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AGRI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON AGRICULTURE AND AGRI-FOOD

COMITÉ PERMANENT DE L'AGRICULTURE ET DE L'AGROALIMENTAIRE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 22 octobre 1998

• 0802

[Traduction]

Le président (M. John Harvard (Charleswood St. James—Assiniboia, Lib.)): Chers collègues, la séance est ouverte. Je m'excuse d'avoir convoqué la réunion si tôt, mais je n'ai pu faire autrement. Le ministre a d'autres engagements aujourd'hui.

Alors, commençons sans plus tarder. Le ministre n'est avec nous que pour une heure. Je lui céderai la parole dans un instant, puis, il répondra à vos très importantes questions.

Mais d'abord, une petite question d'ordre administratif. Si possible, j'aimerais lever la séance vers 10 h 30 afin que nous puissions consacrer les 30 dernières minutes—soit jusqu'à 11 heures, heure à laquelle nous devons libérer la salle—à une séance à huis clos du comité de direction qui pourra alors régler deux ou trois questions de calendrier. Je vous prie de garder cela à l'esprit.

Revenons-en au ministre. Bien sûr, il témoigne dans le cadre de notre série de rencontres—que nous appelons nos séances «Prendre note»—sur les négociations prochaines de l'OMC qui commenceront dans un peu plus d'un an. Ce sont des audiences importantes. J'invite donc le ministre... et, bien sûr, le sous-ministre, M. Claydon, et Mike Gifford, le négociateur en chef, à prendre la parole. Le titre juste de M. Gifford est directeur général des politiques de commerce international.

Je voulais m'assurer de vous donner le bon titre, Mike.

Bon. Cédons la parole au ministre. Bonjour.

L'hon. Lyle Vanclief (ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Bonjour, monsieur le président.

Tout d'abord, je tiens à vous féliciter pour votre élection à titre de président du comité. À l'intention des membres du comité, anciens et nouveaux, je dirai que je suis impatient de travailler avec vous dans les semaines et les mois à venir, car votre comité et le secteur de l'agriculture et de l'agroalimentaire des régions rurales du Canada devront traiter d'enjeux très importants.

Je vous remercie de m'avoir invité. Malheureusement, en raison d'engagements au Cabinet, je n'ai qu'une heure à vous consacrer. Je dois assister à une réunion du Cabinet à 9 heures. Je veux faire quelques remarques liminaires, mais je vous dirai d'abord que je suis heureux d'être le premier à comparaître à ces audiences qui permettront de sonder l'opinion du secteur de l'agriculture et de l'agroalimentaire sur les prochaines négociations en agriculture de l'OMC.

Je voudrais souligner—bien que cela ne soit pas nécessaire—que vous amorcez aujourd'hui un processus très important. Nous devons travailler tous ensemble pour avoir une vision à long terme pour notre secteur au Canada. Pour établir les liens avec tous les autres enjeux et toutes les autres réalités qui existent, nous devons, collectivement, créer pour notre secteur un milieu propice à la croissance et à la consolidation. Je sais que vous vous rappelez que lors de la signature des ententes de l'Uruguay Round en 1994 par le Canada et les autres pays membres de l'OMC, nous avions convenu d'entamer une nouvelle série de négociations commerciales multilatérales en agriculture avant la fin de 1999. Ces négociations poursuivront le processus de réforme entamé lors de l'Uruguay Round.

• 0805

Le Canada est une nation commerçante. Les exportations de biens et de services représentent actuellement plus de 37 p. 100 du produit intérieur brut du pays. En agriculture, au niveau du producteur primaire, qui constitue bien sûr le commencement de tout ce qui se fait dans le secteur agricole et agroalimentaire au Canada, les échanges commerciaux représentent de 48 p. 100 à 50 p. 100 du revenu moyen à la ferme des agriculteurs canadiens. Ce pourcentage varie d'un produit à l'autre, mais, en moyenne, il est d'un peu moins de 50 p. 100.

Dans l'ensemble, un travailleur canadien sur trois doit son emploi au succès que remporte le Canada sur le marché mondial. Nous avons dépassé—et lorsque je dis «nous», cela comprend le secteur, les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral ensemble—l'objectif de 20 milliards de dollars d'exportations que s'était fixé le secteur agroalimentaire canadien en 1996, et ce, quatre ans avant l'échéance prévue.

Nous collaborons avec un secteur national d'une valeur de 90 milliards de dollars, outre les exportations, qui sont considérables. Maintenant, le secteur et le Conseil canadien de commercialisation agroalimentaire désirent amener à 4 p. 100 d'ici à l'an 2005 la part détenue par le Canada sur les marchés mondiaux des produits agricoles et agroalimentaires. Cette part est actuellement, je crois, d'un peu plus de 3 p. 100, mais on croit pouvoir atteindre 4 p. 100 des échanges commerciaux agricoles et agroalimentaires d'ici l'an 2005.

Il est donc clair que les pourparlers commerciaux à venir revêtent une grande importance pour nous et, pour que le Canada influe sur leur orientation, nous devrons les entamer avec une position de négociation forte, unifiée et crédible. À défaut d'une telle position, nous risquons d'être marginalisés dès le début du processus. Nous risquons de nous faire imposer un aboutissement négocié qui ne servira peut-être pas au mieux nos intérêts.

Pour que la position initiale de négociation du Canada témoigne du large éventail d'intérêts commerciaux qui composent notre secteur agricole et agroalimentaire, je me suis engagé envers le secteur et mes collègues provinciaux à ce que le gouvernement fédéral mène une consultation approfondie auprès d'eux. Depuis à peu près un an, Agriculture et Agroalimentaire Canada encourage activement la tenue d'un débat éclairé au sein du secteur sur la façon dont la prochaine série de pourparlers de l'OMC pourrait aider le secteur à réaliser ses objectifs de croissance économique. Cette question a été soulevée ici même il y a quelques mois, je crois, lorsqu'un membre de votre comité a présenté une motion proposant votre participation active.

Je suis tout à fait ouvert à ce genre de suggestions et, je le répète, ces audiences-ci donnent aux intervenants leur première occasion d'exposer plus publiquement leurs intérêts. Ces audiences sont un forum où les divers segments de la chaîne agroalimentaire feront part de leurs vues sur trois questions cruciales. Premièrement, quels sont leurs objectifs à long terme de croissance économique? Deuxièmement, de quelle façon la prochaine série de pourparlers de l'OMC pourrait-elle les aider à réaliser leurs objectifs à long terme? Troisièmement, quelles priorités devrait se fixer le Canada pour ces négociations? C'est seulement après avoir recueilli ces renseignements que nous serons en mesure d'élaborer une position de négociation forte qui témoignera des intérêts de l'ensemble du secteur agroalimentaire.

Je suis ravi que le taux de réponse à l'invitation du comité soit si élevé. Un tel intérêt indique que le processus de consultation est déjà engagé sur une très bonne voie. Il est crucial que toutes les composantes du secteur agricole et agroalimentaire se fassent entendre: les producteurs, les transformateurs, les restaurateurs, les détaillants en alimentation et tous les intermédiaires.

Le Canada n'est pas tenu de présenter une position initiale de négociation dès maintenant. Toutefois, il nous faudra définir une position forte et unifiée avant que les ministres des pays membres de l'OMC se réunissent à la fin de novembre 1999 afin de convenir des paramètres spécifiques des négociations agricoles. Les audiences que nous entamons aujourd'hui joueront un rôle clé dans l'élaboration de la position de négociation du Canada en agriculture.

• 0810

Au cours des 12 prochains mois, il y aura un grand nombre de réunions et de conférences au cours desquelles les membres du secteur agricole et agroalimentaire auront l'occasion de donner leur avis sur la position canadienne. J'espère assister au plus grand nombre possible de ces réunions. Le mois prochain, par exemple, je me rendrai à des conférences traitant de l'OMC qui se tiendront en Alberta et au Québec. Les 18, 19 et 20 avril prochains à Ottawa, Agriculture et Agroalimentaire Canada, de concert avec les gouvernements provinciaux, tiendra une conférence d'envergure sur les négociations de l'OMC en agriculture. Ce sera alors une autre possibilité pour le secteur de se prononcer sur les intérêts et les priorités du Canada dans ces négociations. En outre, j'ai offert aux organismes de les rencontrer un à un, soit le plus grand nombre possible au cours des prochains mois afin de discuter de ce qu'ils croient être les aspects clés des négociations pour leur secteur.

Comme le prévoit l'approche fédérale, qui mise sur les consultations pour définir une position initiale de négociation, je désire souligner que nous continuerons de consulter étroitement tous les intervenants, même une fois que les négociations seront pleinement engagées après 1999. Le Canada devra peaufiner sa propre position à mesure que les aspects à négocier ressortiront avec plus de clarté et que les autres pays révéleront leur propre position. Même à cette étape-là, je reste déterminé à consulter pleinement les intervenants et ce, de façon constante.

J'aimerais parler quelque peu des objectifs du secteur et de la façon qu'ils se rattachent à ce processus.

Le contexte mondial dans lequel notre secteur agroalimentaire évolue a changé et continuera de se transformer. Comment nous y prendrons-nous pour relever les défis et profiter des possibilités de demain?

Les intervenants du secteur qui se perçoivent comme exportateurs ou vulnérables aux importations, doivent définir leurs aspirations pour les 10 ou 20 prochaines années et réfléchir à la façon dont ils continueront de croître et de prospérer dans un monde où les obstacles techniques et les subventions ayant un effet de distorsion sur le commerce seront progressivement réduits.

Comme je l'ai dit au début, le nouvel objectif du Conseil de commercialisation est de permettre au Canada de détenir 4 p. 100 du marché mondial des produits agricoles d'ici 2005. Un élément important de cet objectif est notre volonté d'améliorer notre performance du côté des produits à valeur ajoutée. À l'heure actuelle, 60 p. 100 de nos exportations sont constituées de produits primaires et 40 p. 100, de produits transformés. Le secteur désire renverser ce rapport, et nous savons que si ce rapport est renversé, il en résultera une activité économique accrue, une plus grande valeur ajoutée et davantage d'emplois ici au Canada.

Il est clair que pour que le secteur réussisse à élargir sa part du commerce agricole mondial pour 2005 et les années suivantes, les négociations de l'OMC devront connaître un heureux dénouement. Nous voulons nous assurer que les pourparlers à venir prendront appui sur le succès de l'Uruguay Round et que, pour la première fois, le commerce mondial des produits agricoles sera régi par des règles internationales efficaces qui s'appliqueront également à tous. L'une de mes grandes priorités sera de bien nous préparer pour la prochaine série de négociations de l'OMC.

À mon avis, il faudra tenir compte d'un certain nombre de faits de base quand viendra le temps d'élaborer une position réaliste de négociation. En particulier, en tant que grand importateur et exportateur de produits agricoles, le Canada a un intérêt vital à ce que le système commercial international soit davantage libéralisé et axé sur des règles. Un tel système fondé sur les règles est avantageux pour les petits et moyens pays, comme le nôtre, qui doivent faire face aux superpuissances économiques que sont notamment les États-Unis et l'Union européenne. L'expérience que nous venons de vivre avec des groupes régionaux aux États-Unis qui cherchaient à limiter nos exportations de grains et de bestiaux en fait foi.

Ainsi, les États-Unis n'ont plus recours aux contingents à l'importation de l'article 22. Ils ont mis fin à cette pratique dans la foulée de l'Accord de l'Uruguay Round. Sans cette disposition, l'administration américaine n'a pu résister aux pressions politiques qui s'exerçaient pour bloquer illégalement les importations en provenance du Canada.

Depuis lors, nous avons tenu une réunion très productive avec les autorités américaines. Nous avons convenu d'un plan de travail pour l'exécution d'un examen détaillé de tous les dossiers jugés prioritaires. Je crois qu'il s'agit là d'un premier pas positif.

J'aimerais toutefois vous assurer que le Canada n'acceptera pas de limiter ses exportations aux États-Unis. L'objectif de nos réunions avec les Américains est d'accroître les échanges commerciaux et non de les limiter.

• 0815

Le Canada est un important exportateur de produits agricoles; voilà pourquoi nous devons avoir un accès plus sûr et plus large aux marchés internationaux pour y écouler notre large gamme de produits de base et de produits transformés. Les prix mondiaux ne témoignent pas seulement du jeu de l'offre et de la demande à l'échelle mondiale, mais aussi des effets qu'ont les subventions à l'exportation, l'accès restreint au marché et les subventions à la production qui déséquilibrent le commerce.

Si le secteur agroalimentaire canadien désire réellement augmenter ses exportations de produits, surtout de ceux à valeur ajoutée, pour qu'elles atteignent les niveaux correspondant aux objectifs d'exportation du Conseil de commercialisation, il faudra adopter une approche globale face à l'accès aux marchés. Si l'on met davantage l'accent sur les exportations de produits transformés, il faudra assurément s'attaquer au problème de l'escalade des tarifs douaniers, car plus un produit est transformé, plus le tarif douanier le touchant est élevé.

Pour améliorer l'accès aux marchés, il faut aussi se débarrasser des entraves techniques non justifiées qui bloquent les exportations canadiennes de produits agroalimentaires. Comme vous le savez, nous sommes également un grand exportateur de produits agroalimentaires et, comme beaucoup d'autres pays, il y a chez nous certains secteurs qui sont vulnérables aux importations.

Le Canada ne sera pas le seul à vouloir que ses secteurs vulnérables n'aient pas à s'adapter davantage que ceux de tout autre pays. Le dénouement de l'Uruguay Round nous donne une idée raisonnablement bonne de ce que devraient être les principaux points à l'ordre du jour de la prochaine série de négociations.

L'Accord de l'OMC sur l'agriculture comporte un ensemble de règles, de disciplines et d'engagements dans un large éventail de domaines, dont l'accès aux marchés, le soutien intérieur et les subventions à l'exportation.

L'Accord de l'OMC sur les mesures sanitaires et phytosanitaires a établi un nouvel ensemble de règles et de disciplines qui prévoit l'application de telles mesures sur la foi de preuves scientifiques; en outre, ces mesures ne doivent pas tenir lieu d'obstacles déguisés au commerce.

L'Accord de l'Uruguay Round nous a donné un cadre solide pour guider nos négociations multilatérales à l'avenir. Je m'attends à ce que la série à venir de pourparlers de l'OMC fassent fond sur cette réalisation. Toutefois ces négociations donneront aussi l'occasion d'aborder de nouveaux sujets, par exemple la nécessité d'élaborer un cadre international approprié pour guider l'expansion du commerce des produits génétiquement améliorés tout en respectant le droit des gouvernements d'appliquer des mécanismes appropriés de réglementation et d'approbation qui protégeront la santé et la sécurité des humains et l'environnement.

Il serait de toute évidence naïf de présumer qu'à l'issue de la prochaine série de négociations de l'OMC, tous les problèmes du commerce des produits agricoles seront éliminés comme par magie. L'offre et la demande et, par conséquent, les prix continueront de fluctuer. Nous continuerons d'être soumis à des mesures protectionnistes sur les marchés extérieurs. De telles mesures foisonnent en général en périodes électorales, surtout aux États-Unis.

Mais ne soyons pas trop cyniques. Les pourparlers de l'Uruguay Round ont démontré que les gouvernements sont disposés à accepter que leur liberté d'élaborer des politiques agricoles intérieures soit restreinte par des règles disciplinaires internationales, à la condition que ces règles soient soutenues par de bons mécanismes de règlement des différends et qu'elles s'appliquent à tous les pays sur un pied d'égalité.

Il s'agit là d'un changement fondamental dans le domaine du commerce des produits agricoles et d'un changement qui ne devrait pas subir de grands renversements dans un avenir prévisible.

