 habitants, a la même capacité d'énergie solaire que tout le Canada. Pour ce qui est de l'énergie solaire, il semble que nous soyons vraiment à la queue du peloton.
    J'ai aussi été surpris des revenus gigantesques des pétrolières de l'Alberta. Des milliards et des milliards.
    Enfin, et je me rapproche davantage de l'objet de nos débats aujourd'hui, je suis troublé de constater que le gouvernement n'a jusqu'ici rien fait et rien proposé pour s'attaquer sérieusement au problème des émissions de gaz à effet de serre.
    Ce qui m'amène à faire ce commentaire, c'est surtout votre exposé, monsieur Keith. Je vais en citer quelques phrases ici et là:
Nous disposons des outils nécessaires pour gérer les émissions de CO2 des sables bitumineux... Le Canada a tôt fait de s'ériger en chef de file pour ce qui est de la capture et du stockage de CO2. À mon sens, nous avons perdu cette longueur d'avance et, en l'absence de mesures gouvernementales claires et nettes, nous perdrons bientôt aussi toute possibilité de récupérer notre place. Il s'agirait de ne pas recommencer les erreur du programme d'énergie éolienne des États-Unis.
    On vous a peut-être déjà posé la même question d'une façon un peu différente, mais M. Henuset a évoqué une taxe sur le carbone. J'aimerais que chacun d'entre vous réponde à la question suivante. Quelle est à votre avis la mesure décisive que le gouvernement fédéral devrait prendre le plus tôt possible?
    Ce que je propose n'est pas une recommandation visant à nous donner des politiques, mais il serait possible d'avoir une taxe sur le carbone au Canada, mais une taxe qui serait gérée de façon à éviter de perdre de l'argent au profit d'organisations étrangères ayant été obligées de fermer leur usine polluante il y a 10 ans et détenant par conséquent un crédit. Il serait également possible de payer la taxe sur le carbone en investissant dans le domaine des sciences et des technologies.
    L'enjeu le plus important, c'est la création d'un capital intellectuel axé sur les défis et les possibilités uniques au Canada.
    Monsieur Keith ou monsieur Henuset.
    Je suis entièrement d'accord. Je pense que le secteur privé est prêt à investir des sommes importantes dans le développement d'innovations énergétiques et dans l'établissement de technologies à faibles émissions, mais qu'il attend qu'on lui donne un signal clair, comme une taxe.
    Permettez-moi de vous parler de l'énergie solaire. Il existe toute une panoplie de sources énergétiques. D'une part, il y a les technologies qui pourraient vraiment être utilisées aujourd'hui, comme le nucléaire, l'énergie éolienne à large échelle, le charbon avec captage, et d'autre part, il y a les technologies qui risquent de jouer un rôle énergétique excessivement important dans 30 ans, voire plus. Ainsi, il est important d'adopter deux stratégies différentes. Par exemple, dans le cas de l'énergie éolienne, ce qui manque, ce sont des mesures incitatives.
    Le secteur éolien tourne à plein régime. Il suffirait de lui accorder des mesures incitatives relatives au marché pour que les coûts se mettent à chuter. Il en va de même pour la capture et le stockage du CO2. D'ailleurs, je pourrais vous donner plus d'un exemple ou cela se fait déjà à l'étranger. Au Canada, nous n'avons pas encore d'installations d'envergure mais, ce serait envisageable puisqu'on n'aurait même pas besoin de recherches pour le faire.
    L'énergie solaire est un autre cas de figure. À l'heure actuelle, cela coûte environ 10 fois plus cher de produire de l'électricité à partir d'énergie solaire que par d'autres moyens. Il serait illogique d'investir dans l'actuelle technologie solaire parce que je ne pense pas qu'il sera possible de produire de l'énergie solaire à faible coût à partir de la technologie solaire basée sur les cellules photovoltaïques telle qu'on la connaît à l'heure actuelle. Par contre, l'énergie solaire a de fortes chances d'être l'une des plus importantes sources d'énergie à long terme. Il existe différentes options, qui devraient faire l'objet de recherches avancées, ce qui permettrait de diviser par 10 le coût de l'énergie solaire, la rendant concurrentielle.
    Personne ne pourra vous dire quand les technologies seront fonctionnelles, mais, pour ma part, je vous encouragerais à adopter une approche pour l'énergie solaire qui soit entièrement différente de celle adoptée pour le nucléaire. En ce qui a trait au nucléaire, il faut éviter de construire des centrales. Par contre, pour ce qui est de l'énergie solaire, il ne faudrait pas tenter de commercialiser les techniques mais plutôt investir généreusement dans la recherche qui sera très rentable à longue échéance et dans le domaine de la physique fondamentale dans le but de révolutionner la morphologie des cellules solaires, les rendant ainsi beaucoup moins chères. On n'est pas à court d'idées.

