CITI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON CITIZENSHIP AND IMMIGRATION
COMITÉ PERMANENT DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 25 novembre 1998
[Traduction]
Le président (M. Rey D. Pagtakhan (Winnipeg-Nord—St. Paul, Lib.)): Je déclare maintenant ouverte cette séance du comité de l'immigration et de la citoyenneté et je souhaite la bienvenue à nos témoins: Mme Mawani, M. Palmer et Mme Benimadhu.
Nous vous remercions d'être parmi nous aujourd'hui et nous cédons immédiatement la parole aux témoins. Ils souhaitent peut-être formuler quelques remarques liminaires, après quoi nous passerons à une période de questions.
Madame Mawani.
Mme Nurjehan Mawani (présidente, Commission de l'immigration et du statut de réfugié): Merci beaucoup, monsieur le président, membres du comité. J'aimerais tout d'abord présenter mes collègues, Jennifer Benimadhu, directrice exécutive suppléante de la CISR, et Philip Palmer, avocat général. Nous sommes impatients de participer aux travaux du comité, monsieur le président, et je me fais un plaisir d'appuyer le comité dans l'exécution de son mandat.
D'entrée de jeu, j'aimerais commenter brièvement un article paru dans la Gazette de Montréal de ce matin, puisque je suis convaincue qu'il a pu inquiéter certains d'entre vous.
[Français]
Je ne peux commenter les particularités du cas pendant que la GRC fait son enquête, mais je peux vous dire que nous menons notre propre enquête, une enquête indépendante de celle de la GRC, pour déterminer s'il y a eu infraction aux lois et règlements de la fonction publique.
Je voudrais insister sur deux choses. Premièrement, il faut accorder à l'employé de la commission qui fait l'objet d'une enquête, comme à tout citoyen, la présomption d'innocence. Deuxièmement, ce n'est qu'un incident isolé qui ne devrait en aucun cas ébranler la confiance dans le processus de détermination du statut de réfugié.
[Traduction]
Nous devons relativiser la situation. L'enquête porte sur un nombre très limité de revendications sur une période de deux ans. Aucune organisation ne peut garantir que ce genre d'abus de confiance allégué ne se produira jamais.
Je m'engage aujourd'hui à prendre toutes les mesures nécessaires pour les Canadiens continuent d'avoir pleinement confiance en l'intégrité du système de détermination du statut de réfugié. Nous savons que toutes les questions relatives aux immigrants et aux réfugiés ne sont pas simples à comprendre. Comme le vérificateur général l'a noté dans son rapport diffusé en décembre dernier, les questions de migration et de protection sont extrêmement complexes.
La plus grande confusion règne dans l'esprit d'un grand nombre de personnes concernant les rôles et responsabilités respectifs de la CISR, qui est un tribunal administratif indépendant, et de son partenaire de portefeuille, le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration du Canada.
• 1535
L'aspect le plus connu de notre travail est celui de la plus
grande de nos sections, soit la Section du statut de réfugié, qui
est chargée de la détermination du statut de réfugié au sens de la
Convention au Canada. Comme vous le savez, la Section d'appel de
l'immigration entend les appels de mesures de renvoi et des rejets
de demandes parrainées de résidence permanente. Notre Section de
l'arbitrage, pour sa part, est chargée des enquêtes en matière
d'immigration et des examens des motifs de détention.
Je crois comprendre que ceux d'entre vous qui avez rencontré les arbitres de la région de Toronto au printemps dernier ont trouvé la réunion très instructive et ont apprécié d'avoir pu assister à des examens des motifs de détention. Cela dit, je voudrais vous renouveler mon invitation de venir visiter un de nos bureaux régionaux situés à Calgary, à Vancouver, à Montréal, à Toronto et à Ottawa.
Dans le cadre de telles visites, les agents responsables se feront un plaisir de prendre les dispositions nécessaires pour vous permettre d'assister à une audience et de rencontrer nos employés. Ce genre d'initiative constitue à mon avis le meilleur moyen de comprendre le travail important et considérable que nous devons exécuter au nom de tous les Canadiens.
Comme vous le savez, nous rendons chaque année plus de 40 000 décisions qui ont une incidence sur la vie, la liberté, la sécurité des personnes, de même que sur le public.
Nul doute que certains Canadiens auraient préféré que la Commission fonctionne davantage comme une agence de protection. Ils estiment que nous sommes trop stricts, insensibles à de trop nombreux cas déchirants dont nous sommes saisis. D'autres aimeraient que nous soyons plutôt un organisme d'exécution de la loi. Ils estiment que nous sommes trop généreux. En fait, l'opinion que l'on a de la CISR—trop stricte ou trop généreuse—exprime les valeurs fondamentales de chacun. J'estime que le débat sur le rôle de la CISR reflète un profond antagonisme des valeurs.
En fait, nous ne sommes ni un organisme de protection ni un organisme d'exécution de la loi. La CISR est un tribunal, et nous devons respecter notre mandat prévu par la loi, qui est très explicite. Comprendre ce que la Commission peut et doit faire, conformément à la loi, est essentiel pour comprendre le travail de la Commission.
[Français]
Je voudrais maintenant vous parler des faits marquants de l'année écoulée. Comme je l'ai indiqué à la ministre et au Parlement dans notre dernier rapport sur le rendement, je suis très fière des récentes réalisations de la commission. L'année écoulée a été pleine de défis, mais elle a été une très bonne année à plusieurs égards.
Comme le savent les membres du comité, devant lesquels nous avons comparu en mars dernier, j'ai diffusé les Directives sur la détention, les quatrièmes d'une série de directives de la présidente depuis la création de la commission en 1989. Les directives feront en sorte que le processus décisionnel en matière de détention soit plus transparent, cohérent et équitable.
[Traduction]
En outre, notre projet pilote visant à vérifier l'utilité des techniques du mode alternatif de règlement des conflits (MARC) dans le cas des appels concernant une demande de parrainage est un autre exemple de nos pratiques innovatrices et avant-gardistes. Le projet pilote lancé au printemps dernier aidera à déterminer si les techniques du MARC peuvent nous permettre de mieux servir les Canadiens.
Notre défi consiste toujours à trouver des moyens de rendre nos décisions plus rapidement, sans en compromettre la qualité. Sur ce point, l'an dernier a marqué un tournant décisif pour la Commission, en particulier pour la Section du statut de réfugié. Pendant cette période, nous avons accompli des progrès importants pour ce qui est de la réalisation de nos engagements à l'égard du Parlement et du peuple canadien. Permettez-moi de vous citer quelques exemples.
À la Section du statut de réfugié, la productivité a été plus élevée qu'elle ne l'a été en quatre ans. Le nombre de revendications en suspens a diminué et nous avons réduit notre délai moyen de traitement des cas. D'autre part, le coût moyen par revendication a baissé.
La Section d'appel de l'immigration a finalisé près de 60 p. 100 d'appels de plus qu'il y a deux ans. Le nombre total d'appels en suspens a diminué et le coût par appel aussi.
La Section d'arbitrage a terminé l'exercice en ayant une charge de travail à jour dans tous ses bureaux régionaux et aucun cas en instance.
Qui plus est, nous avons réussi à améliorer notre efficacité en maintenant la qualité de nos décisions.
• 1540
Je suis également très heureuse de souligner que les chiffres
sur la productivité pour les six premiers mois de 1998-1999
indiquent que nous avons continué sur notre lancée de 1997-1998 et
que, dans certains cas, nous nous sommes même surpassés.
Comment en sommes-nous arrivés là? Pour vous l'expliquer, je reviendrai quelque peu en arrière.
Dans son rapport diffusé en décembre, le vérificateur général a relevé deux principaux sujets de préoccupation concernant l'efficacité du processus de détermination du statut de réfugié: le volume de l'arriéré et les longs délais de traitement. Il a également fait remarquer que les problèmes relatifs à la nomination des commissaires—notamment un taux de roulement important, des mandats de courte durée, et les postes vacants—avaient un effet négatif évident à la fois sur la productivité de la commission et sur la qualité de ses décisions. Nous étions bien conscients, bien avant que le vérificateur général ne les souligne dans son rapport, des problèmes en question.
Il y a environ trois ans, nous avons décidé d'effectuer un examen en profondeur. Un exercice visant à répondre à deux questions: où étions-nous et où voulions-nous aller? Nous nous sommes rendu compte qu'au cours des années, notre processus était devenu trop formel, trop juridique, rappelant trop celui d'un tribunal judiciaire. Cela s'expliquait par un certain nombre de motifs: il y avait les avocats, les tribunaux et nous-mêmes. Nous devions relever le défi de retrouver un processus plus conforme au rôle d'un tribunal administratif—un processus plus simple, plus rapide et plus souple, et en même temps équitable et rationnel. Nous avons décidé de «prendre en charge» nos procédures et nos processus.
Qu'est-ce que cela signifie? Cela signifie notamment: pas d'ajournement automatique; pas de prolongation automatique des délais de dépôt des documents; communication anticipée de la preuve documentaire; respect des règles; stricte gestion des cas; prononcé des décisions de vive voix comme norme.
Notre décision de «prendre en charge» nos opérations a coïncidé avec une amélioration importante du processus de nomination des commissaires. Actuellement, les postes vacants sont pourvus sans délai à partir d'une liste de candidats compétents. De plus, le mandat des nouveaux commissaires est plus long qu'auparavant, habituellement de trois ans. Le renouvellement des mandats est également pour de plus longues durées, généralement cinq ans.
Ainsi, monsieur le président, la nouvelle démarche de «prise en charge» alliée aux changements apportés au processus de nomination ont amélioré de façon notable notre performance et la prestation de nos services.
[Français]
Pour terminer, je vais vous parler brièvement de la CISR, que je situerai dans un contexte plus global.
Depuis mon dernier passage en mars dernier, la commission a encore affermi sa réputation sur la scène internationale. Le mois dernier, la Cour fédérale du Canada et la commission ont coprésidé la troisième conférence annuelle de l'Association internationale des juges aux affaires des réfugiés. Cent cinquante-six délégués provenant de 51 pays ont participé à la conférence qui, de l'avis de tous, a remporté un succès exceptionnel.
De façon générale, le programme de la conférence et de l'association avait comme objectif de renforcer l'approche internationale aux questions relatives aux réfugiés, qui sont, par définition, des questions internationales.
[Traduction]
Il ressort des travaux de l'association que la CISR est considérée comme l'initiatrice des développements dans le domaine de la détermination du statut de réfugié. Je vais vous faire part de quelques observations qui nous ont été faites.
La vice-secrétaire générale des Nations Unies, Mme Louise Fréchette, a indiqué dans l'allocution qu'elle a prononcée à la conférence que: «Le processus de détermination du statut de réfugié du Canada est perçu comme un modèle d'équité et de rigueur.»
Un autre conférencier invité, M. Dennis McNamara, directeur de la protection internationale au Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a fait la réflexion suivante sur les ondes de la CBC:
-
La CISR et le processus de détermination du statut de réfugié du
Canada qui, je le sais, ont été la cible de quelques critiques dans
ce pays, sont considérés à l'étranger comme l'un des plus efficaces
que nous connaissions. L'organisme canadien a rendu des arrêts qui
font jurisprudence; en fait, le système canadien est considéré par
un grand nombre de pays comme un des modèles à suivre.
• 1545
En effet, la reconnaissance internationale de la Commission et
les éloges dont elle fait l'objet ont été soulignés par
Mme Sadako Ogata, Haut commissaire des Nations Unies pour les
réfugiés, au cours de sa visite au Canada, il y a trois semaines,
lorsqu'elle a renchéri sur ce thème en parlant du système de
détermination du statut de réfugié du Canada. Elle a indiqué dans
un de ses exposés:
-
Nous comptons sur le Canada pour faire preuve de leadership et de
constance en cette époque inquiétante...l'engagement constant du
Canada à l'égard d'un processus de détermination du statut de
réfugié fondé sur la Convention est encourageant.
Enfin, nous venons d'apprendre que le US Immigration et Naturalization Service adopte des directives sur les enfants qui revendiquent le statut de réfugié. Les fonctionnaires ont demandé l'aide de la CISR pour donner à leurs décideurs une formation à cet égard. Comme vous le savez certainement, la CISR fut la première commission semblable au monde à diffuser des directives sur les enfants qui revendiquent le statut de réfugié, groupe qui est évidemment très vulnérable. Les Canadiens ont raison d'être fiers du fait que le travail de la CISR soit très apprécié par d'autres nations et par des organes internationaux comme les Nations Unies.
Donc, en conclusion, monsieur le président, à l'approche du dixième anniversaire de la CISR, il est réconfortant de savoir que nous sommes en bonne voie de réaliser notre vision, qui est d'être un tribunal administratif d'avant-garde qui rend des décisions simplement, rapidement et équitablement sur des questions touchant les immigrants et les réfugiés. Nous continuerons de travailler avec nos partenaires pour améliorer nos processus et nous appuyer sur les progrès déjà réalisés.
Merci beaucoup de l'attention que vous avez manifestée.
Le président: Merci, madame Mawani, et merci de la confiance dont vous faites preuve.
