Passer au contenu
Début du contenu

AGRI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

STANDING COMMITTEE ON AGRICULTURE AND AGRI-FOOD

COMITÉ PERMANENT DE L'AGRICULTURE ET DE L'AGROALIMENTAIRE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 24 février 1998

• 0908

[Traduction]

Le président (M. Joe McGuire (Egmont, Lib.)): Avant d'entamer la séance de ce matin, je tiens à vous dire que j'ai reçu une invitation de représentants de l'Organisation mondiale du commerce qui seront en ville le 24 mars. Ils aimeraient rencontrer notre comité ainsi que le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international.

Le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international a accepté de les rencontrer. Cette rencontre est prévue pour le mardi 24 mars 1998, de 9 heures à 10 heures. Si vous êtes d'accord, nous pourrions y aller, ce qui remplacerait en fait une réunion régulière.

Les membres du comité sont-ils d'accord pour que nous rencontrions ces représentants de l'Organisation mondiale du commerce?

M. John Harvard (Charleswood—Assiniboine, Lib.): S'agira-t-il d'une réunion conjointe?

Le président: Oui.

Monsieur Chrétien.

[Français]

M. Jean-Guy Chrétien (Frontenac—Mégantic, BQ): Je suis entièrement d'accord pour que l'on modifie le programme dont nous avions convenu ensemble. Cependant, je voudrais vous demander, monsieur le président, si le 24 n'est pas justement la journée où on avait prévu rencontrer des fonctionnaires de l'Agence canadienne d'inspection des aliments pour analyser en profondeur le problème de la tremblante du mouton. Si c'était le cas, je préférerais qu'on avance cette rencontre au lieu de la remettre à plus tard.

[Traduction]

Le président: Non. Nous avions provisoirement prévu, pour le mardi 24 mars ou le mardi 31 mars, de rencontrer des représentants de l'industrie canadienne de l'alimentation animale et des aliments médicamentés.

Il n'est pas prévu que l'on parle du problème du mouton cette journée-là, mais plutôt le 19 mars.

Tout le monde est-il donc d'accord pour que nous rencontrions les représentants de l'Organisation mondiale du commerce?

Des voix: D'accord.

• 0910

Le président: Très bien.

[Français]

M. Denis Coderre (Bourassa, Lib.): Compte tenu de l'inquiétude suscitée par la tremblante du mouton et afin d'éviter de créer une psychose, j'aimerais demander que les discussions concernant la tremblante du mouton se fassent à huis clos.

J'espère que vous serez tous d'accord. En effet, l'industrie m'a fait part de ses inquiétudes quant à la façon dont nous allons traiter ce dossier. De plus, il va nous falloir être très vigilants afin de ne pas créer de psychose. Si mon collègue Chrétien parle à l'UPA et à l'industrie, il saura exactement ce que je veux dire.

Le président: Monsieur Chrétien.

M. Jean-Guy Chrétien: Cela fait plus de trois ans que je siège au Comité de l'agriculture et plus de quatre ans que je travaille sur le dossier de la tremblante du mouton. Effectivement, du côté du ministère de l'Agriculture et de l'inspection, on disait qu'il ne fallait pas en parler pour ne pas affoler la population. Et voilà que maintenant ce problème nous explose au visage. Ça fait la une des journaux et tout le monde en parle sauf nous. Alors, je ne suis pas d'accord du tout. On n'a d'ailleurs rien à cacher.

[Traduction]

Le président: Monsieur Harvard.

M. John Harvard: Merci, monsieur le président. Je comprends ce que dit mon collègue, mais je pense qu'il s'agit d'une question qui devrait être traitée par le comité directeur.

Le comité directeur a en effet pour rôle de choisir les questions ou les sujets qui devraient être examinés par le comité plénier. Je suggérerais que si nous avons des questions quant à l'organisation et à la façon de faire, nous devrions en saisir le comité directeur et nous en tenir à cela.

Le président: Eh bien, mesdames et messieurs les membres du comité, nous avons ici parmi nous ce matin des témoins. Je pense que s'il nous faut poursuivre notre discussion au sujet des travaux futurs du comité, nous devrions le faire à une date ultérieure, lors de notre prochaine réunion du comité directeur. Nous ferons le tri à ce moment-là.

Nous avons donc ici parmi nous des témoins et j'aimerais que nous entamions la séance prévue pour ce matin. La prochaine réunion du comité directeur est prévue pour le premier mardi suivant notre retour. Nous reviendrons à ce moment-là sur la question qui vient d'être soulevée et nous pourrons alors traiter de toute autre question concernant nos travaux futurs. Cela vous convient-il?

Ce matin, j'aimerais souhaiter la bienvenue aux représentants du ministère de l'Agriculture et de l'Agro-alimentaire, qui sont ici dans le cadre de notre ordre de renvoi qui prévoit que, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous examinions l'Accord multilatéral sur l'investissement (AMI) et ses conséquences sur l'agriculture.

Ce matin, donc, nous accueillons de nouveau parmi nous M. Mike Gifford et M. Paul Martin, deux messieurs que nous connaissons très bien. Du ministère des Affaires étrangères et du commerce international, nous sommes heureux d'accueillir M. John Gero, qui remplace Bill Dymond, dont le nom figure sur l'ordre du jour qui vous a été remis. M. Gero est directeur général de la politique commerciale.

Bienvenue, donc, messieurs. Nous entendrons vos remarques liminaires après quoi nous passerons aux questions. Monsieur Gero.

M. John Gero (directeur général, Direction générale de la politique commerciale, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Merci, monsieur le président. Tout d'abord, permettez-moi de vous présenter des excuses au nom de M. Dymond, qui n'a pas pu venir aujourd'hui.

Comme vous l'avez dit, je suis directeur général de la Direction générale de la politique commerciale, qui s'occupe de questions relatives à l'investissement, comme l'AMI.

J'ai pensé qu'en guise d'introduction ce matin, je vous brosserais un tableau général des buts et objets de l'AMI et vous parlerais un petit peu de l'état actuel des choses afin que vous soyez à jour sur ce qui se passe. Si vous me permettez, j'aborderai ensuite un certain nombre de questions relatives à l'agriculture.

Les négociations relatives à l'AMI ont commencé il y a presque trois ans en tant que moyen d'essayer de rationaliser toute une série d'accords bilatéraux de protection des investissements. À l'heure actuelle, l'on compte dans le monde environ 1 350 ententes bilatérales différentes visant la protection des investissements. Le Canada est signataire d'environ 25 d'entre elles et mène des négociations relativement à 25 autres. D'aucuns ont pensé qu'il serait peut-être préférable de les rationaliser et de n'avoir qu'une seule entente multilatérale. Voilà pourquoi ces négociations ont été entreprises à l'OCDE parmi 29 pays différents.

En gros, le principal objectif canadien dans le cadre de ces négociations a été de reproduire ce que nous avons dans le contexte de l'ALENA, tant pour ce qui est du fond que pour ce qui est du contexte des exceptions qui sont prévues dans les domaines régis par l'ALENA.

• 0915

Comme vous le savez, l'ALENA comprend un chapitre qui fait le point de l'investissement, et nous avons pensé que cela pourrait être élargi pour s'appliquer à d'autres membres de l'OCDE. Le mandat qui nous a été donné par le gouvernement a été de le reproduire, mais de ne pas dépasser les clauses et conditions établies dans l'ALENA.

Par ailleurs, en ce qui concerne nos deux partenaires commerciaux signataires de l'ALENA, soit le Mexique et les États-Unis, il est important de se rappeler que de notre point de vue l'ALENA doit demeurer le principal accord régissant les questions en matière d'investissement intervenant entre nous-mêmes et les États-Unis et entre nous-mêmes et le Mexique. Il n'y a en ce qui nous concerne absolument aucune intention de rouvrir l'ALENA dans ce contexte.

Il y a eu plusieurs séries de consultations étendues dans le cadre de ces négociations. Comme vous le savez, le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international a tenu des audiences l'automne dernier et a déposé un rapport en décembre. Nous avons poursuivi des consultations avec des intervenants provinciaux. Vous avez peut-être vu que la semaine dernière, le ministre Marchi a participé à une réunion fédérale-provinciale de ministres au cours de laquelle l'AMI a été examiné.

Il y a eu toute une série de discussions avec le secteur privé et des organisations non gouvernementales, y compris la Fédération canadienne de l'agriculture, pour discuter des questions qui sont contenues dans l'ébauche de l'Accord sur l'investissement.

Il est clair, étant donné la portée et l'envergure de ces discussions, qu'il y a eu un dialogue continu avec 19 ministères et organismes fédéraux, y compris, bien sûr, Agriculture Canada, à cet égard.

Permettez-moi de vous situer brièvement l'état des discussions. Vous aurez constaté que la semaine dernière il y a eu à Paris une réunion du groupe de négociation de l'AMI, et plusieurs choses se sont produites. Permettez-moi donc de vous faire une récapitulation de la situation.

Vous aurez pu voir que juste avant cette réunion, le ministre Marchi a fait une déclaration dans laquelle il a esquissé la position canadienne. Il a également souligné que, bien sûr, de notre point de vue, il serait très utile d'avoir un accord multilatéral sur l'investissement, mais bien sûr pas à n'importe quel prix. Il a fait ressortir ce qui compte pour le gouvernement canadien. Il a souligné que de notre point de vue, ce qui est important est le fait d'obtenir le bon accord et non pas la question du délai. Dans la mesure où cet accord pourrait être conclu d'ici avril, tout serait bien, mais seulement si cela correspond aux exigences du gouvernement canadien.

Ce qui est ressorti clairement à Paris la semaine dernière est que plusieurs autres délégations se trouvaient dans une situation semblable. J'ignore si vous avez eu l'occasion de voir les déclarations faites par les ministres français ainsi que par le premier ministre français, et qui ressemblaient aux observations faites par M. Marchi ici à Ottawa il y a une semaine et demie.

Les États-Unis, en particulier, ont dit penser que cet accord ne sera pas conclu d'ici avril.

L'Union européenne est certainement d'avis que, même si elle aimerait voir l'accord réglé d'ici avril et préférerait que soit respecté le délai d'avril, dans toute la mesure du possible, un certain nombre de questions en litige sont très importantes pour elle, notamment un accord sur mesure pour son exercice d'intégration économique régionale en Europe.

Tout comme nous, bien sûr, elle cherche à obtenir auprès des États-Unis certaines assurances qu'il sera possible d'imposer certaines contraintes à l'usage unilatéral par ce pays de mesures extraterritoriales comme la loi Helms-Burton.

En gros, ce qui a été convenu à Paris est que nous poursuivrons les négociations, mais je pense qu'il est devenu clair aux yeux de tous que ces négociations ne vont pas se conclure en avril. Il n'y aura pas d'ici là un texte qui puisse être ratifié. Je pense d'ailleurs pour ma part qu'on n'aura même pas encore d'ici là d'entente en principe.

L'on ne sait pas encore très bien comment les ministres voudront aborder cette question lors de leur réunion ministérielle prévue pour avril. Comme vous le savez, il y a une réunion annuelle au niveau ministériel à l'OCDE, et celle-ci doit avoir lieu en avril. Les ministres examineront la situation relativement à l'AMI et à l'état des négociations et prendront un certain nombre de décisions. Je pense qu'il est encore trop tôt pour dire quelles seront ces décisions.

• 0920

Voilà, en gros, quelle est la situation actuelle dans le contexte de la dynamique des négociations en cours à Paris. Il y aura une nouvelle réunion en mars et une autre avant la rencontre ministérielle d'avril, mais, comme je l'ai dit, je serais très étonné s'il y avait des résultats concrets avant la réunion ministérielle d'avril.

Je vais maintenant vous entretenir pendant quelques instants de l'agriculture, avant qu'on ne passe à la période de questions. En ce qui concerne ma perspective, je tiens à ce que vous compreniez que du point de vue du gouvernement du Canada, notre objectif n'est pas de dépasser l'une quelconque de nos obligations internationales dans le domaine de l'agriculture. Je pense que des assurances explicites en ce sens ont été communiquées à la Fédération canadienne de l'agriculture. Dans son discours prononcé le 13 février, le ministre a déclaré que le Canada n'accepterait pas d'entente qui aurait une incidence néfaste sur le système canadien de gestion de l'offre.

