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AGRI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON AGRICULTURE AND AGRI-FOOD

COMITÉ PERMANENT DE L'AGRICULTURE ET DE L'AGROALIMENTAIRE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 24 novembre 1998

• 0904

[Traduction]

Le président (M. John Harvard (Charleswood St. James—Assiniboia, Lib.)): Mesdames et messieurs, nous reprenons nos discussions sur les prochaines négociations de l'OMC dans le domaine de l'agriculture.

• 0905

Nous avons aujourd'hui le plaisir d'accueillir des représentants de trois organismes distincts. Il s'agit de M. Myles Frosst, directeur administratif, Conseil canadien de commercialisation des produits agroalimentaires; de M. Neil Jahnke, président du Comité du commerce international, Canadian Cattlemen's Association; et de M. Ted Allen, quelqu'un de Winnipeg que nous connaissons tous bien, président et président du conseil d'administration, United Grain Growers.

Bonjour, messieurs.

Allez-vous commencer, monsieur Frosst?

M. Myles Frosst (directeur administratif, Conseil canadien de commercialisation des produits agroalimentaires): Volontiers.

Le président: Comme le nom de votre organisme figure en premier sur notre liste, j'ai simplement pensé que c'est vous qui alliez commencer.

M. Myles Frosst: Je n'y vois aucun inconvénient. En fait, je me ferai un plaisir de vous expliquer l'objectif que vise le Conseil canadien de commercialisation des produits agroalimentaires, qui est de porter à 4 p. 100 sa part du marché.

Je suis heureux de me retrouver parmi vous aujourd'hui. Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de vous faire part des vues du Conseil canadien de commercialisation agroalimentaire sur l'avenir commercial de notre industrie. Avant tout, je désire vous féliciter au nom du CCCPA d'avoir décidé de tenir ces audiences. Elles représentent exactement les alliances que le CCCPA prône auprès des gouvernements fédéral et provinciaux. Elles sont un élément essentiel de l'élaboration d'une stratégie de négociation commerciale qui peut prendre en compte les besoins variés d'une industrie hétérogène.

J'aimerais faire porter notre exposé sur trois points. Premièrement, j'aimerais vous expliquer qui est le CCCPA, le Conseil canadien de commercialisation des points agroalimentaires, ainsi que sa vocation. Deuxièmement, j'aimerais vous entretenir de la vision dont vous ont beaucoup parlé d'autres témoins au cours des dernières semaines. Enfin, très brièvement, je veux vous exposer le rôle que cherche à jouer le CCCPA en collaboration avec les gouvernements fédéral et provinciaux ainsi qu'avec d'autres associations en vue de concrétiser cette vision.

Le CCCPA, qui compte 24 membres, représente un vaste éventail de producteurs, d'agriculteurs et de transformateurs canadiens. Je vous transmets les excuses de MM. Ted Bilyea et Ken Matchett, les deux coprésidents de l'association, qui ne peuvent pas être ici aujourd'hui. Je constate cependant que M. Neil Jahnke, l'un de nos membres, est ici aujourd'hui, mais non à titre de membre du CCCPA.

Tous nos membres—les agriculteurs et les transformateurs—s'affairent dans le marché des ventes au pays et à l'étranger. Ensemble, ils exportent ou vendent au Canada des grains, des produits de boulangerie, du lait frais et de transformation, des fromages fins, du porc, de la saucisse, des légumes frais, des frites congelées, des produits de la zoogénétique, des semences et des repas congelés. Et j'en passe. Neil, ai-je oublié quelque chose? En fait, les membres du CCCPA représentent tous les secteurs de l'industrie agroalimentaire.

De par les fonctions qu'ils occupent au sein de petites ou grandes entreprises, qu'il s'agisse d'exploitations agricoles ou de sociétés de transformation alimentaire, les membres du CCCPA sont appelés, chaque jour, à prendre des décisions stratégiques sur la façon et le moment de donner un essor à leurs activités commerciales. Les membres du CCCPA amènent à notre vision diverses perspectives—celles des producteurs et des transformateurs ruraux et urbains du Canada, qu'elles soient fondées ou non sur la gestion des approvisionnements.

Les ministres fédéraux de l'Agriculture et du Commerce international nous ont demandé: de vous faire part de nos perspectives de commercialisation et de notre expérience des marchés intérieurs et internationaux; de vous conseiller sur la croissance des exportations dans le secteur agricole et agroalimentaire grandissant; et ce, avec la collaboration de nos collègues, qu'ils soient des fournisseurs, des concurrents, des distributeurs ou des clients.

Nos membres se sont donnés une vision dont vous avez déjà entendu parler. Le CCCPA met au défi les producteurs et transformateurs de gagner une plus grande part du marché grandissant de l'alimentation. Nous visons 4 p. 100 des exportations agroalimentaires d'ici à 2005. Permettez-moi de vous lire en entier notre objectif.

    Le Conseil canadien de commercialisation des produits agroalimentaires lance le défi aux producteurs et aux transformateurs ainsi qu'aux gouvernements fédéral et provinciaux d'unir leurs efforts en se fixant un objectif de vente de 40 milliards de dollars en exportations de produits primaires et transformés d'ici à 2005. En doublant nos ventes globales actuelles, nous cherchons à accroître à 4 p. 100 la valeur estimée des exportations globales dans le secteur agroalimentaire. Pour atteindre cet objectif, il nous faudra accélérer les exportations de produits à valeur ajoutée, augmentant ainsi les exportations de produits primaires à 16 milliards de dollars et celles des aliments transformés à 24 milliards dans les marchés de produits qui permettront aux producteurs et transformateurs de réaliser des profits intéressants.

• 0910

La vision qui unit tous les intervenants est de porter à 4 p. 100 notre part du marché international. Nous vous enjoignons de prendre en compte cet objectif dans vos décisions à long terme, dans vos priorisations quotidiennes d'objectifs concurrentiels et dans vos choix et dans vos délibérations avec vos collègues.

Les économistes peuvent ne pas s'entendre sur ce qu'est la valeur monétaire d'une part de 4 p. 100, sur ce que sera la croissance exacte du commerce international d'ici à 2005 et sur ce que seront les taux de change. Voilà les variables qui entrent en ligne de compte dans le calcul de l'objectif de 40 milliards de dollars. Il n'en demeure pas moins qu'une part de 4 p. 100 se traduit en 40 milliards de dollars d'exportations d'ici à 2005. Dans le cadre de discussions et lors de colloques que nous avons tenus sur le sujet, les producteurs et les transformateurs membres du CCCPA se sont entendus pour dire que cet objectif est réalisable.

Où essayons-nous d'augmenter notre part du marché? En 1985, les exportations dans le domaine agroalimentaire se chiffraient à 209 milliards de dollars US et en 1996, à 463 milliards de dollars US. La croissance annuelle au cours des dix dernières années a été de 7,9 p. 100. La croissance s'est surtout fait sentir dans les produits à valeur ajoutée. Dans le tableau intitulé «Valeur du marché d'exportation mondial de produits agricoles et d'aliments transformés», vous constaterez que la croissance dans les produits à valeur ajoutée a dépassé la croissance dans les produits transformés. Nous vous invitons à jeter un coup d'oeil sur les statistiques qui accompagnent le graphique.

Il ressort de ces statistiques que la part du marché détenu par le Canada a diminué. Nous sommes à la croisée des chemins. Nous pouvons nous contenter de maintenir comme les dix dernières années notre part du marché à 3 p. 100 et risquer de voir cette part diminuer, avec toutes les conséquences que cela suppose pour les investissements, les emplois et l'économie rurale, ou nous pouvons viser un nouvel objectif ambitieux.

Pourquoi augmenter notre part de marché? L'expérience et des recherches poussées ont démontré que la croissance de la part de marché avait des répercussions bénéfiques sur la profitabilité. Pour nous, cette profitabilité se fait sentir sur la ferme et dans l'usine de transformation. Elle mène à la création d'emplois et permet aux producteurs et aux transformateurs d'attirer des investissements de capitaux. Une plus grande part de marché mène à des prix plus concurrentiels, un atout qui se répercute sur la capacité du secteur d'obtenir une part encore plus grande de la croissance. De plus, les membres du CCCPA sont unanimes à reconnaître que le maintien de l'image avantageuse du Canada à l'étranger passe par une augmentation de notre part du marché.

En dernier lieu, la part de marché en tant que but auquel on peut confronter les décisions prises par le gouvernement en matière de politiques et de programmes constitue une vision sur laquelle les Canadiens exercent un certain contrôle. Les objectifs chiffrés, comme des exportations de 20 milliards de dollars d'ici à 2000, sont davantage soumis aux fluctuations des prix des grains et des taux de change qu'aux programmes et aux politiques établis au Canada.

L'argument qui milite cependant le plus en faveur d'une vision partagée, ce sont les retombées économiques de cette vision tant sur les collectivités rurales que sur les collectivités urbaines. Le CCCPA a demandé au Conference Board de mener une étude sur les répercussions économiques de l'atteinte de notre but. Les chiffres sont éloquents: augmentation du PIB de plus de 20 milliards de dollars; création de 220 000 à 447 000 nouveaux emplois—non pas de nouveaux emplois nets—selon les hypothèses qu'on formule au sujet de la productivité et de la croissance. Voilà qui explique l'écart entre 220 000 et 447 000 emplois.

Il s'agit d'emplois directs sur la ferme et d'emplois indirects chez les fournisseurs et d'emplois induits tributaires du pouvoir d'achat des employés et des investisseurs dans le secteur agricole et agroalimentaire. Ces emplois sont entre autres des emplois du 21e siècle—techniciens pour les programmes de sélection, gestionnaires financiers d'installations agricoles, chercheurs alimentaires et biotechnologiques, ingénieurs chimistes, électriciens et informatiques et spécialistes du conditionnement, de la transformation et de la mise en marché.

• 0915

Les économistes ont de la difficulté à s'entendre sur l'incidence économique précise de l'atteinte de cet objectif, mais le CCCPA estime que le fait de porter notre part du marché à 4 p. 100 et d'inverser le ratio actuel de 40:60 des produits primaires et des produits transformés entraînera d'énormes conséquences.

Parlons maintenant des exportations de produits à valeur ajoutée. Je vous invite à passer quelques pages dans notre mémoire, et vous verrez un graphique qui compare les exportations canadiennes et les exportations américaines de produits en vrac, de produits intermédiaires et de produits axés sur les consommateurs. Vous verrez que les produits axés sur les consommateurs représentent une part importante de nos exportations. Si on les ajoute aux produits intermédiaires, ils représentent 80 p. 100 de nos exportations à destination des États-Unis. Les produits en vrac représentent le reste de nos exportations vers ce pays.

Or, le Canada exporte surtout des produits en vrac vers le reste du monde. En fait, les produits intermédiaires et les produits axés sur les consommateurs ne représentent qu'environ 20 p. 100 du commerce avec les pays autres que les États-Unis. Voilà pourquoi le CCCPA estime que le Canada doit exporter plus de produits à valeur ajoutée pour améliorer sa performance commerciale. Pour atteindre cet objectif, les agriculteurs et les transformateurs canadiens doivent inverser la proportion entre les produits primaires et les produits transformés, qui est actuellement de 60:40.

Le tableau précédent portant sur nos exportations vers les États-Unis montre bien que nous faisons quelque chose de bien. Dans ce cas, qu'est-ce qui entrave notre capacité d'exporter davantage de produits à valeur ajoutée sur d'autres marchés? Le CCCPA a tenu un colloque auquel ont participé 81 dirigeants canadiens du secteur agricole et agroalimentaire pour discuter de notre vision et pour établir les mesures devant être prises pour la concrétiser.

Plusieurs facteurs, dont les suivants, influent sur notre capacité d'accroître notre part du marché. Si nous voulons offrir des produits de premier ordre à des prix de compétitivité mondiale, nous devons trouver des moyens de réduire les coûts des facteurs de production. Nous devons faciliter le commerce interprovincial afin d'attirer des investissements dans les opérations d'échelle efficaces. Nous devons nouer d'autres alliances entre les producteurs et les transformateurs. C'est l'une des mesures sur lesquelles il y a unanimité.

Nous devons mettre l'accent sur la R et D pour améliorer l'infrastructure des transports et nous devons utiliser davantage le logo et l'image de marque du Canada au lieu de l'image provinciale.

Le CCCPA veut cependant insister sur quatre initiatives clés qui permettront d'atteindre l'objectif de 4 p. 100 et d'inverser le rapport 60:40. Ces initiatives portent sur l'accès aux marchés, les obstacles réglementaires, les subventions des pays étrangers, sujets que vous avez abordés dans le cadre de ces audiences exploratoires, et les programmes fiables de promotion du commerce. À notre avis, ces quatre initiatives sont étroitement liées.

