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SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 036 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 1er mai 2012

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    Le Comité permanent de la sécurité publique et nationale tient sa 36e séance, en ce mardi, 1er mai 2012. Aujourd'hui, nous poursuivons notre étude du projet de loi C-350, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (responsabilisation des délinquants).
    Au cours de la première heure, nous entendrons, du Service correctionnel du Canada, M. Ross, sous-commissaire de l'Équipe de transformation et renouvellement; et, du ministère de la Justice, Mme Alexandra Budgell. J'invite chacun de vous à faire une déclaration préliminaire au nom de vos ministères respectifs. Nous passerons ensuite à la période des questions.
    Bienvenue, monsieur Toller. On vous écoute.
    Bonjour à tous les membres du comité. Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui pour discuter du projet de loi C-350. Permettez-moi de vous présenter Mme Alexandra Budgell du ministère de la Justice, qui m'accompagne aujourd'hui. Je ferai des observations en notre nom à tous les deux.
    Monsieur le président, il est important de préciser dès le départ que le projet de loi C-350 ne s'applique pas seulement aux indemnités qui sont accordées aux délinquants à la suite d'une action ou d'une poursuite en justice contre le Service correctionnel du Canada. Il s'applique aussi aux indemnités qui sont accordées aux délinquants par n'importe quel ministère du gouvernement. Cela dit, j'aimerais prendre quelques minutes pour vous parler du processus en vertu duquel le SCC reçoit et traite actuellement les actions ou poursuites en justice qui sont intentées par les délinquants sous responsabilité fédérale. Ensuite, j'expliquerai comment nous faisons actuellement le suivi de certaines obligations dont les délinquants doivent s'acquitter.
    Monsieur le président, les délinquants ont les mêmes droits que les autres citoyens en ce qui concerne l'accès au système de justice. Ainsi, conformément au Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et aux politiques du SCC, les détenus ont accès, dans des limites raisonnables, aux services d'un avocat et aux tribunaux ainsi qu'à des textes juridiques. Les délinquants peuvent avoir recours au système d'aide juridique d'une province, ou encore retenir les services d'un avocat du secteur privé et régler les frais de justice avec leurs propres fonds.
    La plupart du temps, les actions en justice qu'intentent les délinquants contre le SCC portent sur des décisions ou des mesures précises: réponse du SCC à un grief, réévaluation de la cote de sécurité, transfèrement. Cela comprend aussi les cas où un délinquant subit des blessures physiques et estime que le SCC est en faute. Dans des cas comme ceux-là, le SCC est habituellement représenté par un avocat du ministère de la Justice. Si l'avocat détermine que le SCC peut, en vertu de la loi, être tenu responsable et que le délinquant a subi des dommages, un règlement à l'amiable peut être conclu. Sinon, le SCC contestera l'action en cour.
    En plus de ce cadre juridique officiel, le SCC possède un cadre de politique qui explique comment les délinquants qui ont subi une perte peuvent présenter une réclamation. La Directive du commissaire no 234, intitulée « Réclamations concernant des effets personnels d'employés et de détenus et programme d'indemnisation des délinquants en cas d'accident », décrit la marche à suivre lorsqu'un détenu souhaite présenter une réclamation contre l'État. Selon cette directive, une réclamation peut être présentée lorsqu'on détermine que le SCC n’a pas pris toutes les mesures raisonnables pour protéger les effets du délinquant. La directive mentionne également qu'une réclamation peut être présentée dans les cas où des effets personnels ont été endommagés ou perdus. Lorsqu'un délinquant présente une réclamation, le SCC examine les circonstances entourant les incidents afin de déterminer s'il y a eu négligence de la part du SCC ou du délinquant
    Si l'on conclut qu'il y a eu négligence de la part du SCC, la réclamation est acceptée et un montant pouvant aller jusqu'à la valeur de remplacement de l'article est versé au délinquant. Si le SCC refuse la réclamation, et que le délinquant n'est pas d'accord avec cette décision, on l'informe qu'il peut se prévaloir de la procédure officielle de règlement des plaintes et des griefs des détenus.
    Le SCC possède déjà certaines informations sur les obligations financières des délinquants, notamment sur les ordonnances de dédommagement des victimes, les suramendes compensatoires et les amendes municipales, provinciales ou fédérales. Ces informations nous sont transmises directement par les tribunaux et sont consignées dans le Système de gestion des délinquants, ou le SGD.
    Puisque le projet de loi C-10 oblige maintenant le SCC à inclure les obligations imposées par un tribunal dans le plan correctionnel des délinquants, nous sommes en train de mettre le SGD à jour pour qu'il soit plus facile de consigner les obligations civiles et criminelles des délinquants et d'en assurer le suivi. À l'heure actuelle, nos processus se résument à enregistrer l'information dès qu'on en prend connaissance et à encourager les détenus à accepter leurs responsabilités financières telles qu'attribuées par la cour. Le projet de loi C-350 exigerait que le SCC élabore un processus différent pour dépister et enregistrer les dettes des délinquants. Ce processus inclurait des attestations formelles de tous les créanciers concernant la dette en question et les montants dus.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, j'aimerais vous remercier encore une fois de me donner l'occasion de comparaître devant vous pour discuter des effets du projet de loi C-350 sur le SCC. En terminant, je tiens à vous rappeler que le SCC considère la réadaptation comme un engagement à double sens. Le SCC doit offrir aux délinquants la possibilité d'acquérir les compétences dont ils ont besoin pour changer leur comportement criminel. En retour, les délinquants doivent utiliser les outils et les possibilités que nous leur offrons pour retourner dans la société en tant que citoyens productifs et respectueux des lois. Nous devons prendre des mesures qui permettent aux délinquants d'être davantage responsables de leur réadaptation et d'avoir davantage de responsabilités envers la société.
    Nous serons heureux de répondre à toutes vos questions.
    Merci beaucoup, monsieur Toller et madame Budgell.
    Nous allons passer au premier tour de questions.
     Madame Hoeppner, vous avez sept minutes.

  (1535)  

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci, madame Budgell et monsieur Toller, de votre présence ici. Nous sommes heureux de vous accueillir parmi nos premiers témoins.
    Nous avons parlé au parrain du projet de loi et nous avons entendu son témoignage. Nous avons maintenant une bonne idée des raisons pour lesquelles il a présenté le projet de loi. Il a beaucoup parlé des gens de sa circonscription qui sont ou qui ont été victimes d'actes criminels. Il a également insisté sur le fait que les enfants et les conjoints des détenus sont, eux aussi, des victimes. Bien souvent, ils subissent les conséquences des actes commis par le détenu, notamment l'arrêt de paiements comme les pensions alimentaires au profit d'un enfant ou d'un époux.
    Bref, nous avons une bonne idée des raisons, mais nous sommes ravis que vous soyez ici afin de répondre à quelques questions très précises.
     Monsieur Toller, dans vos observations, vous avez dit que vous vouliez préciser, dès le départ, que le projet de loi C-350 s'applique non seulement aux indemnités qui sont accordées aux délinquants à la suite d'une action ou d'une poursuite en justice contre le Service correctionnel du Canada, mais aussi à celles qui sont accordées aux délinquants par n'importe quel ministère du gouvernement.
    Vous avez expliqué comment les indemnités seraient accordées dans le contexte du SCC. Qu'en est-il des indemnités versées aux délinquants par d'autres ministères? Pourriez-vous nous expliquer ce point ou nous en donner quelques exemples?
    Par exemple, un détenu pourrait déposer une plainte concernant les droits de la personne et recevoir ainsi une indemnité de la part d'un ministère. Le détenu pourrait également porter une accusation contre le SCC, mais vous vouliez davantage une réponse concernant les autres ministères.
    Nous n'aurions pas connaissance d'un grand nombre de ces cas, mais selon toute vraisemblance, un détenu pourrait intenter une poursuite contre un autre ministère pour quelque chose qui n'a rien à voir avec le Service correctionnel du Canada.
    Évidemment, vous ne faites que préciser que le projet de loi s'applique à toute indemnité accordée à des délinquants par le gouvernement du Canada. Toutefois, si une plainte était déposée contre le SCC, c'est surtout le SCC qui s'en occuperait, n'est-ce pas?
    Oui. J'essayais de préciser que, dans des cas où une amende est imposée par les tribunaux, nous recevrions cette information par l'entremise du système. Pour ce qui est des indemnités accordées par des organismes externes, même par le gouvernement, nous n'en aurions généralement pas connaissance — et à ce stade-ci, il nous serait impossible de nous y retrouver.
    Autrement dit, vous ne seriez pas mis au courant du fait qu'un détenu s'est vu accorder des indemnités. Pourriez-vous alors mettre cela dans le contexte du SGD, le système de gestion des délinquants? Décrivez-le nous un peu plus en détail. Si nous mettions en oeuvre le plan, ne seriez-vous pas en mesure de prendre connaissance de ces renseignements?
    Le système de gestion des délinquants est le système interne que nous utilisons pour gérer les renseignements sur les délinquants. Par exemple, si nous recevons des tribunaux... et je vais parler des paiements à payer qui pourraient figurer dans la documentation qui nous parvient. Par exemple, il pourrait y avoir une suramende compensatoire, une amende ou une ordonnance de dédommagement. À l'heure actuelle, ces renseignements sont versés dans le système de gestion des délinquants. On y trouve un écran prévu à cette fin. Ainsi, les agents correctionnels et les agents de libération conditionnelle peuvent y accéder afin de déterminer la somme des amendes à payer.
    Ce qui fait défaut pour le moment, c'est que nous ne savons pas si des amendes ou des ordonnances de dédommagement ont été imposées par un tribunal de la famille ou un tribunal civil. Le système est davantage axé sur les activités criminelles.
    Comme je l'ai dit, en ce qui concerne notre service, les indemnités pourraient inclure une réclamation contre l'État ou même un règlement à l'amiable dans des cas présumés de négligence de la part du SCC. Nous serions bien au courant des cas liés à notre ministère, simplement à cause des mesures qui ont été prises.
    Cette indemnité serait déposée dans le compte du détenu. Nous disposons d'un système de compte dans lequel cela serait enregistré.
    Rendu là, ce montant serait déposé dans le compte, mais ensuite, le dédommagement servirait-il à payer les montants en souffrance correspondant aux ordonnances qui figurent dans le système de gestion?
    On ne les paierait pas au sens strict, à moins que le détenu soit disposé à le faire.
    D'accord. Les détenus ne sont donc pas obligés de le faire.

  (1540)  

    Exactement.
    Autrement dit, vous en êtes conscients, mais les détenus ne sont pas obligés de payer les montants en souffrance, à moins qu'ils choisissent de le faire.
    M. Ross Toller: C'est ça.
    Mme Candice Hoeppner: On voit déjà, selon moi, la nécessité évidente du projet de loi.
    Comme vous le savez sans doute — et c'est ce que nous avons également entendu dans les témoignages —, si des civils manquent à leur obligation de payer une pension alimentaire pour leurs enfants, leurs salaires seront saisis grâce à un processus conçu à cette fin. Les provinces ont différentes façons de récupérer ces fonds. Malheureusement, en ce qui concerne les délinquants, ce n'est pas le cas.
    Pouvez-vous nous parler un peu de la question de la responsabilisation, c'est-à-dire l'idée que les détenus doivent s'acquitter de leurs obligations, et nous dire comment cela contribue, selon vous, à leur réadaptation?
    Bien sûr. Un des fondements de notre travail est de faire en sorte que les détenus assument la responsabilité de leurs actes et deviennent des citoyens respectueux des lois dans l'avenir. Dans les cas où il y a des amendes impayées, nous faisons beaucoup d'évaluations à l'admission et nous obtenons les documents des tribunaux et des juges qui ont imposé la peine afin de connaître, par exemple, l'impact du crime sur les victimes. Une fois que ces renseignements nous parviennent, les agents de libération conditionnelle affectés à ces détenus les encouragent activement à accepter leurs responsabilités, à payer les amendes en souffrance et à tenir compte de leurs relations familiales pour continuer de s'acquitter de leurs obligations familiales.
    Bref, il s'agit de toute mesure qui aide les délinquants à s'acquitter des obligations qui leur ont été imposées par les tribunaux ou à exercer d'autres fonctions normales en vue d'assumer leurs responsabilités. Voilà, en grande partie, ce qui est à la base de nos nombreux efforts visant à encourager et à appuyer activement les détenus.
    Par ailleurs, nous cernons les besoins des détenus et élaborons des plans en conséquence pour qu'ils puissent participer à des programmes axés sur certains des aspects que nous avons dégagés. Par exemple, si nous déterminons qu'un détenu doit travailler à maîtriser sa colère, ce sera à nous de lui fournir les outils nécessaires pour lui permettre de corriger son comportement, de façon réelle et concrète, afin qu'il puisse retourner...
    Merci.
    Il nous reste huit secondes, mais je vais les accorder à M. Garrison, parce qu'on sait qu'il a une liste de questions pour sept minutes et dix secondes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci, monsieur Toller et madame Budgell, de comparaître aujourd'hui.
    De ce côté-ci de la Chambre, nous avons voté pour que le projet de loi soit renvoyé au comité, parce que nous reconnaissons que l'idée d'encourager la responsabilisation est un bon principe. Toutefois, nous nous interrogeons au sujet des mécanismes prévus dans le projet de loi.
    Monsieur Toller, à la fin de vos observations — que j'ai d'ailleurs trouvé fort judicieuses —, vous avez dit ceci:
Nous devons prendre des mesures qui permettent aux délinquants d'être davantage responsables de leur réadaptation et d'avoir davantage de responsabilités envers la société.
    Cela laisse entendre, me semble-t-il, que le projet de loi C-350 n'est qu'un des outils nécessaires pour la réadaptation, la réinsertion, etc. Quelle priorité accorderiez-vous aux autres outils mis à votre disposition, outre le projet de loi, pour promouvoir le sens des responsabilités chez les délinquants?
    Au moment d'élaborer des plans correctionnels, nous examinons chaque cas séparément. Dans certaines circonstances, la maîtrise de la violence serait, par exemple, le premier aspect sur lequel nous voudrions concentrer notre énergie. Dans le cas des détenus moins instruits, nous envisagerions d'élaborer des niveaux de responsabilisation dans le domaine de l'éducation. Selon moi, tout ce qui vise à encourager leur sens des responsabilités est un bon outil.
    Même à l'interne, nous disposons de mécanismes pour les différentes catégories de comportements prévus. Nous tenons compte des rapports d'infraction. Depuis l'adoption du projet de loi C-10, nous élaborons des plans correctionnels en fonction de facteurs comportementaux prévus. Nous nous attendons à ce que les détenus participent aux programmes dont ils ont besoin, d'après notre évaluation, à ce qu'ils observent les règles et les règlements, à ce qu'ils fassent preuve de respect envers le personnel et à ce qu'ils se préparent en vue de leur mise en liberté.
    Il y a donc toute une panoplie d'outils. Quant à savoir si un outil l'emporte sur un autre, c'est difficile à dire. Le message à retenir, c'est que nous gérons les dossiers au cas par cas, selon les besoins que nous avons cernés et les risques que présentent les délinquants.
    Je pense que votre témoignage est important pour notre étude, car la responsabilité et la responsabilisation dans le système correctionnel ne s'arrêtent pas aux considérations financières et portent sur les questions plus vastes dont vous avez parlé dans votre exposé.
    En effet, nous voulons renforcer la sécurité publique et nous concentrer sur les mécanismes et les méthodes nécessaires.
    Je présume que Mme Budgell pourra commenter mes prochaines questions.
    Nous sommes préoccupés par la constitutionnalité de ce projet de loi. Je ne sais pas si c'est votre spécialité, mais pouvez-vous nous aider à dire si le projet est constitutionnel, étant donné que la propriété est une compétence provinciale et non fédérale?
    Je travaille aux services juridiques du SCC et ma spécialité est le droit pénitentiaire. C'est à ce titre que je peux vous aider aujourd'hui. Donc, malheureusement...

