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CITI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON CITIZENSHIP AND IMMIGRATION

COMITÉ PERMANENT DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 29 avril 1999

• 1548

[Traduction]

Le président (M. Rey D. Pagtakhan (Winnipeg-Nord—St. Paul, Lib.)): Nous allons commencer nos travaux. Nous aurons le quorum dès que nous aurons reçu le document de remplaçant pour M. Cardin.

Pour gagner du temps, convenez-vous chers collègues qu'il y a quorum? Ça nous permettra d'entendre les témoins. On reviendra avec le formulaire dans quelques instants.

Des voix: Très bien.

Le président: Bon. Cela dit, nous reprenons notre étude du projet de loi C-63, Loi concernant la citoyenneté canadienne.

Nous accueillons des représentants du ministère. Ils ont comparu également hier. Je tiens à vous remercier d'être venus à nouveau aujourd'hui. On m'a dit que M. Fyffe apportera une petite précision à ce qu'il a dit hier.

Monsieur Fyffe.

M. Greg Fyffe (sous-ministre adjoint, Développement des politiques et programmes, Citoyenneté et Immigration Canada): Oui. Avant de commencer, monsieur le président, j'aimerais dire deux choses. Tout d'abord, Mme Atkinson se joindra à nous; elle est l'experte sur les dispositions touchant l'adoption. Elle participe actuellement à une séance d'information ailleurs sur la Colline au sujet des permis ministériels.

De plus, dans mes commentaires liminaires hier j'ai parlé de la disposition qu'on appelle demi-temps qui permet aux intervenants qui présentent une demande d'ajouter une demi-année soit six mois à leur période d'admissibilité. J'aurais dû plutôt dire la moitié de deux ans, soit un an. Je m'excuse de cette erreur.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Fyffe.

La première question sera posée par le Parti réformiste, si les députés de ce parti le désirent.

Monsieur Anders.

• 1550

M. Rob Anders (Calgary-Ouest, Réf.): Je dois signaler, monsieur le président, que j'avais cru comprendre qu'aujourd'hui nous entendrions des exposés de témoins et que nous ne procéderions pas à l'étude article par article, à l'étude d'amendements ou de modifications.

Le président: Les témoins ont présenté leurs commentaires liminaires hier. Ainsi, les députés peuvent poser des questions aux fonctionnaires, compte tenu de ce qu'ils ont entendu des divers témoins au cours des dernières semaines.

Les opinions divergentes des témoins ont été résumées par les recherchistes, et on peut s'inspirer du document que ces derniers ont préparé pour les interroger sur plusieurs points, si vous le désirez, en fonction de la position adoptée par votre parti. Ou encore, vous pouvez poser aux témoins n'importe quelles questions qui touchent le projet de loi concernant la citoyenneté canadienne.

M. Rob Anders: Je crois que je préfère poser n'importe quelle question, si c'est possible, parce que je n'étais pas là lorsque les témoins ont présenté leurs exposés.

Le président: Je désire simplement signaler que vous devez quand même vous rappeler que nous étudions ici le projet de loi.

M. Rob Anders: Je comprends bien. J'ai prononcé un discours sur cette mesure législative, lors de sa lecture à la Chambre. Il y a une chose qui me préoccupe. Un de mes collègues réformistes a accompagné des policiers de Vancouver lors de leur patrouille à Vancouver. Ils ont rencontré des jeunes hommes qui vendaient des drogues, qui avaient les bouches pleines de petites enveloppes de crack—on jugeait que ces enveloppes valaient environ 1 700 $. Les policiers leur ont simplement demandé de cracher ces enveloppes dans leurs mains, puis ils les ont jetées dans une poubelle.

Lorsqu'un de mes collègues leur a demandé pourquoi ces hommes n'étaient pas déportés parce qu'ils étaient au Canada illégalement et qu'ils vendaient en fait de la cocaïne, les policiers ont simplement haussé les épaules et dit «Vous savez, si on essayait de faire quelque chose, ils seraient libérés presque immédiatement. On a en quelque sorte renoncé à toute action pour remédier à cet état de chose.»

Comment expliquer que nous nous retrouvons dans une situation si désespérée que les agents de police de Vancouver ne tentent même plus d'empêcher des gens d'entrer au Canada à la seule fin de distribuer des drogues dans les rues de Vancouver?

Le président: Si vous pouvez faire un lien avec quoi que ce soit dans le projet de loi, je vous en prie, faites-le.

M. Greg Fyffe: De nombreux aspects de cette question relèvent de la politique générale de l'Immigration. Le seul aspect qui soit pertinent c'est le fait que l'un des principes que nous tentons de mettre en pratique, et dans la Loi sur la citoyenneté et dans la Loi sur l'immigration, c'est de traiter plus facilement avec ceux qui se comportent de façon criminelle lorsqu'ils viennent au Canada.

Il y a de nombreux obstacles à l'application du principe, y compris certaines dispositions de la Charte des droits et libertés. Toutefois, dans ce projet de loi particulier, on trouve une disposition voulant qu'une personne qui a commis un acte criminel trois ans avant de présenter une demande de citoyenneté, ne peut obtenir la citoyenneté, s'il s'agissait d'un délit pénal.

Dans le cas d'une infraction moindre, l'interdiction est d'un an. Il y a également des dispositions dans le projet de loi qui visent le crime organisé qui ne touchent peut-être pas les personnes dont vous parliez, mais qui pourraient toucher celles qui les contrôlent parce que c'est là une activité criminelle organisée. Les principes que nous tentons d'appliquer dans ce projet de loi sont semblables à ceux qui se trouvent dans la Loi sur l'immigration.

Nous comprenons le problème. Il y a de nombreux aspects qui n'ont rien à voir avec l'immigration ou la citoyenneté, comme la longueur des peines qui sont imposées.

Mais il s'agit de principes communs. Nous reconnaissons qu'un grave problème se pose en l'occurrence. Dans la mesure où nous pouvons nous y attaquer sous l'un ou l'autre aspect législatif de notre mandat, c'est ce que nous allons faire.

• 1555

M. Rob Anders: Dans cette même veine, je présume que lorsque vous parlez de trois ans plus tôt, vous parlez de trois ans avant leur arrivée au Canada. Vous parlez des trois années passées dans un autre pays que le Canada. Est-ce cela?

M. Greg Fyffe: Non. Je parle de quelqu'un qui est un résident permanent et qui a donc le droit de demander la citoyenneté canadienne. Si cette personne a été reconnue coupable d'un acte criminel au cours des trois années qui précèdent cette demande de citoyenneté, elle ne peut pas obtenir la citoyenneté. Si une personne a fait des aller-retour et a été reconnue coupable dans un autre pays d'une infraction semblable à celle que nous avons au Canada, la même disposition s'applique.

M. Rob Anders: Donc vous dites qu'aussi longtemps que ces types ne demandent pas la citoyenneté, ils peuvent vendre de la cocaïne au centre-ville de Vancouver, mais s'ils décident de demander la citoyenneté, sont accusés et reconnus coupables, on peut faire alors quelque chose, n'est-ce pas?

M. Greg Fyffe: Non, ce n'est pas ce que je dis. Le président m'a demandé de limiter mes propos à des sujets directement reliés à la Loi sur la citoyenneté. Si le président veut que j'aborde la question dans les aspects plus généraux de l'immigration, évidemment, je peux le faire.

Le président: Je vous suggère, monsieur Anders, qu'à cause du temps précieux que nous souhaitons consacrer au Projet de loi lui- même et parce que nous prévoyons également un projet de loi d'envergure sur l'immigration, où une telle question serait très certainement appropriée, nous acceptions de reporter à plus tard toute remarque que M. Fyffe voudrait faire qui ne soit directement reliée au Projet de loi. Lorsque j'ai d'abord entendu votre question, j'ai pensé que vous aviez quelque chose en tête et que M. Fyffe pourrait peut-être identifier l'élément.

M. Rob Anders: Je me souviens de vous avoir parlé d'autre chose en ce qui concerne ce Projet de loi. Je sais que c'était directement relié à certaines des questions qui sont soulevées bien que ce ne soit peut-être pas relié à l'amendement dont M. Fyffe vient de nous parler. Il s'agit de la citoyenneté des parents.

Je sais que l'Australie a changé sa loi—et si je me souviens bien, les États-Unis ont soit changé leur loi ou envisagent de le faire—de sorte qu'un enfant n'acquiert la citoyenneté que si l'un des parents est citoyen australien. J'utilise l'Australie à titre d'exemple parce que je suis au courant de la situation dans ce pays. Ainsi, les femmes étrangères ne cherchent pas à se rendre en Australie—ou aux États-Unis—pour y accoucher uniquement afin que leur enfant obtienne la citoyenneté du pays de naissance.

Savez-vous combien de personnes se rendaient auparavant aux États-Unis uniquement pour y donner naissance à leurs enfants afin d'obtenir la citoyenneté américaine?

M. Greg Fyffe: Je n'ai aucune donnée statistique. Le ministère canadien de l'Immigration a de fortes raisons de croire que cela se produit aux États-Unis, mais je ne peux vous donner de chiffres.