C'est sur cette toile de fond que je demanderai à ce comité d'étudier la position canadienne et de sonder l'opinion des intervenants. Je vous demanderai également de nous aider tous à comprendre le genre de cadre international avec lequel les producteurs et les transformateurs devront composer à l'arrivée du prochain siècle, et la façon dont la prochaine série de négociations de l'OMC pourra nous aider à exploiter plus amplement les possibilités de croissance du secteur agroalimentaire canadien.

De cette façon, je crois qu'en tant que députés et membres de ce comité, vous pouvez jouer un rôle considérable dans les efforts importants déployés pour que le secteur agricole et agroalimentaire au Canada continue d'être sain et prospère. C'est un défi de taille car ce secteur connaît des hauts et des bas, mais, au bout du compte, demeure un secteur solide.

Je suis confiant que le comité permanent pourra terminer son travail le plus rapidement possible. Je sais que son intervention sera précieuse pour l'élaboration de la position canadienne en vue de la prochaine série de négociations agricoles de l'OMC.

Je vous remercie et j'attends impatiemment vos remarques et questions.

Le président: Merci, monsieur le ministre. J'espère que vous pourrez nous remettre des exemplaires de votre exposé.

Chers collègues, étant donné que le ministre n'est ici que jusqu'à 9 heures, nous devrons nous en tenir strictement au temps qui nous est alloué. Je compte donc sur votre collaboration. Pour la première ronde de questions, chacun disposera de sept minutes. Nous commençons par M. Hilstrom.

M. Howard Hilstrom (Selkirk—Interlake, Réf.): Merci, monsieur le président.

• 0820

Nous parlons de commerce, bien sûr, mais le revenu agricole est directement lié à ce que font les autres pays, surtout les États-Unis et l'Europe, qui sont nos concurrents. Parlons d'abord des producteurs primaires. Après l'Uruguay Round, en 1994, nos producteurs primaires sont devenus plus vulnérables et moins concurrentiels sur les marchés mondiaux, car les autres pays ont continué d'octroyer des subventions. Cela semble tout à fait injuste à beaucoup d'agriculteurs. Pourquoi n'a-t-on pas exigé de ces autres pays qu'ils abaissent tous au même niveau leurs subventions? Il y a à peine quelques jours, les Américains ont affecté 3 milliards de dollars de plus aux versements pour perte de marchés. Ne s'agit-il pas là de subventions? Qu'allons-nous faire à ce sujet au cours des pourparlers à venir? Peut-être pourriez-vous commencer par répondre à cette question.

L'hon. Lyle Vanclief: Tout d'abord, en ce qui concerne le revenu agricole, si le comité le souhaite, je serai heureux de revenir pour discuter uniquement de cette question et vous faire un petit exposé, avec des acétates, peut-être.

Oui, monsieur Hilstrom, c'est important et, comme je l'ai dit, c'est fondé sur des règles. Ce qui se passe depuis l'Uruguay Round c'est que nous nous en tenons tous aux engagements que nous avons pris à l'égard de l'OMC. Mais tous les pays, toutes les régions n'avaient pas le même point de départ. Si on examine les comparaisons faites par l'OCDE, on constate que, contrairement à ce qu'on croit habituellement, le soutien d'ensemble à l'agriculture au Canada est légèrement supérieur à celui des États-Unis, même s'il ne l'est pas dans chaque secteur particulier. Comme je l'ai dit dans mes remarques, nous devons nous pencher sur ce que chaque pays fait pour appuyer l'agriculture car, vous avez raison de le souligner, cela a certainement une incidence sur le rendement quotidien en agriculture, sur les produits et sur les producteurs.

M. Howard Hilstrom: Le secteur se compose de producteurs primaires, de transformateurs, etc., qui font tous partie du même secteur. Mais ce sont les producteurs primaires qui semblent connaître le plus de problèmes. Les intérêts de l'exportateur de produits finis ne sont pas nécessairement ceux des producteurs primaires. Pouvez-vous nous garantir que vous défendrez les intérêts des producteurs de biens non assujettis à des tarifs, tels que le blé et l'orge? En fait, ces producteurs devraient tirer les mêmes avantages de ces négociations et nous devrions tenter de les aider, plutôt que de mettre l'accent sur l'augmentation des exportations de produits finis. Nous devrions mener nos négociations de façon à assurer la viabilité du secteur agricole au niveau du producteur.

L'hon. Lyle Vanclief: Oui, mais comme je l'ai dit tout à l'heure, nous sommes tous dans le même bateau et nous devons adopter une position de négociation englobante. Les intéressés sont nombreux. C'est certainement au niveau des producteurs primaires que tout commence, et ces producteurs veulent avoir accès au produit brut. Il y a des questions d'accès en ce qui a trait au blé brut, par exemple. Il faudra aussi discuter de différentes questions avec différents pays et partenaires commerciaux en ce qui a trait aux produits du blé que nous produisons ici au Canada. Si nous ne trouvons pas de marchés pour ces produits, cela aura une incidence sur les producteurs primaires aussi.

Pour ce qui est de garantir quoi que ce soit avant même que les négociations ne s'amorcent, j'en ai parlé dans mon exposé. Nous aborderons cette question après avoir consulté tous les intéressés.

• 0825

Nous avons un secteur agricole et agroalimentaire à grande échelle, et il nous incombe... Je le répète, les intérêts diffèrent selon le produit. Si nous ne collaborons pas en vue d'adopter une position de négociation exhaustive et collective, nous n'irons pas bien loin et ils seront très vulnérables.

Tout ce que je peux vous dire, c'est que nous ferons l'impossible pour collaborer avec tous ceux que cela intéresse. Il n'y aura pas de secret; tout le monde pourra participer au processus, et les consultations, qui se tiennent déjà depuis près de deux ans, se poursuivront. Mais il m'est impossible, comme ce le serait pour n'importe qui d'autre, de vous dire que, à l'issue de ces négociations commerciales, le prix du produit X sera toujours à un niveau profitable, quelles que soient les conditions qui prévalent dans le monde.

Mais nous comptons bien travailler de concert avec tous les intervenants pour en arriver à la meilleure entente qui soit afin de consolider notre secteur.

Le président: Merci beaucoup, monsieur le ministre.

Nous passons maintenant à Mme Alarie.

[Français]

Mme Hélène Alarie (Louis-Hébert, BQ): Bonjour, monsieur le ministre. Si j'ai bien compris, nous nous reverrons à nouveau pour parler de sécurité du revenu. J'espère que ce sera dans un délai relativement court.

Je vais passer à une deuxième remarque préliminaire. Vous avez parlé de mesures de soutien à l'agriculture et affirmé que celles qu'on accorde au Canada sont prépondérantes par rapport à celles qui existent aux États-Unis. Est-ce que vous pourriez fournir aux membres du comité des tableaux comparatifs sur les subventions à l'exportation et les mesures de soutien cachées et autres, surtout pour les produits primaires, afin de nous aider à tenir de meilleures discussions au cours des semaines à venir?

[Traduction]

L'hon. Lyle Vanclief: Madame Alarie, je viendrai certainement vous présenter un exposé détaillé à ce sujet, si le comité le souhaite. Mais si nous tenons pour acquis que tous les pays ont recours... il faut alors tenter de définir ce qu'on compare. On se fonde habituellement sur les calculs faits par l'OCDE du niveau de soutien à l'agriculture. D'après l'OCDE, au Canada, c'était 20 p. 100 en 1997.

Au Canada, c'est 20 p. 100. Aux États-Unis, c'est 16 p. 100. Dans l'Union européenne, c'est 42 p. 100. Mais ce sujet pourrait faire l'objet d'un autre témoignage. Ce n'est pas très utile d'en discuter tant que nous n'avons pas examiné la définition et la façon dont l'OCDE en arrive à ces chiffres.

[Français]

Mme Hélène Alarie: Un des buts visés par les agriculteurs du Canada, c'est d'augmenter les exportations. Pour augmenter les exportations, il faut avoir à la base un produit intéressant. À mon avis, nous remplissons cette condition. Il nous faut des producteurs qui sont articulés, et je pense qu'on a cela aussi. Il faut de plus être concurrentiel. Dans ce sens-là, je pense que les producteurs canadiens ont quelque chose de plus, dont les mesures sanitaires que nous avons mises en place et les règles environnementales que s'est données le Canada, lesquelles coûtent quelque chose. Mais il y a un prix à payer si on veut être concurrentiel. J'aimerais que lors de nos discussions, nous tenions compte de cet aspect et qu'il devienne pour nous un objectif. Nous sommes souvent pénalisés sur le plan concurrentiel en raison des coûts liés à cela, bien que nos produits soient peut-être plus attrayants. J'aimerais entendre votre point de vue.

[Traduction]

L'hon. Lyle Vanclief: Je peux vous dire, madame Alarie et messieurs les membres du comité, qu'il n'y a pas un pays qui attire davantage l'attention des acheteurs étrangers que le Canada, pour des raisons évidentes.

Nous jouissons d'une réputation mondiale hors pair en ce qui a trait à la qualité et à la sécurité de nos produits et à la qualité du service que nous dispensons. Cette réputation est le fruit d'un travail acharné de la part du secteur, à commencer par le producteur primaire jusqu'au bout de la chaîne. Si le producteur primaire ne fournit pas un bon produit aux transformateurs, aux expéditeurs de grain ou aux autres... on ne peut réussir en faisant autrement. Notre secteur offre le meilleur service à toutes les étapes. Nous sommes très concurrentiels. Cela ne fait aucun doute. C'est là un des secteurs qui contribuent à notre compétitivité. Nous sommes aussi concurrentiels parce que, le monde le reconnaît et c'est important, que nos modes de production respectent l'environnement.

• 0830

Mais cela peut s'améliorer. Nous avons encore du pain sur la planche, mais notre secteur est sur la bonne voie et jouit du soutien non seulement du gouvernement fédéral, mais aussi des gouvernements provinciaux qui reconnaissent que c'est un élément crucial de tout le processus.

[Français]

Mme Hélène Alarie: Est-ce qu'avant de commencer à négocier sérieusement, on effectue un certain travail en vue d'en venir à une sorte de protocole d'entente avec les pays européens, surtout au niveau de la biotechnologie? Nous nous heurtons à un mur à ce niveau-là, et je voudrais savoir ce que vous faites avant de commencer des négociations pour essayer d'éviter de vous heurter à ce mur.

[Traduction]

L'hon. Lyle Vanclief: Peut-être que M. Gifford pourrait vous en dire plus long après mon départ. Depuis au moins deux ans, les différents pays se sont communiqué toute une série de documents d'information. On n'y révèle pas la position de négociation, mais on y traite de différentes questions qui devront faire l'objet de discussions pendant les pourparlers. Cela se fait, je dirais, depuis environ deux ans.

Mike, voudriez-vous ajouter quelque chose à ce sujet?

Le président: Vous avez 30 secondes, Mike.

M. Mike Gifford (directeur général, Direction des politiques de commerce international, Direction générale des services à l'industrie et aux marchés, Agriculture et Agroalimentaire Canada): Très brièvement, monsieur le ministre, monsieur le président, le Canada, les États-Unis et quelques autres pays exportateurs de produits agricoles ont indiqué que la biotechnologie était un des enjeux qui leur apparaissaient des plus importants. Essentiellement, il nous faut élaborer un processus international qui permettra l'expansion du commerce des produits génétiquement améliorés. Nous faisons face à de grandes restrictions en Europe, et c'est là une des questions qu'il faudra régler.

Le président: M. Calder suivi de M. Proctor.

Vous avez sept minutes, monsieur Calder.

M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Monsieur le ministre, dans un monde parfait, nous ne serions pas en train de parler de cela, car, en 1993, nous avons négocié une limite de 85 p. 100 sur les tarifs, et ce, pour nous assurer que le prix des denrées resterait à un niveau acceptable. Manifestement, ça n'a pas marché car ces prix ne sont pas acceptables. J'en conclus que certaines des parties à l'entente de 1993 ne respectent pas les règles. C'est une des positions que le gouvernement du Canada devrait envisager.

Les États-Unis, par exemple, avaient mis leur programme EEP en veilleuse; ils l'ont maintenant récupéré et ils l'utilisent. Dans ces conditions, pourquoi ne pas concevoir chez nous un programme comparable au leur? S'ils utilisent ce programme, pourquoi n'en adoptons-nous pas un?

Ils ont également adopté la Loi agricole américaine qui, au cours des sept prochaines années, va injecter 35 milliards de dollars dans l'agriculture américaine. Autrement dit, les agriculteurs recevront 5 milliards de dollars par année. Comme M. Hilstrom l'a déjà dit, encore tout récemment, jeudi dernier, ils annonçaient un nouveau programme de 6 milliards de dollars, un ensemble de mesures conçues lors de négociations budgétaires de dernière minute par la Maison-Blanche et les négociateurs du Congrès. Ces mesures prévoient une subvention de 3,1 milliards de dollars pour les récoltes, et cette subvention augmentera par la suite de 50 p. 100. Ils ont également prévu 875 millions de dollars pour les pertes de diverses récoltes provoquées par des catastrophes naturelles ou des maladies. Il y a également 36 millions de dollars sous forme de reports d'impôt et autres allégements fiscaux. Si nous avions convenu lors des négociations de faire des coupures de 15 p. 100, je vous avouerai que les États-Unis ne semblent pas respecter les règles du jeu.

• 0835

L'hon. Lyle Vanclief: Je ne suis certainement pas ici pour défendre la politique de quelqu'un d'autre. Dans la réalité—et je pourrais vous montrer cela lorsque je reviendrai pour discuter du revenu agricole—si les prix sont très bas à l'heure actuelle, cela n'a pas grand-chose à voir avec les subventions pratiquées par les États-Unis ou par l'Union européenne. Souvenez-vous de la situation il y a trois ou quatre ans, et en particulier il y a deux ou trois ans, les prix étaient bien meilleurs qu'ils ne le sont actuellement.

Quand on considère la situation, l'Union européenne et les États-Unis n'ont pratiquement pas changé leur politique depuis trois ou quatre ans. C'est la situation financière internationale et l'offre de produits dans le monde depuis 12 à 18 mois qui ont fait baisser les prix. En annonçant cette décision hier, les Américains ont peut-être changé cette situation.

D'autre part, bien que les États-Unis aient rétabli leur programme EEP, ils ne l'ont pas encore utilisé pour les céréales. Nous espérons qu'ils ne le feront pas, mais pour l'instant, ils ne l'ont pas fait. Cela dit, le programme existe, l'argent a été débloqué, mais ils ne l'ont pas encore utilisé.

Je tiens à préciser que je ne suis pas ici pour défendre ce que font les autres. Si on compare ce que le Canada, les États-Unis et l'Union européenne ont fait en matière de soutien de l'agriculture depuis trois ou quatre ans, on peut dire que la situation n'a pratiquement pas changé par rapport à il y a quelques années, et en particulier entre le Canada et les États-Unis. L'Union européenne n'a peut-être pas fait autant de coupures que le Canada et les États-Unis, mais dans l'ensemble on reste à l'intérieur des paramètres et des règles, et les engagements pris à l'époque sont respectés. Voilà la réalité.

Au début, vous avez parlé des 85 p. 100. Je tiens à m'assurer que tout le monde comprend bien—et je sais que c'était votre intention, monsieur Calder—que cette réduction de 85 p. 100 s'applique aux produits réglementés, et que les tarifs s'appliquant à ces produits seraient ramenés à 85 p. 100 de ce qu'ils étaient en 1995 d'ici l'an 2001. Cela dit, ce n'est certainement pas le cas des autres produits.

Le président: Merci, monsieur le ministre.

Monsieur Calder.