  (1545)  

    J'aurai essayé.
    L'objet du projet de loi me semble très restreint. Les indemnités accordées par les tribunaux judiciaires ou administratifs ou les organismes comprennent-elles les règlements à l'amiable? Grosso modo, ces règlements sont des ententes privées liées à des affaires judiciaires, pas des indemnités versées par les tribunaux ou les organismes. Comme vous avez dit que vous parveniez souvent à des règlements à l'amiable, je me demande si ces règlements sont concernés par le projet de loi.
    Oui. Comme l'a dit M. Toller, divers types de paiements peuvent être effectués, dont les règlements à l'amiable relatifs à des réclamations contre l'État. Dans une procédure plus officielle, le tribunal va rendre un jugement.
    En ce qui a trait à l'étude du comité et du Parlement, je pense qu'il est idéal pour le SCC que les types d'indemnités pouvant être versées soient clarifiés. Plus le Parlement va préciser les indemnités possibles...
    Donc, diriez-vous qu'à tout le moins, l'article actuel n'est pas tout à fait clair pour ce qui est des indemnités qu'il faut accorder?
    Bien sûr, la procédure officielle constitue pour nous...
    Les règlements à l'amiable sont-ils exclus?
    Il faut clarifier la question.
    Vous dites qu'il faut clarifier ça? D'accord, merci. C'est une bonne réponse de la part d'une avocate.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Randall Garrison: Monsieur Toller, vous avez aussi dit qu'il vous fallait un nouveau système de suivi pour les obligations contractées et les sommes dues, parce que jusqu'à présent, vous effectuez vous-même le suivi au cas par cas. Un responsable prépare le plan avec le délinquant, sinon un agent de libération conditionnelle va s'occuper de la question.
    Il vous faut un système de suivi centralisé et du personnel. La mise en oeuvre du système entraînerait donc des coûts et un besoin en dotation?
    Oui, j'ai parlé du système de gestion des délinquants. Notre mécanisme actuel offre une protection, mais il faut le mettre à jour pour tenir compte de certaines nouvelles mesures qui résultent du projet de loi C-10. Bien sûr, nous devons examiner le projet à l'étude pour que le système fonctionne. C'est clair que nous devrons nous pencher sur certaines questions administratives lorsque vous et d'autres aurez clarifié certains aspects.
    Si les autres ministères concluent des règlements, nos systèmes pourront-ils interagir et intégrer les données au registre? Lorsque le projet de loi sera terminé, nous examinerons les conséquences administratives supplémentaires qu'il entraîne.
    J'ai lu avec intérêt le compte rendu de vos deux ou trois dernières séances et j'ai suivi vos discussions sur les amendements, la constitutionnalité et... Si vous pensez que c'est raisonnable, ce serait peut-être même utile que nous revenions témoigner lorsque le projet de loi sera plus clair. Je pourrais sans doute parler des conséquences avec un peu plus de certitude.
    Le projet de loi pourrait donc exiger davantage de personnel et de ressources.
    Oui, je pense que, comme dans tout projet, nous pourrons mieux évaluer les besoins et donner une réponse plus précise lorsque la mesure sera définitive.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Garrison.
    Nous passons maintenant à M. Rathgeber, pour sept minutes. 
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux deux témoins de leur présence aujourd'hui.
    Monsieur Toller, quel est le processus actuel concernant les détenus sous responsabilité fédérale qui sont débiteurs judiciaires? À ce que je sache, ces détenus doivent aussi respecter les lois provinciales sur la saisie-exécution. S'ils reçoivent de l'argent dans leurs comptes bancaires, qu'ils conservent en prison si j'ai bien compris, ou dans des comptes d'une banque à charte, ils sont tout de même visés par le tiers-saisi ou la saisie-exécution. Quel est le processus actuel?
    L'argent que le détenu obtient en raison d'une réclamation contre l'État va dans son compte bancaire, auquel il n'a accès que quatre fois par année pour réduire ses dettes. Le détenu ne peut pas dépenser son argent.
    Si les tribunaux nous indiquent qu'une somme ou une amende est impayée, nous lançons bien sûr un processus de gestion de cas. Mais le système n'est pas au point, parce que nous recevons l'information sur les amendes impayées en fonction des condamnations prononcées par les tribunaux criminels. Nous recevons très rarement des informations des tribunaux civils sur les dettes des détenus.

  (1550)  

    Par lui-même ou avec l'aide d'un avocat, un détenu sous responsabilité fédérale peut-il régler une poursuite à l'insu du Service correctionnel du Canada?
    Non, tout ce qui concerne un processus judiciaire doit bien sûr... Si un détenu doit débourser des fonds, nous sommes mis au courant. Nous avons le contrôle sur le versement. Le détenu doit bien sûr présenter des documents qui indiquent à qui l'argent est destiné. S'il doit payer une amende au tribunal d'une autre instance, nous le savons.
    Non. Si la personne a été blessée dans un accident de la route et qu'elle intente une poursuite avant d'être incarcérée... Ça prend souvent des années avant d'en arriver à un règlement. Dans tous les cas, un détenu sous responsabilité fédérale peut-il obtenir un règlement en tant que victime avec ou sans l'aide d'un avocat, sans que le service en soit informé?
    J'imagine que c'est possible, mais c'est improbable, simplement parce que les contacts établis avec le délinquant sont contrôlés par nos mécanismes.
    D'accord.
    Donc, vous sauriez sans doute qu'une affaire est devant les tribunaux... Mais vous n'êtes pas forcément mis au courant lorsqu'on parvient à un règlement. Les communications entre le détenu et son avocat restent confidentielles.
    C'est exact.
    En effet.
    Vous ne pouvez pas écouter les conversations. Donc, un prisonnier peut-il obtenir un règlement lié à une poursuite pour préjudice personnel sans que vous le sachiez, au moins pendant un certain temps?
    Oui.
    Vous avez indiqué à la fin de votre exposé que la réadaptation était clairement un engagement à double sens, mais vous ne soutenez pas le projet de loi.
    En général, le SCC évalue sûrement les projets de loi d'initiative parlementaire. La commission va-t-elle émettre une recommandation ou êtes-vous ici pour répondre sans parti pris à nos questions de forme?
    Oui, nous sommes neutres pour ce qui est de formuler une opinion, mais compte tenu des raisons dont je vous ai parlé, la responsabilisation des délinquants est très importante pour le Service correctionnel du Canada.
    D'accord.
    Donc, si une personne est grièvement blessée dans un accident de la route et qu'elle peut recevoir des dizaines, voire des centaines de milliers de dollars, quels mécanismes sont différents? Si je suis le créancier d'un détenu qui reçoit des fonds, je peux demander une ordonnance de saisie pour le jour où il recevra le chèque. Mais si je comprends bien le projet de loi, la priorité de remboursement est accordée aux enfants et aux époux. Comment le SCC fait-il le suivi des obligations?
    C'est difficile présentement. Je répète que nous n'avons aucun mécanisme pour savoir si le détenu est visé par une ordonnance alimentaire au profit d'un enfant ou d'un époux. Nous l'apprenons en général par les détenus. Le système et les mécanismes présentent donc une lacune à ce propos.
    Envisagez-vous de tenir un registre? Si un détenu qui a obtenu de l'argent est visé par une ordonnance alimentaire au profit d'un enfant, allez-vous enregistrer la déclaration du représentant de l'épouse? Songez-vous à vous doter d'un tel mécanisme?
    Je dirais qu'il nous faut un mécanisme pour savoir si une indemnité a été versée. Nous devons être en mesure d'informer ceux qui ont droit d'accéder aux fonds.

  (1555)  

    Merci.
    J'ai terminé, monsieur le président.
    Nous passons à M. Scarpaleggia.
    Merci de votre présence.
    Je ne sais pas si mes questions vous paraîtront pertinentes, mais vous avez dit qu'il était très difficile de connaître les indemnités accordées à un détenu, sauf si elles sont versées par les instances fédérales. Vous avez dit que vous étiez mis au courant et que le processus était assez simple pour les indemnités venant du fédéral.
    Le Service correctionnel du Canada est mis au courant, mais pas les autres ministères fédéraux.
    On vous a peut-être posé la question, mais sondez-vous ces ministères? Avez-vous un mécanisme pour leur demander des informations?
    Non.
    Prévoyez-vous élaborer un tel mécanisme, ou est-ce simplement trop complexe?
    Compte tenu de son objet, si le projet de loi est adopté et que des précisions y sont apportées pour inclure les indemnités accordées par d'autres ministères fédéraux, c'est clair que nous devrons élaborer ce genre de mécanisme.
    Vous avez dit que les indemnités versées par d'autres ministères ou des instances provinciales tendaient vous être signalées au hasard. Vous examinez la question après avoir entendu la rumeur. Autrement dit, aucun système ne permet de vous informer. La communication se fait en quelque sorte au hasard.
    J'espère que ça ne pose pas un problème. Certains pourraient dire que les détenus ne sont pas tous égaux devant la loi, car ils ne vont pas tous se faire prendre. Je ne pense pas que ce soit un problème, mais vous voulez peut-être faire un commentaire là-dessus.
    Je précise simplement que nous préparons un dossier, par exemple, sur le condamné à trois ans d'emprisonnement qui est visé par une ordonnance de dédommagement.
    Nous ne sommes pas en mesure à ce moment-là de dire si la personne peut payer. Les mécanismes dont nous disposons pour la responsabiliser sont la thérapie et la participation des agents de libération conditionnelle et d'autres gens qui travaillent auprès de cette personne.
    Mais nous n'avons aucun mécanisme pour savoir si un tribunal civil a émis une ordonnance alimentaire pour un enfant. Il faut que le détenu mentionne qu'il doit verser une pension alimentaire pour enfants.
    Mais certains détenus se feront prendre, et d'autres non.
    Si vous permettez, votre question porte-t-elle sur les indemnités que reçoit le détenu?
    Je parle plutôt de la saisie des indemnités accordées. Cela revient essentiellement à mettre la main sur les indemnités pour pouvoir les remettre au conjoint ou à la conjointe.
    Certains vont se faire prendre et leurs indemnités seront saisies, tandis que d'autres vont être plus discrets, si on veut, et vont y échapper. J'imagine que ce ne sera pas vraiment équitable pour tout le monde.
    Pensez-vous que cela pourra poser problème, ou est-ce que tout est bien comme cela...?
    D'après ce que nous savons, ces sentences seraient prononcées contre Sa Majesté du chef du Canada, c'est-à-dire le gouvernement fédéral. C'est le gouvernement qui serait tenu de verser les indemnités s'y rattachant. Évidemment, le SCC serait plus souvent qu'autrement mis au courant de ces décisions.
    Vous le sauriez automatiquement.
    Nous serions au courant du versement de ces indemnités, et je présume qu'on pourrait prendre des dispositions pour ce qui est des indemnités versées par les autres ministères.
    Une partie du projet de loi a suscité la controverse semble-t-il quand il a été débattu devant le comité lors de la dernière législature, je crois. Cette partie porte sur l'établissement d'une liste de priorités pour la distribution des fonds. Michel Bédard, l'attaché de recherche auprès du comité à ce moment-là, a dit ceci:

... J'ai des doutes quant à la compétence du fédéral d'adopter des dispositions de ce genre. Il faut comprendre qu'au Canada, selon le partage des compétences, la propriété et les droits civils sont une compétence qui appartient aux provinces. En vertu de cette compétence, les provinces ont juridiction sur les contrats et tout le droit privé, dont les priorités en matière de dettes.
     Savez-vous si ce point a été résolu? Comme vous allez saisir l'argent et le distribuer en fonction d'un ordre de priorité, pensez-vous que la question a été réglée et que vous pouvez effectivement suivre l'ordre de priorité prévu par le projet de loi?