En ce qui touche l'accès aux marchés, le succès de notre objectif réside dans un meilleur accès aux marchés en faisant abaisser, lors de la prochaine ronde de l'OMC, les barrières tarifaires et non tarifaires, notamment les barrières sanitaires et phytosanitaires. Nous ne pourrons y arriver sans un effort concerté des administrations fédérale et provinciales ainsi que des producteurs et transformateurs afin d'identifier les entraves nuisant aux exportations actuelles et éventuelles et d'établir ensemble des priorités axées sur le but de 4 p. 100.

La tenue de ces audiences constitue l'une des meilleures façons d'établir quels sont les obstacles à l'accès aux marchés. Parce qu'elles sont publiques et parce que tout ce qui y est dit passe sur l'Internet grâce au site web du comité, les producteurs et les transformateurs qui ne connaissent pas nécessairement les marchés des uns et des autres ont accès rapidement à cette information.

Pour ce qui est des subventions étrangères, les membres du CCCPA exhortent les gouvernements à se préparer pour les prochaines négociations de l'OMC non seulement en essayant de mieux cerner les obstacles à l'accès aux marchés, mais aussi en définissant les outils de soutien du commerce qui ne se limitent pas aux subventions à l'exportation qui sont reconnues par le GATT.

• 0920

Pour ce qui est des obstacles réglementaires, le Canada se conforme à toutes les normes établies par l'industrie. L'industrie estime cependant que le système réglementaire interne est soumis à des pressions. Ainsi, les normes fédérales et provinciales en matière d'inspection de la viande sont compromises par la formule de recouvrement des coûts. Les investisseurs ne savent pas à quoi s'en tenir au sujet de l'évolution de la réglementation. Il reste encore beaucoup à faire à l'échelle internationale pour s'assurer que les exportateurs canadiens ne font pas l'objet de mesures réglementaires politiquement motivées qui n'ont rien à voir avec la santé et la sécurité des consommateurs, en particulier en ce qui touche les produits transgéniques.

À cette fin, le CCCPA collabore avec l'Association des consommateurs du Canada en vue de faire adopter un système réglementaire axé sur le consommateur qui soit acceptable tant au consommateurs qu'aux investisseurs. Ce système s'articulera sur une consultation et un règlement des différends, transparent et prévisible.

Enfin, le quatrième volet de notre stratégie en vue d'atteindre l'objectif de 4 p. 100 repose sur un programme fiable de promotion du commerce. Tant que les subventions des pays étrangers ou les subventions ayant une incidence sur le commerce, qu'elles soient ou non légales aux yeux de l'OMC, nuiront aux exportations canadiennes, les producteurs et les transformateurs canadiens auront besoin d'un programme fiable de promotion du commerce. À titre d'exemple, les petites et moyennes entreprises ont besoin de renseignements opportuns sur les préférences des consommateurs, les besoins en produits et les autres conditions du marché d'exportation. Les grands transformateurs de produits ont besoin que les gouvernements interviennent pour obtenir la réduction des barrières tarifaires et non tarifaires et pour contrer les subventions promotionnelles déloyales des États-Unis. Le CCCPA oeuvre à faire en sorte que l'accès aux marchés, les subventions étrangères et les questions réglementaires soient abordés ensemble dans le cadre d'un bon programme de promotion du commerce.

Avant de terminer, permettez-moi de vous donner quelques précisions au sujet des deux dernières diapositives que vous avez devant vous. Nous avons déjà amorcé l'inversion de la proportion des exportations des produits primaires et transformés, comme le montre l'avant-dernière diapositive. La diapositive suivante indique aussi que nous sommes dans la bonne voie pour accroître la part du marché du Canada. Grâce à votre aide et à ces audiences, nous avons fait un pas déterminant en vue de gagner une plus grande part de la croissance du marché.

Je vous remercie de l'occasion qui m'a été donnée de vous présenter la vision du CCCPA. Je sais qu'un certain nombre de témoins vous ont déjà parlé de la question au cours des dernières semaines. Si vous avez des questions à me poser au sujet de cette vision ou des activités du CCCPA, je serai heureux d'y répondre. Bien que Neil ne soit pas ici à titre de membre du CCCPA, il pourra certainement aussi répondre à vos questions.

Le président: Je vous remercie beaucoup.

Lorsque j'ai souhaité plus tôt la bienvenue à nos témoins, j'ai oublié de mentionner la présence de M. Caldwell, de la Canadian Cattlemen's Association. Excusez-moi, Jim.

M. Jim Caldwell (directeur, Affaires gouvernementales, Canadian Cattlemen's Association): Il n'y a pas de quoi. Je ne suis qu'un employé de l'association.

Le président: Bienvenue quand même.

Je rappelle à nos témoins que cette partie de la réunion se terminera à 11 heures. Je leur demande donc d'être concis dans leur déclaration préliminaire, puisque nous manquons de temps.

Je rappelle aux membres du comité que nous entendrons à 11 heures les représentants de la Commission canadienne du blé. On m'informe qu'ils nous parleront surtout des subventions étrangères, lesquelles sont honnies par l'industrie céréalière, en particulier par l'industrie céréalière canadienne. Je crois que l'exposé de la Commission canadienne du blé vous intéressera, du moins je l'espère.

J'accorde maintenant la parole à M. Neil Jahnke. Bienvenue.

M. Neil Jahnke (président, Comité du commerce international, Canadian Cattlemen's Association): Je vous remercie, monsieur le président.

Je suis président du Comité du commerce international de la CCA. J'essaie cependant à temps plein de tirer ma subsistance de l'élevage de bovins en Saskatchewan. Je suis accompagné aujourd'hui de M. Jim Caldwell, directeur des Affaires gouvernementales de notre association à Ottawa. J'ai une brève déclaration préliminaire à faire et je répondrai ensuite à vos questions.

La CCA représente 100 000 producteurs de bovins au Canada. L'industrie bovine contribue chaque année 20 milliards de dollars à l'économie canadienne. Elle représente la principale source de recettes pour les exploitations agricoles, lesquelles atteignent 5 milliards de dollars. Les producteurs de bovins canadiens exportent chaque année 50 p. 100 de leur production, à destination surtout des États-Unis.

• 0925

Il ne fait aucun doute que le commerce revêt une grande importance pour notre industrie. Je suis sûr que bon nombre d'entre vous savent que notre industrie fait actuellement l'objet de poursuites de la part de producteurs américains. Il s'agit d'une menace très grave pour notre industrie et pour le gagne-pain des producteurs de bovins. Si nous devions perdre ces affaires, cela entraînerait de graves conséquences financières pour notre industrie.

Les exportations de bovins canadiens ont monté en flèche au cours de la dernière décennie. Notre industrie appuie le libre- échange et prône une libéralisation encore plus poussée des échanges mondiaux. Le Canada se situe actuellement au quatrième rang dans le monde pour ce qui est de ses exportations de boeuf. Le Canada est également le plus important importateur de boeuf par habitant. Les importations de boeuf au Canada proviennent surtout de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande. Les États-Unis sont notre principal client pour les bovins et le boeuf. En effet, plus de 96 p. 100 de nos exportations dans ce secteur sont destinées au marché américain.

La CCA veut que les règles du commerce soient aussi claires que possible. Je suis sûr que vous savez que certains États américains utilisent des tactiques commerciales illégales pour arrêter les camions qui transportent du bétail canadien vers les marchés américains. Les gouverneurs de certains États ont réclamé ce genre de chose. Nous croyons comprendre que seul le gouvernement fédéral a compétence en matière de commerce international. Cependant, les gouverneurs ont réussi à perturber le commerce dans leur intérêt politique sans représailles ou réprimandes.

Le Canada doit insister pour obtenir une réforme lors des prochaines discussions bilatérales et multilatérales. Si nous prévoyons accroître les exportations de tous nos produits agricoles, nous devons alors faire d'importants progrès au niveau de l'accès aux marchés et obtenir l'élimination complète des subventions à l'exportation.

Il existe encore de trop nombreux obstacles au commerce. Nous avons, par exemple, la Communauté européenne, qui utilise des règlements sanitaires et phytosanitaires bidon pour empêcher l'accès du boeuf nord-américain à son marché. Entre-temps, l'Union européenne dépense des milliards de dollars pour subventionner ses producteurs, ce qui résulte en d'énormes stocks de boeuf. Puis elle subventionne les exportations, ce qui signifie en fait qu'elle pratique le dumping du boeuf sur les marchés mondiaux. Ce type de mesure empêche complètement le Canada d'exercer une concurrence sur ces marchés. C'est pourquoi nous voulons que l'on y mette fin.

L'industrie des éleveurs de bétail estime qu'il faudrait éliminer les tarifs douaniers, ou du moins les abaisser. À l'heure actuelle, en vertu de l'ALENA, nous profitons du libre-échange au sein des trois pays participants. Cependant, l'Union européenne continue de maintenir des tarifs très élevés sur de nombreux produits, y compris le boeuf, ce qui rend impossible l'accès à son marché. Les pays asiatiques continuent d'abaisser leurs tarifs, mais nous aimerions qu'on accélère le processus.

L'industrie canadienne du boeuf est prête à accepter du boeuf provenant de partout ailleurs dans le monde, à condition qu'il respecte nos normes sanitaires et phytosanitaires. Cependant, nous devons avoir droit à un traitement égal de la part de nos partenaires commerciaux. Par le passé, le Canada a montré la voie en éliminant certains obstacles au commerce, mais ce ne sont pas tous les pays qui lui ont emboîté le pas.

L'Uruguay Round a créé des règles commerciales effectivement. Il a permis d'améliorer la prévisibilité et jusqu'à un certain point la stabilité du marché pour certains produits. L'industrie du boeuf au Canada a reçu un contingent tarifaire de 76 409 tonnes, ce qui signifie que l'importation au Canada de boeuf provenant de pays ne faisant pas partie de l'ALENA doit respecter ce contingent. Cependant, si une plus grande quantité de boeuf est nécessaire, les importateurs peuvent obtenir des permis supplémentaires sans frais. Les importateurs ont reçu un contingent supplémentaire chaque année depuis l'entrée en vigueur de l'accord.

La CCA serait prête à renoncer à son contingent tarifaire si les États-Unis éliminaient un mécanisme semblable. Le Canada ne peut pas supprimer son contingent tarifaire sans que les États-Unis fassent de même. Si nous éliminions notre contingent tarifaire et que les États-Unis limitaient les importations, le boeuf excédentaire sur les marchés mondiaux serait acheminé vers le Canada. C'est ce qui s'est produit par le passé lorsque la Communauté européenne a inondé notre marché.

La CCA est préoccupée par la tendance de plus en plus grande à recourir à l'étiquetage de produits comme obstacle commercial non tarifaire. Les États-Unis ont tâché récemment de faire adopter une loi qui exigerait que les produits importés soient étiquetés de cette manière. On attend toujours que le Congrès américain se prononce à cet égard.

La CCA a toujours privilégié une démarche scientifique dans des questions de ce genre, sa principale préoccupation étant la salubrité des aliments.

En ce qui concerne le bétail qui arrive au pays pour y être immédiatement abattu dans des camions scellés, la CCA privilégie la politique actuelle voulant que le bétail doit satisfaire aux exigences en matière d'hygiène vétérinaire du pays importateur et être ensuite assujetti au règlement sur l'inspection des viandes du pays hôte. Ce bétail peut alors être transformé et vendu comme produit du pays où il est transformé. Tout autre étiquetage devrait être volontaire.

• 0930

En ce qui concerne les bovins sur pied importés pour l'engraissement, la CCA privilégie l'application d'un protocole d'importation d'évaluation scientifique du risque qui facilite le libre-échange tout en protégeant le statut du troupeau exempt de maladies du pays importateur. Une fois que ces bovins sont importés, ils devraient être identifiés, selon le mécanisme d'identification permanente approuvé, par le pays d'origine uniquement à des fins de retraçage de l'origine d'une maladie. Au moment de l'abattage, le bétail fera l'objet de l'inspection fédérale des viandes et pourra être étiqueté comme produit du pays où il est transformé.

En ce qui concerne les produits du boeuf qui sont importés, la CCA privilégie l'étiquetage volontaire du pays d'origine et appuie l'adoption de règlements permettant de s'assurer que les allégations sur l'étiquette sont scientifiques et respectent nos exigences en matière de publicité et d'étiquetage.

Comme je l'ai mentionné, la CCA craint que certains pays ne se servent des exigences en matière d'étiquetage comme moyen d'entraver le commerce. Il est important que le Canada prenne fermement position contre ce type d'incursion en fonction de règles scientifiques pour l'accès aux marchés et fasse la promotion de politiques équivalentes aux nôtres.

Comme je l'ai indiqué au début de mon exposé, les exportations représentent l'avenir de l'industrie du boeuf au Canada. Bien que la consommation en Amérique du Nord puisse augmenter, c'est en Asie que la consommation de protéines connaîtra le plus grand essor. J'ai assumé pendant quelques années la présidence de la Fédération des exportateurs de boeuf, et je sais de première main qu'il existe d'énormes débouchés dans des pays comme le Japon, la Corée et Taïwan, ainsi qu'en République populaire de Chine. En ce qui concerne les pays membres de l'OMC, comme le Japon, nous devons les encourager à abaisser leurs tarifs douaniers et à accroître leurs débouchés.