Là-dessus, je donnerai tout d'abord la parole au Parti réformiste, suivi du Bloc et ensuite des libéraux, pour dix minutes chacun pendant la première demi-heure.
Monsieur Benoit.
M. Leon E. Benoit (Lakeland, Réf.): Merci, monsieur le président.
Bonjour, mesdames et messieurs. Je suis très heureux que vous ayez pu venir aujourd'hui.
J'aimerais pour commencer noter que vous avez déclaré que vous avez en grande partie satisfait l'engagement que vous aviez pris vis à vis du Parlement et de la population canadienne. Quand on considère les statistiques concernant la CISR, toutefois, on remarque tout de suite que l'arriéré est presque aussi important en 1989, année où l'on a complètement révisé le système. Cela me semble indiquer que certains problèmes demeurent les mêmes. J'aimerais simplement que vous nous parliez de cet arriéré et de ce que l'on va faire pour le réduire.
Mme Nurjehan Mawani: Lorsque la Commission fut créée en 1989, l'arriéré représentait entre 80 000 et 100 000 cas. C'était beaucoup plus important que ce que nous avons aujourd'hui.
M. Leon Benoit: De combien est-il?
Mme Nurjehan Mawani: Il était de 27 700 le 21 mars.
M. Leon Benoit: Les chiffres du vérificateur général sont très différents, bien supérieurs, en fait.
Mme Nurjehan Mawani: Mais ils datent d'un an.
M. Leon Benoit: Êtes-vous en train de nous dire que vous avez fait beaucoup pour réduire cet arriéré au cours de la dernière année?
Mme Nurjehan Mawani: Oui.
M. Leon Benoit: Une des méthodes utilisées aura certainement été d'accélérer le traitement des demandes. C'est peut-être exactement ce qui vous a créé des problèmes à Montréal dans le cas dont vous parliez. Qu'en pensez-vous?
Mme Nurjehan Mawani: Pour commencer, nous avons diminué notre arriéré. En fait, j'ai le plaisir de vous annoncer qu'au cours des six premiers mois de cette année, nous avons encore réduit cet arriéré. Donc depuis notre dernière comparution et le dépôt du rapport du vérificateur général, 5 000 cas en suspens ont été réglés ou le seront très bientôt.
Un des outils que nous avons toujours utilisés pour le traitement de nos dossiers est la procédure accélérée. Nous ne la considérons pas simplement comme un outil de réduction de l'arriéré, mais nous estimons ainsi respecter un aspect très important de la loi. Comme vous le savez, la procédure accélérée est un des critères d'application de la loi.
M. Leon Benoit: Je pense que pour certains dossiers cela tombe sous le sens.
Les critères utilisés pour décider s'il y a lieu d'appliquer la procédure accélérée sont-ils les mêmes partout? Est-ce que ces décisions se fondent sur les mêmes critères d'un bout à l'autre du pays?
M. Philip Palmer (avocat général, Section d'arbitrage, Commission de l'immigration et du statut de réfugié): Les critères de base fondamentaux sont les mêmes. Il reste que les méthodes varient quelque peu en fonction du centre régional et nos procédures aussi, tout particulièrement avec le concept d'approche par équipe si bien que certains de nos membres sont spécialisés dans les demandes régionales. Ce sont eux qui fixent les critères susceptibles de faciliter et d'accélérer le traitement du dossier.
M. Leon Benoit: Pouvez-vous nous donner un exemple des éléments de procédure différents entre Montréal et Toronto?
M. Philip Palmer: La grosse différence, c'est qu'à Montréal, les services ont toujours été relativement centralisés, alors qu'à Toronto, c'est le contraire. C'est en train de changer et d'ici six mois à un an, les systèmes seront beaucoup plus analogues.
M. Leon Benoit: Je crois savoir qu'au centre de Montréal, il y a beaucoup plus de cas auxquels la procédure accélérée s'applique. Pourquoi? Vous dites que c'est un système centralisé. Pourquoi ces deux systèmes se sont-ils développés de manière si différente?
M. Philip Palmer: Comme vous le savez, nous sommes un très grand pays et il y a des tensions inhérentes entre les régions et les styles de gestion. Je crois que l'explication la plus plausible repose sur des raisons historiques plutôt que logiques. Elle reflète en partie la philosophie des membres et les structures de gestion des deux organisations différentes.
Nous faisons tout pour changer la procédure afin d'aboutir à une plus grande similarité et une plus grande cohérence au niveau de la gestion dans tous les bureaux. C'est une des priorités actuelles de la Commission.
M. Leon Benoit: Vous venez de dire que notre pays est très grand, très varié, ce qui est tout à fait vrai, et je suppose que cela peut provoquer certains problèmes. Existe-t-il un mécanisme de protection qui empêche qu'une même demande soit déposée, par exemple, à Vancouver et à Montréal? Dans l'affirmative, pourriez-vous m'expliquer comment fonctionne ce système de protection fonctionne et s'il relie entre eux tous les centres du pays?
M. Philip Palmer: Pour commencer, il est interdit de faire plus d'une demande à la fois. Toute personne qui arrive et qui se réclame du statut de réfugié fait l'objet d'une identification distincte et d'une prise d'empreintes. Il y a un fichier permanent au ministère et les informations nécessaires sont transmises à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Il est impossible de faire une nouvelle demande, à Vancouver, après en avoir fait une à Montréal, par exemple, sans que cela soit détecté. Nous croyons donc pouvoir éviter au maximum ce genre de demandes multiples.
M. Leon Benoit: Vous êtes donc persuadé que le système permet d'éviter qu'une même personne dépose la même demande dans deux ou plusieurs centres en même temps.
M. Philip Palmer: Oui.
M. Leon Benoit: Il vous reste quand même un arriéré conséquent. Quel chiffre avez-vous cité?
M. Philip Palmer: À la fin du mois de septembre, l'arriéré actuel s'élevait à 23 750 demandes.
M. Leon Benoit: Vous êtes-vous fixé une date à laquelle tout cet arriéré devra avoir complètement disparu?
M. Philip Palmer: Complètement disparu... c'est encore une de ces notions...
M. Leon Benoit: Une date à laquelle il ne restera qu'un petit pourcentage de ce chiffre.
Mme Nurjehan Mawani: Oui. Il nous faut un inventaire d'environ 18 000 dossiers pour que le système puisse continuer à fonctionner. Il nous faut suffisamment de dossiers dans l'inventaire pour pouvoir programmer ces dossiers.
L'année dernière, par exemple, nous avons réglé 25 100 demandes. Donc, si nous avons 18 000 dossiers dans l'inventaire, cela nous permettra de gérer le système de manière efficace. Nous nous sommes fixés comme date pour atteindre ce chiffre de 18 000...enfin, 23 700 d'ici à mars 1999, et d'ici à l'an 2000, selon nos engagements, nous serons descendus...nous nous sommes fixés un objectif de diminution de 4 000 par an.
M. Leon Benoit: J'en déduis que vous estimez avoir suffisamment de ressources actuellement à la Commission et que cela ne pose pas de problème. Pour y arriver, y aura-t-il une proportion plus élevée de dossiers auxquels sera appliquée la procédure accélérée?
Mme Nurjehan Mawani: La procédure accélérée est une méthode parmi d'autres. Comme je l'ai dit lors de ma déclaration préliminaire, nous avons adopté bien d'autres initiatives. Nous avons constaté, par exemple, que la diminution des ajournements et des reports, la communication en temps et lieu des documents, tous ces éléments, une plus grande rigueur au niveau des stratégies de gestion, y compris au niveau des décisions orales, par exemple, aboutissent à une réduction. Ils permettent de réduire le délai de traitement. Les gens n'ont plus à attendre leurs décisions pendant trois ou six mois. Cela permet de raccourcir l'ensemble de la procédure. Cela signifie que nous pouvons libérer des ressources et les utiliser ailleurs dans le système. Tout le système tend à assurer une procédure la plus rapide possible tout en préservant son équité.
M. Leon Benoit: Je vous ai demandé si la proportion de dossiers bénéficiant de la procédure accélérée augmentera et s'il a augmenté au cours des trois dernières années?
Mme Nurjehan Mawani: La procédure accélérée ne sera pas utilisée simplement pour mieux gérer l'arriéré. Nous tenons également à l'intégrité du système. Selon nous, la procédure accélérée est une méthode de gestion des dossiers appropriée, mais il est encore plus important de s'assurer que les demandeurs reçoivent une réponse à leur demande dans les délais les plus brefs possibles.,
M. Leon Benoit: Dans ce contexte, comment vous assureriez-vous qu'un cas comme celui dont vous avez parlé tout à l'heure, celui de M. Fox à Montréal, je crois, ne se reproduira pas?
Mme Nurjehan Mawani: Dans ce cas particulier, pour commencer, il importe de ne pas porter de jugement sur le cas lui-même, car non seulement la personne n'a pas été reconnue coupable, mais aucune accusation n'a été portée pour le moment.
M. Leon Benoit: C'est exact.
Mme Nurjehan Mawani: Nous ne pouvons donc tirer de conclusions. Il reste que pendant que l'enquête de la Gendarmerie royale se poursuit, notre gestionnaire à Montréal a immédiatement entrepris une enquête interne. Cette enquête nous dira ce qui c'est passé, les raisons du problème. Des mesures seront alors immédiatement prises pour améliorer la situation afin d'éviter toute répétition.
Il importe de ne pas oublier que l'affaire ne porte que sur 25 à 50 dossiers et que c'est la raison pour laquelle il ne sera pas trop difficile de les examiner, ce que nous faisons justement en ce moment.
Le président: La parole est maintenant à M. Ménard, s'il vous plaît.
[Français]
M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Merci. Je veux me joindre à notre président pour vous souhaiter la bienvenue.
Mme Nurjehan Mawani: Merci beaucoup.
M. Réal Ménard: Je veux aussi m'excuser du fait que je ne pourrai peut-être pas rester jusqu'à la fin. Je suis désolé.
J'ai quatre questions à vous poser.
Premièrement, je pense que tous reconnaissent qu'il y a un effort significatif pour réduire l'arriéré, un effort qui ne pourra pas être satisfaisant tant qu'il ne sera pas davantage accentué, puisqu'on estime que pour le Québec et l'Ontario, cela veut dire 100 millions de dollars. Chaque fois qu'il y a un retard qui s'accumule dans le système, les provinces, principalement le Québec et l'Ontario, doivent débourser 100 millions de dollars pour faire face à ces conséquences administratives.
Cela dit, qu'est-ce qui fait qu'au niveau de la culture organisationnelle, les choses se produisent ainsi? Le vérificateur général a avancé deux hypothèses et je voudrais avoir votre opinion à ce sujet. Le vérificateur général a dit: «À la CISR, il y a une confrontation entre deux cultures: la culture des commissaires et celle des fonctionnaires.» Je voudrais savoir ce que vous pensez de cela.
Deuxièmement, le vérificateur général avait dit que le nombre de commissaires que la commission devait compter pour pouvoir rendre les décisions rapidement était de 186. Je vois dans votre mémoire que vous êtes rendus à 210, ce qui veut dire qu'il y a un équilibre plus que satisfaisant. Donnez-nous votre appréciation des facteurs dont le vérificateur a fait mention pour expliquer l'arriéré.
[Traduction]
Mme Nurjehan Mawani: J'aimerais répondre à vos deux questions. Pour ce qui est du nombre de commissaires, oui, nous en comptons actuellement 210; cependant, ils se répartissent entre deux sections. Nous avons la Section du statut de réfugié et la Section des appels et pour elles deux, le total est de 210. C'est peut-être l'explication au commentaire du vérificateur général.
Quant à la culture organisationnelle dont a parlé le vérificateur général, à mon avis, il n'est pas inhabituel que des tensions existent, dans un tribunal, entre les personnes désignées, les décideurs, les membres et ceux qui sont nommés aux termes de la Loi sur la fonction publique. Cette situation existe dans bon nombre d'organisations, et c'est une question dont nous avons discuté.
• 1600
Cela dit, nous avons admis le problème. Nous avons reconnu
qu'il fallait essayer d'y remédier, car cela nuit à l'organisation.
Qu'avons-nous fait à cette fin? Nous avons entrepris un programme de renouveau pour la Commission. Ce fut une initiative très importante. Elle prévoyait notamment l'élaboration d'un énoncé de mission et de vision à laquelle toute l'organisation a participé. Nous avons également énoncé les valeurs qui allaient inspirer notre vision, ce en quoi nous croyons tous.
[Français]
M. Réal Ménard: Je comprends très bien ce que vous livrez au comité. Si on vous demandait quelles qualités il faut avoir pour être un bon commissaire, que répondriez-vous? Partagez-vous l'analyse du vérificateur, qui dit que dans l'état actuel des choses, entre le moment où une personne est nommée—c'est une nomination politique et j'espère qu'on aura l'occasion de changer cela—et le moment où elle rend une première décision, il s'écoule une année. Il faut attendre une année avant que la personne soit fonctionnelle. Est-ce que vous êtes d'accord sur cela?