  (1600)  

    Encore là, mon domaine d'expertise est le droit correctionnel, alors je ne peux malheureusement pas répondre à cette question. Merci.
    Je comprends.
    Vous ne pourrez peut-être pas répondre à ma prochaine question non plus. En ce qui concerne l'ordre de priorité de remboursement des dettes, on indique que la première obligation du délinquant est de rembourser toute pension alimentaire non payée, pour le conjoint ou pour les enfants, et la liste se poursuit. S'il reste de l'argent après tout cela, il revient au délinquant.
    À votre avis, est-ce que cela pourrait poser problème de dire que l'argent restant devrait aller aux personnes à charge du délinquant? Ce serait en plus des ordonnances de pension alimentaire pour enfants. Pensez-vous que ce serait problématique d'amender le projet de loi en ce sens?
     Mais ce n'est peut-être pas de votre domaine d'expertise là non plus.
    Non, ce n'est pas de notre domaine.
    D'accord. C'est très bien.
    Il vous reste environ une minute.
    Je la laisse à mes collègues d'en face.
    La parole revient à Mme Doré Lefebvre. Même si M. Scarpaleggia aurait aimé céder la parole au gouvernement, c'est au tour du NPD.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Madame Budgell et monsieur Toller, je vous remercie d'être ici pour répondre à nos questions sur le projet de loi C-350.
    Il y a des propositions intéressantes, surtout en ce qui a trait à l'appui aux victimes.
    Je suis aussi intéressée par la réhabilitation des délinquants. J'ai rencontré, il a quelques semaines, un directeur de prison qui m'expliquait qu'il fonctionnait beaucoup avec la réhabilitation. Il me disait qu'une telle personne pourrait habiter à deux maisons de chez moi et qu'il voulait que cette personne redevienne un bon citoyen et qu'elle ne soit plus dangereuse pour la communauté. On fonctionne aussi beaucoup avec la réhabilitation, au Québec.
    J'ai vu dans vos remarques, à la fin de votre allocution, que vous parlez d'acquisition de compétences dont les délinquants auraient besoin pour changer leur comportement criminel. Comment pourrait-on appliquer l'acquisition de compétences à ce type de projet de loi ou à cette façon de faire? Y aurait-il une façon de faire pour mettre en oeuvre le projet de loi C-350, ou les mesures qu'il contient, tout en responsabilisant, et peut-être en impliquant les détenus dans le processus?
    Merci. J'aimerais répondre en anglais, si vous le permettez. Mon français n'est pas très bon.

[Traduction]

    C'est une question très intéressante. Comme certains l'ont indiqué plus tôt, le volet financier de la responsabilisation des délinquants n'est qu'un élément de la boîte à outils. Est-ce que ce serait raisonnable, donc, pour notre personnel, si vous jetez un coup d'oeil...? Je vais prendre les suramendes compensatoires comme exemple. Dans les cas où les suramendes compensatoires n'ont pas été levées par les tribunaux, on en discuterait sérieusement avec le personnel concerné, à savoir si accepter une telle responsabilité pourrait préparer les détenus à réintégrer la société.
    Avec tout ce que cela implique de finir ses études, d'acquérir des compétences de travail, de changer ses fréquentations, de se dissocier d'un gang, de surmonter les dépendances qui ont peut-être mené à la détention — problèmes de drogues, de maîtrise de la colère ou toute autre difficulté du genre —, il n'est pas rare que nous commencions à planifier leur retour dans la société dès le premier jour. Et les membres de la famille prennent part au processus lorsque le détenu a un réseau de soutien. Les réseaux de soutien peuvent se présenter sous différentes formes.
    Si les détenus ont des dettes non payées, peu importe leur nature, on les encouragera toujours à accepter leurs dettes et à accepter leurs obligations envers la société, de façon à les rendre responsables.

  (1605)  

[Français]

    Cela ferait donc partie d'une boîte à outils qui pourrait être intéressante pour la réinsertion dans la société. On pourrait ainsi leur montrer qu'il s'agit d'obligations de la vie de tous les jours, comme payer ses factures.
    Quelle perception les délinquants auraient-ils de cette façon de faire? Quels sont les impacts sur le comportement des détenus? Pensez-vous que ce serait un impact positif ou négatif? Comment cela serait-il vu par les délinquants?

[Traduction]

    On peut rencontrer une certaine résistance de la part de ceux qui ne veulent pas changer leur comportement ou qui n'acceptent pas les responsabilités qui leur paraissent préjudiciables. Notre travail consiste justement à les encourager et à les persuader à prendre leurs responsabilités. C'est notre rôle. Alors pour moi, les détenus qui ont cette attitude ne se démarquent pas de ceux qui refusent de participer aux différents programmes.
    Le projet de loi qui vient d'être adopté, le projet de loi C-10, nous donne une autre série d'outils pour traiter avec les délinquants qui se désintéressent de leur plan et ceux qui prennent leur cheminement à coeur, nous permettant d'adopter les stratégies appropriées à chacun. Nous voulons ainsi encourager les détenus qui sont motivés et ont la volonté de remplir leurs obligations, conformément aux ordonnances de la cour.
    Merci beaucoup, monsieur Toller.
    Monsieur Leef, la parole est à vous pour cinq minutes. Je vous en prie.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous deux d'être ici aujourd'hui.
    Je n'irai pas plus loin avec la question de la validité constitutionnelle. J'ai seulement une petite question à vous poser sur la citoyenneté.
    Quand un délinquant est détenu dans un établissement fédéral, devient-il résident de la province où se situe l'établissement en question? Est-il alors assujetti aux exigences provinciales? Je viens du Yukon. Si un détenu fédéral quitte le territoire du Yukon pour la Colombie-Britannique, par exemple, devient-il un résident de la Colombie-Britannique? Comment est-ce que cela fonctionne?
    Je crois que cela dépend du contexte.
    La prestation des soins de santé, par exemple, est administrée par la province. Si vous êtes un résident de la Colombie-Britannique installé en Ontario, c'est la réglementation de l'Ontario qui va s'appliquer en matière de soins de santé. J'aurais probablement besoin d'un peu plus de détails...
    Il faudrait voir si le détenu a des obligations provinciales à l'égard du versement d'une pension alimentaire, par exemple. Un délinquant détenu dans un établissement fédéral pourrait être transféré n'importe où au pays. Comment pourrait-on appliquer la réglementation provinciale à l'égard de ces paiements, et non pas des lignes directrices fédérales, si le détenu est transféré d'établissement en établissement?
    Je sais que vous nous avez déjà dit que vous ne pouviez pas vous prononcer sur les questions de droit constitutionnel. Mais généralement parlant, je me demandais si les détenus fédéraux prenaient la citoyenneté de la province où ils sont transférés. Est-ce qu'on tient essentiellement compte de leur citoyenneté nationale plutôt que de leur province de résidence?
    Je crois que je vais devoir vous redonner la même réponse à l'égard du droit constitutionnel.
    Je dirais que cela dépend vraiment des particularités de chacun des cas.
    D'accord.
    Je vais changer de sujet, dans ce cas. Avez-vous une idée du nombre de détenus qui pourraient avoir des obligations financières comme une pension alimentaire pour conjoint ou enfants, ou encore des ordonnances de dédommagement ou de suramendes compensatoires?
    J'ai quelques chiffres. J'ai parlé de celles qui nous arrivent du système judiciaire. À l'heure actuelle, on compte au total 576 ordonnances de dédommagement. Il y a 1 136 amendes, qui ne sont pas vraiment couvertes par la proposition, si j'ai bien compris. Et on dénombre 725 suramendes. Il se peut que certaines aient été comptées en double, mais ce sont les chiffres qui figurent dans notre système à cet égard.
    S'agit-il de dettes non payées, ou est-ce simplement...?
    C'est ce qui a été consigné dans le système et ce sont les chiffres qu'on obtient quand on fait une requête.
    Vous avez parlé des réseaux familiaux. Nous revoyons actuellement notre Système de gestion des délinquants, vu l'adoption du projet de loi C-10, afin d'y inclure ce segment. Mais encore là, nous ne serions pas en mesure pour le moment de vous fournir des statistiques là-dessus. L'information n'est pas consignée.

  (1610)  

    D'accord.
    D'après ces premiers chiffres — 576 ordonnances de dédommagement, 1 136 amendes et 725 surcharges —, vous devriez avoir une petite idée du rendement de vos mesures d'encouragement à la responsabilisation de votre programme de gestion des cas. Les chiffres que vous nous avez donnés pourraient-ils nous permettre de savoir si vos efforts portent fruit et si les détenus paient véritablement leurs dettes et prennent leurs responsabilités?
    Je ne sais pas cependant combien de ces ordonnances ont été satisfaites. Je pourrais très difficilement m'avancer sur cette question précisément.
    D'accord.
    Quel rôle jouent actuellement les groupes familiaux et les groupes de victimes dans le fonctionnement des établissements à l'échelle du Canada? Interviennent-ils dans l'élaboration des politiques; sont-ils présents dans le quotidien des détenus?
    Faites-vous référence aux groupes familiaux de détenus?
     Non, je parle des groupes familiaux à l'extérieur, pas des détenus. Quel rôle jouent les groupes familiaux et les regroupements de victimes, et à quel point interviennent-ils, dans l'élaboration de politiques ou le fonctionnement des établissements d'un bout à l'autre du Canada? Est-ce que le SCC travaille de près avec eux?
    Je peux vous nommer deux ou trois choses. Chaque établissement a son comité consultatif de citoyens, qui permet de recueillir le point de vue des citoyens locaux. Ils rencontrent aussi les détenus pour en discuter. Pour ce qui est de la formulation de politiques, nous sollicitons la rétroaction d'autres intervenants qui pourraient avoir leur mot à dire pour certains des secteurs touchés. Conformément à l'article 74 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, nous examinons aussi les politiques qui auront d'importantes répercussions sur les détenus.
    Il y a également une étroite collaboration avec les groupes de victimes. Il y a le comité consultatif national des victimes, et chaque région a aussi son comité consultatif de victimes, qui participe aux discussions sur les politiques et les enjeux. Le projet de loi C-10 a élargi la définition du terme « victime ». Il permet aussi aux victimes de recevoir de l'information qu'elles n'avaient pas auparavant. C'est là le résultat d'examens et d'efforts déployés auprès du Parlement, et d'une élaboration de politiques éclairée.
    On communique beaucoup avec les groupes externes.
    Merci.

[Français]

    Merci, monsieur Leef.
    Monsieur Rousseau, vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Toller et madame Budgell, bienvenue.
    Ma première question s'adresse à vous, madame Budgell, puisqu'elle touche un peu plus l'application de la loi. Le présent projet de loi pourrait-il s'appliquer à la situation d'un citoyen détenu pendant une certaine période de temps, mais dont on s'aperçoit qu'il a été faussement reconnu coupable, et qui est dédommagé par l'État — donc c'est très hypothétique — pour le temps passé en détention? Si oui, pouvez-vous en parler?

[Traduction]

    Le seul commentaire que je pourrais faire, c'est qu'évidemment, tant qu'il sera un délinquant, il correspondra à la définition de « délinquant » jusqu'à l'issue du processus d'appel. Comme dans le projet de loi on utilise le terme « délinquant », il sera considéré comme tel jusqu'à la fin du processus d'appel.

[Français]

    Cela pourrait-il s'appliquer si, par la suite, il avait été faussement accusé pour un délit et dédommagé par l'État pour cela?

[Traduction]

    Bien sûr, on ne le saura qu'à l'issue du processus d'appel. Pour déterminer si une personne correspond à la définition de « délinquant », il faut voir où en est le processus d'appel. Ce n'est qu'une fois la décision rendue que cette personne ne sera plus considérée comme un délinquant.

[Français]

    Pouvez-vous faire un commentaire là-dessus, monsieur Toller?
    Non, c'est bien.
    D'accord. La question s'adresse maintenant à vous, monsieur Toller.
    L’article 1 du projet de loi C-350 propose d’ajouter à l’article 3 le principe selon lequel le système correctionnel vise à encourager « la responsabilisation des délinquants afin qu’ils s’acquittent de leurs obligations envers la société ».
    L'introduction d'un tel article impose-t-elle une nouvelle approche de gestion des établissements pour ce qui est des ressources humaines et, surtout, des ressources financières?

[Traduction]

    Je dirais que le facteur d'encouragement dont j'ai parlé est souvent fondé sur la sécurité publique; il s'agit de remplir ses obligations. Ici, on met davantage l'accent sur les obligations financières, alors ce serait encore là un des outils à notre disposition pour promouvoir la responsabilisation des délinquants.

  (1615)  

[Français]

    J'imagine qu'il devrait quand même y avoir des interventions faites par les intervenants déjà sur place. Je connais des gens qui ont travaillé en milieu carcéral. Ils me disent souvent qu'il manque justement d'intervenants psychosociaux pour traiter les détenus pour toutes sortes de problèmes de vie en société. Ne faudrait-il pas un tout nouveau mécanisme d'intervention auprès des détenus?