Il y a eu plusieurs discussions sur l'impact qu'aurait l'AMI sur les offices de commercialisation, sur les questions d'occupation des sols et sur les monopoles comme la Commission canadienne du blé. Ce que je peux vous dire c'est que les instructions qu'on nous a données à nous négociateurs sont de reproduire ce que nous avons dans l'ALENA, y compris toutes les exceptions, dans tout AMI futur. Par conséquent, comme je l'ai dit, nous ne déborderions pas de nos obligations internationales actuelles en ce qui concerne l'agriculture.

Je vais m'arrêter là, et mes collègues du ministère de l'Agriculture et moi-même nous ferons un plaisir de répondre à toutes les questions que vous voudrez nous poser. Merci, monsieur le président.

Le président: Auriez-vous quelque chose à ajouter, monsieur Gifford?

M. Mike Gifford (sous-ministre adjoint par intérim, Direction générale des services à l'industrie et aux marchés, ministère de l'Agriculture et de l'Agro-alimentaire): Je pense que M. Gero a fait un bon tour d'horizon, monsieur le président. Je soulignerai simplement que M. Dymond et ses collègues de l'équipe de négociation ont deux fois fait des présentations au Groupe de consultations sectorielles sur le commerce extérieur pour le volet agriculture et qu'ils ont plusieurs fois rencontré le Comité du commerce de la FCA dans le courant des négociations.

Le président: Si nous n'allons pas aller au-delà de ce qui a déjà été convenu dans le cadre de l'ALENA, pourquoi tout le monde s'inquiète-t-il tant de ce qui se passe autour de la table de négociation? Mme Barlow était à Charlottetown hier soir dans le cadre de sa tournée pancanadienne pour sonner l'alarme. Que faisons-nous qui justifie cela?

M. John Gero: Il y a deux préoccupations qui ont été exprimées. L'une d'elles l'a été par ceux qui estiment que la mondialisation est une mauvais chose et que, partant, nous devrions faire tout notre possible pour tenter de la stopper. J'ignore quelles solutions ils auraient à proposer à cet égard, mais, en gros, il s'agit de personnes qui s'opposent à l'AMI en principe, du simple fait qu'il s'agisse d'une entente internationale. Elles craignent donc dans ce contexte pour la souveraineté du Canada.

L'autre problème est que les gens ont examiné divers textes de négociation antérieurs et sont préoccupés par certains paragraphes qui pourraient y être contenus et par leurs ramifications. Il s'agit de préoccupations tout à fait légitimes et c'est ce pourquoi nous tentons d'organiser des consultations avec autant de parties intéressées que possible.

Il y a deux raisons à cela. Tout d'abord, nous voulons les sensibiliser, bien sûr, au fait que les textes de négociation ne sont que cela. Ce qui arrive en règle générale dans le cadre de ce genre de négociations est que chacun soumet des textes qui appuient sa position. Par conséquent, si vous examinez les ébauches initiales, qui prendront peut-être la forme de trois ou quatre options différentes, certaines d'entre elles pourraient très clairement avoir une incidence néfaste du point de vue canadien si elles devaient être acceptées ou entérinées par nous. C'est pourquoi je souligne qu'il ne s'agit que de rien de plus que des textes de négociation.

Je pense que ce que nous avons essayé de faire dans le cadre des réunions que nous avons eues avec le secteur privé et avec le ministre, dans le contexte de son témoignage devant le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international, c'est rassurer la population au sujet des critères minimaux du Canada, des choses qui sont très importantes pour nous et des questions de fond qui, dans la perspective canadienne, ne seraient pas acceptables à nos yeux si elles faisaient partie d'un quelconque texte final d'une entente multilatérale sur l'investissement. J'ose espérer que nous y parvenons dans un certain nombre de cas. Je dirais que ce sont là les deux raisons qui ont motivé les préoccupations qui ont été exprimées relativement à l'AMI.

• 0925

Le président: J'imagine que cela soulève la question de savoir pourquoi ces choses se trouvent dans le texte si vous n'avez pas eu pour instruction d'aller au-delà de l'ALENA.

M. John Gero: Parce que le texte est la compilation des positions d'un certain nombre de pays. Dans toute négociation, les textes consolidés initiaux ont tendance à esquisser la position de chaque pays de façon à refléter les différentes positions qui seront peut-être avancées dans le cadre des négociations.

Il y a plusieurs textes parmi les ébauches consolidées qui sont maintenant disponibles sur Internet et il y a en fait un nouveau texte qui a été diffusé il y a quelques semaines. Malheureusement, l'OCDE ne l'a jusqu'ici produit qu'en version anglaise. Nous espérons que la version française sera disponible d'ici une semaine. Ces textes reflètent tout simplement les différentes positions de négociation. Certaines d'entre elles sont bien sûr inacceptables, et nous l'avons souligné dans le document. Celui-ci comporte diverses notes en bas de page reflétant les différentes positions.

Le président: Monsieur Benoit.

M. Leon Benoit (Lakeland, Réf.): Merci, monsieur le président. Bonjour, messieurs.

J'aurais un commentaire à faire sur les raisons pour lesquelles il y a peut-être eu autant de réactions négatives à tout cela. Je pense qu'une partie de la raison est que le gouvernement n'a vraiment pas fait un bon travail quant à renseigner les Canadiens sur ce qui se passe. Cela se poursuit depuis des années. La simple diffusion de temps à autre d'un communiqué de presse pourrait aider, même s'il ne serait pas forcément lu. Au moins cela montrerait que vous expliquez aux gens ce qui se passe. Si cela avait été fait régulièrement au fil des ans, la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui aurait peut-être pu être évitée.

Le Parti réformiste a eu une motion de jour réservé à l'opposition portant là-dessus. Je pense que c'est sans doute de cela que le député d'en face parlait hier. L'idée est de porter la question à l'attention du public.

M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib.): Quelle est la position aujourd'hui, Leon?

M. Leon Benoit: J'aimerais vous demander de nous donner votre analyse du bénéfice potentiel pour l'agriculture advenant la signature de l'accord. Cela rejoindrait-il quelque peu les positions actuelles?

M. John Gero: Je pense qu'il y aurait deux avantages, qui ne sont pas nécessairement particuliers à l'agriculture. Il est clair que le Canada, en tant qu'économie ouverte, tire des bénéfices et de l'arrivée au pays d'importants investissements étrangers et de la sortie du pays d'investissements étrangers.

L'effet de cet accord serait double. Premièrement, il créerait au Canada un climat avantageux pour l'investissement permettant à des secteurs comme celui de l'agriculture d'attirer de l'investissement étranger et créerait dans ces mêmes secteurs croissance et emploi ici au Canada. Deuxièmement, parce qu'il s'agirait d'un accord multilatéral, offrant un climat d'investissement ouvert et une protection de l'investissement dans d'autres pays, cela veillerait à ce que les investisseurs canadiens investissant dans le secteur agricole de ces pays et d'un certain nombre d'autres pays membres de l'OCDE voient leurs investissements pleinement protégés.

M. Leon Benoit: Ce que je vous demande sans doute, en réalité, est si l'on a fait une analyse de l'effet net que cela pourrait avoir. Cela pourrait-il être bénéfique pour l'agriculture comparativement aux autres secteurs d'activité, tant au Canada qu'ailleurs dans le monde? Pensez-vous que cela puisse réellement avoir une incidence sur l'investissement dans l'agriculture, au Canada, et ailleurs?

M. John Gero: De notre point de vue, ce serait bénéfique pour le secteur agricole et au Canada et dans d'autres pays, dans la mesure où cela augmenterait le flux de l'investissement dans les deux directions, soit en partance et à destination du Canada. Cela amènera un accroissement de l'activité économique et une multiplication des emplois et de la croissance au Canada.

M. Leon Benoit: Vous n'avez donc aucune idée de l'incidence que cela pourrait avoir sur le Canada relativement à d'autres pays.

M. John Gero: Nous n'avons pas fait d'analyse comparative en tant que telle, non.

M. Leon Benoit: Vous dites que cela pourrait favoriser l'investissement, mais entrevoyez-vous des conséquences négatives pour l'agriculture canadienne? Il se profile des investissements très intéressants dans le secteur agricole de certains pays, notamment ceux qui faisaient autrefois partie du Bloc soviétique, et qui présentent un énorme potentiel agricole qui n'a pas encore été développé. Si l'accord qui est ratifié ressemble à ce qui est visé avec les positions épousées à l'heure actuelle, entrevoyez-vous des conséquences négatives pour le Canada?

• 0930

M. John Gero: Je pense que si nous obtenons notre mandat de négociation et veillons à ce que dans la mesure où il nous faut certaines exclusions nous les obtenions—et c'est là l'avis du ministre—l'accord serait très favorable au Canada. Je n'y verrais aucun côté négatif. Ce ne pourrait être que bénéfique.

M. Leon Benoit: Selon le ministre, d'où viendrait l'investissement étranger dans l'agriculture canadienne?

M. John Gero: J'imagine que cela pourrait venir de n'importe lequel des pays membres de l'OCDE.

M. Leon Benoit: La position adoptée par le ministère et le ministre a été qu'il faudrait ouvrir un peu les choses et accorder une sécurité à l'investissement dans l'agriculture un peu partout dans le monde pour ensuite attendre de voir ce qui se passe. Il n'y a en réalité pas eu de véritable évaluation de...

M. John Gero: Je pense que du point de vue promotion de l'investissement, nous avons un programme de promotion de l'investissement très actif, dans le contexte des visites faites à l'étranger par Équipe Canada. Comme vous aurez pu le constater au cours des quelques dernières années, un certain nombre de gens d'affaires, y compris un nombre important de gens d'affaires du secteur agricole, ont participé à des voyages d'Équipe Canada, en vue de cerner les possibilités d'investissement à l'étranger.

Par ailleurs, il y a un programme de promotion de l'investissement très actif à l'étranger mené dans le but d'attirer au Canada des investissements étrangers bien particuliers. La quasi-totalité de nos ambassades ont des équipes de promotion de l'investissement chargées d'attirer l'investissement étranger dans un certain nombre de secteurs canadiens, y compris l'agriculture. Dans ce contexte, l'on examine des mécanismes axés sur des entreprises et sur des secteurs bien particuliers en vue d'assurer à l'agriculture canadienne un apport d'investissement étranger et d'offrir des possibilités d'investissement canadien dans le secteur agricole d'autres pays.

Le président: Monsieur Gifford.

M. Mike Gifford: Monsieur le président, je soulignerai simplement qu'historiquement, l'agriculture canadienne, comme le reste de l'économie du pays, a attiré le gros de son investissement étranger des États-Unis.

L'investissement américain dans le système agro-alimentaire canadien est considérable. Au fil des ans, d'importants investissements y ont également été consentis par des pays européens, notamment le Royaume-Uni, la France et, plus récemment, l'Italie... et je citerai, à titre d'exemple, Parmalat, dans l'industrie laitière.

Au cours des dernières années, on a également accueilli de nouveaux investissements en provenance d'Asie, au départ du Japon mais, plus récemment, de Taïwan. Certains de ces investissements sont destinés à l'agriculture canadienne. Nous avons toujours eu une agriculture primaire de classe mondiale, mais dans certains de nos secteurs de transformation nous avons pendant de très très nombreuses années été essentiellement une économie de succursales, caractérisée par un très petit nombre d'usines s'efforçant de servir le marché intérieur. Ce que nous obtenons avec ce nouvel investissement étranger est l'établissement d'usines de classe mondiale qui nous permettront de nous doter d'un secteur de la transformation lui aussi de classe mondiale, à l'image de notre secteur de production primaire.

Le président: Monsieur Chrétien.

[Français]

M. Jean-Guy Chrétien: Avant de poser ma question, j'aimerais être certain d'avoir bien entendu et bien compris ce que vous avez dit dans votre exposé de base. Vous dites que 1 350 accords bilatéraux ont été signés jusqu'à maintenant et que le Canada a signé des accords avec 25 pays. Or, il y avait 29 pays. Pouvez-vous me dire quels sont les quatre pays qui n'ont pas signé d'accord avec le Canada?