  (1700)  

    Monsieur St. Amand, nous en sommes à la deuxième ronde de questions et vous en êtes à 3 minutes 35. Je suis désolé, il va falloir couper court. Voulez-vous poser une courte question pour conclure?
    Je vais résumer la situation. Libre à vous d'être d'accord ou pas. Je ne pense pas du mal de l'ensemble des compagnies pétrolières. Il est clair que l'argent est un facteur critique mais je pense qu'il y en a beaucoup qui veulent être progressistes et se comporter en bons citoyens corporatifs. Cela dit, en sommes-nous arrivés au point où, après avoir discuté pendant longtemps et après avoir trouvé de bonnes idées, pour les faire agir, il faut leur imposer quelque chose, comme une taxe?
    Oui.
    Je suis professeur d'université et libéral. J'ai déjà eu l'occasion de discuter avec les PDG des plus grandes compagnies pétrolières de Calgary. Il est clair que certaines de ces compagnies commencent à bouger et, dans certains cas, à faire des investissements importants en vue de se préparer à la nouvelle réalité où les émissions de carbone seront restreintes. Certaines demandent d'ailleurs publiquement davantage de clarté au niveau de la réglementation. Par conséquent, je ne pense pas que mon point de vue soit radical.
    Proposez le plan et discutez-en comme on l'a fait pour le soufre et l'essence, et le soufre et le diésel. C'est un bon modèle. C'est un modèle qui fonctionne, et cela permet au capital intellectuel de l'industrie de travailler pour vous.
    Merci, monsieur St. Amand.
    Bienvenue, monsieur Lussier, qui va maintenant parler je pense pour le Bloc.

[Français]

    Monsieur le président, avant de passer la parole à M. Lussier, j'aimerais faire une petite mise au point.
    Je suis un spécialiste de l'énergie solaire depuis 30 ans et je suis en mesure d'affirmer que nous connaissons bien le solaire passif. On n'a pas besoin de faire plus de recherches.
    On doit s'en servir, et cela ne coûtera pas plus cher, cela ne coûtera pas 10 fois plus cher qu'une autre forme d'énergie. En effet, cette forme d'énergie coûte le même prix que l'énergie qu'on n'utilise pas. Lorsque vous parlez d'énergie solaire, il faudrait spécifier s'il s'agit du solaire actif ou du solaire passif. On sait tous comment fonctionne le solaire passif. À mon avis, vous n'êtes pas réellement au courant de ce qui se passe, lorsque vous dites cela.

[Traduction]

    Aux fins du compte rendu, je voudrais dire que je suis justement en train de faire une réhabilitation thermique de ma maison à Calgary avec l'un des meilleurs systèmes solaires passifs à Calgary, et dans tous les cas j'ai obtenu de l'entrepreneur un contrat avec remboursement des coûts pour ma maison personnelle. Je fais le calcul et je compare le coût réel en dollar par tonne de carbone, et j'ai tellement cette question à coeur que je suis prêt à risquer mon propre argent pour le faire. Mais à mon avis, on ne peut pas vraiment dire que ce soit quelque chose de rentable aujourd'hui.
    Et l'énergie héliothermique?
    L'énergie héliothermique coûte beaucoup moins cher que le photovoltaïque, mais ce n'est pas encore au point.
    Le vrai problème, et nous en parlons dans ce rapport sur la technologie, ce qui est surprenant... La dernière recommandation c'est que nous prenions au sérieux les sciences sociales, car dans ce genre de choses, l'énergie solaire passive et tellement d'autres choix des consommateurs, nous sommes loin d'en arriver à ce que la technologie permet de faire aujourd'hui. L'énergie solaire passive est un exemple parfait. Ce que nous disons, c'est qu'il faudrait demander à des sociologues et à d'autres experts d'examiner les processus décisionnels qui nous laissent si loin en arrière par rapport à ce que nous pourrions réaliser grâce à la technologie qui existe aujourd'hui. Il faudrait savoir pourquoi.
    Monsieur Lussier, vous avez trois minutes.