[Traduction]

    Si vous faites référence aux problèmes de santé mentale, je pourrais vous répondre ceci.
    Nous offrons des services psychologiques, à différents niveaux d'intervention, dans cinq centres de traitement régionaux. Il s'agit d'établissements psychiatriques reconnus, où un psychiatre est de garde pour les soins intensifs de courte durée. Pour les patients qui ont besoin de soins en réadaptation psychosociale, nous avons une unité de soins intermédiaires en santé mentale, où les interventions sont moins intensives que dans les hôpitaux plus spécialisés. Nous avons également une unité de soins complexes, qui traite les patients très hostiles ou les cas d'automutilation. Nous disposons donc d'une gamme d'outils pour intervenir en matière de santé mentale.
    Il faudrait voir exactement de quoi il en retourne pour déterminer comment la responsabilisation financière pourrait se greffer à tout cela. Même s'ils éprouvent certains troubles de santé mentale, les détenus qui ont de l'argent peuvent quand même être encouragés à prendre leurs responsabilités. Pour les cas plus graves, le programme peut simplement consister à leur apprendre à brosser leurs dents après les repas ou à se laver les mains en sortant des toilettes. C'est donc une approche progressive.
    J'ajouterais également que nous sommes toujours en contact avec les intervenants en santé mentale après la libération des détenus. Des travailleurs sociaux continuent à suivre ceux qui ont séjourné dans les centres de traitement, de façon à les aider à fonctionner dans la collectivité.

[Français]

    N'y aurait-il pas une certaine clientèle qui pourrait être vraiment récalcitrante à ces nouvelles mesures, puisqu'elles sont imposées par l'État?

[Traduction]

    Encore une fois, il faut analyser chaque situation individuellement. Dans certains cas, lorsqu'un détenu reçoit une indemnité, il faut mettre en place des mécanismes pour lui permettre de comprendre la situation, mais je parle ici de cas extrêmes.

[Français]

    Est-ce qu'il me reste du temps?

[Traduction]

    Merci. Vos cinq minutes sont écoulées.
    Revenons maintenant à Mme Hoeppner.
    Merci.
    J'aimerais avoir des précisions sur certains points. Vous dites que 576 détenus doivent des montants pour des ordonnances de dédommagement des victimes, 1 036  pour des amendes et 735 pour des suramendes compensatoires.
    Simplement pour préciser, c'est 1 136 détenus qui doivent payer des amendes.
    D'accord, environ 1 100.
    Et 725 qui doivent payer des suramendes compensatoires.
    Donc, vous pouvez obliger les détenus qui reçoivent des indemnités par l'entremise du SGD à acquitter leurs obligations financières, n'est-ce pas?
    Nous ne pouvons pas les y obliger; nous pouvons les encourager et les inciter à le faire.
    Vous ne pouvez pas les y obliger. C'est là la différence.
    Ils y sont sensibilisés.
    Parmi ces derniers et ceux qui doivent verser une pension alimentaire à un conjoint ou pour un enfant, combien acceptent volontairement d'acquitter leur obligation? Vous dites qu'ils ont accès à leur argent quatre fois par année. Vont-ils voir les responsables pour leur dire: « Écoutez, je dois verser une pension alimentaire pour mon enfant et j'aimerais faire mon paiement »? Pouvez-vous nous dire combien font cela?
    Je suis désolé, mais je n'ai pas de telles données.
    J'aimerais juste apporter une précision pour m'assurer que tous comprennent bien: les détenus ont accès à leur argent. Ils ont deux comptes bancaires: un compte d'épargne duquel ils peuvent faire quatre retraits par année pour payer leurs dépenses personnelles, et un compte courant. Par exemple, un détenu qui reçoit un salaire verra 90 p. 100 de ses revenus être déposés dans son compte courant et 10 p. 100 dans son compte d'épargne. Les indemnités sont versées dans le compte d'épargne assujetti à certaines restrictions.
    À l'inverse, les détenus peuvent envoyer de l'argent à leurs familles à différents moments au cours de l'année. Lors de leurs permissions de sortir ou de placements à l'extérieur, ils peuvent utiliser leur argent. Ils ont deux comptes bancaires séparés.
    J'aimerais revenir sur le sujet que M. Rousseau a abordé, soit les détenus aux prises avec des problèmes de santé mentale ou susceptibles de s'opposer à ce genre de mesure législative. S'il n'était pas tenu de payer ses dettes ou de rendre des comptes, n'importe qui d'entre nous, je pense, refuserait de s'acquitter de ses obligations financières et s'opposerait à une telle loi. Nous aimerions probablement tous ne pas avoir à rembourser nos dettes. Moi aussi, ça me plairait. Mais, nous nous acquittons tous de nos dettes, car c'est notre responsabilité.
    Il devrait en être autant pour les détenus, même ceux qui sont aux prises avec des problèmes de santé mentale, non?

  (1620)  

    Je crois que très peu de détenus n'ont pas les compétences nécessaires pour prendre des décisions. Il y a souvent des cas où...
    Excusez-moi, pourriez-vous répéter cela? Vous dites que très peu de détenus n'ont pas les compétences nécessaires pour prendre des décisions?
    C'est exact. Lorsqu'un détenu est jugé incapable de décision, nous avons recours à la Loi sur la santé mentale pour prendre des décisions en son nom. Il s'agit souvent de cas extrêmes. Parfois, ils se trouvent dans cette situation en raison de problèmes de consommation ou de problèmes liés à la décompensation ou à un changement de médicaments. On adresse ce genre de délinquant à un centre de traitement. La Loi sur la santé mentale nous donne le pouvoir de prendre des décisions au nom de ces détenus. La plupart d'entre eux sont encadrés et finissent par être aptes à décider.
    L'autre catégorie aux prises avec des problèmes de santé mentale regroupe ceux qui sont aptes à décider, mais qui ont besoin de l'aide d'un travailleur social ou d'un agent de libération conditionnelle. Est-ce que l'on continuerait alors de parler au détenu de ses responsabilités et obligations? Absolument.
    Peu importe qu'il soit apte à décider ou non, le détenu touchant une indemnité du gouvernement du Canada serait tenu d'acquitter ses obligations financières, en vertu du projet de loi. Selon vous, est-ce juste? Si un détenu est suffisamment lucide pour demander une indemnité, il devrait l'être également pour s'acquitter de ses obligations financières, non?
    Encore une fois, je parlais des détenus qui passent par le réseau de la santé mentale en raison de problèmes liés à la décompensation. La décision est alors prise par — j'oublie le terme — leur tuteur. C'est une question de chronologie. C'est différent si l'indemnité a été accordée deux mois plus tôt, alors que le détenu était encore apte à décider. S'il devient capable de décision après avoir reçu une indemnité, cela entre également en ligne de compte. Il faut préciser que Service correctionnel du Canada s'occupe de tout ce qui concerne les responsabilités et obligations du délinquant.
    Merci beaucoup, monsieur Toller.
    Monsieur Rafferty, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président, et merci aussi aux témoins d'avoir accepté notre invitation.
    J'ignore si vous pouvez me répondre, mais combien de temps s'écoule-t-il habituellement avant qu'une poursuite intentée par un détenu soit réglée, en admettant qu'elle ait déjà été autorisée? Quel est le délai?
    Dans le cas d'une poursuite? Il y a différents types...
    Je parle du début à la fin, soit du moment où la poursuite est déposée jusqu'au jugement.
    Dans le cas d'une poursuite, il peut s'écouler plusieurs années. Il s'agit d'une action en justice pour une demande en dommages-intérêts. Les requêtes en révision se règlent un peu plus rapidement.
    Qu'arrive-t-il à une poursuite intentée par un détenu si celui-ci est libéré avant que le tout soit réglé? Disons que Service correctionnel du Canada est la partie défenderesse.
    Tout dépend si le détenu décide de continuer la poursuite après sa libération. C'est sa décision.
    Est-ce que ça se produit souvent, parfois ou jamais?
    C'est difficile à dire objectivement.
    C'est effectivement difficile. Mais, le comité ne doit pas oublier une chose: après leur libération, les détenus — généralement le tiers d'entre eux — restent sous notre supervision pendant un certain temps, soit jusqu'à la fin de leur peine. Je dirais que la plupart continuent les procédures, mais pas tous. C'est très difficile de vous donner un chiffre exact.
    La raison pour laquelle je vous pose cette question, c'est que bon nombre d'entre nous pensent que ce projet de loi ne concerne que les détenus à long terme, alors qu'il s'applique aussi à ceux ayant reçu une peine d'emprisonnement de deux ans.
    Vous avez eu l'occasion d'analyser cette mesure législative, madame Budgell. S'applique-t-elle à un contrevenant en liberté sous condition pendant deux ou trois ans?

  (1625)  

    Le projet de loi parle de « délinquant ». En vertu de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, ce terme s'applique tant aux détenus qu'aux contrevenants en libération conditionnelle sous la supervision de Service correctionnel du Canada.
    Disons qu'un détenu intente une poursuite après avoir été libéré. Le projet de loi parle de « délinquant », mais bon nombre d'entre nous pensent que cela veut dire les détenus. Disons qu'un contrevenant dépose une poursuite civile contre la ville, parce qu'il a trébuché sur le trottoir et s'est brisé la cheville. Même s'il est en liberté conditionnelle, par exemple, cette loi s'appliquerait.
    Certainement. C'est un délinquant. Il est facile de déterminer si un individu est un délinquant. Dans le cas hypothétique que vous venez de décrire, la poursuite concernerait la ville et non le gouvernement fédéral.
    Non, mais s'il recevait une indemnité, ce serait alors qu'il se trouve sous la responsabilité de Service correctionnel du Canada.
    Ce serait jusqu'à la fin de sa peine, après quoi il devient un citoyen ordinaire, qui ne relève plus de nous. Si, à ce moment, il intente une poursuite, celle-ci suivra le processus normal.
    Une poursuite intentée par un détenu contre Service correctionnel du Canada pourrait entraîner des résultats positifs pour l'organisme et l'aider à améliorer ses services.
    Croyez-vous que ce projet de loi dissuaderait les détenus de déposer de telles poursuites? Vous comprenez ce que je veux dire?
    J'essaie. Selon mon expérience, c'est peu probable. Il est rare que les contrevenants intentent des poursuites dans le but d'améliorer nos services. C'est rare. Mais, à mon avis, je ne crois pas que ce projet de loi ait vraiment un effet dissuasif à ce chapitre. S'ils croient qu'ils ont été traités injustement, ils prendront les mesures qu'ils jugent nécessaires pour corriger la situation.
    J'ai dit qu'il s'agissait de ma dernière question, mais, en fait, j'en aurais une autre.
    Me reste-t-il encore du temps?
    Monsieur Rafferty, j'aimerais beaucoup vous entendre davantage...
    Personne ne m'a interrompu, alors je croyais que j'avais encore du temps.
    ... mais votre temps est écoulé. D'ailleurs, j'avais une très bonne question à poser, une question qu'attendait impatiemment M. Norlock, mais je n'aurai pas le temps, moi non plus, de la poser.
    Je tiens à remercier les deux représentants de Service correctionnel du Canada d'être venus. Il est possible que l'on vous invite de nouveau afin de discuter plus en détail des comptes bancaires des détenus et de leur fonctionnement.
    Mais, pour le moment, nous devons suspendre la séance afin d'accueillir le prochain groupe de témoins.
    Monsieur Garrison.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais invoquer le Règlement. Nous avons amorcé l'étude du projet de loi sans avoir convenu au préalable d'un nombre précis de séances. Ce que je veux dire, parce que nous avons d'autres travaux... Nous avons demandé au ministre de venir témoigner sur le budget des dépenses. Ensuite, nous aurons peut-être besoin d'une séance pour aborder les travaux du comité. En fait, il faudrait avoir une idée du temps que l'on prévoit accorder à cette étude. Je ne crois pas que ma demande sèmera la controverse. C'est simplement que le comité ne s'est pas penché sur la question.
    Ce n'est pas vraiment un rappel au Règlement, mais je prends note de votre demande.
    Habituellement, nous convenons d'un nombre de séances pour chaque étude. Lorsqu'il s'agit de projets de loi, le nombre de séances peut varier en cours de route, en raison de la taille des mesures législatives. Si je ne m'abuse, rien n'a été convenu dans ce cas-ci.

  (1630)  

    C'est exact. Nous avons seulement convenu de mener l'étude.
    Mais, je crois que ce que M. Garrison demande — et ça me conviendrait —, c'est que le comité se réunisse à huis clos pour les 15 dernières minutes de la prochaine séance pour aborder les travaux du comité et les travaux futurs. Faisons cela.
    Nous avons déjà invité des témoins, n'est-ce pas? C'est déjà prévu à l'ordre du jour.
    Oui, parce qu'il y avait une date limite pour inviter les témoins.
    Les témoins ont été invités. À mon avis, il faudrait les entendre et ensuite analyser les amendements ou...
    Nous pourrions en discuter.
    Oui, je crois que nous sommes encore...
    La secrétaire parlementaire et moi pourrions en discuter, mais si je ne m'abuse, lors de l'examen de deux autres projets de loi, nous avions convenu au préalable d'un nombre de séances. C'était au sujet du projet de loi C-19, c'est bien cela?
    C'était le projet de loi [Note de la rédaction: inaudible].
    Oui, je m'en souviens.
    Je regarde la liste des témoins et je ne crois pas que ce sera une longue... Il faudrait peut-être aborder la question lorsque nous examinerons les travaux du comité.
    D'accord.
    Je crois que les membres sont d'accord.
    Oui, réservons 15 minutes pour cela lors de la prochaine séance.
    Nous tenterons de mieux structurer le tout.
    M. Toller semble vouloir nous dire d'attendre qu'il soit parti pour discuter de ces choses.
    Vous avez raison.
    Des voix: Oh, oh!
    Merci à vous deux d'être venus.
    La séance est suspendue.

    


    

    Nous accueillons Mme Susan O'Sullivan, ombudsman fédérale des victimes d'actes criminels.
    Je vous souhaite la bienvenue. Nous sommes heureux de vous accueillir.
    Nous sommes impatients d'entendre votre exposé. Vous étiez dans la salle lors des témoignages du groupe précédent. Si vous pouviez répondre à quelques questions sur les sujets abordés, nous vous en serions reconnaissants.
    Je ferai de mon mieux.
    Et vous vous débrouillez toujours bien.
    Vous avez la parole, madame O'Sullivan.

