Passer au contenu
Début du contenu

CITI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

STANDING COMMITTEE ON CITIZENSHIP AND IMMIGRATION

COMITÉ PERMANENT DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 11 mars 1999

• 0910

[Traduction]

Le président (M. Rey D. Pagtakhan (Winnipeg-Nord—St. Paul, Lib.)): La séance est ouverte. Conformément à notre ordre de renvoi, nous allons reprendre l'examen du projet de loi C-63, Loi concernant la citoyenneté canadienne.

Nous recevons ce matin des représentants du Comité central mennonite du Canada, qui sont M. Janzen, directeur du bureau d'Ottawa, et M. Henry Bergen, documentaliste. J'invite les témoins à nous faire une déclaration liminaire s'ils en ont une. Nous passerons ensuite aux questions.

La parole est à vous, monsieur Janzen ou monsieur Bergen. Qui va commencer?

M. William Janzen (directeur, bureau d'Ottawa, Comité central mennonite du Canada): Merci, monsieur le président. Je remercie le comité de nous avoir invités à prendre la parole au sujet du projet de loi. Tel qu'indiqué, je m'appelle William Janzen. Je travaille ici, à Ottawa. Mon collègue, Henry Bergen, travaille à Aylmer, Ontario, près de London, comme documentaliste.

L'organisme que nous représentons, le Comité central mennonite du Canada, est sans doute surtout connu pour ses activités de secours humanitaires et d'aide internationale. C'est à cette fin que sert la majeure partie de notre budget de 22 millions de dollars. Cela comprend environ 3 millions de dollars de l'ACDI. Nous le reconnaissons avec gratitude. Le mémoire que nous avons adressé au comité ne porte que sur un aspect très limité des activités d'ensemble du Comité central mennonite. Et je vous parlerai ici uniquement d'une petite partie de notre mémoire.

Ce mémoire traite de cinq grands sujets, mais je n'en aborderai que deux.

Notre premier sujet de préoccupation se rapporte à un aspect assez particulier de l'histoire mennonite et de la réalité mennonite. Au début du siècle, des groupes de Mennonites canadiens ont quitté le pays pour aller s'installer en Amérique latine de façon à pouvoir poursuivre leur mode de vie particulier. Ils se sont établis au Mexique, au Paraguay, en Bolivie et dans plusieurs autres pays. Pour certaines de ces personnes, les choses se sont bien passées, mais un certain nombre d'entre elles sont tombées dans une extrême pauvreté et ont voulu revenir au Canada. Notre organisme a des programmes en Amérique latine pour les aider à assurer le développement social et économique de leurs communautés, mais nous avons également cherché à venir en aide à ceux qui revenaient—pas en les encourageant à revenir, mais en les aidant s'ils revenaient de toute façon—pour qu'ils se réinstallent et puissent s'adapter à la vie au Canada.

M. Bergen, mon collègue ici présent, en est un exemple vivant. Lorsqu'il était enfant, dans les années 40, il est allé au Mexique avec sa famille. Il y a quelques années, il est revenu au Canada avec ses enfants. Il travaille maintenant pour notre organisme à Aylmer, en Ontario, comme on l'a indiqué. Peut-être pourra-t-il vous dire quelques mots lorsque j'aurai terminé.

Quel rapport cela a-t-il avec la Loi sur la citoyenneté? Ce retour au Canada a été grandement favorisé par deux dispositions que contient la loi actuelle, soit les alinéas 3(1)e) et 5(2)b). Ces deux alinéas ont ouvert la porte à de nombreuses personnes qui sont revenues. Ils n'ont pas permis à tout le monde de le faire, mais les personnes nées à l'étranger avant 1977 et leurs enfants ont pu obtenir la citoyenneté. Ces alinéas revêtent une importance cruciale pour ce groupe de personnes. Nous ne saurions trop insister sur leur importance.

Pour cette raison, notre principal sujet d'inquiétude est que ces dispositions ne semblent pas figurer dans le projet de loi. À moins d'une sérieuse erreur d'interprétation de notre part, cela aura des conséquences dramatiques. Cela ferme la porte à tout un groupe de gens. Dans notre mémoire, nous exhortons le gouvernement à conserver ces deux alinéas.

Pourquoi les conserver? Vous cherchez sans doute une bonne raison. Nous ne pouvons pas prétendre qu'une convention des Nations Unies ou une loi internationale oblige le Canada à le faire. Nous ne pouvons pas dire que c'est une obligation, mais nous espérons que vous le ferez.

• 0915

Il existe plusieurs bonnes raisons. L'une d'entre elles est bien simple. Selon nous, ce serait bénéfique pour le Canada. Je ne pense pas que cela ferait du tort au Canada. Il est vrai que lorsque les gens reviennent, ils ont certaines difficultés à s'adapter. C'est une réalité, et notre organisme s'efforce d'y remédier. Mais souvent, au cours de ces 20 dernières années, la demande de ces travailleurs surpassait l'offre, surtout dans le domaine agricole, pour les champs de tomates et de concombres et les autres récoltes. C'est l'une des raisons qui peuvent être invoquées. Ces personnes travaillent, et après un certain temps elles lancent des entreprises et exercent des professions, comme les autres nouveaux arrivants.

Une deuxième raison assez logique est en fait une réponse à une question. Vous pourriez dire que ces alinéas n'étaient pas destinés à rester là indéfiniment. Nous ne pouvons pas le contester. Dans chaque loi sur la citoyenneté il faut des dispositions en vertu desquelles les personnes nées à l'étranger finissent par perdre leur citoyenneté si elles n'établissent pas de liens avec le Canada. Ces dispositions de cessation sont légitimes. Nous ne les contestons pas. Il ne serait pas logique que les gens puissent rester à l'étranger, d'une génération à l'autre, en conservant la citoyenneté canadienne. Nous ne contestons aucunement les dispositions de cessation de ce projet de loi, pas plus que celles de la loi actuellement en vigueur. Le principe est essentiellement le même, à savoir que la deuxième génération de Canadiens nés à l'étranger doit établir des liens étroits avec le Canada pour conserver la citoyenneté canadienne.

C'est la façon dont ces liens étroits sont définis qui diffère quelque peu, mais nous n'y trouvons rien à redire. La différence entre les dispositions actuelles et celles du projet de loi c'est que les dispositions concernant la cessation commenceront à s'appliquer une génération plus tard. Sommes-nous contre? Dans un certain sens, ces dispositions commenceront à s'appliquer pour les personnes nées à compter de 1977.

J'espère ne pas vous perdre dans des détails trop techniques. Ce sera la génération numéro 1. Si une personne est née à l'étranger, d'un parent canadien, en 1977 ou plus tard, elle conservera la citoyenneté canadienne jusqu'à la fin de ses jours.

Ses enfants, qui pourraient être nés en 1997, quand le parent avait 20 ans, perdront la citoyenneté canadienne à l'âge de 28 ans à moins d'avoir établi des liens étroits avec le Canada. Si vous faites le calcul, vous pouvez voir que ces enfants auront 28 ans en l'an 2025. Par conséquent, il est extrêmement improbable que qui que ce soit perde la citoyenneté canadienne avant 2025, étant donné que les dispositions de cessation s'appliquent à compter de 1977.

Avec la loi actuelle, elles entrent en vigueur une génération plus tôt. Les dispositions de cessation existantes prévoient deux catégories, mais je parle des mesures qui toucheront la plupart des membres de notre congrégation. Si vous êtes né à l'étranger en 1977 ou plus tard, de parents nés eux-mêmes à l'étranger, vous perdrez votre citoyenneté à l'âge de 28 ans. Par contre, une personne née avant 1977 perdra sa citoyenneté en 2005, soit 20 ans plus tôt. Le projet de loi fait donc un cadeau très généreux à la nouvelle génération, car ces dispositions entrent en vigueur plus tard. Il permet à une personne née en 1977 de rester canadienne jusqu'à la fin de ses jours, même si elle ne met jamais les pieds au Canada.

Nous n'avons rien à redire à ce cadeau. Si le gouvernement canadien veut faire ce cadeau aux gens, nous n'allons pas nous y opposer. Nous ne le croyons pas vraiment nécessaire. Nous ne pensons pas nécessaire de l'accorder pour des raisons humanitaires ou autres.

• 0920

Nous nous opposons au fait qu'il y ait une telle contradiction entre le généreux cadeau que l'on fait aux personnes nées le 15 février 1977 ou plus tard et le retrait de la citoyenneté pour celles qui sont nées un jour plus tôt, le 14 février 1977 ou avant cette date. Nous voyons là une contradiction entre la générosité des dispositions de cessation—qui n'enlèvent pas la citoyenneté avant longtemps—et la suppression des droits pour les gens nés avant 1977 et leurs enfants.

Nous estimons que l'intégrité de la Loi sur la citoyenneté canadienne—c'est-à-dire son application future, présente et passée—serait mieux assurée si les dispositions relatives à l'admissibilité restaient telles quelles, autrement dit, si la porte n'était pas fermée de façon aussi catégorique pour les personnes nées avant 1977. Appliquons ces dispositions plus tôt afin que les personnes appartenant à la deuxième génération née à l'étranger perdent la citoyenneté en 2005 plutôt qu'en 2025. Si cette disposition était rétablie, nous ne prétendons pas que cela aiderait des dizaines de milliers de gens. Cela en aiderait plusieurs milliers et cela représenterait beaucoup pour eux. S'il était possible de le faire, nous vous en serions extrêmement reconnaissants.

Nous avons une troisième raison à invoquer. Elle est quelque peu différente et je suppose qu'il y a eu un oubli à cet égard. Si nous avons bien compris le projet de loi, les demandes présentées dans le cadre des alinéas que j'ai mentionnés, soit les alinéas 3(1)e) et 5(2)b), qui se trouvent sur les bureaux des agents de la citoyenneté, seront annulées le jour d'entrée en vigueur de la nouvelle loi. Il n'y a donc pas de période de transition. Le fait est que le traitement de ces demandes dure souvent plus d'un an parce qu'il faut confirmer l'état civil des parents et des grands- parents. Cela exige beaucoup de temps. Si cette nouvelle loi entre en vigueur disons en septembre 1999, il est très improbable que les demandes soumises aujourd'hui seront approuvées.

Notre troisième raison est donc que, si ces dispositions dont nous avons parlé sont abandonnées, il faudrait au moins une période de transition. Nous préférerions une période de transition d'au moins cinq ans. L'annulation des demandes dûment soumises ne correspond pas à la façon dont le Canada traite les gens, à moins d'avoir de très bonnes raisons de le faire.

Je pourrais aborder plusieurs autres questions. Il y a un certain nombre d'années, la législation canadienne exigeait qu'un enfant soit né de parents mariés, ce qui a d'importantes répercussions. Au Canada, le mariage était un mariage religieux. Au Mexique, il s'agissait de mariages civils, mais les gens ne le savaient pas. Pendant un certain temps, même les autorités de l'ambassade du Canada l'ignoraient si bien que le gens ne sont pas allés se marier civilement. Lorsqu'ils ont appris qu'il fallait le faire, ils se sont conformés à cette exigence. Ce n'est pas que la religion s'opposait aux mariages civils, mais en fin de compte, de nombreuses personnes ont été considérées comme des enfants illégitimes, même si leurs parents s'étaient mariés à l'église et qu'il s'agissait d'enfants légitimes à toutes fins utiles.

Nous pourrions parler un peu de cette question et de plusieurs autres, mais je tiens surtout à faire valoir ici que ces deux alinéas permettraient à certaines de ces personnes nées avant 1977 de conserver une certaine admissibilité.

• 0925

L'autre question que je voudrais aborder ne concerne pas ces mennonites d'Amérique latine, mais plutôt le serment de citoyenneté proposé. Ce n'est qu'une question mineure, mais nous tenons à la mentionner, même si ce n'est pas une source de grief. Comme vous le savez sans doute, les mennonites ont toujours été des objecteurs de conscience. La loi canadienne leur reconnaît ce droit depuis plus de 200 ans. Le premier Parlement du Haut-Canada a adopté une loi reconnaissant l'objection de conscience au service militaire. Pendant la Seconde Guerre mondiale, environ 7 500 jeunes mennonites de sexe masculin ont participé à un programme de services parallèles mis sur pied par le gouvernement. Ce n'est pas que nous voulons être exemptés de tout service, mais pour ce qui est du service militaire, c'est un principe historique.

Le nouveau serment de citoyenneté comprend le mot «défendre». Il y a plusieurs façons d'interpréter ce mot, mais il peut facilement évoquer la défense militaire. Ce serment serait plus facile à accepter, non seulement pour nous, mais pour toutes sortes de gens, si le mot «défendre» était supprimé ou remplacé par le mot «respecter».

J'irais un peu plus loin. Si nous pensons à la défense militaire, Dieu merci, le Canada doit rarement assurer sa défense militaire. C'est ce que nous souhaitons tous. Par contre, le respect des valeurs démocratiques, des droits, etc., est une mission permanente. Cela peut s'appliquer à tous, jeunes et vieux, que vous ayez ou non l'âge du service militaire. Si le gouvernement nommait des commissaires à la citoyenneté chargés de sillonner le pays pour promouvoir les valeurs de la citoyenneté canadienne, ce serment de citoyenneté serait probablement récité dans les écoles et les villes de tout le pays et nous croyons que l'engagement à «respecter» les valeurs démocratiques serait plus facile à prendre, non seulement pour nous, mais pour beaucoup de gens, que l'engagement à les «défendre».

Je suis désolé d'avoir parlé un peu plus longtemps que je le voulais. Je voudrais laisser mon collègue Henry Bergen vous dire quelques mots. Il ne parlera qu'une minute, après quoi nous serons prêts à répondre à vos questions.

Le président: Merci, monsieur Janzen.

Monsieur Bergen.

M. Henry Bergen (documentaliste, Comité central mennonite Canada): Je voudrais ajouter quelques mots à ce qu'a dit M. Janzen.

Mes parents ont déménagé au Mexique en 1949. J'avais alors neuf ans, et j'ai vécu au Mexique pendant 43 ans et, les portes du Canada m'étant ouvertes par les alinéas 3(1)e) et 5(2)b), comme on l'a déjà mentionné, j'ai pu obtenir la citoyenneté canadienne pour toute ma famille, mes enfants et mes petits-enfants. Tous en sont très reconnaissants et l'apprécient vivement. Tous nos enfants et petits-enfants sont maintenant au Canada et aiment beaucoup vivre ici.

J'ajouterais que s'il était possible de garder cette porte ouverte, davantage de familles en seraient reconnaissantes et considéreraient qu'il s'agit là d'un grand privilège.

Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Bergen.

Je vous remercie de votre exposé très approfondi et des propositions très précises que vous avez formulées pour résoudre les problèmes que vous avez mis en lumière.

Je vais maintenant ouvrir la période de questions. Monsieur Benoit, vous avez 10 minutes.

M. Leon E. Benoit (Lakeland, Réf.): Merci, monsieur le président, et bienvenue, messieurs.

Je vais commencer par le serment de citoyenneté et vous demander si vous avez recommandé ce changement à la ministre lorsqu'elle a mis au point le texte du serment.

M. William Janzen: C'est la première occasion que nous avons d'en parler.

M. Leon Benoit: Je voudrais savoir pourquoi vous n'avez pas soumis votre proposition à la ministre lorsqu'elle préparait le serment? Elle a dit que cela a donné lieu à d'importantes consultations publiques. Si ce changement est tellement important à vos yeux, cela m'étonne que vous ne l'ayez pas proposé à la ministre. Aviez-vous entendu parler du projet de serment et saviez- vous que vous aviez la possibilité de faire des propositions?