M. Murray Calder: Merci beaucoup, monsieur le président.

Monsieur le ministre, de toute évidence il est certain qu'un facteur important dont il faut tenir compte c'est le volume des grains produits en 1993 par rapport au volume des grains produits actuellement, en 1998. Qu'on parle de grippe asiatique ou d'autre chose, cela n'empêche pas ces gens-là de vouloir manger trois fois par jour. La consommation demeure la même, et probablement qu'elle augmente. Voilà pour une chose. De toute évidence, les prix sont bas, et cela est dû à un excédent de céréales. Pourquoi? Qui est-ce qui produit le plus? Est-ce que la production a augmenté?

Je sais également qu'en Russie, par exemple, ils n'ont pas du tout d'argent cette année, mais en même temps, la récolte a été très mauvaise. Leur production moyenne, qui n'était déjà pas brillante, a baissé de 22 p. 100. Est-ce que nous allons laisser ces gens-là mourir de faim cet hiver s'il fait particulièrement froid? Cela m'étonnerait.

Voilà donc des questions relatives aux prix bas qui restent sans réponse.

L'hon. Lyle Vanclief: Tout ce que vous dites, monsieur Calder, ne fait que confirmer l'importance d'une chose, le fait que nous avons des règles internationales sur le commerce. Lorsque nous voyons un autre pays s'écarter des limites de ce qui a été convenu, nous avons des règles, des commissions d'appel, toutes sortes de recours pour faire comprendre au pays en question qu'il ne peut pas agir de cette façon. Par le passé, cela nous a très bien servis.

• 0840

En ce qui concerne la gestion de l'offre, il y a eu la contestation au titre de l'ALÉNA, nous avons maintenant la contestation au titre de l'OMC dans le secteur laitier, et avec un régime commercial limité par des règles, même si vous n'êtes pas absolument satisfait de ces règles—elles peuvent ne pas plaire à tout le monde dans votre pays—le fait est qu'elles existent, et qu'il s'agisse d'un grand ou d'un petit pays, tout le monde doit les respecter. Pour cette raison, c'est un domaine où toutes les opinions sont importantes. Nous avons pris position en ce qui concerne les négociations. Selon toute probabilité, la seule chose qui fait l'unanimité au Canada à l'heure actuelle, c'est que nous n'aimons pas les subventions à l'exportation.

Le président: Merci. Je dois donner la parole à quelqu'un d'autre. Grâce à votre coopération, nous faisons des progrès.

J'imagine que M. Keddy utilisera le temps de son parti. Si vous le voulez, je vous donnerai la parole après M. Proctor.

M. Dick Proctor (Palliser, NPD): Oui, merci beaucoup.

Monsieur le ministre, je vous souhaite la bienvenue. Selon toute probabilité, la seule chose qui ferait l'unanimité dans le pays, c'est que nous avons un problème en ce moment. Vous dites que tous les pays doivent rester à l'intérieur de certains paramètres; ne pensez-vous pas que ce que les États-Unis ont fait la semaine dernière, accorder 6 milliards de dollars aux producteurs américains, est une subvention qui vient déranger l'équilibre commercial?

L'hon. Lyle Vanclief: Sur le plan technique, monsieur Proctor, dans une certaine mesure, cela introduit des distorsions, mais à d'autres égards, ce n'est pas le cas. Il est certain, je suis tout à fait d'accord avec vous, que la décision annoncée hier par les Américains va avoir des répercussions sur le commerce. À mon avis, elle va certainement contribuer en bonne partie à faire baisser le prix des céréales, tant pour les agriculteurs américains que pour les agriculteurs du reste du monde.

Je l'ai déjà dit à M. Fischler, de l'Union européenne, et à mon homologue américain, et je continuerai à le dire, quand un pays fait ce genre de chose, il y a deux perdants et un gagnant. Le gagnant, c'est la personne qui achète le produit. Les gens n'ont pas besoin de prix plus bas, le prix des céréales est déjà plus bas qu'il ne l'a été depuis longtemps. Le perdant, c'est le contribuable et le producteur primaire, pas seulement dans le pays où cela se produit, mais également dans le reste du monde, car cela déprime les prix.

Malheureusement, c'est une réalité à laquelle nous ne pouvons pas échapper. Reste à décider ce qu'il convient de faire. Est-ce que nous pouvons faire quelque chose? S'il n'y a rien à faire, comment pouvons-nous réagir, etc.?

Comme nous le savons, aux États-Unis, tous les deux ans, il y a des élections, et pendant les 23 mois qui précèdent ces élections, les gens commencent à jouer au plus fin.

M. Dick Proctor: Je ne conteste absolument pas ce que vous dites, mais ce sont les producteurs primaires canadiens qui se font matraquer à l'heure actuelle.

Je sais bien que vous avez proposé tout à l'heure de revenir pour discuter du revenu agricole, mais en attendant, est-ce que nous ne pourrions parler de quelque chose pour remédier à la pénurie de liquidités actuelle chez les agriculteurs, entre autres?

L'hon. Lyle Vanclief: Depuis plusieurs mois nous travaillons avec le secteur privé et avec les gouvernements provinciaux parce que ce qui se passe actuellement était facile à prévoir. Nous espérions tous que nous nous trompions, mais malheureusement, nous avions raison.

À l'heure actuelle, nous prenons des mesures destinées à faire comprendre aux producteurs primaires à quel point il est important de faire appel à tous les outils qu'ils ont dans leur boîte à outils, si je puis dire. Nous discutons de la façon d'améliorer le contenu de cette boîte à outils, ces outils qui sont leur soutien, et nous cherchons à les aider à les utiliser le mieux possible.

M. Dick Proctor: Monsieur le ministre, certains pensent qu'il y a un domaine en particulier où le gouvernement pourrait intervenir utilement. Il s'agit des frais exigés des producteurs primaires pour toutes sortes de choses, comme l'inspection des viandes et des céréales. Si j'ai bien compris la terminologie, on appelle cela le feu vert du GATT. C'est une chose que d'autres gouvernements font. Dans ce pays, nous semblons être obsédés par l'idée de récupérer le plus d'argent possible du producteur primaire. Étant donné la crise actuelle, est-ce que vous ne pourriez pas envisager quelque chose de ce genre pour que les agriculteurs canadiens aient un peu plus d'argent dans leurs poches?

L'hon. Lyle Vanclief: Pour tenter d'améliorer notre situation financière, il est certain que plusieurs ministères ont commencé à appliquer des mesures de recouvrement des coûts. Effectivement, qu'il s'agisse du producteur primaire, du transformateur ou de quelqu'un d'autre, il est certain que cela représente un coût. C'est un domaine où il n'est pas toujours facile de départager l'intérêt public et l'intérêt privé.

• 0845

Nous avons fait tout notre possible; nous avons examiné divers frais d'utilisation pour nous assurer qu'ils étaient le plus justes possible, proportionnellement. Nous avons des discussions au sein du ministère, à la fois à Agriculture et Agroalimentaire Canada et dans l'autre branche de notre ministère, l'Agence d'inspection des aliments, pour nous assurer que ces frais n'augmenteront pas. Nous allons faire tout notre possible pour geler les frais à leur niveau actuel et ne pas en introduire de nouveaux. Nous reconnaissons ainsi que les producteurs subissent actuellement toutes sortes de pressions financières.

Le président: Merci beaucoup.

Je donne maintenant la parole à M. Keddy. Vous avez cinq minutes.

M. Gerald Keddy (South Shore, PC): Merci, monsieur le président.

Ma question porte sur le revenu agricole net. En 1986, le revenu agricole national net était de l'ordre de 3,5 milliards de dollars. Je suis certain que vous connaissez toutes les statistiques. Cette année, on s'attend à ce que le revenu agricole net tombe à 2,5 milliards de dollars. C'est une baisse de 1 milliard de dollars. Au milieu des années 80, le soutien agricole s'élevait à environ à 2,5 milliards de dollars. Aujourd'hui, il n'est plus que de 600 millions de dollars, du moins en date des dernières réunions de l'été dernier.

Les États-Unis viennent d'augmenter le budget de soutien du revenu de près de 6 milliards de dollars. Jusqu'à présent, cette somme s'élevait à 15,5 milliards de dollars. Je sais bien qu'il y a plus de gens aux États-Unis qu'ici, et je sais que leur secteur agricole est énorme, mais cela représente tout de même une augmentation de 40 p. 100 pour cette année seulement.

Autrement dit, après toutes les réunions de l'été dernier, tout ce qu'on a obtenu, c'est un programme de soutien du revenu de 600 millions de dollars, peut-être pour une année. Voilà ce dont nous discutons. Même le comité, celui qui était chargé d'étudier ce filet de sécurité, proposait dans son rapport publié cet été la création d'un programme national qui constituerait un filet de sécurité pour tous les producteurs et tous les types de production dans toutes les provinces.

Monsieur le ministre, si les États-Unis peuvent augmenter leur budget, pourquoi ne pouvons-nous faire la même chose? Voilà ma première question.

Ma question est la suivante: Avez-vous envisagé d'exercer des pressions sur le ministre des Finances afin d'obtenir des fonds supplémentaires pour le programme de sécurité du revenu agricole, ou avez-vous déjà fait des démarches en ce sens?

Le président: Permettez-moi de vous rappeler, monsieur Keddy, que la séance d'aujourd'hui porte non pas sur le revenu agricole, qui est très important, mais bien sur l'OMC. Je crois qu'avant votre arrivée, le ministre a indiqué qu'il ne demanderait pas mieux que de revenir discuter à fond avec nous du revenu agricole, question qui, il va de soi, est très pertinente et actuelle. Nous sommes toutefois ici aujourd'hui pour parler de l'OMC.

L'hon. Lyle Vanclief: Je ferai une courte réponse. Je ne veux pas du tout réduire l'importance des préoccupations que nous partageons tous, monsieur Keddy.

Je répéterai que je souhaite effectivement revenir vous rencontrer, si c'est le voeu du comité, dès que nous pourrons trouver une date qui nous convienne aux deux. Je ne veux pas procrastiner, car nous avons notamment des défis et des possibilités qui s'offrent à nous dans ce domaine. Les sous-ministres de l'Agriculture des différentes provinces doivent se rencontrer au début de novembre.

Hier, j'ai appelé les autorités provinciales. Aujourd'hui, nous enverrons des avis de convocation aux représentants du secteur. J'ai convoqué une rencontre, si je puis dire, ou une table ronde des représentants du secteur et des autorités provinciales pour le 4 novembre; nous pourrons alors faire le point sur la situation actuelle, discuter de ce qui nous a conduit à cette situation, des outils que nous avons et de ce que nous pourrions avoir et aussi, le cas échéant, des moyens que nous pourrions prendre. Je n'entrerai pas dans le détail des véritables séances de remue-méninges auxquelles nous nous livrons pour essayer de comprendre la situation dans laquelle nous nous trouvons.

Je l'ai déjà dit, et je tiens à le répéter. J'ai parlé du niveau de soutien tel qu'il est évalué par l'OCDE. Je ne crois pas qu'il faille tirer de conclusions à partir précisément des chiffres que j'ai donnés. Ce sont les chiffres tels qu'ils ont été consignés, mais il faut se rendre compte que, selon les denrées, le niveau de soutien varie par rapport au niveau de soutien global. Nous pourrons donc discuter de cela à un autre moment.

M. Gerald Keddy: Je vous suis reconnaissant d'avoir répondu. Je m'en tiendrai au sujet de l'heure, l'OMC.

La réunion qui a eu lieu à Niagara-on-the-Lake l'été dernier s'est soldée par la constatation suivante: «Chacun reconnaît qu'il nous faut déterminer assez rapidement quelle sera la position canadienne», et ce, en vue des négociations de l'OMC qui auront lieu en 1999.

• 0850

Les conflits qui nous ont opposés au Dakota du Sud l'automne dernier ont-ils amené le ministère à scinder sa position en ce qui a trait à l'OMC? Dans quelle mesure ces conflits ont-ils influé sur la stratégie ou la position canadienne en vue des pourparlers commerciaux, si tant est qu'ils ont eu une incidence? En termes plus précis, pensez-vous que la tendance au protectionnisme dans le secteur agricole s'accentuera au cours de la prochaine série de pourparlers commerciaux, comme le laisse certainement présager l'exemple du Dakota du Sud, ou croyez-vous plutôt que la plupart des pays poursuivront leur cheminement vers une libéralisation commerciale accrue? Pensez-vous que la crise asiatique, les conflits avec le Dakota du Sud et l'effondrement de l'économie russe conduiront d'autres pays à libéraliser encore plus leurs échanges, ou pensez-vous plutôt que ces événements auront l'effet contraire et qu'ils donneront lieu à une montée du protectionnisme?

Je sais que nous n'avons presque plus de temps, monsieur le président, mais qu'en est-il, dans le contexte que je viens d'évoquer, de certaines de nos pratiques en matière de gestion de l'offre dans le secteur agricole, qui se trouve déjà menacé? Il y a beaucoup de facteurs qui entrent en ligne de compte et qui ont une incidence les uns sur les autres.

L'hon. Lyle Vanclief: Bonne question.

Il ne fait aucun doute que ce qui s'est passé au Dakota du Sud cette année nous rend très conscients de la nécessité d'établir un ensemble de règles bien précises et de prévoir un mécanisme de règlement des différends relativement à l'application de ces règles, quelle que soit l'organisation visée. Dans ce cas-là, et c'était là un très bon exemple, quand nous avons abordé la question au processus de consultation tant de l'OMC que de l'ALÉNA, chose fort intéressante, le Goliath américain a dit au David canadien qu'il aurait préféré que les choses se passent autrement et il a demandé à ce que nous travaillions ensemble pour essayer de régler ces problèmes et d'éviter que la chose ne se reproduise.

Brièvement, en réponse au reste de votre question, il ne fait aucun doute que le milieu agricole international souhaite la libéralisation du commerce. L'accès aux marchés d'autres pays nous donne, bien entendu, la possibilité d'y vendre nos denrées, qu'elles soient transformées ou à l'état naturel. L'accès se fait toutefois dans les deux sens, et les autres pays veulent par conséquent pouvoir vendre certaines de leurs denrées sur nos marchés. Cela dit, tous les pays ont par ailleurs des denrées et des domaines qui leur tiennent plus particulièrement à coeur.

Pour ce qui est de la crise financière, je me considère comme un réaliste et j'estime qu'il faut comprendre que, même si, comme je l'ai dit, la tendance dans le monde est à la libéralisation, le protectionnisme est une réaction naturelle en période de difficulté. Quand on se trouve acculé au pied du mur, on cherche à se protéger. C'est là un défi qu'il nous faudra relever. Les gens—et beaucoup d'entre nous sont de ce nombre—peuvent très bien dire qu'ils croient à la libéralisation des échanges et à l'ouverture des marchés, sauf pour certaines choses qu'ils souhaitent protéger. Nous ne sommes toutefois pas seuls à avoir ces ambivalences.

Le président: Il nous reste environ huit ou neuf minutes avec le ministre, puis nous pourrons passer aux fonctionnaires. Je veux donner la parole à trois autres députés, qui auront de deux à trois minutes chacun. Nous entendrons d'abord M. McCormick, puis M. Penson.