[Français]

    Monsieur Keith, j'ai été très surpris d'entendre votre critique de la réduction des gaz à effet de serre qu'a entreprise l'Union européenne. Si j'ai bien compris, vous dites que l'Europe n'a pas réussi à réduire ses gaz à effet de serre. Ai-je bien compris?

[Traduction]

    Il y a eu des réductions, mais la plupart des réductions sont attribuables à des raisons autres que les programmes de sorte qu'on se demande s'il y a eu des réductions importantes par rapport au scénario du maintien du statu quo. Par exemple, la Grande-Bretagne fait des progrès considérables pour réduire ses émissions, et ces réductions avaient très peu à voir avec les programmes. Elles étaient plutôt dues au fait que Mme Thatcher souhaitait confronter les syndicats houillers, avec effondrement des mines de charbon et des centrales au charbon, et le remplacement du charbon par du gaz bon marché de la mer du Nord. Cela a eu un impact important.
    De la même façon, l'effondrement dans l'ancienne Allemagne de l'Est a eu des conséquences très importantes, mais pour ce qui est de réduire les émissions en dessous de la ligne de base grâce à la politique climatique, les résultats ont été... non pas nuls, mais pas très importants jusqu'à présent.

  (1705)  

[Français]

    Mon point de référence était justement l'Angleterre, qui a eu de bons résultats par la passé. Je me réfère à la délégation d'Angleterre qu'a reçue le Comité permanent de l'environnement et du développement durable. Elle nous a fait part de résultats très concrets.
    Je reviens à la question des investissements dans le capital intellectuel dont a parlé M. Bruneau. Comment réagissez-vous lorsque vous entendez que certaines technologies pourraient permettre de réduire de 60 p. 100 la consommation de pétrole des moteurs de voitures? Ces technologies sont disparues, cachées ou retenues par le monde scientifique ou par les pétrolières.
    S'agit-il de solutions réelles? Peu de gens parlent d'économie d'énergie. Les investissements intellectuels doivent-ils aussi se faire dans le domaine des économies d'énergie?

[Traduction]

    Laissons les conditions économiques engendrer les économies d'énergie. L'efficacité est une arme à deux tranchants. Si quelqu'un inventait le diode électroluminescent, on aurait une lumière très brillante qui n'utilise presque pas d'énergie. Qu'est-ce que nous utilisons ici? Cela n'a pas remplacé beaucoup de lampes d'éclairage, mais tous les tableaux d'affichage à l'aéroport sont des feuilles diodes électroluminescentes qui utilisent beaucoup d'énergie car il y a beaucoup de diodes. Pourquoi y en a-t-il autant? Elles sont si peu coûteuses et chacune utilise très peu d'énergie.
    Pour rendre un moteur automobile plus efficace, on fait en sorte qu'il soit plus gros et tourne plus rapidement. C'est de cette façon qu'on les rend plus efficaces. C'est ce que l'on fait. Prenons la taille des moteurs dans les véhicules aujourd'hui. L'efficacité des véhicules uniquement se situe peut-être autour de 20 p. 100, mais si l'on veut déplacer un seul corps qui pèse 150 livres, et ce n'est qu'un treizième de la masse du véhicule total, on se retrouve avec une efficience globale de trois quarts de 1 p. 100. L'efficience c'est la quantité d'énergie qu'il faut pour me déplacer de l'endroit où je suis à l'endroit où je veux aller. Si le véhicule pèse la moitié, on double l'efficience du système en fait.
    De toute façon, ce ne sont là que deux exemples. L'efficience est une arme à deux tranchants.
    Merci, monsieur Bruneau.
    Je suis désolé, monsieur Lussier. Vous pourrez commencer la prochaine fois. Pour l'heure, nous allons passer à M. Paradis.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Keith, éclaircissons un point. Dans votre exposé, vous dites que le Protocole de Kyoto a des lacunes graves et que s'y fier risque de nous mener à une impasse. Vous faisiez un lien avec des actions concrètes qui devraient être prises. Ai-je bien compris le lien? Les lacunes dont vous faites état sont-elles liées au fait qu'il faille aller au-delà de mesures incitatives et qu'il faille vraiment instaurer des formes d'énergie comme l'énergie éolienne ou le charbon jumelé à des dispositifs de séquestration? Vous aviez aussi parlé du carbone.
    J'aimerais donc que vous développiez ce sujet, pour m'assurer de bien vous comprendre.