[Traduction]

M. John Gero: Non, il existe deux catégories différentes.

Nous avons eu tendance à ne signer d'accords bilatéraux sur la protection des investissements étrangers qu'avec des pays en développement ou des pays en période de transition, comme par exemple l'ancienne Union soviétique et les nouveaux États qui en sont nés.

Quant aux pays membres de l'OCDE, qui sont au nombre de 29 autour de la table de négociation, ceux-ci ont eu tendance à ne pas négocier entre eux d'accords bilatéraux sur la protection des investissements étrangers.

Nous avons maintenant en vertu de l'ALENA des mécanismes de protection des investissements avec les États-Unis et le Mexique, étant donné la nature de cet accord. Nous avons également des dispositions semblables dans notre accord bilatéral de libre-échange avec le Chili, mais il n'existe que très peu d'accords de protection des investissements étrangers parmi les membres de l'OCDE. C'est là l'une des raisons pour lesquelles les gens pensent que l'Accord multilatéral sur l'investissement serait très avantageux. En ce moment, parmi les 1 350 ententes bilatérales intervenues entre ces pays, aucune d'entre elles ne lie un de ces pays à un autre d'entre eux. Ces ententes ont été négociées avec des pays autres que les 29.

• 0935

[Français]

M. Jean-Guy Chrétien: En ce qui concerne l'agriculture, puisque c'est le sujet qui nous rassemble ce matin, vous savez que le Canada a décidé de protéger trois secteurs majeurs de l'agriculture canadienne qui sont les oeufs, la volaille et le lait. Pouvez-vous, à l'heure actuelle et au stade où en sont les négociations, dire aux membres du Comité de l'agriculture dans quelle mesure ces décisions sont respectées?

Je pense, par exemple, à la multinationale Unilever qui joue un rôle majeur présentement. Au Québec, il y a d'ailleurs plusieurs cas de litige devant les tribunaux comme celui d'Unilever pour la couleur de la margarine. Ces multinationales qui contrôlent tout pourraient éventuellement imposer, à partir de ces ententes-cadres, leur loi dans le monde entier.

Je pense aussi à Monsanto avec sa STBr. Pour l'instant et pour les quelques mois à venir, on a pu l'empêcher d'entrer au Canada, mais je pense qu'on ne pourra pas résister très longtemps à cette multinationale qui va réussir à convaincre certains membres du parti au pouvoir que la STBr serait utile et importante pour le pays.

Cela étant dit, pouvez-vous nous dire si nous pouvons dormir sur nos deux oreilles en ce qui concerne les oeufs, la volaille et le lait?

[Traduction]

M. John Gero: Eh bien, je ne voudrais certainement pas nuire à votre sommeil. Je ne peux pas vous donner plus de garantie que celle donnée par le ministre au Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international. Il a dit que le Canada et que lui-même n'accepteraient aucune entente qui aurait une incidence néfaste sur le système de gestion de l'offre du Canada, système qui englobe les trois secteurs que vous venez de mentionner.

Il est clair, de son point de vue et de celui du gouvernement, qu'il s'agit d'une question fondamentale pour le gouvernement du Canada, et s'il est un élément de l'accord qui pourrait nuire à ces secteurs, alors le Canada ne sera pas partie d'un tel accord.

J'ignore si vous auriez quelque chose à ajouter à cela.

M. Mike Gifford: Monsieur le président, j'aimerais tout simplement dire que je pense pouvoir déclarer en guise d'assurance catégorique au secteur agro-alimentaire canadien que nous n'accepterions pas de libellé, dans un nouvel accord multilatéral sur l'investissement, qui nuirait à la gestion de l'offre ou à l'un quelconque des régimes ou organes d'écoulement ordonné du Canada, y compris la Commission canadienne du blé. Cela est fondamental.

[Français]

M. Jean-Guy Chrétien: Ma dernière question ne concernera pas l'agriculture.

Le francophone qui sommeille en moi a sursauté tout à l'heure lorsque vous avez dit que le rapport n'était pas encore traduit. Je voudrais donc m'élever contre ce manque de respect envers une des langues encore officielles de ce pays. J'espère que vous allez corriger cette négligence en demandant au personnel très qualifié que nous avons de faire du temps supplémentaire pour traduire ces documents officiels.

[Traduction]

M. John Gero: Je suis tout à fait de votre avis. Non seulement c'est une langue officielle au Canada, mais c'est également une langue officielle à l'OCDE. Nous avons soulevé cela... il n'y a pas seulement nous, mais également d'autres collègues dont le français est la langue de travail. C'est une très grave lacune dans le processus de l'OCDE.

Comme je le disais, leur excuse est que cela a été imprimé tout juste la semaine dernière. Ils travaillent assidûment à la sortie du texte français également. Nous avons beaucoup insisté auprès d'eux pour que les deux documents soient disponibles le plus rapidement possible au Canada, car nous reconnaissons qu'il est important que ce document existe dans les deux langues.

[Français]

M. Jean-Guy Chrétien: J'entends des excuses de ce genre tous les jours, vous savez.

[Traduction]

Le président: Monsieur McCormick.

M. Larry McCormick (Hastings—Frontenac—Lennox and Addington, Lib.): Merci beaucoup, messieurs, d'être des nôtres.

Un grand nombre de simples citoyens, de nombreux Canadiens, n'ont pas examiné cela, et il y a une impression ou une crainte que les multinationales aient le même droit légal qu'un particulier canadien ou même que le pays. J'aimerais tout simplement que vous me donniez votre avis là-dessus.

• 0940

Une autre question très fondamentale concerne le fait qu'en vertu de l'ALENA nous conserverions la même entente que celle qui nous lie à l'heure actuelle avec les États-Unis et le Mexique, et que tout resterait en place. Si c'est le cas, pourquoi donc avons-nous besoin de l'AMI?

Troisièmement, avec le recul des États-Unis, quel effet pensez-vous que cela puisse avoir sur les discussions au-delà du délai prévu?

Merci, monsieur le président.

M. John Gero: Plusieurs choses... Il y a eu beaucoup de discussions au sujet du mécanisme de l'État-investisseur, surtout en tant qu'outil pour régler les différends. Cela devrait-il exister?

Comme vous le savez peut-être, le mécanisme de règlement des différends pour les États-investisseurs a été un élément non seulement de l'ALENA, mais également de la quasi-totalité des 1 350 accords bilatéraux de protection des investissements étrangers. Ce mécanisme est clairement requis dans le cas de ces pays dont le système judiciaire national n'est pas aussi solide que ceux du Canada et d'un certain nombre d'autres pays développés.

Ce mécanisme permet de retirer le différend du système judiciaire local, qui n'est peut-être pas adéquat, pour le soumettre à l'arbitrage international, mais l'idée est de maintenir le même niveau de différend.

À l'heure actuelle, par exemple, au Canada et dans un grand nombre d'autres pays développés, toute société, qu'elle soit étrangère ou non, peut intenter des poursuites contre le gouvernement du Canada, en vertu du droit canadien et en recourant au système judiciaire canadien, en cas de saisie de biens par le gouvernement du Canada, sans versement de compensation. L'idée de poursuites intentées par une société contre le gouvernement pour dépossession illégale—si je peux utiliser cette expression—n'a rien de nouveau dans le contexte de notre système judiciaire. Cela est cependant nouveau dans d'autres pays où nous avons des investissements et où le système judiciaire n'est pas aussi développé.

Par conséquent, l'enchâssement dans un accord international du concept de l'État-investisseur a tout simplement pour objet de veiller à ce que les pays qui n'ont pas un système judiciaire national aussi sophistiqué que le nôtre puissent être amenés à ce niveau grâce à l'accord international mais, comme je l'ai dit, dans la perspective canadienne, tout investisseur peut poursuivre le gouvernement canadien devant les tribunaux canadiens pour dépossession illégale et absence de compensation. Tout ce que ferait le mécanisme d'État-investisseur dans le cadre de l'AMI serait de fournir un cheminement parallèle qui pourrait ou ne pourrait pas être utilisé, selon le cas.

Dans le contexte des États-Unis et du Mexique, il est vrai, en effet, que l'ALENA offre les garanties en matière d'investissement que nous avons de façon réciproque avec les États-Unis et le Mexique.

Il est clair qu'il y a un certain nombre d'autres pays membres de l'OCDE qui n'ont pas le même genre d'entente que l'ALENA: le Japon, l'Union européenne et plusieurs autres pays européens, et la Corée, qui est maintenant membre. L'avis général est que cela aussi serait très bénéfique. Il y a en effet de plus en plus d'investissements canadiens dans ces pays et de plus en plus d'investissements en provenance de ceux-ci. Comme l'a dit Mike, cependant, le gros du flux de l'investissement continue d'être avec les États-Unis, mais il y en a de plus en plus avec d'autres pays.

Deuxièmement, il n'est pas prévu qu'une fois l'AMI ratifié ce soit un accord statique. Nous avons en tout cas dit très clairement que nous espérons qu'un certain nombre de pays qui ne sont pas membres de l'OCDE adhéreront eux aussi à l'AMI. C'est pourquoi il y a déjà cinq pays observateurs qui siègent autour de la table—l'Argentine, le Brésil, le Chili, la Slovaquie et Hong Kong—et l'on espère que ceux-ci compteront même parmi les signataires initiaux de l'accord.

Par ailleurs, il a été entrepris un vaste programme de liaison avec un certain nombre d'autres pays, ce dans le but de les attirer pour qu'ils participent aux négociations de l'AMI, voire même qu'ils signent l'entente.

Troisièmement, vous avez demandé quel effet aura la réticence des Américains? Il est clair qu'il n'y aura de ce fait pas d'accord en avril.

Les États-Unis sont bien sûr un important joueur dans ces négociations, et le fait qu'ils aient dit penser qu'il ne sera pas possible de négocier une entente d'ici à avril signifie qu'il y aura certains retards. Il est difficile pour l'heure de prédire la durée des retards et le contexte dans lequel ils s'inscriront. Ce sera bien évidemment l'une des questions sur lesquelles devront se pencher les ministres à la réunion ministérielle de l'OCDE prévue pour avril.

• 0945

M. Larry McCormick: Je pense et je concède qu'un grand nombre de choses dépendront de ce que proposeront les Américains au cours de l'année à venir et de l'énergie qu'ils y déploieront. Serait-il possible que d'autres compagnies ou que d'autres pays s'entendent et signent en l'absence des États-Unis? Y a-t-il une solution de rechange à l'AMI ou bien devons-nous tout simplement continuer d'y travailler en vue d'obtenir la meilleure entente possible?

M. John Gero: J'imagine qu'il y a toujours une solution de rechange à l'AMI. Il vous faut reconnaître que, au contraire de la situation du Canada, pour bon nombre d'autres pays, l'AMI est un important outil dans le cadre de leurs relations en matière d'investissement avec les États-Unis. Nous, nous avons déjà un accord en matière d'investissement avec les États-Unis, mais ce n'est le cas d'aucun autre pays, exception faite du Mexique. Par conséquent, de leur point de vue, un AMI sans les États-Unis serait sensiblement affaibli à cet égard.

M. Larry McCormick: Merci.

Le président: Monsieur Proctor.

M. Dick Proctor (Palliser, NPD): J'aimerais commencer par poser quelques questions d'ordre général. D'après ce que vous avez dit, monsieur Gero, je pense que vous continuez de croire qu'il y aura un AMI, sinon en avril, à une date ultérieure.

M. John Gero: J'imagine que ma boule de cristal est aussi bonne que celle de n'importe qui. Je pense que ce qui est clair c'est qu'il n'y aura pas de AMI en avril. Cela devient de plus en plus évident. Quant à savoir s'il y aura un AMI ultérieurement, cela est très difficile à prédire à l'heure actuelle.