• 0930

M. William Janzen: Non, je ne le savais pas, mais ce n'est peut-être pas de la faute des fonctionnaires. Nous avons un petit bureau ici et beaucoup de dossiers à suivre. Je sais que je ne les suis pas tous autant qu'il le faudrait et de toute évidence, j'ai manqué celui-là.

M. Leon Benoit: Très bien. Je voulais simplement vous poser la question. J'avoue ne pas avoir entendu parler moi non plus de ces consultations et cela ne m'étonne donc pas. Mais je ne vais pas m'attarder sur ce sujet.

Je sais que vous vous inquiétez—et je comprends vos préoccupations—de ce que le serment parle de «défendre» nos valeurs démocratiques. C'est une déclaration assez générale. Vous ne prétendez sans doute pas que la citoyenneté ne doit pas être prise très au sérieux et qu'elle ne sous-entend pas certains engagements?

M. William Janzen: Nous sommes entièrement d'accord. En fait, j'espère qu'une personne qui s'oppose au service militaire s'efforcera par tous les moyens d'apporter sa contribution à la société, à la collectivité. A mon avis, cela devrait être obligatoire. Je suis entièrement d'accord pour dire que les personnes qui obtiennent la citoyenneté doivent s'engager sérieusement envers le pays, la société et le bien-être d'autrui.

M. Leon Benoit: Oui, et je me réjouis de vous l'entendre dire.

Encore une fois, pour ce qui est du sérieux de cet engagement, nous conviendrons tous, je pense, que le fait d'obtenir la citoyenneté est quelque chose d'important. Cela ne doit pas être pris à la légère, vous l'avez dit très clairement.

Quant à savoir ce que devraient être les règles, vous avez mentionné les alinéas 3(1)e) et 5(2)b) de l'ancienne Loi sur la citoyenneté. Vous craignez que ces dispositions ne soient pas reprises dans la nouvelle loi. En fait, il s'agit de voir avec quel sérieux vous prenez l'engagement envers la citoyenneté. Vous dites que ces dispositions sont très limitées et ne serviraient peut-être pas beaucoup de gens, peut-être quelques milliers. Ces dispositions de l'ancienne loi n'ont donc pas servi à beaucoup de gens? Il ne doit pas y en avoir eu beaucoup.

M. William Janzen: Au moins plusieurs centaines de personnes par an ont obtenu la citoyenneté grâce à ces dispositions. Il y en a peut-être eu près d'un millier. Cela me paraît certainement un chiffre élevé, mais c'est une simple supposition. Nous n'avons pas les chiffres exacts, mais je dirais qu'ils se situent entre 200 et 800 ou quelque chose d'approchant.

M. Leon Benoit: Compte tenu des explications que vous nous avez données quant aux raisons pour lesquelles il faudrait maintenir ces dispositions, pourquoi pensez-vous qu'elles n'ont pas été conservées dans ce projet de loi? Croyez-vous que c'est le résultat d'une divergence de vues entre vous et la ministre ou simplement une omission? En avez-vous parlé à la ministre ou aux fonctionnaires de son ministère?

M. William Janzen: La réponse est non. Nous avons demandé à avoir ce genre de discussion, mais cela ne s'est pas matérialisé. Nous ne nous sommes peut-être pas adressés aux bonnes personnes. C'est seulement ce matin que j'en ai parlé à des hauts fonctionnaires et nous allons en discuter, mais il s'agit peut-être simplement d'une omission.

Si j'avais mieux compris les raisons pour lesquelles ces alinéas ont été laissés de côté, j'aurais peut-être saisi l'occasion pour chercher des arguments contre.

• 0935

M. Leon Benoit: Je ne cherche pas à vous critiquer. Comprenez- le. J'essaie d'établir moi-même pourquoi ces dispositions n'ont pas été maintenues. Comme c'est la première fois que ces changements sont portés à mon attention, j'essaie de déterminer leur raison d'être. Je n'en ai aucune idée et vous non plus. J'espère que vous le découvrirez au cours de vos entretiens avec les fonctionnaires du ministère et que nous obtiendrons la réponse en questionnant ces derniers. Cela réglera peut-être le problème. Je vais en rester là. Si nous abordons tous les deux la question sous un angle différent, peut-être arriverons-nous à quelque chose.

M. William Janzen: J'ai une observation à faire à propos d'une chose que vous avez mentionnée. Si j'ai bien compris, vous avez dit que les anciennes dispositions se rapportaient peut-être à l'importance de la citoyenneté.

M. Leon Benoit: Oui, mais c'était plus une question qu'une affirmation.

M. William Janzen: Je dirais que si le Canada peut se montrer si généreux avec ces nouvelles dispositions de cessation, peut-être devrait-il l'être un peu plus en ce qui concerne les dispositions d'admissibilité antérieures. Elles seraient davantage en harmonie.

M. Leon Benoit: Pour le moment, elles sont contradictoires.

M. William Janzen: D'après ce que je peux voir, en effet.

M. Leon Benoit: Certainement.

Je sais que vous voulez mettre l'accent sur certaines questions. C'est une bonne chose, car d'autres auront des questions à vous poser à ce sujet. Mais à part les problèmes dont vous nous avez parlé aujourd'hui, y a-t-il d'autres dispositions qui vous inquiètent dans ce projet de loi? Y a-t-il des choses que vous voudriez voir modifier ou améliorer ou des choses qui manquent, selon vous, comme dans le cas des alinéas 3(1)e) et 5(2)b)?

M. William Janzen: J'ai mentionné brièvement les exigences antérieures concernant la légitimité. Je crois qu'un principe du droit international a contré les intentions des législateurs canadiens.

Il y a d'autres dispositions d'exclusion que je ne suis pas compétent pour analyser attentivement. Il y a des dispositions plus rigoureuses qui permettent au ministre, dans l'intérêt public, d'empêcher quelqu'un d'obtenir la citoyenneté. Si j'ai bien compris, toutefois, il n'est pas vraiment possible de contester ce genre de décisions.

M. Leon Benoit: C'est exact. Cette nouvelle loi confère énormément de pouvoirs au ministre et les droit d'appel semblent extrêmement limités. Je comprends pourquoi il faut conférer certains pouvoirs au ministre, mais beaucoup de gens sont en désaccord étant donné que les possibilités d'appel sont très limitées. Il est intéressant que vous souleviez également la question.

M. William Janzen: Pour ce qui est des aspects positifs, on peut dire que si une personne ne peut pas obtenir la citoyenneté, cela ne signifie pas nécessairement qu'elle perdra le statut d'immigrant reçu. En pratique, les conséquences ne sont donc pas aussi draconiennes que la révocation de la citoyenneté. Une personne dont la citoyenneté est révoquée, perd tout statut au Canada à moins que des mesures extraordinaires ne soient prises en sa faveur. Cela outrepasse mes compétences, mais j'ai l'impression que la révocation va un peu plus loin que dans la loi précédente. Il faudrait toutefois que des experts vous en parlent. Je vous invite simplement à examiner ces dispositions de près, mais je ne pense pas être suffisamment compétent pour en parler.

M. Leon Benoit: J'aimerais savoir ce que vous apprendrez des fonctionnaires du ministère quand vous les rencontrerez. Si vous constatez qu'il s'agit d'une omission, j'aimerais que vous m'en informiez. Nous pourrons alors essayer de régler la question ou de l'examiner de près et d'en discuter. Si nous croyons nécessaire d'insérer une disposition, nous nous efforcerons de le faire.

M. William Janzen: Merci beaucoup, monsieur Benoit.

Le président: Merci, monsieur Benoit.

Monsieur Ménard.

[Français]

M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Bonjour. Je veux que vous m'expliquiez clairement quelles sont les conséquences de la non-reconduction des deux dispositions de la loi que vous avez évoquées. Vous semblez souscrire au principe général selon lequel la deuxième génération doit manifester des liens d'attachement étroits avec le Canada pour obtenir la citoyenneté. Vous ne remettez pas en cause ce principe qui, me semble-t-il, à sa face même, est défendable. Mais je veux saisir en détail quelles sont vos préoccupations concernant les deux alinéas dont vous avez parlé.

M. William Janzen: Merci, monsieur Ménard. Si vous me le permettez, je vais m'exprimer en anglais. Veuillez m'en excuser.

• 0940

[Traduction]

En pratique, ces personnes ne pourront pas venir au Canada.

[Français]

M. Réal Ménard: On parle des personnes qui ont obtenu la citoyenneté canadienne, c'est-à-dire de celles à qui s'appliquaient les dispositions de la loi de 1947 qui ont été intégrées à la loi de 1977. On parle donc de personnes nées avant le 14 février 1977, n'est-ce pas?

[Traduction]

M. William Janzen: Ni eux ni leurs enfants. Certains enfants d'Henry sont nés en 1975 et 1976, avant la loi actuelle. Eux-mêmes et leurs enfants, du sexe masculin ou féminin nés dans les années 70, pourraient être parents à leur tour.

[Français]

M. Réal Ménard: Vous craignez que les conséquences pratiques pour ces gens-là soient une perte de la citoyenneté. Dans votre mémoire, vous dites que ces deux alinéas «ont permis à plusieurs centaines de mennonites, dont nous avons parlé ci-dessus d'obtenir, année après année, la citoyenneté canadienne», sans que leur demande ait fait l'objet d'un processus formel parce que, ai-je cru comprendre, la loi ne l'autorisait pas.

[Traduction]

M. William Janzen: Oui, je pense qu'il y a des distinctions à faire ici.

Pour les personnes nées avant 1977, le problème n'est pas qu'il s'agit de citoyens canadiens qui risquent de perdre leur citoyenneté. C'est plutôt qu'elles sont admissibles à la citoyenneté et qu'elles perdront cette admissibilité. Tout le problème est là.

Avant, il y avait...

[Français]

M. Réal Ménard: Excusez-moi, mais j'aimerais m'assurer d'avoir bien compris. Vous dites que les personnes nées avant 1977 étaient admissibles à la citoyenneté et qu'en vertu de l'actuel projet de loi, elles vont perdre leur admissibilité.

[Traduction]

M. William Janzen: En vertu du projet de loi, elles perdront leur admissibilité.

[Français]

M. Réal Ménard: Est-ce qu'elles vont la perdre en vertu du projet de loi qui est devant nous, qui prévoit un délai pour la deuxième génération?

[Traduction]

M. William Janzen: Non, elles ne la perdront pas à cause du délai pour la deuxième génération.

Je me réjouis que vous posiez ces questions, car elles sont précises.

[Français]

M. Réal Ménard: Je cherche à bien comprendre.

[Traduction]

M. William Janzen: Il y a là deux sortes de dispositions. Il y a d'abord celles qui prévoient la perte et ensuite celles qui prévoient l'admissibilité. Dans le cas des personnes dont je parle, c'est l'admissibilité à la citoyenneté qu'elles perdront.

Si une personne obtient la citoyenneté en vertu de ces dispositions, à un moment donné, les dispositions de cessation commenceront à entrer en vigueur.

[Français]

M. Réal Ménard: Ces personnes dont vous me parlez sont nées avant 1977 et sont admissibles à ce moment-ci. Comment expliquez-vous qu'elles puissent perdre leur admissibilité en vertu du projet de loi qui est devant nous? Pourquoi perdraient-elles cette admissibilité si elle n'est pas liée au délai de génération? Sur quoi vous basez-vous lorsque vous dites qu'elles perdront leur citoyenneté? Est-ce parce qu'une disposition extraordinaire de l'ancienne loi ne serait pas reconduite? Est-ce bien ce à quoi vous faites allusion quand vous demandez qu'il y ait des mesures transitoires?

[Traduction]

M. William Janzen: Les articles 3 et 4 du projet de loi précisent qui a qualité de citoyen. Ce projet de loi n'indique pas qui est admissible à la citoyenneté, mais plutôt qui est un citoyen. Si je comprends bien, ces dispositions entrent en vigueur à compter du 14 février 1977. Cela peut semer une certaine confusion dans les esprits.

• 0945

[Français]

M. Réal Ménard: Mais dans la définition même, dans les premiers articles d'introduction, on ne fait pas allusion aux gens dont vous parlez en ce moment. On n'évoque ce concept d'admissibilité qu'après février 1977.

[Traduction]

M. William Janzen: Oui, je crois que nous avons maintenant la même interprétation.

[Français]

M. Réal Ménard: C'est exactement le genre de détails qu'on recherche. Si les fonctionnaires et la ministre reviennent comparaître à la fin de nos travaux, nous pourrons leur demander si votre interprétation est bonne. Nous avons traité de la première catégorie de gens, que les articles 3 et 4 du projet de loi ne concernent pas. On se comprend bien là-dessus.

Vous disiez qu'il y avait deux distinctions à faire. Qu'aimeriez-vous nous dire au sujet de cette deuxième catégorie de gens?

[Traduction]

M. William Janzen: Voulez-vous dire la distinction que je fais entre les dispositions relatives à l'admissibilité et celles relatives à la perte de citoyenneté?

M. Réal Ménard: Oui.

M. William Janzen: En ce qui concerne les dispositions relatives à la perte de citoyenneté, nous n'avons pas vraiment d'objection au projet de loi. Nous sommes étonnés par la générosité du projet de loi. Par exemple, si une personne est née en 1977, même s'il s'agit d'une personne née à l'étranger d'une deuxième, troisième ou même quatrième génération, cette personne restera canadienne le reste de sa vie, même si elle ne met jamais les pieds au Canada.

[Français]

M. Réal Ménard: Je veux m'assurer de bien vous comprendre. On nous avait expliqué que le caractère automatique de la citoyenneté ne se transmettrait plus de génération en génération. Il y aura maintenant des critères de résidence effectifs. À partir de la deuxième génération, il faudra en faire la demande. Vous avez vous-même fait allusion à l'âge de 28 ans. Dans le cas de la troisième, quatrième ou cinquième génération d'enfants de parents canadiens vivant à l'étranger, ce caractère automatique ne s'appliquera pas. Est-ce que vous êtes d'accord sur mon interprétation?

[Traduction]

M. William Janzen: La question qu'il faut se poser, c'est quand le décompte commence-t-il? D'après ce je crois comprendre, dans le projet de loi le décompte commence en 1977. Donc, si une personne est née en 1977, alors la deuxième génération... Mais la première génération, la personne née en 1977, restera canadienne. Cette personne née en 1977 pourrait déjà être elle-même une personne née à l'étranger de la deuxième ou troisième génération. Nous n'avons pas d'objection à la générosité du projet de loi à cet égard. Si c'est ce que le gouvernement veut, très bien. Mais nous aimerions que cette générosité soit générale.

Nous aimerions que cette générosité s'applique aux critères d'admissibilité visant ceux qui sont nés un peu plus tôt. Alors...

[Français]

M. Réal Ménard: Ne pensez-vous pas que c'est une question de rétroactivité? On retrouvait dans la loi de 1977 les dispositions de la loi de 1947 qui faisaient en sorte qu'on pouvait transmettre la citoyenneté jusqu'à la deuxième génération. Dans le fond, est-ce que ça n'obéit pas à un principe de la loi qui dit qu'une loi ne peut pas être rétroactive? Il est évident qu'on ne peut pas retirer la citoyenneté aux gens à qui on l'a accordée. Nous pourrons discuter de cette question avec la ministre et les hauts fonctionnaires. Je comprends maintenant votre point de vue sur les articles 3 et 4. Il est important que les membres du comité y soient tous sensibilisés.