Pour résumer mes deux questions, qu'est-ce qu'il faut pour être un bon commissaire et quel est le délai avant qu'une personne soit opérationnelle, puisse rendre des décisions et puisse être efficace?
[Traduction]
Mme Nurjehan Mawani: Tous les commissaires qui ont été nommés à la Commission depuis mars 1995 l'ont été sur la recommandation d'un comité consultatif indépendant sur les nominations. Nous avons également mis sur pied un excellent programme de formation, l'un des meilleurs qui soit pour les décideurs du pays. Nous avons des candidats très compétents qui font l'objet d'une sélection préalable minutieuse de la part du comité. Vous vous souvenez sans doute que le vérificateur général a recommandé au comité d'adopter des pratiques un peu plus strictes. Nous l'avons fait. En conséquence, nous constatons, selon moi, que le travail du comité s'en est nettement amélioré.
M. Réal Ménard: Très bien.
Mme Nurjehan Mawani: Quant à la formation, le fait d'avoir d'une part des candidats qualifiés et d'autre part un excellent programme de formation nous a permis d'accélérer la mise en place des nouveaux membres. Je dirais que, au bout de six mois, la plupart d'entre eux fonctionnent à pleine capacité.
[Français]
M. Réal Ménard: Il y a beaucoup de gens qui viennent chez vous qui ne connaissent pas le droit international et qui ne se sont jamais intéressés à l'immigration. Imaginez-vous que vous allez faire une conférence devant des étudiants à l'Université McGill et qu'on vous demande ce qu'il faut pour être un bon commissaire. Je ne présume pas que les gens ne peuvent pas apprendre, mais quand on nomme l'ancien président d'Alliance Québec à votre commission, au-delà de toute considération partisane et du mérite de l'individu, on peut penser qu'il ne s'est pas beaucoup intéressé dans sa vie à la question de l'immigration et aux pays producteurs de réfugiés. Bien que vous ne soyez pas liée à cela, quelles qualités, selon vous, devraient être exigées lors de la nomination d'un commissaire, outre le fait qu'il est un ami du régime?
[Traduction]
Mme Nurjehan Mawani: Le comité se fonde sur l'examen des compétences pour évaluer les candidats. Ces derniers doivent prouver qu'ils possèdent certaines compétences. Permettez-moi de vous citer quelques exemples. Les candidats doivent prouver qu'ils possèdent une capacité de raisonnement et de réflexion analytiques, un esprit de jugement et de décision, des aptitudes à la gestion par l'action, des compétences en communication et en relations inter-personnelles, et une éthique professionnelle. Or, ce sont...
[Français]
M. Réal Ménard: Cela veut donc dire que je pourrais être nommé commissaire. J'ai toutes les qualités pour cela.
[Traduction]
Mme Nurjehan Mawani: Vous pouvez présenter une demande.
[Français]
M. Réal Ménard: J'ai deux autres questions pour terminer. Vous avez bien répondu à ma question. Merci beaucoup.
À la page 16 du rapport du vérificateur général... Vous semblez avoir le rapport sur le rendement de la commission. En avez-vous une copie?
Mme Nurjehan Mawani: Oui.
M. Réal Ménard: À la page 16, vous semblez formuler quelques griefs à l'endroit de la Loi C-44, qui semble rendre le processus plus diligent, mais aussi plus lourd dans son traitement. Est-ce que vous pouvez nous en parler?
• 1605
Vous dites à la page 16, au premier
paragraphe, au sujet de C-44:
-
Le nombre d'enquêtes tenues par la
Section est environ 25 % inférieur à celui de 1996-1997 et environ 50 %
inférieur à celui de 1995-1996, mais la
complexité du travail s'est accrue.
Qu'est-ce que cela veut dire?
[Traduction]
Mme Jennifer Benimadhu (directrice exécutive intérimaire, Commission de l'immigration et du statut de réfugié): Je peux répondre à cette question. C'est en rapport avec la Section d'arbitrage, laquelle décide si les gens doivent être admis au Canada ou expulsés. Le projet de loi C-44 a modifié la compétence des agents d'immigration supérieurs de sorte que les services d'immigration ont examiné un plus grand nombre de dossiers et seuls les dossiers les plus complexes ont été renvoyés aux arbitres. Il s'ensuit que ces derniers ont été appelés à examiner les cas les plus complexes, à faire les enquêtes les plus longues—par exemple, sur les criminels de guerre ou les personnes coupables de crimes contre l'humanité. Ainsi...
[Français]
M. Réal Ménard: D'accord, je comprends. J'ai une dernière question. Mon collègue du Parti réformiste a fait un peu allusion au fait que vous devez apprécier une conjoncture internationale. Vous devez évaluer si un pays produit effectivement des revendicateurs, s'il y a des gens qui sont hors pays et si les gens sont menacés, entre autres dans leur intégrité. Comment se fait-il qu'il y ait autant de variations régionales entre les décisions qui sont rendues à Montréal, à Toronto ou à Vancouver?
Je comprends, car je suis allé visiter moi-même Montréal et j'ai beaucoup apprécié cela. Je remercie d'ailleurs beaucoup M. Ayotte, à qui je vous demande de transmettre mes salutations, car il a été un hôte extraordinaire. Je sais que les commissaires ont un guide, un carnet, un cartable bleu, et différents rapports d'Amnistie internationale et d'autres organismes qui leur permettent de se faire une idée sur un pays. Le même type d'information devrait être disponible pour tous les commissaires, qu'ils soient à Toronto, à Vancouver ou à Montréal, car le rapport d'Amnistie internationale est le même. Comment expliquez-vous ces variations, qui n'ont d'ailleurs pas échappé à l'analyse sagace du vérificateur général?
[Traduction]
Mme Nurjehan Mawani: Pour un tribunal qui a une lourde charge de travail comme le nôtre, l'uniformité est un véritable défi, mais c'est aussi un objectif que nous nous efforçons d'atteindre. L'an dernier, par exemple, nous avons terminé l'étude, comme nous l'avons déjà dit, de 25 100 demandes de statut de réfugié réparties dans différentes régions du pays. Vous avez raison de dire que les décideurs devraient avoir à leur disposition la même documentation de base. Il est possible, toutefois, que dans certains cas ils reçoivent des documents supplémentaires en rapport avec un dossier donné. C'est une chose qu'il ne faut pas oublier.
En second lieu, il ne faut pas oublier que le fait qu'une personne vienne d'un pays donné ne veut pas dire nécessairement qu'elle présentera exactement le même profil qu'un ou une de ses concitoyens. Je vais vous citer un exemple. Dans certains pays, nous avons constaté que les revendicateurs qui arrivaient à Vancouver présentaient un certain profil. Il s'agissait en général de personnes provenant de milieux ruraux dans leur pays, contrairement aux personnes originaires du même pays qui se présentaient à Toronto et qui en général, étaient plutôt des citadins, plus impliqués dans des activités politiques, etc. Cet écart est donc possible également et il importe de ne pas l'oublier.
[Français]
M. Réal Ménard: Je comprends. Puis-je poser une dernière question?
[Traduction]
Le président: Non, monsieur Ménard.
Je vais maintenant donner la parole à M. McKay.
M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Je tiens simplement à déclarer publiquement que j'appuierai la demande de M. Ménard.
M. Réal Ménard: Merci.
Le président: Il doit d'abord démissionner.
Des voix: Oh, oh!
M. John McKay: J'ai une série de brèves questions à poser, monsieur le président.
Merci de votre exposé. Après avoir entendu tout cela, on constate qu'une tendance se dessine, et j'approuve les améliorations qui semblent être en cours au sein de la Commission.
Ma première question porte sur le temps qui s'écoule entre le moment où une personne débarque un soir à l'aéroport Pearson, et celui où vous recevez une demande de statut de réfugié. Quel est le délai qui s'écoule? Je sais que vous n'y êtes pour rien, mais je suppose que vous savez au moins combien de temps s'écoule.
Mme Nurjehan Mawani: Comme vous le dites, nous n'y sommes pour rien, mais pour autant que je sache, le délai est de un à trois mois.
M. John McKay: Du point de vue de la population, donc, cette période de un à trois mois doit s'ajouter à la période de 12 mois qui correspond au traitement de la demande proprement dite.
Mme Nurjehan Mawani: Oui.
M. John McKay: Les choses ont-elles changé? Ce délai est-il toujours le même ou a-t-il diminué ou augmenté?
Mme Nurjehan Mawani: À l'heure actuelle, c'est à peu près la même chose. Toutefois, nous travaillons en collaboration avec le Citoyenneté et Immigration Canada, dans le cadre de l'entente cadre administrative que nous avons conclue avec le ministère. L'une des ententes auxiliaires porte sur les priorités relatives au traitement des demandes. Cela représente sans nul doute un défi pour le ministère, mais nous sommes tous déterminés à faire en sorte que les dossiers nous soient renvoyés le plus rapidement possible.
M. John McKay: Qu'est-ce qui pourrait inciter une personne à ne pas présenter une demande dans les 90 jours?
Mme Nurjehan Mawani: Plus souvent qu'on ne le pense, il s'agit de trouver un avocat qui aide le demandeur à remplir le formulaire de renseignements personnels. Même s'il y a un délai prévu pour remplir ce formulaire, en réalité, bon nombre de revendicateurs du statut de réfugié veulent obtenir de l'aide pour remplir ces documents. Je le répète, nous essayons entre autres choses de nous assurer de ne pas accorder automatiquement des prolongations de délai pour remplir les formulaires. Nous disons aux requérants que s'ils ont des problèmes, ils n'ont qu'à venir nous en parler. Nous trouvons alors une façon de leur faciliter les choses.
M. John McKay: Il vaut mieux déposer une demande provisoire que rien du tout.
Mme Nurjehan Mawani: En effet.
M. John McKay: Sur les 23 700 cas dont vous serez saisis au 31 mars 1999, d'après vos prévisions, combien de temps faudra-t-il à ces personnes... J'ai un peu de mal à comprendre ce qui constitue le groupe faisant partie de l'arriéré et le groupe à venir. Quel est le délai moyen de traitement des cas accumulés?
Mme Nurjehan Mawani: Il est difficile de donner une réponse très précise. Toutefois, nous avons deux façons de procéder. Tout d'abord, nous avons adopté un processus dit du dernier arrivé, premier servi. Ce système a été mis en place pour résoudre tout ce problème des retards dans les délais de traitement. Ainsi, nous allons pouvoir terminer l'examen d'un plus grand nombre de cas qui font partis de ce projet du dernier arrivé, premier servi.
M. John McKay: Cela risque toutefois de biaiser les chiffres, n'est-ce pas?
Mme Nurjehan Mawani: C'est exact. En fait, en toute franchise, nous sommes plus efficaces dans le traitement de ces cas. Nous nous sommes engagés à les régler dans les huit mois. Il y a des cas qui sont plus anciens sur la liste, mais malheureusement le délai de traitement de ces derniers risque d'être encore plus long.
M. John McKay: Mais vous risquez ensuite d'être confronté à des problèmes d'affinité.
Mme Nurjehan Mawani: Pas vraiment, mais nous savons que c'est possible. Nous avons prévu des ressources dans le but précis de régler des cas qui remontent à plus d'un an et plus de deux ans en arrière. Ce faisant, nous avons établi certains critères. Tout d'abord, nous avons décidé que certains de ces dossiers ne sont plus actifs. Certaines personnes ont déjà décidé de ne pas donner suite à leur demande, ou elles sont reparties. D'une certaine façon, cela nous a aidés à nettoyer l'inventaire, si je peux m'exprimer ainsi.
J'ai sous la main certains chiffres qui proviennent de mes collègues, et je pense qu'ils sont valables: 71 p. 100 des cas que nous étudions ont moins d'un an; 16 p. 100 ont entre un et deux ans et 13 p. 100 remontent à plus de deux ans en arrière. Je me permets de signaler que cela représente une très nette amélioration.
M. John McKay: Je suppose que ce pourcentage correspond à l'ensemble du pays?
Mme Nurjehan Mawani: Oui.
M. John McKay: Et quel serait l'écart régional à Toronto par rapport à ces chiffres?
Mme Nurjehan Mawani: Je vais devoir obtenir ces renseignements... à moins que nous ne les ayons sous la main.
M. John McKay: Est-ce qu'on peut faire des généralisations concernant Toronto, en disant que le processus y est plus lent ou plus rapide qu'ailleurs?
Mme Nurjehan Mawani: Nous allons jeter un coup d'oeil sur les données, mais pour autant que je sache, les résultats sont meilleurs. D'après les chiffres que j'ai sous les yeux, à Toronto, 84 p. 100 des demandes datent de moins d'un an, 13 p. 100 datent de un à deux ans et 3 p. 100 seulement remontent à plus de deux ans.
M. John McKay: Très bien.
À l'heure actuelle, le Comité de la justice vient de présenter un rapport sur le projet de loi C-40, portant sur les extraditions. L'un des principes de ce projet de loi porte sur le processus de détermination du statut de réfugié est en quelque sorte détourné par la justice lorsqu'on étudie un cas d'extradition. Une fois les problèmes d'extradition réglés, la ministre se substitue au processus de détermination du statut de réfugié. Avez-vous réfléchi à la question et pensez-vous que c'est la bonne façon de procéder pour les dossiers d'extradition?