M. Dick Proctor: Pendant que vous avez toujours votre boule de cristal... Il n'y a que 29 pays qui sont membres de l'OCDE. Advenant la ratification d'un AMI à un moment donné, quelle incidence un tel accord aurait-il selon vous sur les cinq pays observateurs et sur un certain nombre d'autres pays? Cela deviendra-t-il un genre de bâton ou de carotte que l'on brandira devant d'autres pays désireux de négocier des ententes avec l'un quelconque des 29 signataires?

M. John Gero: Je pense que cela se fera de diverses façons. Comme vous le savez, de notre point de vue, l'AMI n'a jamais été considéré comme étant le résultat final requis pour l'investissement. Le Canada a toujours dit que l'AMI est tout simplement une étape vers un accord plus global sur l'investissement dans le contexte de l'Organisation mondiale du commerce.

Nous avons poussé très fort à la réunion ministérielle de Singapour pour entreprendre un programme de travail à l'OMC sur l'investissement, ce qui a été fait. Il y a un groupe de travail à l'OMC qui se penche sur l'investissement. Quant à la question de savoir comment cela va évoluer, qu'il y ait ou non un AMI, je pense pour ma part qu'il y aura éventuellement à cet égard un accord sur l'investissement de l'OMC. De notre point de vue, cela est très important, car en ce qui concerne l'investissement canadien à l'étranger, un grand nombre des pays qui sont des cibles d'investissement pour les Canadiens ne sont bien sûr pas membres de l'OCDE.

M. Dick Proctor: Merci. Ma question se rapportant plus précisément à l'agriculture est la suivante: selon vous, quelle incidence un AMI aurait-il sur les provinces canadiennes qui imposent des restrictions à la propriété étrangère de terres agricoles?

M. John Gero: Il y a deux réponses à cela. Premièrement, à l'heure actuelle, la position canadienne à Paris est que l'AMI ne couvre pas les provinces. À l'heure actuelle, il s'agit d'un engagement au niveau fédéral seulement.

Nous poursuivons nos consultations avec les provinces. Comme je l'ai dit, le ministre a eu une réunion de ministres au niveau fédéral-provincial la semaine dernière. Si nous décidions tous, nous-mêmes et les provinces, qu'un éventuel AMI serait avantageux pour les provinces à cet égard, elles pourraient y être incluses. Mon impression est qu'elles seraient incluses de la même façon qu'elles le sont dans l'ALENA, c'est-à-dire avec une liste exhaustive d'exceptions, d'arrangements qui mettent à part les dispositions en matière d'occupation des sols qui sont contenues dans les lois provinciales ainsi que fédérales, etc.

Mon opinion est que cela n'aurait absolument aucune incidence sur les lois provinciales en vigueur à cet égard, car nous continuerions de les maintenir en tant qu'exceptions dans le cadre de l'AMI, tout comme nous l'avons fait dans l'ALENA.

• 0950

M. Dick Proctor: Merci.

Le président: Monsieur Borotsik.

M. Rick Borotsik (Brandon—Souris, PC): Merci, monsieur le président.

Nous avons parlé de l'agriculture. Je suis heureux que vous soyez ici. Dans quelle mesure l'agriculture est-elle importante à la table? Le ministre a en gros esquissé les paramètres, disant que les sociétés commerciales d'État, le système de gestion de l'offre, la Commission canadienne du blé ne vont pas être touchés. Il s'agit là d'un paramètre qui a été réglé.

Dans quelle mesure l'agriculture est-elle importante à la table relativement à d'autres secteurs industriels, comme par exemple la construction automobile, les services financiers, la technologie, etc.? L'agriculture se situe-t-elle au milieu de la liste des priorités à la table de négociation de l'AMI?

M. John Gero: Je m'occupe de négociations commerciales depuis 20 ans et mon impression est que l'agriculture n'est jamais au milieu de la liste; elle est toujours tout à fait en haut.

M. Rick Borotsik: Cela est très encourageant.

M. John Gero: Et elle y reste. Même si l'on n'en discute pas dans le contexte de la question de savoir quoi faire avec le secteur agricole, parce que l'on ne parle pas de mesures qui sont particulières à un secteur donné... Tous les négociateurs—canadiens, américains et européens—examinent toutes ces dispositions, qui sont de nature générale—et ils ne mettent pas l'agriculture à part—et tentent de déterminer quelle serait leur incidence sur leurs propres dispositions en matière d'agriculture.

Les discussions que j'ai eues tant avec mes collègues européens qu'avec mes collègues américains, ont fait ressortir que l'agriculture est certainement en haut de la liste de questions importantes de tout le monde.

M. Rick Borotsik: Cela est très encourageant et je suis heureux de vous l'entendre dire. Si vous regardez les paramètres qui ont été établis pour votre équipe de négociation, n'avez-vous pas l'impression que des menottes y ont été intégrées? Nous savons que d'autres gouvernements et que d'autres pays sont en train de remettre en question l'aspect gestion de l'offre, et je songe tout particulièrement au 301 contre le secteur laitier et à la vérification qui va être faite dans le cas de la CCB.

Ne pensez-vous pas que vous avez les mains liées dans le cadre de ces négociations, les paramètres ayant déjà été fixés pour vous par le ministre ou par le ministère?

M. John Gero: Je ne pense pas du tout que nos mains soient liées. Au contraire, de notre point de vue c'est relativement facile, car nous avons un ensemble d'instructions qui est clair. Nous savons exactement quel est le minimum et jusqu'à quel palier nous allons négocier, alors je ne pense pas du tout que les mains de nos négociateurs soient liées. Je pense que nos instructions relativement à l'agriculture sont claires et je ne crois pas que cela nuise à notre capacité de négocier.

M. Rick Borotsik: Mais vous n'avez pas une très grande marge de manoeuvre.

M. John Gero: Dans toute négociation, les pays négocient en fonction de leurs intérêts économiques. Vous avez parlé de marge de manoeuvre, mais si cette marge de manoeuvre signifie que vous allez obtenir une entente mais que celle-ci aura une incidence néfaste sur un secteur de l'économie canadienne, alors pourquoi bougerait-on?

M. Rick Borotsik: Les négociations, c'est toujours donnant donnant. Lorsque vous donnez quelque chose dans le cadre d'une négociation, vous obtenez en règle générale quelque chose dans un autre domaine, et c'est à cela que je veux en venir. Il y a des avantages que nous avons ici au Canada relativement à d'autres industries. N'y a-t-il pas autour de la table de négociation avec les autres pays ce mécanisme donnant donnant?

M. John Gero: Dans toute négociation, il y a un peu de donnant donnant, mais pour tout négociateur, il y a des lignes très claires qu'il ne peut pas dépasser. C'est ce qui a été clairement expliqué par le ministre devant la SCITFA. Comme l'a dit le ministre, nous ne voulons pas d'un accord à tout prix; nous voulons un bon accord pour le Canada.

Nos instructions sont donc très claires, surtout en ce qui concerne le front agricole, si je m'appuie sur les déclarations faites par le ministre. Il n'y a clairement rien que nous soyons prêts à céder par rapport à cette position.

M. Rick Borotsik: Cela est donc gravé dans la pierre et vous n'irez pas plus loin que cette limite.

M. John Gero: Je ne peux dans ce contexte pas aller plus loin que les déclarations publiques du ministre.

M. Rick Borotsik: J'apprécie cela.

M. Mike Gifford: Monsieur le président, j'aurais quelque chose à ajouter.

Les préoccupations des Américains relativement à l'accès au marché canadien pour les produits laitiers et la volaille, ou relativement aux pratiques canadiennes d'établissement des prix à l'exportation des produits laitiers, ne seront pas abordées dans le cadre d'un accord international sur l'investissement, mais bien dans une entente négociée à l'OMC.

M. Rick Borotsik: Cela est vrai.

M. Mike Gifford: Il ne s'agit donc pas d'un problème.

Quant à l'importance de l'agriculture, je pense qu'il n'est nul besoin de rappeler au comité l'importance fondamentale du secteur canadien de la transformation des aliments. C'est le troisième secteur manufacturier en importance dans l'économie canadienne. Ce secteur dépend très largement de l'investissement. Par conséquent, de ce point de vue, l'agriculture est en haut de la liste aux côtés des autres gros secteurs industriels de l'économie.

• 0955

M. Rick Borotsik: Il est très encourageant d'entendre cela. Merci.

Le président: Monsieur Harvard.

M. John Harvard: Merci, monsieur le président.

Je n'ai que trois ou quatre questions. Je vais peut-être les poser les unes après les autres, après quoi les témoins pourront y répondre.

Premièrement, il y a des chances que si nous négociions, mettons, 29 ententes bilatérales distinctes, Maude Barlow serait moins occupée qu'elle ne l'est à l'heure actuelle.

Même si—et je me rends compte que les négociations en cours ne se font pas avec les mêmes pays que ceux avec lesquels nous avons à l'heure actuelle des arrangements bilatéraux de protection des investissements—l'AMI n'était tout compte fait pas supérieur à ce que nous avons à l'heure actuelle dans le cadre des 25 ententes distinctes, serait-il toujours préférable d'avoir un seul accord omnibus plutôt que 25? Voilà ma première question.

Deuxièmement, si l'AMI devait être consommé, serait-il plus avantageux pour les investisseurs canadiens désireux d'investir à l'étranger ou pour les investisseurs étrangers désireux d'investir ici?

Troisièmement, je pense que la poursuite intentée par la Ethyl Corporation plane toujours au-dessus de vos têtes. Si la Ethyl Corporation devait gagner, je pense que cela refroidirait certaines ardeurs. Êtes-vous d'avis qu'il n'y a rien dans l'AMI qui empêcherait le gouvernement de réglementer le secteur agricole comme il le fait à l'heure actuelle? Vous savez, nous avons des règles visant la protection de la qualité de la viande, la volaille, etc. Voyez-vous quelque chose là-dedans qui nous empêcherait de réglementer le secteur comme nous le faisons à l'heure actuelle?

Enfin, avec ce retard possible—et vous avez plus ou moins dit qu'il y en aura un—serait-il possible que les négociations de l'AMI soient intégrées à celles de l'OMC? Si c'était le cas—auquel cas un bien plus grand nombre de pays participeraient—serait-il alors question d'une entente possible d'ici trois ou quatre ans?

Voilà les questions que je voulais vous poser.

M. John Gero: Eh bien, permettez-moi d'essayer d'y répondre une à une.

Pour ce qui est de la première, je pense qu'en ce qui concerne les milieux d'affaires, il est toujours plus facile d'avoir un ensemble de lois qui s'applique à 29 pays que 29 ententes différentes. Celles-ci renfermeront peut-être toutes plus ou moins les mêmes choses, mais il y aura néanmoins certaines différences. Par conséquent, la confusion amenée par 1 350 ententes bilatérales en matière de protection des investissements ne sera en aucun cas préférable à l'existence d'un seul accord qui s'applique à tous les pays du monde.

C'est pourquoi une entente dans le cadre de l'OMC serait de loin préférable à toute une série d'ententes bilatérales distinctes visant l'agriculture etc. Dans le donnant donnant entourant la négociation d'une entente bilatérale, il y a toujours une virgule d'ajoutée ici ou un changement de mot là, et les milieux d'affaires demandent alors quelle entente s'applique à tel ou tel contexte. Il est beaucoup plus facile de faire affaires si c'est la même règle qui s'applique à tout le monde.

Avec votre deuxième question, vous cherchez à savoir si c'est plus avantageux à l'étranger ou pour ici. J'imagine que si vous avez un ensemble de règles, le traitement sera le même et pour les Canadiens à l'étranger et pour les gens qui investissent au Canada. C'est en gros ce que l'on tente de réaliser. Avec une entente de protection des investissements, vous essayez de créer un terrain de jeu égal pour tout le monde. La question n'est donc pas d'avoir quelque chose de meilleur ou de moins bien; il s'agit de veiller à ce que tout le monde comprenne et suive les mêmes règles.