Je tiens à vous remercier de votre intérêt, et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

Le président: Je vous remercie, monsieur Jahnke.

Je céderai maintenant la parole à Ted Allen, de United Grain Growers. Bonjour, monsieur Allen.

M. Ted Allen (président et président du conseil, United Grain Growers): Je vous remercie, monsieur le président et membres du comité.

Notre organisation est un partisan de longue date du libre-échange et du commerce loyal. Nous avons d'ailleurs confirmé notre position à cet égard lors de l'assemblée annuelle de nos membres au début du mois lorsque 170 représentants agricoles ont adopté à l'unanimité une résolution nous encourageant à réclamer des règles du jeu équitables afin que les producteurs canadiens puissent être compétitifs sur les marchés internationaux. Nos délégués ont également adopté à la majorité une résolution réclamant l'établissement d'une commission du blé volontaire.

Dans votre lettre d'invitation, vous nous demandiez de présenter nos vues sur l'avenir de notre industrie et le rôle du commerce international à cet égard. Notre position en matière commerciale est conforme aux résolutions adoptées lors du sommet commercial Canada-États-Unis qui s'est tenu à Banff au mois de septembre. Ce sommet, auquel ont assisté de nombreux agriculteurs et chefs de file du secteur agricole des deux côtés de la frontière, a adopté un certain nombre de résolutions concernant le commerce international.

Nous aimerions les résumer comme suit: tout d'abord, en ce qui concerne les programmes d'appui intérieurs, nous estimons que tous ces programmes devraient relever de la catégorie dite de la boîte verte, et que l'OMC devrait prendre les mesures nécessaires pour préciser et resserrer davantage les critères dits de la boîte verte. Le total fixé pour les programmes de soutien dits de la boîte verte devraient faire l'objet d'un examen permanent pour donner suite à tout aspect de distorsion.

En ce qui concerne les subventions à l'exportation, les restrictions à l'exportation et les ventes de crédit à l'exportation, nous estimons que les subventions à l'exportation devraient être carrément interdites, que toutes les restrictions à l'importation devraient être éliminées et que l'OMC devrait établir des règles et des disciplines claires régissant les ventes de crédit à l'exportation.

En ce qui concerne l'accès aux marchés, nous estimons que les signataires de l'OMC devraient adopter des politiques commerciales dites zéro-zéro, à savoir que les pays devraient éliminer tous les obstacles tarifaires et non tarifaires en échange de l'élimination de l'ensemble des subventions et des restrictions à l'exportation.

En ce qui concerne les entreprises commerciales d'État, ces entreprises, qu'il s'agisse d'entreprises importatrices ou exportatrices, doivent fonctionner au risque du marché. La participation de producteurs à toute entreprise commerciale d'État devrait être à titre volontaire.

En ce qui concerne la biotechnologie, les signataires de l'OMC devraient établir un processus d'examen et d'approbation scientifique, assorti de délais précis, pour les produits génétiquement modifiés. Les pays membres de l'OMC, en particulier le Canada, les États-Unis, l'Union européenne et le Japon, devraient promouvoir des communications et une coordination efficaces parmi leurs instances de réglementation. L'OMC doit s'assurer que les règlements sur la biotechnologie ne sont pas utilisés comme des obstacles déguisés au commerce.

• 0935

En ce qui concerne certaines préoccupations en matière de commerce, qui sont conformes aux principes généraux que nous avons déjà décrits, nous sommes très préoccupés par un aspect particulier qui présente un grand intérêt pour les producteurs d'avoine canadiens, et en fait les producteurs d'avoine nord-américains. L'Union européenne expédie de grandes quantités d'avoine lourdement subventionnée aux États-Unis depuis un certain temps, et cela a entraîné une énorme baisse des prix de l'avoine pour tous les agriculteurs nord-américains.

Nous trouvons décourageant de voir que sur certaines questions nos négociateurs commerciaux vont jusqu'au bout, mais que dans le cas d'une récolte comme l'avoine, dont le commerce se fait assez équitablement et librement sans subvention ou intervention quelconque du gouvernement, il semble que la réaction de nos négociateurs commerciaux laisse à désirer et frise l'indifférence. Pour être juste envers Agriculture Canada et le ministre, nous en avons discuté avec eux, et on nous a indiqué que ces questions ont été soulevées par le passé auprès des Américains, mais comme bien entendu nous n'étions pas présents lors de ces discussions, nous ignorons si des arguments convaincants ont été présentés. Tout ce que nous savons pour l'instant, c'est qu'il n'en est sorti rien de nouveau.

Certains au Canada ont soutenu que les agissements des Européens sont conformes aux règles de l'OMC. Nous considérons effectivement que c'est sans doute vrai, et bien que l'on puisse faire la même affirmation à propos d'une expédition européenne de 30 000 tonnes d'orge aux États-Unis, les Américains en ont fait un tel incident international que les Européens ont accepté volontairement de cesser ces expéditions. Entre-temps, l'année dernière, environ 750 000 tonnes d'avoine subventionnée ont été importées aux États-Unis sans que le Canada ou les États-Unis protestent. Nous estimons que les négociateurs commerciaux doivent accorder plus d'importance à ce genre de choses.

En ce qui concerne les dispositions obligatoires de la Loi sur la Commission canadienne du blé, nous estimons que toutes les entreprises commerciales d'État, qu'elles fassent de l'importation ou de l'exportation, devraient être assujetties à la discipline du marché concurrentiel et que le seul moyen d'y parvenir est de rendre ces dispositions volontaires.

En ce qui concerne l'amélioration de l'accès mondial aux récoltes génétiquement modifiées, il existe bien entendu des préoccupations légitimes au sujet de telles récoltes sur le plan de la sécurité et de l'étiquetage. Quoi qu'il en soit, il est très clair que les récoltes génétiquement modifiées offrent la possibilité de nourrir d'une manière plus raisonnable et de produire de plus grandes quantités d'aliments à un prix que certaines des populations les plus défavorisées du monde peuvent davantage se permettre. Nous avons été témoins d'exemples où des instances de réglementation en Europe et au Japon ont, à notre avis, utilisé les préoccupations en matière de santé et de salubrité comme obstacles déguisés au libre-échange. C'est pourquoi nous estimons qu'il faut accorder la priorité à ces questions lors des prochaines négociations de l'OMC.

Enfin, alors que nous nous acheminons vers la prochaine série de négociations, le Canada doit s'efforcer d'obtenir un meilleur accès aux marchés, l'élimination des subventions à l'exportation, l'élimination de politiques intérieures qui entraînent la distorsion du commerce, et l'établissement de disciplines de marchés accrues pour les entreprises commerciales d'État. Nous considérons que le Canada doit aussi abandonner sa précédente démarche schizophrène en matière de politique commerciale. Nous ne pouvons pas d'une part faire la promotion du protectionnisme et de la vente à guichet unique, et d'autre part nous attendre à obtenir des concessions importantes en matière de subventions à l'exportation ou d'autres activités qui faussent les échanges.

• 0940

J'aimerais terminer, monsieur le président, en vous faisant part de mon expérience de la dernière série de négociations. J'ai suivi le déroulement de l'ensemble du processus. J'accompagnais nos représentants à Bruxelles lorsque l'Uruguay Round s'est soldé par un échec, et je les accompagnais à Genève lorsque nous avons finalement obtenu gain de cause.

À mon avis, nous avons insisté jusqu'à la fin sur la poursuite d'objectifs qui 12 mois plus tard étaient de toute évidence voués à l'échec. C'est pourquoi le Canada n'a pas réussi à avoir l'influence qu'il aurait voulu avoir sur ces négociations. Les principales victimes de cet échec, lors de cette série de négociations, ont en fait été les producteurs de céréales et d'oléagineux, ainsi que certains producteurs de bétail dans l'ouest du Canada.

Je vous remercie beaucoup de votre attention.

Le président: Je vous remercie, monsieur Allen. Merci à tous.

Nous avons un peu plus d'une heure et quinze minutes pour les questions; donc, sans tarder, nous commencerons par M. Hilstrom. Vous avez sept minutes.

M. Howard Hilstrom (Selkirk—Interlake, Réf.): Je vous remercie, monsieur le président.

Je commencerai par M. Allen, si vous pouvez répondre à cette question. Il me semble que d'importantes sociétés céréalières, y compris, par exemple, Sask Pool, sont en train de conclure des ententes internationales un peu partout au pays pour établir d'importants terminaux. En Colombie, par exemple, Sask Pool en établit un nouveau en collaboration avec une société installée là-bas.

Elle semble se préparer à la mondialisation des marchés, et en fait elle s'y prépare. Il semble également qu'elle se prépare à la disparition éventuelle de la Commission canadienne du blé. Est-ce qu'une commission canadienne du blé volontaire permettrait d'améliorer l'accès aux marchés américains pour les producteurs canadiens, et, dans l'affirmative, pouvez-vous nous dire dans quelle mesure?

M. Ted Allen: C'est évidemment une question qui comporte plusieurs aspects. Je commencerai par dire que l'une des difficultés qu'éprouve une organisation de vente à guichet unique qui est une création de la Couronne, pour ce qui est de traiter des questions commerciales internationales, c'est que cette organisation est plus facilement influencée, si on peut dire, par les questions commerciales internationales. Je dirais qu'il est beaucoup plus difficile pour les Américains d'exercer des pressions sur 150 000 agriculteurs dans l'Ouest canadien, et de les influencer de façon subtile.

Tout désaccord en matière de commerce dans un tel cas devrait être très transparent et ouvert. Il serait alors beaucoup plus difficile d'y donner suite en dehors du contexte des accords commerciaux habituels qui sont en vigueur. Il est important de reconnaître que nos exportations vers les États-Unis n'ont ni enfreint les dispositions de l'ALENA, ni les règles de l'OMC. Nous observons donc ces dispositions, mais les Américains ont continué à utiliser nos exportations à des fins politiques.

En ce qui concerne les questions plus générales de l'avenir de la Commission canadienne du blé, je suis partisan de l'établissement d'une commission volontaire. Je pense qu'il y a de la place pour une telle commission. Je compare la démarche actuelle axée sur le guichet unique adoptée par la commission à l'ancienne démarche privilégiant la poursuite du Nid-de-Corbeau. Lorsqu'il est devenu évident que le Nid-de-Corbeau ne continuerait pas dans sa forme actuelle, il y a eu une période de résistance et d'atermoiement qui a duré de 10 à 15 ans avant que l'on prenne une décision définitive. Lorsque l'on a fini par prendre une décision, les agriculteurs de l'Ouest n'ont pas vraiment obtenu, par suite de ce compromis, autant qu'ils auraient pu si une démarche plus constructive, axée sur la coopération, avait été adoptée plus tôt.

Je pense que la même chose vaut pour la Commission canadienne du blé. Plus longtemps nous résistons au changement qui s'impose, plus l'existence même de l'organisation est compromise.

• 0945

M. Howard Hilstrom: Je vous remercie.

Monsieur Jahnke, les Américains ont dit que le 6 décembre ils allaient bloquer à nouveau la frontière. C'est ce que les agriculteurs du Dakota du Nord ont dit, comme l'a rapporté la presse, et ils l'avaient déjà dit. Que devrait faire notre gouvernement? Devrait-il intervenir dès maintenant ou attendre jusqu'à ce que les agriculteurs mettent leur menace à exécution?

M. Neil Jahnke: Je ne suis pas politicien, ni bureaucrate; donc je ne sais pas vraiment quelle position vous pourriez adopter, mais je pense que le gouvernement est en mesure de déterminer le moment où il devra intervenir. Nous ne pouvons pas de toute évidence rester les bras croisés. Comme vous le savez, nous contestons actuellement une action en compensation et une action antidumping de la part des Américains à l'heure actuelle. Je pense que s'ils obtiennent gain de cause, ils ne bloqueront pas la frontière. S'ils échouent, ils la bloqueront.

Nous avons commencé avec l'affaire de l'étiquetage en juillet. Lorsque nous remportons gain de cause ou mettons l'affaire en veilleuse, ils trouvent autre chose. Donc, oui, de toute évidence nous avons besoin de l'aide du gouvernement pour garder la frontière ouverte.

M. Howard Hilstrom: En ce qui concerne le boeuf et les hormones de croissance naturelle que nous utilisons chez nos bovins d'engraissement, l'Europe a été réprimandée deux ou trois fois pour avoir fait obstruction ou n'avoir pas permis l'importation de notre boeuf sur ses marchés. Ne faudrait-il pas mettre l'accent, avant toute autre discussion à ce sujet, certainement auprès de l'Union européenne, sur le fait qu'elle doit commencer à se conformer aux décisions déjà en vigueur?

M. Neil Jahnke: Je crois que c'est une priorité lorsqu'une décision est rendue. Les Européens ont perdu leur cause, mais continuent d'interdire l'hormone. À quoi servent les règles? Est-ce qu'elles sont trop nombreuses pour être appliquées? Il faut avoir des règles et les appliquer.