M. Rob Anders: D'accord. Je suppose donc que vous n'avez aucune donnée semblable pour l'Australie.

M. Greg Fyffe: Non. Les États-Unis ont encore la même disposition que nous, qui est davantage protégée par la Constitution qu'elle ne l'est en Australie. Auparavant, toute personne née sur le territoire australien obtenait automatiquement la citoyenneté du pays, comme c'est le cas au Canada. Ils ont changé les règles.

M. Rob Anders: Est-ce que des groupes au Canada ont proposé d'apporter aux lois canadiennes des modifications semblables à celles apportées en Australie et aux États-Unis, afin que la citoyenneté ne soit accordée à un enfant que si l'un des parents est citoyen canadien?

M. Greg Fyffe: Cette question a été soulevée de temps à autre et elle l'a été à maintes reprises dernièrement au Canada. On suppose de temps à autre que le Canada pourrait le faire. Lorsque cette hypothèse a été mentionnée en public, on s'est aperçu qu'il y avait des opinions assez radicales pour et contre. Nous avons examiné cette question, et en fait, nous sommes encore en train de l'examiner.

• 1600

Selon nous, il y a deux catégories problématiques. Il y a d'abord les demandeurs du statut de réfugié qui ont un enfant au Canada, et les conséquences que cela implique. L'autre, et vous en avez parlé, ce sont ceux qui arrivent au Canada avec l'intention de donner naissance à un enfant qui aurait alors la citoyenneté canadienne. Ce sont deux cas très différents, la situation ayant évolué depuis que cette disposition a été adoptée, à une époque ce genre de phénomène n'était pas vraiment un problème. On supposait généralement que si quelqu'un était né ici, c'est parce que ses parents étaient venus s'établir au Canada.

La question que nous devons régler consiste à déterminer dans quelle mesure il s'agit véritablement d'un problème. Nous avons beaucoup de difficulté à réunir les données dont nous avons besoin au ministère, pour différentes raisons, mais dans ce cas-ci nous avons essayé de mesurer l'ampleur du problème, en reconnaissant qu'il pouvait très bien s'agir d'un problème. Nous éprouvons beaucoup de difficulté à réunir ce genre de renseignements parce que nos missions à l'étranger n'ont aucun moyen de déterminer pour quelle raison les étrangers viennent au Canada, lorsque ces derniers prétendent être des touristes. Bien sûr, les femmes dont la grossesse est très avancée ne voyagent pas, et les compagnies d'aviation ne les autorisent pas à monter à bord des avions.

L'autre problème, c'est le nombre d'enfants nés au Canada de parents n'ayant pas le statut de résident? Comme les provinces n'ont pas toutes la même définition de résidence, il est extrêmement difficile de réunir des statistiques. Le ministre et le gouvernement ont déclaré qu'il s'agissait d'une question prioritaire mais qu'il fallait d'abord recueillir les renseignements pertinents pour bien connaître l'ampleur du problème. C'est pourquoi Consultation et Vérification Canada effectue pour nous une étude afin d'identifier des sources statistiques qui pourraient nous permettre de cerner exactement le problème. Nous examinerons ensuite l'incidence politique de nos découvertes. Étant donné que certains groupes, comme le Conseil canadien pour les réfugiés se posent vigoureusement à tout changement, nous estimons que les décisions de principe doivent être fondées sur des faits reconnus.

M. Rob Anders: Je voudrais poser une dernière question qui est importante pour tout le reste, puis je passerai à la conclusion, si cela vous convient.

Le président: Allez-y.

M. Rob Anders: Je comprends qu'il est difficile d'obtenir ces statistiques, mais j'aimerais avoir votre avis sur un cas individuel, pour être certain de bien en comprendre les ramifications. Si une femme enceinte arrive de l'étranger et accouche au Canada—et je ne vous parle pas de données statistiques, je veux une réponse concernant simplement ce cas particulier—pouvez-vous m'indiquer les conséquences de cette situation du point de vue du statut des parents? Si l'enfant est né au Canada, il a automatiquement la citoyenneté canadienne; dans ce cas, qu'advient-il de la mère ou du père, ou des autres personnes qui accompagnent cet enfant? Que se passe-t-il si on constate qu'ils n'ont pas de papiers en règle, qu'ils ne sont pas visiteurs légitimes, ou immigrants reçus, ni rien de ce genre? Que va-t-il se passer?

M. Greg Fyffe: Je vais vous donner une réponse préliminaire et je demanderais à M. Sabourin de compléter, le cas échéant.

Si cette personne a un statut de visiteur et qu'elle accouche au Canada, l'enfant aura droit à la citoyenneté. Dans bien des cas, les parents n'ont pas l'intention de rester au Canada et ils vont repartir. Cependant, l'enfant pourra revenir par la suite et prendre la citoyenneté canadienne.

Si les parents sont arrivés illégalement au Canada et qu'ils font l'objet d'une expulsion, ils vont éventuellement invoquer qu'on leur permette de rester au nom des intérêts de l'enfant. Il y a une affaire de ce genre qui est actuellement en cours de jugement, mais en l'occurrence, plusieurs enfants sont nés au Canada et la personne concernée y a séjourné très longtemps. Voilà les conséquences générales d'une telle situation.

Le président: Merci, monsieur Anders.

Vous avez demandé tout à l'heure si le point de vue que vous avez présenté avait déjà été soumis au comité; il l'a effectivement été. Évidement, les témoins ne sont pas censés le savoir puisqu'ils ne sont pas membres du comité, mais l'attaché de recherche vient de me rappeler que l'Association indépendante d'aide à l'immigration a proposé que la citoyenneté ne soit plus accordée automatiquement. À l'inverse, sept autres groupes ont préconisé le maintien de la disposition qui confère la citoyenneté canadienne à la naissance. Voilà ce qui a été proposé sur ce sujet au comité.

• 1605

Monsieur Cardin, vous avez la parole.

[Français]

M. Serge Cardin (Sherbrooke, BQ): Monsieur le président, permettez-moi d'abord de vous transmettre les excuses du député d'Hochelaga—Maisonneuve, M. Réal Ménard, qui est en Chambre présentement et qui ne peut donc pas être ici. Il est membre permanent du comité. Si je suis ici, chers amis, c'est pour vous permettre d'avoir le quorum afin que vous puissiez continuer à faire votre travail convenablement. D'ailleurs, M. Ménard aura l'occasion d'analyser le projet de loi point par point avec vous.

J'ai pris connaissance de quelques pages rapidement et j'ai une petite question à poser avant de vous laisser continuer à travailler. Je lisais à la page 24 du texte français:

    La Société St-Jean-Baptiste a déclaré qu'au Québec, les nouveaux Canadiens devraient pouvoir prêter allégeance au Québec et au Canada. Le fait de se limiter au Canada donne à penser que les Canadiens naturalisés n'auront pas le droit d'être souverainistes.

Vous comprendrez que je suis personnellement d'accord sur cela. On dit aussi que «la Société a été sévèrement critiquée pour avoir émis ce point de vue». Quelle a été la nature des critiques qui ont été faites? De façon objective, est-ce que cette chose serait faisable au niveau du serment?

[Traduction]

Le président: Vous faites référence au document rédigé par l'attaché de recherche?

M. Serge Cardin: Oui.

Le président: Page 22.

M. Serge Cardin: Page 24 en français, excusez-moi.

Le président: Accordez-moi une minute. En ce qui concerne ce document, et sous réserve d'un avis différent de la part des autres membres du comité, je ne me souviens pas que la société qui a fait cet exposé ait formulé des critiques. Si vous voulez dire que cette société critiquait la loi actuelle en disant que sa portée n'était pas suffisamment vaste pour englober ses aspirations, qui comprennent également un serment d'allégeance au Québec, c'est effectivement le point de vue qu'a exprimé la société. Et bien sûr, le comité l'a recueilli officiellement et cet argument sera pris en considération lorsque l'ensemble du comité procédera la semaine prochaine à l'étude article par article; on en tiendra également compte au cours du débat. Et le comité prendra alors sa décision. Mais si vous souhaitez revenir sur cette question en demandant des précisions aux témoins, vous pouvez le faire aujourd'hui.

Monsieur Fyffe, voulez-vous répondre à la proposition formulée par l'un des témoins précédents qui a demandé que le serment d'allégeance... si je peux me permettre d'exprimer le sentiment de M. Cardin, qui évidement, n'est pas officiellement membre de ce comité. Mais je tiens à le remercier très sincèrement de nous permettre d'atteindre notre quorum. Si vous me le permettez, M. Ménard est l'un des plus éminents membres de ce comité, et vous pourrez le lui dire.

Avez-vous des réflexions ou des opinions que vous aimeriez nous communiquer quant au témoignage de la Société Saint-Jean Baptiste qui préconise d'ajouter au serment une allégeance au Québec également?

M. Greg Fyffe: Je demanderais à M. Sabourin de répondre.

Le président: Monsieur Sabourin.