Un certain nombre de choses ont été dites relativement à la Ethyl Corporation. Ce que je peux vous dire à cet égard est que la question d'expropriation et de dépossession illégale existe depuis des centaines d'années. Ce n'est pas nouveau dans le domaine du droit international. Il n'a jamais été envisagé que les dispositions en matière d'expropriation, qui existent depuis toujours, auraient pour effet de limiter la capacité du gouvernement de réglementer l'environnement, l'agriculture ou tout autre secteur. En théorie, si vous poussez la plainte de la Ethyl Corporation jusqu'à sa conclusion logique, soit que si un gouvernement intervient d'une façon qui nuise aux profits d'une société privée, en théorie, toutes les lois en matières d'impôt du revenu seraient considérées comme relevant de l'expropriation, car chaque fois que vous augmentez l'impôt sur le revenu de 1 p. 100, cela a un effet néfaste sur les profits des sociétés. Je ne pense pas que l'objet d'une disposition en matière d'expropriation soit jamais d'avoir un effet sur les pouvoirs de réglementation du gouvernement.

• 1000

Cela est très clair du côté de l'OCDE. Tout le monde comprend cela, et la très nette intention—et il y a eu plusieurs discussions à cause de l'affaire de la Ethyl Corporation—est de faire en sorte qu'il soit clair comme de l'eau de roche que les dispositions en matière d'expropriation ne s'appliquent d'aucune façon au contexte ni ne limitent la capacité des gouvernements de réglementer quelque secteur que ce soit, de quelque façon que ce soit.

Enfin, quelles sont les perspectives quant à la conclusion d'un AMI? Je pense qu'il est tout à fait possible qu'un AMI complet ou incomplet soit éventuellement intégré aux négociations de l'OMC relativement à l'investissement. À mon avis, votre échéancier de trois ou quatre ans est vraisemblablement optimiste, car il n'est même pas question d'examiner l'idée d'entreprendre une nouvelle série de négociations à l'OMC, de quelque forme que ce soit, pendant au moins un an ou deux. J'imagine qu'une fois cette étape franchie, il y aura plusieurs années de négociation. Voilà ce qui m'amène à penser que le délai sera vraisemblablement plus long encore.

M. Larry McCormick: J'invoque le Règlement. J'aimerais tout simplement que l'intervenant précédent confirme que le gouvernement est bel et bien autorisé à réduire encore aujourd'hui les impôts dans le budget.

Le président: Il vous faudra interroger Paul Martin.

Une voix: Il est ici.

Une voix: Allez-y, demandez-lui.

Le président: Monsieur Hoeppner.

M. Jake Hoeppner (Portage—Lisgar, Réf.): Merci, monsieur le président.

Afin que cela figure au procès-verbal, je pense qu'il me faudrait mentionner qu'en 1993, lorsque nous discutions de l'Accord de libre-échange, Maude Barlow et les libéraux étaient dans le même camp. Le tableau change donc de temps à autre. Peut-être qu'avant que nous en ayons fini avec cet AMI, les libéraux auront rejoint les rangs des réformistes pour ce qui est de leur attitude à l'égard de cela.

Monsieur Gifford, vous parliez des compétences provinciales et fédérales. Les droits en matière de propriété relèvent, je pense, des provinces. Quelle incidence cela a-t-il sur l'investissement? Comment ces multinationales pourraient-elles contourner un accord fédéral si ce sont les provinces qui contrôlent les droits en matière de propriété?

M. Mike Gifford: L'ALENA s'applique en fait aux provinces ainsi qu'aux États fédérés, mais la propriété des terres fait l'objet d'une exception dans les dispositions de l'ALENA. Par conséquent, les provinces qui ont des exigences en matière de propriété peuvent continuer de les imposer.

M. Jake Hoeppner: Je songe à des industries à valeur ajoutée comme des usines de fabrication de pâtes alimentaires et des minoteries qui viendraient peut-être s'implanter dans la région. Je regarde de l'autre côté de la frontière, là où j'ai ma ferme, et il y a 13 usines de pâtes alimentaires dans le Dakota du Nord, et c'est toute une affaire là-bas. S'il y a davantage de libre-échange, et si la Commission canadienne du blé est tenue de rendre davantage de comptes, nous pourrons peut-être récupérer certaines de ces industries que nous avons perdues. Cela m'ennuierait profondément si cet Accord multilatéral sur l'investissement n'abordait pas ces questions-là en particulier, car il pourrait y avoir des problèmes.

M. Mike Gifford: La décision d'investir dans une usine de pâtes alimentaires dans l'ouest du Canada ne sera pas directement rattachée à l'entente en matière d'investissement proposée à l'OCDE. Des investissements se font à l'heure actuelle. Il y a des groupes, dont des groupes de producteurs, qui sont en train d'examiner la possibilité de monter des usines de fabrication de pâtes alimentaires dans l'ouest du pays. Les dispositions de l'ALENA en matière d'investissement, si elles auront un quelconque effet, encourageront l'investissement étranger au lieu de le décourager. Je ne vois donc vraiment pas où est le problème.

M. Jake Hoeppner: Dans le Dakota du Nord, bon nombre des usines—mais peut-être pas toutes—appartiennent à des agriculteurs. Ceux-ci peuvent investir avec leur grain, ce que nous ne pouvons pas faire au Canada. Pourquoi donc les autres pays viendraient-ils construire ces usines s'il y a ce genre d'avantages pour les Américains, les agriculteurs américains pouvant eux-mêmes plus ou moins financer ces usines?

• 1005

M. Mike Gifford: Tout ce que je peux faire, monsieur le président, c'est hasarder une opinion: depuis la suppression de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest, il y a sans doute eu davantage d'investissements dans le secteur de la transformation alimentaire dans l'ouest du Canada que pendant les 50 ans qui ont précédé.

M. Jake Hoeppner: J'espère que vous avez raison, mais je sais qu'il y a d'autres domaines dans lesquels le terrain de jeu n'est pas tout à fait égal. Prenez le cas de l'harmonisation des régimes d'inspection des viandes et des produits chimiques. Cela passe toujours mal entre les Américains et nous-mêmes, et j'ignore si le problème est aujourd'hui entièrement réglé. J'imagine par ailleurs que cela pourrait créer certains problèmes avec l'investissement au Canada si ces harmonisations n'ont pas lieu. Cela étant, ma question serait la suivante: pouvons-nous nous permettre de ne pas signer l'AMI?

M. John Gero: Je pense que la position du gouvernement est très claire. Nous aimerions avoir un AMI. Il serait bénéfique pour le Canada de ce point de vue, mais nous avons un certain nombre de considérations prédominantes à prendre en compte. Dans la mesure où nous pourrons sauvegarder ces intérêts prédominants, le Canada signera évidemment l'Accord multilatéral sur l'investissement.

Je pense que le ministre a également indiqué clairement que si les bornes que nous avons fixées sur toute une série de sujets sont franchies—il les a énumérées dans son discours du 13—le Canada pourrait refuser de signer, car la question est de savoir si l'accord sera ou non dans l'intérêt du Canada.

Donc, oui, nous signerons s'il est avantageux pour le Canada et nous ne signerons pas dans le cas inverse.

M. Jake Hoeppner: Je songe aux accords du GATT, où le gouvernement libéral—et les conservateurs dans une certaine mesure—avait affirmé qu'il ne reculerait pas concernant l'article 11 relatif à la gestion de l'offre. Les réformistes avaient dit que c'était impossible, que nous allions devoir opter pour la tarification. Je crois que nous avions raison en l'occurrence, alors que les libéraux affirmaient toujours que nous avions tort.

Mais je pense que vous êtes dans la même situation en ce moment avec cet Accord multilatéral sur l'investissement. Vous ne pouvez pas réellement vous permettre de ne pas céder sur certains points, sinon vous perdrez beaucoup plus sur l'autre terme de l'équation. Est-ce que je me trompe?

M. John Gero: Je pense que nous négocions ici dans l'intérêt du Canada. Le ministre a bien esquissé les avantages et les inconvénients de l'accord, selon notre optique.

Le président: Merci beaucoup.

Vous avez parlé de l'opposition de la communauté européenne à la loi Helms-Burton. Est-ce que le Canada fait pression aussi pour que cette loi soit abrogée avant que nous signions un quelconque accord sur l'investissement?

M. John Gero: Absolument. Nous-mêmes et les Européens sommes ceux qui insistons le plus pour qu'il y ait, dans un accord multilatéral sur l'investissement, des dispositions relatives aux boycotts secondaires et aux contraintes nationales contradictoires et sur la nécessité de limiter la capacité des pays à prendre des mesures unilatérales telles que la loi Helms-Burton ou la loi sur les sanctions contre l'Iran et la Libye. De fait, je pense que le texte figurant actuellement dans l'ébauche consolidée est le texte canadien. Donc, tout à fait, c'est à nos yeux un point très important de l'accord sur l'investissement.

Le président: Je vous remercie.

Monsieur Steckle.

M. Paul Steckle (Huron—Bruce, Lib.): Je vais vous poser mes questions en série et vous pourrez ensuite y répondre.

J'aimerais un peu plus de précision sur le rôle que vont jouer les provinces. Nous avons parlé de propriété foncière, de souveraineté territoriale. L'Île-du-Prince-Édouard et la Saskatchewan sont deux provinces qui ont des régimes fonciers différents de ceux du reste du Canada. J'aimerais un peu de clarté, car les provinces sont manifestement intéressées par cet accord que nous allons signer. Elles sont préoccupées et il me semblait que les provinces seraient parties prenantes d'une certaine façon. Elles ne seront pas signataires, mais elles devront souscrire à la signature. Voilà l'une de mes questions.

Par ailleurs, on nous dit que l'ALENA aura préséance relativement à certains aspects. Je suis sûr que les traités qui lient les membres du marché commun européen auront également préséance sur cet accord, tout comme les traités similaires qui peuvent exister dans la région Asie-Pacifique.

Une autre question porte sur l'engagement sur cinq et 20 ans, ce genre de chose, l'impossibilité de se retirer pendant cinq ans. Même après cinq ans, on reste engagé encore 15 ans. Pourquoi un engagement si long, sachant que les durées d'engagement dans l'ALENA et l'OMC sont différentes?

• 1010

Pour terminer, vous pourriez peut-être, à l'intention de nous tous ici, nous expliquer en termes compréhensibles par le profane pourquoi le Canada devrait signer un accord multilatéral sur l'investissement. On nous le demande sans cesse et nous aimerions tous avoir une réponse simple à donner aux électeurs dans nos circonscriptions, où nous devons partager la tribune avec Maude Barlow et ceux de son camp. Donc, si possible, donnez-nous en langage simple une explication que nous pouvons transmettre à nos mandants, s'il vous plaît.

M. John Gero: Je vais essayer de répondre successivement à vos questions. Pour ce qui est du rôle des provinces, comme je l'ai dit, l'offre actuellement présentée par le Canada n'englobe pas les provinces.

Mais nous avons procédé à une concertation très étroite avec les provinces tout au long de cette négociation. Nous avons nos réunions régulières des fonctionnaires fédéraux-provinciaux sur l'AMI, presque chaque trimestre. Nous leur faisons un rapport sur chacune des sessions de négociation et elles ont tous les documents. Elles sont pleinement informées de l'évolution des négociations, depuis le début. Elles connaissent parfaitement tous les changements et sont informées de la moindre virgule du texte.

Comme je l'ai dit, nous réservons encore notre jugement sur l'opportunité d'englober les provinces, la question n'ayant pas été tranchée. Dans la mesure où les provinces seront couvertes par l'AMI, il nous faudra évidemment veiller, en collaboration étroite avec elles, à ce qu'elles bénéficient des mêmes exclusions que le gouvernement fédéral à l'égard de leur propre législation. C'est très important, comme vous l'avez indiqué, dans le contexte de la propriété foncière, par exemple, laquelle est essentiellement du ressort provincial.

Troisièmement, un certain nombre d'éléments couverts par ces négociations sont virtuellement de la compétence directe des provinces, des questions telles que le droit du travail, et, comme le ministre l'a indiqué, même la position fédérale canadienne sur le contenu des dispositions relatives au travail de l'AMI est négociée en collaboration très étroite avec les provinces, vu leur compétence juridique dans ce domaine.