M. Larry McCormick (Hastings—Frontenac—Lennox and Addington, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je sais que M. Calder a parlé de la limite de 85 p. 100 de la gestion de l'offre pour notre secteur agricole, mais certaines personnes de l'est de l'Ontario m'ont demandé de soulever la question. Je crois qu'il serait possible d'en arriver à faire la lumière là-dessus et je crois que la question est raisonnable. C'est qu'il y a sans cesse des rumeurs qui circulent selon lesquelles notre gouvernement n'appuie pas la gestion de l'offre. Il se peut, bien entendu, que la déclaration ait été prise hors contexte, mais dans un des journaux agricoles, on a publié l'été dernier un article où l'on disait qu'au moins un fonctionnaire du ministère—sinon plusieurs—avait fait des déclarations qui n'appuyaient pas la gestion de l'offre pour l'avenir. Il ne s'agit pas uniquement des 72 000 producteurs touchés par cela—quel que soit leur nombre—, mais aussi des collectivités rurales du Canada. La gestion de l'offre est un des importants piliers de l'économie pour les régions rurales. Je me sentirais plus à l'aise si je pouvais rassurer ces gens et leur dire que nous appuierons le secteur de la gestion de l'offre et que nous appuierons aussi nos producteurs à l'avenir, comme nous l'avons fait par le passé.

L'hon. Lyle Vanclief: C'est votre dernière phrase qui est d'une importance critique, monsieur McCormick. Nous avons appuyé nos gens par le passé et nous les appuierons à l'avenir. L'actuel gouvernement et l'actuel Conseil des ministres sont parfaitement conscients de l'importance et de la force de la gestion de l'offre. Les coûts des denrées étant ce qu'ils sont à l'heure actuelle, j'estime que nous avons encore plus raison de bien faire savoir à nos partenaires commerciaux que nous avons un domaine délicat qui nous tient à coeur. Par ailleurs, le secteur visé par la gestion de l'offre évolue et tient compte de cette réalité.

• 0855

Comme je l'ai indiqué, le secteur soumis à la gestion de l'offre, comme tous les autres secteurs d'ailleurs, cherche à déterminer où il voudrait se retrouver dans dix, quinze ou vingt ans. Quelle est la configuration qu'on souhaite pour l'avenir, etc.?

Nous avons fermement appuyé la gestion de l'offre par le passé. Nous continuerons aussi à lutter avec tous les acteurs du milieu pour appuyer le secteur canadien des produits laitiers, des oeufs et de la volaille, qui se renforce et prend de l'ampleur, comme nous sommes à même de le constater, et ce, à toutes les étapes, depuis le producteur jusqu'au consommateur, en passant par le transformateur. Nous pouvons montrer très clairement aux consommateurs canadiens que le système leur profite énormément à eux aussi. Ils n'ont qu'à voir ce qu'il en est de ces denrées, de leurs prix et de leurs disponibilités dans d'autres régions du monde.

Le président: Les cinq dernières minutes seront partagées entre M. Penson et Mme Ur.

M. Charlie Penson (Peace River, Réf.): Oui, merci, monsieur le président. Je tiens à souhaiter la bienvenue aux témoins qui sont ici ce matin.

Monsieur le ministre, il me semble que, si nous voulons parler de l'avenir de l'agriculture, il est aussi important de se tourner vers le passé et de voir comment le secteur a évolué. Vous savez bien entendu, monsieur le ministre, que les dernières négociations de l'Uruguay Round qui se sont poursuivies pendant plusieurs années et qui ont abouti à un accord avaient comme toile de fond une guerre commerciale intense dans plusieurs secteurs de l'agriculture. J'ai été touché par cette guerre, et je peux donc en parler en connaissance de cause. Je crois que la plupart des agriculteurs canadiens préféreraient éviter une nouvelle guerre.

Une des conséquences importantes de l'Uruguay était a été que l'agriculture s'est trouvée pour la première fois soumise aux règles commerciales. La plupart des pays ont reconnu qu'il s'agissait d'un début modeste, mais nous avions au moins fait le premier pas; d'où la réduction de 15 p. 100 que la plupart des pays ont dû appliquer. Nous savons que d'autres pays respectent les paramètres qui leur ont été imposés. Nous n'apprécions peut-être pas leurs tarifs ni leurs subventions à l'exportation, mais ils respectent les paramètres.

Les agriculteurs canadiens souhaitent maintenant qu'on aille plus loin pour la deuxième étape des négociations qui auront lieu en 1999 et en l'an 2000 et qui sera capitale. Le Canada a déjà joué un rôle de chef de file dans l'élaboration de règles commerciales de ce genre pour le secteur industriel et le secteur des services. Les agriculteurs canadiens souhaitent qu'il fasse preuve du même leadership pour les négociations à venir sur l'agriculture. Je vous demanderais tout d'abord de nous dire brièvement ce que vous pensez de cela.

Puis, vous pourriez nous dire si, selon vous, l'agriculture devrait être englobée dans une série de négociations générales où il serait aussi question d'autres secteurs afin de pouvoir obtenir plus d'éléments sur la table, ou si vous préféreriez qu'elle fasse l'objet de négociations distinctes?

Si vous n'avez pas le temps de répondre à tout cela, vous pourriez très bien nous donner une réponse par écrit.

L'hon. Lyle Vanclief: Pour le moment, nous savons, monsieur Penson, qu'il y aura des négociations distinctes sur l'agriculture. Je crois qu'il y aura aussi des négociations sur un autre secteur, celui des services. À la réunion des ministres qui se tiendra en novembre 1999, nous déciderons si d'autres secteurs feront aussi l'objet de négociations. L'important, pour nos agriculteurs à nous, c'est que nous ayons des négociations sur l'agriculture. Nous savons qu'il y en aura, c'est naturellement là le secteur qui nous préoccupe.

Je suis d'accord avec vous. Nous avons au moins des règles maintenant, qui peuvent nous servir de point de départ. Je tiens toutefois à bien vous faire savoir que j'ai besoin d'aide. Nos négociateurs ont besoin d'aide. C'est pourquoi il est si important que nous entendions toutes, et je dis bien toutes, les parties intéressées. Nous savons que les opinions sur les échanges commerciaux varient énormément d'un particulier à l'autre et d'un groupe à l'autre.

Je veux simplement résumer ce que j'ai dit tout à l'heure. Si nous n'entamons pas ces négociations avec en tête une vision à long terme... Nous devons participer aux négociations au meilleur de notre capacité. Je peux vous dire que, même si, au Canada, nous ne sommes que 30 millions, nous avons un effet positif très grand sur les échanges et sur les négociations de ce genre, compte tenu de la taille de notre pays. Quand les Américains disent qu'ils ont besoin que le Canada travaille avec eux pour s'attaquer aux pratiques de l'Union européenne, je trouve cela très flatteur pour le Canada.

Sans vouloir tomber dans la flagornerie, je vous dirai que le travail exige un effort d'équipe, exige la participation du comité tout entier. Il s'agit d'une question sans couleur politique. Nous avons chacun notre allégeance et nos opinions politiques, mais nous avons finalement tous le même objectif, c'est d'avoir un secteur agricole et un Canada rural plus fort, plus durable et plus viable que ce n'est le cas à l'heure actuelle.

Le président: Monsieur Penson, nous devrons essayer d'entendre une dernière question avant que le ministre parte.

Mme Rose-Marie Ur (Lambton—Kent—Middlesex, Lib): Merci d'être venu témoigner devant nous, monsieur le ministre.

Comme vous l'avez dit tout à l'heure, toutes les parties auront leur mot à dire. Chacun le sait. Je crois que c'était également là notre intention en 1993. Comme nous le savons tous, nous avons eu récemment, par exemple, le fiasco du mélange d'huile de beurre et de sucre. Les parties sont revenues nous attaquer, nous blâmer pour les lacunes à cet égard. Je croyais qu'elles étaient là, elles aussi, en 1993.

• 0900

Qu'allons-nous faire pour veiller à ce qu'il n'y ait pas de secrets, pour que ces gens sachent exactement ce qu'il en est, afin qu'ils ne reviennent pas s'en prendre à nous une fois que le tout aura été ratifié et nous dire que nous avons manqué notre coup?

Deuxièmement, je voudrais simplement faire une petite observation. Nous avons effectivement la meilleure garantie de qualité au Canada, et nous n'avons rien à envier à qui que ce soit à ce chapitre, mais cette qualité entraîne néanmoins un coût pour les agriculteurs. Je ne crois pas qu'on en tienne vraiment compte. Nous avons la formule du recouvrement des coûts et tout le reste, comme les programmes verts que nous respectons. Les autres pays ne semblent pas toutefois être sur un pied d'égalité avec nous. Il semble que nous soyons tout en haut, alors que les autres sont tout en bas, que nos coûts baissent, tandis que les leurs ne baissent pas.

L'hon. Lyle Vanclief: Je crois que le mieux serait que je réponde à votre deuxième question quand nous reviendrons, madame Ur.

Pour ce qui est de votre première question, j'ai donné et je continuerai de donner l'assurance qu'il n'y aura aucune surprise au cours de cette prochaine série de négociations. Toutes les parties auront leur mot à dire dès le début, et vous aurez un rôle important à jouer. Vous devez entendre des dizaines de témoins. Je n'entrerai pas dans le détail du processus que nous avons entamé, mais il ne comportera aucune surprise. Si, par moment, nous nous heurtons à des difficultés, toutes les parties en seront informées. S'agissant toutefois du cas du mélange d'huile de beurre et de sucre, il s'agissait là du classement tarifaire d'un produit en particulier. Puis-je vous garantir que toutes les parties sauront exactement ce que comporte chaque ligne tarifaire, alors qu'il y a des pages et des pages de documentation qui l'accompagnent, où on calcule, par exemple, X moins deux et où on précise que telle ou telle formule en découle, ou encore que toutes les parties sauront exactement quel sera l'agencement des lignes tarifaires? Personne ne pourra vous donner de garantie à cet effet.

Nous n'avons pas besoin d'en discuter maintenant, mais toutes les parties étaient à la table quand il a été question de ces choses-là. Il arrive, sans que personne ne soit à blâmer, qu'on ne saisisse pas tous les détails aussi parfaitement qu'on pourrait peut-être les saisir. La sagesse du recul permet de mieux voir ces choses. L'important, c'est que nous avons toujours respecté les règles et que nous continuerons à le faire.

Le président: Merci, monsieur le ministre. Je sais que vous devez vous rendre à une réunion du Conseil des ministres. Au nom des membres du comité, je vous remercie d'être venu nous rencontrer aujourd'hui. Je suis ravi que vous ayez proposé de revenir nous parler du revenu agricole et d'autres problèmes sérieux que connaît le secteur de l'agriculture.

L'hon. Lyle Vanclief: Merci beaucoup, monsieur le président. Nous attendrons avec impatience le rapport que vous rédigerez à partir des témoignages que vous aurez entendus de la part des nombreux groupes qui témoigneront devant vous.

Le président: Merci.

Mesdames et messieurs les membres du comité, M. Gifford reste avec nous. Nous pouvons donc poursuivre les questions.

Monsieur McCormick.

M. Larry McCormick: Pourrions-nous prendre une courte pause?

Le président: Prenons une pause d'une minute.

• 0903




• 0906

Le président: Mesdames et messieurs, nous reprenons la séance. Je vous invite à revenir au sujet à l'étude.

Je tiens à vous remercier sincèrement pour la collaboration dont vous avez fait preuve pendant que le ministre était là. Il ne pouvait passer qu'une heure avec nous, et je voulais permettre à autant de membres du comité que possible de poser autant de questions que possible. Je crois que nous avons atteint notre objectif, parce que vous avez eu l'amabilité de respecter les limites de temps. Je crois que nous en sommes tous gagnants. Encore une fois, merci.

Nous reprenons la séance sans le ministre, monsieur Vanclief, mais M. Gifford est là.

Si je comprends bien, c'est maintenant au tour de M. Hoeppner, qui sera suivi de quelqu'un du côté ministériel, mais on n'a pas encore indiqué qui serait l'intervenant. Monsieur Hoeppner, vous avez cinq minutes.

M. Jake E. Hoeppner (Portage—Lisgar, Réf.): Merci, monsieur le président.

Monsieur Gifford, le commerce est un sujet intéressant. Nous avons entendu le ministre nous dire aujourd'hui qu'il nous faut collaborer avec les États-Unis. C'est sans doute là un des principaux objectifs du ministre de l'Agriculture. Je suis certainement d'accord avec lui là-dessus.

Je voudrais toutefois savoir ce que vous pensez de certains propos qui ont été rapportés récemment dans les journaux. Des responsables du commerce aux États-Unis parlaient de la collaboration qu'ils avaient reçue du gouvernement fédéral. Ils disaient: «Ils nous ont ni plus ni moins envoyé promener quand il a été question d'ouvrir les livres de la Commission du blé, de rendre ses activités transparentes et de chercher à éliminer certains des irritants commerciaux.» Les responsables américains ne nous prennent-ils pas au sérieux quant à la collaboration dont ils peuvent s'attendre de nous? Tout récemment, l'ambassadeur des États-Unis a dit à la télévision que, quand le gouvernement libéral évoquait, pendant la campagne électorale de 1993, la possibilité de renégocier l'accord de libre-échange avec les États-Unis, il avait recommandé au premier ministre de ne pas parler de «renégociation» à cause de la réaction que susciterait le terme.

N'avons-nous vraiment aucune influence auprès des Américains? Y a-t-il moyen d'avoir des règles du jeu équitables entre nos deux pays? Il me semble que, dès qu'ils se mettent à éternuer, nous attrapons la grippe et nous devenons très malades.

J'ai entendu le ministre dire que 20 p. 100 du revenu agricole net est subventionné. Je suis moi-même céréaliculteur, et j'ai aussi été éleveur, mais je ne vois tout simplement pas où est cette subvention de 20 p. 100 dans mes champs de canola et de blé ou mes pâturages. Bien entendu, la Commission canadienne des grains accorde parfois des subventions très minimes. Je crois qu'elles sont prises à 95 ou 100 p. 100 sur le revenu des agriculteurs.

• 0910

Où donc est le soutien? Où donc est la communication ou l'harmonisation, entre les États-Unis et le Canada, pour lutter contre les Européens? Ce sont eux qui, à mon sens, nous posent un problème.

M. Mike Gifford: Faisons le point, monsieur le président, sur les moyennes dont le ministre a parlé. Dans l'ensemble, au Canada, le revenu agricole provient à 20 p. 100 environ des mesures de soutien et de protection gouvernementales. Aux États-Unis, la proportion en 1997 était de 16 p. 100. Comme l'a dit le ministre, il convient toutefois de souligner que ces moyennes cachent des différences importantes entre les différentes denrées. Dans le cas du blé, il est clair que le soutien américain en 1997 était environ cinq fois plus élevé que le soutien canadien équivalent.

Nous avons beaucoup de programmes agricoles, comme le CSRN, qui s'applique de façon générale et qui s'applique en tout cas à la plupart des secteurs agricoles. Aux États-Unis, par contre, le soutien gouvernemental est surtout concentré dans le domaine des grains, tandis que les éleveurs de bovins et de porcs ne reçoivent à peu près rien.

Le niveau de soutien et de protection varie donc énormément selon les denrées. Il est important de s'en rappeler quand on parle de ces moyennes nationales.

En ce qui a trait aux États-Unis, monsieur le président, il est clair que nous avons besoin du leadership américain pour les négociations commerciales multilatérales. Si les États-Unis ne signalent pas carrément leur appui à la libéralisation des échanges multilatéraux, l'impact que nous pouvons avoir ne sera manifestement pas le même. Nous ne pouvons espérer obtenir les mêmes concessions sans l'appui des États-Unis.

Pour ce qui est du commerce bilatéral, j'estime que la plupart des dirigeants agricoles américains qui y réfléchissent se rendent compte que l'ALÉNA a été à l'avantage de nos deux pays. Nous en avons profité des deux côtés de la frontière. Il est toutefois clair que certains élus d'États agricoles, notamment des États américains du Nord, partent du principe que les importations sont forcément mauvaises et que le commerce n'est bon que dans la mesure où il favorise les exportations. Par conséquent, quand ils voient arriver chaque année deux millions de tonnes de blé et d'orge en provenance du Canada, ils se disent que, si les importations sont aussi considérables, c'est qu'il y a quelque chose qui ne va pas dans l'ALÉNA.