[Français]

M. Norman Sabourin (directeur de la Citoyenneté et Greffier de la citoyenneté, ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration): Monsieur le président, je peux dire que le libellé du serment de citoyenneté, dans la forme proposée dans le projet de loi C-63, porte évidemment sur le Canada tel qu'il est constitutionnellement formé aujourd'hui. Je n'ai pas d'autres commentaires à faire sur ce point.

M. Serge Cardin: Tenons pour acquis que le Canada, tel qu'il est présentement, est formé du Québec et de plusieurs provinces. Quand les gens arrivent et décident de s'établir au Canada, mais dans une province particulière, qui est aussi une institution qui a des lois et des règles et qui s'appelle le Québec, est-ce que, dans ce cas-là, on ne pourrait pas demander aux gens de prêter serment d'allégeance autant au Québec qu'au Canada?

• 1610

M. Norman Sabourin: Au sujet du serment, je peux dire qu'il s'agit d'une promesse qui permet au futur citoyen de dire ce qu'il va faire en devenant citoyen du Canada. Il s'engage à respecter les lois du pays et à remplir ses devoirs de citoyen, et donc à participer aux institutions politiques qui existent au pays. C'est l'engagement qui est contenu dans le serment de citoyenneté.

M. Serge Cardin: Vous aurez la semaine prochaine l'occasion d'étudier le projet de loi article par article. À ce moment-là, mes collègues pourront revenir sur ce point. Merci.

[Traduction]

Le président: Si vous me le permettez, en tant que président, je m'accorderai le privilège de répondre seulement parce que j'ai déjà fait cette observation en réponse à une observation de M. Ménard lorsque cette question a été abordée. Il s'agit uniquement d'une position pour l'instant. Je n'ai pas rendu de décision finale, mais ma position initiale, c'est qu'étant donné que le Canada englobe toutes les provinces, lorsque nous prêtons serment d'allégeance à l'ensemble du Canada, logiquement nous prêtons allégeance aux diverses régions du Canada. Si en fait, nous choisissons uniquement une province dont nous ajouterons la motion dans le serment, on pourrait en conclure qu'on exclut l'allégeance aux autres provinces. C'est ma position pour l'instant. Mais c'est certainement un sujet dont nous pourrons débattre lorsque nous l'aborderons avec M. Ménard en comité.

Avez-vous d'autres questions à poser?

[Français]

M. Serge Cardin: Oui, ça va.

[Traduction]

Le président: Monsieur Bryden, vous avez la parole.

M. John Bryden (Wentworth—Burlington, Lib.): Je n'ai qu'une question parce que j'ai posé toutes les questions qui m'intéressaient vraiment lors de notre dernière réunion. Mais suite aux observations de M. Cardin, est-ce que le serment a une signification juridique quelconque en tant que contrat entre le pays et le nouveau citoyen? Cela doit-il être perçu comme une entente contractuelle entre les deux parties?

M. Norman Sabourin: Je pourrais dire, monsieur le président, que le serment de citoyenneté serait considéré—et je pense qu'on a fait un peu de recherche à ce sujet pour d'autres pays ainsi que pour le Canada—comme un engagement moral de la part du futur citoyen, mais pas comme une entente contractuelle en vertu de laquelle toute violation d'une obligation entraînerait la perte de la citoyenneté, par exemple.

M. John Bryden: Toujours sur cet aspect, lors de la dernière séance nous avons parlé des problèmes d'un citoyen qui commet un acte de trahison, à savoir qui prend les armes contre les forces du Canada. Mais la disposition du Code criminel, je crois, portant sur la trahison est une disposition qui découle de l'acquisition de la citoyenneté. Donc le serment pourrait être considéré à juste titre comme étant distinct de cet aspect. N'est-ce pas?

M. Norman Sabourin: Oui, sur le plan juridique, on peut bien sûr être citoyen de naissance, mais lorsque l'on est citoyen naturalisé, le serment n'est qu'un élément de l'acquisition de la citoyenneté.

M. John Bryden: Merci beaucoup. Merci, monsieur le président.

Le président: Vous êtes donc en train de dire au comité que le serment prévu par la loi diffère du serment qui est prêté devant un commissaire aux serments, devant un tribunal ou devant un notaire public?

M. Norman Sabourin: Je pense que sur le plan strictement juridique, et il faudra peut-être que nous trouvions des renseignements supplémentaires à ce sujet pour le comité, le serment de citoyenneté est un engagement public de la part d'un citoyen éventuel et qui constitue la dernière étape du processus d'acquisition de la citoyenneté. Ce n'est pas un serment au sens où l'entend la Loi sur la preuve, par exemple, c'est-à-dire une obligation légale de faire quelque chose.

Le président: Par conséquent, violer un serment de citoyenneté ne constituerait pas un parjure, par exemple.

M. Norman Sabourin: Non, pas à mon avis, et cela ne constituerait pas une violation d'une obligation légale mais plutôt je dirais d'une obligation morale.

Le président: Connaissez-vous un précédent dans l'histoire des causes de citoyenneté portées devant les tribunaux où des juges de ces tribunaux ont utilisé le serment dans le cadre des décisions qu'ils ont rendues par le passé?

• 1615

M. Norman Sabourin: Monsieur le président, M. Stevens croit qu'il a peut-être des réponses à donner à cela.

Le président: Monsieur Stevens, vous avez la parole.

M. Eric Stevens (conseiller juridique, Bureau du sous-procureur général adjoint, Citoyenneté et Immigration Canada): La seule chose que je sache à ce propos est qu'il faut prêter serment pour pouvoir obtenir la citoyenneté. Une personne qui refuserait de prêter serment n'obtiendrait pas la citoyenneté. Il est parfois arrivé, mais très rarement, qu'une personne refuse de prêter serment pour une raison ou pour une autre, mais elle n'a pas obtenu la citoyenneté.

Le président: Nous allons donc en faire un sujet de dissertation pour les étudiants au niveau de la maîtrise ou du doctorat. C'est une question intéressante. Mes idées de recherche deviennent quelque peu...

A-t-on d'autres questions à poser?

Monsieur Telegdi.

M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.): Monsieur le président, ma question concerne la perte automatique de la citoyenneté. Il se pourrait qu'une personne qui arrive au Canada avec la citoyenneté canadienne avant l'âge de 28 ans et perde sa citoyenneté pendant qu'elle est au Canada.

Avez-vous songé à dire qu'on ne perd pas sa citoyenneté en sol canadien? Si ces personnes sont là et restent au Canada pendant trois ans, elles conservent leur citoyenneté. Si la raison pour laquelle vous perdez votre citoyenneté est que vous n'avez pas cette période de résidence, il serait bizarre que vous perdiez votre citoyenneté pendant que vous séjournez au Canada.

M. Greg Fyffe: Cela arriverait uniquement dans le cas d'un Canadien de la troisième génération, qui est né à l'étranger, dont les parents sont nés également à l'étranger, mais dont les grands-parents sont nés au Canada et qui n'a pas renoué de liens avec le Canada avant d'avoir dépassé l'âge de 25 ans après avoir été avisé officiellement qu'elle devait résider trois ans au Canada avant l'âge de 28 ans. Il faudrait que toutes ces circonstances soient réunies. Cette personne serait arrivée au Canada après l'âge de 25 ans. Elle aurait le droit de rester au Canada comme résident permanent. À l'âge de 28 ans elle perdrait sa citoyenneté. Comme elle n'aurait pas trois ans de résidence, elle perdrait sa citoyenneté en application de ce projet de loi.

Mais ce ne serait pas nécessairement sans appel. Ces personnes auraient toujours la possibilité de demander la citoyenneté pour des motifs humanitaires, par exemple. Mais je souligne que l'âge de 28 ans vise à laisser aux jeunes parvenus à l'âge adulte tout le temps de venir au Canada s'ils veulent vraiment renouer avec notre pays des liens qui ont été rompus pendant plus de deux générations.

M. Andrew Telegdi: Serait-il difficile d'inclure dans la loi une disposition précisant que cette clause ne s'appliquera pas, que vous ne perdrez pas votre citoyenneté pendant que vous êtes en territoire canadien?

Deuxièmement, qu'advient-il d'une personne qui n'a que la citoyenneté canadienne? Bien entendu, nous avons une convention sur l'apatridie.

M. Greg Fyffe: Pour ce qui de l'apatridie, le Canada ne prendrait aucune mesure qui rendrait quelqu'un apatride. Il y a plusieurs façons dont cela pourrait se produire, en théorie, mais il y a toujours une disposition contre l'apatridie.

Toutefois, pour ce qui est du principe selon lequel vous devez démontrer, avant l'âge de 28 ans, que vous avez renoué des liens avec le Canada, autrement dit, il vous suffit d'y séjourner, ce que vous proposez irait à l'encontre du principe du projet de loi voulant que la troisième génération de Canadiens doit prendre des mesures concrètes et concluantes pour rétablir sa citoyenneté. Le gouvernement estime qu'il faudrait une période d'au moins trois ans; il faudrait que l'intéressé fasse le nécessaire pour rétablir sa résidence au Canada pendant une certaine période, comme on l'exige d'un immigrant pour l'obtention de la citoyenneté.