Je poserai une dernière question au sujet du serment, si j'en ai le temps. Vous dites être des objecteurs de conscience et ne pas croire à une implication militaire d'un pays, quel qu'il soit, et certainement pas du Canada. C'est un point de vue sur lequel je suis entièrement d'accord. Mais vous donnez au mot «défendre», qui figure dans le serment d'allégeance, une interprétation qui pourrait le lier au caractère militaire, alors qu'on pourrait aussi dire qu'on peut défendre quelque chose par la promotion de valeurs, de façon verbale ou de façon interactive. Il pourrait s'agir de la transmission de valeurs qui ne sont pas nécessairement militaires.

[Traduction]

Le président: Monsieur Janzen, brièvement.

• 0950

M. William Janzen: Nous convenons que le mot «défendre» peut avoir l'interprétation que vous indiquez. Nous considérons tout de fois que c'est un mot qui peut se prêter à plus d'une interprétation. Nous croyons que beaucoup de Canadiens, pas seulement nous, préféreraient un mot comme «respecter». Vous avez tout à fait raison, il peut avoir...

Le président: Je vous remercie, monsieur Janzen.

Je cède maintenant la parole à M. Mahoney.

M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.): Je ne sais trop quelle question poser. Mais je tiens à vous remercier de votre exposé. J'ajouterai que nous avons entendu des représentants de votre groupe il y a quelques semaines à Calgary, je crois, au sujet de programmes d'entrepreneuriat pour les jeunes, et ils font un excellent travail auprès des jeunes. Je tiens à vous en remercier.

Je me pose quelques questions au sujet des mots «défendre» et «respecter». À la Chambre des communes, nous défendons et respectons nos principes et nos valeurs démocratiques chaque jour. Certains pourraient y voir une interprétation militaire mais je pense que c'est un mot généralement inoffensif. Je me demande si cela réglerait vraiment le problème. Je pense que la ministre et ses collaborateurs pourraient vous répondre à ce sujet, mais «respecter» les valeurs démocratiques pourrait donner lieu à une interprétation militaire tout autant que le mot «défendre» les valeurs démocratiques si une guerre était déclarée ou si nous étions attaqués.

Je veux essayer de comprendre un peu mieux ce que vous voulez dire, comme M. Ménard l'a fait, et votre dialogue avec lui m'a aidé à comprendre un peu mieux. La véritable question ici n'est-elle pas qu'un certain groupe de gens, que vous avez identifiés, perdront leur droit automatique à la citoyenneté par opposition à leur droit international de demander le statut d'immigrant reçu ou de revenir au Canada et de subir le processus décrit ici, qu'il s'agisse du processus de résidence ou autre pour obtenir la citoyenneté? Est-ce ce dont il s'agit vraiment, à savoir qu'automatiquement ces personnes devraient être autorisées à devenir canadiennes sans avoir pris d'engagement envers le pays?

M. William Janzen: Il y a beaucoup de vrai dans ce que vous dites. À un certain égard, je suis embarrassé de... pas embarrassé mais...

M. Steve Mahoney: Ne soyez pas embarrassé.

M. William Janzen: Ce n'est pas qu'elles perdraient leur citoyenneté, mais les conditions en fonction desquelles elles peuvent maintenant demander la citoyenneté, c'est-à-dire leur admissibilité.

M. Steve Mahoney: J'ai besoin de plus de précisions. Elles peuvent demander la citoyenneté si elles satisfont aux critères décrits ici. Je suppose que vous avez vu les dispositions concernant les trois années sur cinq de résidence au pays.

Je suis plutôt préoccupé aussi par la façon dont cela est prouvé. Certains membres ont soulevé cet aspect ici. Je suis un citoyen canadien, né ici. Mais je suppose que si je quittais le pays pendant six mois, personne ne le saurait et certains s'en moqueraient complètement. Cela dit, lorsqu'il s'agit d'une personne née à l'étranger...

Il serait peut-être utile que vous me décriviez les étapes du processus. Johnny Jones est né en Allemagne de parents canadiens. Pourriez-vous m'aider à comprendre, à l'aide d'un exemple, si c'est simplement parce qu'il atteint l'âge de 28 ans—ou que son fils atteint l'âge de 28 ans—qu'il perd automatiquement le droit à la citoyenneté canadienne. Mais à 30 ans, cette personne pourrait demander à entrer au Canada, puis demander la citoyenneté canadienne en fonction des critères énoncés dans la loi. Je ne vois pas comment...

C'est très déplaisant, monsieur le président...

Le président: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Steve Mahoney: J'essaie de comprendre une question très complexe et je me passerais de tout ce bruit.

Est-ce que vous comprenez ce que je suis en train de dire?

M. William Janzen: Oui. J'aimerais commencer par faire deux observations. La première c'est que oui, si le projet de loi est adopté dans sa forme actuelle—autrement dit si les deux alinéas dont nous avons parlé ne sont pas rétablis—cela signifie que ces personnes pourraient toujours demander le statut d'immigrant reçu comme n'importe qui d'autre. Mais le fait est qu'elles ne seraient pas acceptées.

• 0955

M. Steve Mahoney: Pourquoi?

M. William Janzen: Les critères pour l'octroi du statut d'immigrant reçu sont assez rigoureux. Une très forte proportion des personnes nées au Canada n'y satisferaient pas. Aussi, ils fluctuent...

M. Steve Mahoney: Désolé, vous dites un nombre considérable...

M. William Janzen: Une forte proportion de citoyens nés au Canada, s'ils étaient nés à l'étranger et devaient demander le statut d'immigrant reçu au Canada, ne seraient pas admissibles. Il faut posséder des aptitudes linguistiques. Il faut posséder des aptitudes dont a besoin l'économie canadienne. Et cette définition est aussi assez frappante, parce que l'apport économique de ces personnes est assez important mais qu'à leur arrivée, ils se situent dans des secteurs économiques de bas niveau. Et ce genre d'activité ne reçoit pas une bonne cote dans le système de points des critères de l'immigration. Donc, essentiellement, effectivement, ces personnes pourraient demander le statut d'immigrant reçu mais elles ne l'obtiendront pas.

Notre organisation aide les réfugiés à venir au Canada et les raisons pour lesquelles nous les aidons sont plus ou moins les mêmes sauf qu'ici les critères juridiques sont légèrement différents, et nous demandons qu'ils restent souples.

Je tiens également à mentionner—et j'espère qu'on ne se méprendra pas sur ce que je vais dire—que je ne préconise absolument pas que ces personnes puissent demander la citoyenneté canadienne et l'obtenir tout en demeurant à l'étranger génération après génération. C'est pourquoi je trouve que les dispositions actuelles relatives à la perte de citoyenneté sont en fait préférables. Faisons en sorte qu'ils demeurent admissibles, mais qu'ils soient visés par les dispositions relatives à la perte de citoyenneté au moment où ils prendront leur décision. Cela serait préférable à l'élimination pure et simple de leur admissibilité.

Nous ne préconisons pas que des milliers et des milliers de gens puissent vivre à l'étranger génération après génération et posséder la citoyenneté canadienne. Bien sûr, nous déplorons leur situation lorsqu'ils la perdent, mais ce n'est pas ce que nous préconisons.

Je vous remercie de m'avoir aidé à préciser cet aspect.

M. Steve Mahoney: Vous avez parlé de la possibilité d'une période limitée de cinq ans pour faire une demande de naturalisation. Étant donné que ce processus assez complexe prendra un certain nombre d'années de toute façon, qu'est-ce que cette période de cinq ans vous apporte?

M. William Janzen: Sur le plan pratique, notre organisation ferait de son mieux pour informer les intéressés qu'ils disposent d'un certain délai pour présenter leur demande et que s'ils ne le font pas dans les délais prévus, alors ils perdront cette possibilité, et notre organisation ne les défendrait pas parce que nous aurions fait tout ce que nous pouvions.

Donc, dans un certain sens, je pense que même si ces deux dispositions étaient maintenues, avec le temps, le nombre diminuerait. Ce n'est pas comme si on gardait simplement une porte ouverte; les gens vieillissent et ainsi de suite et il existe un mécanisme intrinsèque de temporarisation. Mais si nous prévoyons dans la loi un processus de temporarisation de cinq ans, c'est sûrement mieux que rien.

M. Steve Mahoney: Mais il existe une période indépendamment de ce délai officiel ou législatif pendant laquelle il est possible de communiquer cette information.

M. William Janzen: Oui.

M. Steve Mahoney: Également, à la page 5 de votre exposé, vous demandez que l'on fasse preuve d'un peu plus de clémence, si on peut dire, dans le cas de documents ou certificats de citoyenneté émis par erreur. Avez-vous des exemples à nous donner qui indiquent pourquoi cela pose problème? Est-ce une situation répandue dans votre communauté, et avez-vous eu des problèmes à cet égard?

M. William Janzen: Oui.

• 1000

M. Steve Mahoney: Comment feriez-vous pour déterminer le type d'erreurs qui ont été commises? Vous pourriez peut-être m'en donner quelques exemples.

M. William Janzen: Supposons que quelqu'un au Mexique veut venir s'installer au Canada. Il dit qu'il y a trop de pauvreté dans son pays et il veut venir cueillir des concombres en Ontario et essayer de commencer une nouvelle vie ici avec sa famille. Il a peut-être appris d'une façon ou d'une autre que sa mère n'a jamais été canadienne ou n'a jamais eu de papiers canadiens, mais s'il arrive à prouver que son père est né dans les liens du mariage, il serait admissible à présenter une demande. Cela signifie qu'il devrait obtenir un certificat de mariage de ses grands- parents—c'est-à-dire les parents de son père.

Donc, il irait au bureau d'enregistrement de sa localité et dirait: «J'aimerais avoir un certificat de mariage pour M. et Mme Untel». La personne lui demanderait: «Quelle date voulez-vous qu'on y étampe?» Il lui dirait la date et le certificat serait étampé et approuvé.

Avec tout le respect que je dois aux fonctionnaires mexicains, il y en a certains qui remettent des certificats vierges, étampés et signés aux intéressés qui y inscrivent leurs propres noms et les dates. Nous avons de très bonnes relations avec les fonctionnaires canadiens—nos propres employés. Ils ne savent pas quoi faire dans de tels cas parce qu'il est impossible de travailler à l'aide de faux documents, mais qu'est-ce que l'on entend par faux documents? Cela est assez difficile à évaluer. Ce serait une façon de contourner le problème. Par principe, si nous voyons qu'un document a été falsifié, nous ne nous occuperons pas de la demande.

Le président: Monsieur Mahoney, nous allons maintenant passer à la période de questions de cinq minutes. M. Martin, puis M. Bryden et M. McNally.

M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Je vous remercie, monsieur le président.

Je vous remercie tous les deux d'être des nôtres. Je connais assez bien le Comité central mennonite puisque je viens de Winnipeg. Vous avez une très importante représentation là-bas; bien entendu le Manitoba compte une importante population mennonite. Nous reconnaissons tous le travail que vous faites dans le tiers monde. Vous considérez le centre-ville de Winnipeg comme un endroit qui rappelle la situation du tiers monde et c'est effectivement le cas, et vous êtes très actifs là-bas, ce que nous reconnaissons aussi.

Je connais un peu l'histoire des vagues d'immigrants mennonites qui sont venus au Manitoba, financés par Tolstoï. C'est une histoire fascinante. Ils ont certainement eu une grande influence sur les milieux d'affaires du sud du Manitoba—l'un des milieux d'affaires les plus stables au pays en raison du caractère industrieux des personnes qui s'y sont établies.

Mais cela dit, la question même que vous soulevez est un point assez délicat au Manitoba. Bien des gens m'ont indiqué qu'ils n'aiment pas l'idée que des personnes aient quitté le Canada par choix parce qu'ils avaient de meilleures possibilités ailleurs ou préféraient vivre ailleurs et qu'au bout de 40 ans, parce que la situation s'est détériorée dans un grand nombre de ces endroits—je sais que beaucoup de personnes qui reviennent sont originaires du Pérou—elles veulent revenir et recommencer comme si elles n'étaient jamais parties. Au cours de cette période de 40 ans, des gens comme mes parents ont payé leurs impôts et contribué à bâtir l'État providence dont nous profitons tous aujourd'hui. Ces gens-là reviennent 40 ans plus tard lorsqu'ils ont grand besoin de soins médicaux.

On a également indiqué que certains abusent de la filière mexicaine pour empêcher les femmes de faire des études. On envoie les jeunes filles à l'étranger à l'âge de 12 ans parce que certaines familles mennonites ne veulent pas que leurs femmes fassent des études au-delà de ce stade. On les ramène lorsqu'elles ont 18 ans, lorsque la loi ne les oblige plus à aller à l'école.

Ce sont des mesures effroyables que personne ici n'appuie. Je suis sûr que les membres plus progressistes de la communauté mennonite désapprouvent ce genre de pratique, mais que le mouvement d'expatriés se prête à ce genre d'abus.

• 1005

Que répondez-vous à ce genre de critiques? Comment pouvez-vous convaincre les auteurs de ce genre de critiques de la nécessité de l'octroi automatique de la citoyenneté lorsque, comme M. Mahoney l'a souligné, tout ce qu'ils perdent, si ces deux paragraphes sont supprimés, est le droit automatique à la citoyenneté? Rien ne les empêche de présenter une demande comme toute autre personne qui décide maintenant de devenir canadienne, plutôt qu'une personne qui décide de devenir canadienne lorsque c'est commode et qui décide de changer d'horizon lorsque ce ne l'est plus. Vous pourriez peut-être répondre à cette question, s'il vous plaît.

M. William Janzen: Je vous remercie. Ce sont effectivement des questions qui se posent dans notre société et je suis heureux que vous les ayez soulevées. J'aimerais faire quelques commentaires.

Tout d'abord, lorsque ces personnes reviennent, ce n'est pas tant l'adaptation économique qui est difficile mais l'adaptation sociale.

M. Pat Martin: C'est de la main-d'oeuvre bon marché pour certains secteurs manufacturiers au Manitoba.

M. William Janzen: Oui.

M. Pat Martin: Ils sont souvent payés un salaire inférieur au salaire minimum, ce qui perturbe jusqu'à un certain point l'économie. Ils n'arrêtent pas de se faire arrêter parce qu'ils acceptent moins que le salaire minimum exigé par la loi.

M. William Janzen: Je ne le conteste pas, mais il existe une demande économique pour ces travailleurs, je crois.

M. Pat Martin: Il existe peut-être une demande pour qu'ils aillent cueillir des concombres dans le sud de l'Ontario mais pas pour aller travailler dans le secteur de la transformation du bois—Loewen Windows, Schmidtke, Palliser Furniture—toutes ces entreprises mennonites qui emploient des milliers de gens. Ils font venir un tas de gens du Pérou et du Mexique dont les antécédents de travail sont vraiment douteux. Cela a causé beaucoup de ressentiment parmi ceux qui cherchent de l'emploi dans ce secteur. Ils voient des tas de gens qui court-circuitent automatiquement le système et prennent ces emplois.

Le président: Monsieur Janzen, avez-vous d'autres commentaires à faire à ce sujet?

M. William Janzen: Notre organisation s'occupe de ce genre de choses de son mieux. Nous avons préparé un petit ouvrage sur notre programme en Ontario au cours des 20 dernières années, qui aborde une vaste gamme de questions sociales si les gens veulent y jeter un coup d'oeil. Mais en tant qu'organisation, nous consacrons beaucoup d'efforts à ces questions.

Quant à savoir si le projet de loi mettra fin à ce mouvement de retour au Canada, je pense que non. Il apportera certains changements à ce niveau, mais il n'y mettra pas fin parce que les dispositions relatives à la perte de citoyenneté sont beaucoup plus généreuses. Tous les gens nés en 1977 ou plus tard pourront faire la navette le reste de leur vie, et leurs enfants auront le statut s'ils veulent s'en prévaloir.