[Français]

    Monsieur le président, mesdames et messieurs membres du comité, bonjour.
    Je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui au sujet du projet de loi C-350, qui concerne la responsabilisation des délinquants.

[Traduction]

    Comme vous le savez peut-être, le Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels a été créé pour donner une voix aux victimes au niveau fédéral.
    Nous le faisons grâce à notre mandat, qui est le suivant: recevoir et examiner les plaintes des victimes; promouvoir les programmes et les services fédéraux offerts aux victimes d'actes criminels et en faciliter l'accès, en fournissant de l'information et des services d'aiguillage; promouvoir les principes fondamentaux de justice pour les victimes d'actes criminels; faire connaître au personnel du système de justice pénale et aux responsables des orientations politiques les besoins et les préoccupations des victimes; cerner les nouveaux enjeux et les problèmes systémiques qui ont un impact négatif sur les victimes d'actes criminels.
    Le bureau aide les victimes de deux façons: individuellement et collectivement. Nous aidons les victimes individuellement en leur parlant tous les jours, en répondant à leurs questions et en donnant suite à leurs plaintes. Nous aidons les victimes collectivement en examinant d'importants dossiers et en formulant des recommandations à l'intention du gouvernement fédéral afin qu'il améliore ses lois, ses politiques et ses programmes pour mieux soutenir les victimes d'actes criminels.
    J'aimerais remercier le comité de m'avoir invitée aujourd'hui pour parler du remboursement des dettes des délinquants, au titre d'une ordonnance rendue par un tribunal, et de ses incidences sur les victimes d'actes criminels.
    S'il est adopté, le projet de loi C-350 contribuera à faire en sorte que les délinquants soient tenus responsables de leurs dettes monétaires, y compris les montants qu'ils doivent verser au titre d'une ordonnance alimentaire au profit d'un enfant ou d'un époux ou au titre d'une ordonnance de dédommagement, les suramendes compensatoires fédérales et les montants à verser au titre d'un jugement rendu par un tribunal civil. Les délinquants qui réussissent à obtenir une indemnité monétaire du gouvernement seraient donc tenus de s'acquitter des obligations qui leur sont imposées par le tribunal.
    Concernant le dédommagement et la suramende compensatoire fédérale, ce projet de loi établit un mécanisme par lequel les délinquants seront en outre tenus responsables de réparer les torts qu'ils ont causés aux victimes, mécanisme qui renforce le sens de la responsabilité et la responsabilisation. À l'instar des mesures de saisie déjà prévues par la législation fédérale qui permettent de verser une pension alimentaire à l'époux et à l'enfant, ce projet de loi ira plus loin pour assurer que les délinquants soient responsables de leurs dettes.
    Notre bureau appuie les mesures visant à mieux répondre aux besoins des victimes d'actes criminels. Puisque le projet de loi C-350 accentue la responsabilité des délinquants et vise à faire en sorte que les victimes d'actes criminels reçoivent l'argent qu'on leur doit et qu'elles aient accès à des services à la suite d'un acte criminel, notre bureau est en faveur de l'adoption de ce projet de loi.
    Pour vous donner une idée des conséquences financières de la victimisation, une récente étude du ministre de la Justice estime que l'ensemble des coûts tangibles et intangibles des infractions au Code criminel commises au Canada en 2008 s'élevaient à environ 99,6 milliards de dollars. En tenant compte des coûts combinés mesurés dans cette étude, on estime que le fardeau financier imposé aux victimes, qui peut inclure la perte de salaires, les dépenses liées aux soins médicaux, aux biens volés et aux dommages matériels, correspond à 83 p. 100 du coût total de la criminalité. C'est tout à fait inacceptable.
    Compte tenu de ce fardeau, les mesures concrètes de soutien, y compris le dédommagement et la suramende compensatoire fédérale, deviennent extrêmement importantes pour les victimes. Elles permettent de compenser les pertes et de faciliter l'accès à des services grandement nécessaires. Elles permettent aussi de reconnaître les torts causés aux victimes et de réparer ces torts au nom des délinquants.
    En outre, quand on sait que la victimisation se produit souvent dans un contexte familial, le versement d'une pension alimentaire au profit de l'époux ou de l'enfant peut être extrêmement important pour les victimes. Diverses statistiques servent à établir les liens familiaux entre les délinquants sous responsabilité fédérale et leurs victimes, dont le nombre d'homicides résolus en 2009; cette statistique montre que 33,6 p. 100 des victimes ont été tuées par un membre de leur famille. Comme on estime que les victimes d'actes criminels supportent 83 p. 100 des coûts de la criminalité et que les délinquants sous responsabilité fédérale sont souvent des membres de la famille des victimes, il est nécessaire, pour répondre aux besoins des victimes d'actes criminels, d'adopter des mesures pour que les victimes reçoivent le remboursement des dettes qu'on leur doit, y compris les pensions alimentaires, ainsi qu'un dédommagement.
    Le dédommagement est un paiement que le délinquant verse à une victime pour couvrir les dépenses résultant de l'acte criminel, comme les dépenses liées à la perte de propriété, aux dommages matériels ou aux blessures. Lorsqu'une ordonnance de dédommagement est rendue, le délinquant doit verser le montant prescrit directement à la victime nommée dans l'ordonnance. À défaut de paiement, la victime peut s'adresser à un tribunal civil et recourir aux mesures d'exécution civile pour le recouvrement des sommes dues.
    Les conseils et les services d'un avocat sont souvent nécessaires pour entreprendre ces démarches de recouvrement, qui peuvent être excessivement coûteuses. Pour les victimes d'actes criminels qui ont déjà subi une perte et un traumatisme, le fait de devoir retracer les sommes d'argent qu'on leur doit par suite d'un acte criminel commis contre elles constitue un autre fardeau juridique et financier très accablant. On ne peut et on ne doit pas accepter cette réalité. Les victimes ne méritent pas d'être victimisées à nouveau. C'est pour cette raison qu'il est nécessaire et opportun d'adopter des mesures qui faciliteront le dédommagement des victimes par les délinquants.

  (1635)  

    Outre le dédommagement, la suramende compensatoire fédérale est aussi un paiement important fait par les délinquants pour soutenir financièrement les services offerts aux victimes par les provinces et les territoires. Elle permet aussi d'établir un lien entre l'infraction commise et la responsabilité du délinquant envers la victime. Le gouvernement a récemment annoncé qu'il allait déposer un projet de loi pour doubler et appliquer automatiquement la suramende compensatoire fédérale. Il s'agit d'une mesure très positive prise à la suite des recommandations formulées par notre bureau.
    Le fait de doubler et d'appliquer automatiquement la suramende permettra certes de mieux répondre aux besoins des victimes, mais il est nécessaire de se doter de mécanismes comme le projet de loi C-350 pour garantir que les délinquants versent cette suramende et s'assurer ainsi que les services provinciaux et territoriaux offerts aux victimes reçoivent le financement dont ils ont besoin et qu'ils méritent. Ce projet de loi est une mesure modeste qui contribuera à la responsabilisation des délinquants.
    Toutefois, des mesures doivent être mises en oeuvre pour garantir que les délinquants versent les sommes prescrites par les tribunaux, peu importe qu'ils aient reçu ou non une indemnité monétaire du gouvernement; les délinquants seront ainsi tenus responsables de leurs dettes et les torts faits aux victimes seront réparés. À cette fin, mon bureau a présenté plusieurs recommandations au gouvernement pour faciliter la réparation des torts faits aux victimes et pour obliger les délinquants à respecter les ordonnances des tribunaux à l'égard des victimes.
    Ces recommandations ont été formulées dans notre dernier rapport, intitulé Réorienter la conversation. Les voici: obliger les juges à envisager la possibilité de rendre une ordonnance de dédommagement dans tous les cas où l'infraction a fait une victime et à motiver leurs décisions de ne pas rendre une telle ordonnance, en adoptant des dispositions semblables à celles relatives à la suramende compensatoire fédérale; conférer aux victimes le droit de demander un dédommagement et le droit de porter en appel une décision rejetant cette demande; remettre aux victimes des lignes directrices détaillées sur la façon d'étayer leurs pertes en vue d'obtenir un dédommagement; ne plus exiger que le montant du dédommagement soit facilement déterminable ou permettre au tribunal de rendre une ordonnance de dédommagement dont le montant est « à déterminer » si tous les frais ne sont pas connus au moment de l'infliction de la peine; examiner la capacité du gouvernement fédéral de déduire le montant du dédommagement des paiements fédéraux, comme les chèques de remboursement de TPS et les prestations d'assurance-emploi; tenir les délinquants responsables en imposant des conditions qui font en sorte qu'ils se conforment aux ordonnances de dédommagement et à la suramende compensatoire fédérale et en autorisant le Service correctionnel du Canada à déduire des montants raisonnables du revenu d'un délinquant.
    Ces recommandations adressées au gouvernement visent à faciliter la réparation des torts faits aux victimes et à obliger les délinquants à respecter les ordonnances des tribunaux à l'égard des victimes.
    En conclusion, si le projet de loi C-350 est adopté, il contribuera à faire en sorte que les délinquants soient tenus responsables des dettes monétaires qu'ils doivent, y compris les pensions alimentaires au profit de l'époux et de l'enfant, le dédommagement, la suramende compensatoire fédérale et les décisions rendues par les tribunaux civils. Ce projet de loi permettra d'assurer que les délinquants qui réussissent à obtenir des indemnités monétaires du gouvernement soient obligés de payer leurs dettes conformément aux ordonnances des tribunaux.
    Pour une victime, qu'un délinquant rembourse ses dettes financières, en versant notamment un dédommagement et la suramende compensatoire fédérale, lorsqu'il reçoit une indemnité monétaire semblerait relever du simple bon sens. En fait, bon nombre de victimes et même la majorité des Canadiens seraient probablement surpris d'apprendre que ce n'est pas déjà le cas.
    Pour cette raison, nous appuyons l'adoption du projet de loi C-350. Toutefois, les députés doivent comprendre qu'il faudra des solutions plus globales, au-delà des mesures proposées par ce projet de loi, pour que les délinquants soient tenus davantage responsables à l'égard des dédommagements prescrits par les tribunaux et de la suramende compensatoire fédérale.
    Merci. Je serai heureuse de répondre à vos questions.

  (1640)  

    Merci, madame O'Sullivan.
    Nous allons entreprendre la première série de questions.
    Monsieur Norlock, nous vous écoutons.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie nos témoins de leur présence aujourd'hui. Je suis ravi que vous comparaissiez de nouveau devant notre comité.
    Madame O'Sullivan, vous avez dit que les victimes d'actes criminels peuvent être une fois de plus victimisées. Ces affirmations sont bien souvent appropriées, mais avez-vous vu, dans l'exercice de vos fonctions d'ombudsman, des circonstances particulières qui pourraient aider le comité à mieux comprendre l'incidence de ce projet de loi?
    Je savais que M. Toller témoignerait avant moi, et j'ai donc essayé de voir combien d'argent entrerait en jeu. Je crois avoir obtenu les mêmes données que M. Toller a présentées, ou des données semblables.
    Mais je peux vous dire que, tous les jours, nous entendons des victimes d'actes criminels de partout au pays. Lorsque nous parlons des coûts de la criminalité, ce sont des coûts tangibles et intangibles, et ce sont de vraies personnes qui sont touchées. Je comprends que je parle ici à titre d'ombudsman fédérale, et que la responsabilité des services directs aux victimes relève en grande partie des provinces et des territoires, mais je peux vous dire qu'il n'y a pas... Nous devons trouver de meilleures façons d'alléger le fardeau financier des victimes d'actes criminels.
    Encore une fois, je comprends pourquoi il était si important d'imposer la suramende compensatoire fédérale, qui sert à financer directement les provinces et les territoires qui fournissent ces services. Des victimes des quatre coins du Canada n'ont pas les moyens de payer des services de counselling — et je sais qu'il s'agit d'une responsabilité provinciale — ou de payer les services de base dont elles ont besoin. Il faut donc faire tout ce que nous pouvons pour assurer ces services et éliminer le fardeau financier des victimes d'actes criminels.
    Il y a six ans seulement, nous avons commencé à soutenir financièrement les victimes pour qu'elles assistent aux audiences de libération conditionnelle, en leur fournissant le transport de base et l'hébergement à cette fin. Nous avons commencé à offrir ce financement il y a environ six ans. Nous parlons donc d'un soutien très élémentaire — d'un soutien concret — pour les victimes d'actes criminels, qui portent le fardeau des coûts de la criminalité dans notre pays.
    Il s'agit donc d'une mesure modeste. Par ailleurs, j'ai dit à la fin de ma déclaration que le projet de loi est une mesure parmi d'autres, mais que nous devons examiner toute la question du dédommagement.
    Bien sûr, le processus de guérison contribue à faire en sorte que les victimes puissent reprendre une vie normale. Un tel processus suppose souvent — et ma question portera sur cet aspect — que l'auteur de l'infraction prenne conscience de sa responsabilité.
    Je me demande si vous croyez que cela fait partie du processus de guérison et si vous pouvez nous expliquer comment ce processus évolue, d'après vous.