M. Philip Palmer: Nous ne sommes pas en mesure de critiquer la politique gouvernementale et ce n'est pas non plus notre intention. Ce qui compte pour nous, c'est d'établir quel processus a préséance, celui de l'extradition ou celui de la détermination du statut de réfugié, et quels sont les rapports entre les deux. Le projet de loi est utile à cette fin.
Dans l'intérêt global du système, il est sans doute utile d'obtenir une réponse à cette question. Le gouvernement a de toute évidence opté pour une certaine approche. Dans le cadre de cette politique du gouvernement, il nous faut essentiellement nous demander comment, du point de vue technique, les deux systèmes peuvent fonctionner en parallèle et quels rapports existent entre les deux. Nous avons donné notre avis quant à l'aspect technique du processus, mais nous n'avons aucune position de principe.
M. John McKay: Ma dernière question, monsieur le président, concerne les criminels de guerre.
Je remarque que la Bosnie-Herzégovine est le principal pays d'origine des réfugiés. Avez-vous vous une opinion précise quant au nombre de criminels de guerre qui sont originaires de ce pays ainsi que du Sri Lanka? Êtes-vous convaincus de repérer tous les criminels de guerre dans le processus de détermination du statut de réfugié?
Mme Nurjehan Mawani: La Bosnie-Herzégovine n'est pas l'un des principaux pays d'où proviennent les demandeurs de statut de réfugié.
M. John McKay: Vraiment?
Mme Nurjehan Mawani: En fait, non.
M. John McKay: On m'a dit exactement le contraire.
Mme Nurjehan Mawani: C'était évidemment un important pays producteur de réfugiés, mais la plupart d'entre eux sont allés en Europe. Très peu d'entre eux se sont présentés au Canada. Comme vous le savez sans doute, ils sont actuellement rapatriés dans leur pays d'origine depuis ces pays d'Europe, et nous n'avons pas reçu énormément de demandeurs provenant de ce pays.
Cela dit, nous faisons toujours le nécessaire pour nous assurer que, si des demandeurs ont été impliqués dans des crimes de guerre ou des crimes contre l'humanité, ou, en l'occurrence, ont pris part à des actes qui vont à l'encontre des principes des Nations Unies, cette information est recueillie et portée à notre attention.
Nous sommes un tribunal; en conséquence, nous ne faisons pas le genre d'enquête policière que font les ministères et les autres organismes gouvernementaux. Nous comptons donc beaucoup sur eux à ce chapitre. À l'occasion, ces renseignements nous sont transmis. Ils sont portés à l'attention de la CISR et il arrive aussi parfois que, lors du témoignage d'une personne, on obtienne certains renseignements qui nous poussent à aller un peu plus au fond des choses. Nous ajournons la séance pour obtenir un complément d'information ou, comme nous pouvons le faire et le faisons souvent dans ces cas-là, pour demander à la ministre d'intervenir. Je n'ai pas sous la main les chiffres actuels exacts, mais sauf erreur, cela se produit dans environ 400 cas par an. Loin de moi l'idée qu'il s'agit à chaque fois de criminels de guerre, mais je dis qu'il y a environ 400 cas par an où des représentants de la ministre sont appelés à intervenir.
Le président: Merci, monsieur McKay.
Je vais maintenant laisser la parole à M. Doyle, qui disposera de cinq minutes, puis nous entendrons Mme Augustine.
M. Norman Doyle (St. John's-Est, PC): J'ai deux petites questions à poser.
J'aimerais que vous m'expliquiez ce que sont ces droits de 2 000 $ qui sont imposés à certains réfugiés qui fuient leur pays et j'aimerais savoir ce que vous en pensez. Premièrement, je me demande pourquoi on les appelle droits de réhabilitation. Si nous reconnaissons que ces gens sont d'authentiques réfugiés, nous nous rendons compte qu'ils doivent parfois user de faux papiers pour quitter leur pays, et ce, de façon tout à fait légitime. Pourquoi les jugeons-nous comme des criminels ou estimons-nous qu'ils ont commis un acte illégal? Cela m'intrigue. Pourquoi parle-t-on de droits de réhabilitation?
Mme Nurjehan Mawani: C'est toute une colle. Tout d'abord, la CISR n'impose aucun droit. Il n'y a pas de droit à payer pour présenter une demande à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Si des droits sont imposés, c'est par la suite. Vous faites sans doute allusion à la taxe d'établissement.
M. Norman Doyle: Non.
Mme Nurjehan Mawani: Des droits de réhabilitation? Je n'en ai jamais entendu parler.
M. Norman Doyle: Il s'agit de droits de réhabilitation qui...
M. Réal Ménard: Des droits d'établissement.
Mme Nurjehan Mawani: Ah bon, les droits d'établissement, c'est une autre affaire. Ces droits sont imposés après la mise en branle du processus. Si l'on détermine qu'une personne a droit au statut de réfugié et que cette personne présente ensuite une demande d'établissement pour devenir résident permanent du Canada, ces droits sont imposés, mais je crois que vous devriez poser cette question au ministère.
M. Norman Doyle: D'accord. Dans ce cas, pourquoi impose-t-on ce que vous appelez des droits d'établissement? Comment pouvez-vous vous attendre à ce qu'un réfugié puisse payer ces droits?
Mme Nurjehan Mawani: Vous devriez vraiment poser cette question au ministère, car c'est Citoyenneté et Immigration Canada qui impose ces droits. Je crois que des représentants du ministère comparaîtront devant vous et ce sera alors le moment pour vous de leur poser la question.
M. Norman Doyle: D'accord.
À l'heure actuelle, la CISR entend-elle les appels en matière d'immigration?
Mme Nurjehan Mawani: Oui.
M. Norman Doyle: Dans son rapport, le groupe consultatif législatif recommandait la création d'un processus d'appel distinct, d'une direction distincte chargée de traiter les appels, afin de créer un certain niveau d'indépendance. Serait-il avantageux, à votre avis, de créer un processus d'appel distinct?
Mme Nurjehan Mawani: Le comité consultatif législatif a recommandé que les fonctions de la CISR en matière d'appels soient confiées au ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration. Cette mesure faisait suite aux critiques ou aux préoccupations qui ont été exprimées sur le fait que la Section, qui fait maintenant partie de la CISR en tant que tribunal, pourrait perdre son indépendance. Imaginez ce qu'il adviendrait si cette fonction était retirée d'un tribunal pour être confiée au ministère chargé de la politique et des opérations d'exécution. On obtiendrait exactement le contraire. Pour éviter cela, le groupe a proposé que cette fonction soit intégrée au ministère, mais par le truchement d'une organisation distincte.
M. Norman Doyle: Le groupe consultatif législatif a produit plus de 120 recommandations. Nous n'avons traité que d'une des recommandations de ce rapport, celle concernant la détention et le renvoi. Qu'en est-il du reste du rapport? A-t-on une idée de ce que va devenir le reste de ce rapport?
Mme Nurjehan Mawani: En toute déférence, c'est à la ministre et au ministère que vous devriez poser cette question, puisqu'elle relève de la ministre.
Le président: D'autres questions, monsieur Doyle?
M. Norman Doyle: Non, monsieur le président.
Le président: Madame Augustine.
Mme Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de votre présence. Le travail que nous faisons au Parlement nous fait perdre la voix, c'est l'un des risques du métier.
Parlons du rapport intitulé «Au-delà des chiffres». Je sais qu'à l'heure actuelle, ce rapport relève de la ministre, mais les recommandations qu'on y trouve auraient pour effet de modifier non seulement la structure de votre organisme, mais aussi votre travail. Il y a sans doute eu des discussions sur ce qui se produirait si cette recommandation était adoptée, ou vous en avez peut-être une certaine idée. Qu'auriez-vous à dire à notre comité à cet égard, à titre de riposte ou de critique?
Mme Nurjehan Mawani: Nous avons suivi avec beaucoup d'intérêt les consultations publiques qui ont eu lieu après la publication de ce rapport. Nous avons eu l'occasion de discuter avec des fonctionnaires du ministère et avec la ministre, dans l'examen de certaines de ces recommandations et des effets qu'elles pourraient avoir. Nous sommes satisfaits des consultations qui ont eu lieu entre la CISR, le ministère et la ministre. Je m'en tiendrai donc à cela pour l'instant, et je laisserai en fait la ministre répondre à cette question. Elle a reçu de nombreux conseils sur cette question et je m'en remets volontiers à elle pour l'instant. À titre de tribunal, notre travail consiste à mettre en oeuvre ce que décide le Parlement.
Mme Jean Augustine: Oui, je sais. La recommandation qui se trouve dans le document intitulé Immigration Détention et Renvoi, qui était la réponse de notre comité, on proposait que les audiences de révision des motifs de détention et autres audiences soient tenues dans les centres de détention. Je fais partie du groupe qui s'est rendu au Celebrity Inn, et l'une de nos inquiétudes, c'est qu'il fallait menotter les détenus pour les transporter, entre autres. Je sais, pour avoir fait ma petite enquête, que vous procédez parfois par vidéoconférence. J'aimerais connaître la réaction de la CISR à cette recommandation.
Mme Nurjehan Mawani: Jennifer, voulez-vous répondre à cette question?
Mme Jennifer Benimadhu: Sur les vidéoconférences ou sur le transport?
Mme Jean Augustine: Sur le transport de détenus menottés.
Mme Jennifer Benimadhu: La CISR travaille en étroite collaboration avec Immigration Canada pour étudier cette question, plus particulièrement à Toronto, car c'est dans cette région que le problème est le plus inquiétant. Nous essayons de trouver une solution à ce problème en collaboration avec les services d'immigration. Certains cas se prêtent mieux que d'autres à la vidéoconférence, et nous déterminons si c'est la bonne façon de procéder et où la vidéoconférence doit être tenue. Dans d'autres cas, il n'est pas possible de tenir de vidéoconférence. C'est par exemple le cas pour les dossiers plus complexes ou qui nécessitent un plus grand échange de documents.
On étudie donc à l'heure actuelle les principes qui régissent le transport des détenus.
Mme Nurjehan Mawani: Permettez-moi d'ajouter que ce n'est pas vraiment la CISR qui prend des décisions au sujet des menottes pour les détenus. Nous ne sommes pas chargés de la sûreté et de la sécurité. Ce sont les organismes chargés de la sûreté et de la sécurité tant du détenu que du personnel de l'établissement où le détenu est amené qui prennent cette décision. Comme l'a dit ma collègue Jennifer, nous collaborons avec eux. De cette façon, nous avons des principes de base et nous pouvons chercher ensemble des solutions.
Mme Jean Augustine: Je suppose que vous devez collaborer avec eux, car si vous établissez des principes d'équité, de respect ou d'autres choses, il n'est pas possible que les gens soient traités sans respect à cette étape du processus pour être amenés ensuite devant vous. Cela vous rendrait la tâche très difficile.
Mme Nurjehan Mawani: C'est le problème, lorsqu'on fait partie d'un vaste système. Il faut toujours déterminer comment collaborer avec ses partenaires au sein du système.
Mme Jean Augustine: J'aimerais revenir sur une chose que vous avez dite à quelques reprises au sujet de l'uniformité des décisions. J'aimerais savoir quel est ce processus. Comment pouvez-vous vous assurer de l'uniformité du processus décisionnel?
M. Philip Palmer: Il y a plusieurs initiatives en cours. Ce que l'on veut, c'est l'uniformité à plusieurs niveaux. Nous voulons que les mêmes faits soient traités de la même façon et que la loi et les instruments internationaux soient appliqués de façon uniforme à chaque cas.
L'une des mesures les plus importantes que nous avons prises, c'est d'offrir beaucoup de formation à nos membres. Cette formation portait tant sur les principes juridiques de base, afin qu'ils comprennent comment s'applique la définition du terme réfugié aux termes de la Convention dans le droit canadien. On leur a également enseigné comment pondérer des preuves et utiliser de façon efficace le temps des audiences pour obtenir les preuves qu'ils souhaitent.
Nous avons également fait de grands efforts pour nous assurer que nos membres ont la meilleure documentation possible sur les conditions du pays d'origine, afin que tous les membres, dans toutes les parties du pays, aient accès à des renseignements complets à ce sujet. En outre, nous avons mis sur pied un service chargé de répondre aux besoins de chaque cas en matière d'information. Une fois que la recherche est faite, elle est saisie dans une base de données à laquelle ont accès tous les membres, afin de disséminer l'information aussi rapidement et aussi largement que possible.
• 1630
Nous avons également un système d'équipes régionales. Dans une
région comme Toronto, nous avons six équipes de membres spécialisés
dans une région géographique. Il y a par exemple une équipe du
Moyen-Orient, une équipe de l'Europe de l'Est, une équipe de
l'Afrique, et chacune d'elles se spécialise dans les dossiers
venant de ces régions. Par conséquent, les membres de ces équipes
acquièrent et échangent beaucoup de compétences et peuvent,
lorsqu'ils traitent des dossiers de ces régions, être sur la même
longueur d'onde. Nous élaborons une méthode qui permet d'établir
des profils des dossiers. Les membres se transmettent des
renseignements sur ce qu'ils ont entendu, des documents à jour,
etc. Ils sont formés aux questions de lois et de preuves qui sont
pertinentes pour leurs équipes. C'est un grand pas dans la bonne
direction pour ce qui est d'uniformiser le travail dans les
régions.