Il s'agit là, je le répète, de l'opinion d'une minorité d'intérêts agricoles aux États-Unis. Cependant, comme l'a indiqué le ministre, quand les temps sont durs, quand les cours du boeuf et du porc connaissent des bas cycliques, quand les cours des grains et des oléagineux sont affaissés, on se met aussitôt à blâmer les importations. Voilà malheureusement la situation dans laquelle nous nous trouvons à l'heure actuelle avec les États-Unis.

Le président: Comme le temps file quand on s'amuse. Cinq minutes sont déjà passées. Merci.

Monsieur Gifford, puis-je poser une question avant que je ne donne la parole à M. Calder?

Contrairement aux États-Unis, nous n'avons pas de programme d'encouragement des subventions ou de subventions aux exportations. Serons-nous quelque peu défavorisés de ce fait aux négociations de l'OMC? Nous ne pouvons pas dire aux Américains: «Si vous réduisez vos subventions aux exportations, nous réduirons les nôtres.» Nous n'avons pas de subventions auxquelles nous pouvons renoncer.

Ils pourraient bien nous dire au moment des négociations qu'ils réduiront ou élimineront les subventions aux exportations si nous réduisons ou que nous éliminons quelque autre programme vital que nous avons mis en place pour soutenir nos agriculteurs. Vous comprenez peut-être le dilemme devant lequel nous nous trouvons.

Que pensez-vous de ce dilemme que j'évoque?

M. Mike Gifford: Le Brésil, l'Argentine, le Canada, l'Australie et la Nouvelle-Zélande n'ont pas de subventions aux exportations. Les États-Unis et l'Union européenne en ont. Même si les États-Unis ne s'en servent pas à l'heure actuelle pour les grains, ils s'en servent en tout cas pour les produits laitiers. Quant aux Européens, leurs subventions s'appliquent à tous les secteurs.

Enfin, monsieur le président, le secteur industriel a interdit les subventions aux exportations dès le milieu des années 50. Je crois que la plupart des décideurs en matière agricole qu'ils soient d'Europe ou d'Amérique du Nord, se rendent compte qu'il est temps qu'on fasse de même pour les subventions aux exportations agricoles.

Il ne s'agit donc pas, à mon avis, des concessions que nous pourrions faire. Il n'est pas nécessaire d'avoir soi-même des subventions aux exportations pour persuader quelqu'un à Washington ou à Bruxelles qu'il est dans l'intérêt de toute personne éclairée de mettre enfin un terme aux subventions aux exportations dans le commerce agricole mondial.

Le président: Merci.

Monsieur Calder, vous avez cinq minutes.

M. Murray Calder: Merci beaucoup, monsieur le président.

Je vais poursuivre le sujet qu'a abordé le président, car c'est justement celui qui m'intéresse. Les États-Unis ont leur loi agricole. Ils ont leur programme de subventions aux exportations. Ils viennent tout juste de créer un programme d'aide d'urgence de 6 milliards de dollars. La communauté européenne a aussi une multitude de programmes de subventions.

• 0915

Ne serions-nous pas bien avisés d'en faire autant pour rétablir l'équilibre? Manifestement, tous ces programmes d'aide doivent avoir le feu vert du GATT, sinon ils n'auraient pas été mis en place. Ils déclencheraient un différend, n'est-ce pas? Pourtant, nous n'avons pas de ces programmes.

M. Mike Gifford: Je crois qu'il y a une certaine confusion quant à ce qui obtient le feu vert du GATT. Il suffit que le programme de soutien réponde à certains critères, auquel cas il n'est pas soumis aux réductions; il n'est pas visé par les mesures de réduction du soutien intérieur. Il est néanmoins possible de maintenir les programmes qui n'ont pas le feu vert du GATT, dans la mesure où l'on respecte la réduction globale du soutien. Étant donné que la réduction doit être effectuée en fonction des programmes en place entre 1986 et 1988, l'époque où presque tous les pays industrialisés du monde avaient des niveaux de soutien records, soit au milieu des années 80, la marge de manoeuvre des États-Unis et de l'Europe est tellement grande qu'ils peuvent réduire leur soutien, par rapport à la période 1986 à 1988, tout en conservant des niveaux de soutien de beaucoup supérieurs à ceux que nous avons au Canada. Voilà le problème.

Quand un programme a le feu vert, il n'est pas nécessaire de le réduire; on peut l'augmenter autant qu'on veut. Quant aux programmes qui ont le feu jaune ou qui n'ont pas le feu vert, ils sont soumis aux pourcentages de réduction globale. Comme l'a expliqué le ministre tout à l'heure, la situation actuelle est telle qu'une bonne part du soutien américain se présente sous forme, non plus de programmes qui n'ont pas le feu vert, mais plutôt de programmes qui ont le feu vert. Il ne faut pas conclure pour autant que c'est le cas de la totalité des 6 milliards de dollars. Une part de cet argent est consacrée à des programmes qui n'ont pas le feu vert, mais ces programmes respectent néanmoins le pourcentage de réduction globale.

M. Murray Calder: Pourquoi alors ne mettrions-nous pas sur pied des programmes identiques, des programmes pareils à ceux de la Communauté économique européenne et des États-Unis? Nous n'avons pas besoin d'y mettre des tonnes d'argent. Nous pourrions d'abord établir l'infrastructure, puis accroître au besoin le niveau de soutien. À l'heure actuelle, quand les États-Unis se servent de leurs subventions aux exportations contre la Communauté européenne, ils ne s'en servent pas contre nous, mais ils nous enlèvent des débouchés éventuels là-bas, car ils font baisser le prix de la denrée en question, et nous n'avons pas les moyens de soutenir la concurrence parce que nous n'avons pas en place le même type de programmes que les Américains. Pourquoi ne ferions-nous pas cela?

M. Mike Gifford: En toute justice envers les États-Unis, il faut reconnaître qu'ils n'ont fait appel à leur programme de subventions pour l'exportation de céréales qu'une seule fois depuis le printemps de 1996, si ma mémoire est bonne, et c'était pour réagir de façon très ponctuelle à l'utilisation par l'Europe de subventions à l'exportation de l'orge destinée à la Californie. Par conséquent, nous ne pouvons imputer aux États-Unis la responsabilité d'avoir entraîné à la baisse le prix des céréales au cours des trois dernières années. Il me semble que l'offre de céréales est tout simplement excédentaire par rapport à la demande. L'Union européenne continue d'avoir recours aux subventions à l'exportation, mais elle le fait dans le cadre des réductions qu'elle s'est imposées.

Au lieu de lancer de nouveaux programmes de subventions des exportations, les autres pays du monde doivent plutôt dire aux Européens et aux Américains que le moment est venu de supprimer les subventions à l'exportation. À cet égard, le secteur agroalimentaire canadien fait front commun.

Le président: Encore quelques secondes seulement, monsieur Calder.

M. Murray Calder: Oui mais, en fin de compte, ces programmes sont établis et peuvent servir en temps opportun. Pourquoi n'en faisons-nous pas autant?

M. Mike Gifford: En théorie, nous pouvons avoir recours à des subventions à l'exportation. En effet, une partie des subventions liées à notre Loi sur le transport des grains de l'Ouest visant le transport vers la côte Ouest étaient définies comme étant des subventions à l'exportation. Lorsque nous avons éliminé la LTGO, nous avons maintenu la capacité, tout au moins en théorie, d'avoir recours à des subventions à l'exportation. Cependant, comme quelqu'un l'a signalé, c'est un jeu qui n'en finit plus. Lorsque les prix sont bas, les pays ont recours à des subventions à l'exportation qui entraînent les prix à la baisse, ce qui déclenche à nouveau un recours aux subventions à l'exportation, et ainsi de suite. En fin de compte, les seuls gagnants sont les pays importateurs et les perdants sont les producteurs et les contribuables canadiens.

Le président: Merci, monsieur Gifford.

Passons maintenant à M. Breitkreuz pour cinq minutes. Il sera suivi de M. McCormick.

M. Barry Breitkreuz (Yorkton—Melville, Réf.): Merci beaucoup. Je suis bien content que notre discussion d'aujourd'hui soit exempte de tout esprit de parti.

Je ne connais pas grand-chose en économie—une matière que j'ai étudiée durant quelques années à l'université—mais il me semble évident, et c'est d'ailleurs ce que vous dites, que la surabondance de céréales entraîne une distorsion du marché, et que la production excédentaire est attribuable aux subventions. Je ne vois pas comment on peut attribuer le problème à la production excédentaire sans l'attribuer aux subventions... Je connais assez bien l'économie pour savoir que les subventions peuvent causer une production excédentaire.

• 0920

Permettez-moi de vous dire d'entrée de jeu que j'estime que les subventions étrangères et le dumping ont fait fléchir fortement les prix des céréales au cours des 10 ou 15 dernières années. Le problème sur lequel il faut nous pencher est celui des prix des céréales. Comment pouvons-nous arriver à imposer une réduction spectaculaire des subventions étrangères et mettre un terme au dumping? Voilà bien les raisons, d'après moi, qui expliquent la baisse du prix des céréales.

Vous avez dit que les subventions américaines visant les céréales étaient cinq fois supérieures à celles destinées aux agriculteurs canadiens. À la table des négociations, nous devrons savoir quelles sont les mesures prises par le Canada qui indisposent nos interlocuteurs et qui nuisent à notre crédibilité lorsque nous voulons négocier une baisse du niveau des subventions. Quels sont donc les irritants que nous devrons éliminer? Si les Américains subventionnent cinq fois plus les céréales, alors il doit y avoir certains autres secteurs au Canada qui posent problème. J'aimerais donc savoir ce qui compromet notre position à cet égard?

M. Mike Gifford: On constate un peu partout dans le monde que la communauté internationale est prête à accepter à ce qu'une certaine discipline soit exercée en matière d'accès aux marchés, d'obstacles au commerce, de subventions à l'exportation, et de mesures prises à la frontière. Les mêmes gouvernements sont beaucoup plus chatouilleux lorsqu'on leur demande de s'engager à réduire les mesures de soutien visant le marché intérieur.

Dans le secteur agricole, on s'est engagé à réduire certaines mesures de soutien intérieur, et ce avant de le faire dans le secteur industriel, mais tous ne sont pas d'accord à ce sujet. Vous avez raison de dire qu'une bonne partie des mesures de soutien en Europe de l'Ouest visent les céréales, ce qui a entraîné une production excédentaire de céréales dans cette région. Personne ne le conteste, et surtout pas les Européens. De toute évidence, il faut avec le temps réduire ces mesures de soutien excessives.

L'Union européenne amorce lentement une réforme de la politique agricole commune, mais il s'agit d'une question explosive sur le plan politique, et le changement ne se fera que très lentement. Voilà l'aspect qui est critique. Chaque pays a ses secteurs vulnérables ou des secteurs où le niveau de soutien est élevé. Dans ces cas, on n'est pas disposé à imposer des changements brusques à des programmes agricoles établis de longue date. Tout changement prend habituellement la forme d'un engagement de réduire le soutien sur une période de cinq ou 10 ans.

Mais nous ne devons pas perdre de vue nos objectifs. En plus de les énoncer clairement, nous ne devons pas oublier qu'ils comportent trois ou quatre ans de négociations et cinq à 10 ans de mise en oeuvre. La prochaine ronde de l'OMC portera en réalité sur le système d'échanges prévu pour 2010 ou 2015.

Pour ce qui est des objectifs des autres pays par rapport au Canada, il est évident que tous les exportateurs souhaitent réduire les obstacles à l'accès. Certains pays, notamment les États-Unis, semblent tout particulièrement indisposés par la vente par guichet unique. Nous les avons essentiellement invités à documenter leurs doléances. Cela fait, nous pourrons en discuter. Par contre, s'ils veulent tout simplement nous entraîner dans un débat sur la théorie des marchés, nous ne mordrons pas à l'hameçon. Jusqu'à maintenant, les Américains n'ont pas détaillé leurs plaintes, sauf pour dire que le système leur déplaît et qu'il a le défaut malencontreux de ne pas être semblable au leur.

M. Gary Breitkreuz: Mais y a-t-il autre chose au Canada que la vente par guichet unique qui les irrite?

M. Mike Gifford: Certains Américains estiment qu'il est beaucoup plus facile pour les Canadiens d'exporter aux États-Unis que pour les Américains d'exporter au Canada. Cela est une chose dont nous pouvons toujours discuter. Il y en a d'autres par contre qui n'aiment tout simplement pas les importations. Ce n'est pas tellement notre régime de commercialisation qui les indispose, c'est tout simplement l'idée de laisser entrer les importations. Ils aiment bien les exportations, mais ils ne veulent rien entendre des importations.

Pour ce qui est de la première série d'irritants, le fait de tenter de réduire la paperasse aux frontières pour faciliter les échanges dans un sens comme dans l'autre est certainement dans l'intérêt des deux parties. Dans le cadre du projet visant les bovins du Nord-Ouest, 10 000 têtes de bovins d'élevage des États-Unis passeront du Montana à l'Alberta cette année. La chose est attribuable à une décision bien réfléchie de collaborer à la mise au point d'un système simplifié à l'avantage des exportateurs des deux côtés de la frontière.

Voilà des initiatives auxquelles nous pouvons collaborer avec nos partenaires américains et nous allons d'ailleurs continuer à le faire.

• 0925

M. Gary Breitkreuz: Estimez-vous que...

Le président: Désolé, le temps est écoulé.

Monsieur McCormick, vous disposez de cinq minutes.

M. Larry McCormick: Merci, monsieur le ministre et monsieur Gifford, d'être ici présents.

La contestation devant l'OMC dont vous ou le ministre avez parlé fait l'objet d'un examen par un groupe qui se penche sur la politique de prix à l'exportation des produits laitiers canadiens... Si nous perdons, dans quelle mesure pourrons-nous encore exporter? Quelles seraient les répercussions de la décision pour la prochaine ronde de l'OMC? Vous n'avez pas toutes les réponses, bien entendu.

M. Mike Gifford: Je me limiterai à dire que la présentation de la position canadienne devant le groupe spécial de l'OMC sur les prix à l'exportation des produits laitiers a eu lieu mardi et mercredi de la présente semaine. Nous avons abordé la chose, me semble-t-il, dans la tradition classique d'Équipe Canada. Le ministère des Affaires étrangères, le ministère de l'Agriculture, l'Ontario, le Québec, les Producteurs laitiers du Canada et le Conseil national de l'industrie laitière du Canada ont collaboré. Avec une telle équipe, j'estime que nous avons été en mesure de très bien faire valoir pourquoi nous estimons que les pratiques d'exportation du Canada sont tout à fait conformes à nos obligations internationales.

Évidemment, nous ne pouvons prédire quelles seront les conclusions du groupe spécial. Nous estimons certainement que nos arguments sont très solides. Il faut dire que ni les Américains ni les Néo-Zélandais n'ont contesté l'ensemble de notre politique d'établissement des prix à l'exportation pour les produits laitiers. Ce ne sont donc que les volets contestés qui risquent d'être visés par des conclusions contraires à nos intérêts.

Je ne souhaite donc tout simplement pas échafauder des hypothèses sur l'issue du processus. Nous estimons agir tout à fait conformément aux règles de l'OMC. Nous avons présenté des arguments juridiques convaincants et nous sommes confiants d'obtenir un résultat favorable.

Merci.

M. Larry McCormick: Monsieur le président, j'aimerais obtenir réponse à deux questions. Dans le premier cas, j'aimerais que M. Gifford nous donne son avis à titre d'expert. Lorsque j'ai constaté que le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international allait englober l'agriculture dans le cadre des audiences qu'il tiendra en vue de la prochaine ronde, je n'ai pas été étonné outre mesure, mais je n'ai pas perdu de vue non plus que nos producteurs primaires s'inquiètent toujours de la possibilité que le gouvernement ou d'autres responsables sacrifient une ressource naturelle pour en sauver une autre.