  (1645)  

    Pour avoir parlé à des victimes d'actes criminels, je peux vous dire que chaque victime est unique et ce que nous devons donner aux victimes, ce sont des choix et des options. Pour certaines victimes, la détermination de la peine est de la plus haute importance. Pour d'autres, ce sera la justice réparatrice ou la médiation. Pour d'autres enfin, ce ne sont pas là leurs priorités.
    Le processus de guérison prend donc une signification différente pour chaque victime. Ce que le système de justice pénale doit offrir, ce sont des choix et des options. Si une victime choisit d'entamer un processus qui fera intervenir le délinquant, la justice réparatrice ou la médiation, il faut faire en sorte qu'elle ait l'information nécessaire pour faire des choix éclairés.
    Comme je l'ai dit, chaque victime est unique, et je reconnais qu'il y a différents choix et options que les victimes considéreront comme prioritaires.
    Certains témoins experts nous ont dit que beaucoup d'indemnités ou certaines indemnités versées à une victime ou à sa famille, comme... Nous savons qu'un grand nombre de délinquants ont des familles et que certains ont été frappés d'une ordonnance d'un tribunal de la famille. On nous a dit qu'il s'agissait principalement d'une responsabilité provinciale, mais le gouvernement fédéral a-t-il un rôle à jouer à cet égard ?
    Je crois que les avocats seraient beaucoup mieux placés que moi pour répondre à cette question, mais ce que j'ai pu obtenir par le ministère de la Justice...
    Grâce à vos recherches, oui.
    ...c'est que le gouvernement fédéral offre une aide et un soutien aux provinces et aux territoires pour l'application de la loi et que le rôle qu'il joue dans l'application des ordonnances alimentaires est administré par la section des services d'aide au droit familial. Cette section a été créée pour remplir les obligations du gouvernement fédéral en vertu de la Loi sur le divorce et la Loi d'aide à l'exécution des ordonnances et des ententes familiales. Cette information me vient directement du ministère de la Justice.
    Comme je l'ai dit, il y a des gens qui ont beaucoup plus d'expertise pour parler de ce sujet. Toutefois, il y a un rôle à jouer à ce chapitre.
    Le gouvernement fédéral a donc un rôle fondamental à jouer, et il s'agit d'aider les provinces...
    C'est ce que je comprends d'après l'information que nous avons pu obtenir.
    Très bien. Je crois qu'il est important de constater qu'il y a un lien entre le gouvernement fédéral et les ordonnances des tribunaux de la famille. Il est possible que le gouvernement fédéral n'ait pas la capacité d'intervenir directement pour faire en sorte que les délinquants assument leurs responsabilités familiales, mais il y a une composante fédérale ici.
    Je vous remercie d'avoir attiré notre attention sur cet aspect, parce que je pense qu'il faut nous le rappeler de temps à autre.
    Je crois — en fait, j'en suis certain, et vous l'avez mentionné dans votre déclaration préliminaire — que le projet de loi place les préoccupations des victimes avant les criminels. Du moins, c'est l'impression que j'ai. Nous constatons, ou du moins j'ai constaté dans le cadre de mes fonctions antérieures, et je crois que vous pouvez l'affirmer également, qu'il y a tout un système de freins et de contrepoids qui tient compte des gens qui sont amenés devant le système de justice pénale. En fait, le système se concentre sur la personne accusée. Évidemment, comme nous l'avons vu dernièrement dans les journaux et dans les efforts déployés par le gouvernement actuel et d'autres organismes comme le vôtre, on constate que la victime devrait occuper une place tout aussi importante dans notre système de justice pénale.
    Je me demande si vous croyez que, par ce projet de loi, on commence à s'occuper des victimes, du sort des victimes, en tenant compte des circonstances dans lesquelles une personne est accusée. Autrement dit, pour utiliser un langage simple, croyez-vous que ce projet de loi place les préoccupations de la victime avant le criminel?
    Je me demande également si vous pouvez parler davantage, comme vous l'avez mentionné, des nouvelles épreuves subies par les victimes...
    Merci. Je suis désolé, votre temps de parole est écoulé, monsieur Norlock.
    M. Rick Norlock: Oh. Excusez-moi.
    Le président: Nous allons redonner la parole à Mme Doré Lefebvre.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup, madame O'Sullivan, d'être présente et de nous faire part de votre façon de voir les choses. Il est franchement agréable d'entendre un point de vue différent autour de cette table. Compte tenu de votre travail, notamment, vous connaissez bien les besoins des victimes.
    Je suis d'accord sur plusieurs aspects du projet de loi C-350. Normalement, dans une société, une personne doit s'acquitter de ses obligations. En fait, toutes les victimes devraient avoir accès à une indemnisation de ce genre. Dans votre rapport, qui appelle à un plus grand respect pour les victimes, vous avez émis plusieurs recommandations très intéressantes, qui devraient être prises en considération.
     Comme vous, nous croyons que le projet de loi C-350 comporte des améliorations, surtout par rapport à celui qui l'a précédé, soit le projet de loi C-292. Entre autres, les indemnités vont désormais être partagées de façon plus égale entre toutes les parties. Il y a en outre un ordre de priorité établi.
    Par contre, le projet de loi C-350 ne semble s'attaquer qu'à une petite partie de ce grand problème qu'est l'indemnisation des victimes. Aimeriez-vous que d'autres améliorations soient apportées à ce projet de loi? J'irais même un peu plus loin en vous posant la question suivante. Si vous aviez la possibilité d'amender ce projet de loi ou de le rendre plus parfait, quels changements proposeriez-vous?

  (1650)  

[Traduction]

    Je vous remercie de poser cette question, parce que j'aimerais ajouter toutes les recommandations ayant trait au dédommagement qui ont été formulées dans notre rapport Réorienter la conversation.
    Je crois que nous parlons d'équilibre ici. Ce projet de loi concerne, comme je l'ai dit... J'essaie de trouver les données pour voir ce que seraient les sommes d'argent réelles, qui sont plus modestes. Nous parlons des coûts énormes de la criminalité, et je crois que les recommandations sur le dédommagement que nous avons présentées dans le rapport visent très précisément à faire en sorte que le Canada prenne un virage fondamental et commence à s'occuper des victimes et des pertes qu'elles ont subies.
    Encore une fois, lorsque je m'adresse aux comités, je tient à parler d'équilibre parce qu'une solution n'exclut pas l'autre. Quand on songe à notre système de justice pénale ainsi qu'à la santé et à la sécurité des communautés, on inclut tout, de la prévention jusqu'à l'intervention, jusqu'à l'intervention précoce et jusqu'où nous mène notre système de justice pénale. Dans bien des cas, les besoins des victimes débordent du cadre du système de justice pénale et ne disparaissent pas lorsque le procès se termine.
    Nous pouvons commencer avec certaines recommandations très pratiques que nous avons formulées dans ce rapport. Je songe à l'annonce récente d'une mesure qui rend obligatoire la suramende compensatoire et qui fait doubler cette somme, ce qui permettra de recueillir des fonds pour les provinces et les territoires. Mais je crois aussi qu'il faut prendre des mesures très concrètes pour assurer un dédommagement réel et voir comment nous gérons tout cela au niveau national.
    L'une des choses qui revient souvent dans ces conversations — et j'ai eu l'occasion d'en entendre quelques-unes également —, c'est la capacité de payer du délinquant, compte tenu des petites sommes d'argent qu'il gagne. Toutefois, lorsqu'il est libéré...
    Il existe un programme aux États-Unis que nous devrions peut-être examiner. Je dois faire un peu plus de recherche à ce sujet. Ce programme touche à la responsabilité financière du détenu. Il s'agit essentiellement de travailler avec les détenus pour qu'ils comprennent ce que signifie la responsabilité financière, y compris le remboursement des dettes lorsqu'ils retrouvent leur liberté et réintègrent la société. Cela nous ramène à certains commentaires qui ont été exprimés, à savoir que ces dettes sont encore en souffrance. Je réitère ma position en disant que même si beaucoup ont de la difficulté à rembourser ces dettes, je vais songer d'abord aux victimes.
    Alors qu'elles peuvent obtenir certains services de base, les victimes comprennent que la majorité des délinquants réintègrent la société et elles ne veulent pas qu'ils récidivent. Aucune des victimes que j'ai rencontrées ne souhaite cela. Elles vous diront qu'elles ne veulent pas que d'autres subissent ce qu'elles ont subi. Elles comprennent que les détenus ont besoin d'aide lorsqu'ils sont incarcérés et lorsqu'ils réintègrent la société. Ce qu'elles ne peuvent pas comprendre, c'est pourquoi elles n'ont pas accès au soutien qui est offert aux délinquants.
    Il s'agit donc de rééquilibrer les choses et de mettre de l'avant des mesures pratiques pour vraiment alléger le fardeau financier des victimes. Quand on sait que 83 p. 100 des coûts tangibles et intangibles de la criminalité au Canada sont assumés par les victimes, il faut trouver de nouvelles façons de faire. Il y a donc des recommandations très positives dans le rapport.
    Je vous remercie d'avoir posé cette question.

[Français]

    Vous avez parlé d'un programme aux États-Unis dont le but est de responsabiliser les délinquants. Dans la vie de tous les jours, ceux-ci doivent verser des indemnités. Ça semble assez intéressant. Selon vous, est-ce que ça fonctionne bien?

[Traduction]

    Je n'ai pas de données sur l'efficacité de ce programme. Nous commençons à peine à l'examiner. Ce qui me plaît, c'est sa visée à long terme, le fait qu'il y ait un équilibre et que l'on tienne compte de la responsabilisation. Quand on parle du remboursement de la dette ici, qu'il s'agisse d'un dédommagement ou de la suramende compensatoire fédérale, il ne s'agit pas seulement du redressement des torts faits aux victimes. On inclut également la responsabilisation et la responsabilité du délinquant. Je dirais que c'est ce que vise la réadaptation et leur plan correctionnel. Lorsque le délinquant réintègre la société, qu'il a un emploi ou qu'il obtient de l'argent, il doit être en mesure de rembourser cette dette. Ce ne sont pas les victimes de la criminalité qui doivent continuer de porter ce fardeau.

  (1655)  

[Français]

    À cet égard, je suis entièrement d'accord avec vous. De toute façon, quand ces gens retourneront dans la société, ce sont des choses qu'il seront dans l'obligation de faire, en tant que citoyens. Nous sommes tous obligés de payer nos dettes, c'est normal. Je trouve vraiment intéressant que vous nous parliez d'équilibre et que les victimes comprennent aussi jusqu'à quel point il est important que les délinquants, les personnes ayant commis des crimes, ne refassent pas la même chose dans la société, et que tout cela soit équilibré. C'est assez sain comme point de vue et intéressant.
    Je sais qu'auparavant, dans les années 1990, les victimes avaient accès à des indemnités. Malheureusement, cela n'existe plus dans certaines provinces ou territoires, faute de fonds. Pensez-vous que si on réinvestissait dans ce type de fonds, du fédéral au provincial, cela aiderait et toucherait plus de victimes?

[Traduction]

    C'est une question très complexe et compliquée. Je pense que c'était en 1992 et que des décisions ont été prises. Je crois qu'il serait peut-être préférable de demander aux provinces et aux territoires d'assumer ce fardeau.
    Je peux vous dire que j'ai eu le privilège de me rendre à divers endroits et de parler à différentes personnes partout au Canada, et chaque province et territoire est unique et a des défis particuliers. Ils comprennent leurs communautés. J'ai eu récemment l'occasion d'aller dans le Nord et de prendre connaissance non seulement des défis que ces communautés doivent relever, mais aussi de certains programmes très inspirants qui sont mis sur pied pour venir en aide aux victimes d'actes criminels. C'est ce genre de choses dont les provinces et les territoires devraient probablement discuter.
    Je peux vous dire que la situation des victimes varie énormément d'une région à l'autre du pays.
    Merci, madame Sullivan.
    Madame Young.
    Madame Sullivan, merci d'être venue ici aujourd'hui et de nous faire part de vos réflexions.
    J'aimerais vous demander si vous aimeriez nous parler d'un cas particulier aujourd'hui, pour nous éclairer davantage sur ce projet de loi et sur l'incidence qu'il aurait sur ces victimes et sur le reste des Canadiens.
     Pour des raisons de confidentialité, je ne peux pas vous parler d'un cas particulier, mais je peux vous dire ce que nous entendons souvent. Si une victime communique avec notre bureau pour une affaire qui ne relève pas du gouvernement fédéral, nous l'aiguillons vers le service qui pourra lui fournir la meilleure information possible. Nous recevons donc des appels concernant des mesures de soutien ou d'aide financière, qui relèvent des provinces. Nous les dirigeons donc vers le bureau provincial ou territorial approprié, en particulier si le problème concerne une pension alimentaire ou ce type de soutien familial.
    Je vous remercie de poser cette question parce que, lorsqu'on parle du coût de la criminalité et du manque de ressources pour les victimes, nous essayons de mettre un visage humain sur tout cela. Quiconque nous écoute ici peut penser à une personne qu'il connaît et qui a été victime d'un acte criminel. Il y a des choses extraordinaires qui se font dans notre pays également, quand on songe à l'aide de première ligne et aux gens qui font un travail phénoménal pour offrir cette aide. Il ne faut pas le perdre de vue. Il faut s'assurer qu'ils obtiennent les ressources nécessaires pour offrir ce service. C'est pourquoi nous devons chercher, si je peux dire cela, à respecter les mandats des gouvernements, mais aussi à réfléchir ensemble, stratégiquement, sur la façon de se mobiliser et d'offrir ce soutien. C'est exactement l'objet de votre étude.
    Ce que nous propose ce projet de loi, que nous appuyons, c'est une liste de priorités très pratique. Toutefois, je pense que nous devons trouver, au Canada, de meilleures façons de soutenir les victimes d'actes criminels par des mesures d'aide financière concrètes, parce que les services qui sont offerts varient dans l'ensemble du pays, selon ce que les provinces et les territoires peuvent mettre en place. Pour dire vrai, il y a aussi l'éloignement des régions et l'accès qui entrent en jeu. J'entends parler des problèmes de capacité et des besoins de formation également.
    Il y a toute une série de questions qu'il faut examiner. Mais, au bout du compte, les victimes d'actes criminels dans notre pays devraient pouvoir obtenir l'aide dont elles ont besoin. Je répète que chaque victime est unique. Ces mesures de soutien peuvent prendre la forme d'une aide financière pour certains, d'une aide au logement, d'un accompagnement tout au long du processus judiciaire ou d'un counselling à long terme. Les victimes d'actes criminels ont donc des besoins très concrets, et nous devons nous assurer qu'elles ont accès à ces mesures d'aide en temps opportun.