M. Howard Hilstrom: Monsieur Frosst, savez-vous si des produits laitiers américains, comme des fromages et du lait industriel, sont importés au Canada?

M. Myles Frosst: Pour être tout à fait franc, je l'ignore. Non, je ne peux pas... En fait, nous importons du yogourt. Et je sais...

M. Howard Hilstrom: Est-ce que le Canada va se retrouver avec un obstacle commercial parce que la BST est autorisée aux États-Unis et non au Canada? Lorsque nous allons essayer d'exporter aux États-Unis, est-ce que nous allons nous heurter à des problèmes commerciaux parce que le Canada a déclaré qu'il n'importerait pas de produits laitiers?

M. Myles Frosst: C'est l'une des raisons pour lesquelles le CCCPA a décidé d'entamer un processus pour déterminer ce qu'exigerait le cadre des réglementations axées sur le consommateur. Donc, oui, nous pourrions avoir un problème de ce genre.

Le président: Vous avez 30 secondes, Howard.

M. Howard Hilstrom: Trente? Est-ce tout? Si vous pouviez me donner plus de temps.

Le président: Vous avez déjà perdu 20 secondes. Je vous les donnerai à la prochaine ronde.

Monsieur Desrochers, vous avez sept minutes.

[Français]

M. Odina Desrochers (Lotbinière, BQ): Mes premiers mots seront pour remercier les témoins de leurs mémoires et des commentaires qu'ils nous ont faits aujourd'hui sur l'importance des traités qui vont concerner la mondialisation et les marchés extérieurs.

Monsieur Frosst, pouvez-vous me dire quelle est la proportion des produits québécois dans vos statistiques?

[Traduction]

M. Myles Frosst: En ce qui concerne la part de marché de 4 p. 100, c'est une statistique globale. Elle n'a pas été ventilée par province. Cependant, nous l'avons ventilée par produit ou par produit obtenu. Cependant, des membres du Québec siègent au CCCPA, y compris, pour l'ensemble du CCCPA, les produits soumis à la gestion de l'offre, qui sont bien représentés au Québec. Mais non, cela n'a pas été ventilé. Nous ne l'avons pas ventilé par province.

[Français]

M. Odina Desrochers: Vous dites que vous faites la promotion et le marketing des produits à l'extérieur. Quelle est la proportion qui vient du Québec, non pas celle que vous envisagez mais celle que vous avez présentement?

[Traduction]

M. Myles Frosst: Je suis désolé, je n'ai pas les données sur les exportations canadiennes totales et la part du Québec. Je pourrais vous obtenir ces renseignements assez rapidement.

• 0950

[Français]

M. Odina Desrochers: Vous êtes bien gentil.

Maintenant, en ce qui concerne les mesures que vous voulez que le gouvernement canadien prenne, vous savez que le Canada est actuellement le pays qui a le mieux respecté les ententes de la ronde de négociations de l'Uruguay. Il a diminué ses mesures intérieures ainsi que ses subsides à l'exportation.

Qu'est-ce que le gouvernement canadien peut faire, maintenant qu'il s'est plié aux conditions des ententes de cette première phase, alors que les pays de l'Europe et les États-Unis sont beaucoup plus lents à respecter les ententes qu'ils ont conclues lors de la ronde de négociations de l'Uruguay?

[Traduction]

M. Myles Frosst: Les membres du CCCPA tiennent avant tout à s'assurer que les accords antérieurs sont respectés et insistent continuellement pour que nos négociateurs et le gouvernement canadien en général en fassent une priorité. En ce qui concerne l'accès aux marchés en vertu des contingents tarifaires, par exemple, nous nous assurons que les États-Unis et l'Union européenne respectent leurs engagements pour faciliter l'accès à leurs marchés.

[Français]

M. Odina Desrochers: Ma question s'adresse à tous les autres panélistes. Vous savez que lors de négociations, on gagne et on perd; on négocie dans ce qu'on appelle le win-win. Le Canada a pris des mesures assez intéressantes pour se conformer à ces ententes, mais les autres pays, soit les États-Unis et les pays d'Europe, ont encore des choses à faire. Si on veut partir sur un pied d'égalité, comment les choses devront-elles se faire? Il ne faudrait pas que les autres pays continuent à ne pas respecter les ententes alors que le Canada le fait.

Les Européens sont actuellement très fermés. Vous parlez de modifier les barrières sanitaires et phytosanitaires. Je pense que c'est là qu'on rencontre le plus de difficultés.

Comment le gouvernement canadien, tout en respectant les ententes de l'Uruguay, se positionnera-t-il si les autres pays n'ont pas encore mis en oeuvre les ententes qu'ils ont conclues il y a quelques années?

[Traduction]

M. Ted Allen: C'est un domaine où ni moi, ni mon entreprise, n'avons beaucoup d'expérience. Mais selon nous, la stratégie relative à la gestion de l'offre au cours de cette ronde consistera à soulever les questions sanitaires et phytosanitaires afin de détourner l'attention des tarifs.

Dans un contexte plus large, je n'adopterais pas cette stratégie, simplement parce que je crois que globalement il y aura un mouvement vers une réduction des tarifs. J'ai fait allusion dans mes observations liminaires à ce qui s'est produit lorsque le Canada a insisté, malgré toutes les preuves du contraire, pour que nous renforcions et précisions l'article 11. Nous nous sommes entêtés jusqu'à la fin, mais nous n'avons rien obtenu.

J'estime qu'il serait beaucoup plus réaliste d'essayer d'élaborer une autre stratégie qui assurerait la prospérité à long terme de ces industries dans le contexte de la mondialisation, qui s'annonce inévitable. Je pense que le Canada jouit de grands avantages dans certaines de ces industries, mais nous devons avoir la souplesse voulue pour trouver notre rôle dans ce vaste environnement.

[Français]

M. Odina Desrochers: Monsieur Allen, quelle serait votre stratégie de rechange? Vous parlez de stratégie. Quelle serait cette stratégie? Qu'est-ce que vous suggérez?

• 0955

[Traduction]

M. Ted Allen: Nous devrions trouver un moyen de démonétariser le système de quotas et de permettre l'expansion de l'installation individuelle afin qu'elle puisse jouir des économies d'échelle nécessaires pour soutenir la concurrence. Le Canada jouit de grands avantages naturels qui permettront à nos industries de rivaliser efficacement dans le marché international, si le régime de subventions à l'étranger est ramené à des proportions très modestes.

Le président: Votre temps est épuisé. Merci.

Monsieur Calder, sept minutes.

M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je dois vous dire, Ted, que vous employez des mots qui soulèvent ma passion en tant qu'aviculteur.

Parlons d'abord des subventions. Nous avons réduit les nôtres, surtout dans la gestion de l'offre. Nous plafonnons à 85 p. 100. Nous nous sommes déjà engagés à cet égard. Pourtant, les États-Unis ont augmenté leur niveau de subventions en 1998 de 15,3 milliards de dollars. Il s'agit de sommes versées en l'espace d'un an. J'ai donc beaucoup d'inquiétude à la veille de la prochaine ronde de négociation.

Il faut démystifier les négociations: c'est un système de compromis. Je cède ceci si vous cédez cela; vous cédez cela si je cède ceci. Nous avons été bons joueurs, et je crois même que nous sommes en avance en ce moment, parce que j'ai entendu la philosophie exprimée devant ce comité selon laquelle nous allons faire du surplace pendant que tout le monde nous rattrape. J'aimerais avoir vos observations à ce sujet.

M. Ted Allen: Je ne pense pas qu'on va nous permettre de le faire. Nous devrions nous concentrer sur l'objectif final, et si cet objectif est d'éliminer les quotas, tout le monde sera alors sur un pied d'égalité. La difficulté sera de maintenir une position concurrentielle tout en cheminant vers cet objectif. Mais en fin de compte, si tout le monde a éliminé ses tarifs et qu'on a un régime commercial très transparent sur le plan des obstacles non tarifaires—et cela comprend les règlements sanitaires et phytosanitaires—je pense que le Canada sera en excellente position. Nous sommes un grand pays commerçant de produits agricoles et de nombreux autres produits et nous profiterons beaucoup d'une libéralisation du commerce international.

M. Murray Calder: Mais ce n'est pas vrai. En 1994, lorsque cela a été signé, on affirmait que la baisse des prix allait freiner la faiblesse des prix, en ce sens que je ne peux produire quelque chose pour rien sans finir par me ruiner. Pourtant, les prix des produits sont faibles parce que les États-Unis subventionnent l'agriculture et que l'Europe fait de même. Il suffit de consulter les sites web de la USDA pour le constater. J'ai toute une liste d'exemples de mesures de soutien qui ont été annoncées au cours des dernières années. Donc, cela se poursuit.

M. Ted Allen: Mais réfléchissez à ce que vous venez de dire. Les prix payés aux agriculteurs européens ne sont pas faibles. Ceux payés aux agriculteurs américains ne sont pas aussi faibles que ceux payés aux agriculteurs canadiens. Donc, selon votre préambule sur le vieux dicton voulant que les prix faibles soient un remède pour les prix faibles, nous observons que les prix sont faibles à certains endroits—au Canada, en Australie et en Argentine. L'agriculteur européen, et dans une moindre mesure l'agriculteur américain, ne vend pas à un prix faible.

M. Murray Calder: Si vous voulez entrer dans ce débat, en ce moment le revenu aux États-Unis, en France, en Espagne et en Italie est en hausse, mais il est en baisse au Canada et en Australie parce que nous n'imitons pas les États-Unis et l'Europe—et je ne sais pas si nous pouvons nous permettre de les imiter.

J'aimerais aborder un autre point en ce qui concerne le CCCPA. Vous dites que vous représentez à la fois les agriculteurs et le secteur de la transformation des aliments. J'ai une question. Au cours des dernières années, par exemple, on a encouragé les éleveurs de porc à accroître leur production parce que nous voulions nous attaquer aux marchés internationaux. Pourtant, ces éleveurs me téléphonent régulièrement pour me dire qu'ils vendent leurs bêtes au prix de 53,50 $ par animal vivant. Ils enregistrent une perte de 50 ou de 60 $. Pourtant, je ne vois pas le prix de vente au détail baisser.

• 1000

Quelqu'un fait des profits, et j'irais même jusqu'à dire que ce sont les transformateurs. Si nous devons former un partenariat entre les agriculteurs et l'industrie de la transformation pour pénétrer les marchés internationaux, ce à quoi je ne m'oppose pas, où est l'équité?

M. Myles Frosst: Ce ne sont pas que les transformateurs. Ces derniers vous diront que les détaillants font aussi un profit, et nous ne...

M. Murray Calder: Nous avons entendu les détaillants, et ils ont dit que c'était de la foutaise.

M. Myles Frosst: Au sein du CCCPA, nous avons des producteurs qui, malgré la baisse désastreuse du prix du porc, continuent d'affirmer que la seule solution à long terme est d'accroître notre part du marché, d'accroître les exportations. À la table du CCCPA, au moins, ces mêmes éleveurs de porc qui éprouvent des difficultés continuent d'affirmer que la seule solution à long terme est de continuer à exporter davantage de produits à valeur ajoutée.

M. Murray Calder: Ce que je n'arrive pas à comprendre, c'est que depuis un an les éleveurs de porc ont un bilan négatif parce qu'ils vendent leurs produits à perte. Le prix à la ferme évolue comme ceci. Le prix de gros continue d'évoluer comme ceci et le prix de détail se trouve juste au-dessus.

Si vous examinez le secteur de la gestion de l'offre, nous sommes les seuls qui n'éprouvent aucun problème en ce moment. Pourquoi? C'est parce que notre production est planifiée. Le prix à la ferme évolue comme ceci, le prix de gros évolue comme ceci, et le prix de détail évolue comme ceci juste au-dessus...

M. Neil Jahnke: Qu'en est-il des exportations?

M. Murray Calder: En fait, nous sommes plus concurrentiels maintenant que les producteurs américains.

M. Myles Frosst: C'est vrai, Charlie; j'ai des chiffres qui le prouvent.

Le président: Un instant, monsieur Frosst.

M. Myles Frosst: Sans entrer dans les détails de la gestion de l'offre, on insiste constamment au sein du CCCPA sur le besoin de forger de meilleures alliances entre les producteurs et les transformateurs. Nos membres disent tous qu'ils n'auraient pas pu créer d'alliances il y a environ cinq ans. Le CCCPA est un moyen qui permet de forger cette alliance.

Le président: Votre temps est écoulé. Merci, monsieur Calder.

Monsieur Proctor, vous avez cinq minutes.

M. Dick Proctor (Palliser, NPD): Monsieur Frosst, je pense que la proposition du CCCPA d'augmenter les exportations agroalimentaires globales à 4 p. 100 d'ici à 2005 ressemble beaucoup à celle des ministres fédéral et provinciaux de l'Agriculture. Je pense qu'il y a une convergence des volontés sur cette question.