Le dernier grand problème, c'est l'uniformité entre les régions. Pour régler ce problème, nous avons mis au point un système de réseaux géographiques nationaux qui permet de relier, par exemple, les équipes du Moyen-Orient de Montréal, de Calgary, de Vancouver et d'Ottawa. Les membres peuvent se communiquer des renseignements à jour sur la nature des dossiers, des documents récents qui ont été utilisés et qui ont influé sur les décisions dans les régions, ainsi que des connaissances sur les tendances actuelles et les conditions dans les pays d'origine. Cet échange se fait à l'échelle nationale, puis entre les équipes régionales. Les décisions qui sont prises à Toronto sont donc influencées par ce qui se fait à Montréal ou ailleurs, et cela permet d'avoir plus d'uniformité à l'échelle nationale. Cela demeure un problème, mais nous avons entrepris diverses initiatives dans ce domaine pour abolir dans toute la mesure du possible les différences qui existent entre les régions.
Mme Jean Augustine: J'ai une dernière question, monsieur le président.
Vous avez dit que dans le domaine de la protection internationale, vous êtes à la fine pointe du progrès et que vous recevez des compliments à ce sujet. Pourriez-vous nous donner un ou deux exemples de jurisprudence ou de mesures qui ont été prises et qui sont à la fine pointe du progrès, ou de mesures qui n'existent pas pour protéger les réfugiés dans d'autres pays?
Mme Nurjehan Mawani: Avec plaisir. L'initiative la plus importante, c'est peut-être nos lignes directrices. Nous avons publié une série de lignes directrices. La première portait sur les femmes qui demandent le statut de réfugié et sur la persécution reliée au sexe. Cela a été une percée importante. Comme vous le savez peut-être, les États-Unis ont emboîté le pas au Canada, deux ans après la publication de nos lignes directrices. Ils s'en sont servis comme modèle pour établir leurs propres lignes directrices. Ensuite, l'Australie s'est jointe au mouvement, et le Royaume-Uni envisage d'en faire autant. Ces lignes directrices ont été traduites en allemand et un certain nombre d'autres pays membres des Nations Unies les examinent de près.
Ce qui a été le plus révolutionnaire, c'est l'utilisation des normes internationales en matière de droits de la personne, l'utilisation d'un cadre international de droits de la personne pour l'interprétation, par exemple, de ce qu'est la persécution. Cela a été un net progrès.
Nous publions aussi des lignes directrices sur les enfants demandeurs de statut de réfugié. Là aussi, c'est une première au niveau international et, comme je l'ai dit dans mon exposé liminaire, les États-Unis publient leurs propres lignes directrices sur les enfants demandeurs de statut. Nous sommes honorés de pouvoir les aider dans la formation de leurs agents.
Nous avons aussi publié des lignes directrices relatives à la guerre civile. Là aussi, nous avons été les premiers à le faire. Quand on pense qu'aujourd'hui la guerre civile est la principale source des flux de réfugiés et de gens vivant dans des situations qui poussent à chercher refuge ailleurs, c'est une initiative novatrice.
Nous avons mis à jour nos lignes directrices sur l'égalité des sexes.
Si je peux passer à autre chose, il y a aussi...
Le président: Si vous me permettez de vous interrompre, en toute justice, je dois donner la parole à M. Benoit. Nous pourrons y revenir un peu plus tard.
Mme Nurjehan Mawani: Avec plaisir.
Le président: Monsieur Benoit.
M. Leon Benoit: Madame Mawani, j'aimerais vous poser quelques questions pour lesquelles je n'ai pas encore obtenu de réponse.
• 1635
La première concerne le pourcentage de cas réglés au cours des
trois dernières années, et la variation du pourcentage, le cas
échéant.
Mme Nurjehan Mawani: Je vais vérifier pour voir si j'ai ce renseignement. Nous allons vous l'obtenir.
Nous avons sans doute réglé 25 p. 100 de nos cas grâce à la procédure accélérée. Pour 1997-1998, je n'ai pas les chiffres des trois dernières années, mais nous les avons pour les trois derniers trimestres.
M. Leon Benoit: J'essaie de voir s'il y a une tendance. Vous devez connaître la réponse de façon générale.
Mme Nurjehan Mawani: J'ai le renseignement ici. Excusez-moi. En 1995-1996, 30 p. 100 des cas ont été réglés grâce à la procédure accélérée; en 1996-1997, c'était 31 p. 100; et en 1997-1998, 24 p. 100.
M. Leon Benoit: Donc il y a eu une baisse l'an dernier.
Mme Nurjehan Mawani: Oui.
M. Leon Benoit: Savez-vous pourquoi?
Mme Nurjehan Mawani: Notre taux global d'acceptation a reculé au cours des quelques dernières années. Nous avons un taux d'acceptation d'environ 40 p. 100 et c'est sans doute le plus bas que nous ayons enregistré depuis la création de la Commission. Sauf en 1994, la proportion régresse depuis le début.
M. Leon Benoit: Il s'agit de 40 p. 100 de quoi, exactement?
Mme Nurjehan Mawani: Il s'agit de 40 p. 100 du total des demandes de statut.
M. Leon Benoit: Dans votre mémoire, vous donnez une courte liste. Vous avez dit avoir décidé de prendre en charge vos procédures. Vous avez dit, à titre d'exemple, qu'il n'y a pas d'ajournements automatiques ni de prolongations automatiques des délais de dépôt des documents, mais qu'il y a communication anticipée d'éléments de preuve et que vous respectez vos propres règles.
L'application de vos propres règles m'intéresse particulièrement puisqu'au bas de l'article que vous avez mentionné aujourd'hui, un certain M. Ayotte dit que les choses devaient toujours se passer ainsi. Je ne sais pas s'il s'agit d'un homme ou d'une femme, mais cette personne dit que les choses n'ont pas toujours été faites en conformité des règles; il était censé être entendu que personne à la CISR—j'oublie le terme exact—ne devait participer à plus d'une des quatre étapes. Or, cet homme—nous ne savons pas bien sûr quel a été le dénouement de cette affaire puisque aucune accusation n'a été portée; il n'y a pas eu de déclaration de culpabilité—participait régulièrement à plus d'une des quatre étapes. Ainsi, vos propres règles n'étaient pas respectées et, j'imagine, ne le sont toujours pas.
Vous dites avoir apporté ces changements, mais tout indique que ce n'est pas le cas. J'aimerais entendre votre réaction et savoir si c'est un phénomène répandu, à savoir que vos propres règles ne soient pas respectées.
Mme Nurjehan Mawani: Si vous vous reportez aux propos de M. Ayotte, d'après le compte rendu publié dans les journaux, il a dit que les mesures de contrôle n'étaient peut-être pas très strictes. Voilà ce qu'il a dit. Comme je l'ai dit plus tôt...
M. Leon Benoit: Contestez-vous l'exactitude de ses propos?
Mme Nurjehan Mawani: Je ne saurais vous le dire maintenant. Comme je l'ai dit, nous avons immédiatement ouvert une enquête interne pour établir les faits, le cas échéant.
M. Leon Benoit: La GRC poursuit-elle son enquête?
Mme Nurjehan Mawani: Oui.
M. Leon Benoit: Ainsi, il n'y a aucune ingérence du tout de la part de la CISR dans l'enquête de la GRC?
Mme Nurjehan Mawani: Aucune. Ce serait irresponsable de ma part de commenter maintenant pendant que notre enquête interne se poursuit. Je peux vous garantir que s'il est démontré que les mesures de contrôle n'étaient pas très strictes—et je n'en sais rien—nous verrons à corriger la situation.
M. Leon Benoit: Si c'était le cas, les personnes responsables des mécanismes de contrôle seront sanctionnées, d'une façon ou d'une autre, pas uniquement par vous ou par la CISR.
Le président: Madame Mawani, une courte réponse s'il vous plaît.
Mme Nurjehan Mawani: Oui.
Jennifer, voulez-vous répondre à cette question?
M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.): Monsieur le président, j'invoque le Règlement. Mme Mawani dit que ce serait irresponsable de donner des détails puisque l'enquête de la GRC se poursuit.
M. Leon Benoit: Ce n'est pas un rappel au Règlement, monsieur le président.
M. Andrew Telegdi: Je pense qu'il est malvenu que le député réformiste fasse ce commentaire, monsieur le président.
Le président: J'en suis fort conscient, mais le témoin a donné une réponse très discrète en tenant compte de la loi et de la justice naturelle et je crois que je vais m'en remettre à la discrétion de l'opposition.
Quoi qu'il en soit, veuillez nous donner une courte réponse.
M. Leon Benoit: Monsieur le président, j'aimerais répondre—et je ne veux pas faire perdre son temps au comité, mais j'ai des questions à poser aux témoins—qu'il ne s'agissait pas d'un rappel au Règlement et j'ose espérer qu'on ne prendra pas l'habitude de m'interrompre quand c'est à mon tour de poser des questions.
Le président: Oui. Ça suffit.
Veuillez répondre, madame Mawani, si vous pouvez être brève.
Mme Jennifer Benimadhu: En un mot, l'enquête se poursuit et nous ne voulons pas préjuger des résultats. Nous prendrons nos décisions sur les faits tels qu'ils seront établis une fois l'enquête terminée.
Le président: Je cède la parole à M. Telegdi.
M. Andrew Telegdi: Merci, monsieur le président. Il m'apparaît important de ne pas oublier que nous avons au Canada un système de justice et que nous laissons habituellement les enquêtes suivre leur cours.
J'ai quelques questions à poser. Combien d'audiences ont lieu devant un tribunal d'une seule personne?
Mme Nurjehan Mawani: Environ 25 p. 100.
M. Andrew Telegdi: Ce n'est pas la procédure accélérée. Ce sont les cas où quelqu'un...
Mme Nurjehan Mawani: Non, ce sont des auditions en bonne et due forme.
M. Andrew Telegdi: J'aimerais maintenant savoir quelles vérifications de qualité vous faites? Y a-t-il parfois une vérification de la qualité des décisions?
Mme Nurjehan Mawani: D'abord, il y a la Cour fédérale. Un demandeur de statut peut toujours demander une révision judiciaire s'il n'est pas satisfait de la décision.
En ce qui a trait au contrôle de la qualité, nous avons un excellent programme de formation et un programme de perfectionnement permanent. Tous les décideurs se réunissent tous les mois pour parler de jurisprudence et pour partager d'autres renseignements obtenus depuis la dernière réunion. Il y a aussi les équipes nationales et par zone géographique dont mon collègue a parlé plus tôt. Nous offrons une formation précise sur la définition d'un réfugié, sur les qualités requises d'un président de tribunal, sur la rédaction des motifs, sur la présentation des décisions orales, bref sur les divers aspects de l'emploi d'un membre de la Commission.
M. Andrew Telegdi: Je comprends cela, mais voici ce que je cherche plus précisément à savoir. Si l'un des membres de la Commission rejette des demandes et qu'il se montre beaucoup plus dur tandis que d'autres sont trop souples, il est bien clair que des décisions peuvent être rendues aux deux extrêmes. Je me demande si quelqu'un fait une vérification des décisions, outre la Cour fédérale. Je ne veux pas entendre parler de la Cour fédérale parce trop peu de cas lui sont soumis.
M. Philip Palmer: Oui. En fait, le service du contentieux de la Commission de l'immigration et du statut du réfugié lit toutes les décisions rédigées par la commission pendant la rédaction, dans le but d'aider les membres, ou subséquemment. Nous utilisons cela pour concevoir des programmes de formation pour les membres et pour conseiller les gestionnaires sur les besoins de formation qui ressortent de la lecture des décisions. Dans cette mesure-là—et ce n'est pas le seul mécanisme en place—nous faisons en quelque sorte l'évaluation des besoins ou du rendement des membres de la Commission.
Toutefois, au-delà de ce processus, les gestionnaires membres, les commissaires coordonnateurs ainsi que les vice-présidents adjoints sont encouragés à rencontrer des commissaires ou à assister aux audiences, à écouter les délibérations et à prendre note de la façon dont les audiences se déroulent. Au contentieux, nous encourageons les avocats de la Commission à siéger aux audiences, à se familiariser avec les problèmes et à offrir de l'aide aux commissaires en leur disant, par exemple, «Lorsque ce problème est intervenu, vous auriez pu le traiter de telle ou de telle façon.» Nous les aidons à élaborer des stratégies nouvelles pour répondre à certaines de ces...
M. Andrew Telegdi: Merci, mais je n'ai pas beaucoup de temps.
Disons simplement que ce qui se passe au cours de cette audience représente évidemment la partie la plus critique du processus. Lorsque j'examine le tableau du rapport du vérificateur général—pièce 25.3—je trouve ces renseignements mieux présentés qu'à la page 40 de votre rapport sur le rendement, parce que l'on y parle de certains des autres processus en jeu.