Tout ce que je peux vous dire, c'est que nous collaborons très étroitement avec les provinces, comme je l'ai dit, tant au niveau des fonctionnaires que des ministres. Elles ont évidemment des préoccupations, tout comme nous, concernant divers points. Nos situations sont très similaires à cet égard. Et nous verrons, au fur et à mesure que l'accord prend forme, si elles seront couvertes et, dans l'affirmative, quelles exceptions et exclusions précises il faudra inscrire dans le texte pour assurer qu'aucune de leurs politiques, pratiques et lois ne soit touchée.

M. Paul Steckle: Si je puis juste intervenir sur la perspective que la Colombie-Britannique se déclare zone exempte de l'AMI, comment cela s'appliquerait-il dans ce contexte particulier? Pourriez-vous nous en parler dans le contexte de cette question?

M. John Gero: Il est possible que les provinces soient exclues, auquel cas la Colombie-Britannique ne serait pas couverte par l'accord. Par exemple, nous sommes signataires d'un accord de l'OMC sur les marchés publics, qui contraint toute une série d'entités fédérales à accorder le traitement national dans le processus d'adjudication, c'est-à-dire à ne pas favoriser les soumissionnaires canadiens par rapport aux soumissionnaires étrangers dans un appel d'offres.

Mais nous avons pris ces obligations uniquement au niveau fédéral à l'OMC. Les entités provinciales ne sont pas couvertes par cet accord, si bien qu'elles peuvent continuer à exercer une discrimination à cet égard, et elles le font. Nul n'a de recours en vertu de nos obligations prises à l'OMC parce qu'elles ne couvrent pas les provinces. Il est donc possible que le gouvernement du Canada exclue les provinces d'un accord. Nous l'avons fait par le passé et pouvons continuer à le faire.

Comme Mike et moi-même l'avons signalé, elles sont couvertes par l'ALENA; elles ont ces obligations. En revanche, elles sont exclues des dispositions de l'ALENA relatives aux marchés publics. Il est possible de construire l'accord de telle manière que les provinces ne soient pas couvertes par un accord sur l'investissement.

Permettez-moi de passer à votre deuxième question concernant la préséance de l'ALENA. L'ALENA aura préséance dans le contexte de nos relations avec les États-Unis et le Mexique. Il n'a certainement pas préséance à l'égard des 26 autres pays de l'OCDE. Quant à ce qui va se passer dans l'Union européenne, c'est un peu plus incertain parce que l'Union européenne—attendez, permettez-moi de remonter un pas en arrière.

• 1015

Nous n'avons pas tenté d'exclure l'ALENA des contraintes de l'AMI. Les Européens, en revanche, n'ont pas seulement dit qu'entre eux tel serait le cas et que leur traité aura préséance. Ils vont plus loin. Au moyen de ce que l'on appelle la clause d'intégration économique régionale, ils cherchent à exclure toute l'Union européenne de pans entiers de cet accord, à savoir que les membres pourront continuer à exercer une discrimination entre eux sans accorder le même traitement aux non-membres.

Évidemment, avec 29 pays, si 15 d'entre eux sont à toutes fins pratiques exclus de l'accord, cela suscite quelques difficultés. C'est pourquoi toute la manière dont cet accord sera applicable dans le contexte de l'Union européenne reste encore un gros sujet de discussion. Si vous regardez certaines des réserves américaines au sujet de cet accord, qui font qu'il ne sera sans doute pas possible de le conclure d'ici avril, le manque de clarté sur le niveau des exceptions que l'Union européenne demande figure tout en haut de la liste.

Pour ce qui est d'un engagement pour cinq ans ou 20 ans, la question se pose dans le contexte de l'investissement. Le retrait pose problème uniquement à l'égard des investissements existants, pas à l'égard des nouveaux investissements. Si une société a investi selon un certain ensemble de conditions et que le gouvernement décide ultérieurement de modifier ces conditions après son retrait de l'AMI, par exemple, est-ce que les conditions applicables au moment où la société a fait l'investissement ne devraient pas continuer à s'appliquer?

Donc, dans la mesure où des investissements ont déjà été effectués, dans le contexte de l'AMI, il faut prévoir un certain délai de maintien des règles existantes, celles qui ont présidé à l'investissement, pour autoriser une certaine durée d'amortissement. Voilà la nature de la disposition.

Pourquoi le Canada devrait-il signer un AMI? La réponse est double. Nous avons une économie très ouverte, sans doute plus que n'importe quel autre pays du monde. Nous dépendons des flux commerciaux et des flux de capitaux, tant vers l'intérieur que vers l'extérieur. Si vous regardez les derniers chiffres d'investissement, vous verrez qu'il y a un équilibre virtuel. Il y a autant de capitaux étrangers investis dans le pays que de capitaux canadiens investis à l'étranger, c'est-à-dire que les exportations et importations de capitaux sont en équilibre virtuel. Le maintien de ce libre flux est très important pour notre bien-être économique.

Prenez une petite entreprise dans une petite ville, elle n'existe et crée des emplois que grâce à cet investissement étranger fait au Canada, qui n'aurait pas nécessairement été effectué autrement. Si le climat d'investissement dans cette région ou dans ce pays n'était pas sûr, l'investissement serait parti ailleurs. Il y a actuellement pénurie de capitaux et tout le monde fait la chasse à l'investissement, précisément pour assurer la croissance et les emplois dans ces pays.

Pourquoi soutenir l'investissement canadien à l'étranger? Exactement pour les mêmes raisons. Dès l'instant où une société s'implante à l'étranger, il y a toutes les chances pour que ses liens avec le pays d'origine créent des emplois et une croissance au niveau des services et produits auxiliaires. Deuxièmement, vu la mondialisation, la capacité de l'entreprise canadienne à soutenir la concurrence de ses rivales est accrue par sa capacité à s'implanter dans un autre pays et un autre marché pour assurer sa croissance dans un environnement global. Voilà pour ce qui est des considérations économiques.

Il y a encore une autre considération très importante, dans un autre contexte. Le Canada est une puissance moyenne. Il n'a pas la capacité des États-Unis à prendre une batte de base-ball et à taper sur la tête de tous ceux qui agissent contrairement à ses intérêts.

Pendant des décennies, nous avons toujours jugé, selon notre perspective, avantageuse l'application de la règle de droit. Il vaut mieux, pour les intérêts économiques canadiens, avoir des règles internationales très précises en matière de commerce, et maintenant, d'investissement. C'est l'application de ces règles par tous qui nous donne la stabilité et la prévisibilité, car nous ne pouvons manier le bâton. Nous n'avons pas assez de poids économique pour manier le bâton.

• 1020

Le président: Monsieur Gero, je crains de devoir vous arrêter. Le temps alloué à ces questions est largement dépassé.

M. John Gero: Mes excuses.

Le président: Nous allons nous limiter à une ou deux questions, car avec toute cette batterie cela deviendrait interminable.

Monsieur Chrétien.

[Français]

M. Jean-Guy Chrétien: J'ai trouvé très pertinentes les questions de mon ami Paul Steckle et j'ai également apprécié vos réponses, qui ont clarifié certaines interrogations que nous pouvions avoir.

Je voudrais revenir cependant sur les juridictions des provinces et rappeler tout d'abord que le Canada a signé à Kyoto des accords pour abaisser le niveau des gaz à effet de serre. À ce sujet, je vous ferai remarquer que l'on n'a consulté que très partiellement les provinces, et vous savez pertinemment que le Canada ne pourra jamais respecter les engagements qu'il a signés à Kyoto s'il n'a pas l'appui des provinces.

Je voudrais vous donner un petit exemple. Admettons qu'une multinationale arrive au Québec avec tous ses dollars et veuille acheter un très grand nombre de fermes. Au Québec, nous avons la Loi sur le zonage agricole. Ils pourraient dire, sous réserve de l'Accord multinational sur l'investissement, qu'ils sont au-dessus de la Loi sur le zonage agricole et qu'ils peuvent faire ce qu'ils veulent, c'est-à-dire subdiviser, construire des maisons ou même transformer des terres agricoles en montagnes pour faire du ski, etc. Je fabule ici, mais vous comprenez très bien ce que je veux dire. Est-ce qu'on aura la garantie que les juridictions provinciales seront totalement respectées?

[Traduction]

M. John Gero: Absolument. Il n'y a rien dans l'AMI, sous aucune forme, qui puisse restreindre l'adoption de lois intérieures, quelles qu'elles soient, ni au niveau provincial, ni au niveau municipal ou fédéral, que ce soit dans le contexte du zonage, des normes sanitaires, de la réglementation sanitaire, etc. La seule disposition dans l'AMI dit que si vous faites cela, vous devez le faire de manière non discriminatoire. Cela signifie que vous faites ce que vous voulez et accordez le traitement national. Si vous avez un zonage agricole, il doit s'appliquer non seulement aux investisseurs canadiens, mais aussi aux investisseurs étrangers.

Même ainsi, comme je l'ai dit au sujet de diverses dispositions, nous avons demandé des exclusions, par exemple pour ce qui est des règles d'aménagement du territoire où plusieurs provinces exercent une discrimination manifeste en réservant la propriété foncière à la population locale. Je peux donc dire catégoriquement qu'il n'y a rien dans l'AMI qui empêcherait aucune instance de promulguer les lois qu'elle veut en matière d'aménagement du territoire etc.

Le président: Merci beaucoup.

Madame Ur.

Mme Rose-Marie Ur (Lambton—Kent—Middlesex, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.

J'aimerais juste un éclaircissement concernant ce que vous avez dit ce matin. J'ai peut-être mal compris lorsque vous avez dit que vous veniez d'informer les gens de l'agriculture sur l'état des négociations. Est-ce qu'ils ne participent pas en continu à la négociation de l'AMI?

M. John Gero: Oui, nous avons des séances d'information régulières avec la FCA. Mes notes indiquent que la dernière a eu lieu le 27 janvier.

Mme Rose-Marie Ur: Très bien pour la FCA, mais qu'en est-il du ministère de l'Agriculture?

M. John Gero: Le ministère? Il participe quotidiennement.

Mme Rose-Marie Ur: Bien.

J'ai été heureuse de vous entendre dire que vous n'alliez pas accepter d'accord restreignant la gestion de l'offre. J'espère qu'il en sera bien ainsi. Quelles mesures de sauvegarde utilisez-vous, comment protégez-vous la gestion de l'offre dans cette négociation?

M. John Gero: Il faudrait passer en revue toutes les dispositions de l'AMI, mais lorsqu'on regarde l'application au Canada des disciplines visées, l'effet réel ou potentiel qu'elles pourraient avoir sur notre système de gestion de l'offre, nous veillons à ce que le texte lui-même n'ait pas de tels effets, ou demandons sa modification. Ou encore, s'il apparaît que nous ne pouvons faire modifier le texte, s'il semble que le texte va rester inchangé, alors nous déposons des réserves canadiennes disant que tel ou tel paragraphe ne s'applique pas à nos mécanismes de gestion de l'offre.

Ce sont donc là les deux méthodes que nous utilisons pour assurer, en substance, que nos obligations internationales prises dans l'AMI ne se répercuteront pas sur la gestion de l'offre et la façon dont nous faisons les choses au Canada.

Mme Rose-Marie Ur: J'espère que le gouvernement a appris sa leçon avec ce qui s'est passé à l'OMC à l'égard du beurre, de l'huile et du sucre. Je suppose que nous n'avions pas anticipé que cela puisse arriver. Nous n'avions pas inséré de clause pour nous donner une plus grande souplesse que ce que nous avons aujourd'hui.

• 1025

C'est le genre de disposition qu'il faudrait peut-être inclure dans l'AMI afin que nous ne soyons pas si limités dans ce que nous pouvons faire.

M. John Gero: Vous avez raison, mais n'oubliez pas que l'AMI porte uniquement sur l'investissement. Il ne concerne pas le commerce des biens ou des services. Il ne touche donc pas les biens et les services. Il s'agit strictement des règles d'investissement.

Mme Rose-Marie Ur: Oui. Je comprends bien. Je songe simplement à la formulation, à l'existence d'une certaine flexibilité.