Donc à cet égard, le projet de loi n'entravera pas la liberté de circulation; il empêchera uniquement les personnes nées avant 1977 d'y avoir accès. Les personnes nées plus tard pourront faire la navette toute leur vie. C'est pourquoi le maintien des dispositions existantes relatives à la citoyenneté permettrait de mieux répondre à mon avis aux critiques que vous soulevez. Cela signifie que les gens seront visés par les dispositions de la loi au moment où ils doivent prendre une décision. Ils seront visés par ces dispositions plus tôt, alors qu'en vertu du projet de loi, ce délai est reculé.

Le président: Monsieur Janzen, je regrette de devoir vous interrompre. Je vous ai laissé une ou deux minutes de plus. Mais comme vous répétez ce que vous avez dit plus tôt et que cela est versé au compte rendu du comité, j'aimerais maintenant que nous passions à M. Bryden.

M. William Janzen: Oui. Désolé.

M. John Bryden (Wentworth—Burlington, Lib.): Je suis ici aujourd'hui de façon tout à fait fortuite, mais je suis heureux d'avoir eu l'occasion d'entendre les témoins et de poser quelques questions.

• 1010

Tout d'abord, en ce qui concerne les dispositions qui vous préoccupent, il s'agit peut-être d'un oubli ou d'une omission lors de la rédaction du projet de loi. Je suis sûr que le comité et d'autres instances se pencheront en temps voulu sur ces dispositions.

Mes questions concernent davantage le serment dont vous avez parlé et les objecteurs de conscience qui existent, d'après ce que j'ai compris, dans la communauté mennonite. Pouvez-vous me donner une idée de ce que cela signifie dans le contexte d'une situation d'urgence nationale comme une guerre? Que se passe-t-il dans le cas des mennonites? Est-ce tout simplement qu'ils refusent de prendre les armes, mais je suppose qu'ils feront autre chose.

M. William Janzen: Lors de la Seconde Guerre mondiale, des milliers de jeunes hommes mennonites ont servi de différentes façons. La majorité ont servi dans le cadre d'un programme de services parallèles qui n'avait absolument rien à voir avec les militaires, bien que certains aient servi dans des corps médicaux relevant d'instances militaires. L'Église appuie en général l'importance du service. A l'époque, les chefs de l'Église ont indiqué clairement que nous ne voulions pas nous dérober à ce devoir ni même nous soustraire au danger.

Plusieurs d'entre vous ont mentionné les programmes de services dont s'occupe notre organisation. Ces programmes de services, qui sont assez vastes au Canada et à l'étranger, s'inspirent de cette notion de service. Nous ne voulons pas faire quelque chose que nous estimons destructeur, mais nous considérons obligatoire d'apporter une contribution, de servir d'une façon conforme à nos convictions, qu'il y ait une guerre ou pas.

M. John Bryden: C'est donc dans ce contexte que vous préférez le mot «respecter». Cela signifie vraiment que vous respectez les valeurs canadiennes.

M. William Janzen: C'est ce que nous aimerions.

M. John Bryden: C'est donc uniquement parce que vous ne pouvez pas prendre les armes.

M. William Janzen: Oui.

M. John Bryden: Très bien, je vous remercie.

Vous avez fait une proposition intéressante, à savoir que le serment de citoyenneté, s'il est libellé de façon appropriée, pourrait être un serment que l'on récite dans les écoles. Que signifie pour vous un serment?

M. William Janzen: Je considère qu'il s'agit d'un engagement, d'une promesse solennelle. C'est un mot qui est peut-être un peu plus faible sur le plan juridique, mais je le considère comme un engagement qui est aussi profond que tout engagement que l'on peut prendre.

En Occident, la plupart d'entre nous diraient que nous devons faire preuve de loyauté, mais jamais d'une loyauté inconditionnelle. Il existe de nombreux pays où nous considérons maintenant que si plus de gens avaient parlé de fausse allégeance... Il existe une exigence morale de s'opposer à certains agissements de certains gouvernements. Mais oui, je considère en général qu'il s'agit d'un engagement sérieux. Vous voudrez peut- être donner une explication plus détaillée à ce sujet.

M. John Bryden: Dans ce contexte, aux environs de 1973, on a abandonné la mention de Dieu dans le serment et depuis cette mention n'existe plus. C'est très inhabituel. Je pense que nous sommes le seul pays au monde où la notion de Dieu ne figure pas dans le serment. Êtes-vous d'avis que la mention de Dieu—peut-être pas «que Dieu me vienne en aide», mais une autre mention—dans le serment lui conférerait un caractère plus solennel, une plus grande signification?

M. William Janzen: J'appuierais personnellement ce genre d'initiative, mais je me rends compte qu'il faut tenir compte de nombreux facteurs dans un pays comme le Canada.

• 1015

M. John Bryden: J'ai une dernière question alors.

Vous dites que dans un pays comme le Canada il faut tenir compte d'autres facteurs. Quels sont selon vous ces autres facteurs? Dieu n'est-il pas Dieu, peu importe la religion dont nous parlons, qu'il s'agisse de l'hindouisme, de l'islamisme, de la chrétienté, de la religion mennonite? Est-ce que le mot «Dieu» évoque quelque chose pour vous qu'il n'évoque pas pour moi et qui vous incite à hésiter à cet égard?

Le président: Monsieur Janzen

M. William Janzen: Non, je n'ai rien à redire à cela.

M. John Bryden: Je vous remercie, monsieur le président.

Le président: J'aimerais maintenant céder la parole à M. McNally.

M. Grant McNally (Dewdney—Alouette, Réf.): Je vous remercie, monsieur le président.

Je tiens à vous remercier d'être des nôtres et pour tout le travail que vous faites au Comité central mennonite.

Je connais bien votre travail. J'ai eu la chance d'épouser une mennonite, d'Altona, au sud du Manitoba. Donc je comprends un peu les préoccupations que vous avez soulevées ici aujourd'hui.

Je veux revenir à ce que M. Mahoney disait puis sur certains commentaires faits par M. Martin également.

Voulez-vous dire, donc, qu'avec l'élimination de ces dispositions qui existent dans la loi actuelle, vous croyez ou vous craignez fortement que les personnes qui reviennent du Mexique ou d'ailleurs ne pourront pas devenir citoyennes à cause des nouvelles dispositions parce qu'elles ne satisferont plus à ces critères?

M. William Janzen: C'est exact.

M. Grant McNally: Donc, essentiellement, vous dites que ces personnes n'ont pas de chance.

M. William Janzen: C'est exact.

M. Grant McNally: Elles ne pourront absolument pas entrer au Canada ni même subir le processus pouvant leur permettre d'obtenir la citoyenneté?

Quelle sera selon vous leur situation à leur retour? Disons que le projet de loi est adopté sans amendement à cet égard. Si des familles reviennent du Mexique ou d'ailleurs et qu'elles arrivent à la frontière canadienne, qu'est-ce qui va leur arriver alors, selon vous?

M. William Janzen: Certaines d'entre elles obtiendront peut- être un statut de visiteur ou un visa temporaire, mais elles ne seraient pas autorisées à rester.

M. Grant McNally: Donc, elles pourraient obtenir un visa de visiteur de six mois?

M. William Janzen: Le plus grave, c'est qu'elles ne pourraient pas obtenir un statut permanent au Canada. Il y en aurait peut-être qui pendant quelque temps pourraient rester en tant que conjoints ou quelque chose du genre, mais pour certaines personnes, pas un très grand nombre, cela signifierait simplement que la porte leur serait désormais fermée.

M. Grant McNally: Cela semble assez étrange, et c'est peut- être simplement un oubli lors de la rédaction du projet de loi, parce qu'il existe d'autres dispositions pour des gens d'autres pays qui viennent ici en vertu d'une autre loi à titre de «réfugiés». Ces personnes pourraient être ici pendant très longtemps sans avoir aucun lien avec le Canada. Leurs parents n'étaient pas canadiens, ils n'ont absolument aucun lien qui les rattache au Canada. Les individus qui prennent ce moyen et abusent du système—je parle de ceux qui en abusent non pas de ceux qui sont de véritables réfugiés et qui ont besoin de notre protection—ont la possibilité de rester ici. On a entendu parler de nombreux cas d'individus qui ont utilisé ce moyen et ont commis des crimes graves et qui n'en ont pas moins réussi à rester ici.

Ce que vous êtes donc en train de dire, c'est que si le projet de loi n'est pas amendé, les personnes qui ont des liens avec le Canada grâce à leurs parents ne seront plus admissibles et auront de la difficulté tout d'abord à entrer au pays puis à présenter une demande de citoyenneté? Ces personnes seront exclues même si elles ont un lien avec le Canada.

M. William Janzen: Oui. Évidemment, le projet de loi laisse la porte ouverte pour les personnes nées après 1977 dont les parents étaient canadiens au moment de leur naissance. Pour ces personnes la porte n'est pas fermée, mais pour ceux qui sont nés un peu plus tôt, elle l'est.

M. Grant McNally: Très bien.

Vous avez aussi brièvement parlé—j'aimerais avoir des précisions à cet égard—de personnes qui sont déjà à l'étranger et qui sont déjà de la deuxième ou de la troisième génération. Qu'est- ce que vous voulez dire au juste? Est-ce parce que vous n'êtes pas sûr qu'elles seraient définies désormais comme appartenant à la première ou deuxième génération? Quand ce changement est-il entré en vigueur? Est-ce que cela n'était pas indiqué clairement dans cette disposition?

• 1020

M. William Janzen: Oui, j'ai dit quelque chose à propos de quelqu'un qui serait né en 1977 ou plus tard, même s'il s'agissait de quelqu'un de la deuxième, troisième ou encore quatrième génération. Comment? Je vais essayer de vous tracer un scénario.

Admettons que quelqu'un est né au Mexique en 1930. Disons que ses parents sont nés et se sont mariés au Canada. Puis cette personne, que nous appellerons la personne A, en 1947, aurait été déclarée citoyenne canadienne, étant née d'un père canadien marié. Cette personne aurait une citoyenneté canadienne jusqu'en 1954.

Supposez que cette personne ait eu un enfant. Appelons cet enfant personne B. Supposons que le père ait 20 ans et que l'enfant soit né en 1950. Cet enfant est né d'un père citoyen canadien. Donc, si cet enfant est également issu d'un mariage ou, autre possibilité, si cet enfant est né hors mariage mais d'une mère canadienne, l'enfant né en 1950 qui est cette personne B, pourrait être canadien.

À ce stade, ce n'était pas automatique mais la personne pouvait en faire la demande. Cet enfant pourrait, en 1970, avoir un autre enfant. Ce serait donc un enfant de la troisième génération.

Nous en arrivons alors à la quatrième génération. Cet enfant, en 1970, pourrait toujours revendiquer la citoyenneté canadienne, présenter une demande de citoyenneté canadienne. L'enfant né en 1970 pourrait avoir un autre enfant en 1990 et cet enfant serait canadien pour le reste de sa vie sans avoir jamais à mettre les pieds au Canada.

Dans la loi actuelle, cet enfant né en 1990 serait touché par la disposition concernant la perte de citoyenneté à l'âge de 28 ans.

Le président: Je dois vous interrompre. Je crois que vous aviez déjà expliqué cela.

Madame Folco.

Mme Raymonde Folco (Laval-Ouest, Lib.): Monsieur le président, j'aimerais poursuivre un peu cette question. Il me semble, monsieur Janzen, que c'est exactement ce sur quoi porte cet article, sur la question d'un Canadien de troisième génération né en dehors du pays. J'aimerais donc que vous finissiez ce que vous alliez dire, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.

Il y a autre chose que j'aimerais que vous fassiez pour nous—je sais que vous n'avez pas beaucoup de temps et que vous avez beaucoup de dossiers à traiter, c'est un genre de tableau comparatif entre le cas A et le cas B. Je suis quelqu'un de très visuel et il me semble qu'on pose indéfiniment la même question ici.

Si vous pouviez nous présenter un diagramme qui montrerait de façon visuelle ce qui arriverait au fur et à mesure des générations dans le cas de la personne A, et des anciennes dispositions, et dans le cas de la personne B et des nouvelles dispositions contenues dans ce projet de loi, cela serait très utile.

Il me semble, et je me répète, que cette même question a été posée par pratiquement tous les députés, de tous les côtés de la Chambre. C'est donc important.

Par ailleurs, je tiens à vous remercier de votre exposé. Malheureusement, je suis arrivée en retard et je vous prie de m'en excuser mais il est possible que la façon dont vous avez présenté les choses ait calmé les membres du comité. J'ai trouvé très agréable de vous entendre. Merci beaucoup.

Le président: Y a-t-il des questions?

Mme Raymonde Folco: J'ai demandé s'il pouvait terminer la réponse qu'il avait commencé à donner.

Le président: Oui, vous pouvez continuer, sur son temps.

M. William Janzen: D'accord.

Mme Raymonde Folco: Vous en étiez arrivé à ce point et je vous demanderai simplement de continuer.

M. William Janzen: Je me ferai un plaisir de fournir un diagramme par écrit si cela peut intéresser les membres du comité.

Le président: Nous vous en serions reconnaissants.

• 1025

M. William Janzen: Mais je ferai les quelques commentaires supplémentaires parce que nous en arrivions à la quatrième génération, née en 1990. Je disais que, en vertu du projet de loi que vous étudiez, la personne de la quatrième génération demeure canadienne pour le reste de sa vie. Ce n'est qu'à la cinquième génération, pour la personne née en 2010, que les dispositions concernant la perte de citoyenneté s'appliqueraient à l'âge de 28 ans, soit en 2038.

En vertu des dispositions actuelles, la perte de citoyenneté interviendrait une génération plus tôt, à l'âge de 28 ans. Mais je me ferai un plaisir de...

Mme Raymonde Folco: Je suis complètement perdue. Dans cette période transitoire de cinq ans que vous souhaitez, d'après ce que je comprends de ce que vous venez de dire, ce n'est en fait que dans 10 ou 15 ans que ce système entrera en vigueur. Pourquoi voulez-vous alors ajouter encore cinq ans?

M. William Janzen: Je suis désolé. Merci de me permettre de préciser cela.

Lorsque je parle d'une période transitoire de cinq ans, c'est à propos des dispositions concernant l'admissibilité et non pas la perte de citoyenneté.

Mme Raymonde Folco: D'accord.

M. William Janzen: Pour ce qui est des dispositions concernant la perte de citoyenneté, je dirai simplement que vous êtes un peu trop généreux. C'est à propos de l'admissibilité que je préférerais que vous soyez un peu plus généreux. Je vais essayer d'expliquer cela dans...

Mme Raymonde Folco: Quelque chose de très simple, si vous le voulez bien. De très simple, quelques points, simplement pour...

M. William Janzen: Il m'a fallu plusieurs années pour l'apprendre et l'aide de fonctionnaires de la citoyenneté qui ont eu la patience de m'expliquer indéfiniment les mêmes choses afin que je puisse expliquer à mon tour aux intéressés qui est admissible et qui ne l'est pas. Cela prend autant.

Mme Raymonde Folco: Merci.

M. William Janzen: Merci.

Mme Raymonde Folco: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci.

J'aimerais poser quelques questions. Nous prochains témoins sont arrivés et je vous demanderais de répondre brièvement, s'il vous plaît. Pourquoi avez-vous suggéré une période de transition de cinq ans? Est-ce un chiffre arbitraire ou cela correspond-il à quelque chose?

M. William Janzen: Il y a deux endroits dans mon mémoire où je parle d'une période de cinq ans. Tout d'abord à propos de ces dispositions concernant l'admissibilité.