M. Andrew Telegdi: Je comprends votre raisonnement, mais je trouve quand même curieux qu'on perde sa citoyenneté alors qu'on se trouve dans le pays. Cela semble...

• 1620

M. Greg Fyffe: Il existe un autre recours. Il n'y en a pas dans ce projet de loi. Si des personnes ont raté la date de peu, si les circonstances ne leur ont pas permis de venir au Canada à l'âge de 25 ans alors qu'elles savaient qu'elles devaient venir ici, des considérations humanitaires peuvent intervenir. Je pense que l'on va examiner d'un oeil favorable le dossier de quelqu'un qui voulait clairement rétablir ses liens avec le Canada.

M. Andrew Telegdi: Comment saurons-nous si nous rendons quelqu'un apatride?

M. Greg Fyffe: Je crois que l'intéressé nous le dira.

M. Andrew Telegdi: Quelqu'un pourrait perdre sa citoyenneté sans même le savoir.

M. Greg Fyffe: Je pourrais peut-être demander à M. Sabourin de vous parler des dispositions générales concernant l'apatridie et la position du Canada à ce sujet.

M. Norman Sabourin: Voici ce que je peux vous dire au sujet de l'apatridie. Comme l'a déclaré M. Fyffe, pour commencer, le Canada va faire en sorte de ne pas rendre quelqu'un apatride. Nous avons des obligations internationales à cet égard et la loi prévoit des mécanismes à cet effet. Il est toujours possible, dans de rares circonstances, que quelqu'un puisse quand même devenir apatride, malgré ces dispositions. Si c'était le cas, la loi permet d'accorder la citoyenneté dans des circonstances tout à fait exceptionnelles. C'est un pouvoir du gouverneur en conseil.

À titre de comparaison, la législation actuellement en vigueur ne contient aucune disposition spécifique au sujet de l'apatridie, mais sur la scène internationale, le Canada a toujours fait valoir que si un cas d'apatridie était porté à notre attention, nous appliquerions cette disposition spéciale concernant l'octroi de la citoyenneté afin de respecter nos obligations internationales.

Quant à savoir comment nous saurons si une personne devient apatride, c'est généralement parce qu'elle réside à l'étranger et, lorsqu'elle tente de venir au Canada elle s'aperçoit qu'elle n'a pas la citoyenneté, auquel cas elle nous le fera savoir ou, si cette personne se trouve au Canada, ce sera parce qu'elle ne peut aller nulle part du fait qu'elle n'a pas de statut. Dans un cas comme dans l'autre, nous aurons à régler son cas.

M. Greg Fyffe: Si vous le permettez, monsieur le président, Mme Atkison peut ajouter quelque chose au sujet des considérations humanitaires.

Mme Joan Atkinson (directrice générale, Direction générale de la sélection, Citoyenneté et Immigration Canada): Merci, monsieur le président.

Comme l'a signalé M. Fyffe, lorsque nous avons quelqu'un qui a perdu la citoyenneté canadienne et qui se trouve au Canada, cette personne n'a aucun recours en vertu de la Loi sur la citoyenneté, mais la Loi sur l'immigration nous permet de faire quelque chose pour elle. M. Fyffe a mentionné les considérations humanitaires. La Loi sur l'immigration prévoit qu'une personne qui se trouve au Canada et qui demande à y rester peut demander l'examen de sa demande de sa résidence permanente pour des motifs humanitaires. Les lignes directrices publiées à l'intention des agents d'immigration qui examinent ce genre de cas contiennent des dispositions précises concernant les anciens citoyens canadiens. Ils doivent effectivement se soumettre à la procédure d'immigration, mais des dispositions spéciales sont prévues à leur intention.

Le président: Pour que ce soit plus clair, serait-il sage d'inscrire une disposition à cet effet dans le projet de loi C-63?

Mme Joan Atkinson: Pour ce qui est des personnes qui ont perdu leur citoyenneté et dont il est possible de régler le cas dans le cadre de la Loi sur l'immigration, je crois que cela relève plutôt de la Loi sur l'immigration. Le projet de loi C-63 s'appliquera à ces personnes jusqu'au moment où elles perdent leur citoyenneté dans les circonstances que nous avons décrites. Pour ce qui est de retrouver leur citoyenneté... elles doivent repasser par le processus d'immigration et c'est dans le cadre de la Loi sur l'immigration que leur situation pourra être régularisée.

Le président: Le ministère a-t-il envisagé de diffuser de l'information et des avis à ce sujet, dans la mesure du possible?

• 1625

Mme Joan Atkinson: On parle ici d'une deuxième génération qui pourrait éventuellement perdre sa citoyenneté. Mais comme je l'ai déjà dit, nous avons envoyé de l'information à ces gens pour leur expliquer comment ils pouvaient garder leur citoyenneté. Je crois qu'ils l'ont reçue en même temps qu'ils recevaient toute l'information sur la citoyenneté.

M. Greg Fyffe: De plus, lorsque quelqu'un redevient résident permanent du Canada, il lui suffit d'un an à peine comme résident permanent pour recouvrer sa citoyenneté canadienne.

Le président: Le Comité central mennonite a mentionné la rétroactivité avant ou après 1977, et cette question me semblait assez complexe. J'espère que l'un des fonctionnaires a suivi ce témoignage et pourra nous l'expliquer, dans la mesure où il a compris le problème.

M. Greg Fyffe: Monsieur Sabourin connaît la question à fond et est disposé à répondre.

Monsieur le président, sachez que nous avons un exposé d'environ vingt minutes qui donne des exemples d'une génération à l'autre et qui est fait à l'aide de diapositives couleur et de commentaires. Je crois que cela pourrait aider les membres du comité, voir même certains des témoins, à mieux comprendre.

Le président: Si le comité accepte, nous pouvons regarder votre exposé, étant donné qu'il ne semble plus y avoir de questions brûlantes.

M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.): Pouvez-vous nous donner un résumé de ces diapositives sans que nous soyons obligés de les voir tout au complet?

M. Norman Sabourin: Monsieur le président, je peux vous donner en quelques mots un aperçu de ce que nous présentons sur les diapositives. Nous expliquons fondamentalement ce qui se passe dans le cas de personnes nées au Canada il y a de cela plusieurs années mais dont les enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants ne sont pas nés au Canada. On vous y explique ce qui arrive lorsque celui qui a le droit d'enregistrer aujourd'hui sa citoyenneté omet de le faire, et nous l'expliquons non seulement à la lumière de la loi actuelle mais aussi à la lumière de ce que propose le projet de loi C-63.

Le président: Ces explications vous convainquent-elles, monsieur Mahoney? Je pense que le visionnement en vaut la peine.

M. Steve Mahoney: Oui.

Le président: Allez-y et montrez-nous vos diapositives.

Mme Debra Pressé (gérante intérimaire, Concordance législative, Intégration, Citoyenneté et Immigration Canada): Monsieur le président, le projet de loi perpétue la tradition que nous avons au Canada de permettre à un parent de transmettre sa citoyenneté à son enfant, même si l'enfant est né à l'extérieur du Canada. La grande différence dans le projet de loi vient de ce qu'on limiterait désormais la transmission de la citoyenneté à la seconde génération. Une des autres modifications touche les critères exigés en vue de conserver sa citoyenneté, ce qui a semblé préoccuper considérablement nombre des témoins qui ont comparu. Les critères que propose le projet de loi feraient passer de un à trois ans la durée de la résidence pour les enfants nés à l'extérieur du Canada. Nombre des témoins ont soulevé le problème de l'apatridie qui pourrait éventuellement découler de l'entrée en vigueur de ces deux modifications.

Nous ne parlons pas de l'apatridie dans nos diapositives. Nous espérons toutefois que cette présentation vous permettra, au moment de votre étude détaillée du projet de loi, de bien comprendre à qui les dispositions s'appliquent et quand exactement ces dispositions pourront entrer en vigueur.

Il y a également une troisième modification qui semble préoccuper le comité central mennonite, savoir que le projet de loi ne permet pas que soit prolongé l'enregistrement des enfants qui ne se sont jamais inscrits eux-mêmes comme Canadiens nés à l'étranger. Il s'agit là en effet d'une disposition transitoire contenue dans la Loi de 1977 qui n'a pas été retenue dans le projet de loi C-63. Notre présentation se penche directement sur ce problème.

Lorsque l'on parle de naissance à l'étranger on entend par là qu'au moins un des membres est né à l'extérieur du Canada. La citoyenneté n'est pas accordée automatiquement à un enfant né à l'extérieur du pays d'un parent canadien. De tout temps, il y a eu des conditions rattachées à l'octroi de la citoyenneté, dont deux portaient directement sur l'enregistrement et la résidence au Canada. La première condition stipule que les enfants nés à l'extérieur ne sont déclarés citoyens canadiens que s'ils sont enregistrés comme citoyens auprès du gouvernement canadien. En deuxième lieu, la citoyenneté a toujours été assortie d'un critère de résidence, et les enfants ont toujours été dans l'obligation de répondre à ce critère de résidence avant d'atteindre un âge donné.