Lorsque j'examine le tableau à la page 40, je vois «possibilité de réexamen». Cela se produit après un rejet; il y a alors possibilité de réexamen. La seule occasion où il y a possibilité de réexamen, c'est si l'on demande une évaluation de risques. Si on ne la demande pas, on ne l'obtient pas. On pourrait également l'obtenir si on demande d'être admis pour raison humanitaire ou de compassion. Là, il pourrait y avoir ou ne pas y avoir possibilité de réexamen. Je pense donc que cette case, à la page 40, ne trace pas un portrait très fidèle de la situation d'ensemble, parce qu'on veut nous faire croire que tous ceux qui passent par le système obtiennent une possibilité de réexamen, ce qui n'est pas tout à fait vrai.
M. Philip Palmer: Je suis désolé que nous n'en sachions pas plus long sur la question, mais cela relève de Citoyenneté et Immigration. Ce n'est pas la Commission qui en a la responsabilité; je ne peux donc pas sérieusement dire quel pourcentage de cas passe par un réexamen ni dans quelle mesure ce processus est formalisé dans les cas où les risques précis ont été portés à notre attention.
M. Andrew Telegdi: Il y a seulement deux façons. Premièrement, vous devez demander l'évaluation des risques si vous avez été rejeté et vous devez présenter la demande dans les trois semaines. Si votre avocat rate son coup, vous n'obtenez pas de réexamen. Malheureusement, nous ne pouvons pas expulser les avocats; c'est le client, la personne qui présente la demande, qui part.
Le président: Madame Mawani, avez-vous des observations?
Mme Nurjehan Mawani: Cela relève bien sûr du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration; toutefois, je pense qu'il importe de rappeler qu'il y a un réexamen de certains risques qui est effectué dans le cadre même du traitement de la demande de statut de réfugié. Après tout, toute demande de statut de réfugié est fondée sur la crainte des persécutions et sur le fait que la protection de l'État n'est pas accordée dans ces circonstances. Nous traitons constamment de cette question.
J'en conviens, nous sommes assujettis à des contraintes. Nous sommes limités aux justifications prévues par la Convention et c'est pourquoi, après notre processus, il y en a un autre. Une personne peut quand même être à risques, mais pas pour l'une des raisons évoquées dans la Convention, et c'est ce qui explique qu'il y ait réexamen. Nous ne pouvons pas vraiment en dire beaucoup plus, parce que c'est une responsabilité du ministère.
Le président: Je cède maintenant la parole à M. Martin.
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Merci beaucoup, monsieur le président.
Désolé d'avoir raté le début de la réunion; j'espère que les questions que j'entends poser ne répètent pas celles qui ont déjà été posées. Les témoins y ont peut-être déjà répondu.
Le président: Je tâcherai de m'en souvenir.
M. Pat Martin: Mes questions sont de nature plus générale. Je représente une circonscription urbaine, au coeur de Winnipeg, où les questions de réfugiés ou de défense des droits des réfugiés sont soulevées très souvent. Les groupes de défense des réfugiés ont un bon nombre de préoccupations quant aux tendances générales. Vous avez mentionné un chiffre, madame, celui du taux de refus ou plutôt du nombre de demandes effectivement accueillies. Serait-il exact de dire que, en pourcentage du nombre de demandes, le nombre de réfugiés admis diminue?
Mme Nurjehan Mawani: Oui. Ce chiffre a diminué au fil des ans. Depuis la création de la Commission, en 1989, il y a eu une baisse graduelle et générale, sauf en 1994 où il y a eu une augmentation, suivie ensuite d'une autre réduction. Toutefois, cela s'est produit graduellement.
M. Pat Martin: S'agit-il d'une modification délibérée de la politique ou est-ce dû à l'adoption de critères plus rigoureux? Qu'est-ce qui peut bien causer l'augmentation des refus? Par exemple, s'agit-il de raisons médicales ou de vérifications effectuées par le SCRS?
Mme Nurjehan Mawani: Il n'existe pas de politique quant à la façon de trancher un cas, que ce soit pour le rejeter ou l'approuver. Cela est fondamental dans le cas d'un processus décisionnel indépendant tel que celui d'un tribunal.
Je pense que certains facteurs ont généralement contribué à une réduction du taux d'acceptation au fil des ans. Bien sûr, l'un d'eux, souvenons-nous en, est la problématique du pays d'origine. Par exemple, j'ai constaté que la Somalie qui, comme nous le savons, a été un pays d'où sont venus beaucoup de réfugiés et l'un des dix principaux pays à nous envoyer des réfugiés pendant bon nombre d'années, ne se retrouve plus désormais dans ce placement de tête.
M. Pat Martin: Mais il y a 13 millions d'autres réfugiés dans le monde. Je ne pense pas qu'il y ait des difficultés à trouver d'autres réfugiés.
Mme Nurjehan Mawani: Oui, mais, en toute différence, nous ne pouvons répondre qu'à ceux qui se présentent au Canada devant la CISR. Je ne parle donc que d'eux.
M. Pat Martin: Je comprends.
Mme Nurjehan Mawani: Les changements dans certains des pays sources peuvent donc expliquer cette situation.
Toutefois, je pense qu'il y a également un très grand changement. Je suis membre de cette Commission depuis un bon nombre d'années et j'ai moi-même constaté, tant en qualité de responsable de décisions qu'en qualité de gestionnaire, qu'il y a évolution de l'assortiment de gens qui viennent au Canada pour y présenter des demandes. Nous constatons qu'il y a un vaste assortiment. Par conséquent, nous devons pouvoir établir qui est admissible au statut de réfugié. Il y a d'autres personnes qui, pour d'excellentes raisons, essaient également de venir au Canada, mais qui ne sont pas des réfugiés.
M. Pat Martin: Serait-il exact de dire qu'il y a eu augmentation du nombre de refus en fonction des vérifications du SCRS, des vérifications d'antécédents, des casiers judiciaires, de l'hystérie médiatique?
Mme Nurjehan Mawani: Pas en ce qui concerne le CISR. La seule fois où cela se produirait, c'est, en fait, si ces renseignements nous étaient communiqués et, partant de ces renseignements...
M. Pat Martin: Ils figurent sur la demande.
Mme Nurjehan Mawani: Sur la demande. Et c'est seulement si cette personne est sous le coup d'une clause d'exclusion. Il y a clause d'exclusion si, par exemple, une personne est un criminel de guerre ou a commis des crimes contre l'humanité ou a agi de façon contraire aux principes de l'ONU. Dans notre cas, ce serait les seules possibilités.
Le président: Je cède maintenant la parole à M. Mahoney.
M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.): Merci beaucoup.
Si l'on a parlé de cette question pendant que j'étais hors de la salle, dites-le-moi. Y a-t-il eu une discussion sur le processus d'appel?
Le président: Quelle est votre question?
M. Steve Mahoney: Ma question porte sur la déclaration que je tire de ce document, à savoir que le nombre d'appels a augmenté considérablement au cours des 18 derniers mois.
Mme Nurjehan Mawani: Oui.
M. Steve Mahoney: Vous fournissez une explication, mais ce qui me préoccupe, c'est le nombre de possibilités d'interjeter appel. Parler d'appel pour des raisons humanitaires ou de compassion—et je l'ai déjà dit cela au cours d'autres réunions—est un peu pléonastique, à mon avis, car je pensais que nous examinions les dossiers de façon humanitaire et compatissante dès le début. Je crains simplement que les bonnes nouvelles que vous nous transmettez puissent s'assombrir s'il y a accumulation du nombre d'appels. Je me demande si vous avez des idées ou des propositions pour résoudre éventuellement ces questions.
Mme Nurjehan Mawani: Je ne vois vraiment pas ce que je pourrais ajouter de plus, mise à part la raison que je vous ai déjà donnée, soit le nombre élevé de rejets prononcés par le CIC. Nous ne réglementons pas le nombre de gens qui parrainent leur famille. Par conséquent, si plus de gens parrainent leur famille, il se peut aussi que davantage soient rejetés s'ils n'entrent pas dans la catégorie de la famille ou s'ils ne se conforment pas aux règlements sur l'immigration.
J'en conviens, dans tous les cas, la toute première décision devrait être la bonne. C'est un principe auquel nous souscrivons tous, ce qui permet d'éviter la procédure d'appel, et qui profite autant au requérant qu'au système et au contribuable. C'est un objectif que nous essayons tous d'atteindre, c'est évident. Il appartient aussi aux différentes instances en jeu de veiller à ce que cela se produise ainsi.
M. Steve Mahoney: À votre avis, quelle est la différence la plus marquée entre une décision prise par la CISR et une décision prise pour des considérations humanitaires? Examine-t-on ces dossiers de façon différente?
Mme Nurjehan Mawani: Je ne peux vraiment pas vous répondre. Ce que je peux vous dire par contre... Lorsque je regarde la lettre de refus que nous recevons de l'agent des visas à l'étranger, une toute petite déclaration figure normalement au bas de la lettre, une phrase, qui précise que l'agent a tenu compte des considérations humanitaires, mais a décidé qu'il n'y en avait pas.
Ici au Canada, la Cour fédérale, par exemple, nous a beaucoup aidés et nous a montré comment nous devrions exercer notre pouvoir discrétionnaire, car en général la Cour n'intervient pas en la matière. Mais elle sert de guide et c'est ce qu'elle fait de temps à autre. Nous essayons surtout de veiller à ce que ses décisions, qui constituent la jurisprudence de la CISR, soient communiquées plus fréquemment aux agents des visas en poste à l'étranger pour qu'il n'y ait pas d'écart entre nos approches respectives.
M. Steve Mahoney: Pensez-vous qu'on puisse raisonnablement penser que la majorité des décisions prises par les agents des visas à l'étranger sont dictées par le fait qu'ils ne croient tout simplement pas les histoires qu'on leur raconte?
Mme Nurjehan Mawani: C'est peut-être le cas, mais je voudrais vous rappeler que l'agent des visas est en présence du requérant dans le pays où il se trouve, alors que la CISR a le requérant en face d'elle. Nous avons en face de nous le répondant, un citoyen canadien, le résident permanent qui veut faire venir sa famille au Canada. Nous ne voyons pas le requérant à l'étranger, mais nous avons parfois l'occasion de voir son témoignage, grâce aux significations qui ont été faites, mais surtout en organisant, non pas des vidéoconférences—ce qui commence à se faire—mais des conférences audio.
M. Steve Mahoney: Pour vous donner une idée des frustrations qui sont les nôtres, j'ai un cas où un répondant essaye de faire venir sa femme. Je ne vous dirai pas de quel pays, peu importe. Ils ont une différence d'âge de 20 ans. La nouvelle mariée dans son pays n'a pas les renseignements et les connaissances voulues... Apparemment, elle ne sait même pas que la personne en question a deux enfants.
À titre de député, j'essaie de trancher alors qu'on me pousse à demander une intervention de la ministre ou à obtenir un permis ministériel, et il m'est très difficile de me sentir à l'aise dans cette situation. Je me demande comment vous pouvez trancher dans un cas pareil. Faites-vous appel à votre jugement ou est-il possible d'obtenir des renseignements plus précis?
Mme Nurjehan Mawani: Le processus à la Section d'appel est un processus accusatoire. Il y a d'une part le répondant au Canada qui interjette appel de la décision de l'agent des visas et d'autre part, le ministre fédéral de la Citoyenneté et de l'Immigration qui est représenté par un agent des audiences. Nous pouvons tenir compte des témoignages oraux—donnés sous serment la plupart du temps—du répondant canadien ici. Ce que nous pouvons faire et ce que vous ne pouvez pas faire, c'est poser des questions à la personne qui nous fait face et qui a prêté serment. Nous pouvons demander à la personne en question d'expliquer certaines contradictions, incohérences ou lacunes.
C'est ainsi que nous pouvons établir si la personne est crédible ou non, si son histoire est cohérente et si les réponses données sont plausibles. C'est l'ensemble qui nous permet de prendre une décision, ce qui nous est dit de vive voix, les témoignages recueillis ainsi que les preuves documentaires. C'est une question de probabilité: il est probable que cette personne dit la vérité et non le contraire. Nous prenons une décision à la lumière de tous ces éléments. Je pense que le système fonctionne relativement bien.
Le président: Monsieur Benoit.
M. Leon Benoit: Merci, monsieur le président.
Tout à l'heure, dans votre allocution d'ouverture, je crois vous avoir entendu dire que certaines personnes estiment que la CISR évalue les cas qui lui sont présentés de façon trop sévère alors que d'autres estiment que vous le faites d'une façon trop généreuse, comme si l'un excluait l'autre. En fait, d'après ce que je sais du système, c'est l'un et l'autre.
• 1700
Je crois que le système est trop sévère lorsqu'il existe une
forte probabilité que la revendication du statut de réfugié soit
légitime. En fait, il est trop sévère en raison de l'arriéré. De
nombreux réfugiés légitimes se perdent dans les méandres de notre
système et sont donc exclus. Cela m'inquiète beaucoup.