  (1700)  

    Puis-je poursuivre avec une question concernant l'équilibre et la responsabilisation, dont vous avez beaucoup parlé? En ce qui a trait à la responsabilisation, voyez-vous souvent des détenus offrir d'eux-mêmes un dédommagement lorsqu'ils reçoivent une indemnité ou qu'ils ont leurs propres ressources?
    Notre bureau n'a pas eu à traiter spécifiquement des indemnités versées à un délinquant ou toute somme... La plupart des dossiers que nous traitons concernent le dédommagement ou l'incapacité d'y avoir accès. Je peux dire — bien que j'hésite presque à le faire, parce que j'ai eu une seule occasion de m'entretenir avec un groupe de délinquants et je n'aime pas présumer de certaines choses en fonction d'une seule rencontre — que j'ai eu l'occasion d'écouter des délinquants parler de ces questions, et certains ont soulevé le fait qu'ils n'avaient pas de mécanisme. Ils voulaient être en mesure de contribuer.
    Encore une fois, j'ajoute que je n'ai eu qu'une seule réunion avec un groupe de délinquants, mais la chose m'a paru intéressante. Il ne faudrait pas présumer non plus de ce que les délinquants peuvent faire ou ne peuvent pas faire, parce que c'était assez clair, lors de cette rencontre, que certains auraient voulu en faire plus de cette façon.
    D'accord. Il faudrait donc tenir compte de l'ensemble des points de vue et du fait que certains délinquants veulent aussi utiliser ce mécanisme.
    Je le répète: j'hésite à généraliser sur la base d'une seule rencontre, mais je dirais qu'il ne faut pas présumer de ce qu'ils peuvent faire ou ne peuvent pas faire ou encore de ce qu'ils veulent faire. Au bout du compte, comme M. Toller l'a mentionné, il faut mettre des mécanismes en place pour permettre... S'il y a... Cette mesure législative est un exemple. On m'a demandé si sa portée devrait être plus large. Oui. Nous devrions aussi nous pencher sur le dédommagement, en général, au Canada. Par ailleurs, comment aidons-nous financièrement les victimes d'actes criminels pour qu'elles obtiennent les ressources et l'aide dont elles ont besoin lorsqu'elles en ont besoin?
    Ce projet de loi comporte-t-il des inconvénients?
    De mon point de vue, on dit essentiellement que les priorités correspondent à celles des provinces. La plupart des Canadiens seraient d'avis, je crois, que s'il y a une indemnité, elle devrait servir à soutenir les victimes des délinquants et à régler ces problèmes.
    Certaines commentaires ont été formulés sur d'autres questions qui dépassent ma compétence. Je vais laisser le soin d'y répondre aux personnes qui sont mieux préparées pour le faire.
    Selon votre vaste expérience de travail dans la communauté, ainsi qu'auprès des victimes, approuvez-vous la liste priorisée qui est proposée?
    Oui. Je crois comprendre que des discussions se sont tenues avec les représentants des provinces et des territoires et que cette liste correspond parfaitement à leurs priorités également.
    Je vous remercie de votre temps.
    Il vous reste 30 secondes. Nous allons les donner à M. Scarpaleggia.
    Monsieur Scarpaleggia, vous avez sept minutes.
    Je vais entrer dans l'arène, comme on dit.
    Je vous remercie de votre présence et de votre témoignage.
    Pour poursuivre ce que Mme Young a dit au sujet de l'ordre établi dans le projet de loi pour la répartition des indemnités consenties par un tribunal... En fait, je vais m'éloigner du sujet. M. Lauzon a insisté pour dire que les familles des délinquants étaient aussi des victimes. Il en a beaucoup parlé. Je suis curieux de savoir ce que vous pensez de ces commentaires. Évidemment, les familles n'étaient pas la cible du crime comme tel, mais elles doivent vivre avec les conséquences. L'idée ici n'est pas d'établir l'ordre des victimes. C'est la victime de l'acte criminel qui est la plus importante.
    Que pensez-vous de cette idée, à savoir que les membres des familles sont aussi des victimes?
    On peut examiner cette affirmation. Je crois qu'elle reflète les données que j'ai utilisées dans ma déclaration préliminaire. Les données de 2009 concernant les homicides indiquent que 33 p. 100 des victimes sont des membres de la famille du délinquant.
    Je parle des victimes indirectes, pour ainsi dire, de la famille du délinquant.
    Je crois que ce projet de loi établit les bonnes priorités. Je ne veux pas minimiser l'un ou l'autre des commentaires sur...
    Non, je ne vous demande pas de le faire. Mais êtes-vous d'accord pour dire que, d'une certaine manière, ce sont des victimes indirectes et qu'on ne peut pas l'ignorer?
    Je suis ici pour parler des victimes d'actes criminels. La victimisation comporte de nombreux aspects, mais je crois que la priorité que l'on donne ici est appropriée et correspond très bien à ce que...

  (1705)  

    Ma prochaine question n'est peut-être pas pertinente, mais après avoir établi l'ordre de priorité, le projet de loi précise que l'argent qui reste, le cas échéant, peut être versé au délinquant.
    Croyez-vous que le montant restant devrait revenir à la victime directe? Croyez-vous qu'il devrait être versé aux personnes à charge du délinquant, qui sont des victimes indirectes? Que pensez-vous de l'idée de verser le montant restant dans le compte bancaire du délinquant?
    J'ai dit un peu plus tôt, en parlant d'équilibre, qu'après que les tribunaux ont examiné l'ensemble des circonstances et toutes les données et qu'ils ont décidé des indemnités à verser, il faut tenir compte des besoins des victimes d'actes criminels et du remboursement de ces dettes. Par conséquent, pour assurer un équilibre, on respectera l'ordre de priorité de manière à répondre aux besoins des victimes en utilisant le dédommagement, la suramende compensatoire fédérale et la pension alimentaire. Les tribunaux auront déterminé ce qui reste.
    Vous diriez donc que l'ordonnance de dédommagement est juste. Lorsqu'un tribunal rend une telle ordonnance, j'imagine qu'il précise l'indemnité à verser à la victime. La perfection n'est pas de ce monde. On essaie d'indemniser la victime de façon juste, mais, comme vous le dites, la victime vivra avec cette séquelle pour le restant de ses jours.
    J'imagine que c'est tout ce que peut faire le tribunal dans certaines circonstances, mais nous savons tous que c'est loin d'être suffisant. Ce n'est jamais assez. Quand on perd un membre de sa famille, aucun dédommagement ne sera suffisant pour compenser la perte de cet être cher. Légalement, je comprends que c'est probablement « correct », mais nous croyons tous que la victime devrait obtenir davantage.
    Je ne vous demande pas de répondre, puisque vous avez dit pourquoi ce ne serait pas approprié que vous répondiez. C'est pour cette raison que je dis que le montant restant devrait peut-être revenir aux victimes, en guise de compensation, en plus de ce que prévoit l'ordonnance de dédommagement, ou encore aux victimes indirectes, qui sont les personnes à charge. La personne qui assurait leur subsistance n'est plus là puisqu'elle a commis une infraction et se trouve en prison, etc.
    Quoi qu'il en soit, vous n'avez pas à répondre à cela.
    Je crois que le problème est plus grand. D'après les données que j'ai vues et que nous pouvons recueillir, les sommes d'argent ne seront pas énormes. La grande question qui se pose est celle-ci: que faisons-nous au Canada pour s'assurer que nous avons un bon mécanisme de dédommagement en place, que nous obtenons un dédommagement et que nous trouvons les moyens de faire en sorte que les victimes reçoivent l'aide concrète dont elles ont besoin? Il faut examiner des pistes de solution.
    Certaines recommandations ont été formulées dans le rapport que nous avons publié, Réorienter la conversation.
    Il faut aussi chercher de meilleures solutions, en plus de celle-ci, pour s'assurer que les victimes ont accès aux services dont elles ont besoin en temps opportun. Je pourrais continuer, mais je sais que votre temps est limité. Les services sont parfois disponibles, mais il y a des lacunes énormes et une expertise est nécessaire, selon le type de counselling que la personne obtient. Il y a des gens qui se spécialisent en counselling traumatologique.
    Je ne veux pas trop m'avancer pour ce qui est du niveau de service, mais nous devons examiner les structures au pays qui nous permettent de cerner correctement la question du dédommagement, de réfléchir à d'autres façons d'offrir une aide concrète aux victimes d'actes criminels. C'est beaucoup plus que ce qu'on pourrait obtenir de ces indemnités, d'après les données que j'ai vues.
    Certainement.
    J'ai terminé.
    Très bien. Merci.
    Tout le monde semble vouloir terminer 30 secondes plus tôt que prévu aujourd'hui. Nous retournons donc à M. Rousseau.

[Français]

    Monsieur Rousseau, vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup.
    Madame O'Sullivan, je crois avoir compris que la réhabilitation est l'un des moyens d'aider les victimes d'actes criminels qui se retrouvent devant des individus qui sont souvent — on le souhaite — plus responsables et « imputables » à leur sortie. Auriez-vous des suggestions sur la façon dont nous pourrions davantage utiliser la réhabilitation pour soutenir les victimes? Je pense, par exemple, à la possibilité de jumeler le projet de loi C-350 à un programme de responsabilité financière, selon les ressources de notre système correctionnel, bien sûr.

  (1710)  

[Traduction]

    Selon le projet de loi C-10 récemment adopté, je crois que le dédommagement sera inclus dans le plan correctionnel du délinquant, mais je n'ai pas de détails à ce sujet. Je ne sais pas par exemple si la mise en liberté conditionnelle serait compromise pour un contrevenant qui ne paierait pas le dédommagement prévu. On ne nous a pas encore communiqué ces renseignements. Nous verrons alors comment tout cela va se concrétiser. Si on n'a pas encore de détails à ce sujet, c'est parce qu'on en est encore à évaluer les choses.

[Français]

    Est-ce que ce serait une bonne idée de les jumeler afin de mieux aider les victimes en ce qui concerne le remboursement de sommes d'argent?

[Traduction]

    Je vais encore une fois faire référence aux deux principes de détermination de la peine lorsqu'il est question de dédommagement. Il faut d'abord réparer les torts causés à la victime, mais on doit également viser la responsabilisation du délinquant.
    Il faut donc effectivement songer à établir des cadres plus efficaces fondés sur une perspective à plus long terme pour déterminer comment cette responsabilisation va se concrétiser lorsque le contrevenant va retrouver un revenu, une fois de retour dans la collectivité. Par exemple, nous recommandons notamment dans notre rapport que l'on envisage la possibilité pour le Service correctionnel du Canada de recueillir une partie des sommes dues pendant que l'individu est incarcéré.
    Nous devons donc chercher à établir un cadre qui va nous permettre d'évaluer dans une optique à long terme la capacité des délinquants à réparer les torts qu'ils ont causés et à assumer les responsabilités de leurs actes.

[Français]

    Est-ce que l'expertise du Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels peut répondre à une demande accrue d'intervention, si ce projet de loi amène un plus grand nombre de victimes à avoir recours à votre aide?

[Traduction]

    Je peux vous dire que nous prévoyons une augmentation. Dans l'état actuel des choses, notre bureau dispose de ressources suffisantes. Comme notre bureau n'a été créé qu'en 2007, l'un de nos objectifs est de veiller à ce que les Canadiens connaissent notre existence et nos activités.
    J'espère bien que nous allons être en mesure de servir les Canadiens encore mieux. Si j'en crois le nombre de dossiers ouverts, je peux vous dire que nous avons connu une forte hausse depuis l'an dernier. C'est une bonne nouvelle pour notre bureau. Cela signifie que nous parvenons à rejoindre les Canadiens qui prennent conscience que nous pouvons leur offrir des services et de l'information au sujet des ressources fédérales à leur disposition, mais aussi relativement aux plaintes qu'ils peuvent déposer et à tous les autres aspects de notre mandat.

[Français]

    Sur le plan pratique, lorsque les victimes arrivent chez vous et qu'elles ont besoin de votre intervention, combien de temps faut-il pour que leur recours soit entendu?

[Traduction]

    Chaque cas est différent.
    Certains dossiers sont plus complexes que d'autres. Il y en a qui concernent plus d'une question à la fois. C'est comme pour toutes les plaintes pouvant être formulées dans n'importe quel contexte. Certaines sont faciles à régler alors que d'autres...
    J'aimerais que les victimes d'actes criminels sachent bien que les recommandations formulées dans notre rapport découlent de bon nombre des plaintes qui nous ont été présentées. Nos recommandations s'inspirent donc du point de vue de ces victimes qui ont vécu des difficultés semblables. Si des changements administratifs sont suffisants dans certains cas, d'autres situations exigent des modifications législatives. Le temps de résolution dépend donc de la nature de la plainte déposée.

[Français]

    Croyez-vous que plusieurs se désisteront de ce recours dans un souci de ne pas punir de nouveau les criminels? On dit souvent que les criminels sont les proches parents ou font partie de la famille des victimes. Avec ce projet de loi, croyez-vous que certaines victimes qui se sentiront obligées de faire des recours vont plutôt se désister puisque cela ne fait qu'augmenter la peine?
    Merci.