• 1630

Le projet de loi C-63 confirme fondamentalement que celui qui est aujourd'hui citoyen canadien reste citoyen canadien, que celui dont la situation a donné lieu à la perte de sa citoyenneté canadienne reste dans cette même situation et que celui qui n'était pas citoyen canadien avant l'entrée en vigueur du projet de loi ne le sera pas plus après son entrée en vigueur.

Puisque vous avez demandé s'il est nécessaire de voir notre présentation, je vous conseillerais de le faire. Pour bien comprendre un arbre généalogique, il faut le voir. Dans notre présentation, nous vous exposons visuellement le cas de quatre portraits de famille. Je vais vous les expliquer tous et expliquer qui, dans ces portraits de famille sont des citoyens canadiens aujourd'hui, qui le seront demain en vertu de la loi actuelle et qui le seront demain en vertu du projet de loi. Puis, j'expliquerai quels membres de ces familles verront leur situation modifiée par le projet de loi.

Notre première famille comporte six générations de Canadiens. Nous l'avons appelée la famille Martin parce que c'est ainsi que s'appelle le patriarche.

Une voix: C'est en effet un patriarche, et de plus très astucieux du point de vue politique.

Mme Debra Pressé: J'avoue que les noms ont été choisis parce qu'ils étaient simples à traduire.

Des voix: Oh, oh!

Mme Debra Pressé: Martin est né au Canada, et il est donc citoyen canadien. Norman, fils de Martin, est né à l'extérieur du Canada et il est également aujourd'hui citoyen canadien. Patricia, petite-fille de Martin est née à l'extérieur du Canada en 1978, c'est-à-dire après l'entrée en vigueur de la loi actuelle, et elle est également citoyenne canadienne. Comme elle est née après 1979, nous la considérons comme la première génération de Canadiens nés à l'étranger, même si son père ou sa mère était déjà né à l'étranger.

Supposons que Patricia ait une fille, Joan, qui naîtra dans quelques années. Si elle naît à l'étranger elle sera également une canadienne née à l'étranger, mais puisqu'elle représentera la deuxième génération de citoyens nés à l'étranger après 1977, elle devra répondre à certaines conditions, faute de quoi elle perdra sa citoyenneté à l'âge de 28 ans, comme le prévoit la loi actuelle.

M. Steve Mahoney: Puis-vous vous interrompre?

Mme Debra Pressé: Bien sûr.

M. Steve Mahoney: Si je vous comprends bien, elle a obtenu sa citoyenneté d'office au moment de sa naissance?

Mme Debra Pressé: Non. Un de ses parents a dû l'inscrire comme citoyenne. Dès que l'enfant est inscrite, le parent reçoit une lettre l'avisant que l'enfant est aujourd'hui citoyenne canadienne mais qu'elle devra répondre à certains critères pour conserver sa citoyenneté, avant d'atteindre ses 28 ans.

M. Steve Mahoney: Et quelles sont ces conditions?

Mme Debra Pressé: Il s'agit actuellement de l'obligation de résider au Canada pendant un an avant d'atteindre l'âge de 28 ans. Le projet de loi fait passer cette durée de résidence à trois ans.

Monica arrive maintenant en cinquième génération. Elle aurait également le droit de demander la citoyenneté si sa naissance a été enregistrée au Canada, et elle ferait également l'objet des dispositions régissant la perte de la citoyenneté.

Nous arrivons enfin à la sixième génération de cette même famille, à Louis qui naîtra en 2045. Vous remarquez qu'à cette date, il n'y aura pas eu de membres de la famille nés au Canada pendant plus d'un siècle. Mais Louis aurait également le droit de réclamer la citoyenneté canadienne, et comme sa mère et sa grand-mère, il pourrait éventuellement la perdre à l'âge de 28 ans.

Ce portrait de famille révèle que Martin, né en 1928, peut transmettre sa citoyenneté canadienne de façon illimitée. Toutefois, c'est cette notion d'un nombre illimité de descendants canadiens que vient modifier le projet de loi C-63.

J'aimerais maintenant vous montrer la même famille assujettie désormais aux critères du projet de loi C-63. Imaginez-vous donc que nous surimposons à cette même famille une nouvelle loi. Dans ce même arbre généalogique, nous constatons que tous ceux qui sont déjà des citoyens canadiens conserverons leur citoyenneté canadienne. Autrement dit, Martin, Norman, Patricia et Joan qui sont aujourd'hui citoyens canadiens resteront citoyens canadiens. Joan pourrait toujours perdre éventuellement sa citoyenneté, comme c'est le cas au titre de la loi actuelle.

La grande différence s'appliquera aux futurs enfants. Les enfants et les petits-enfants de Joan représenteraient la troisième et la quatrième génération d'enfants nés après 1979, et ils ne pourraient plus avoir droit automatiquement à la citoyenneté en vertu de la nouvelle loi.

J'ai dit plus tôt que certains témoins étaient préoccupés par cette disposition sur la perte de la citoyenneté, mais le Comité central Mennonite m'a demandé de dire expressément qu'il ne s'inquiète en aucune manière, pour sa part, de cette disposition relative à la perte de la citoyenneté.

Pour ce qui est de la situation d'un enfant que Joan pourrait mettre au monde à l'étranger, voilà ce qu'il en est. En supposant qu'il n'y ait aucun autre parent canadien dans cette famille, Joan, qui serait citoyenne canadienne jusqu'à l'âge de 28 ans, et son enfant né à l'étranger... Joan a le droit de parrainer son enfant pour qu'il devienne immigrant reçu. Puisqu'elle est citoyenne canadienne, elle pourrait parrainer cet enfant comme le ferait sans doute tout citoyen canadien qui souhaite donner à son enfant la citoyenneté canadienne.

• 1635

Donc, pour cet enfant, qui appartient à la troisième génération, il faut se rappeler que personne n'est apatride. Dans la plupart des pays, les lois sur la nationalité permettent à un enfant d'acquérir la citoyenneté soit à la naissance sur le sol du pays, soit par la résidence dans le pays. Seuls seraient apatrides les enfants nés dans un pays qui ne confère pas la citoyenneté par la naissance sur leur sol ou ne permettent pas à l'enfant de devenir citoyen par naturalisation.

Passons maintenant à la famille future. Cette famille compte cinq générations. La première est Sarra, née en 1999. D'après la loi actuelle, elle est citoyenne de naissance. Son enfant, né dans un Canada futur, est évidement citoyen canadien. Ingrid représente la première génération née à l'extérieur du Canada. Sous le régime de cette mesure législative, elle a automatiquement la nationalité canadienne. Il n'y a pas de condition, elle n'a pas à résider au Canada et, depuis 1977, ceux de la première génération n'ont pas à être inscrits. Nicole appartient à la seconde génération et a droit à la citoyenneté. C'est à partir de cette génération que la citoyenneté peut être perdue. Nancy appartient à la troisième génération et à l'heure actuelle, sous le régime de la loi de 1977, elle aurait droit à la citoyenneté mais pourrait également la perdre.

Comme dans le cas de la première famille, permettez-moi de mettre en parallèle les effets de la nouvelle mesure législative. Le projet de loi C-63 aura pour seul effet sur cette famille future que Nancy, née dans un avenir éloigné, ne sera pas citoyenne canadienne. Les autres membres de sa famille seront citoyens, et Nicole, qui pouvait perdre la citoyenneté, continuera de pouvoir la perdre.

Les deux autres exemples traitent directement de la question soulevée par le Comité central mennonite du Canada.

La troisième famille, la famille Tardy, est un exemple de famille qui n'a pas exercé initialement son droit à revendiquer la citoyenneté. Pour comprendre le cas décrit par M. Janzen, du CCMC, il faut remonter dans l'histoire. Cette famille comprend six générations. Comme on l'a déjà dit, les enfants nés à l'étranger doivent respecter certaines conditions, entre autres l'inscription à l'état civil. Pour que l'enfant soit citoyen, il faut l'inscrire à l'état civil à sa naissance. Il s'agit dans ce cas-ci d'une famille qui n'a pas inscrit son enfant lorsque celui-ci était jeune. Généralement, les enfants sont inscrits à l'état civil à leur naissance.

Le premier de la lignée est Ken. Il faut toujours commencer par quelqu'un. Il faut qu'il y ait un lien quelque part avec le Canada. Ken a un fils nommé Peter. La naissance de Peter n'a pas été inscrite à l'état civil et l'enfant n'est donc pas citoyen de naissance. Nous en arrivons maintenant à Joshua, né en 1978. Ses parents n'étant pas citoyens, il ne l'est pas non plus. Il existe toutefois dans la loi actuelle une disposition de transition qui permet aux personnes qui n'étaient pas inscrites à l'état civil dans leur enfance, avant 1977, de s'inscrire à l'âge adulte. C'est ce qu'on appelle l'enregistrement différé, et bon nombre de gens se sont prévalus de cette disposition de transition. Dans notre exemple, c'est ce que fait Peter. Dès qu'il est inscrit, il devient citoyen et peut inscrire son fils Joshua, qui devient également citoyen.