D'autre part, je pense que le système est trop généreux du fait de l'interprétation fort libérale que vous donnez à la Convention des Nations Unies qui vous guide dans vos décisions. Et en plus, il y a beaucoup trop d'échappatoires, une fois que vous n'êtes plus responsables du dossier et qu'il est retransmis à la Commission d'immigration. Il y a trop d'échappatoires, d'appels et ainsi de suite.
Alors je pense effectivement que le système est à la fois trop sévère et trop généreux.
Mais je voudrais vous parler du cas d'un homme—je tairai son nom car je n'ai pas le droit de le donner—qui a contacté notre bureau. Il est originaire du Nigéria et se trouve dans un centre de détention à Rexdale en Ontario depuis 1997. Il ne peut pas partir. Il veut partir, il veut abandonner sa revendication du statut de réfugié et rentrer au Nigéria car sa mère est mourante.
Il nous a adressé une lettre. Nous avons essayé d'entrer en contact avec ce monsieur et avec l'agent chargé de son cas et nous n'y sommes pas parvenus jusqu'à présent. Mais voilà le cas de quelqu'un qui ne veut plus revendiquer un statut de réfugié et qui veut simplement rentrer au Nigéria et il a l'impression que tout le monde fait la sourde oreille. Les gens qu'il a contactés ne l'écoutent pas. C'est un problème bien réel. Cela ne fait qu'obstruer le système.
Le président: Madame Mawani, aimeriez-vous répondre?
Mme Nurjehan Mawani: Je suis un peu perdue. Quiconque veut cesser de revendiquer un statut de réfugié peut le faire à sa guise, mais ce qui me semble étrange, c'est que cette personne semble être en détention. Je ne sais pas pourquoi cette personne est détenue et ce serait pure conjecture et totalement irresponsable de ma part de dire quoi que ce soit d'autre à ce sujet.
M. Leon Benoit: Je comprends. Nous n'en connaissons pas les détails. Fort bien. Dans ce cas, j'aimerais que vous m'expliquiez tout simplement les motifs qui pourraient justifier la détention de cet homme et s'il pourra rentrer au Nigéria s'il a ses papiers.
Mme Nurjehan Mawani: Il est peut-être en détention car il fait l'objet d'une mesure de renvoi et que ses titres de voyage ont été perdus ou ne sont pas encore prêts, ce qui explique le fait qu'il ne puisse pas partir dès maintenant. Ce pourrait être une des raisons.
M. Leon Benoit: En l'espèce, s'il voulait partir—et je ne me souviens pas de tous les détails—il ne pourrait pas le faire car il n'a pas les papiers nécessaires.
Mme Nurjehan Mawani: Oui, mais c'est à l'autre pays de lui donner les papiers qu'il faut.
M. Leon Benoit: Oui. Je ne me souviens vraiment pas des détails qui me permettraient d'approfondir la question.
En tout cas, je ne trouve pas que les deux points de vue—l'un voulant que la Commission soit trop sévère dans certains cas et trop indulgente dans d'autres—s'excluent nécessairement. J'ai vu les deux.
La Commission est soumise à des lignes directrices assez précises, mais, je le répète, j'ai entendu dire que les interprétations diffèrent beaucoup même parmi les commissaires, et cela se reflète dans le nombre de cas qu'ils approuvent ou qu'ils rejettent. Pourriez-vous me donner une idée du pourcentage de demandes qui sont approuvées, mettons, par le commissaire qui a le taux d'approbation le plus élevé comparativement à celui qui a le taux d'approbation le moins élevé?
Le président: Madame Mawani.
Mme Nurjehan Mawani: À vrai dire, cela ne servirait pas à grand chose, car il faudrait, premièrement, pour que la comparaison soit valable, que les commissaires fassent partie de la même équipe. Nous traitons avec des demandeurs qui viennent de tellement de pays différents, et, comme nous l'avons indiqué tout à l'heure, nous groupons les commissaires en équipes, en équipes régionales, si bien qu'il serait... à moins que l'on puisse dire que tel commissaire et tel autre ont eu à se prononcer sur les mêmes cas et qu'un des deux accepte beaucoup de demandes alors que l'autre en rejette beaucoup, on ne pourrait pas faire d'analyse valable.
M. Leon Benoit: Ce serait néanmoins intéressant. En moyenne, combien de demandes chaque commissaire entend-t-il au cours d'une année?
Le président: Une brève réponse, s'il vous plaît.
Mme Nurjehan Mawani: C'est 105 en moyenne.
Le président: Je donne maintenant la parole à monsieur Telegdi.
M. Andrew Telegdi: Merci.
• 1705
En fait, pour déterminer si quelqu'un s'éloigne vraiment
beaucoup de la norme, il suffirait de procéder à des contrôles de
qualité relativement aux décisions qui sont prises.
Pour ce qui est du point qu'a soulevé M. Mahoney tout à l'heure, l'audience avec le ministère est différente de l'examen des motifs humanitaires que peut faire la Commission, car cette dernière se penche sur les circonstances particulières de la personne, détermine si elle est maintenant mariée avec un citoyen canadien, si elle a des parents ici, autant de facteurs qui jouent un rôle important mais qui ne devraient vraiment pas être pris en considération à une audience de la CISR.
M. Mahoney a soulevé un excellent point, car j'ai eu connaissance de certaines demandes de statut de réfugié qui avaient été faites par des personnes qui, à en juger par leurs compétences, correspondaient exactement au profil de l'immigrant économique que nous souhaitons accueillir ici. S'il était possible, avant que le cas ne soit renvoyé à la CISR, de tenir une audience au niveau ministériel, audience au cours de laquelle les fonctionnaires pourraient vérifier si le demandeur est un bon candidat pour la catégorie des immigrants économiques, le résultat étant le même, il ne serait peut-être pas nécessaire que la CISR tienne une audience, auquel cas le nombre de demandes qui vous sont effectivement soumises se trouverait sans doute réduit.
C'est le genre d'amélioration que nous recherchons quand nous faisons l'examen de la loi. S'il était possible de faire des rajustements comme cela, nous pourrions sans doute réduire le nombre de demandes.
Je suis, pour ma part, très soucieux de la qualité des décisions qui sont prises. Je sais que, si tout était noir ou blanc, il serait facile de prendre des décisions, mais je sais qu'il y a une multitude de teintes de gris.
Il serait utile, selon moi, que la Commission ait des vérificateurs externes, des experts de l'extérieur qui connaissent bien les divers pays et les diverses régions. Nous avons beaucoup d'experts dans nos universités. Nous pourrions aussi faire appel aux ambassadeurs qui nous ont déjà servi dans toutes les régions du monde. L'intégrité de tout ce que fait la CISR dépend pour beaucoup de la qualité de ses commissaires, y compris la connaissance qu'ils ont du domaine, leur compréhension des subtilités et les décisions qu'ils prennent et qui doivent être les meilleures possibles, même s'il existe une foule de zones grises qu'il leur faille aussi tenir compte, en quelque sorte, du rapport risque-avantage.
Le président: Avez-vous quelque chose à dire en réponse?
Mme Nurjehan Mawani: Oui, si vous le permettez. Nous avons des mécanismes de contrôle de la qualité. Nous ne faisons pas appel à des vérificateurs de l'extérieur. La Commission étant à toutes fins utiles apparentée à un tribunal en raison de l'indépendance dont elle jouit dans sa prise de décisions, je ne suis pas sûre qu'il convient de faire venir des vérificateurs externes pour se pencher sur la qualité de ces décisions. Il nous incombe, à mon avis, de veiller à ce que la qualité des décisions nous paraisse satisfaisante. Il y a certaines autres mesures que nous prenons, outre celles dont ma collègue a déjà parlé.
Nous mettons l'accent sur la qualité des décisions qui sont prises, mais qu'est-ce que cela veut dire concrètement? En ce qui a trait à l'évaluation, tous les commissaires sont évalués et l'évaluation de leur rendement porte notamment sur la qualité de leurs décisions.
Comment leur rendement est-il évalué? Le gestionnaire, qui est un commissaire principal, qui a des fonctions de coordination, lit bon nombre des décisions. Les services juridiques lisent bon nombre des décisions. Nous écoutons aussi les enregistrements. Nous observons aussi le déroulement des audiences depuis l'arrière de la salle d'audiences. Il s'agit donc d'une évaluation assez complète de la qualité des décisions sans que nous ne nous prononcions comme tel sur le bien-fondé de ces décisions. Si nous nous mettions à évaluer le bien-fondé des décisions, nous nous aventurerions sur un terrain très dangereux.
Il s'agit donc de trouver un juste milieu, et je crois que c'est ce que nous réussissons à faire. J'estime que nous devons continuer à travailler en ce sens.
Nous avons déterminé quel sont les éléments clés de l'activité des commissaires. Naturellement, ils doivent avoir une excellente connaissance des conditions qui prévalent ont cours dans le pays en cause. Ils doivent connaître la définition de l'ONU, les conventions internationales, les principes de la justice naturelle, de la justice fondamentale. Ils doivent également savoir comment s'y prendre pour entendre une demande, comment évaluer la crédibilité des intervenants, comment analyser ce qui est dit, comment en arriver à une décision et comment la formuler. Voilà autant d'éléments qui sont abordés dans nos cours de formation et qui font aussi partie du processus d'évaluation.
Le président: Avant que nous ne passions au quatrième tour, je voudrais moi-même, avec la permission du comité, poser quelques questions.
Premièrement, combien de nouveaux précédents sont créés au cours d'une année donnée? Combien de nouveaux précédents sont créés au cours d'une audience donnée? Y en a-t-il?
Mme Nurjehan Mawani: Oui, il y en a. Je ne dirais pas qu'il y en a beaucoup.
Le président: Pourriez-vous communiquer au comité ces nouveaux précédents qui n'existaient pas il y a trois, quatre ou cinq ans, par exemple?
Mme Nurjehan Mawani: Nous pouvons certainement communiquer cette information au comité.
Le président: Ma deuxième question concerne le point qu'a soulevé Jean Augustine en ce qui a trait au changement qui aurait été apporté à la suite de l'étude qui a été faite et des recommandations que vous auriez faites au ministère. Vous avez indiqué dans votre réponse que vous étiez satisfaite du processus. Je voudrais que vous nous disiez si vous êtes également satisfaite du changement éventuel.
Mme Nurjehan Mawani: À vrai dire, la Commission en sa qualité de tribunal n'a pas à participer à la décision finale en ce qui a trait à la politique.
Le président: J'accepte votre réponse; vous allez peut-être me donner la même à la question suivante, mais je vais quand même la poser. Notre comité a recommandé que la révision des motifs de la détention se fasse dans le lieu de détention. Voici ce qui m'intéresse à ce propos. La CISR rejette-t-elle ou accepte-t-elle cette proposition, ou êtes-vous en mesure de vous prononcer?
Mme Nurjehan Mawani: Je vais demander à ma collègue si nous avons pris position là-dessus. Notre directrice générale de l'Arbitrage est ici et je trouverais très utile de pouvoir la consulter.
Le président: Votre témoignage jouit de l'immunité, vous savez.
Mme Mary Chaput (directrice générale, Division de l'arbitrage, Commission de l'immigration et du statut de réfugié): À l'heure actuelle, nous avons pour règle que la révision se fait en règle générale dans les locaux de la CISR, là où les circonstances du cas le permettent. La révision peut se faire en personne ou électroniquement au moyen d'une vidéoconférence. Il y a toutefois des cas où le demandeur est une personne très dangereuse et où il faut mesurer le risque. Si on décide que le risque est trop élevé pour que la personne soit transférée, l'arbitre se rend dans l'établissement de détention. Il arrive aussi que, pour une raison quelconque—la personne concernée est malade ou il y a beaucoup de documents ou de témoins—, nous décidions de nous rendre dans l'établissement ou, au contraire, de faire venir la personne concernée chez nous.
Il n'y a donc pas de règle qui doit être appliquée dans tous les cas. Par souci d'impartialité et d'indépendance, nous estimons toutefois qu'il est important que la Commission en sa qualité de tribunal administratif exerce son activité, et soit perçue comme exerçant son activité, d'une façon qui ne permet pas de supposer l'existence de liens trop étroits avec le ministère.
Le président: Merci.
Avez-vous quelque chose à ajouter, madame Mawani?
Mme Nurjehan Mawani: Je crois que la directrice générale a dit tout ce qu'il fallait dire. C'est quelque chose d'important pour un tribunal. C'est là une question qui nous préoccupe depuis un certain temps, à savoir l'importance de faire venir la personne concernée devant nous, dans les locaux du tribunal, de manière à ce que ce soit le tribunal qui exerce sa juridiction sur la personne, au lieu que cela se fasse dans l'établissement de détention, qui n'est pas toujours un lieu très propice à une procédure de ce genre.
Le président: Vous avez dit tout à l'heure qu'il vous fallait quelque 18 000 cas pour que le système fonctionne bien, et vous avez parlé de calendrier. Vous avez piqué ma curiosité. Si vous aviez moins de 18 000 cas, qu'arriverait-il au système?