    La position du Canada est restée inchangée tout au long de ces négociations. Nous voulons un accord qui serve les intérêts canadiens et nous continuons à poursuivre nos objectifs de négociation... de concert avec les pays ayant des conceptions similaires.

Qui sont ces pays ayant une position similaire dont parle le ministre?

M. John Gero: Eh bien, tout dépend du sujet. Par exemple, en ce qui concerne la loi Helms-Burton, comme je l'ai dit, c'est nous les Européens, et virtuellement tous les autres pays, contre les États-Unis. Dans le cas de la culture, par exemple, c'est nous, la France, la Belgique et l'Espagne contre, mettons, les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Allemagne. Donc, selon le sujet, les alliances changent au gré des intérêts économiques.

Dans le contexte de l'agriculture, cette dernière n'est pas un sujet de négociation en soi, si bien qu'il n'y a pas d'alliance à cet égard. Mais tout le monde a l'agriculture en tête lorsqu'on traite, par exemple, des monopoles. Les pays qui ont diverses sociétés commerciales d'État sont manifestement ceux qui veulent s'assurer que le texte relatif aux monopoles ne touche pas leurs sociétés commerciales d'État dans le domaine agricole, par exemple.

Mme Rose-Marie Ur: Les délégations conviennent de la nécessité de poursuivre leur dialogue avec les pays non membres, les cinq pays que vous avez indiqués. Est-ce que cela ralentit le processus d'avoir 29 pays négociant entre eux l'AMI? Quel est l'avantage d'avoir cinq autres pays mettant leur grain de sel alors que, jusqu'à présent, les 29 ne parviennent pas à s'entendre?

M. John Gero: L'avantage, dans l'optique canadienne, est que nous aimerions voir autant de pays que possible signer l'accord sur l'investissement. À l'évidence, plus tôt les pays participeront au processus et plus il leur sera facile de signer.

Oui, c'est difficile avec 29 pays. C'est un peu plus difficile avec 34. À l'OMC, nous sommes rendus à 115 ou 120. Cela devient d'autant plus difficile. Mais notre objectif ultime est que tous les pays du monde signent un ensemble commun de règles d'investissement. C'est pourquoi nous pensons qu'il est important non seulement d'avoir les observateurs mais aussi d'ouvrir la porte à tous ceux qui ne participent pas aux négociations, afin qu'ils voient bien de quoi il retourne et puissent éventuellement signer un tel accord.

Mme Rose-Marie Ur: Nous avons la déclaration du ministre—il la répète souvent et je lui fais confiance—à l'effet que «nous voulons le bon accord au bon moment, pas n'importe quel accord n'importe quand». C'est une bien jolie phrase mais pouvez-vous nous dire ce qu'elle signifie réellement? Quel est le poteau d'arrivée? Quels sont les critères? Quel est ce «bon accord»?

M. John Gero: Il y a là deux éléments. Premièrement, le ministre dit que l'échéance d'avril n'a rien de sacré. Si nous parvenons à un bon accord d'ici avril, tant mieux. Si nous n'y parvenons pas, alors on recule le poteau d'arrivée afin d'avoir plus de temps pour négocier, en fin de compte, le bon accord.

Ce qu'est un bon accord selon l'optique canadienne, le ministre l'a également indiqué dans son discours. Il a énoncé un certain nombre d'éléments qui, s'ils étaient inclus, en feraient un accord défavorable au Canada, notamment sur le plan de la gestion de l'offre.

Voilà donc le contexte dans lequel cette phrase s'inscrit.

Mme Rose-Marie Ur: Je vous remercie.

Le président: Monsieur Proctor.

M. Dick Proctor: Monsieur Gero, y a-t-il quelque chose dans le projet d'AMI concernant la fuite des capitaux? Vous avez parlé de flux d'investissement, mais l'une des choses qui préoccupent de plus en plus les pays en développement, c'est le fait que les sociétés internationales déplacent leurs capitaux et les mettent à l'abri dans des paradis fiscaux, de façon à ne payer d'impôt nulle part.

Y a-t-il quelque chose qui puisse rassurer ceux qui s'inquiètent de cela? On a parlé ces dernières années de taxe Tobin, mais pas beaucoup récemment. Y a-t-il quelque chose dans l'AMI qui rectifierait cet état de choses ou bien l'accord concerne-t-il exclusivement les flux d'investissement?

• 1030

M. John Gero: Non. Nous avons veillé soigneusement, dans le contexte de l'AMI, de ne surtout rien faire qui puisse créer un conflit avec soit le nouvel accord sur les services financiers du GATT soit le fonctionnement du FMI, par exemple. Il y a donc les sauvegardes ordinaires relatives à la balance des paiements, qui permettent aux pays de prendre des mesures de protection susceptibles de freiner les flux d'investissement, pour des raisons fiduciaires etc. Tout cela est donc couvert.

M. Dick Proctor: Dans mon autre question n'intéressant pas l'agriculture, j'aimerais revenir un instant aux provinces. Nous parlons d'elles presque comme si elles représentaient un monolithe, mais si nous y réfléchissons une seconde, nous voyons bien que ce n'est pas le cas. M. Steckle a parlé de leurs politiques différentes en matière d'aménagement du territoire.

On pourrait imaginer une province qui voudrait instaurer un système hospitalier à deux paliers et une société médicale américaine qui voudrait s'implanter, ou bien un conseil scolaire pourrait décider de se faire parrainer par Pepsi Cola ou quelque chose du genre. Est-ce que cela ne revient pas à enfoncer un coin une fois qu'une société est implantée au Canada et vient se plaindre en disant: «nous sommes ici dans la province X mais nous ne pouvons accéder à la province Y parce que ses règles sont différentes»? N'y a-t-il pas là un moyen détourné d'investir la place?

M. John Gero: Non, parce que les réserves que le Canada formulerait au palier fédéral, et sans doute au palier provincial si les gouvernements provinciaux devenaient signataires, garantiraient la possibilité d'adopter et de maintenir toute mesure. Cela signifie que nous pourrions non seulement conserver les mesures actuelles en matière de services sociaux, de santé et d'éducation contraires à l'accord, mais nous réserver la possibilité de prendre de nouvelles mesures à l'avenir. C'est très important aux yeux du Canada.

Par conséquent, dans ce contexte, le fait qu'il y ait des systèmes provinciaux différents importe peu. Si nous avons réservé la faculté pour les provinces d'adopter et de maintenir des mesures en matière de services sociaux, de santé et d'éducation, le fait qu'une société puisse s'implanter au Nouveau-Brunswick mais non en Ontario ne changera rien, car il n'y aura pas d'obligation pour l'Ontario de donner accès à cette société. Celle-ci ne pourra certainement pas invoquer les règles de l'AMI pour ouvrir le marché ontarien à ses investissements.

Le président: Je vous remercie.

Monsieur Calder.

M. Murray Calder: Je vous remercie, monsieur le président. J'ai trouvé cette discussion très intéressante. Nous avons beaucoup parlé de la manière dont nous protégeons la gestion de l'offre dans l'AMI, mais qu'est-ce qui dans l'AMI pourrait lui nuire? Pourrait-il y avoir des répercussions sur les contingents tarifaires?

Mike, vous avez dit que nous avons au Canada une production primaire renommée dans le monde entier. J'en conviens, mais notre secteur de la transformation n'est pas très en vue.

Les États-Unis ne sont pas nécessairement satisfaits du texte actuel. Je songe toujours à une personne là-bas, qui est une sorte de némésis pour l'aviculture, du nom de M. Tyson. Lorsque vous dites que nos usines de transformation vont augmenter de taille, songeons-nous au modèle américain de M. Tyson? Je sais qu'il est renommé dans le monde entier.

Donc, qu'est-ce qui dans l'AMI pourrait se répercuter sur la gestion de l'offre et de quelle manière? Vous avez manifestement cherché à protéger la gestion de l'offre. Quelles objections ont-elles été soulevées dans les négociations de l'AMI contre la gestion de l'offre?

M. Mike Gifford: Un domaine potentiel sont les obligations de résultat. Si un investissement étranger est effectué au Canada, notre gouvernement pourrait dire: «Très bien, pour vous autoriser à investir au Canada, nous exigeons que vous exportiez x p. 100 de votre production». Ce genre d'obligations de résultat, selon la manière dont elles sont formulées, pourraient nuire à la capacité d'un office de commercialisation provincial ou à l'organisme fédéral d'appliquer un système d'exportation optionnel, par exemple, où la production pour la consommation intérieure serait limitée mais libre pour l'exportation. La relation entre l'office de commercialisation et l'abattoir... Actuellement, il n'y a rien dans l'AMI—et les offices de gestion de l'offre et la FCA ont examiné cela de très près—qui puisse toucher les offices de commercialisation, mais ces derniers réfléchissent à toutes les possibilités concevables.

• 1035

C'est pourquoi, avant que le gouvernement canadien n'appose sa signature à Paris ou peut-être à Genève plus tard, nous passerons à la loupe chaque disposition pour déceler toute répercussion éventuelle sur, mettons, un organisme de vente à guichet unique.

En tout cas, pour ce qui est des monopoles, il n'y a rien dans l'ALENA—et nous allons reproduire ce texte dans l'AMI—qui empêche un pays de conserver ou d'introduire un monopole. C'est essentiellement un droit souverain du gouvernement.

Donc, encore une fois, si l'on prend le pire scénario, ou si le libellé pourrait être interprété comme signifiant ceci ou cela, ou si cela pourrait empêcher un organisme de vente à guichet unique de réglementer... voilà le genre de préoccupations.

M. John Gero: Pour prévenir cette dernière éventualité, à savoir que quelque chose puisse être interprété comme... nous—les Européens et un certain nombre d'autres pays—avons disséqué l'article sur les obligations de résultat afin de prévenir une telle possibilité, en assujettissant en quelque sorte l'AMI à l'accord sur l'agriculture de l'OMC, pour bien garantir qu'aucune de ces dispositions ne puissent être interprétée à l'avenir d'une manière contraire à nos intérêts.

M. Murray Calder: Vous me dites donc qu'il y a la possibilité, selon la formulation, qu'il y ait une interaction avec l'accord de l'OMC: ce pourrait être placé dans la boîte bleue, la boîte jaune ou la boîte verte. Est-ce là ce que vous me dites?

M. Mike Gifford: Monsieur le président, en l'occurrence il s'agit des subventions internes, du soutien intérieur. Ce que nous disons c'est qu'à la limite on peut craindre qu'un libellé qui ne vise pas directement l'agriculture ait néanmoins un impact sur l'agriculture, particulièrement dans le cas de la commercialisation ordonnée, parce que cette dernière repose sur une réglementation gouvernementale. Notre souci est d'éviter que le libellé empêche, mettons, un office de commercialisation provincial ou un office fédéral ou national de prendre les règlements qui sont nécessaires au fonctionnement du système de commercialisation ordonnée.

Je pense que c'est cela qui préoccupe la FCA et les offices de commercialisation. C'est ce qui nous préoccupe aussi et c'est pourquoi, chaque fois qu'une modification est apportée au texte, à Paris, nous examinons à la loupe chaque disposition qui pourrait se répercuter sur l'agriculture, pour voir si elle pourrait ou non limiter notre faculté d'avoir des offices de commercialisation provinciaux ou nationaux.

M. Murray Calder: Lorsque je regarde cela, l'une de mes préoccupations concerne l'aviculture. Du fait que la population canadienne vieillit et s'inquiète du cholestérol, nous avons un excédent de viande rouge dans le système et le secteur cherche à trouver une politique d'exportation acceptable. Lorsque cela va commencer, les sociétés de conditionnement vont se tourner vers le marché international et rechercher des contrats internationaux.

Il me semble donc qu'il faudra avoir un système de contrôle afin de suivre ce produit à la trace et s'assurer qu'il quitte bien le pays. S'il ne quitte pas le pays, il va peser sur les prix intérieurs. C'est justement pour cela que nous avons des quotas tarifaires, afin d'éviter la surproduction qui ferait chuter les prix à la ferme. Voilà mon souci.

Donc, vu les préoccupations que je viens d'esquisser, en quoi l'AMI aurait-il un effet sur une politique d'exportation?