Mais c'est là que les choses se compliquent. Joshua est le représentant de la première génération née à l'étranger après 1977. Mais il est également assujetti à une perte éventuelle de sa citoyenneté, puisque d'après la loi actuelle, un enfant né après 1977 d'un parent qui ne s'est inscrit qu'après cette date est également assujetti à la disposition relative à la perte de citoyenneté, tout comme les enfants de la seconde génération. Il s'agit donc d'une catégorie spéciale de personnes.

Avez-vous des questions quant aux raisons pour lesquelles Joshua perdra sa citoyenneté? Joshua pourrait perdre sa citoyenneté en 2006. Du point de vue mathématique, les premiers cas de perte de citoyenneté sous le régime de la Loi actuelle se produiront en 2005.

• 1640

Le président: Autrement dit, dans le cas de Peter, l'inscription ne lui donne qu'un équivalent de première génération?

Mme Debra Pressé: Eh bien, on dit dans la Loi de 1977 «Citoyen un jour, citoyen toujours». Peter n'était pas citoyen lorsque la loi est entrée en vigueur. D'après la loi, les membres de la deuxième génération dont les parents ont fait un enregistrement différé peuvent perdre leur citoyenneté. Ce n'est pas parce que Joshua appartient à la deuxième génération, mais plutôt parce que son père n'était pas citoyen à l'époque où Joshua...

Une voix: Est né.

Mme Debra Pressé: Non, son père ne s'est inscrit qu'après 1977. Il existe dans la Loi une disposition selon laquelle les personnes nées après 1977 de parents inscrits après 1977 peuvent elles aussi perdre leur citoyenneté.

En théorie, nous traitons effectivement l'enfant comme s'il appartenait à la deuxième génération, même s'il n'appartient pas à la deuxième génération née à l'étranger.

Le président: Le parent n'était citoyen que par inscription. En soit, cela constitue une disposition de transition, n'est-ce pas?

Mme Debra Pressé: Oui.

M. Steve Mahoney: Que doit-il faire, alors? Doit-il vivre ici un an?

Mme Debra Pressé: Joshua? Oui, pendant un an.

M. Steve Mahoney: D'après les dispositions de la loi?

Mme Debra Pressé: Sous le régime de la loi actuelle, et nous proposons que cette période soit maintenant de trois ans.

Le président: Grant.

M. Grant McNally (Dewdney—Alouette, Réf.): Pourriez-vous nous expliquer davantage la disposition de transition? Cela signifie-t- il qu'une personne qui n'est pas citoyenne canadienne, qui se trouve quelque part au monde mais qui est née de parents canadiens est encore assujettie à cette disposition sur la perte de citoyenneté sous le régime de la Loi de 1977, en raison de cette disposition de transition?

Mme Debra Pressé: Oui. La Loi a toujours comporté une disposition sur la perte de citoyenneté. La disposition de 1977 était semblable, bien qu'un peu différente de celle de la loi de 1947. Mais il y a toujours eu une disposition sur la perte de citoyenneté applicable aux enfants nés à l'étranger. En 1977, nous l'avons appliquée à la deuxième génération plutôt qu'à la première.

M. Steve Mahoney: Mais comment avez-vous réussi à vous y retrouver là-dedans?

Mme Debra Pressé: Je n'étais pas née à cette époque.

M. Steve Mahoney: Étiez-vous inscrite?

Le président: Voulez-vous continuer votre exposé?

Mme Debra Pressé: Oui.

Joshua a un enfant, Kamel. Kamel peut demander la citoyenneté mais s'il est assujetti aux dispositions sur la perte de citoyenneté. Kamel a à son tour un enfant, Elena, qui représente la troisième génération née après 1977 et se trouve également assujettie à ces dispositions, tout comme un autre enfant, Lisa. Tout cela, c'est sous le régime de la loi actuelle. Comme je l'ai dit, cette situation se perpétue, et parce que Peter s'est enfin inscrit, tous ses descendants peuvent demander la citoyenneté.

Que se produit-il, lorsque quelqu'un fait un enregistrement différé? Rien. Les gens continuent d'être citoyens. Ceux qui sont assujettis aux dispositions sur la perte de citoyenneté continuent de l'être.

Tout cela a cependant un effet pour Joshua. Il sait depuis qu'il est enregistré que sa citoyenneté expire en 2006. On l'a dit à ses parents lors de sa naissance. Nous devons maintenant lui faire savoir que les règles ont changé et que la période qui était auparavant d'un an est maintenant de trois ans.

En outre, ce qui a changé, c'est qu'Elena et Lisa, les arrière-arrière-arrière-petits-enfants de Ken, ne peuvent plus demander la citoyenneté. Mais ils pourraient toutefois être parrainés à titre d'immigrants reçus.

M. Steve Mahoney: Joshua devrait donc résider au Canada pendant trois ans...

Mme Debra Pressé: Oui.

M. Steve Mahoney: ... et il le ferait vraisemblablement puisqu'il est le fils de Peter.

Mme Joan Atkinson: S'il vit à l'étranger, il peut décider de venir vivre au Canada pendant trois ans.

M. Steve Mahoney: Puis-je interrompre les délibérations et demander aux fonctionnaires de conclure leur exposé rapidement?

Je voudrais régler notre question de procédure pendant que nous avons le quorum. Il s'agit de notre étude article par article qui se tiendra la semaine prochaine. J'aimerais présenter une motion et la faire mettre aux voix, si possible.

Le président: La greffière me dit que nous avons le formulaire des remplaçants.

M. Steve Mahoney: Je comprends.

Le président: Je suppose que M. Mahoney sait à quel point le quorum est précieux. Il tente déjà depuis un certain moment...

Une voix: C'est lui, qui est précieux.

M. Steve Mahoney: La flatterie marche à tout coup.

• 1645

Le président: Allez-y, monsieur Mahoney.

M. Steve Mahoney: Je propose que nous tenions des audiences la semaine prochaine pour procéder à l'étude article par article de ce projet de loi le mardi 4 mai, de 15 heures 30 à 17 heures 30; le mercredi 5 mai, de 15 heures 30 à 20 heures; le jeudi 6 mai, de 9 heures à 20 heures—le déjeuner et le dîner seront servis et payés par le président, et les menus seront distribués mercredi.

Des voix: Oh, oh!

M. Steve Mahoney: Et le vendredi 7 mai, monsieur le président, que vous fassiez rapport du projet de loi à la Chambre.

Le président: Pourriez-vous répéter, je vous prie, afin que la greffière puisse prendre tout cela en note?

La greffière du comité: Si j'ai bien compris, l'étude article par article commencera le mardi 4 mai, de 15 heures 30 à 17 heures 30, n'est-ce pas?

M. Steve Mahoney: C'est exact.

La greffière: Puis, le mercredi 5 mai, de 9 heures...?

M. Steve Mahoney: Non, de 15 heures 30 à 20 heures.

La greffière: Et le jeudi?

M. Steve Mahoney: Jeudi, de 9 heures à 20 heures.

La greffière: Très bien. Puis, vendredi, le président fera rapport du projet de loi à la Chambre.

M. Steve Mahoney: C'est exact.

Le président: À condition que les dispositions prévoyant que les repas seront payés par le président... j'accepte la motion.

M. Steve Mahoney: Merci.

Le président: Soyons sérieux. La motion a été présentée.

Grant, voulez-vous commenter la motion?

M. Grand McNally: Si je peux présenter un amendement, je crois que nous devrions prévoir que, si nous avons terminé l'examen article par article avant vendredi... nous présumons que nous aurons terminé avant vendredi, avant que vous n'en fassiez rapport à la Chambre, n'est-ce pas?

Le président: Bien sûr, c'est ce qu'on doit conclure. Mais si je peux me permettre de donner des conseils au comité, nous devons aussi étudier le budget et entendre le témoignage de la ministre concernant le rapport de rendement. Comme président, je trouve difficile de passer ainsi d'un sujet à l'autre. En revanche, il est vrai que nous avons presque terminé notre examen du projet de loi. D'après moi, nous devrions avoir terminé l'étude article par article d'ici là.

M. Steve Mahoney: Monsieur le président, en guise de compromis, je propose d'amorcer les travaux à 9 heures jeudi et de poursuivre jusqu'à ce que nous ayons terminé l'étude article par article. Si nous devons siéger jusqu'à minuit ou plus tard, nous le ferons. L'objectif de cette motion, c'est de nous permettre de procéder à l'étude article par article la semaine prochaine et de faire rapport du Projet de loi vendredi. Si nous avons terminé avant 20 heures jeudi, tant mieux, sinon, nous prendrons le temps qu'il faut.

Le président: Est-ce que cela vous va? D'accord. Monsieur Mahoney a donc présenté sa motion.

M. Steve Mahoney: Dès 9 heures jeudi jusqu'à ce que l'examen soit terminé, et ce, afin de faire rapport à la Chambre vendredi. C'est en quelque sorte une disposition de temporisation.

Le président: Vous avez été saisis de la motion. Y a-t-il d'autre remarque sur la motion? Qui est pour la motion?

Des voix: Adopté.