Le président: En effet.

M. William Janzen: L'idéal nous semblerait de conserver ces dispositions.

Le président: Je le sais. Ne répétez pas ce que vous avez déjà dit, répondez seulement à ma question. Pourquoi cette période de cinq ans et non pas une période de trois ou de deux ans ou encore de dix ans? Pourquoi cinq ans?

M. William Janzen: Le traitement des demandes prend longtemps. Pour communiquer avec les gens et leur faire comprendre les choses, il faut du temps. Il faut du temps avant que certains d'entre eux puissent obtenir tous les documents nécessaires de leurs parents, grands-parents, etc.

Le président: Vous avez dit que si nous conservions les dispositions actuelles, celles qui remontent avant 1977, toutes les demandes pourraient avoir été traitées d'ici à l'an 2005. Est-ce exact, est-ce que ce serait fini en 2005?

M. William Janzen: J'ai dit que certains de ceux dont la citoyenneté dépend de gens qui sont nés à l'étranger avant 1977 seraient touchés par la disposition concernant la perte de la citoyenneté en 2004. C'est là que cela cesserait.

Le président: Oui. Je pensais que cela faisait peut-être ce qui expliquait ce chiffre de cinq ans. Cela n'a rien à voir?

M. William Janzen: Non, pas vraiment. Cela pourrait être lié mais, non, ce n'est pas du tout ce qui m'a poussé à préconiser cinq ans.

Le président: J'aimerais vous poser une question qui m'a été suggérée par notre personnel de recherche: si le serment n'est pas modifié, pensez-vous que cela pourrait poser des problèmes pour les gens de votre confession ou de votre groupe?

• 1030

M. William Janzen: Je suis certain que cela ne plaira pas du tout.

Le président: Sachant que la règle du respect des objecteurs de conscience fait déjà partie de la tradition canadienne, et même de notre système judiciaire... Si je pose cette question—et je suis content que nos attachés de recherche me l'aient suggérée—c'est parce que dans nos discussions vous avez indiqué que l'utilisation du mot «défendre» peut avoir une connotation militaire; si vous supprimez ce mot, cela pourrait signifier que nous pouvons respecter les valeurs démocratiques sans avoir recours à la force militaire. Autrement dit, une autre interprétation pourrait être que nous ne pourrions jamais avoir recours à l'armée pour défendre la démocratie. Cela peut donc présenter un danger.

Nous en resterons là et le comité étudiera votre mémoire avec soin et diligence.

Je tiens à vous remercier de votre exposé, très réfléchi et très soigné. Vous avez fait des propositions concrètes qui seront très utiles au comité. Merci à vous deux.

M. William Janzen: Merci à vous tous.

M. Henry Bergen: Merci.

Le président: J'aimerais maintenant inviter les membres du Conseil ethnoculturel du Canada à s'approcher. Étant donné qu'il nous reste à peu près une demi-heure, je vais tout de suite souhaiter officiellement la bienvenue à M. Jonas Ma et à M. Salvador Cabugao du Conseil ethnoculturel du Canada. Si vous voulez faire une déclaration liminaire, vous pouvez la faire tout de suite.

M. Salvador Cabugao (membre de l'exécutif, Conseil ethnoculturel du Canada): Bonjour. Au nom du Conseil ethnoculturel du Canada et du Conseil national des Canadiens chinois, je veux vous remercier de nous avoir invités.

[Français]

Je vous remercie de nous avoir invités à comparaître devant votre comité aujourd'hui. Je m'appelle Salvador Cabugao et je suis président du Conseil national des associations canadiennes des Philippines.

[Traduction]

Je suis également trésorier du Conseil ethnoculturel du Canada

[Français]

et membre du comité exécutif.

[Traduction]

Notre président, Emmanuel Dick, regrette de n'avoir pu venir.

Je voudrais maintenant vous présenter M. Jonas Ma qui est membre du Conseil national des Canadiens chinois et qui nous a beaucoup aidés à préparer ce mémoire. Il est membre du Comité de la justice et de l'égalité du Conseil ethnoculturel du Canada.

Pour votre gouverne, le Conseil ethnoculturel du Canada est un organisme qui regroupe des associations ethnoculturelles nationales dont notre Conseil national des associations canadiennes des Philippines. Je veux tout d'abord vous dire qu'obtenir la citoyenneté canadienne a été et continue d'être pour la majorité des nouveaux venus au Canada un moment très important de leur vie. Ceux d'entre nous qui ont acquis la citoyenneté canadienne se souviendront du jour où ils ont prêté ce serment de citoyenneté comme l'un des jours les plus mémorables et les plus positifs de leur vie. Notons que le simple nombre de nouveaux venus qui demandent ensuite la citoyenneté canadienne est une bonne indication de la loyauté et du respect des nouveaux venus pour ce pays et de leur désir collectif de participer pleinement à la définition d'une identité canadienne.

Chaque année, environ 200 000 nouveaux venus deviennent citoyens canadiens, à peu près autant que de gens qui immigrent chaque année au Canada. Notre propre Conseil national des associations canadiennes des Philippines tient actuellement une série d'assemblées publiques. Nous en avons eu une à Toronto, en février. Nous en aurons une à Ottawa et Montréal cette fin de semaine au sujet du projet de loi C-63. Nous pensons finir nos consultations à la fin du mois et nous pourrons alors vous soumettre un rapport écrit.

Les membres du Conseil ethnoculturel du Canada qui sont ici éprouvent aussi une grande loyauté vis-à-vis du Canada. Bien que nous soyons d'origines ethnoculturelles diverses, nous partageons tous notre patrimoine commun et sommes fiers d'être Canadiens.

• 1035

Bien que le CEC approuve différents aspects du projet de loi C-63, il y a certains éléments qui, à notre avis, devraient être modifiés. A notre dernière réunion du conseil du CEC, en janvier 1999, nous avons examiné le projet de loi. Mon collègue Jonas Ma va vous faire part de certaines de nos préoccupations.

Le président: Monsieur Ma.

[Français]

M. Jonas Ma (membre, Comité d'égalité et de justice, Conseil ethnoculturel du Canada): Je m'appelle Jonas Ma et je suis membre du Conseil national des Canadiens chinois, un organisme national qui compte 30 chapitres partout au pays. Notre mandat consiste à promouvoir l'équité en droit et la pleine participation des Canadiens chinois à tous les niveaux de la société.

J'apprécie beaucoup avoir l'occasion de participer à cette consultation sur le projet de loi C-63. Vous avez peut-être reçu le texte que nous vous avions soumis il y a quelques jours, mais il a depuis été mis à jour à la suite des commentaires que nous avons reçus après son impression. Je vous indiquerai les quelques changements que nous avons apportés au texte.

[Traduction]

Je signalerais aussi que la rapidité avec laquelle on a examiné la loi actuelle n'a pas permis à beaucoup de groupes de répondre. Beaucoup, en fait, aimeraient pouvoir donner leur point de vue sur le nouveau projet de loi. Malheureusement, ils ne le peuvent pas. J'ai l'impression d'avoir une grande responsabilité puisque je suis l'un des rares élus qui ait le loisir de s'adresser à vous aujourd'hui.

Je répète qu'il y a quelques jours nous avons soumis certains changements au texte et j'y reviendrai au cours de mon exposé. Il s'agit essentiellement de changements concernant la citoyenneté par naturalisation et les exigences linguistiques. J'ai ajouté quelques commentaires. Le deuxième changement concerne le processus d'octroi de la citoyenneté et c'est le premier point qui figure dans le texte. Le dernier changement porte sur le refus et la révocation de la citoyenneté, et c'est le deuxième point.

Beaucoup de communautés se réjouissent de voir que les enfants qui naissent au Canada continueront d'obtenir la citoyenneté comme à l'heure actuelle. Si vous deviez limiter ces droits automatiques, cela créerait en fait deux catégories de citoyenneté. Nous ne voulons pas que le Canada devienne l'un de ces pays qui continuent à refuser les droits à la citoyenneté à certains groupes ethniques.

En vertu de ce projet de loi, la deuxième génération de Canadiens nés à l'étranger devra demander à conserver la citoyenneté et satisfaire à l'obligation de résidence avant l'âge de 28 ans. C'est aux particuliers qu'il incombe de faire la démarche. Si, pour une raison ou une autre, ils ne sont pas informés des nouvelles dispositions ou ne sont pas en mesure de présenter leur demande, deviendront-ils apatrides? Sera-t-il possible de passer outre aux nouvelles dispositions dans des cas individuels exceptionnels? Il faut tenir compte de certaines nuances et ménager une certaine latitude. Je pense à des Canadiens qui travaillent à l'étranger pour des ONG et qui doivent beaucoup voyager. Leurs enfants sont peut-être nés à l'étranger et pourront donner naissance à des enfants à l'étranger aussi. Il est possible que lorsqu'ils rentreront au Canada, ils ne sachent pas qu'ils doivent faire une démarche pour conserver leur citoyenneté.

Nous sommes convaincus qu'on est largement en faveur d'octroyer la citoyenneté à l'enfant adoptif sans qu'il doive satisfaire à des conditions médicales ou de résidence permanente. Cela semble tout à fait sensé.

Dans la partie relative à la citoyenneté par naturalisation, l'obligation proposée de présence physique au Canada pendant trois ans sur cinq vise peut-être à décourager l'abus de la disposition actuelle. Cependant, elle ne tient pas compte des situations où les individus sont très attachés au Canada, mais doivent se rendre souvent à l'étranger pour toutes sortes de raisons. C'est le cas, entre autres, des professionnels et des hommes d'affaires qui, face à des obstacles formidables et même insurmontables à l'intégration dans l'économie locale, doivent aller ailleurs gagner de quoi subvenir aux besoins de leurs proches restés au Canada. Je crois que l'Association du Barreau canadien a dit quelque chose de très clair à ce sujet lorsqu'elle a comparu devant vous hier. C'est également le cas des étudiants qui se rendent à l'étranger poursuivre leurs études ainsi que des membres de la famille qui doivent rester à l'étranger pour s'occuper d'un parent malade.

• 1040

Enfin, et c'est important, c'est aussi le cas des réfugiés qui passent des années à attendre le statut de réfugié ou de résident permanent et ne peuvent pas compter ces années pour satisfaire à l'obligation de résidence, ce qui prolonge encore plus leur état d'apatridie. Comme vous le savez, sans citoyenneté et sans accès à un passeport, ils ne peuvent pratiquement pas voyager parce qu'ils sont apatrides. Cela retardera encore les contacts qu'ils pourront avoir avec leur famille dont ils sont quelquefois séparés depuis des années. Dans de tels cas, il faut prévoir une certaine souplesse et des pouvoirs discrétionnaires afin que dans de telles situations, la citoyenneté ne soit pas refusée à ces gens-là.

J'aimerais maintenant passer à la question linguistique. Beaucoup de communautés estiment que la nouvelle obligation faite aux demandeurs de citoyenneté de communiquer leur connaissance du Canada dans l'une des langues officielles sans l'aide d'un interprète est injuste et contre-productive puisqu'elle retardera l'intégration des nouveaux arrivants. Cette disposition affectera de façon disproportionnée les personnes âgées et les personnes au foyer qui ont plus de mal à acquérir les compétences linguistiques nécessaires et à accéder aux services d'enseignement de l'anglais langue seconde, lesquels sont d'ailleurs déjà grandement réduits. Cela est particulièrement vrai pour les femmes ou les hommes qui sont seuls à avoir la garde des enfants. Cela touchera aussi les familles à faible revenu qui travaillent de longues heures pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille. D'autres groupes qui seront pénalisés sont les personnes handicapées, les survivants de la torture et d'autres gens gravement traumatisés qui pourraient avoir plus de mal à accéder à des cours ou à apprendre une nouvelle langue. Les tests de langue standards ne tiennent pas compte de ces situations particulières. Cela peut mener aussi à l'isolement des nouveaux immigrants ou des Canadiens qui sont déjà marginalisés.

J'aimerais maintenant passer au processus d'octroi de la citoyenneté. En vertu du nouveau projet de loi, le pouvoir de décision des juges de la citoyenneté est transféré à des fonctionnaires de la citoyenneté qui examineront et accepteront ou rejetteront les demandes sur la base des critères «objectifs» de la présence physique et de la connaissance linguistique. Cela mènera à un système plus strict. Il est peut-être question de considérations humanitaires dans le projet de loi, mais on peut se demander comment on pourra y accéder. Nous estimons que des fonctionnaires qui appliquent des directives risquent de se montrer beaucoup moins souples que des décideurs indépendants.

J'ai décrit des cas tout à fait compréhensibles de candidats qui, pour des raisons indépendantes de leur volonté, ne satisfont pas aux critères même s'ils sont tout à fait attachés au Canada. Ceux dont la demande est rejetée devront intenter une procédure de révision judiciaire devant un juge fédéral, ce que bon nombre d'entre eux ne pourront pas faire faute des moyens ou des aptitudes nécessaires.

Enfin, j'aimerais parler du refus et de la révocation de la citoyenneté. Le projet de loi confère au ministre le pouvoir de rejeter une demande de citoyenneté «s'il est contraire à l'intérêt public d'attribuer la citoyenneté». Même si le projet de loi suggère que ce pouvoir sera rarement exercé, beaucoup de communautés estiment qu'il est défini trop largement et qu'il risque d'ouvrir la porte à des refus de citoyenneté fortement politiques.

Beaucoup de communautés ont de sérieuses réserves concernant le nouveau pouvoir dont le ministre est investi d'annuler la citoyenneté d'un individu lorsqu'il est claire que celui-ci l'a obtenue en utilisant une fausse identité ou qu'il n'avait pas droit à la citoyenneté à cause d'une infraction criminelle. Il se créera ainsi une citoyenneté de deuxième classe. Dans le cas des citoyens naturalisés, même une erreur commise par mégarde dans la demande originelle pourra conduire à la perte de la citoyenneté avec des droits d'appel très limités. Leurs enfants peuvent être visés par l'ordonnance de révocation.

• 1045

Les notes d'explication précisent que l'exercice de ce pouvoir dépendra des circonstances et des principes du droit international en matière d'apatridie. Le gouvernement peut bien réaffirmer son intention, mais à moins que ces dispositions ne soient resserrées pour n'englober que les cas visés en l'occurrence, il est tout à fait à craindre qu'à l'avenir en pratique, les personnes autres que celles que le gouvernement veut cibler soient visées sans recours aucun.

Il est important que des facteurs comme la durée réelle du séjour et les liens tissés au Canada, la gravité des crimes et les périodes de rééducation soient pris en compte.

Le projet de loi est muet sur ce que signifie la citoyenneté. Aux yeux du monde, le Canada est une société démocratique, multiculturelle et multiraciale qui défend vigoureusement la justice sociale et les droits de la personne. Voilà l'image que nous voulons donner de nous-mêmes. Toutefois, dans ce nouveau projet de loi, on n'insiste pas sur la promotion de ces valeurs. Si ce sont des valeurs qui nous tiennent à coeur et que nous tenons à promouvoir, il nous faut en tout premier lieu aider les nouveaux immigrants à s'intégrer dans notre société. Nos objectifs ne seront pas bien servis si l'accès à la citoyenneté pour ceux qui appartiennent à des groupes déjà marginalisés comme les réfugiés, les personnes âgées et les personnes assumant seules la responsabilité du soin de leurs enfants, est entravé.

Le président: Monsieur Ma, je crains devoir vous interrompre—car vous pouvez nous envoyer votre mémoire par écrit—pour garder le temps nécessaire aux questions et réponses. Si je vous laisse poursuivre, nous n'aurons plus le temps de le faire.