• 1040

M. Mike Gifford: Selon le libellé actuel des interdictions ou règles relatives aux obligations de résultat, il n'y a pas de problème. Ce libellé pourrait changer dans le courant des négociations. Tout d'un coup, au lieu de ne pas couvrir la gestion de l'offre, cela pourrait devenir le cas. Je pense que c'est pour cela que tous les intervenants passent à la loupe chaque modification de libellé, pour éviter que l'on se retrouve par inadvertance avec une disposition qui, bien que ne visant pas l'agriculture, aurait pour effet de limiter la capacité du gouvernement de réglementer.

M. Murray Calder: D'accord, je vous remercie.

Le président: Monsieur Hoeppner.

M. Jake Hoeppner: Je vous remercie, monsieur le président.

J'aimerais revenir à la situation des provinces. Je sais que les provinces sont pas mal intéressées. Est-ce que toutes les autres autorités municipales ou infranationales sont exclues, par exemple les États américains? Je sais que si vous allez à Moscou, le maire de Moscou est probablement plus puissant que le gouvernement fédéral lui-même. Est-ce que toutes ces autorités sont exclues de cet Accord sur l'investissement?

M. John Gero: Différents pays abordent cela différemment. Un certain nombre d'États fédéraux européens ont pleinement englobé leurs entités infranationales, sans guère de réserves. Les Américains ont fait une chose réellement intéressante. Ils ont dit que l'accord couvre les États, mais si vous regardez leur liste d'exceptions, on y trouve à peu près tout ce qui peut toucher les États. C'est l'inverse de ce que nous avons fait, puisque nous disons que les provinces ne sont pas couvertes du tout.

À l'évidence, différents pays ont suivi une approche différente. En substance, et bien que nous ayons suivi une méthode différente de celle des Américains, les entités subfédérales d'aucun des deux pays ne sont couvertes.

M. Jake Hoeppner: C'est intéressant.

Une autre chose qui m'a réellement intéressé est ce que vous avez dit des obligations de résultat. Comment les structurez-vous? Quelles sont les conditions, ou quelles sont les lignes directrices ou les poteaux de but pour ces obligations de résultat?

M. John Gero: Il y en a plusieurs types, et ce sont habituellement des conditions d'investissement. Tant dans le contexte de l'OMC que dans celui de l'ALENA, on interdit un certain nombre de ce que l'on appelle les obligations de résultat. Autrement dit, vous ne pouvez dire à quelqu'un qu'il est autorisé à investir à condition que x p. 100 des intrants soient du contenu canadien. C'est contraire tant aux règles actuelles de l'ALENA que de l'OMC.

Il y a donc, en substance, une liste des obligations de résultat ou conditions que l'on ne peut pas imposer à l'investisseur car ce serait une discrimination entre l'investisseur étranger et un ressortissant. C'est ce que visent à faire les obligations de résultat. Donc, l'AMI interdit ce genre de conditions d'investissement, tout comme le fait l'ALENA et comme le fait l'OMC par rapport à ce que l'on appelle les mesures concernant l'investissement et liées au commerce.

M. Jake Hoeppner: Je n'ai qu'une dernière courte question.

Est-ce que ces accords multilatéraux sur l'investissement sont similaires à ce qu'ont fait les États-Unis au début du siècle avec les lois anti-trust pour prévenir la concurrence déloyale au niveau de certaines industries ou entre banques?

M. John Gero: Non, ils ne touchent pas réellement à la politique en matière de concurrence ou à la législation anti-trust. Ils touchent davantage la politique d'investissement que les législations anti-trust.

M. Jake Hoeppner: Ne faut-il pas coordonner les deux, ou bien est-ce que...

M. John Gero: Évidemment, il s'agit d'examiner le texte de près et de veiller à ce que l'on ne nuise pas à la législation actuelle en matière de concurrence, ni la nôtre ni celle des États-Unis ou de tout autre pays.

M. Jake Hoeppner: Merci beaucoup.

Le président: Monsieur Gero, nous avons un énorme territoire qui est utilisé par les provinces canadiennes, et je veux parler de la limite des 200 milles. Quelles répercussions l'AMI comporte-t-il pour la limite des 200 milles?

M. John Gero: Je ne pense pas qu'il y ait de contrainte, car on se situe dans l'un ou l'autre de deux cas de figures. Soit les dispositions actuelles ne sont pas discriminatoires, auquel cas elles ne sont pas visées. S'il y a des dispositions discriminatoires à l'intérieur de la limite des 200 milles, nous en ferons alors l'objet d'exceptions. Je suis sûr que nous sommes prémunis contre cela dans l'ALENA. Si c'est de cela dont vous parlez, il y a certainement plusieurs exceptions relatives aux pêches dans le chapitre sur l'investissement de l'ALENA, par exemple. Nous les reproduirions dans l'AMI.

• 1045

Le président: Si les choses changeaient, si l'AMI et l'OMC se chevauchaient et si ensuite il y avait des modifications de libellé dans l'accord de l'OMC, cela se répercuterait sur les conditions d'investissement de l'AMI.

M. John Gero: Il faudrait considérer cela. Si vous avez un scénario où, mettons, l'AMI était signé dans un an et que dans cinq ou six ans il y ait un accord à l'OMC, à moins d'avoir des dispositions expresses pour exclure l'AMI—et je doute que ce soit le cas, car ce serait essentiellement le même type d'accord, sauf signé par un plus grand nombre de pays—habituellement, dans ce contexte, selon mes juristes—et je ne suis pas juriste—en droit international, c'est le traité le plus récent qui prévaut.

C'est pourquoi, par exemple, même dans le contexte de l'AMI, pour assurer que l'ALENA soit bien le traité applicable entre les États-Unis, le Mexique et nous, nous devrons inclure des dispositions expresses à cet égard, soit sous forme de lettres annexes échangées entre nous trois soit par d'autres dispositions.

Le président: Nous allons terminer avec M. Harvard.

M. John Harvard: J'ai une question en deux parties.

Premièrement, la bande de Maude Barlow essaie de faire croire que si nous signions l'AMI nous n'aurions plus jamais la possibilité de, mettons, rectifier une erreur ou revenir en arrière. J'entends par là que si nous autorisions une société à s'implanter dans un secteur actuellement monopolistique, et que nous décidions ensuite que c'était une erreur ou que nous changions de politique, nous ne pourrions revenir au monopole, même si nous avions le pouvoir législatif de le faire, car le coût de l'indemnisation de ces sociétés serait absolument prohibitif.

Deuxièmement, dans le même ordre d'idées, ils affirment que si, mettons, les producteurs de canola ou de seigle décidaient de recourir aux services de la Commission du blé pour vendre leurs produits, les sociétés de négoce privées actuelles auraient le droit d'être indemnisées. L'indemnisation pour pertes réelles ou pertes de revenu ou profits futurs serait tellement prohibitive, même si nous avions le pouvoir législatif, que nous ne pourrions le faire. Le coût serait trop élevé.

Pouvez-vous répondre à ces deux questions?

M. John Gero: Certainement. À mon sens, je ne pense pas que l'AMI fasse la moindre différence à cet égard, car c'est la loi nationale canadienne qui s'appliquerait. Dans ce contexte, tout ce qui est permis dans le cadre de la loi nationale canadienne le sera aussi dans le cadre de l'AMI. La tribune dans laquelle le différend se réglera sera peut-être différente, mais j'imagine que si, en vertu d'une loi canadienne, le gouvernement canadien mettait fin à l'activité d'une société, si la société était empêchée d'exister à cause du gouvernement canadien ou d'un gouvernement provincial, celle-ci se pourvoirait en justice devant les tribunaux canadiens pour être indemnisée.

M. John Harvard: Même si c'était fait de manière non discriminatoire?

M. John Gero: Dans ce contexte, peu importe que ce soit non discriminatoire ou discriminatoire. La question serait de savoir s'il s'agit d'une confiscation illégale. Si le gouvernement procédait à une confiscation sans indemnisation, il s'exposerait à des poursuites en droit canadien.

M. John Harvard: En quoi cela serait-il différent, dans ce cas, de l'affaire Ethyl Corp.? Nous avons, à toutes fins pratiques, promulgué une loi qui met fin à l'activité de cette société au Canada.

M. John Gero: Non, pas du tout. La loi touche son activité d'une certaine façon, mais nous n'avons pas acculé Ethyl Corp., Ethyl Canada, à la faillite. Nous avons interdit l'un de ses produits, le MMT, mais Ethyl Canada continue à fabriquer un certain nombre d'autres produits.

M. John Harvard: Mais vous pourriez dire la même chose—et je ne veux pas ouvrir un débat avec vous—au sujet de Cargill, ou d'ADM. Si elles vendaient, mettons, du canola et que les producteurs de canola décidaient de placer leur produit sous la Commission du blé, cela ne mettrait pas fin à toute l'activité d'ADM ou de Cargill ou de toute autre grosse société. Elles perdraient seulement une part infinitésimale de leur activité.

M. John Gero: Mike, vous voudrez peut-être répondre à cela dans un contexte différent.

Je me souviens, par exemple, qu'il y a un certain nombre d'années il y a eu un litige en Ontario, lorsque le gouvernement ontarien voulait introduire un régime d'assurance automobile, sur la question de savoir si cela éliminerait de l'Ontario toutes les sociétés d'assurance automobile. Il y a eu toute une controverse sur la question de savoir si le gouvernement ontarien pouvait légalement le faire. Cela n'avait rien à voir avec nos obligations internationales, c'était uniquement au regard de la loi nationale.

• 1050

Je ne suis pas avocat et je ne peux donc vous dire ce que le gouvernement peut ou ne peut pas faire au regard du droit canadien s'agissant de mettre fin à l'activité d'une société par une loi. Mike, pouvez-vous répondre à cela dans le contexte de l'agriculture?

M. Mike Gifford: Monsieur le président, je suppose que la question hypothétique est de savoir, dans l'éventualité où le canola serait placé sous la Commission canadienne du blé et devenait un monopole à l'exportation, comme c'est le cas actuellement du blé et de l'orge, quels seraient les droits d'une société faisant actuellement le négoce du canola?

Peu importe qu'il y ait un accord sur l'investissement ou non. En droit canadien, la société devrait démontrer à la Cour fédérale qu'elle a subi un préjudice financier par suite de... au lieu de pouvoir faire le négoce du canola pour son propre compte, elle agirait comme agent de la Commission et serait rémunérée à la commission. Il faudrait donc pouvoir démontrer à la Cour fédérale que les profits de la société s'en trouveront amoindris.

Si je me souviens bien, monsieur le président, il y a un certain nombre de précédents. Il y avait une société de pêche privée, dans le lac Winnipeg, par exemple. On a créé ensuite l'Office de commercialisation du poisson d'eau douce, qui a eu le monopole des ventes, et cette société a dû fermer ses portes. Si je me souviens bien, elle s'est pourvue devant la Cour fédérale et a été indemnisée.

Je ne pense pas qu'il y ait quoi que ce soit de particulier à cet égard. Manifestement, cela dépend de la gravité des répercussions sur l'entreprise considérée. Si c'est un effet marginal, alors l'indemnisation sera peut-être peu substantielle. Si l'entreprise est littéralement acculée à disparaître à cause de la décision du gouvernement de créer un monopole, alors elle a sans doute de meilleurs arguments à faire valoir devant la Cour fédérale. J'ai l'impression, monsieur le président, que tout dépend de l'ampleur des conséquences économiques de la création du monopole.

M. John Harvard: Dans ce cas, sus à Cargill et compagnie.

Le président: Monsieur Martin, avez-vous quelque chose à dire sur les impôts ce soir, ou bien...

M. Paul Martin (directeur suppléant, Direction de la politique commerciale multilatérale, Direction générale des services à l'industrie et aux marchés, ministère de l'Agriculture et de l'Agro-alimentaire): C'est entièrement secret, je crois.

Le président: Merci beaucoup. Cela a été une matinée pleine d'enseignement, tant pour nous que pour l'industrie, je pense. Nous aurions probablement dû faire cela plus tôt. Merci beaucoup d'être venus.

La séance est levée.