M. Philip Palmer: Il ne s'agit pas d'une question juridique; c'est simplement qu'avec le temps, nous nous verrions dans l'obligation de ne pas reconduire le mandat des commissaires et de commencer à réduire nos activités. Cela ne se ferait pas du jour au lendemain, bien entendu, mais voilà ce qui arriverait si le nombre de cas commençait à baisser. La Commission finirait par cesser son activité.
Le président: C'est ce que j'avais supposé, mais je ne voulais pas sauter aux conclusions. Ce serait toutefois une bonne nouvelle pour le Canada, d'une certaine façon.
Monsieur Benoit.
M. Leon Benoit: Merci encore une fois, monsieur le président.
Je voudrais simplement revenir à une question que le président a posée relativement au nombre de nouveaux précédents qui ont été créés. Je crois que le président demandait quel était le nombre de précédents qui avaient été créés en conséquence des audiences de la Commission et demandait à ce qu'on en dresse la liste et à ce qu'on explique ces précédents.
C'était bien là votre question?
Je voudrais également obtenir, si possible, une liste des décisions des autres tribunaux—Cour fédérale, Cour d'appel, y compris la Cour suprême—qui ont effectivement modifié notre loi. J'aimerais que cette liste soit accompagnée de quelques renseignements sommaires sur chaque décision. Je vous en serais très reconnaissant.
Je voudrais revenir à une question que M. Telegdi a soulevée tout à l'heure, à savoir le cas de ceux qui semblent pouvoir être admis comme immigrants économiques et qui demandent le statut de réfugié.
La semaine dernière, ou la semaine précédente, j'étais à une réunion des parlementaires de l'OTAN. C'était la troisième fois que je participais à une de ces réunions, et je connais maintenant très bien certains députés, non seulement des pays de l'OTAN, mais aussi des pays de l'ancien bloc soviétique, comme l'Albanie, la Pologne, la République tchèque, etc. D'après ce que me disaient certains de ces députés... J'ai notamment été frappé par ce que m'a dit un des députés albanais du parti au pouvoir, à savoir que le Canada était largement connu comme un pays où il valait mieux passer par le processus de détermination du statut de réfugié plutôt que par le processus d'immigration, même si on pouvait être considéré comme un immigrant économique. Cela le préoccupait. J'ai trouvé la conversation assez intéressante.
J'avais pensé que ce qui le préoccupait, c'était qu'il voulait garder en Albanie les gens les plus instruits, ceux qui seraient les plus susceptibles d'être admissibles comme immigrants économiques. Il m'a toutefois dit que ce n'était pas le cas, que, si ces personnes n'avaient aucun attachement pour leur pays, il trouvait préférable qu'elles partent. Il voudrait toutefois qu'elles le fassent d'une façon qui soit conforme aux lois du pays où elles veulent émigrer, c'est-à-dire qu'elles n'abusent pas du système en place. Il s'est dit très préoccupé par le fait que des Albanais très instruits passent ou essaient de passer par le processus de détermination du statut de réfugié, parce qu'ils sont en mesure de comprendre le système et de s'en servir à leur avantage, alors qu'ils pourraient présenter une demande comme immigrants économiques.
Pour faire suite à la question de M. Telegdi, fait-on une évaluation quelconque à cet égard? Le cas échéant, pouvez-vous m'expliquer comment on procède?
M. Philip Palmer: Nous faisons un tri, mais vous avez mis le doigt sur la principale difficulté. Il s'agit de distinguer les réfugiés authentiques de ceux qui viennent au Canada pour d'autres raisons. C'est la seule raison pour laquelle nous tenons des audiences, car si tous les immigrants étaient des réfugiés, nous n'aurions pas à suivre ce processus complexe et à établir la crédibilité des gens comme nous le faisons. Mais en fait...
M. Leon Benoit: Mais pour ce qui est d'un pays comme l'Albanie, le statut de réfugié a-t-il de bonnes chances d'être refusé ou les Albanais ont-ils plus ou moins la certitude d'être acceptés?
M. Philip Palmer: Non, vous constaterez qu'étant donné le niveau de formation et de compétence des membres de la commission dont la composition reste assez stable, ces demandes font l'objet d'un examen attentif qui permet de constater qu'en fait, un grand nombre d'entre elles appartiennent à la catégorie des migrants économiques. Personne ne prétend qu'une erreur est impossible. Nous ne prétendons pas non plus reconnaître toutes les demandes authentiques.
M. Leon Benoit: Mais qu'arrive-t-il si vous vous rendez compte qu'un revendicateur est en fait un migrant économique? Il peut faire appel après appel.
M. Philip Palmer: Cela pose un autre problème et nous ne sous-estimons pas les difficultés que posent les divers systèmes d'examen, d'appel et finalement de renvoi.
M. Leon Benoit: La commission a-t-elle pour rôle de formuler des recommandations au ministère pour qu'il change la politique en vigueur afin de régler certains de ces problèmes?
M. Philip Palmer: Nous n'en avons pas l'obligation, mais nous le faisons bien entendu de façon informelle pour jouer un rôle utile.
M. Leon Benoit: Dites-vous régulièrement au ministère que vous constatez tel ou tel problème et qu'il pourrait le résoudre de telle ou telle façon?
M. Philip Palmer: Nous disposons de plusieurs tribunes pour le faire. Comme nous l'avons mentionné, l'entente sur la gestion du portefeuille nous permet d'avoir des entretiens avec les fonctionnaires du ministère en l'absence des décideurs et cela nous permet de parler de certains problèmes. En général, nous avons de bons contacts avec le ministère lorsque nous nous échangeons les dossiers. Mais surtout pour ce qui est des examens législatifs, nous disposons de tribunes plus vastes où nous avons parlé de certains problèmes systémiques.
Le président: Monsieur Telegdi.
M. Andrew Telegdi: Madame Mawani, les députés sont sans doute les gens qui ont le plus de contact avec les personnes à qui le statut de réfugié a été refusé car elles viennent nous voir. Si un député désire vous faire part de ses préoccupations à l'égard d'une décision, doit-il vous écrire?
Mme Nurjehan Mawani: Pouvez-vous me préciser ce que vous voulez dire?
M. Andrew Telegdi: Si un député estime qu'une décision est contestable...
Mme Nurjehan Mawani: Un député peut m'écrire, mais je répondrai qu'en pareil cas, il faut demander une révision judiciaire. C'est ainsi que l'on procède normalement.
M. Andrew Telegdi: Non, il ne s'agit pas de réexaminer la décision étant donné qu'une fois qu'elle est rendue...
Mme Nurjehan Mawani: C'est fait.
M. Andrew Telegdi: ...c'est fait.
Vous nous avez parlé du contrôle de la qualité que vous faites à l'interne. Si quelqu'un conteste une conclusion et le raisonnement sur lequel elle s'appuie, cette personne pourrait vous écrire en sachant bien que vous ne pouvez pas revenir sur votre décision, mais pour que vous puissiez effectuer un contrôle de la qualité, si vous voulez...
Mme Nurjehan Mawani: Des gens nous écrivent de temps en temps et nous leur expliquons alors le processus. S'il y a effectivement un problème de comportement, de conduite ou de préjugé, cela peut être réglé de façon plus officielle dans le cadre du processus prévu pour ce genre de situation. Mais autrement, la personne en question n'obtiendra pas d'autre réponse.
Le président: Il nous reste environ cinq minutes et nous allons passer à Pat pour une question puis à M. Benoit pour une autre question. Allez-y.
M. Pat Martin: Merci.
J'aurais plusieurs choses à vous demander, mais je vais me contenter d'une brève question.
J'ai remarqué dans vos notes que vous vous efforcez de réduire le coût moyen des revendications de statut de réfugié et que vous pensez le ramener de 2 400 $ à 2 000 $.
Lorsque nous avons rencontré le Conseil canadien pour les réfugiés, on nous a dit que les audiences se feraient de plus en plus par vidéoconférence ou, pour employer votre expression, par audioconférence ce qui n'est, selon moi, qu'un appel téléphonique. Je suppose que c'est ce que vous entendez par «audioconférence». Cela vous semble-t-il satisfaisant? La personne qui doit se contenter d'une vidéoconférence ou d'une audioconférence est-elle aussi bien servie que celle qui comparaît en personne devant le tribunal? Étant donné le caractère humanitaire de votre travail, et les principes de justice, ne craignez-vous pas que l'un soit défavorisé par rapport à l'autre?
Mme Nurjehan Mawani: Nous nous sommes certainement penchés sur cette question et nous estimons que, dans la plupart des cas, il est possible d'obtenir une audience équitable et complète par vidéoconférence. Je dis dans la plupart des cas, car certaines circonstances ne s'y prêtent pas, par exemple lorsqu'il y a trop de témoins. Dans ce cas, la cause risque de durer très longtemps. La vidéoconférence ne se prête pas aux causes très longues. Elle convient toutefois dans la plupart des cas pour les audiences qui durent moins d'une demi-journée et pour lesquelles il y a peu de témoins, c'est-à-dire peut-être le demandeur et un témoin.
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La technologie est assez avancée. En fait, si cela vous
intéresse, je vous invite à venir observer une de ces audiences par
vidéoconférence. Nous nous servons de cette méthode dans notre
bureau d'Ottawa.
M. Pat Martin: Vous desservez les Maritimes...
Mme Nurjehan Mawani: Oui, et il y a parfois des gens de Montréal qui ne peuvent pas se déplacer.
Le principal est de pouvoir donner accès aux audiences et à un service de qualité. C'est ce que nous sommes déterminés à faire.
Le président: Pat, vous pouvez poser votre deuxième question. Leon vous donne la sienne.
M. Pat Martin: Très bien. Merci beaucoup.
Certains chiffres m'ont parus intéressants. C'est peut-être une question de politique, mais je crois que cela intéresse également la commission. L'objectif pour cette année, je crois, est de 9 500 réfugiés alors que la moyenne a été de 19 000 au cours des 20 dernières années. Comment pouvons-nous concilier ce chiffre et notre réputation de sanctuaire pour les personnes qui ont besoin d'un refuge? Comme c'est une question de portée très générale, je vais la préciser.
Le Canada a la réputation de choisir seulement le dessus du panier, même pour la sélection des réfugiés, et je voudrais savoir ce que vous en pensez. On évalue les réfugiés en cherchant à établir s'ils feront ou non des bons immigrants et non pas à partir des raisons politiques qui les conduisent à chercher refuge chez nous. Les chiffres indiquent que le gouvernement s'est efforcé délibérément de réduire le nombre de réfugiés qui arrivent au Canada. Est-ce vraiment un changement de politique?
Mme Nurjehan Mawani: Non. Je suppose que le chiffre dont vous parlez, celui de 9 500 réfugiés, se rapporte aux réfugiés pris en charge par le gouvernement...
M. Pat Martin: Cela comprend à la fois le parrainage gouvernemental et privé.
Mme Nurjehan Mawani: ...les réfugiés ou cette sélection. L'an dernier, si on ajoute le nombre de réfugiés parrainés par le gouvernement et celui des réfugiés parrainés par les ONG, je crois qu'on en comptait 11 400. C'est le nombre établi par le gouvernement, par les ministères, en tenant compte des ressources disponibles. Alors je crois qu'il faudrait peut-être poser cette question aux fonctionnaires ministériels lorsqu'ils comparaîtront devant ce comité.
De notre point de vue, on ne fonctionne pas à partir des chiffres. Nous procédons cas par cas. Si cela veut dire que nous avons un taux d'acceptation de 4 p. 100 au bout du compte, eh bien, c'est comme ça. Si par contre nous avons un taux d'acceptation de 50 p. 100, cela ne change rien. Par conséquent, notre système ne tient pas compte de l'établissement des cibles.
Le président: Monsieur Telegdi, une petite question.
M. Andrew Telegdi: Je me demande si M. Martin sait que, normalement, le Canada reçoit environ 25 000 réfugiés. Certains dossiers sont traités ici au Canada tandis que d'autres le sont à l'étranger. Le chiffre varie entre 20 000 et 25 000.
M. Pat Martin: Par année?
Mme Nurjehan Mawani: Oui, par année.
Le président: Le président aimerait poser une toute petite question, et ce sera la dernière.
J'aimerais vous demander une précision puisque vous avez dit, dans votre rapport, qu'au printemps vous avez démarré un projet pilote de 12 mois en ce qui concerne un mode de règlement extrajudiciaire des conflits dans le cas d'appels concernant une personne parrainée. Vous avez émis votre rapport au printemps de 1998. Est-ce que le projet pilote a commencé au printemps de 1997, ou au moment de la publication de votre rapport?
Mme Nurjehan Mawani: Le projet a plus ou moins commencé au moment de la publication du rapport. En fait, il a été retardé un petit peu et a vraiment démarré au moins de juin. Nous allons en faire rapport la prochaine fois.
Le président: Je vous remercie encore une fois de votre exposé qui nous a été fort utile.
Mme Nurjehan Mawani: Merci beaucoup.
Le président: Je tiens à dire aux membres du comité qu'il y aura une réunion du Sous-comité du programme et de la procédure demain matin à 9 h 30, dans la salle 269 de l'édifice de l'Ouest. C'est une réunion pour les membres du comité directeur.