Comment pouvez-vous accroître votre part du marché si les agriculteurs ne peuvent rivaliser avec leurs homologues américains et européens?

M. Myles Frosst: En ce qui concerne le consensus des ministres fédéral et provinciaux à l'égard de cet objectif, le CCCPA a pris l'initiative de le leur présenter et de les convaincre.

En ce qui concerne les subventions à l'exportation, c'est un argument clé du CCCPA que nous ne pouvons rivaliser avec les moyens financiers des autres pays, et il faudra discuter des subventions à l'exportation au cours de la prochaine ronde de négociation, et même avant. Cependant, nous affirmons que dans la mesure du possible nous devrions avoir au moins de meilleurs programmes de promotion commerciale pour aider les exportateurs canadiens.

M. Dick Proctor: Pouvez-vous nous dire exactement ce que vous entendez par des programmes mieux définis?

M. Myles Frosst: D'accord. En particulier pour les transformateurs canadiens de taille moyenne qui font beaucoup affaire avec les producteurs canadiens, un exemple serait les tests de produits: le gouvernement devrait verser une aide aux transformateurs pour qu'ils puissent tester leurs produits sur des marchés étrangers, évaluer les prescriptions d'emballage pour ces marchés et déterminer si leurs produits répondent aux besoins des consommateurs. C'est un programme qui n'est pas offert actuellement aux moyennes entreprises.

M. Dick Proctor: Est-ce que, selon votre organisme, vous avez de la difficulté à rivaliser avec d'autres pays parce que trop de frais sont facturés aux producteurs et aux transformateurs au Canada, et que ce n'est peut-être pas le cas aux États-Unis ou ailleurs?

M. Myles Frosst: Le CCPA existe depuis un an. Dès le début, la question du recouvrement des coûts a été soulevée, mais je suis désolé de ne pas l'avoir examiné plus en détail. Cette question a été soulevée, mais nous n'avons pas eu le temps de définir notre position à cet égard.

• 1005

Neil, qui siège au conseil, pourra me corriger si j'ai tort, mais oui, le recouvrement des coûts pose un problème, mais je n'ai aucune donnée à ce sujet.

M. Dick Proctor: Les gens autour de cette table, à part vous, sont des politiciens. Nous nous intéressons toujours aux tendances. La tendance, franchement, illustre une baisse de la part du marché de l'agriculture canadienne au cours des 30 dernières années. Qu'est-ce qui vous pousse donc à croire que vous pourriez l'augmenter de 4 p. 100 au cours des prochaines années?

M. Myles Frosst: Nous affirmons qu'elle diminue parce que, bien que la demande pour l'ensemble des produits agroalimentaires, primaires et transformés, augmente, comme le montre l'un des graphiques dans notre mémoire, nous n'avons pas, jusqu'à très récemment, augmenté nos exportations à valeur ajoutée. Voilà pourquoi. Nous n'avons pas répondu au genre de demande qui augmente, et c'est précisément la raison pour laquelle l'augmentation de 4 p. 100 de notre part du marché ne peut être réalisée que si nous renversons le rapport actuel entre les produits à valeur ajoutée et les produits primaires.

M. Dick Proctor: Avez-vous quelque chose à ajouter à ce sujet, monsieur Jahnke?

M. Neil Jahnke: Oui, je pense que le boeuf est un bon exemple. Par le passé, nous exportions des bovins d'engraissement. Maintenant, nous exportons du boeuf en carton. Ainsi, grâce à la valeur ajoutée, et nous créons des emplois ici, ce changement a eu des répercussions importantes sur la valeur de nos exportations.

M. Dick Proctor: Mais l'allusion au blocus du 6 décembre dans le Dakota du Nord laisse entendre que les agriculteurs américains, entre autres, ne voient pas ce genre de transformation au nord du 49e parallèle. Que pouvons-nous faire pour les aider à changer d'attitude? On a laissé entendre que des bovins américains étaient exportés au Canada pour y être transformés. Pouvez-vous nous dire ce qui se passe?

Le président: Monsieur Jahnke, je vous demanderais de répondre brièvement à cette question, car nous n'avons presque plus de temps.

M. Neil Jahnke: Jim pourra probablement vous répondre mieux que moi, mais oui, nous importons des bovins d'engraissement des États-Unis, nous importons des bovins finis destinés à l'abattoir, et nous importons de l'orge. Je pense que tout le raffut que l'on fait dans les Dakota et au Montana découle simplement du fait qu'ils voient nos camions traverser la frontière, et qu'il y a un manque d'information. Ils ne sont pas au courant de la quantité de boeuf qui est importée en Ontario. Nous n'avons peut-être pas fait du bon travail pour leur expliquer la situation.

Comme je l'ai dit plus tôt dans mes observations, nous voulons faire des échanges et le libre-échange.

Le président: Avant de passer à Mme Ur, monsieur Jahnke, les détaillants et les transformateurs nous ont dit qu'ils ne profitent pas de la baisse des prix des produits. Qu'en est-il des membres de votre association? Est-ce qu'ils profitent de la faiblesse des prix du grain?

M. Neil Jahnke: En tant que cowboy, et de longue date, je déteste toujours voir le prix du grain baisser, parce que je sais que cela est de mauvais augure pour moi. À court terme, ils empochent de l'argent, mais ce n'est pas bon à long terme. La baisse du prix des céréales ne nous réjouit pas.

Le président: Merci.

Madame Ur, cinq minutes.

Mme Rose-Marie Ur (Lambton—Kent—Middlesex, Lib.): Merci, monsieur le président.

Monsieur Frosst, vous dites que votre organisme compte 24 membres, des producteurs et des transformateurs. Quelle est la proportion de producteurs au sein du conseil?

M. Myles Frosst: En ce moment, le conseil compte environ 45 p. 100 de producteurs, et 55 p. 100 de transformateurs. Nous sommes très près d'une représentation égale.

Mme Rose-Marie Ur: Est-ce que tous les groupes de producteurs sont représentés?

M. Myles Frosst: Dans la mesure où 24 personnes peuvent représenter tout le secteur agroalimentaire, oui. Nous sommes en train de recruter quelques membres additionnels.

Mme Rose-Marie Ur: D'accord. Pensez-vous qu'il serait indiqué d'établir des marges de profit, disons, pour le producteur primaire, le transformateur et le détaillant?

M. Myles Frosst: Dans le cadre de l'objectif?

Mme Rose-Marie Ur: Oui, de sorte que si les prix chutent, la baisse se reflétera dans tous les secteurs, comme dans le cas de l'industrie du porc en ce moment. J'ai eu l'occasion d'aller à l'épicerie, et vous avez dit que la situation n'y était pas difficile. Je peux vous dire que le prix du porc n'a pas baissé à l'épicerie, et vous dites que les détaillants n'en tiennent pas compte. J'en ai parlé à des bouchers, et ils m'ont dit que le prix de gros n'avait pas baissé. Je ne sais donc pas qui me dit la vérité.

M. Myles Frosst: Non. Tout ce que j'essayais de dire, c'est...

Mme Rose-Marie Ur: Il y a quelqu'un qui fait de l'argent. Et ce n'est pas l'éleveur de porc.

• 1010

M. Myles Frosst: Je ne l'ai pas nié. Je disais simplement que les transformateurs affirmeront que c'est le détaillant qui fait de l'argent. C'est la seule raison pour laquelle j'ai soulevé ce point.

Vous semblez troublée. J'ai peut-être mal compris votre question.

Mme Rose-Marie Ur: Si vous voulez travailler en collaboration avec les éleveurs et les transformateurs pour faire croître le marché à l'exportation, est-ce qu'il ne serait pas judicieux, pour le dire simplement, d'établir la marge de profit de l'éleveur, du transformateur et du détaillant?

M. Myles Frosst: Nous avons mesuré les répercussions économiques sur l'emploi et le PIB. Nous n'avons pas effectué de recherches sur les répercussions qu'aurait sur le revenu agricole net l'atteinte de l'objectif de 4 p. 100. Si nous avions cette information, elle ferait partie de l'argumentaire sur l'objectif de 4 p. 100.

Est-ce que je crois que les 24 membres établiraient des marges de profit dans le cadre de l'objectif? Je n'en suis pas sûr pour l'instant.

Mme Rose-Marie Ur: Vous dites que vous espérez faire passer le nombre d'emplois de 220 000 à 447 000. Est-ce que vous prévoyez toujours accroître le nombre d'emplois avec le même nombre de producteurs primaires si vous n'êtes pas disposés à établir ce genre de plan d'affaires? Est-ce que le producteur primaire pourra créer ces emplois additionnels, ou est-ce que ces emplois résulteront de la transformation de produits importés au Canada?

M. Myles Frosst: Non. En ce moment, ces emplois additionnels sont répartis également entre le transformateur et le producteur primaire, en d'autres mots, des emplois additionnels sur la ferme et à proximité, et des emplois additionnels dans le secteur de la transformation.

Si je comprends bien, vous dites qu'une partie de l'objectif devrait être révisée sur les marchés qui sont rentables à la fois pour le producteur et le transformateur, et c'est pourquoi je vous ai lu l'objectif en entier. Nous n'avons pas quantifié cette dernière partie dans les marchés rentables pour le producteur et le transformateur.

Mme Rose-Marie Ur: Vous n'aimerez peut-être pas répondre à ma question suivante. Des représentants du secteur de la vente au détail nous ont dit dernièrement que la marge de profit était d'environ 4 ou 5 p. 100. Quelle est-elle pour les transformateurs?

M. Myles Frosst: Je l'ignore.

Mme Rose-Marie Ur: Est-ce que ce n'est pas quelque chose que vous devriez savoir?

M. Myles Frosst: C'est quelque chose que je devrais...

Mme Rose-Marie Ur: Si vous pouviez nous fournir ces renseignements à une date ultérieure, je pense que nous vous en serions tous reconnaissants.

M. Myles Frosst: D'accord. Je le ferai.

Neil.

M. Neil Jahnke: On a beaucoup parlé du prix de détail et du prix touché par l'éleveur. J'élève du bétail, je l'ai fait toute ma vie, et il y a environ huit centres de profit dans le secteur bovin. Personnellement, lorsque le prix baisse à la ferme, je ne veux pas voir immédiatement une baisse du prix au magasin de détail, parce qu'un autre intermédiaire doit faire un profit. On accuse les exploitants d'abattoirs, et je n'en suis pas un, de se remplir les poches et de voler les gens, etc.

L'industrie du boeuf—et je ne connais pas vraiment la situation de l'industrie du porc—a enregistré des pertes considérables pendant de nombreuses années. C'est donc à leur tour d'enregistrer des profits.

Si vous baissez le prix de mon produit, soit celui du boeuf, dans les supermarchés, c'est facile de le faire, mais laissez-moi vous dire, madame, que c'est extrêmement difficile de le hausser après l'avoir abaissé, et cela entraîne tout un débat.

Le président: Merci, madame Ur.

Monsieur Hoeppner, cinq minutes.

M. Jake E. Hoeppner (Portage—Lisgar, Réf.): Merci, monsieur le président.

J'aimerais d'abord m'adresser à M. Jahnke, parce que les éleveurs de bétail sont très indépendants. Il y a environ un an, je crois que vous vous êtes prononcés en faveur du maintien de la commercialisation à comptoir unique afin que vous puissiez maintenir un approvisionnement en fourrage. En 1997, un éleveur de porc s'en est vertement pris à moi parce que j'essayais d'obliger la Commission du blé à rendre des comptes. Je lui ai demandé quelle quantité de céréales il cultivait pour la Commission du blé. Il m'a répondu: «Je ne cultive que de l'orge pour mes porcs, et je veux que le prix des céréales fourragères reste bas.» Eh bien, il les a. Aujourd'hui, il est probablement en train de se noyer dans les céréales. Voilà donc ce qui se produit lorsque l'on bouleverse le régime de marché.

Êtes-vous toujours du même avis, à savoir que la Commission du blé devrait maintenir l'offre?

M. Neil Jahnke: Cela n'a jamais été la position de la Canadian Cattlemen's Association. Il s'agissait d'un membre qui a fait des déclarations que l'organisation n'approuvait pas nécessairement.

M. Jake Hoeppner: Est-ce que cela a été corrigé dans les médias? Je n'ai pas vu grand-chose par écrit.

M. Neil Jahnke: Oui, cela a été corrigé dans les médias.

• 1015

M. Jake Hoeppner: Vos entreprises sont toujours aussi libres qu'on nous l'a laissé croire.

M. Neil Jahnke: Je peux vous l'assurer.

M. Jake Hoeppner: Excellent. Nous avons réalisé quelque chose.

J'ai toujours dit que pour faire monter les prix sur le marché ou à la ferme, est-ce que nous ne réglerions pas un gros problème en liant le salaire des détaillants et des transformateurs au prix à la ferme?