Je vais commencer par M. Benoit.

M. Leon Benoit: Merci, messieurs, d'être venus ce matin.

M. Jonas Ma: Pouvez-vous me donner encore 30 secondes car il me reste trois lignes.

Le président: Allez-y.

M. Jonas Ma: Merci.

Si le processus de révocation de la citoyenneté est élargi sans pour cela reposer sur une définition claire, nous risquons, par mégarde, d'aliéner et de marginaliser davantage les groupes visés. La citoyenneté est une notion des plus importantes pour l'avenir du Canada, car de plus en plus de citoyens canadiens sont naturalisés plutôt que d'être nés en sol canadien.

Le président: Merci, monsieur Ma.

Monsieur Benoit.

M. Leon Benoit: Merci beaucoup, messieurs. Je vais commencer par parler de ce dont vous parliez au début, la citoyenneté de naissance. Vous avez dit tout à l'heure que si cette définition de citoyenneté de naissance ne figurait pas dans les dispositions de la loi, certains groupes ethniques pourraient avoir le sentiment d'être des citoyens de deuxième classe. Comment en arrivez-vous à affirmer cela? Je ne vois pas comment.

M. Jonas Ma: Si quelqu'un est né ici, ses droits à la citoyenneté ne peuvent pas être révoqués de telle sorte qu'il n'a pas à s'inquiéter de cela. Mais si on est un citoyen naturalisé dont les parents auraient fait une fausse déclaration, cela peut être considéré comme un crime et un motif de révocation de la citoyenneté. Cette révocation viserait les enfants également. Pourquoi donc des gens nés en sol canadien et naturalisés seraient- ils traités différemment à cet égard?

M. Leon Benoit: Je pensais que vous disiez que certains groupes ethniques deviendraient des citoyens de deuxième classe.

M. Jonas Ma: Ce n'est pas ce que j'ai voulu dire. Je parlais de citoyens naturalisés qui deviendront des citoyens de deuxième classe.

M. Leon Benoit: Merci de la précision.

Vous avez dit autre chose concernant la citoyenneté de naissance—c'était votre troisième point—à savoir que de façon générale les gens pensent qu'on devrait donner la citoyenneté à un enfant adopté sans que ce dernier ait à subir d'examen médical. Vous avez dit que cela serait tout à fait logique et j'aimerais que vous m'expliquiez pourquoi.

M. Jonas Ma: Je ne dirais pas qu'il n'est pas nécessaire qu'on applique certaines exigences sur le plan de la santé. En vertu des dispositions de la Loi sur l'immigration concernant la catégorie de la famille, les gens peuvent être rejoints par les membres de leur famille ici au Canada même si leur état de santé est tel qu'il exige énormément de soins. Les demandes sont d'ordinaire accueillies favorablement pour des raisons humanitaires et par compassion. Il serait donc tout à fait logique que les enfants adoptifs soient considérés et traités comme s'ils appartenaient à la catégorie de la famille.

• 1050

M. Leon Benoit: Vous dites que si quelqu'un veut adopter un enfant qui est atteint d'une affection grave, ce qui coûterait fort cher à notre régime de soins de santé, on devrait ne pas en tenir compte, n'est-ce pas?

M. Jonas Ma: Je pense que la loi laisse entendre que les parents devraient être au courant. Mais si, en connaissance de cause, ils veulent adopter l'enfant quand même, je ne pense pas que nous devions refuser le droit à la réunification. C'est un des principes de base de notre politique d'immigration.

M. Leon Benoit: Vous ne pensez pas que le Canada ait le droit de refuser que cet enfant entre au pays? Cela n'a rien à voir avec la citoyenneté, n'est-ce pas? Je suppose que dans ce cas-ci, oui. Le pays ne peut-il pas dire que cela pourrait être trop lourd pour notre régime de soins de santé et par conséquent refuser?

M. Jonas Ma: Ces questions devraient être posées dans le contexte des dispositions de la Loi sur l'immigration également. Actuellement, comme je l'ai dit, c'est permis. A moins que nous voulions changer cette notion...

M. Leon Benoit: Je vois. Vous dites tout simplement que cela devrait figurer dans la Loi sur la citoyenneté de la même façon qu'on le trouve dans la Loi sur l'immigration.

M. Jonas Ma: On devrait trouver ici le pendant, si nous ne voulons pas que les enfants adoptifs soient exclus de la famille et considérés comme des membres de deuxième classe.

M. Leon Benoit: Il faudrait que vous m'expliquiez mieux car je ne comprends pas.

M. Jonas Ma: Si un enfant est né ici atteint d'une affection grave, nous ne refusons pas de le soigner. Pourquoi serait-ce différent dans le cas d'un enfant adoptif qui deviendra membre d'une famille?

M. Leon Benoit: Je suppose que quand un citoyen canadien décide d'adopter un enfant à l'étranger, il faut qu'il comprenne d'avance que si c'est un enfant en mauvaise santé, cela sera pris en compte, à cause du fardeau très lourd que cela représente pour notre régime de soins de santé.

M. Jonas Ma: J'en conviens tout à fait mais ce sont les parents qui devraient décider, tout comme c'est le cas des Canadiens qui, grâce à des analyses génétiques, savent à l'avance s'ils auront un enfant gravement handicapé. Ils décident alors s'ils garderont cet enfant ou non. Cette décision est prise par les parents.

M. Leon Benoit: C'est bien, je comprends votre position à cet égard.

Pour ce qui est de la citoyenneté par naturalisation, vous évoquez la présence sur le territoire—trois ans sur cinq. Je pense que vous affirmez ne pas être d'accord avec cette exigence. C'est bien cela, n'est-ce pas?

M. Jonas Ma: Nous demandons plus de souplesse pour les cas où...

M. Leon Benoit: Mais si on accordait cette souplesse que vous réclamez, ne serait-ce pas maintenir les conditions actuelles? Tout dépend du degré de souplesse mais n'oublions pas qu'actuellement les choses sont assez souples pour que certaines personnes ne passent pratiquement pas de temps sur le territoire et reçoivent la citoyenneté canadienne. Cela ne témoigne pas d'un grand engagement à l'égard du pays. Vous reconnaissez que la citoyenneté est un privilège que l'on accorde et en retour, il faut faire preuve de loyauté envers le pays.

M. Jonas Ma: J'en conviens. Je dis que dans certains cas, le fait de s'absenter ne correspond pas à un manque de loyauté. Je pourrais vous citer des cas de ce genre.

M. Leon Benoit: Vous avez parlé de quelqu'un qui pourrait devoir aller à l'étranger s'occuper d'un membre de sa famille malade, par exemple. N'est-il pas raisonnable dans un tel cas d'exiger que cette personne soit présente sur le territoire trois ans sur cinq? On ne refuse pas à cette personne l'accès au pays; on lui refuse la citoyenneté. Est-ce si répréhensible, si l'on maintient cette exigence, de demander que cette personne reste sur le territoire trois ans sur cinq avant d'obtenir sa citoyenneté?

M. Jonas Ma: Nous affirmons tout simplement qu'il n'est pas très raisonnable de penser qu'on fait preuve d'engagement à l'égard d'un pays en restant sur le territoire, pour ainsi dire. Je conviens avec vous que nous ne devrions pas accorder la citoyenneté à ceux qui ne manifestent aucun attachement envers le Canada ou qui n'y ont pas de liens. Dans certains cas toutefois, le fait qu'ils soient absents du territoire ne prouve pas forcément qu'ils ne sont pas attachés au Canada. Il se peut qu'ils s'en absentent pour les raisons que j'ai évoquées. Dans ces cas-là, il faudrait faire preuve de discernement. On ne devrait pas appliquer un traitement universel à tous les cas.

• 1055

M. Leon Benoit: Dans la même veine, vous préconisez le recours à un juge de la citoyenneté plutôt que ce que proposent les dispositions du projet de loi, à cause de la souplesse qu'il offre. Un juge de la citoyenneté prendrait en compte les cas d'espèce plus facilement que les fonctionnaires qui doivent appliquer des règles rigides.

M. Jonas Ma: Non. Nous ne prétendons pas que les juges de la citoyenneté ne seraient pas liés par ces règles. Nous disons tout simplement qu'il s'agit d'une méthode indépendante de prise de décision qui permet de prendre en compte tous les facteurs intervenant dans la candidature.

M. Leon Benoit: Vous ne pensez pas que les fonctionnaires du ministère, qui sont très bien formés et renseignés, pourraient prendre en compte tous ces facteurs?

M. Jonas Ma: Selon ce qu'on a constaté aux comités, les fonctionnaires ont d'autres préoccupations auxquelles ils accordent une grande importance, à savoir réduire les coûts, améliorer l'efficacité, ce qui, si je ne m'abuse, a donné lieu à un grand nombre de modifications proposées. Une méthode indépendante de prise de décision serait libre de toutes ces considérations. Seuls les critères que nous établissons pour l'obtention de la citoyenneté seraient pris en compte. Tout le côté administratif serait exclu.

M. Leon Benoit: Comment réagissez-vous à l'argument, avancé par bien des gens, voulant qu'il est avantageux que la détermination de l'octroi de la citoyenneté soit laissée au ministère car cela permettrait des décisions plus cohérentes, respectant des règles précises, nous libérant de cette souplesse dont abusent peut-être les juges de la citoyenneté dans certains cas dans le système actuel?

M. Jonas Ma: L'équilibre est très fragile entre le besoin de cohérence et la nécessité de maintenir assez de souplesse pour éviter de donner lieu à une telle rigidité qu'on aboutira à supprimer toute compréhension lors de cas complexes.

M. Leon Benoit: Je voulais vous poser une question aussi—et je ne retrouve pas le passage pour l'instant—sur les considérations politiques. Vous disiez que les considérations politiques interviendraient davantage si c'était des fonctionnaires qui déterminaient le droit à la citoyenneté. Je ne trouve pas le passage.

M. Jonas Ma: C'est dans la dernière partie.

M. Leon Benoit: C'est cela. On m'a dit que cela se produisait déjà—qu'il y a déjà dans les divers bureaux d'immigration d'autres pays, des quotas qui sont imposés—et que le système d'immigration est ainsi conçu pour tenir compte de considérations politiques. Si les Nations Unies imposent des sanctions, cela aura une incidence sur le nombre de gens à qui on permettra d'immigrer. Ainsi, vous craignez que des considérations politiques puissent intervenir dans l'octroi de la citoyenneté également?

M. Jonas Ma: Absolument. Ce ne seront pas forcément des quotas mais un citoyen d'un certain pays pourrait se voir refuser la citoyenneté parce qu'il vient d'un pays auquel les Nations Unies ont imposé une sanction.

M. Leon Benoit: D'accord. Merci.

Le président: Merci, monsieur Benoit.

Madame Folco.

[Français]

Mme Raymonde Folco: Merci, monsieur le président. Je voudrais d'abord accueillir très chaleureusement les deux représentants du Conseil etchnoculturel du Canada et leur dire à quel point ça me fait plaisir de travailler avec eux encore une fois.

[Traduction]

Le président: Madame Folco, avant de poser votre question, je voudrais signaler que la salle est libre et que j'ai pris la décision de prolonger la séance d'une demi-heure, au maximum, avec la permission des membres du comité, bien sûr. Si vous voulez partir toutefois, vous êtes libres.

[Français]

Mme Raymonde Folco: Je ne serai peut-être pas capable de rester jusqu'à la demi-heure supplémentaire, mais je vais quand même poser ma question, monsieur le président.

De fait, j'aimerais poser deux questions qui s'adressent en particulier à M. Ma. La première porte sur les trois à cinq ans que le nouveau projet de loi donne aux résidants pour prouver qu'ils sont vraiment impliqués au Canada. Nous avons entendu d'autres groupes et j'ai moi-même parlé à toutes sortes de personnes qui ont témoigné des difficultés que cela pouvait causer, en particulier à des gens d'affaires qui ont constamment à voyager du Canada vers un autre pays. J'ai plusieurs arguments à soulever à cet égard.

Le premier est le fait que le gouvernement montre déjà une certaine compréhension des difficultés que vivent ces personnes-là puisqu'il a élargi la période pendant laquelle le nombre total de jours pouvait être calculé.

• 1100

Deuxièmement, j'ai entendu des histoires, qui ne sont peut-être pas tout à fait vraies, au sujet de gens d'affaires qui venaient installer leur famille au Canada. On disait qu'ils installaient leurs enfants ou adolescents de 13, 14 ou 15 ans, tandis qu'un seul parent, le père, repartait pour son pays d'origine, laissant derrière les enfants, seuls ou avec leur mère. On voit que ce n'est pas une chose habituelle et qu'il y a abus du système. Que vous sachiez, dans quelle mesure cet abus du système prévaut-il à travers le Canada? J'ai surtout entendu parler de tels cas en Colombie-Britannique. J'aimerais que vous me donniez un peu plus d'information par rapport à cela. Enfin, quelles suggestions pouvez-vous nous faire par rapport à cet élément? C'est un élément contentieux, il est vrai, dont plusieurs personnes et plusieurs groupes nous ont parlé dans un sens négatif. J'aimerais entendre des suggestions proactives—vous avez cette réputation-là, monsieur Ma—quant à ce que devrait faire le gouvernement à cet égard. C'est ma première question.

Vous avez dit qu'au chapitre de la citoyenneté, il n'y a rien dans le projet de loi qui fasse la promotion des valeurs canadiennes. J'aimerais que vous nous proposiez des recommandations à cet effet. Merci.

M. Jonas Ma: Merci, madame Folco. J'ai le plaisir d'être ici pour parler de ce sujet qui m'est très cher. Votre première question portait sur la question de la résidence physique ici, au Canada. Je sais qu'il y a des cas d'abus et je préfère ne pas en discuter. Je n'ai malheureusement pas de suggestions concrètes à vous présenter afin de régler ce problème, mais je vous recommanderais de consulter les communautés.

J'aimerais porter à votre attention qu'il arrive que des familles soient très attachées au Canada et désirent y rester, mais doivent repartir en raison des problèmes économiques auxquels elles font face ici en Amérique du Nord. Ces personnes ont beaucoup de difficulté à trouver du travail ou à établir un commerce ici. Quel autre choix ont-elles? Elles avaient apporté leur argent ici, mais elles ont dû le dépenser au fil des ans pour survivre. On ne devrait donc pas dire qu'elles sont reparties pour l'Asie parce qu'elles n'étaient pas attachées au Canada. Il faut faire preuve d'une grande délicatesse et éviter de traiter ces gens comme de personnes qui manquent d'engagement ou qui ont abusé du système. Il y a différentes situations et il faudrait se doter d'un processus de consultation nous permettant d'établir des mécanismes qui sont justes et qui ne pénalisent pas les gens qui veulent vraiment s'établir ici.

Votre deuxième question portait sur la signification du Canada. Je pense qu'il faut d'abord établir certains services d'intégration. Depuis plusieurs des années, il y a beaucoup de compressions dans les services d'intégration. L'accès aux cours de langue est très limité. Les gens d'affaires ne peuvent pas s'intégrer dans le système économique canadien car on n'a pas de programme pour les aider. Il y a eu quelques programmes, mais ils ont tous été éliminés à cause des coupures budgétaires. Ce serait le premier pas à faire.

Deuxièmement, il faut regarder toutes les barrières auxquelles les immigrants, qui font en grande majorité partie de minorités visibles, doivent faire face dans cette société.

Donc, il faut parler au moins de ces deux choses: les services d'intégration et les mesures visant à combattre les préjugés et la discrimination envers les immigrants des minorités visibles.