[Traduction]

    Je ne suis pas convaincu de vous avoir tout à fait compris. Vous avez soulevé des questions qui me semblent bien distinctes.
    En vertu du Protocole de Kyoto, les différents pays bénéficient de beaucoup de souplesse en ce qui a trait à la réglementation des émissions à l'intérieur de leurs frontières. D'ailleurs, ceux qui disent qu'il nous faut des cadres véritablement canadiens, au lieu de Kyoto, n'avancent pas toujours de bons arguments parce qu'il est assez facile de créer ses propres règles en vertu de Kyoto. Il n'y a pas de véritable contradiction avec les cibles fondées sur l'intensité, à ma connaissance.
    Le Protocole de Kyoto a beaucoup de points faibles, l'un deux étant l'inclusion de crédits relatifs au mécanisme de développement propre. Il s'agit de crédits relatifs à une installation donnée qui sont attribués en fonction de la différence entre les émissions à une installation donnée, par exemple en Chine, par rapport à ce qu'elles auraient été s'il n'y avait pas eu de certificat assorti de financement 10 à 15 ans plus tard. Il est question d'information privée ici, et il me semble impossible de concevoir un système comptable qui nous permettrait de les gérer. En incluant une telle disposition dans le protocole, on accepte une méthode comptable floue qui nous causera des problèmes à long terme.
    La convention-cadre, c'est-à-dire la convention qui a servi de base aux négociations de Kyoto, a de plus forte chance de garder sa pertinence à long terme. Mais je dois vous avouer qu'à l'heure actuelle, ça n'a que peu d'importance. Peut-être que je n'accorde pas suffisamment d'importance aux négociations internationales. Ce qui est important, c'est ce que nous décidons de faire, surtout dans le contexte nord-américain, étant donné l'importance des États-Unis.
    Il est probable que les autorités américaines agissent de façon vigoureuse pour réglementer les émissions de dioxyde de carbone, sans doute plus vigoureusement que le Canada ou l'Europe. En effet, les États-Unis ont été les chefs de file en matière de réglementation environnementale et ce, depuis la Seconde Guerre mondiale. D'ailleurs, à Washington, où j'étais hier, on sent qu'un accord va se conclure rapidement sur ce sujet, un accord qui ira plus loin que ce que nous faisons. Il faut également savoir que les États-Unis n'entérineront pas le Protocole de Kyoto. Si je dis vrai et que les États-Unis réglementent les émissions de dioxyde de carbone en marge du Protocole de Kyoto, le protocole aura perdu de sa pertinence face au problème.
    Le problème perdurera, les négociations internationales continueront, mais on ne sait toujours pas si le Protocole de Kyoto jouera un rôle important en matière d'harmonisation des actions internationales. Il est vrai qu'il existe d'autres outils, comme l'OMC.

  (1710)  

[Français]

    Je vous remercie.
    Monsieur Bruneau, j'ai eu l'occasion, ce matin, de visiter les laboratoires du Centre canadien de la technologie des minéraux et de l'énergie situé ici, à Ottawa. Pour moi, votre discours était d'actualité parce que j'ai vu concrètement ce dont vous avez parlé: les pertes d'énergie et certains autres sujets. On a discuté de l'analyse des systèmes énergétiques de quartier. Bref, j'ai vu toute une série d'illustrations, et quand vous en parlez, je trouve cela très intéressant.
    Pour les fins du comité, je me pose la question suivante; vous avez peut-être une idée à ce sujet. Sur le plan des sciences et de la technologie, quelle devrait être, selon vous, la priorité de notre gouvernement dans le cadre de l'appui à l'extraction des sables bitumineux? Comment voyez-vous cette situation?