M. Neil Jahnke: Certainement pas sur le plan politique, parce que cela soulèverait un vent de protestations.

M. Jake Hoeppner: Ce serait sûrement le cas, à mon avis.

Je m'adresse maintenant à M. Allen. Comme il travaille dans le secteur des céréales, j'aimerais qu'il me dise quelle sera selon lui l'évolution des prix au cours des six prochains mois.

Il y a une semaine ou deux, j'ai rencontré un agriculteur à Regina, et il me disait qu'il faisait affaire avec une multinationale dans sa région, et un représentant de cette société lui a dit que si la Commission du blé n'existait pas, elle pourrait vendre tout le blé dur que les agriculteurs de l'Ouest du Canada avaient récolté. Il existe un marché, et un prix assez décent. Êtes-vous d'accord avec lui?

M. Ted Allen: J'ignore s'il a tort ou raison; je n'ai pas les connaissances nécessaires dans ce secteur particulier en ce moment. J'estime qu'il est intéressant de noter les cultures qui se vendent à un prix très intéressant depuis un certain temps et celles dont les prix sont en baisse.

Le canola et le lin, et dans une moindre mesure l'avoine—si nous pouvions nous débarrasser des subventions, cela serait beaucoup plus intéressant—mais aussi les pois et les lentilles, ces cultures ont un rendement assez intéressant. Ce sont surtout le blé et l'orge qui ont baissé le plus.

Je pense que la soi-disant crise agricole aux États-Unis est surtout attribuable à la vigueur de leur devise. Le dollar américain est très fort. Au cours actuel du blé, si 3 $ n'en valaient plus que 2, vous seriez encore moins content.

M. Jake Hoeppner: Mon autre question s'adresse également à M. Allen. Nous cultivons beaucoup de blé dur. Nous en avons 25 000 boisseaux en stock en ce moment. Il a été déclassé dans la catégorie 3OC lorsque nous l'avons combiné, à cause encore d'un fusarium. Puis, lorsque nous avons recommencé à le transporter, il est passé dans la catégorie 5OC à cause d'un ergot. J'ai donné des directives pour qu'on le laisse dans les silos.

Nous nous sommes tournés vers la Commission canadienne du blé en vue d'obtenir un rachat. Avez-vous la moindre idée de ce que peut être le prix de rachat du blé dur 5 OC, dont le prix initial est de 1,57 $?

M. Ted Allen: Ce doit être un prix à le jeter à la poubelle.

M. Jake Hoeppner: Il est de 5,12 $. Si le prix de rachat est à ce point élevé, et si c'est là le prix que vous pouvez obtenir pour ce type de grain—n'oublions pas que les agriculteurs et les compagnies céréalières sont censés être traités sur un pied d'égalité au moment du rachat—pourquoi les prix initiaux ne tournent-ils pas autour de 3,50 $ ou 4 $?

M. Ted Allen: Puisque M. Hehn est censé comparaître lors d'une de vos prochaines séances, c'est à lui que vous devriez poser vos questions sur la façon dont fonctionne la commission.

M. Jake Hoeppner: Mais vous faites affaire avec la commission. C'est vous qui exportez la totalité ou la grande majorité des céréales vers les États-Unis, n'est-ce pas?

M. Ted Allen: Non. Nous sommes un des exportateurs accrédités et nous avons droit à une certaine part des exportations. Il se produit généralement ce que nous appelons une transaction adossée: nous obtenons un prix de la commission, et un prix de l'acheteur, ce qui nous laisse une très petite marge de profit comme intermédiaire.

M. Jake Hoeppner: Mais votre marge ne représente pas la différence qu'il y a entre 1,57 $ et 5,12 $, n'est-ce pas?

M. Ted Allen: Non, elle représente plutôt quelques sous à peine.

Le président: Merci.

J'aurais une précision à vous demander, monsieur Allen, avant de passer à M. McCormick. Dans vos propos d'ouverture, vous avez dit que le Canada s'inquiétait de voir de l'orge européenne subventionnée vendue aux États-Unis, mais pas quand il y avait vente d'avoine subventionnée. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi la réaction est différente?

M. Ted Allen: Je ne me suis pas clairement expliqué. J'ai dit que lorsque l'Union européenne a vendu 30 000 tonnes de céréales aux États-Unis les Américains en avaient presque fait un incident international. Entre-temps, on a envoyé aux États-Unis des céréales subventionnées à hauteur de plus d'un quart de million de tonnes pour la campagne agricole actuelle et à hauteur de 750 000 tonnes l'année dernière, sans que personne bronche, ou presque.

• 1020

Il y a une ou deux choses qui expliquent cela. D'abord, comme il n'y a pas d'organisation de producteurs d'avoine aux États-Unis, alors qu'il y en a pour l'orge, j'imagine que... En fait, vous en savez plus là-dessus que moi-même. J'imagine que les organisations de producteurs ont plus d'influence sur les politiciens que les producteurs qui ne sont pas regroupés en organisations. Dans ce cas-ci, cependant, je crois également que les exportations des producteurs d'avoine du Canada subissent les assauts de l'avoine de l'Union européenne, qui fait baisser les prix sur les marchés nord- américains et qui remplace l'avoine du Canada. Le préjudice est double.

Je crois que c'est au Canada à soulever le problème auprès des États-Unis et à faire cause commune avec les Américains. Nous pourrions, dans ce cas-ci, faire front commun contre les Européens, qui inondent les États-Unis de leurs produits subventionnés.

Le président: Ah, je vous avais mal compris. Vous parliez du comportement des Américains, et non pas de celui des Canadiens.

M. Ted Allen: Je crois que les Américains ne veulent pas s'énerver là-dessus. Mais comme c'est un problème nord-américain, le Canada pourrait décider de sensibiliser à la fois nos négociateurs et les Américains à cette question.

Le président: Merci de cette précision.

Monsieur McCormick, vous avez cinq minutes.

M. Larry McCormick (Hastings—Frontenac—Lennox and Addington, Lib.): Merci, monsieur le président.

Messieurs, merci d'avoir comparu. Je sais que je suis arrivé en retard, et que je suis ressorti pour revenir ensuite. J'ai reçu mon premier coup de fil au sujet de la crise agricole ce matin à 7 heures, comme bien d'autres gens aussi, puis je me suis rendu à une réunion de 7 h 30 à 9 heures là-dessus. Nous sommes donc au courant.

Monsieur Jahnke, vous avez dit que le Canada était une grande nation commerçante. En effet, je suis toujours surpris de constater qu'il y a pour un milliard de dollars de produits qui traversent la frontière canado-américaine tous les jours, dans un sens comme dans l'autre; et cela fait du bien de savoir que dans quelques cas nous en ressortons gagnants, comme dans le cas des pièces d'automobiles et de ce que vous avez mentionné. Vous avez également dit , que la situation s'améliorait, que l'on pense aux emplois, à l'arrivée des bovins d'engraissement, à l'exportation du boeuf en carton, ou à l'importation d'orge, dont j'aimerais que vous nous parliez un peu plus.

Il y a deux ou trois ans, je me rappelle qu'un de mes collègues du Nouveau-Brunswick avait posé au ministre de l'époque une excellente question sur l'importation de boeuf subventionné. Il lui avait demandé quelle quantité de boeuf subventionné nous laisserions entrer au Canada l'année suivante. Le ministre lui avait répondu que la quantité diminuait d'une année à l'autre. Soit dit en passant, le ministre en question n'est pas celui d'aujourd'hui; c'était plutôt un autre de mes amis qui vient de votre province.

Comme je n'ai pas eu l'occasion de poser la question l'année suivante, j'aimerais que vous me disiez s'il y a diminution ou pas des importations subventionnées. Voilà pour ma première question.

M. Neil Jahnke: En effet, les importations subventionnées ont été presque complètement éliminées à un moment donné. Le seul boeuf subventionné qui soit importé provient de l'Union européenne, et je ne sais pas quelle est la quantité permise. Je crois que c'est très peu et que...

M. Jim Caldwell: Nous ne recevons actuellement aucun boeuf subventionné de l'Union européenne. Il est évident qu'étant donné le problème de l'ESB aucun boeuf ne nous parvient du Royaume-Uni. L'Union européenne ne nous envoie pas de boeuf, parce que ce n'est pas rentable pour elle de l'expédier jusqu'ici, étant donné le prix trop faible qu'on lui offre.

M. Larry McCormick: Merci.

M. Jim Caldwell: Mais rien ne garantit que l'Union européenne ne nous enverra plus jamais de boeuf, vous avez raison.

M. Larry McCormick: Pour l'instant, nous n'avons pas besoin de garantie, mais nous ne pouvons rien prétendre pour l'avenir.

L'autre soir, j'ai rencontré un Australien qui devait prendre la parole devant un groupe d'Albertains. Lorsque je lui ai demandé quelle serait la teneur de son discours, il m'a répondu que cela ne me plairait pas nécessairement. J'attends toujours de voir la transcription de ce qu'il a dit dans son discours. Il semblerait que les céréaliculteurs canadiens aient parfois beaucoup de mal à concurrencer les céréales produites au Brésil ou en Australie.

Je m'adresse à mon ami éleveur de bétail. Monsieur Jahnke, j'aimerais savoir quel type de bétail vous élevez. J'imagine que vous pouvez élever différentes races. J'ai quelques connaissances qui élèvent beaucoup de Galloway dans votre province, et j'ai d'excellents souvenirs de la Saskatchewan, de la région de Pennant en particulier. Pouvons-nous faire concurrence aux autres? On parle beaucoup du climat et de tous les autres facteurs qui interviennent. Mais une fois la subvention enlevée, pouvons-nous concurrencer l'Australie ou le Brésil, etc.?

M. Neil Jahnke: Certainement, et de façon très efficace. Je connais très bien vos amis qui élèvent des Galloway. Ce sont de mes voisins. Il est certain que nous avons, au Canada, certains avantages distinctifs. En fait, le climat froid dont chacun se plaint est un avantage réel pour l'industrie bovine. En effet, nous ne sommes pas obligés d'élever des bovins qui résistent mieux aux maladies, car le climat élimine de lui-même plusieurs maladies.

• 1025

Le Canada est le grenier du monde. Dans l'Ouest du Canada, nous devrions élever plus de bétail et produire moins de céréales. En fait, les éleveurs de bétail peuvent concurrencer les éleveurs de n'importe quel autre pays du monde, sauf les gouvernements. Par là, j'entends les produits subventionnés par d'autres pays.

M. Larry McCormick: J'en conviens. Vous êtes vous-même un petit entrepreneur: j'espère que la plupart de mes collègues comprennent que l'activité agricole est une entreprise en soi. Or, les petits entrepreneurs nous disent souvent que la meilleure chose à faire pour un gouvernement, c'est de leur laisser le champ libre et de les laisser vaquer à leurs affaires sans s'en mêler.

M. Neil Jahnke: Je suis d'accord.

Le président: Il vous reste 30 secondes.

M. Larry McCormick: J'aimerais que vous me parliez de l'orge qui est importée au Canada. Je sais bien que les échanges commerciaux se font dans les deux sens, mais c'est une question qui a attiré mon attention. Monsieur Allen, pouvez-vous nous en parler?

M. Ted Allen: Il est ironique de constater que tandis que les Américains bloquaient les camions canadiens... et je pense que cela a tout autant à voir avec leurs élections au Congrès qu'avec autre chose...

M. Larry McCormick: Oui.

M. Ted Allen: ...et qu'ils déchaînaient tout un raffut, une des transactions sans doute les plus importantes des dernières années était conclue et l'on expédiait de l'orge américaine dans le sud de l'Alberta. Soit dit en passant, c'est une bonne nouvelle, car l'orge devient de plus en plus un produit à valeur ajoutée, surtout dans les Prairies de l'Ouest. En effet, l'orge sert à la provende destinée aux bovins et aux porcs, à la production de malt et à divers autres usages, à tel point que l'Alberta deviendra sans doute bientôt un importateur net de provende.

Le président: Merci, monsieur McCormick.

Monsieur Desrochers, vous avez cinq minutes.

[Français]

M. Odina Desrochers: J'aimerais relancer le débat sur les enjeux de la mondialisation des marchés là où nous l'avons laissé tout à l'heure. On parle de l'accès au marché, de réduction des subsides et de réduction des mesures intérieures.

J'ai déjà participé à une rencontre du Cairns Group et je connais un peu la position de la Nouvelle-Zélande, de l'Australie, du Brésil. Le but des audiences d'aujourd'hui est de donner une voie au gouvernement canadien: que voulez-vous que le gouvernement canadien négocie en votre nom? Je vous rappelle que les négociations ne se feront pas secteur agricole par secteur agricole, mais plutôt par segment.

Je reviens à la question d'abaisser les tarifs des barrières sanitaires et phytosanitaires. Les Européens sont fermés et les Américains sont des chiens de garde dans leur pays. Qu'est-ce que vous suggérez au Canada pour qu'il puisse avoir les outils nécessaires pour vraiment amorcer les négociations? N'importe qui peut répondre.

[Traduction]

Le président: C'est la conspiration du silence. Allez-y, monsieur Frosst.