Le président: Adopté à l'unanimité.

M. Grant McNally: Non, je suis contre.

Le président: Un contre.

La greffière: Sept voix contre une.

Le président: La motion est adoptée.

Y a-t-il autre chose avant que nous retournions à nos témoins? D'accord, nous retournons à nos témoins. Merci.

Mme Debra Pressé: Avant de parler de cette famille... Je dois rappeler—et le Comité central mennonite l'a mentionné aussi—qu'il y avait deux dispositions transitoires dans la loi de 1977, l'une traitant des personnes dont la naissance n'avait pas été enregistrée. Avant 1977, un enfant ne pouvait obtenir sa citoyenneté que par son père. Pour corriger cette situation discriminatoire, on a adopté une disposition transitoire—qui figure encore dans la loi actuelle—et qui stipulait que les enfants nés d'une mère canadienne entre 1947 et 1977 pouvaient demander un octroi spécial de la citoyenneté. Le projet de loi C-63 ne conserve pas cette disposition transitoire.

• 1650

Il y a donc deux catégories de gens—ceux qui sont nés d'un père, et qui n'ont jamais été enregistrés; et ceux qui sont nés d'une mère, qui n'ont jamais demandé l'octroi de la citoyenneté—et pour qui, s'ils n'ont pas encore fait cette demande, nous proposition que cette disposition transitoire ne soit pas remise en vigueur. Je dois aussi signaler qu'il s'agissait d'une disposition transitoire dont la durée d'application était de deux ans et qu'elle a été reconduite à maintes reprises.

M. Steve Mahoney: Pour ceux qui sont nés à l'étranger?

Mme Debra Pressé: Oui, pardon, il s'agit toujours des enfants nés à l'étranger.

M. Steve Mahoney: À titre d'exemple, si les parents sont revenus au Canada et que l'enfant est né ici, puis qu'ils sont retournés dans l'autre pays, cet enfant serait-il Canadien?

Mme Debra Pressé: Tout enfant né sur le sol canadien est Canadien.

M. Steve Mahoney: Je vois.

Le président: Avez-vous d'autres questions à poser aux témoins?

Mme Debra Pressé: Je vais passer au dernier point parce qu'il s'agit de la préoccupation qu'a exprimée le Comité central mennonite devant votre comité.

La dernière famille compte sept membres. Encore là il s'agit de personnes qui ont omis de demander la citoyenneté au départ, qui ne se sont pas enregistrées. Il y a une différence avec la famille Jamais, dans la mesure où ils n'ont jamais rien fait du genre. Wilhelm, bien sûr, est citoyen canadien. Gunther, qui est né à l'étranger, a fait ce qu'il était censé faire—il a enregistré la naissance, etc.—et il est citoyen. Cependant, la naissance d'Isaac n'a jamais été enregistrée, il n'était donc pas citoyen de naissance.

En 1977, on a adopté la disposition transitoire, qui permettait à Isaac de s'enregistrer lui-même comme adulte. De 1977 à aujourd'hui, Isaac ne s'est jamais enregistré lui-même comme Canadien. Jacob, son enfant, n'est pas citoyen parce qu'il est né d'un non-citoyen, et bien sûr, les enfants des générations qui le suivent sont également non-citoyens parce qu'ils sont nés de non- citoyens.

Voici donc une famille qui a deux citoyens canadiens, qui a des membres encore en vie, et des enfants qui ne sont pas encore nés et qui pourraient avoir droit à la citoyenneté si l'on permettait à Isaac de s'enregistrer—ou s'il s'enregistrait.

M. Steve Mahoney: C'est une distinction importante. On lui permet de s'enregistrer.

Mme Debra Pressé: Oui, aujourd'hui, en vertu de la disposition transitoire.

M. Steve Mahoney: Quand le fera-t-il?

Mme Debra Pressé: S'il le faisait aujourd'hui, il pourrait alors enregistrer automatiquement Jacob, et Wilma pourrait être enregistrée à sa naissance. Ensuite, Eva pourrait être enregistrée à sa naissance aussi.

M. Steve Mahoney: En vertu de la loi de 1977, en plus de l'enregistrement, ils seraient encore obligés de vivre ici pendant un an pour demander la citoyenneté.

Mme Debra Pressé: Oui, avant l'âge de 28 ans.

M. Steve Mahoney: Et le Comité central mennonite nous demande de laisser les choses telles quelles.

Mme Debra Pressé: Oui. C'est exactement ça. Le projet de loi C-63 n'a aucun effet sur leur citoyenneté, mais ce que ça change, c'est que la famille n'aura plus le droit de demander la citoyenneté en vertu de la naissance, et tous resteront donc des non-citoyens. Si l'un d'entre eux veut devenir citoyen canadien, il devra se soumettre aux formalités normales d'immigration.

M. Grant McNally: L'une des préoccupations exprimées par le CCMC, si j'ai bien compris, c'est que bon nombre des personnes qui feraient une demande en ce moment en vertu de ce processus intergénérationnel qui n'a pas de fin, ne pourront jamais obtenir la citoyenneté en se prêtant au processus normal tel que vous l'avez expliqué.

Mme Debra Pressé: Le processus d'immigration.

M. Grant McNally: C'est cela.

Mme Debra Pressé: Oui, c'est évidemment la préoccupation qu'a soulevé le comité mennonite, à savoir que le processus d'immigration... le système de points n'est peut-être pas...

M. Grant McNally: Alors pourquoi ne veut-on pas faire droit à leur demande?

Mme Debra Pressé: Le fait est que nous avons laissé la porte ouverte pendant 23 ans. Or il s'agissait d'une disposition transitoire. Combien de temps encore allons-nous garder la porte ouverte? Il s'agissait d'une disposition transitoire dans la loi de 1977, et elle ne figure pas dans ce projet de loi.

M. Grant McNally: Ce qui me préoccupe, c'est le fait qu'il s'agit de personnes qui ont un lien quelconque avec le Canada, de toute évidence parce qu'un membre de leur famille a été citoyen canadien à un moment quelconque. Et comme vous dites, la porte resterait ouverte. Je me demande si vous avez des chiffres exacts sur le nombre de personnes qui exercent ce droit ou qui passent par cette porte chaque année, ou du nombre de personnes à qui la porte sera fermée si l'on apporte ce changement.

• 1655

Mme Debra Pressé: On enregistre chaque année 9 000 bébés qui sont nés à l'étranger, qui sont à tout le moins la première génération née à l'étranger. On ne sait pas combien d'enfants de la deuxième génération sont nés à l'étranger parce qu'il n'existe pas de limite à l'heure actuelle. Donc, peu importe si vous êtes de la deuxième, troisième, quatrième ou cinquième génération. Quand nous savons que ces enfants sont de la deuxième génération, nous envoyons une lettre aux parents pour leur dire qu'ils risquent de perdre la citoyenneté.

M. Grant McNally: Combien d'entre eux reviennent chaque année? Combien profitent de cette porte ouverte?

Mme Debra Pressé: Combien reviennent?

M. Grant McNally: Oui. En fait, on fermerait cette porte pour toujours lorsque les limites de temps entreraient en vigueur. Est- ce qu'il y a beaucoup de gens qui reviennent au Canada et profitent de cette porte ouverte chaque année? C'est ça le problème?

Mme Debra Pressé: Pour ce qui est du nombre de personnes qui s'enregistrent tard, il y en a eu des milliers au début, après 1977, bien sûr. Puis le nombre est tombé à environ 500 à 600 par année.

M. Grant McNally: Il s'agit de personnes qui s'enregistrent, mais pour ce qui est des gens qui reviennent vraiment s'installer, est-ce qu'on a des statistiques sur le nombre de personnes qui reviennent chez nous pour profiter de la disposition de la loi de 1977?

Mme Debra Pressé: Pour la plupart des bébés nés à l'étranger, leurs parents vivent ici temporairement et ils reviennent—la plupart des enfants nés à l'étranger.

M. Grant McNally: Il n'y a donc pas de statistiques sur le nombre de personnes qui reviennent pour vrai? Parmi les enfants de la deuxième et de la troisième génération, ceux qui ont un lien avec le Canada et qui peuvent obtenir la citoyenneté, est-ce qu'on sait combien d'entre eux reviennent chaque année?

On ouvre la porte à ces gens. Je me demande combien de personnes seront touchées chaque année par ce changement.

Le président: Monsieur Sabourin, voulez-vous intervenir ici?

M. Norman Sabourin: Monsieur le président, si je comprends bien la question que l'on pose, on veut savoir combien de personnes ont actuellement le droit de s'enregistrer et qui, si le projet de loi C-63 entrait en vigueur—et on pense ici à la famille Jamais—n'auraient plus la possibilité de s'enregistrer. Aujourd'hui, le nombre de personnes qui s'enregistrent par année est d'environ 500 à 600. Dans ce groupe, il y a un nombre important de membres de la communauté mennonite, mais quant à savoir s'ils restent au Canada et y résident, nous ne le savons pas.

Le président: Monsieur Mahoney.