Monsieur Gifford, je vous offre l'occasion d'une mise au point. Vous avez parlé de «perception». C'est un mot que j'utilise beaucoup à la maison et même trop selon certains membres de ma famille. On parle de perception en politique et par rapport à tout ce que nous faisons. Or, il existe une perception—et je crois en avoir parlé au ministre—selon laquelle vous ne seriez pas aussi favorables au principe de la gestion de l'offre pour l'avenir que bon nombre de producteurs le souhaiteraient. Auriez-vous un commentaire à ce sujet, monsieur Gifford?

M. Mike Gifford: Tout à fait. Je crois bien avoir eu l'occasion de prendre la parole devant autant de groupes de producteurs que la plupart de ceux qui sont ici présents et je suis tout à fait disposé à vous répéter ce que je leur ai dit.

Pour ce qui est du secteur laitier, avant la fin des années 60, le Canada était un exportateur net. Nous avons perdu notre accès au marché européen. Nos autres débouchés pour les produits laitiers se sont peu à peu fermés. D'autres pays avaient recours aux subventions à l'exportation. Les responsables du secteur laitier au Canada se sont alors dit qu'il ne servait à rien de tenter d'affronter la concurrence sur un marché international déséquilibré. On a donc décidé de se replier sur le marché intérieur.

À l'époque, une telle décision était tout à fait rationnelle. Aujourd'hui, par contre, nous sommes à la fin des années 90 et la situation a changé. Les subventions à l'exportation font l'objet de véritables limitations et l'accès au marché est réduit. Des distorsions du marché international continuent d'exister, mais elles ne sont certainement pas de la même ampleur qu'à la fin des années 60.

Les producteurs laitiers canadiens doivent se demander si, devant un marché intérieur stagnant, qui ne compte que 30 millions de consommateurs, ils vont se limiter à ce marché, ou bien s'ils vont à nouveau miser sur le marché international. Ce ne sont pas les gouvernements qui vont en décider. Ce sont les producteurs laitiers du Canada qui vont le faire tous ensemble.

D'après ce que j'ai pu observer au cours des deux ou trois dernières années, aussi bien chez les aviculteurs que chez les producteurs laitiers, on s'intéresse davantage aux possibilités du marché international. Or, la politique du gouvernement du Canada consiste à favoriser le régime de la gestion de l'offre.

• 0930

Contrairement à ce que certaines personnes pourraient penser, les négociateurs ne sont pas des gens qui ne font qu'à leur tête. Nous agissons en fonction d'instructions claires du cabinet. Pour la prochaine ronde de négociations, nous allons demander une autorisation du cabinet. Le ministre de l'Agriculture et son collègue, le ministre du Commerce international, vont proposer au cabinet une position de départ pour la négociation. Lorsque le cabinet en aura décidé, les négociateurs canadiens recevront des instructions en conséquence et les mettront à exécution.

Je ne peux pas être plus précis que cela, monsieur le président. Contrairement à la croyance populaire, les fonctionnaires ne sont qu'au service de leurs maîtres politiques. Je vous remercie.

Le président: Je vous remercie, monsieur Gifford. Je vous remercie, monsieur McCormick. Votre temps est écoulé.

Monsieur Proctor, vous avez maintenant cinq minutes. Ce sera ensuite au tour de Mme Alarie.

M. Dick Proctor: Je vous remercie beaucoup.

Monsieur Gifford, ce qui ressort de plus en plus clairement—je voudrais simplement faire une remarque—et le ministre et vous-même le confirmez, c'est que le Canada a la réputation à l'échelle internationale d'être un véritable boy-scout. Je suis sûr qu'on se sent bien lorsqu'on participe à une conférence internationale et qu'on sait que c'est la façon dont on perçoit le Canada. Par ailleurs, le fait que nous ne soyons pas prêts à jouer dur comme l'Union européenne ou les États-Unis a des conséquences désastreuses pour nos agriculteurs. Afin de protéger nos producteurs, il conviendrait peut-être que nous échangions cette image de boy-scout pour celle du motard et que nous commencions à jouer dur.

M. Mike Gifford: Monsieur le président, contrairement à l'idée que les Canadiens se font peut-être de l'image qu'ils projettent à l'étranger, je peux vous assurer que nos amis américains ne s'y méprennent pas. Les Américains ont une longue liste de doléances à l'égard du Canada et je pense que certains d'entre eux sont d'avis que leurs négociateurs n'ont pas négocié aussi dur que les négociateurs canadiens lors des négociations qui ont abouti à la signature de l'accord de libre-échange. Le fait est que rien n'est blanc ou noir dans le domaine du commerce agricole et qu'il y a beaucoup de nuances de gris.

Les ministres de l'Agriculture font tous face au même problème, que ce soit à Bruxelles, au Canada, aux États-Unis ou au Japon. Le problème en question est de savoir comment l'industrie s'adaptera aux nouvelles circonstances économiques.

Je peux, monsieur le président, répondre aux questions portant sur le commerce et la politique commerciale. Quant aux niveaux de subventions accordées ainsi qu'aux crédits totaux qui sont consacrés à soutenir le secteur rural, voilà essentiellement des questions qui relèvent de la politique interne et qui n'ont rien à voir avec les négociateurs commerciaux. Le niveau de l'aide accordée au secteur agricole est une décision politique. Pour les négociateurs commerciaux, la politique commerciale est un moyen permettant d'atteindre une fin.

Le commerce agricole mondial a subi l'effet de nombreuses distorsions pendant 50 ans. Nous essayons de faire en sorte que les choses changent. Ce n'est pas agir en boy-scout, mais simplement reconnaître que le Canada a intérêt à ce que les règles qui régissent le commerce agricole mondial ne causent plus le déséquilibre qu'on connaît depuis 50 ans.

M. Dick Proctor: Je vous remercie. J'ai une autre question à poser, monsieur le président.

Monsieur Gifford, vous avez dit, pour citer de nouveau le ministre, qu'à l'intérieur de la boîte, les Européens et les Américains ont une marge de manoeuvre assez grande. Qu'en est-il du Canada? Sa marge de manoeuvre est-elle aussi grande?

M. Mike Gifford: Oui. Le niveau de base du soutien au revenu accordé par le Canada—et je ne voudrais pas qu'on cite ce chiffre—est, si je ne m'abuse, d'environ 5 milliards de dollars. Au milieu des années 80, les subventions ainsi que les mesures de protection à la frontière s'élevaient au total—un calcul compliqué—à environ 5 milliards de dollars. Nous avons réduit ce montant de 20 p. 100 sur six ans pour le ramener à 4 milliards de dollars. Je crois que le niveau actuel des dépenses est d'environ 2 milliards de dollars. L'écart est donc d'environ 2 milliards de dollars.

M. Dick Proctor: On pourrait donc se servir d'une partie de cette somme. Comme vous l'avez dit dans votre réponse précédente, il s'agit d'une décision politique. Il faut en conclure que nous avons bien la marge de manoeuvre voulue.

M. Mike Gifford: C'est juste.

M. Dick Proctor: Je vous remercie.

• 0935

Le président: Je vous remercie, monsieur Proctor.

J'accorde maintenant la parole à Mme Alarie. Ce sera ensuite au tour de M. Hilstrom et de Mme Ur. J'ai encore quelques noms sur ma liste.

Madame Alarie.

[Français]

Mme Hélène Alarie: Je vais continuer sur la lancée de M. McCormick au sujet des problèmes de perception. Le Canada fait partie du Groupe Cairns. À la fin de la dernière rencontre, on a laissé entendre qu'on présageait de mauvais jours au niveau de la gestion de l'offre et des mesures de soutien à l'agriculture. Par ailleurs, tout à l'heure, le ministre nous disait qu'il entrevoyait, au niveau de la gestion de l'offre, des règles claires et des mécanismes de réglementation accrus. C'est le premier problème de perception que j'ai identifié. J'aimerais entendre votre point de vue et connaître votre vision. Je soulèverai un deuxième problème de perception par la suite.

[Traduction]

M. Mike Gifford: Monsieur le président, il est vrai que les autres membres du Groupe de Cairns doivent surtout protéger leurs exportations agricoles. Dans le cadre des négociations de l'Uruguay Round, nous avons cependant travaillé avec les membres du Groupe de Cairns à la défense de nos intérêts agricoles. Nous avons également collaboré très étroitement avec le Japon, la Corée et certains pays d'Europe de l'Ouest afin d'obtenir qu'on précise et renforce l'article XI. Il a donc été possible lors de l'Uruguay Round pour le Canada de défendre une position unifiée qui n'a pas été perçue comme étant davantage favorable aux exportateurs qu'aux importateurs.

Le défi, comme l'a indiqué plus tôt le ministre, c'est qu'il y a un consensus qui se dégage aujourd'hui au Canada sur la nécessité d'éliminer les subventions à l'exportation, mais qu'il n'en existe pas quant aux moyens à prendre pour améliorer l'accès aux marchés. À mon avis, monsieur le président, le défi que doivent relever le comité, le secteur, les provinces et le gouvernement au cours des 12 prochains mois est de concilier les points de vue divergents concernant l'accès aux marchés.

Il n'y a pas de solution magique. Si la solution était simple, quelqu'un l'aurait trouvée il y a bien longtemps. Les négociations vont être longues et ardues. Si un consensus ne se dégage pas d'ici 12 mois, notre position de négociation sera très faible et nous devrons essentiellement accepter ce qui nous sera présenté.

Je suis d'avis, monsieur le président, que nous devons oeuvrer à établir une position qui soit aussi défendable et crédible à l'échelle nationale qu'internationale que celle que nous avons présentée lors de l'Uruguay Round.

La difficulté est qu'aujourd'hui nous n'avons pas d'article XI. Nous devons trouver autre chose. Voilà le défi que nous lançons à tous ceux qui sont ici assemblés, monsieur le président. Si nous ne relevons pas ensemble ce défi, monsieur le président, nous le regretterons amèrement.

[Français]

Mme Hélène Alarie: Le deuxième problème de perception se situe au niveau des subventions qu'on accorde aux Américains, entre autres pour les céréales. On a aussi parlé des subventions versées pour la production primaire en Europe. On a l'impression d'avoir une agriculture à deux vitesses. Vous disiez tout à l'heure que les Européens voulaient changer des choses, mais que ça ne changeait pas vite. Mais en attendant, on a l'impression qu'on est perdants. Je ne voudrais pas parler de boycott, mais est-ce qu'il y a un geste d'éclat auquel on pourrait recourir en attendant, pour faire sonner la cloche avant que les négociations commencent?

[Traduction]

M. Mike Gifford: C'est une question très pertinente, monsieur le président. Que peuvent faire les gouvernements collectivement, à défaut d'entamer des négociations commerciales multilatérales, pour essayer d'atténuer ces problèmes? On a à l'occasion suggéré qu'on pourrait au moins s'entendre pour faire une récolte anticipée. Pourquoi ne pouvons-nous pas nous entendre, par exemple, pour éliminer nos subventions à l'exportation et atténuer ainsi les pressions qui s'exercent sur le marché international?

Malheureusement, monsieur le président, bien qu'il s'agisse d'une bonne idée, les pays hésitent à faire des concessions s'ils n'obtiennent rien en retour.

• 0940

Par conséquent, lorsqu'on demande aux Européens pourquoi ils ne veulent pas convenir avec nous de ne pas attendre les prochaines négociations pour éliminer graduellement les subventions à l'exportation, ils répondent que les négociations agricoles font partie d'un tout et qu'ils ne veulent pas renoncer aux subventions à l'exportation pour que nous réclamions deux ans plus tard un accès encore plus large aux marchés.

Voilà qui explique, monsieur le président, que ce scénario soit extrêmement difficile à mettre en oeuvre même s'il est tout à fait logique.

Le président: Je vous remercie, monsieur Gifford.

Cette ronde de questions est terminée. Quatre autres députés veulent poser des questions. Nous devrions avoir le temps voulu pour cela. Si chaque député prend tout le temps qui lui est imparti, cela prendra 20 minutes. Vers 10 heures, nous devons discuter de la motion de Mme Alarie. Le comité directeur tiendra ensuite une réunion à huis clos.

J'accorde maintenant la parole à M. Hilstrom qui sera suivi de Mme Ur, M. Hoeppner et M. McCormick.

M. Howard Hilstrom: Je vous remercie.

Dans le domaine de la gestion de l'offre, l'industrie laitière du Québec, de l'ouest du Canada et du reste du pays a déjà fait savoir qu'elle voulait accroître ses exportations. Cette position est bien connue. Que vont dire nos partenaires à la table des négociations si nous voulons maintenir notre système de gestion de l'offre avec les prix que cela suppose et que nous voulons écouler sur les marchés mondiaux notre production excédentaire? N'est-ce pas une position contradictoire?

M. Mike Gifford: Monsieur le président, lorsque nous nous sommes engagés dans la dernière ronde de négociations, nous avions un système de gestion de l'offre très efficace que nous estimions être complètement conforme à l'article XI. Nous avons offert d'améliorer l'accès à notre marché et d'assujettir nos exportations à certaines conditions en échange d'un article XI plus précis. L'industrie agricole elle-même était prête à offrir un accès amélioré au marché laitier canadien et à accepter que les exportations soient assujetties à certaines conditions en échange d'un article XI plus précis.

Dans sa sagesse, la communauté internationale a décidé de supprimer l'article XI et de transformer au lieu tous ces quotas à l'importation en tarifs. Nous n'étions plus alors obligés de serrer la vis autant que nous l'avions fait par le passé et en vertu des nouvelles règles, nous pouvons certainement accroître la production pour profiter des possibilités qu'offre les marchés d'exportation.

Il appartient maintenant aux industries qui sont régies par la gestion de l'offre et aux industries axées sur les exportations de concilier leurs intérêts. Qu'attendent-elles de la prochaine ronde de négociations en ce qui touche l'accès aux marchés? Il faut tenir compte de plusieurs éléments. Il y a d'abord les tarifs sur la production excédentaire. Dans la plupart des cas, ces tarifs, qu'ils soient européens, américains ou canadiens, sont essentiellement des tarifs prohibitifs. Les tarifs dits sur la production permise sont relativement bas. Lors de l'Uruguay Round, les tarifs canadiens sur la production permise pour ce qui est des produits assujettis à la gestion de l'offre ont été réduits de 57 p. 100, et non pas de 15 p. 100 comme pour les tarifs sur la production excédentaire.

Il y a aussi la question de l'accès minimal. Quelle production peut être importée à des tarifs peu élevés? L'industrie et les deux paliers de gouvernement devront s'entendre là-dessus et établir quelle devrait être la position canadienne sur l'accès aux marchés compte tenu de tous les éléments qui entrent en ligne de compte.

Pour ce qui est des exportations, nous voulons des réductions maximales dans les tarifs, une augmentation maximale et un accès minimal aux marchés. Les importateurs et les exportateurs devront concilier leurs intérêts. Reste à voir comment ils le feront.

M. Howard Hilstrom: Je vous remercie, monsieur Gifford. Nous étudierons évidemment plus à fond la question à mesure que des représentants de l'industrie comparaîtront devant nous.

Les subventions internes qui sont accordées en Europe constituent notre plus gros problème. Cela ne fait aucun doute. Comment pouvons-nous convaincre les Européens d'abandonner ces subventions élevées qui leur permettent de produire en quantité excédentaire presque tous les produits agricoles? Pouvons-nous faire quelque chose ou faudra-t-il simplement se résigner? Une solution serait pour le Canada et les États-Unis d'échanger complètement librement ces produits et de former un bloc nord-américain. Nous serions alors en mesure d'amener les Européens à bouger. Pouvons-nous cependant faire quelque chose tant que nous n'aurons pas harmonisé complètement nos politiques avec celles des États-Unis?