[Traduction]

    C'est une des questions qu'on a posées à notre panel, qui a produit le rapport. Nous avons formulé beaucoup de suggestions portant sur divers dossiers, mais avons identifié quatre priorités pour le gouvernement, c'est-à-dire quatre dossiers où le gouvernement a un rôle important à jouer — différent dans tous les cas.
    La première, ce sont les technologies de gazéification. Il nous faut créer des matériels intermédiaires qui, une fois réassemblés, permettront d'utiliser toute l'énergie contenue dans les sables bitumineux. De plus, la même technologie pourrait s'appliquer aux déchets ligneux qui représentent trois millions de tonnes par année dans les zones rurales canadiennes. Il nous faut les bonnes technologies que nous pourrons appliquer à diverses échelles afin qu'elles fonctionnent au niveau commercial.
    Voilà donc la première, les technologies de gazéification. Il existe un grand nombre d'applications différentes et si les investissements adéquats sont effectués, on fera naître des idées auxquelles on n'aurait même pas pu penser aujourd'hui.
    La deuxième, c'est la séquestration. Il faut que le gouvernement traite de cette question en priorité parce qu'il n'existe aucun cadre économique pour gérer le CO2 à l'heure actuelle. Il faudra donc en créer un et le gouvernement devra participer d'une façon ou d'une autre, que ce soit sous forme d'encouragement ou de participation à la recherche. Le laboratoire CANMET, en Alberta, jouera un rôle important à cet égard.
    Il s'agit d'une priorité parce que de plus en plus les sources d'émissions de CO2 sont importantes et centralisées et c'est justement ces sources centrales qu'on veut capturer. On veut utiliser le gaz naturel et des gaz diffus.
    Troisième priorité. Il faut qu'on trouve un moyen de faire tomber les obstacles interprovinciaux dans notre réseau électrique. C'est de la folie complète. Le système est, dans le meilleur des cas, sous-exploité dans les provinces. Nous avons des ressources incroyables et si on se demandait à quoi ressemblerait un système électrique parfait au Canada, si on pouvait le concevoir aujourd'hui avec les ressources à notre disposition...
    Permettez-moi de vous donner un exemple, la centrale de Churchill Falls où j'étais directeur. Il s'agit de la centrale ayant la meilleure capacité de pointe du continent. En effet, on peut y entreposer en réservoirs l'équivalent de trois mois et demi de la capacité maximale de 5 500 mégawatts — et je parle bien d'une seule centrale et elle tourne à 80 p. 100 de sa capacité. Nous parlons de plus en plus d'un système qui aurait des composantes éoliennes et même solaires c'est-à-dire un approvisionnement intermittent qui ne serait pas centralisé, et par conséquent il est encore plus important d'avoir un stock d'électricité.
    Quand on prend en compte l'énergie nucléaire, on peut dire qu'il n'existe aucun autre pays qui jouit des mêmes ressources que nous. Il nous serait donc possible d'élaborer le système le plus élégant qui soit. Le problème, c'est que le système n'a pas bénéficié de suffisamment d'investissements, et ce presque partout au pays. Les systèmes n'ont pas été conçus pour assurer une génération intermittente et diffuse. Il faudra beaucoup de technologies de contrôle et d'optimisation et le système devra être remanié, mais si vraiment on se décidait, tout le monde pourrait en profiter.
    On impose toutes ces nouvelles contraintes au système et en même temps les clients demandent un produit bonifié: meilleur contrôle de la tension, meilleure forme d'onde. Pourquoi? Il y a quelqu'un qui a bien voulu me donner un pourcentage. Il m'a dit qu'à Calgary, pris dans leur ensemble, ce sont les microprocesseurs des utilisateurs finaux qui nécessitent le plus d'électricité. Mais il faut savoir que quand l'électricité alimente l'unité centrale des ordinateurs, il s'agit d'un produit hautement raffiné et beaucoup d'énergie aura été gaspillée en cours de route.