[Traduction]

    Vous pouvez répondre.
    La capacité d'amorcer un processus de changement varie d'une victime à l'autre. Cela passe parfois par de petits gestes quotidiens. J'ai récemment eu le privilège de participer à de nombreux événements dans le cadre de la Semaine nationale de sensibilisation aux victimes d'actes criminels. Il y a des gens et des victimes qui posent quotidiennement des gestes dont personne n'entend parler, mais qui font une grande différence au sein de leur collectivité. Vous allez davantage entendre parler de ceux qui ont choisi de le faire sur la scène nationale.
    Il y a au Canada des victimes d'actes criminels qui veulent apporter leur contribution pour faire changer les choses. À titre d'exemple, j'ai participé la semaine dernière à un symposium où l'organisme Ending Violence Association et les Lions de la Colombie-Britannique invitaient les gens à cesser d'être de simples spectateurs. Nous savons tous ce que les Canadiens peuvent faire pour prévenir le crime et nous mettons en place les mesures nécessaires pour aider les victimes d'actes criminels.

  (1715)  

    Merci beaucoup, madame O'Sullivan.
    Nous passons à M. Aspin.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup, madame O'Sullivan, pour votre comparution devant notre comité aujourd'hui.
    Lors de son témoignage, Guy Lauzon a soutenu que son projet de loi devrait faire l'unanimité. Je suis en grande partie d'accord avec le parrain du projet de loi. Y voyez-vous des éléments négatifs?
    J'ai l'impression que la plupart des Canadiens croient que les choses se passent déjà de cette manière, c'est-à-dire que si un montant est versé en indemnité, il sera comme il se doit consacré au remboursement des sommes en souffrance selon l'ordre de priorité établi. J'estime que cela permet de très bien respecter les deux principes de détermination de la peine à savoir la réparation des torts causés et la responsabilisation du délinquant.
    Croyez-vous que ce projet de loi va améliorer le sort des victimes?
    Je pense que c'est un pas dans la bonne direction. Comme je le disais, il nous faudra des interventions dépassant largement la portée de ce projet de loi si nous voulons vraiment réparer une partie des torts causés et éponger les coûts du crime, y compris ceux qui sont intangibles. Les recommandations contenues dans notre rapport proposent d'autres mesures pouvant être prises au Canada pour améliorer le soutien aux victimes d'actes criminels.
    Croyez-vous que ce projet de loi peut contribuer de façon importante au processus de guérison?
    J'ai appris que chaque victime est différente. Comme M. Toller nous l'a indiqué dans son exposé, on a recensé 573 ordonnances de dédommagement, 1 035 amendes et 725 suramendes compensatoires fédérales toujours en souffrance. Lorsqu'on songe aux coûts de la criminalité — et je vous ramène ici à l'estimation de 99 milliards de dollars pour les coûts tangibles et intangibles — je pense qu'il s'agit d'une mesure favorable de plus pour reconnaître que les victimes ont besoin d'un soutien semblable. Le projet de loi devrait être utile sous cet aspect. Je maintiens toutefois qu'il faut en faire davantage pour régler vraiment la question des coûts tangibles des actes criminels pour les victimes. Mais c'est assurément un pas dans la bonne direction.
    D'accord, merci.
    Merci, monsieur Aspin.
    J'aurais peut-être une question à vous poser, et je suis persuadé que M. Norlock l'attendait avec impatience.
    Peut-être que ma question devrait s'adresser davantage à M. Toller, mais avez-vous une idée du solde moyen des comptes de ces contrevenants?
    Il faudrait vraiment que vous posiez la question à M. Toller.
    Nous savons qu'ils ont deux comptes: un compte d'épargne et un compte courant. Il serait inquiétant d'apprendre soudain qu'un délinquant a une grosse somme d'argent dans l'un de ses comptes. M. Toller a laissé entendre qu'il pourrait apprendre des autres détenus que quelqu'un a reçu une indemnisation. Si un contrevenant reçoit ainsi tout à coup une indemnisation d'un tribunal et se retrouve avec un compte bien garni, je peux entrevoir certains risques, même au sein de l'établissement.
    Si je ne m'abuse, ils peuvent retirer jusqu'à 500 $ quatre fois par année. Pour retirer plus de 500 $, ils doivent passer par le SCC. Vous avez soutenu qu'on n'allait pas suffisamment loin. À l'heure actuelle, un détenu peut gagner jusqu'à 6,90$ par jour. Vous aimeriez qu'une partie des sommes ainsi accumulées puisse servir à payer une pension alimentaire, à aider les conjoints des détenus et, surtout, à indemniser les victimes. Mais ce n'est pas ce que prévoit la loi.
    Vous estimez que le projet de loi de M. Lauzon est très modéré et ne va pas suffisamment loin. Même s'il est modéré, il permet au Service correctionnel du Canada de verser des sommes plus considérables qu'actuellement sans obtenir l'autorisation spéciale du commissaire. Je ne sais pas si vous voyez où je veux en venir.
    Si un détenu se retrouve soudain avec une somme considérable et souhaite la déposer dans l'un de ses deux comptes, il y a tout un éventail de risques potentiels qui pourraient s'ensuivre si ses codétenus sont au courant.

  (1720)  

    Je vais laisser M. Toller vous répondre concernant les comptes des délinquants et les questions qui s'y rattachent.
    Je veux dire que je suis ici pour appuyer le projet de loi C-350, car il contribuera à faire en sorte que les contrevenants soient tenus responsables de leurs dettes.
    Pour ce qui est de la question plus générale du dédommagement, je ne vais pas répéter toutes nos recommandations; vous les trouverez dans notre rapport dont nous vous avons remis des exemplaires. Je pense que nous devons tenir compte du tableau global.
    J'ai trouvé quelques données par l'intermédiaire du bureau du directeur des relations parlementaires du SCC concernant ces indemnités accordées à des délinquants. Il faut toutefois préciser que le SCC ne conserve pas de statistiques sur les réclamations de moins de 1 000 $ contre la Couronne. Les données ne sont donc pas exhaustives, mais j'ai pu notamment constaté que les réclamations contre la Couronne ont totalisé 2 500 000 $ entre 2006 et 2007. De ce total, des indemnités de 279 000 $ ont été versées à des détenus dans 26 causes. Il existe donc certaines données, mais je répète qu'elles ne sont pas exhaustives et que ce ne sont pas les miennes.
    Je me suis renseignée auprès de Statistique Canada concernant toutes les ordonnances de dédommagement dans les cas de condamnation par un tribunal pénal pour adultes, mais il n'existe pas de données détaillées. Elles sont regroupées selon l'instance — fédérale, provinciale ou territoriale. Par exemple, en 2009-2010, il y avait plus de 6 000 cas de condamnation, près de 7 000 en fait, par un tribunal de juridiction criminelle pour adultes qui prévoyaient le dédommagement par le coupable.
    En analysant ces données, j'ai constaté que les dédommagements peuvent entre autres être problématiques parce que, dans bien des cas et pour bien des motifs différents, les tribunaux n'en ordonnent pas l'exécution.
    Si vous êtes victime d'un acte criminel et souhaitez obtenir un dédommagement, vous devez en faire la demande au prononcé de la peine. À titre d'exemple, si j'ai subi une perte matérielle ou une blessure découlant de voies de fait qui m'a fait perdre deux semaines de rémunération, je dois produire la preuve des pertes encourues au moment du prononcé de la peine. Si personne ne me le dit, je ne saurai jamais que c'est ce que je dois faire. Je dois produire des reçus et des factures à l'appui de ma réclamation. Il faut aussi demander au procureur de la couronne de réclamer le dédommagement.
    C'est une problématique très vaste. Je sais que vous n'avez pas beaucoup de temps, mais je souhaitais vous en brosser un tableau général.
    Même lorsqu'une ordonnance de dédommagement est effectivement rendue, la victime doit poursuivre le contrevenant au civil s'il ne verse pas les sommes dues. Nous devons mettre en place les cadres nécessaires pour que le processus de dédommagement se déroule plus efficacement au Canada.
    Merci.
    Merci.
    J'ai un peu dépassé le temps qu'il restait, mais je vais voir à ce que M. Garrison n'en soit pas pénalisé.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens à remercier sincèrement notre témoin. Nous n'avions pas eu la chance de nous rencontrer auparavant, mais d'après ce que j'ai pu constater aujourd'hui, j'ai la conviction que les victimes peuvent trouver à votre bureau une personne capable de les défendre avec beaucoup d'éloquence.
    J'ai une excellente équipe.

  (1725)  

    Vous nous avez aussi signalé qu'il vous a fallu ouvrir un grand nombre de nouveaux dossiers. De ce côté-ci, nous allons suivre la situation de près pour veiller à ce que votre bureau bénéficie d'un financement suffisant.
    Vous nous avez invités à examiner vos recommandations. Comme nous discutons du projet de loi C-350, je me demandais si vous pouviez nous indiquer si certaines de vos recommandations pourraient avoir un lien direct avec ce projet de loi.
    Parmi les choses qui m'ont interpellée à l'écoute des informations fournies par le Service correctionnel du Canada, il y a l'absence des mécanismes et des cadres nécessaires pour déterminer la façon dont les délinquants peuvent verser un dédommagement.
    Je répète qu'il nous faut absolument voir à ce que ces mécanismes et ces cadres soient en place. Il semblerait qu'il nous soit même impossible d'obtenir des données exhaustives sur le nombre d'indemnisations accordées, l'identité des bénéficiaires, l'endroit où les sommes se retrouvent et des choses semblables.
    J'ai bien pesé mon intervention en m'interrogeant sur la volonté véritable de participer au processus. C'est pourquoi j'ai cité comme exemple le programme de responsabilité financière des détenus aux États-Unis. La mise en place d'un tel programme et la transmission de ces compétences peuvent permettre d'en faire bien davantage une fois qu'un contrevenant est de retour dans la collectivité.
    Je reprends certaines des observations de l'un des membres ici présents en indiquant qu'au bout du compte, il y a des sommes qui sont dues. C'est une question de responsabilisation.
    Il s'agit d'intégrer une perspective à plus long terme. Certains dossiers peuvent être réglés rapidement, mais d'autres exigent plus de temps. Nous devons réfléchir à ces considérations.
    J'en reviens aux recommandations formulées dans le rapport. Vous y verrez qu'il s'agit surtout de mettre en place un cadre qui nous permettra de suivre la situation et de rendre des comptes à l'égard de tous les éléments en cause, de la suramende compensatoire fédérale jusqu'aux ordonnances de dédommagement. Il convient toutefois également d'examiner la situation de façon plus générale pour toutes les questions concernant le dédommagement et le soutien financier concret aux victimes.
    Merci beaucoup.
    J'aurais une question au sujet de la distinction entre le dédommagement et l'indemnisation, mais ce n'est pas pour m'en prendre à vos recommandations ou à l'importance que vous accordez aux différents éléments.
    Dans le cas du dédommagement, c'est le contrevenant qui doit rembourser certaines sommes, alors que pour l'indemnisation, on parle du modèle en usage au XXe siècle sous la responsabilité du gouvernement. Pensez-vous qu'en mettant l'accent sur le dédommagement, on laisse en quelque sorte le hasard déterminer quelles victimes seront indemnisées? C'est ce qui me préoccupe, car vous avez parlé de la nécessité de poursuivre les délinquants qui ne veulent pas payer. Dans certains cas, le contrevenant pourra disposer des ressources nécessaires et être disposé à verser le dédommagement prévu à sa victime, alors que d'autres sont à la merci de délinquants qui manquent à leurs obligations et qui ne vont jamais payer.
    Ce n'est pas l'un ou l'autre. Nous avons besoin des deux structures.
    Je vous disais que la situation était très variable selon la région... Par exemple, je suis certaine que vous savez tous ce que l'indemnisation des victimes d'actes criminels est une responsabilité des provinces et des territoires, comme l'indiquait votre collègue, et que l'application peut donc varier d'une instance à l'autre. Le cadre peut être différent selon la province ou le territoire, si tant est qu'il y a effectivement un cadre. Ce n'est donc pas un choix entre l'un ou l'autre. Nous devons examiner la situation dans son ensemble pour voir comment nous pouvons nous assurer que des mesures concrètes de soutien sont en place, notamment pour ce qui est de l'indemnisation provinciale ou territoriale et du dédommagement.
    Vous avez indiqué en passant qu'il y avait eu des conversations avec les territoires et les provinces lors du processus d'amélioration de ce projet de loi. J'aimerais savoir d'où vous tenez cette information. Avez-vous participé à ces échanges?
    Non, je n'y ai pas participé. C'est l'information que nous avons pu obtenir à l'effet que cette partie du projet de loi correspondait aux volontés exprimées par les provinces et les territoires.
    Est-ce donc la première fois aujourd'hui que l'on vous donne l'occasion de contribuer à l'élaboration de ce projet de loi?
    Oui. On nous a demandé il y a quelques semaines si nous étions intéressés à témoigner.
    En guise de conclusion, je dirais que nous avons discuté ici de part et d'autre des possibilités d'améliorer ce projet de loi. Si vous pouvez y réfléchir de façon plus approfondie à la suite de votre comparution, nous serions tous très intéressés de connaître les améliorations que vous proposez.
    Je vous remercie de me donner cette occasion. Je vais vous répondre par écrit.
    Merci beaucoup.
    Très bien, je pense que nous en sommes arrivés à la fin du temps imparti.
    Madame O'Sullivan, nous voulons vous remercier encore une fois pour votre comparution et pour votre excellent travail dans la défense des droits des victimes. Nous sommes heureux de vous avoir accueillie et nous vous prions de ne pas hésiter à nous communiquer ultérieurement vos idées à ce sujet ou de possibles précisions quant aux réponses que vous nous avez données.
    Je vais vous soumettre un mémoire écrit. Merci.
    Merci beaucoup, mesdames et messieurs.
    La séance est levée.
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