• 1105

Ce sont des valeurs pour lesquelles le Canada est reconnu et c'est quelque chose dont je suis très fier.

Mme Raymonde Folco: Comme il nous reste assez peu de temps, je vais céder la parole à quelqu'un d'autre du côté des libéraux.

[Traduction]

Le président: Madame Sophia Leung, vous avez quatre minutes.

Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je voudrais faire une observation tout simplement. Au fil des ans, le Comité central mennonite Canada et le Conseil ethnoculturel du Canada ont fait du bon travail. Merci d'être venus.

J'ai maintenant quelques questions. Vous avez laissé entendre qu'on pourrait traiter différemment des citoyens de naissance et des citoyens naturalisés. Je ne comprends pas bien votre logique. Je ne vois pas d'abus ou d'inégalités visibles. Pouvez-vous développer votre pensée?

M. Jonas Ma: Oui, merci.

Nous avons dit cela à propos de la révocation éventuelle de la citoyenneté ou encore de la possibilité que les enfants de parents qui seraient devenus citoyens par fraude, perdent leur citoyenneté. En vertu des dispositions de la nouvelle loi, ce droit à la citoyenneté peut être refusé. Les enfants qui sont ici—qui sont sans doute arrivés encore enfants—perdraient leur citoyenneté également. Les enfants nés ici ne risquent jamais de perdre leur citoyenneté alors que les enfants immigrants de parents naturalisés n'ont pas cette garantie. Ils sont susceptibles de perdre leur droit.

La seule façon pour eux d'interjeter appel d'une décision éventuellement dans ce sens est une action en justice à la cour fédérale, ce qui coûte très cher et n'est pas à la portée de tous. Les familles à faible revenu trouveraient difficile de se prévaloir de l'appel.

Mme Sophia Leung: Monsieur Ma, si les deux générations, celle des parents et celle des enfants, ont eu accès à la citoyenneté par naturalisation et si les parents ont fait de fausses déclarations, ce sont les parents qui sont fautifs. Cela ne devrait pas s'appliquer aux enfants.

M. Jonas Ma: C'est ce que je pense aussi. La nouvelle loi laisse entendre que l'on va prendre cela en compte mais on ne voit pas clairement dans quels cas la citoyenneté serait accordée ou révoquée. Ce n'est pas clair.

Mme Sophia Leung: Vous avez exprimé des inquiétudes concernant les exigences en matière de langues officielles, et d'autres groupes l'ont fait avant vous. Pour vivre ici, il faut pouvoir s'adapter et la langue est un élément essentiel. Comment pourrait- on dissiper à vos inquiétudes? Nous disposons actuellement d'un grand nombre de programmes d'établissement dans diverses provinces. Nous savons qu'il existe des cours d'anglais langue seconde. Pouvez-vous nous en dire plus long sur—une exigence fondamentale très élémentaire?

Le président: Monsieur Ma.

M. Jonas Ma: Merci. Je veux seulement faire deux observations.

Premièrement, ce que propose la nouvelle mesure législative est qu'il y ait encore un examen des connaissances linguistiques de base. Toutefois, le deuxième test exigé, celui sur la connaissance du Canada, sera modifié. Dans le passé, les gens pouvaient se faire accompagner d'un interprète pour répondre à certaines questions au sujet du Canada. Il n'est pas facile à des gens de comprendre ce qu'est le rôle du Sénat ni ce qu'est le rôle d'un comité permanent. Même des Canadiens nés au Canada trouvent difficile de répondre à ces questions.

M. Grant McNally: Les hommes politiques également.

M. Jonas Ma: Poser ces questions à quelqu'un comme ma mère sans que je sois présent entraînerait des difficultés considérables.

Vous avez raison au sujet des services, mais ils ont été réduits. Les classes d'anglais, langue seconde, étaient peut-être disponibles les fins de semaines et le soir. Je ne prétends pas que toutes les villes soient dans la même situation. Certaines villes offrent plus de services que d'autres, parce que chaque province a ses programmes.

• 1110

Je voudrais dire une chose au sujet de ma mère. Elle est arrivée ici il y a environ 10 ans et a été naturalisée il y a environ cinq ans. Je l'ai accompagnée lors de son examen de citoyenneté, ce qui l'a beaucoup rassurée. Bien sûr, elle ne parle pas beaucoup l'anglais ou le français, mais on lui a accordé le droit de citoyenneté.

A un moment donné, elle se demandait encore si elle voulait retourner à Hong Kong. Toutefois, il y a trois ans, elle m'a déclaré: «Je veux acheter une terre ici où l'on m'enterra, ici, à Montréal». Nous vivions à Montréal à l'époque. Je crois que cela indique clairement qu'elle appartient au Canada et qu'elle y est très attachée. Elle ne réussit peut-être pas à l'examen, mais je ne pense pas que cela soit une preuve de son manque d'attachement au Canada.

Le président: Merci, Mme Leung.

Je voudrais obtenir une précision avant de donner la parole à M. Martin, puis à M. Bryden et M. McNally. Vous ne vous opposez pas à l'exigence même de connaissances de base. Est-ce exact?

M. Jonas Ma: Nous disons que nous ne nous opposons aux deux exigences.

Le président: Oui. Veuillez répondre directement à ma question. Vous ne vous opposez pas à l'exigence de connaissance de base de l'anglais, qui est distincte de l'exigence qu'un interprète soit présent à l'examen. Oui ou non?

M. Jonas Ma: Oui.

Le président: Merci. Mais vous dites qu'il devrait y avoir un interprète.

M. Jonas Ma: Oui.

Le président: Oui. Je voulais simplement que ce soit précisé et clair. D'accord?

Monsieur Martin.

M. Pat Martin: Merci beaucoup. En fait, c'était ma première question, et je trouve cela utile.

Le président: Cela vous économise une minute.

M. Pat Martin: Cela m'économise une minute.

L'un des groupes que j'ai entendu parler à la ministre, lorsqu'elle accompagnait le groupe de travail itinérant à Winnipeg, dans ma circonscription, était la Philippine Association of Manitoba (Association manitobaine des Philippines). C'est l'un des groupes qui a vigoureusement soutenu que faire de la langue un facteur d'examen, c'était ajouter un obstacle de plus à l'accession à la citoyenneté et qu'au minimum, c'était le mauvais message à faire passer. Plutôt qu'un message de bienvenue, c'était un message d'avertissement quant au nombre d'obstacles qui allaient être érigés pour piéger les gens. Je suis donc heureux que cela ait été soulevé et clarifié.

J'ai beaucoup apprécié vos propos et je suis pratiquement d'accord avec toutes les observations que vous avez faites. Notre parti—le Nouveau parti démocratique—a clairement dit qu'il ne voterait pas pour le projet de loi C-63 si un certain nombre de ces problèmes ne sont pas corrigés par voie d'amendement. Je voudrais avoir votre point de vue sur deux des choses qui nous dérangent et que vous n'avez pas traitées.

L'une d'elles est la perte de citoyenneté à l'âge de 28 ans. La question que nous nous posons, et j'aimerais avoir votre réaction, est la suivante: quel serait le statut d'une personne qui perd sa citoyenneté en vertu de cette disposition? Si elle vit au Canada au moment où elle atteint l'âge de 28 ans, redevient-elle automatiquement un résident permanent ou se retrouve-t-elle apatride et expulsée du pays? Vous pourriez peut-être nous dire ce que vous en pensez.

Le président: Monsieur Ma.

M. Jonas Ma: Merci.

Je n'aimerais pas que cette personne soit expulsée parce qu'elle n'a pas présenté de demande. Je conçois qu'il y ait une exigence de résidence si elle a été longtemps absente du pays. Toutefois, si elle a passé pratiquement toute sa vie au Canada, je trouve que cette exigence est tout à fait excessive. Il faudrait au moins s'assurer que les personnes visées par la nouvelle mesure législative soient informées de l'exigence de présenter une demande, afin qu'elles ne se retrouvent pas dans la situation d'être sans statut au Canada.

M. Pat Martin: Si nous proposons qu'une personne dans cette situation retrouve son statut de résident permanent et puisse ensuite, j'imagine, présenter une demande de citoyenneté ultérieurement, par des moyens plus conventionnels, cet amendement vous satisferait-il?

M. Salvador Cabugao: Eh bien, nous pourrions dire que cette personne est un citoyen, vous ne trouvez pas? Je ne comprends pas qu'une personne âgée de 28 ans puisse soudainement perdre sa citoyenneté du simple fait de l'existence de cette loi. Il est déjà citoyen canadien de fait. Il y a donc peut-être des mécanismes grâce auxquels elle pourrait être informée qu'à ce moment-là elle va perdre sa citoyenneté. Une des solutions est d'assurer une transmission adéquate de l'information, mais cela ne suffit pas, parce qu'il peut y avoir d'autres circonstances qui empêchent cette personne d'être mise au courant. Toutefois, en 28 ans, je pense qu'elle aurait le temps de savoir adéquatement à quoi s'attendre.

• 1115

Nous avons toutefois une autre préoccupation. Pourquoi imposer cela aux citoyens naturalisés si ce n'est pas imposé aux citoyens nés au Canada? Autrement dit, quelle est la différence entre les citoyens canadiens naturalisés et indigènes?

C'est là notre concept de la citoyenneté. Il ne devrait pas y avoir de distinction entre les Canadiens naturalisés et les Canadiens nés au Canada. Nous sommes tous des Canadiens. C'est le principe qui est à la base de tous nos exposés.

Pour ce qui est de la connaissance du Canada, pensez-vous qu'un Canadien français né au Canada sache nécessairement où se trouve Vancouver? Il ne sait pas où se trouve Vancouver. J'ai vu des gens de tous les milieux, et ils n'en savent pas plus sur le Canada que mes propres enfants. Pourtant, ce sont des citoyens et ils n'ont aucune crainte de perdre leur citoyenneté. Voilà ma réponse.

M. Pat Martin: Je comprends votre point de vue.

Est-ce qu'il me reste encore du temps?

Le président: Vous avez 30 secondes.

M. Pat Martin: Je serai très bref. Que peut-on faire en 30 secondes?

Nous sommes également critiques à l'endroit des dispositions touchant les activités criminelles à l'étranger. Il s'agit de la perte du droit d'accéder à la citoyenneté du fait d'actes criminels commis à l'étranger, parce que certains des endroits d'où ces gens viennent peuvent être des lieux de corruption. Ce que j'ai dit l'autre jour, c'est que Nelson Mandela n'aurait pas eu droit à la citoyenneté d'après les critères envisagés parce qu'il était membre de l'ANC, organisme frappé d'interdit à l'époque. Que pensez-vous de cette disposition?

M. Jonas Ma: Nous sommes d'accord avec vous. Nous pensons également qu'il faut examiner la gravité de l'acte criminel. Dans certains pays, le fait de jeter des immondices dans la rue est une infraction pénale. Cet acte est-il assez grave pour que leur citoyenneté soit révoquée? J'estime que nous devons évaluer ces situations et les circonstances particulières.

M. Pat Martin: Merci. Je pense ne plus avoir de temps.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Martin.

Nous passons à M. Bryden.

M. John Bryden: Cela veut-il dire qu'un serment de citoyenneté, dont vous avez tous deux dit qu'il est très important, est une forme d'engagement ou de contrat entre la personne assermentée et le pays adopté? Vous êtes d'accord avec cela. Qu'arrive-t-il donc lorsque ce contrat ou cet engagement n'est pas respecté?

Je songe, par exemple, à l'attaque de l'ambassade de Turquie par certains membres de la communauté kurde, dont on peut supposer qu'un bon nombre ont prêté le serment de citoyenneté. Bombarder la police de cocktails molotov et de pierres, pendant cette manifestation, est totalement contraire à l'esprit du serment actuel. Les Canadiens ne se comportent pas ainsi. Eh bien, nous voyons que la ministre cherche à obtenir de nouveaux pouvoirs pour révoquer la citoyenneté. Ne trouvez-vous pas que la ministre aurait raison de révoquer la citoyenneté lorsque les gens violent de façon si manifeste le contrat que constitue leur serment?

M. Jonas Ma: Je tiens à répéter ce que nous avons dit plus tôt au sujet de la distinction entre citoyens naturalisés et citoyens indigènes. Lorsque les citoyens nés au Canada se comportent de cette façon, ils sont accusés d'avoir commis une infraction pénale. Les citoyens naturalisés devraient être assujettis au même traitement. S'ils ont commis un acte répréhensible, qu'ils soient punis, si c'est ce que prévoient les lois du pays.

M. John Bryden: Mais ils se sont engagés par serment. Ils ont souscrit à un contrat solennel de respecter les lois du pays, de respecter les droits des Canadiens et de la règle de droit. Ne trouvez-vous pas qu'en dérogeant à ce contrat, ils devraient en subir les conséquences parce qu'ils ont prêté un serment qu'ils n'ont pas respecté?

M. Salvador Cabugao: Je peux également répondre à cela.

Il semble que le contrat dont vous parlez soit le serment de citoyenneté. Je pense que les Canadiens nés au Canada ont exactement le même contrat, même s'il n'est pas écrit. Ils doivent donc respecter la loi, être gouvernés par les mêmes principes. S'ils se rendent coupables d'un acte criminel, ils doivent être punis tout autant que les Kurdes—pour reprendre votre exemple. Ils devraient être punis en qualité de Canadiens. Mais devraient-ils être déportés? Les Canadiens ne peuvent être déportés nulle part.

M. John Bryden: Bien sûr, ce qui nous inquiète ici, c'est l'importation d'un conflit ethnique au Canada, le Canada se retrouvant à être le champ de bataille où se règlent des conflits historiques. C'est vraiment de cela que nous parlons ici.

Si nous acceptons votre raisonnement, n'est-il pas dès lors extrêmement important que nous nous assurions que ceux qui prêtent ce serment de citoyenneté se rendent compte de sa solennité et agissent en conséquence? Autrement dit, la solennité de ce serment est d'une importance telle qu'elle doit gouverner le comportement des Canadiens naturalisés. Cela est-il exact?

M. Salvador Cabugao: Oui.

M. John Bryden: Ma dernière observation est donc la suivante: ai-je raison de supposer que la majorité des néo-canadiens actuels et en puissance que représentent vos organismes, en général, appartiennent à une religion organisée qui reconnaît l'existence d'un dieu ou de Dieu? Je suppose qu'il y a très peu d'athées dans les collectivités que vous représentez, de gens qui rejettent absolument l'idée même de Dieu. Est-ce exact? La majorité d'entre eux appartiennent à une religion organisée.

• 1120

M. Jonas Ma: Je ne peux pas vraiment être d'accord avec vous.

M. John Bryden: Très bien. Dans ce cas, ne serait-on pas bien avisé de mettre, sous une forme quelconque, le mot «Dieu» dans le serment de citoyenneté pour que les néo-canadiens soient pénétrés de la solennité du serment qu'ils prêtent? Ne serait-ce pas là une façon constructive de répondre au type de problème dont j'ai parlé?

M. Jonas Ma: Je suis d'accord uniquement si le demandeur y croit. Il peut certainement choisir d'appartenir à une confession. Nous parlons de collectivités très diverses.

M. John Bryden: Mais ce serait uniquement «Dieu». Lorsqu'on dit «Dieu», ce pourrait être celui de l'Islam, de l'hindouisme, de la chrétienté...

M. Jonas Ma: Je veux dire que les gens qui sont athés devraient avoir accès à autre chose.

M. John Bryden: Très bien, ils pourraient donc choisir de ne pas utiliser le mot «Dieu». Autrement, vous reconnaissez que la présence du mot «Dieu» dans le serment, pour en accroître la solennité, pourrait nous aider à éviter le type d'incident que nous avons constaté à l'ambassade de Turquie. Ai-je raison de supposer cela?