M. Myles Frosst: La première chose à faire, pour le Canada, c'est d'agir exactement comme il fait en ce moment: en effet, pour la première fois et beaucoup plus qu'au cours de la dernière ronde, producteurs et transformateurs—ceux qui sont soumis à la gestion des approvisionnements et les autres aussi—commencent enfin à comprendre ce que les uns et les autres cherchent à tirer du commerce international. Ils partagent enfin leurs points de vue et travaillent de concert. Pour la première fois, lors d'une réunion du CCCPA qui se tenait en Alberta et où on discutait de ces questions, on a vu des groupes visés par la gestion de l'approvisionnement et les autres aussi parler des perspectives que leur offraient les exportations et discuter de diverses tactiques à utiliser. Ici même, on peut entendre les mêmes discussions. On constate que conserveurs et producteurs se concertent au sein des associations d'aviculteurs. Même l'industrie laitière envisage la création d'un programme facultatif d'exportations.

On constate donc que les divers groupes et les diverses forces politiques se liguent et essayent de déterminer une position commune, beaucoup plus qu'au cours de la dernière ronde de négociations. Ce faisant, les divers camps gardent toujours dans leur manche leur atout. Mais c'est aussi cette réflexion généralisée qui permet à tous de préparer la position du Canada. C'est le premier pas dans la bonne voie, et il est bel et bien franchi.

• 1030

M. Ted Allen: J'aimerais faire une autre suggestion. Il est très important pour un pays moyen tel que le Canada de se trouver des alliés et de faire front commun avec eux sur plusieurs grandes questions. Que l'on choisisse de faire appel pour ce faire au groupe Cairns ou que l'on choisisse de former une nouvelle coalition, peu importe, mais la seule façon pour le Canada de parler d'une voix unie et forte, c'est d'être logique et cohérent dans sa façon de faire et de se trouver des alliés.

[Français]

M. Odina Desrochers: Est-ce que j'ai encore du temps?

[Traduction]

Le président: Il vous reste un peu plus d'une minute.

[Français]

M. Odina Desrochers: J'aime beaucoup vos réponses, mais elles sont très conceptuelles. Je voudrais qu'on me parle de moyens concrets: consultez, allez-y, etc. On connaît le vocabulaire. En ce qui concerne les trois points importants, l'accès au marché, la réduction des subsides et la réduction des mesures domestiques, quelle est votre position et qu'est-ce que vous avez à suggérer au gouvernement canadien? C'est cela que je veux entendre.

[Traduction]

M. Ted Allen: Laissez-moi revenir à l'erreur que nous avons faite la dernière fois et qui, espérons-le, nous a permis d'en tirer une leçon. Pendant les six mois qui ont précédé la résolution de Genève, alors que les États-unis voulaient pour leur part conclure des ententes bilatérales avec certains pays pour renforcer leur position de négociation auprès de l'Union européenne, le Canada aurait pu saisir sa chance. Je crois personnellement que si le Canada avait conclu une entente bilatérale avec les États-unis sur les céréales et les oléagineux, par exemple, nous aurions pu obtenir de grandes concessions, mais le Canada s'est abstenu de le faire.

Une fois le GATT disparu, plusieurs différends transfrontaliers ont surgi avec les États-unis au sujet du blé dur et de certains produits d'élevage. Ces différends auraient pu être évités dans une large mesure si, au moment de la ronde de négociations, nous avions conclu une entente bilatérale avec les États-unis, comme ceux-ci le souhaitaient ardemment.

Le président: Merci.

Passons à M. McGuire, qui sera suivi de M. Breitkreuz.

M. Joe McGuire (Egmont, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je m'adresse à M. Allen.

Dans votre exposé, vous avez parlé de la biotechnologie. On dit que le Canada ne pourra atteindre son objectif de doubler ses exportations sans l'aide de la biotechnologie. Dans quels secteurs le Canada devrait-il injecter ses ressources? Dans quelle mesure le Canada devrait-il injecter de nouvelles ressources dans cette industrie? Quels secteurs devrait-il favoriser plutôt que d'autres?

M. Ted Allen: À mon avis, le gouvernement n'est pas très doué quand il s'agit de prédire les gagnants et les perdants. Agriculture Canada a adopté la meilleure démarche à ce sujet pour les autres questions relatives à la recherche en cherchant des partenaires qui sont prêts à investir pour prouver leurs convictions. C'est facile de parler, mais pour acheter du whisky, il faut de l'argent. Lorsque les compagnies et les organismes sont prêts à investir leur argent à eux, en plus des fonds d'Agriculture Canada, on sait qu'ils sont sérieux, qu'ils pensent vraiment y gagner quelque chose.

Cela dit, dans le secteur de la recherche, tous les investissements ne donnent pas de bons résultats. Quand la recherche aboutit dans deux ou trois cas sur dix, c'est un bon pourcentage. Ainsi, en finançant la recherche biotechnologique de cette façon là, en recherchant des partenaires, on évite aux fonctionnaires la tâche très difficile qui consiste à prévoir quels seront les gagnants. Et il faut avouer que c'est une tâche où ils ont échoué misérablement. En effet, ce ne sont pas les meilleurs projets qui sont financés, mais plutôt les gens qui savent être les plus convaincants. C'est une opinion personnelle, bien sûr.

M. Joe McGuire: Le système en place, par exemple à Saskatoon avec les grains...

M. Ted Allen: Exactement. Innovation Place.

M. Joe McGuire: Innovation Place. Pensez-vous que ce modèle pourrait être développé?

M. Ted Allen: Je pense que c'est un système utile car il permet de regrouper une masse critique de gens très compétents qui peuvent alors travailler en synergie. À mon avis, c'est le principal avantage d'un endroit comme Innovation Place.

• 1035

M. Joe McGuire: Ce sera un sujet brûlant pour les négociateurs de l'OMC au cours des années qui viennent. À l'heure actuelle, il y a une partie de notre canola que nous ne réussissons pas à exporter en Europe.

M. Ted Allen: Précisément.

M. Joe McGuire: Que peut faire le Canada pour abaisser ce genre de barrières?

M. Ted Allen: C'est un sujet fascinant. C'est un des domaines où l'innovation et le développement de nouveaux produits ont plusieurs longueurs d'avance sur le gouvernement et sur les capacités réglementaires. Tous ces pays ont du mal à comprendre de quoi il s'agit et à décider comment cela doit être traité. Vient ensuite un autre palier de problèmes: la nécessité d'harmoniser l'imposition sur la scène internationale.

Au Japon, ce n'est pas vraiment qu'on ait voulu entraver le commerce, mais les Japonais ne s'attendaient pas à ce que ce produit arrive sur le marché aussi rapidement.

Par contre, avec les Européens c'est différent. Je pense qu'ils prétextent des raisons biotechnologiques pour restreindre le commerce.

Le président: Vous avez terminé?

M. Joe McGuire: Monsieur Frosst?

Le président: Oh, excusez-moi. Allez-y, monsieur Frosst.

M. Miles Frosst: Je voulais seulement dire un mot au sujet de la position des membres du CCCPA qui sont unanimes à faire remarquer que les organismes modifiés génétiquement et les autres problèmes biotechnologiques doivent absolument être réglés dans des tribunes internationales.

Mais par ailleurs vous avez demandé ce que le gouvernement pouvait faire: il peut également assister l'industrie, les producteurs et les conserveurs canadiens à mieux expliquer les avantages de la biotechnologie au public canadien. Les règlements que nous avons pour l'exportation de la biotechnologie ont beau être fondés sur de solides données scientifiques, si le consommateur canadien n'y croit pas, le producteur canadien ne possède pas une bonne base de travail à l'intérieur du pays. Donc, de ce point de vue là, le marché intérieur est également très important.

Le président: Merci, monsieur Frosst.

M. Breitkreuz a la parole pendant cinq minutes.

M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, Réf.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je vous remercie d'être venus.

La crise agricole actuelle met en lumière l'importance du travail que nous faisons ici. Je réfléchissais à ce dont nous avons discuté depuis deux semaines, et je me disais que nous nous disputions entre nous, ce qui n'est pas une bonne chose. On a l'impression que les secteurs en régime de gestion de l'offre, les ECE, les producteurs céréaliers, les industries à valeur ajoutée, etc., sont en train de délimiter leur territoire en prévision de la bataille.

Pensez-vous que nous ayons besoin d'un leadership très fort pour mettre d'accord ces différents groupes d'intérêt en prévision des prochaines négociations? Les agriculteurs se heurtent à de véritables problèmes—il n'y a qu'à voir la crise actuelle des revenus agricoles—à cause des subventions qui existent dans d'autres pays. Si nous voulons avoir une bonne position pour négocier, il va falloir nous occuper de ce problème ici.

Il faut reconnaître que depuis dix minutes c'est un peu ce dont nous parlons. Mais que peut-on faire d'autre pour renforcer notre position? Est-ce qu'un leadership très fort serait utile?

J'ai encore deux questions complémentaires, mais j'aimerais d'abord savoir comment nous pouvons renforcer notre position avant de négocier pour faire baisser les subventions dans d'autres pays.

M. Ted Allen: Vous avez abordé deux sujets: premièrement, on a beaucoup parlé des porcs. C'est un bon exemple des distorsions qui peuvent se produire en ce qui concerne la perception des problèmes.

Comme l'UGG s'occupe dans une certaine mesure de recherches sur la génétique porcine, nous avons l'occasion de parler à des gens du secteur. Ces derniers jours, j'ai parlé à trois éleveurs qui, tous, m'ont dit la même chose au sujet d'un problème majeur: cela n'est pas généralement reconnu, mais la capacité de transformation du porc est insuffisante, c'est le plus gros problème. Autrement dit, l'offre est considérable, et les abattoirs ne réussissent pas à fournir.

• 1040

D'un autre côté, les stocks congelés sont en baisse, il y a donc un étranglement au milieu de la chaîne de production. Cet étranglement a été causé par une décennie de bénéfices faibles pour les conserveurs et est dû également au fait que de nombreuses usines sont vétustes. Certaines d'entre elles ont fermé, ce qui a réduit d'autant la capacité de transformation. Aujourd'hui, comme vous l'avez dit, le consommateur ne voit pas les prix baisser, mais d'un autre côté, les bénéfices des producteurs diminuent. Cette situation s'est vraiment accélérée au cours des deux derniers mois, en très peu de temps, les bénéfices se sont véritablement évaporés.

Je précise qu'il faut éviter d'aborder ces problèmes d'une façon trop simpliste, car tous ont leurs nuances qui sont uniques. C'est un domaine où le leadership fédéral est particulièrement important car aucun des secteurs intéressés ne pourra à lui seul avoir une action déterminante. Il va falloir une démarche très collégiale sous un leadership qui ne peut venir que du gouvernement fédéral.

Le président: Monsieur Frosst.

M. Myles Frosst: À mon avis, le leadership existe. À l'heure actuelle, il est fourni par l'industrie elle-même. Je viens de noter plusieurs groupes: l'Institut des aliments du Canada, l'Alberta Agri-Industry Trade Group, l'Alliance des exportateurs et le groupe des aviculteurs du Canada. Il y a également un groupe à Terre-Neuve qui essaie actuellement de réunir les producteurs et les transformateurs.

Je pense que ce leadership existe dans l'industrie, et par industrie j'entends les agriculteurs et les transformateurs. Si le gouvernement a un rôle à jouer—et les gouvernements provinciaux et fédéral ont tous offert leur aide—c'est en fournissant un certain financement de base pour payer l'expertise nécessaire.

Le président: Monsieur Breitkreuz, votre temps est écoulé. Vous avez eu cinq minutes. Merci.

Monsieur Bonwick.

M. Paul Bonwick (Simcoe—Grey, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je suis d'accord avec M. Breitkreuz et avec les autres: la situation exige un leadership très fort. Cela fait donc plaisir d'entendre les réformistes reconnaître ce fait. Je ne vois pas comment nous pourrions avoir un meilleur leader que celui que nous avons actuellement. Il aurait été difficile de soutenir le secteur mieux qu'il ne l'a fait. Je remercie mes collègues réformistes d'avoir reconnu le leadership du ministre.

M. Larry McCormick: Ils ont applaudi son discours à la Chambre il y a deux semaines.

M. Paul Bonwick: Monsieur Jahnke, il y a environ une demi- heure, vous avez abordé un sujet et j'aurais aimé entendre vos collègues le développer un peu plus. Vous avez mentionné rapidement l'impact des conditions climatiques sur les éleveurs de bovins.

J'aimerais que vos collègues et vous-même développiez un peu cet aspect et que vous nous parliez également des autres micro- éléments de coût et de la façon dont ils deviennent des macrocoûts. Ce que j'aimerais savoir d'une façon générale, c'est si nos concurrents qui font de l'élevage dans des climats plus tempérés, comme en Europe, en Nouvelle-Zélande, en Australie et dans de nombreuses régions des États-Unis, ont un avantage significatif sur les producteurs canadiens en ce qui concerne les coûts de production. Au lieu de voir les choses d'une façon purement verticale et de dire que la maladie est moins un problème pour les éleveurs de bovins dans un climat froid.