  (1715)  

    Quand quelqu'un se fait opérer au laser, l'énergie utilisée ne représente qu'environ 1 p. 100 de l'énergie créée par l'usine en premier lieu. Pour en arriver à un produit aussi raffiné — et nous recherchons toujours davantage de contrôle, nous surchargeons le système. Il faudra qu'on trouve une méthode rationnelle qui nous permettra de le rebâtir pour l'avenir.
    Enfin, il faudra s'intéresser aux sciences sociales. Pourquoi, au Canada, les consommateurs ont-ils du mal à prendre des décisions intelligentes en matière d'énergie, que ce soit au niveau des maisons, des véhicules ou autres? Pourquoi ne tirons-nous pas véritablement profit des technologies qui existent aujourd'hui?
    Voilà donc les quatre grandes priorités. David a parlé de la science relative... Je ne passerai pas en revue la liste, mais je peux vous dire qu'il y en a bien d'autres. La liste est longue.
    Si vous n'aviez pas à rentrer pour trouver les solutions, on vous demanderait de passer toute la nuit en notre compagnie.
    M. Tonks aura le mot de la fin.
    Merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation.
    Monsieur Bruneau, je suis convaincu que les membres du comité ont apprécié votre métaphore selon laquelle la configuration géologique de notre pays ressemble à un millefeuille extraordinaire à base de charbon, de bitume, de pétrole et de gaz et votre questionnement visant à déterminer s'il nous était possible d'avoir le beurre et l'argent du beurre. Je pense que c'est à cela que revient notre énoncé de mission en matière de développement durable ainsi que l'approche adoptée par le comité quand il s'agit de prendre des décisions portant sur la durabilité de notre énergie et l'ensemble des diverses technologies disponibles qui feraient partie de notre plan stratégique globalement. Tous vos témoignages nous ont été utiles.
    La question, précise, s'adresse à M. Bruneau. Vous avez dit, et j'en ai pris bonne note, qu'il était tout à fait envisageable d'entreposer du carbone dans le bassin — et je suppose que vous parliez du bassin d'Athabasca — qu'il s'agit là d'une occasion propre au Canada. Vous avez également dit qu'il faudra qu'on détermine comment il est possible d'optimiser l'utilisation du produit tout en ayant recours à des technologies qui permettent de gérer les sous-produits créés.
    Pouvez-vous nous donner des exemples de ces sous-produits et ces technologies? Vous avez parlé de l'interface. Il s'agit là d'un énorme défi que tente de surmonter le comité.

  (1720)  

    On a beaucoup parlé de différentes sources d'énergie utilisées dans les sables bitumineux. Le coke est un sous-produit du système qui est relativement stable et peut par conséquent être entreposé. Il ne se répand pas dans l'atmosphère très rapidement. Il y en a sans doute un peu qui se retrouve dans l'atmosphère, mais pas beaucoup. C'est un produit relativement stable, c'est une source énergétique importante.
    Il existe des technologies de gazéification qui permettraient de produire de l'hydrogène, du monoxyde de carbone et une certaine quantité de dioxyde de carbone à partir de coke et d'eau. L'hydrogène et le monoxyde de carbone peuvent être réutilisés à titre de carburant. L'hydrogène est particulièrement utile. On peut ainsi produire de la chaleur, mais ce qui est important c'est de pouvoir filtrer le dioxyde de carbone qu'on retrouve dans le gaz chaud créé par gazéification, pour ensuite le recueillir, le transmettre, le comprimer et l'enterrer selon des techniques exemptes de danger, bien réglementées, et bien supervisées.
    Pour y parvenir, il nous faut des cadres réglementaires. Il nous faut des programmes expérimentaux qui nous permettent de tester la diffusion de réservoirs souterrains dans le bassin de l'ouest du Canada. On a à peine commencé à le faire. Comme l'a dit David, à une époque, nous étions chef de file en la matière parce que nous nous étions lancés, mais depuis d'autres nous ont surpassés et nous nous sommes contentés de suivre.
    Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question.
    Oui, vous nous avez proposé une illustration très probante.
    Dans le rapport du conseil consultatif, est-il question de l'interface entre la technologie et la commercialisation relative à ces sous-produits?
    Par exemple, lors de notre visite à Fort McMurray, nous avons vu que le soufre était empilé de façon pyramidale. Comment le soufre sera-t-il utilisé? Ça dépend du marché, entre autres. Nous aimerions qu'on nous donne des exemples de technologies commercialisées axées sur les sous-produits qui sont problématiques pour l'avenir de l'exploitation des sables bitumineux.
    Je dirais que nous ne l'avons pas fait de façon détaillée. Nous avons eu six mois, littéralement, depuis le moment de notre première rencontre jusqu'à notre dernière rencontre. Donc nous avons dû mettre surtout l'accent, dès le départ, sur les principaux thèmes que nous considérions importants. Mais la question sur laquelle nous nous sommes effectivement penchés, parce qu'on nous avait demandé également de parler des processus visant à assurer cet aspect sinon l'encourager, c'était la commercialisation.
    L'un des aspects qui a caractérisé le système d'aide fédérale, c'est son cloisonnement vertical. On commence par le RSNG — la recherche fondamentale, les universités. Puis on passe au CNRC, le PPIL, le programme des projets « industries-laboratoire », le PARI, le programme d'aide à la recherche industrielle, et on commence à essayer de faire certaines démonstrations. Puis on commence à chercher des fonds de sources privées, ce qui se solde habituellement par un échec; ensuite, si on parvient à faire des démonstrations en laboratoire, on pourrait aller jusqu'à préparer une proposition que TDDC, Technologie du développement durable Canada, contribuerait à financer en vue d'une démonstration. Mais il faut avoir réuni un groupe de personnes, dont celles qui sont en mesure de commercialiser le produit et qui sont intéressées à le faire, et à le mettre sur le marché.
    Il faut donc frapper à plusieurs portes. Ce que nous voulons dire, c'est que si une technologie est considérée comme une priorité, il faut s'assurer que le soutien nécessaire soit disponible dans ce secteur prioritaire, du début à la fin, et qu'il provienne d'une seule source. Nous ne préconisons pas de tout faire de cette façon-là. Nous devons viser large. Mais si vous avez une priorité, il faut restructurer le processus afin que le contrôle de ceux qui prennent les décisions s'effectue en fonction du processus normal qui va de l'aspect scientifique jusqu'à l'application commerciale.