M. Jonas Ma: Peut-être bien, mais une fois de plus, nous tenons à souligner qu'il ne faut pas appliquer des normes ou des exigences différentes aux citoyens naturalisés et aux citoyens nés au Canada.

M. John Bryden: Je soulève cette question parce que, bien sûr, une personne née au Canada croit présumément en toutes ces choses, parce que ces valeurs lui sont inculquées dès la naissance, alors qu'un néo-Canadien doit adopter ces valeurs le jour où il adopte ce pays. C'est pourquoi nous avons un serment.

M. Jonas Ma: Je crois que le Canada est un pays très diversifié. Ceux qui sont nés ici ont des systèmes de valeurs et des croyances de types différents. On leur a appris qu'ils vivent dans un pays démocratique, compatissant, qui se préoccupe de justice sociale ainsi que des droits de la personne et qu'on y respecte la loi. Ce sont les choses qui revêtent de l'importance à nos yeux.

Rien ne garantit qu'ils se conformeront à ces principes, mais, bien sûr, ces connaissances leur auront été inculquées. Nous devrions faire la promotion des valeurs canadiennes auprès des nouveaux citoyens afin qu'ils sachent qu'ils vivent dans un système démocratique et que s'ils veulent exprimer des vues divergentes, il existe un processus démocratique pour le faire. Ils n'ont pas besoin de recourir à des moyens violents. C'est cet aspect qu'il faut promouvoir plutôt que de dire: très bien, vous n'agissez pas conformément à la loi...

Le président: Merci, monsieur Ma. Je crois que vous avez déjà dit ce que vous en pensiez.

Monsieur McNally.

M. John Bryden: Merci.

M. Grant McNally: Je crois que je vais céder mon temps de parole. Je constate que nous nous rapprochons rapidement de la fin, monsieur le président.

Le président: Je voudrais poser quelques questions. La ministre a prévu une dispense générale de l'exigence d'être capable de communiquer dans l'une des langues officielles pour les personnes de plus de 60 ans. Cette dispense suffit-elle aux besoins de votre collectivité?

M. Salvador Cabugao: Je crois que oui, parce qu'il y a certaines personnes qui n'arrivent pas à clairement exprimer leur connaissance du Canada. Toutefois, si l'on est instruit en anglais, la connaissance du Canada, c'est vraiment ce qu'on a dans le coeur; ce n'est pas nécessairement les mots dans lesquels on le dit. Comment donc un fonctionnaire peut-il savoir si vous possédez vraiment cette connaissance du Canada sans le recours à un interprète ou à un texte écrit? Certaines personnes peuvent parler. D'autres ne peuvent qu'écrire.

Le président: Je comprends.

Monsieur Ma, vous avez déclaré qu'il ne devrait pas y avoir de distinction entre les citoyens adoptés et ceux qui sont nés de la famille, parce que, dans le cas des adoptions, la réunion des familles s'impose. Je veux bien m'assurer de comprendre. Lorsqu'on parle de réunion de familles, cela signifie qu'il y avait des familles antérieurement, et que, maintenant, elles souhaitent être réunies. Votre affirmation ne vaut que si l'adopté était un membre de la famille au départ et pas simplement un membre de la collectivité. Est-ce exact?

M. Jonas Ma: Oui.

• 1125

Le président: Très bien, je voulais simplement préciser cela.

Étant donné que vous avez reconnu qu'une connaissance adéquate de l'anglais, une connaissance de base, est acceptable pour votre collectivité, vous estimez qu'il faudrait modifier les dispositions relatives au recours à un interprète. Est-ce exact?

M. Jonas Ma: D'accord.

Le président: Pendant cet examen de la connaissance de l'anglais ou du français, y a-t-il, selon vous, un niveau de langue qui devrait être reconnu?

M. Jonas Ma: Je voudrais d'abord en revenir à la première question que vous avez soulevée, et répondre ensuite à cette question.

Au sujet de l'adoption, ce que je veux dire c'est qu'au moment de l'adoption, l'enfant devient un membre de la famille. Nous parlons de ce qui se passe après l'adoption. L'enfant qui entre ainsi au Canada devient-il un citoyen ou a-t-il à passer par l'exigence de trois années de résidence...

Le président: D'après les dispositions proposées, une fois l'adoption faite, l'enfant devient un citoyen, à moins que ce soit une adoption de simple apparence. C'est ce que prévoit le projet de loi.

M. Jonas Ma: C'est pourquoi nous disons que nous sommes d'accord; nous sommes favorables à cela.

Le président: Très bien.

Maintenant, voilà ce que je veux savoir. Les opinions que vous avez exprimées aujourd'hui reflètent évidemment en partie celles du conseil et en partie les vôtres, celles de votre propre association, mais pas nécessairement du conseil. Est-ce exact?

M. Jonas Ma: Je crois que nous avons...

M. Salvador Cabugao: Toutes ces opinions sont celles du conseil.

Le président: Très bien. Vous avez dit plus tôt que, dans votre collectivité, vous tenez une série de rencontres pour obtenir les opinions...

M. Salvador Cabugao: Il s'agit du National Council of Canadian Filipinio Associations (Conseil national des associations philippines, du Canada).

Le président: Une seule collectivité.

M. Salvador Cabugao: Oui.

Le président: En ce qui concerne la collectivité philippine du Canada, jusqu'à présent, il s'agit d'un consensus préliminaire. D'autres idées pourraient être exprimées ultérieurement.

M. Salvador Cabugao: Nous sommes convenus de ceci: en notre qualité de membres du Conseil ethno-culturel du Canada, nous souscrivons aux vues exprimées dans cet exposé. Notre propre Conseil national des associations philippines du Canada présente un mémoire distinct.

Le président: Très bien.

Voici ma dernière question. Le CEC souscrit-il à un principe général selon lequel il faudrait que soit clairement appréciée, et avec une certaine rigueur, la citoyenneté canadienne, parce qu'elle est le reflet de l'âme de notre pays, qu'elle doit se mériter et qu'il ne faut pas accorder plus de poids à l'argent qu'aux exigences fondamentales stipulées dans la loi?

M. Salvador Cabugao: Qu'entendez-vous par «argent»?

Le président: Si vous êtes au Canada pour des raisons commerciales, que vous n'y restez que quelques jours, comme vous investissez beaucoup d'argent, la dispense quant aux exigences de résidence devrait être accordée. Toutefois, parallèlement, pour quelqu'un qui ne fait pas un investissement aussi important, cette exigence stricte devrait être maintenue.

M. Jonas Ma: Je crois que vous soulevez là un certain nombre de questions. Nous avons un peu de temps, mais je voudrais seulement traiter de ces deux questions.

Pour ce qui est de la première, vous avez parlé du niveau de compétence linguistique. Je crois que le projet de loi propose des tests normalisés. On ne dit pas si ce sera un test de lecture, d'écriture ou un test oral. Selon vous, cela pénaliserait les gens qui n'ont pas beaucoup d'instruction. Ils devraient être capables de parler sans difficulté et de se faire comprendre, mais ils peuvent ne savoir ni lire ni écrire, et ces tests pourraient pénaliser les gens dans cette situation. J'estime donc que cela devrait être pris en ligne de compte.

Oui, nous reconnaissons que la citoyenneté est un statut estimable, une chose dont il faut faire la promotion, qui ne doit pas être prise à la légère. Je crois cependant que la nouvelle loi affiche plutôt une tendance au contrôle et à l'application de mesures strictes plutôt qu'à la promotion ou à l'approche positive dont j'ai parlé plus tôt, celle qui permettrait aux nouveaux venus de comprendre nos valeurs démocratiques, notre compassion, notre caractère multiculturel, multiracial... Ce sont ces choses-là dont nous devons faire davantage la promotion.

Le président: Très bien. Sachant tout cela et l'acceptant, qu'est-ce qui, selon vous, constitue une période raisonnable de présence physique au Canada sur cinq ans? Combien d'années? Combien de jours? Combien de mois?

M. Jonas Ma: Nous ne nous sommes pas étendus sur question du nombre de jours et de la façon de les compter. Nous avons uniquement traité de la situation où l'application très rigoureuse de ces critères empêcherait d'accéder à la citoyenneté. C'est donc là-dessus que je crois que nous devons plus amplement consulter nos membres: le nombre de jours et la période minimum.

Le président: Mais, en général, vous reconnaissez que trois ans sur cinq de présence physique réelle au Canada constitue une exigence raisonnable.

M. Jonas Ma: Cela, je l'ignore. Nous n'avons pas consulté les gens et nous n'en avons pas discuté.

Le président: Vous n'avez aucune position là-dessus pour l'instant?

M. Jonas Ma: Pas pour l'instant, non.

• 1130

Le président: Merci. Merci encore une fois d'avoir présenté votre exposé au comité. C'était le fruit d'une réflexion intéressante et ce sera certainement pris en compte dans le cadre des délibérations du comité.

La présentation des témoignages est maintenant terminée.

M. John Bryden: Monsieur le président, je propose de lever la séance.

M. Leon Benoit: Non, nous sommes saisis d'une motion.

Le président: Monsieur Bryden, à quoi voulez-vous en venir?

M. John Bryden: J'allais proposer qu'on lève la séance, monsieur le président. Je constate qu'il est 10 h 30. Je ne voulais pas garder les témoins inutilement.

Le président: Nous avons un problème. Il y a une motion, mais la question est de savoir si nous avons le quorum nécessaire pour discuter de cette motion en ce moment.

La greffière du comité: Nous n'avons pas le quorum. Il nous faut neuf membres.

Le président: Il faut neuf membres du comité.

La greffière: Et M. Grewal n'est pas membre du comité. Je n'ai pas reçu de feuille à ce sujet.

M. Gurmant Grewal (Surrey-Centre, Réf.): Elle va arriver d'un instant à l'autre.

La greffière: Nous avons besoin de neuf membres.

M. Leon Benoit: Il nous faut neuf membres?

La greffière: Oui. Il faut neuf membres pour qu'il y ait quorum.

M. Gurmant Grewal: Il nous manque donc un membre.

Le président: Oui.

M. Leon Benoit: Non. Notre quorum est-il de neuf membres?

La greffière: Oui. Le comité compte 16 membres. Un quorum, c'est la moitié plus un, donc neuf.

M. Leon Benoit: Comment donc avons-nous réussi à tenir une réunion il y a quelques instants?

La greffière: Nous pouvons tenir une réunion pour entendre des témoignages. Le comité a adopté une motion antérieurement sur le nombre de députés nécessaire pour entendre des témoins. Le comité est donc convenu d'un autre quorum pour les témoignages. Toutefois, nous n'avons pas le quorum qui permette du présenter ou d'adopter des motions.

Le président: Officiellement, je précise que les témoins sont excusés. Merci encore.

M. Salvador Cabugao: Merci beaucoup.

Le président: Pour l'instant, je n'ai pas encore levé la séance d'audition des témoins. La greffière vient de me rappeler qu'il n'y a pas de quorum pour discuter de votre motion; par conséquent...

M. Leon Benoit: Rappel au Règlement, monsieur le président. J'ai signalé mon intention de présenter cette motion au début de la séance. Je l'ai présentée à la greffière. Il était convenu que nous entendrions la motion. Nous avons ici cinq députés de l'opposition. Le départ des députés ministériels nous empêche-t-il de présenter notre motion?

Le président: Monsieur Benoit, vous avez aussi quitté la salle à un moment donné. Dire donc que les députés ministériels sont partis... Ils ont d'autres obligations...

M. Leon Benoit: Je suis ici, et j'étais ici au début de la réunion.

Le président: Oui, parce que vous êtes parti et revenu, n'est- ce pas? Ne laissez donc pas entendre que les députés ministériels sont partis. Ils sont partis pour se livrer à d'autres activités. D'après ce qu'a dit M. McNally hier, on ne peut pas parler de l'absence de tel ou tel député à ce comité.

M. Grant McNally: Vous avez raison.

M. Leon Benoit: Je présente donc mes excuses, monsieur le président.

Le président: J'en suis heureux.

M. Leon Benoit: Mais quand le président prévoit-il avoir suffisamment de députés ministériels présents pour qu'il y ait quorum?

Le président: À la première occasion où il y aura quorum... Je vous ai dit que nous écouterions votre message après avoir entendu les témoins. Toutefois, maintenant que les témoins ont été entendus, nous n'avons plus le quorum. Le président n'y peut rien, étant donné que chacun entre et sort de la salle du comité à sa guise. J'ai donc besoin de votre aide pour maintenir le quorum dans ce comité.

M. Leon Benoit: Écoutez, nous avons cinq députés de l'opposition ici, monsieur le président.

Le président: Voulez-vous lire votre motion, en donner avis?

M. Leon Benoit: Oui, je vais lire ma motion.

Le président: La greffière me signale que nous ne pouvons pas accepter un avis de motion en l'absence de quorum.

M. John Bryden: C'est seulement un avis de motion.

M. Leon Benoit: Mais cette motion prévoit des échéances. Il s'agit de recevoir la ministre avant le 25 mars. Nous attendons cela depuis sa dernière comparution ici, en décembre. La réunion avait été interrompue, et elle avait accepté de revenir.

Le président: Je vous prie de lire la motion.

M. Leon Benoit: Je vais lire la motion.

La greffière: C'est un avis de motion.

M. Leon Benoit: Comme en a convenu le comité le 9 décembre 1998, je propose que la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration soit invitée à comparaître devant le comité à la première occasion, mais pas plus tard que le 25 mars 1999, pour traiter de l'examen de rendement du ministère pour l'exercice financier 1998-1999.

Le président: Considérant qu'il n'y pas quorum, le président...

M. Grant McNally: J'invoque le Règlement.

Le président: ...considère la motion qui vient d'être lue comme un avis de motion.

M. Grant McNally: Je voudrais obtenir un éclaircissement, monsieur le président. Je suis désolé d'avoir raté les premières minutes de la réunion, mais cette motion a-t-elle été présentée au moment où nous avions quorum? Lorsqu'elle a été présentée, la première fois, il y avait quorum, n'est-ce pas?

Le président: Non. Elle m'a demandé quand nous en discuterions. Quand cette motion a-t-elle été présentée?

M. Grant McNally: La motion a été présentée au début...

M. Leon Benoit: Au début de la réunion.

M. Grant McNally: ...au début de la réunion, lorsqu'il y avait quorum.

Le président: Oui, il y avait quorum.

M. Grant McNally: Par conséquent, elle était déjà déposée?

Le président: Oui.

M. Grant McNally: Il y avait quorum?

Le président: Oui. Et j'ai dit que nous pourrions en discuter une fois que les témoins nous auraient quittés. Cependant, le quorum ayant disparu, d'après les règles adoptées par le comité, nous ne pouvons pas discuter de la motion ni voter là-dessus.

M. Grant McNally: En vertu de quel article du Règlement?

Une voix: Je vais devoir le trouver.

M. Grant McNally: Très bien. Je vous en serais gré.

M. Leon Benoit: Le président pourrait-il donc simplement s'engager à reconnaître que cette motion a été présentée? Le président peut-il promettre que, la prochaine fois que nous aurons quorum à ce comité-ci, si jamais cela se reproduit, cette motion sera soumise au vote?

Le président: Il n'est pas essentiel de proposer cela au président.

• 1135

M. Leon Benoit: Mais, l'autre jour, le président à refuser...

Le président: Le président ne vous a rien refusé. Le président ne discute pas de cette motion faute de quorum. Il y aurait dérogation...

M. Leon Benoit: Lors de la dernière réunion du comité, monsieur le président...

Le président: La séance est levée.