J'aimerais que vous nous parliez un peu plus des coûts de production, de fabrication, construction d'étables, matériel nécessaire, carburant, et que vous m'expliquiez un peu mieux si les coûts de production sont plus avantageux dans les climats plus tempérés. Ensuite, si j'en ai le temps, je vous demanderais si vous avez des informations de fond ou bien des études pour étayer votre position.

M. Neil Jahnke: Que je sache, aucune étude n'a été effectuée, mais je peux me tromper.

D'après mon expérience personnelle, je peux vous dire que du sud-ouest de la Saskatchewan jusqu'au Nouveau Mexique, les coûts de production sont virtuellement identiques, mais ils se répartissent différemment. J'achète des presses à fourrage, et là-bas, ils installent des éoliennes, mais nos coûts sont virtuellement identiques. Nous achetons un peu de fourrage pour l'hiver et de leur côté, ils ont besoin d'insecticides pour leur bétail.

• 1045

Notre gros avantage, c'est le type de bétail qu'on peut élever dans les climats nordiques, et qui ne peut pas être élevé dans le Sud, ce que j'appelle l'influence de la race. La qualité de notre produit nous donne de gros avantages. Le bétail de meilleure qualité s'élève mieux dans les climats froids, ce qui est un avantage. Vous pouvez tenir compte de tous les aspects, mais je peux vous dire qu'en ma qualité de président de la Canada Beef Export Federation, lorsque j'essayais de vendre du boeuf en Asie, c'était un de nos gros arguments de vente contre nos concurrents américains et australiens: notre boeuf est plus uniforme car c'est un boeuf de meilleure qualité.

M. Paul Bonwick: Reste-t-il du temps pour un complément de réponse?

Le président: Il reste une minute.

M. Jim Caldwell: Un complément très rapidement, comme Neil l'a dit, les coûts sont à peu près les mêmes, mais certaines choses ont été faites. Je le répète, dans le sud de l'Alberta, au sud de Calgary, on trouve la région de l'Amérique du Nord où l'alimentation du bétail coûte le moins cher. Cargill d'abord, et IBP tout de suite derrière, sont probablement les deux usines de conditionnement des viandes les plus efficientes en Amérique du Nord, et peut-être même dans le monde. Nous sommes donc en train de nous doter d'usines de qualité mondiale à la mesure de notre bétail, et si nous voulons exporter, c'est exactement ce que nous devons faire.

Le président: Il vous reste une demi-minute, si vous le voulez, monsieur Allen.

M. Ted Allen: Je suis d'accord quand vous dites que les coûts sont répartis différemment, mais qu'au total cela revient plus ou moins au même à l'heure actuelle. Toutefois, il importe de ne pas nous reposer sur nos lauriers, il faut à tous prix insister pour réduire nos coûts, parce que c'est précisément ce que nos concurrents vont faire, et également à cause de la différence énorme qui existe sur le plan fiscal.

Le président: Excellent.

J'ai encore deux noms sur ma liste, j'espère pourvoir leur donner la parole à tous les deux. Il s'agit de M. Hilstrom, suivi de M. Penson, je crois, ou d'un autre intervenant réformiste.

M. Howard Hilstrom: Je cède la parole à mon collègue.

Le président: D'accord. Au Parti réformiste.

M. Charlie Penson (Peace River, Réf.): Merci, monsieur le président.

Il me semble que dans une certaine mesure nous passons à côté du but de notre discussion de ce matin. Je croyais que nous allions parler des futures négociations de l'agriculture à l'Organisation mondiale du commerce. Ces négociations doivent avoir lieu l'an prochain. Je suis étonné, monsieur le président, que nous ne parlions pas de donner aux négociateurs commerciaux du Canada une position crédible.

Notre comité a entendu des points de vue très divers sur ce qui devrait être fait, de la gestion de l'offre à la réduction des tarifs dans ce secteur. Nos témoins de ce matin nous disent qu'ils souhaitent une plus grande libéralisation des échanges commerciaux, une telle mesure serait avantageuse pour le Canada car leur secteur n'est pratiquement pas assujetti aux tarifs et est dénué de subventions.

J'ajouterai en toile de fond que, comme nous le savons tous, l'agriculture canadienne est en pleine crise, surtout le secteur des céréales, qui subit le contre coup des énormes subventions versées par l'Union européenne et les États-Unis, tant sur le marché national que des exportations.

Comment peut-on arriver à une position crédible, compte tenu de cette divergence d'opinions? Il faut donner des armes aux négociateurs canadiens, et si nous nous présentons à la table de négociations pour demander une plus grande marge de manoeuvre pour aider les éleveurs et les producteurs de céréales mais que nous disons également que nous ne demandons rien au sujet des tarifs de 350 p. 100, comment notre position peut-elle être crédible?

M. Ted Allen: Ce n'est pas possible. Comme je l'ai dit dans mes observations précédentes, nous devons avoir au Canada une stratégie qui puisse être appliquée à tous les secteurs. J'ai dit que ce n'était pas le cas lors des dernières négociations et que nous avons conservé nos oeillères jusqu'à ce que nous ayons sombré dans l'abîme. J'espère sincèrement que nous en avons tiré une leçon pour cette fois-ci et que nous élaborerons une stratégie qui puisse réussir dans un milieu plus vaste. Parallèlement, il faudra évidemment que tous les secteurs soient prêts à faire certaines concessions pour que la stratégie réussisse d'une façon générale.

• 1050

M. Charlie Penson: Comme nous le savons tous, il y aura deux négociations en l'an 2000, celle du secteur des services et celle de l'agriculture. Certains semblent dire qu'il faudrait traiter davantage de questions dans le cadre d'une négociation générale afin de donner plus de marge de manoeuvre à certains pays, dont ceux du bloc de l'Union européenne. Autrement dit, si ces pays savent qu'ils doivent abandonner certaines de leurs subventions agricoles de toutes façons, le fait d'inclure davantage de questions dans les négociations pourrait les aider à faire accepter l'abolition des subventions dans leur propre pays, ce qui pourrait être avantageux pour nous.

Croyez-vous que le Canada devrait dans le domaine de l'agriculture adopter une approche sectorielle qui lui permette de traiter ce domaine de façon isolée ou devrions-nous essayer de participer à une négociation plus générale?

M. Ted Allen: D'instinct, je crois que nous devrions essayer de participer à une négociation générale. Je ne suis pas un expert dans ce domaine, je laisserai donc ceux qui en connaissent davantage répondre à la question.

M. Jim Caldwell: Je ne veux pas non plus faire de supposition. Lors des dernières négociations, on avait parlé d'utiliser des entreprises comme Toyota et Honda pour obtenir certaines concessions dans le domaine agricole. Nous pourrions le faire au sujet des voitures. Cela devient très compliqué. Tout comme M. Allen, je n'ai pas suffisamment d'expérience dans ce domaine pour savoir s'il vaudrait mieux ou pas avoir une négociation plus générale. Certains secteurs en seraient fort aise.

Monsieur Penson, à titre d'observation avant de conclure, le fait est que le Canada a besoin du commerce. Nous sommes dans la même situation que l'Autralie et la Nouvelle-Zélande du fait que nous devons vendre nos produits agricoles dans le cadre du groupe de Cairns. Ce n'est pas le cas de l'Union européenne et des États- Unis. Nous devons sans cesse exercer des pressions pour les amener à négocier et nous assurer d'obtenir ce que nous voulons.

M. Allen et moi étions tous deux à Genève lors des dernières négociations. La situation sera de nouveau la même. Si ces pays ne veulent pas bouger, il est très difficile de les y obliger.

Mais nous avons besoin du commerce. Notre secteur, par exemple, exporte 99 p. 100 de sa production aux États-Unis. Aucun autre pays ne le fait. Nous ne sommes peut-être pas d'accord avec ce que font les Américains et nous souhaitons peut-être qu'ils changent leur tactique, mais quelles mesures de représailles pouvons-nous prendre? Si nous refusons d'acheter leur boeuf, nous nous faisons du tort car nous leur en vendons trois fois plus. Il ne faut pas renoncer, il faut continuer d'exercer des pressions constantes.

Pour ce qui est de M. Calder et de la gestion de l'offre, les éleveurs canadiens ne se sont jamais opposés à la gestion de l'offre. Nous n'en voulons pas dans notre industrie, mais si les éleveurs en veulent... Tout cela sous réserve de ce que, au moment des négociations, cela ne nous empêche pas d'obtenir quelque chose que nous voulons particulièrement. Nous ne nous sommes jamais opposés au libre-échange.

Le président: Je suis désolé d'avoir donné de faux espoirs aux représentants du Parti réformiste. J'ai oublié de donner la parole à M. Proctor. Monsieur Proctor, c'est vous qui poserez les dernières questions.

M. Dick Proctor: Merci beaucoup.

J'ai trois brèves questions à poser à M. Allen. Je les poserai toutes les trois ensemble et il pourra choisir lesquelles sont pour lui les plus importantes.

En réponse à une question précédente, vous avez dit que les prix du blé et de l'orge avaient été les plus touchés. J'aimerais que vous m'expliquiez pourquoi. Est-ce dû au fait qu'à l'heure actuelle les subventions versées par les Américains aux producteurs de blé sont cinq fois supérieures ou y a-t-il d'autres facteurs en cause?

Voici ma deuxième question. Vous avez participé aux négociations de 1993. Lorsque le ministre Vanclief a comparu devant notre comité, le mois dernier, il a déclaré, grosso modo, que les États-Unis et l'Union européenne respectaient les dispositions du GATT. Croyez-vous que le gouvernement canadien a cessé d'appuyer ou de subventionner les producteurs au-delà des obligations qu'il avait contractées dans l'accord du GATT de 1993-1994?

Et voici ma dernière question. Le ministre a déclaré tout l'automne que le blocus du midwest était dû aux élections américaines de mi-mandat, dont la campagne s'est terminée le 3 novembre. Si nous sommes confrontés à un nouveau blocus, est-ce dû au fait que les campagnes électorales américaines durent 23 mois ou est-ce dû à d'autres facteurs?

Merci.

M. Ted Allen: Je vais répondre à vos questions dans l'ordre où vous les avez posées.

Le prix du blé et de l'orge dépend dans une grande mesure de l'offre et de la demande, mais si l'offre est si élevée, c'est en raison de régimes de subventions antérieures qui existaient aux États-Unis et, plus particulièrement, en Europe.

Ma réponse sera brève, car je suis sûr que la Commission canadienne du blé vous en dira davantage. J'ai néanmoins l'impression que l'offre de blé pourrait plus tard s'aligner davantage sur la demande.

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Pour ce qui est du respect des obligations du GATT par les États-Unis et l'Union européenne, c'est exact. C'est exact dans une large mesure, si l'on ne tient pas compte des efforts qu'ils ont déployés pour chercher la petite bête et contester les définitions.

Le Canada en a-t-il exagéré? Cela ne fait aucun doute. L'abolition de la subvention du Nid de corbeau à elle seule dépassait de loin nos obligations.

Pour la question du blocus—vous m'excuserez, puisque j'étais à l'étranger pendant deux semaines et j'ai un peu perdu la situation de vue—là aussi, j'ai l'impression d'instinct que cela dépendait dans une grande mesure des élections au Congrès. Toutefois, lorsqu'une stratégie politique remporte un tel succès—et ces gens-là ont tous été réélus, ils ont tous semblé être des héros pour avoir battu un homme de paille—vous êtes mieux qualifié que moi pour savoir si les politiques peuvent être encouragées à continuer d'appliquer cette stratégie.

À ce propos, dans le cas de l'avoine, non seulement nous avons écrit au gouvernement du Canada et au ministre, mais aussi à certains de ces gouverneurs et commerçants américains. Nous leur avons tous écrit au sujet de cette question de l'avoine et nous exigeons une réponse. Jusqu'à présent, aucun d'eux ne nous a répondu.

Le président: Merci.

Monsieur Allen, vous conseillez à nos négociateurs à l'OMC de mettre sur pied une stratégie qui, pour reprendre vos termes, s'applique à tous les secteurs. Je vous rappelle que nos négociateurs sont des êtres humains et que ce que vous réclamez, c'est peut-être une intervention divine.

M. Ted Allen: J'ai sans doute aidé les négociateurs dans une certaine mesure en disant qu'il faudra faire des concessions du côté de la gestion de l'offre, entre autres. S'ils sont prêts à faire des concessions, ils auront de meilleures chances. Ce sont des gens réalistes quant à leurs possibilités et qui, de ce fait, n'adopteront pas des positions extrêmes et rigides.

Le président: Merci.

Merci à vous tous. Merci aux membres du comité d'avoir posé des questions brèves et concises. Merci à nos témoins. Vous avez été très éloquents.

Chers collègues, nous allons faire une pause de cinq minutes, puis nous entendrons la Commission canadienne du blé. La séance est levée.