• 0945

M. Mike Gifford: Nous pouvons certainement exercer des pressions de concert avec les États-Unis et d'autres pays exportateurs de produits agricoles sur les Européens pour les amener à accepter de réduire les subventions qu'ils accordent à leurs producteurs.

Ce sera sans doute des pressions internes plutôt que des pressions externes qui amèneront l'Union européenne à modifier sa position. D'ici la fin du siècle, l'Union européenne qui compte actuellement 15 membres, en comptera 20, 23 ou 25. Les pays de l'Europe de l'Est finiront par se joindre à l'Union européenne.

En dernière analyse, la politique agricole commune, telle qu'elle existe aujourd'hui, ne pourra tout simplement pas être maintenue à l'avenir. Car bon nombre de ces pays ont un potentiel agricole énorme. Même l'Union européenne ne pourra se permettre une politique agricole commune fondée sur les politiques d'aujourd'hui dans cinq, dix ou quinze ans.

Dans les cercles européens, des pressions internes s'exercent en vue d'une réforme, précisément pour ces raisons. Nous allons devoir modifier la politique agricole commune. Il faudra passer de 15 à 20 ou 25 pays. Et dans ce contexte, faisons en sorte de reconnaître que l'Europe se classe au deuxième rang des exportateurs agricoles dans le monde, tout en étant également l'un des principaux importateurs.

Nos intérêts sont axés sur l'exportation. Nous devrions accroître la compétitivité de notre secteur pour pouvoir livrer concurrence aux autres pays, sans la protection et le soutien dont ils disposent à l'heure actuelle. C'est un grand débat.

M. Howard Hilstrom: Nous sommes aussi concurrentiels que possible à l'heure actuelle pour ce qui est de la production de denrées alimentaires. Je ne sais pas comment nous pourrions être plus concurrentiels que nous le sommes maintenant.

M. Mike Gifford: Je conviens tout simplement avec vous que l'Europe doit être plus concurrentielle.

Le président: Nous allons donner la parole à Mme Ur, suivie de M. Hoeppner.

Mme Rose-Marie Ur: Merci, monsieur le président.

La négociation, c'est un troc. Vous avez dit tout à l'heure que l'Union européenne et les États-Unis avaient une plus grande marge de manoeuvre pour négocier que nous. Après vous avoir entendu déclarer cela, je ne sais pas comment nous pouvons espérer conclure une entente satisfaisante pour nos agriculteurs si nous n'avons pas une telle marge de manoeuvre.

J'ai quelques questions à vous poser. Vous pouvez prendre des notes pour me faire parvenir des réponses.

Vous avez dit qu'il y avait une entente fondamentale en ce qui concerne les subventions, mais qu'il fallait améliorer le volet exportation du marché. C'est bien beau de vouloir améliorer ce secteur, mais même après les efforts que nous avons consentis en ce sens, les producteurs primaires n'y gagnent rien. Pourquoi faire constamment la promotion des exportations étant donné que depuis la création de l'OMC, nos producteurs primaires perdent du terrain au lieu d'en gagner?

Je ne sais pas si c'est une idée que je me fais, mais l'accroissement de la production au Canada ne risque-t-elle pas d'inciter l'Union européenne et les États-Unis à hausser leurs subventions?

À l'heure actuelle, les agriculteurs canadiens sont anéantis par le bas prix des denrées. Pourriez-vous me dire s'il existe à leur intention un mécanisme qui ne risque pas de déclencher un conflit ou une contestation aux termes de l'OMC? Les agriculteurs ont besoin d'aide. De quoi disposons—nous pour les aider?

Pourriez-vous fournir au comité un tableau ou un graphique des subventions versées aux États-Unis, au Canada et en Europe et décrivant cette mince marge dont dispose le Canada selon vous? Veuillez fournir aussi les chiffres pour les autres pays.

M. Mike Gifford: Tout d'abord, c'est un fait que l'Union européenne et les États-Unis ont des coffres beaucoup plus garnis que les petits et moyens pays exportateurs de produits agricoles. Voilà l'une des raisons pour lesquelles le Canada est membre du Groupe de Cairns. L'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Brésil, l'Argentine, le Canada, la Thaïlande et les Philippines n'ont pas la capacité financière des superpuissances économiques et par conséquent, il n'est pas question pour ces pays de dire qu'ils vont réduire leurs maigres moyens de protection et d'appui et qu'en contrepartie les superpuissances vont réduire les leurs, qui sont considérables.

Notre position est la suivante. Nous estimons qu'il est logique pour tous les exportateurs agricoles—et il ne faut pas oublier que les Européens sont de grands exportateurs agricoles—de réduire les pratiques qui introduisent des distorsions dans les marchés. Chose certaine, nous sommes disposés à collaborer avec nos alliés, où qu'ils soient, dans des dossiers précis. Et lorsque nous affirmons vouloir réduire les mesures de protection porteuses de distorsions, notre position est appuyée par les autres membres du Groupe de Cairns. Il va de soi que nous avons des divergences d'opinions dans d'autres dossiers, mais pour ce qui est de réduire les mesures de soutien qui causent la distorsion des échanges, c'est dans ce domaine que le Groupe de Cairns a sans doute le plus d'influence.

• 0950

Selon vous, les producteurs primaires sont de grands perdants de la libéralisation des échanges. Je ne suis pas d'accord. Cela dit, je conviens que de nombreuses distorsions affligent encore le commerce agricole mondial, et j'espère que la prochaine ronde de négociations nous permettra de faire un grand pas pour en réduire le nombre.

C'est également un fait que les producteurs, particulièrement en Amérique du Nord, sont victimes de replis conjoncturels dans les secteurs bovin, porcin et céréalier. Je conviens également que certaines de ces baisses de prix reflètent les distorsions créées par des subventions à la production et à l'exportation.

Pour ce qui est de la politique commerciale, nous pouvons faire des efforts pour réduire ou éliminer les subventions à l'exportation. Nous pouvons faire en sorte d'améliorer l'accès aux marchés. En fait, nous pouvons prendre des moyens pour réduire la pression à la baisse qui s'exerce sur les prix à la suite de l'intervention gouvernementale. Mais essentiellement, nous ne pouvons pas faire grand-chose au sujet des fluctuations naturelles qui en résultent dans les milieux agricoles. Lorsque les prix sont élevés, les producteurs accroissent leur production et lorsqu'ils sont bas, ils la limitent. Nous n'échapperons jamais à ce cycle. Ça, c'est la réalité.

Ce que les gouvernements peuvent faire de mieux, c'est atténuer ces situations cycliques, mais d'une façon qui provoque le moins de distorsions possible dans les échanges. C'est essentiellement ce qui s'est produit au fil des ans. De plus en plus, les pays abandonnent les mesures générales d'appui aux denrées qui récompensent la production—plus vous produisez, plus vous obtenez de l'argent—pour adopter des programmes plus ciblés, comme le programme CSRN du Canada dont même les Américains admettent que c'est un bon programme de soutien agricole. Il n'est pas axé sur une denrée en particulier, mais sur toute une gamme de denrées.

Le président: Monsieur Gifford, nous devons passer à quelqu'un d'autre.

Nous allons entendre M. Hoeppner, suivi de M. McCormick et ensuite, M. Breitkreuz et M. McGuire. Ce devrait être tout après.

Monsieur Hoeppner, vous avez cinq minutes.

M. Jake Hoeppner: Merci, monsieur le président.

Monsieur Gifford, j'aimerais poursuivre la discussion sur ce cycle d'expansion et de ralentissement. Je dis parfois que nous sommes nos pires ennemis. Prenons l'exemple de l'industrie porcine. L'industrie porcine du Manitoba est dans un état lamentable. Le gouvernement provincial a fait énormément de démarches pour obtenir une usine dans la région de Brandon. Quant à savoir quelles concessions fiscales il a accordées, je l'ignore, mais un éleveur de porcins est venu me voir il y a deux semaines et m'a dit: «Jake, lorsque vous retournerez à la Chambre, ne vous contentez pas de taper du poing sur votre pupitre; sautez dessus à pieds joints car mes collègues et moi-même faisons faillite plus vite que vous ne pouvez l'imaginer.»

À l'heure actuelle, même si l'on donnait gratuitement aux éleveurs de porc les céréales dont ils ont besoin, ils n'en feraient pas moins faillite. Et tout cela à cause des pressions politiques des gouvernements provinciaux en faveur d'une trop grande expansion.

Les agriculteurs québécois ont bloqué la Transcanadienne. Selon eux, ils perdent 43 $ le porc. M. Bouchard leur a dit: «Je vais vous donner suffisamment de subventions pour faire en sorte de vous garder à flot.» Je conviens qu'il faut faire quelque chose, mais comment avoir une action concertée dans tout le pays?

Au Manitoba, compte tenu du nombre d'élevages de porcins qui ont vu le jour, nous pourrions fournir en porc la moitié de l'Amérique du Nord, si tant est que ces élevages puissent fonctionner. Nous nous faisons du tort à nous-mêmes. Nous forçons encore une fois ces agriculteurs à faire faillite.

Un agriculteur a affirmé qu'il y avait en moyenne 18 000 $ par agriculteur dans les comptes du CSRN. Cela ne couvre même pas un mois de pertes dans ces élevages porcins. Comment pouvons-nous régler le problème sans que cela n'ait de répercussions sur le commerce extérieur?

Nous sommes dans un cycle d'expansion et de ralentissement, comme vous l'avez dit, et nous semblons commettre la même erreur chaque fois qu'il y a une amélioration de la conjoncture. Il faut que cela cesse à un moment.

M. Mike Gifford: Je vais laisser le ministre répondre à la question concernant le revenu à l'échelle nationale puisqu'il a fait savoir qu'il allait comparaître devant le comité sur le sujet. En ce qui concerne les problèmes de revenu agricole, je dirai tout simplement que lorsque les gouvernements offrent leur soutien à certains secteurs, il y a une chose que le ministre fédéral et les ministres provinciaux de l'Agriculture doivent prendre en compte, c'est le fait que le marché du porc s'inscrit dans un contexte nord-américain. Nous devons faire attention de ne pas répéter l'expérience du programme de stabilisation tripartite en vertu duquel le gouvernement fédéral, les autorités provinciales et les producteurs versaient de l'argent dans un fonds de stabilisation, ce qui a provoqué l'imposition de droits compensateurs. Au bout du compte, tout l'argent réuni n'a servi à rien étant donné que les États-Unis ont imposé des droits compensateurs.

• 0955

Quoi que nous choisissions de faire à l'avenir, monsieur le président, il faut se rappeler que les industries bovine et porcine américaines ne reçoivent pas de subventions financières directes et que si nous injectons des subventions considérables dans nos secteurs, nous allons simplement nous exposer à des enquêtes par les Américains qui débouchement sur des mesures compensatoires.

M. Gaie Hoeppner: Et sur leurs marchés. Si les Américains décidaient de fermer la porte à notre bétail et à nos porcs, tout notre secteur agricole s'effondrerait. Nous serions finis. Je crains que ce ne soit en train d'arriver car les Américains ne vont pas laisser leurs agriculteurs faire faillite, tout comme les Européens. Ils ont de l'argent dans leurs coffres et ils vont s'en servir. De notre côté, comment pouvons-nous sauver nos agriculteurs? Comment faire pour sauver l'industrie agricole?

M. Mike Gifford: Monsieur le président, ce sont là les questions auxquelles on essaiera de répondre à la séance du 4 novembre.

M. Jake Hoeppner: Merci.

Le vice-président (M. Murray Calder): C'est tout? D'accord, Larry, vous avez la parole.

M. Larry McCormick: Merci, monsieur le président, et merci, monsieur Gifford.

Je vous remercie de votre réponse. Vous avez expliqué clairement comment le gouvernement établit sa position. Je sais fort bien que vous êtes reconnu partout au pays comme un expert, un excellent négociateur. Par conséquent, c'est au gouvernement qu'il appartient de faire en sorte que vous vous en teniez à sa position. De nombreux groupes de producteurs de denrées nous l'ont dit.

L'industrie laitière souhaite exporter davantage, et c'est ce qui m'amène à m'inquiéter du sort des exploitations familiales. Je souhaite que les agriculteurs puissent prospérer dans un contexte de libre marché. Je sais qu'ils veulent contrôler leur propre destin. Mais dans le domaine des exportations, si nous autorisons les producteurs du Manitoba à exporter sans contingent... Si l'on s'en va dans la même direction que celle qu'on connaît ici, où la ferme laitière moyenne compte de 47 à 52 bêtes, je me demande ce qui restera des fermes familiales dans la foulée de l'expansion des exploitations agricoles. Je me demande à quel point elles sont à risque.

J'aimerais que vous nous disiez une chose. À ce sujet, nous allons sans doute vous demander, ainsi qu'au ministre, de nous prodiguer davantage de conseils d'ici un an ou deux. Le ministre a demandé au comité d'être très présent dans le dossier et d'examiner le contexte international en vue de la prochaine ronde de négociations à l'OMC. Nos ressources sont limitées, bien que nous recevions ici de nombreux groupes. À votre avis, comment pouvons-nous nous y prendre pour faire en sorte d'être mieux préparés, d'élargir notre vision et d'apporter une contribution valable?

Merci, monsieur le président.

M. Mike Gifford: Monsieur le président, au sujet de votre dernier point, il va de soi que le ministère est tout à fait disposé à répondre aux demandes d'information du comité. Dans le passé, nous avons fait la preuve que nous pouvions répondre avec diligence aux demandes de renseignements du comité.

Cela dit, monsieur le président, vous allez accueillir plus d'une trentaine de représentants d'organismes agricoles qui ont des connaissances et des compétences précieuses. Ils peuvent vous fournir énormément d'information. À mon avis, grâce à l'apport du gouvernement fédéral et du secteur même, vous pourrez être en mesure d'aller chercher toute l'information dont vous aurez besoin.

Pour répondre à votre première question, monsieur le président, vous avez de nouveau mis sur le tapis l'avenir de l'industrie agricole. Qu'il s'agisse du secteur du lait, de la volaille ou autre, tout est entre les mains des producteurs. Ce sont eux qui font les choix et il est dans leur intérêt collectif de pouvoir compter sur un organisme à guichet unique. D'ailleurs, c'est essentiellement ce que nous avons pour la gestion de l'offre. C'est leur décision. Leur défi, comme le défi de tout autre secteur agricole dans le monde, c'est de conserver ce système de commercialisation qui nous a si bien servis dans le passé, et ce, dans un avenir où les pressions internationales vont s'intensifier en vue de réduire non seulement les subventions à l'exportation, mais aussi de lever les obstacles à l'accès aux marchés. C'est un défi que devra relever l'industrie agricole. Il lui faudra prendre une décision. Les gouvernements ne peuvent imposer de décision à l'industrie. Ce sont ces intervenants qui devront décider de leur orientation dans un contexte commercial qui évoluera progressivement avec le temps.

• 1000

M. Larry McCormick: Je tiens à remercier M. Gifford, aux fins du procès-verbal, de nous avoir fait part de ses observations.

Le président: Merci, monsieur McCormick.

La parole est maintenant à M. Breitkreuz, qui sera suivi de M. McGuire.

M. Gary Breitkreuz: Merci, monsieur le président.

J'aimerais faire suite aux questions soulevées par les députés de l'opposition, et à votre question en ce qui concerne les obstacles techniques qui posent un problème, et à la question que j'ai soulevée auparavant quant aux entraves commerciales des autres pays. Nos secteurs axés sur la gestion de l'offre constituent-ils une entrave commerciale aux yeux des autres pays? De tous les groupes qui doivent comparaître devant le comité, est-ce qu'il y en a certains qui seront pénalisés à cause des autres groupes au sein du secteur agricole?