  (1725)  

    Je vous remercie.
    Pourrais-je dire un mot?
    Bien sûr.
    Nous avons beaucoup parlé des différentes nouvelles technologies que nous espérons obtenir et trouver. Il existe à l'heure actuelle une technologie, celle de l'énergie nucléaire. Elle existe depuis 30 ans. En raison d'une réglementation très contraignante, cette technologie n'est pratiquement plus rentable. Depuis l'augmentation des prix du gaz et du pétrole, elle devient plus rentable de sorte qu'aujourd'hui, tout à coup, l'énergie nucléaire est en train de devenir plus rentable.
    Si vous pouviez simplement mettre un peu d'ordre dans notre processus réglementaire, si le gouvernement fédéral pouvait tout simplement mettre de l'ordre dans ses processus, nous possédons déjà la technologie. Nous avons déjà réglé la question du dioxyde de carbone. Nous disposons déjà de toutes ces technologies. Donc si vous mettez un peu d'ordre dans votre processus de réglementation, l'énergie nucléaire deviendra la technologie de l'avenir.
    Nous ne sommes pas obligés de continuer à utiliser du charbon et à continuer de procéder à son extraction, et il est à espérer que l'on n'aura pas à exploiter ces gisements pendant 100 ou 200 ans encore. Nous possédons la technologie, nous possédons la source d'énergie. Nous possédons le produit. Nous possédons la technologie. Nous avons les gens. Tout est là.
    Je ne suis pas en colère. Tout ce que j'ai dit, c'est que si nous voulons régler la situation, la solution existe déjà. Il n'est pas nécessaire de faire encore plus de recherches et de développement ou quoi que ce soit d'autre. Laissez-moi simplement travailler, à l'aide de ce que nous possédons déjà, et mettez un peu d'ordre dans votre processus de réglementation pour que je puisse faire mon travail. À l'heure actuelle, je ne sais pas...Tout ce que je vous demande, c'est de mettre un peu d'ordre dans ce processus afin que je puisse me mettre au travail.
    Ce n'est pas de la colère; c'est de la passion, monsieur le président.
    Je vous remercie.

[Français]

    Exceptionnellement, je vous demande de m'accorder une minute.

[Traduction]

    Non. Je vous remercie. Il est 17 h 30 et je pense que nous allons lever la séance.
    Merci beaucoup, messieurs.
    La séance est levée.