Je ne suis pas tout à fait limpide. Est-ce que certains groupes seront sacrifiés? Est-ce que certains groupes doivent se contenter d'une subvention inférieure pour permettre à d'autres d'avoir une position plus forte? À l'heure actuelle, ce sont les céréaliculteurs qui souffrent tandis que d'autres ne sont pas pénalisés. Comprenez-vous ce que je veux dire?

M. Mike Gifford: Je vous comprends parfaitement. Parfois, nous, les Canadiens, avons tendance à croire que nous sommes le seul peuple au monde. Les États-Unis ont un régime de gestion de l'offre pour les arachides. Le système d'établissement du prix du lait en Californie, aux États-Unis, ressemble beaucoup au système canadien. Les Européens ont également des secteurs d'importation qu'ils veulent protéger. Nous ne sommes pas le seul pays à devoir, d'un côté, protéger certains secteurs des importations et, de l'autre, faire valoir nos intérêts pour l'exportation.

Lors du dernier Round, grâce à la position de négociation crédible et unifiée qui a été établie par l'industrie au départ, nous avons réussi à ne pas sacrifier certains secteurs d'exportation dans le but de soutenir et de protéger le secteur de la gestion de l'offre. Nous avons réussi à gagner sur tous les plans.

Lors du prochain Round, le défi consistera à répéter cet exploit. L'article XI n'existe plus. Nous devons élaborer une position crédible. Il n'y a pas de réponse magique. Nous avons environ 12 mois pour déterminer comment atteindre les mêmes résultats qu'à l'Uruguay Round.

M. Gary Breitkreuz: Merci.

Le président: Merci, monsieur Breitkreuz.

Monsieur McGuire.

M. Joe McGuire (Egmont, Lib.): Monsieur Gifford, pourriez-vous nous dire si le Canada va pouvoir atteindre son objectif qui est de doubler ses exportations? Quels secteurs vont nous permettre d'atteindre ces objectifs lors des négociations?

M. Mike Gifford: L'objectif du CCCA est de permettre à l'ensemble de l'industrie de doubler ses exportations d'ici l'an 2005. En l'an 2005, le prochain Round sera à peine terminé et la mise en vigueur des nouvelles règles n'aura que débuté. Par conséquent, si nous voulons atteindre les objectifs du CCCA d'ici l'an 2005, il va falloir le faire en fonction du cadre commercial actuel.

Mais il est clair qu'à l'avenir, si l'industrie désire continuer à prendre de l'expansion, nous allons tirer profit d'un milieu commercial qui sera régi par des règles qui s'appliqueront également à tous les pays; c'est-à-dire un système où les gouvernements auront, espérons-le, finalement décidé d'éliminer les subventions à l'exportation; un système où les politiques de soutien intérieur provoqueront de moins en moins de distorsions commerciales et seront plus neutres par rapport à la production et où il existera une certaine sécurité et de prévisibilité quant à l'accès aux marchés.

Voici ma dernière observation. Pourquoi nos résultats commerciaux par rapport aux États-Unis ont-ils été si brillants? Depuis la négociation de l'entente de libre-échange, nos exportations vers les États-Unis ont grimpé de 10 p. 100 annuellement, année après année. Par contre, nos exportations aux autres pays du monde n'ont pas remporté le même succès.

L'un de nos défis, c'est d'améliorer notre accès aux marchés d'outre-mer, tels que l'Europe. Nous sommes un importateur net des produits agricoles et agroalimentaires de l'Europe, parce que ces pays-là ont un accès excellent au marché canadien, mais l'accès canadien aux marchés européens est toujours hautement limité.

• 1005

Lors du prochain Round, l'un de nos objectifs est de réduire ces obstacles commerciaux en Europe dans le but d'uniformiser les règles. Voici un objectif visé par les divers groupes agricoles à travers le pays. Ils cherchent à obtenir une uniformisation des règles du jeu, qu'il s'agisse d'une réduction des subventions à l'exportation, des barrières empêchant l'accès aux marchés ou du soutien intérieur ayant un effet de distorsion sur le commerce.

Le président: Merci, monsieur McGuire. Merci, monsieur Gifford. Comme d'habitude, vous avez su témoigner avec brio. Je suis certain que vous allez revenir nous voir maintes fois.

M. Mike Gifford: Ce fut un plaisir d'être ici, monsieur le président.

Le président: C'est pour cette raison que nous vous payons un gros salaire. Merci encore.

Honorables membres, prenons donc une pause de quelques minutes pour permettre à M. Gifford de partir. Nous allons ensuite poursuivre notre séance publique pendant quelques minutes afin d'examiner les motions de Mme Alarie. Ensuite, les membres du comité directeur vont tenir une séance à huis clos pour discuter des travaux futurs.

• 1006




• 1011

Le président: Veuillez reprendre vos places.

Il nous reste un point à l'ordre du jour de notre séance publique, et c'est la motion de Mme Alarie découlant d'une séance tenue la semaine passée avec des fonctionnaires de l'ACIA. Dès que nous aurons réglé la motion de Mme Alarie, les membres du comité directeur tiendront une séance à huis clos pour discuter des travaux futurs du comité.

La motion de Mme Alarie se lit comme suit:

    Le comité recommande que le ministre traite tous les producteurs touchés de façon équitable et qu'il prenne des mesures compensatoires rétroactives au 1er janvier 1997.

Madame Alarie, je crois que vous avez déjà expliqué votre motion, mais si vous désirez ajouter quelque chose, allez-y. M. Coderre m'a déjà fait savoir qu'il veut répondre. Alors, vous pouvez dire quelques mots et ensuite je vais donner la parole à M. Coderre.

[Français]

Mme Hélène Alarie: Il est assez clair que tous souhaitent que les producteurs soient traités de façon équitable. Un groupe privé et des représentants de l'industrie ont présenté au ministre une recommandation en ce sens. Ainsi, une certaine partie du travail est déjà faite.

Ce qui reste à faire et qui est d'une grande importance, c'est de prendre des mesures compensatoires rétroactives au 1er janvier 1997, date à laquelle la crise a commencé et où les premières personnes ont dévoilé la situation à l'agence, agissant ainsi de façon responsable. Ce sont ces producteurs qui ont jusqu'ici subi les plus grandes pertes.

Ne serait-ce que par équité, si on dit qu'ils ont agi de façon responsable, ils méritent qu'on leur accorde, en raison des gestes qu'ils ont posés, une indemnité équivalente à celle que recevront les autres producteurs.

[Traduction]

Le président: Merci, madame Alarie.

La parole est maintenant à M. Coderre.

[Français]

M. Denis Coderre (Bourassa, Lib.): Monsieur le président, je soutiens depuis le début qu'on doit aider les producteurs. De nombreux efforts ont été déployés et des pressions ont été exercées. Il faut souligner que ce point de vue n'est pas partisan et que l'ensemble des membres du comité ont déjà travaillé très fort. Nous avons constaté que des choses importantes avaient été accomplies et qu'il y avait eu une évolution.

J'avais l'intention de déposer une motion concernant la rétroactivité, mais puisque l'agence attend actuellement un avis juridique,

[Traduction]

un avis juridique en ce qui concerne la rétroactivité, et étant donné que même la Fédération des producteurs d'agneaux et moutons du Québec a demandé un avis juridique en ce qui concerne la rétroactivité au ministre

[Français]

je ne me sens pas prêt à prendre immédiatement position sur cette motion. Je souhaiterais que vous ayez accès à cet avis juridique et que vous me laissiez savoir quand il sera prêt. Je souhaite qu'on attende.

[Traduction]

Nous devrions reporter la motion jusqu'à ce qu'on ait un avis juridique sur la rétroactivité.

[Français]

De cette façon, on aura une position beaucoup plus claire sur cette notion-là. On doit parler de ce dossier en termes de légalité. Tout le monde sait que tous veulent qu'on indemnise les producteurs de façon équitable: le ministre, les députés qui ont exercé des pressions, le caucus libéral du Québec, le caucus rural, le Parti réformiste et le NPD. C'est pourquoi

[Traduction]

Je propose de reporter la motion jusqu'à ce qu'on ait un avis juridique sur la rétroactivité.

• 1015

Le président: Si je vous comprends bien, vous aimeriez appuyer la motion de Mme Alarie, mais vous croyez qu'il faut premièrement obtenir cet avis juridique...

M. Denis Coderre: Oui.

Le président: ...pour que la position du comité soit absolument limpide.

M. Denis Coderre: Nous devrions reporter cette motion en attendant un avis juridique.

Le président: Monsieur Proctor.

M. Dick Proctor: Pour que je comprenne bien—peut-être quelqu'un pourrait-il m'aider—combien de temps faudra-t-il pour obtenir cette précision juridique?

Le président: Denis, croyez-vous qu'il s'agit de quelques jours?

[Français]

M. Denis Coderre: Nous devrions obtenir une réponse d'ici une semaine ou deux au plus.

[Traduction]

Le président: Serait-il raisonnable de proposer d'essayer d'obtenir cet avis juridique d'ici deux semaines au plus tard? Si on ne réussit pas à l'obtenir, peu importe la raison, eh bien, alors, nous irons de l'avant avec la motion telle qu'elle est proposée.

Monsieur Breitkreuz.

M. Gary Breitkreuz: Merci, monsieur le président.

C'est bien beau d'obtenir un avis juridique, mais ne croyez-vous pas qu'il faut comprendre la situation économique? Quel est l'impact économique de tout cela, et ainsi de suite? Ne croyez-vous pas qu'il nous faut un avis à ce sujet? Cet avis doit comporter l'aspect légal et économique.

[Français]

M. Denis Coderre: Monsieur le président, il est clair qu'on ne veut pas tenir un débat sur la tremblante aujourd'hui parce qu'on a déjà tenu un tel débat. À mon avis, il y a unanimité et consensus à ce sujet. Je veux aider les producteurs; je suis en faveur des producteurs. Mais puisque nous sommes des législateurs et qu'il y a un impact non seulement au niveau des contribuables, mais surtout au niveau de la légalité de la rétroactivité, je veux m'assurer qu'on prenne une décision correcte au point de vue juridique.

[Traduction]

Le président: Je vous donnerai la parole après, monsieur Hoeppner.

Madame Alarie, si on reportait cette motion pendant, disons, deux semaines au plus tard, cela vous conviendrait-il? Si oui, cela ne sert à rien de discuter davantage de cette motion. Je crois que M. Coderre propose d'attendre deux semaines au plus tard, et ensuite nous étudierions la motion.

[Français]

Mme Hélène Alarie: J'aurais préféré qu'on en débatte ce matin et qu'on en finisse puisque cela ne change rien au fond. Si la rétroactivité n'est pas possible à cause d'un problème juridique, on acceptera le fait que ce ne n'est pas possible. Mais notre appui à cette motion pourra aider le ministre à faire accélérer les choses. Je ne vois pas pourquoi nous devrions attendre deux semaines. Je maintiens la motion.

[Traduction]

Le président: Monsieur Hoeppner, vous aviez une question.

M. Jake Hoeppner: Oui, ma question est la suivante: Y a-t-il des agriculteurs qui n'ont pas touché une indemnité avant 1997? Y a-t-il des agriculteurs qui n'ont rien reçu?

Le président: Ils ont touché quelque chose.

M. Jake Hoeppner: Ils ont touché quelque chose?

Le président: Je pense qu'il s'agit d'un montant d'environ 2 millions de dollars, n'est-ce pas, Joe? Environ 2 millions de dollars ont été versés sous forme d'indemnités.

M. Larry McCormick: Il s'agissait de 150 $ pour...

M. Jake Hoeppner: C'était pour tous les producteurs touchés en 1997?

M. Joe McGuire: Tout producteur ovin qui devait éliminer son troupeau a reçu 150 $ pour chaque animal de croisement et 300 $ pour chaque animal de race.

Le président: Vous avez entendu dire l'autre jour qu'il est possible que les indemnités soient augmentées.

M. Joe McGuire: Monsieur le président, le gouvernement du Québec a déjà reçu de l'argent pour indemniser les producteurs dans des situations comme celle-ci. Le gouvernement a choisi de les dépenser autrement, pour soutenir les prix, au lieu d'offrir ce genre de soutien. Donc l'argent, dans le fond, a déjà...

Le président: Membres du comité, écoutons M. Coderre, et ensuite nous pourrons passer à sa motion.

[Français]

M. Denis Coderre: La réalité, monsieur le président, c'est que nous sommes en faveur des producteurs. Des indemnités leur ont déjà été accordées et certaines gens pensent, avec raison, qu'ils n'ont pas eu a fair share. Certains producteurs seront indemnisés selon un nouveau modèle de compensation qui, à la suite de nos pressions, selon l'agence, pourra s'élever jusqu'à 600 $.

Le problème est le suivant. Même la présidente de la Fédération des producteurs d'agneaux et de moutons du Québec avait demandé au ministre, avant le 16 octobre dernier, qu'on se penche en premier lieu sur la légalité de la rétroactivité. Je ne veux pas faire un débat sémantique au sujet des compétences et au point de vue juridique. Je veux cependant m'assurer que lorsqu'on prendra notre décision, on n'embarquera pas dans une zone grise. C'est pour cette raison que je ne veux pas qu'on tienne ce débat aujourd'hui.

Je demande qu'on dépose cette motion parce qu'à notre avis, elle se situe au plan de l'intégrité intellectuelle. Nous pourrons prendre une décision beaucoup plus adéquate lorsque nous aurons en main tous les éléments, notamment les chiffres demandés par M. Breitkreuz et surtout l'avis juridique concernant la rétroactivité.

[Traduction]

Le président: Écoutons M. Hilstrom, et ensuite Mme Alarie, et après nous mettrons la motion aux voix.

M. Howard Hilstrom: La seule option, à mon avis, consiste à déposer cette motion ici aujourd'hui. Au lieu de voter tous contre la motion, pour la simple raison qu'il n'y a pas assez de renseignements, sinon pourquoi voterions-nous en faveur de la motion? Je suis d'accord pour la déposer, mais pas pour en débattre maintenant.

• 1020

Le président: Hélène Alarie, je vous donne le dernier mot et ensuite nous passerons au vote.

[Français]

Mme Hélène Alarie: D'accord, je vais accepter, mais j'aimerais connaître le délai. Je ne veux pas que cela traîne indéfiniment. Si on parle d'un délai de 10 jours, je suis d'accord.

M. Denis Coderre: Dix jours, parfait.

Mme Hélène Alarie: Un délai de 10 jours.

[Traduction]

Le président: Madame Alarie, j'espère que nous aurons les renseignements sur cet avis juridique d'ici la semaine prochaine. Si nous le recevons la semaine prochaine, nous en parlerons la semaine prochaine, mais au plus tard la semaine d'après. D'accord?

Mme Hélène Alarie: D'accord.

Le président: Oui, monsieur Proctor.

M. Dick Proctor: Je regarde notre calendrier, et il me semble que pour être plus précis il faudrait dire pas plus tard que le jeudi 5 novembre, c'est-à-dire le dernier jour où ce comité se réunira avant la semaine de relâche du 11 novembre.

Le président: Pas plus tard que le jeudi 5 novembre.

Merci. Que ceux qui sont en faveur du dépôt de cette motion au plus tard le jeudi 5 novembre disent oui.

Des voix: Oui.

Le président: C'est unanime. Merci

Nous allons maintenant prendre une pause de 30 secondes pour permettre à certaines personnes comme M. Hoeppner et M. Breitkreuz de partir.

[Note de la rédaction: La séance se poursuit à huis clos]