M. Steve Mahoney: Il s'agit ici d'enregistrement. Ce qu'on est en train de faire, en substance, c'est supprimer le droit à l'enregistrement. Si l'on conservait cette disposition mais qu'on obligeait ces personnes à rester ici trois ans, est-ce que ça ne réglerait pas le problème de l'engagement envers le Canada? Le parent enregistre l'enfant, et si l'enfant décide plus tard, à l'âge de 25 ans ou plus tard, qu'il veut vivre au Canada et devenir citoyen canadien, il devra vivre ici trois ans. Est-ce qu'on ne pourrait pas proposer comme compromis, au lieu de supprimer l'enregistrement et d'allonger la période d'un an à trois ans, de conserver l'enregistrement, et si le parent a la prévoyance d'enregistrer son enfant, cela donnerait à l'enfant l'option de vivre ici pendant trois ans, ce qui confirmerait son engagement envers le Canada?

Quand on y pense, pour faire une demande de citoyenneté de toutes façons, il faut résider dans notre pays trois ans sur cinq. Donc ça me semble aller. Il semble y avoir un lien dans la mesure où il s'agirait de trois années consécutives et non de trois ans sur cinq.

Vous avez donc une situation où vous êtes immigrant reçu et demandez la citoyenneté. L'une des règles dit qu'il faut vivre ici trois ans sur cinq pour y avoir droit. Vous n'êtes pas immigrant reçu, mais vous êtes le fils ou la fille d'un citoyen enregistré, et vous pouvez obtenir la citoyenneté en vivant ici pendant trois années consécutives, et non pendant trois ans sur cinq. Il me semble y avoir une certaine justice ici.

M. Greg Fyffe: Le comité pourrait évidement essayer diverses choses ici, mais le principe fondamental de la loi est que l'on veut que la citoyenneté témoigne de liens véritables avec le Canada, et il s'agit ici de communautés, et dans certains cas d'individus, qui ont en fait quitté le Canada et dont les enfants n'y sont jamais venus, et leurs enfants n'y reviendront probablement jamais, sauf en se prévalant d'un moyen technique pour revenir au Canada.

Ce qu'on essaie de faire, c'est établir un principe qui dit que la première génération née à l'étranger... et chose certaine, cela rejoint un tas de gens dont les parents se trouvaient par hasard à l'étranger et n'ont pas quitté le Canada du tout et y reviennent. Vous pourriez étendre cela à la génération suivante si ces gens prennent des mesures pour confirmer leur citoyenneté, mais soyons réalistes, dans quelle mesure les gens qui ont quitté le Canada pour plus d'une génération ont vraiment un lien avec le Canada, sauf un lien qui a beaucoup plus à voir avec l'opportunisme? C'est aussi un problème. Pourquoi reviennent-ils vraiment? Il s'agit de communautés qui ont quitté le Canada depuis des générations, ou dans certains cas de personnes qui sont allées s'installer aux États-Unis, qui se sont mariés là-bas, qui y sont restés et qui n'ont jamais eu le moindre lien avec le Canada. Dans le cas des personnes visées par la loi de 1977, elles ont eu 23 ans pour déclarer leur attachement au Canada.

• 1700

M. Steve Mahoney: Je dirais que si elles n'étaient pas préparées, je ne pense pas que la période de trois ans devrait être considérée comme une simple formalité. Trois ans, ça représente un engagement assez important parce qu'on déménage et on s'établit, on trouve un emploi et on fait tout cela, et il y a un lien. L'autre chose qui est intéressante, si l'on y réfléchit, c'est que si ces personnes reviennent pour trois ans et obtiennent la citoyenneté canadienne, en toute probabilité, elles risquent fort de rester ici, de se marier, et d'avoir des enfants qui deviendront automatiquement citoyens canadiens.

Donc on les écarte peut-être arbitrairement alors que le compromis, ou la suggestion raisonnable, consisterait à leur laisser la possibilité de s'enregistrer. Si elles ne s'enregistrent pas, alors elles perdent la citoyenneté, mais si on leur donne la possibilité de s'enregistrer et de se conformer à la loi en vivant ici trois ans, cela me semble être un compromis raisonnable.

Le président: Il y a autre chose que je crois avoir entendu du Comité mennonite, à savoir que l'on pourrait permettre ce que j'appellerais une autre mesure transitoire, ce qui maintiendrait en vigueur le principe que cette disposition n'est pas éternelle, et par ailleurs, avec cette nouvelle loi, lorsqu'elle entrera en vigueur, on pourrait donner à certains d'entre eux la possibilité... Pouvons-nous nous entendre sur une période de transition, pour ce cas particulier seulement, et dire que l'on permettra à ces personnes de s'enregistrer—et c'est le concept que proposait à l'origine M. Mahoney—mais en même temps, on en finirait avec l'idée de cette disposition éternelle qui donne à chacun le droit de s'enregistrer pour toujours? Est-ce qu'il y a une distinction entre les deux? Est-ce qu'il y a une différence dans la manière dont je viens de décrire le problème?

M. Norman Sabourin: Monsieur le président, je ne veux pas me prononcer sur le mérite qu'il y a à procéder d'une manière ou d'une autre.

Le président: Non.

M. Norman Sabourin: À mon avis, c'est entièrement justifiable. Pour ce qui est de l'enregistrement, ce que nous voulons faire, c'est dire qu'il y a eu 23 ans pour le faire et que la personne ne s'est toujours pas enregistrée, bien qu'elle soit née en 1950, 1952 ou 1955. Nous aimerions fixer une limite à la période au cours de laquelle on peut s'enregistrer. Le projet de loi C-63 stipule que, une fois la nouvelle loi entrée en vigueur, nous fixerons un délai pour l'enregistrement.

Nous avons travaillé d'arrache-pied avec le Comité central mennonite pour faire en sorte de traiter toutes les demandes que nous recevons avant l'entrée en vigueur du projet de loi C-63; ainsi, toute personne qui se présente aura la possibilité de s'enregistrer.

Le président: Oui, j'ai entendu dire la même chose aux fonctionnaires. Le Comité mennonite a proposé d'accorder un nouveau délai à ses membres pour effectuer une campagne de sensibilisation générale au sein de leurs collectivités. Si nous décidions de le faire, pour des raisons humanitaires, le groupe a proposé une période de cinq ans, ce qui est bien sûr un chiffre arbitraire. Cela pourrait être trois ans, voire deux. Cette période correspondrait à un effort intensif au-delà duquel le rendement serait très décroissant, et à ce moment-là la loi des rendements décroissants s'appliquera.

Le Comité mennonite a demandé qu'on puisse avoir jusqu'à cinq ans pour faire cette demande. Le comité n'a pas encore pris position. Je me réjouis que vous ayez expliqué au comité qu'il y a une distinction à faire entre une position et l'autre, car il y a un juste milieu. Au moins c'est plus clair à nos yeux maintenant. Il incombe aux membres du comité d'étudier la question de savoir si nous devons, dans le projet de loi, prévoir une durée moyenne ou maximale. Si l'on opte pour une durée moyenne, combien d'années—ce pourrait être un ou deux ans—constitueront une période de temps raisonnable? Je suis en train de penser tout haut, mais au moins vous avez tiré les choses au clair pour nous.

Oui, monsieur Sabourin.

M. Norman Sabourin: Si vous le permettez, monsieur le président, je tiens à signaler pour votre gouverne que les fonctionnaires du ministère rencontrent cette semaine des représentants du Comité central Mennonite, et notamment M. Janzen, pour examiner un plan de communication afin de contacter tous les membres de la communauté Mennonite et de leur faire savoir que le moment est venu d'envoyer leur demande d'enregistrement. Le ministère est donc déterminé à faire tout son possible pour informer les membres de cette communauté qu'ils doivent s'inscrire aujourd'hui.

• 1705

Le président: C'est une excellente initiative, cela va sans dire, car grâce à un effort intensif, cela peut représenter l'équivalent de cinq ans ou plus que si on laissait au comité proprement dit le soin de prendre cette initiative. Je pense qu'il nous faut donc suivre l'évolution de la situation. S'il vous est possible de tenir le comité au courant, nous vous saurions gré de nous informer des progrès réalisés dans le cadre des discussions conjointes portant sur l'élaboration des initiatives.

Monsieur Bryden.

M. John Bryden: Nous sommes en train d'avoir une petite conversation dont il convient peut-être de faire part au reste du comité. Je ne sais pas si vous pourrez y répondre, mais je sais que certaines communautés Mennonites se sont établies depuis très longtemps dans d'autres pays, notamment au Belize et aussi au Mexique. J'ai l'impression, et ce n'est qu'une impression, que certaines des communautés Mennonites ont été réticentes à l'idée de s'enregistrer, car l'enregistrement implique un engagement qu'elles ne sont pas nécessairement prêtes à prendre. Aux termes des règles actuelles, j'ai l'impression que ces groupes gagnent sur tous les tableaux. Ils peuvent renoncer à l'enregistrement jusqu'à ce qu'il s'impose, quand, de l'avis de M. Fyffe, une occasion opportuniste survient où ces gens-là ont besoin de trouver refuge au Canada.

Je tiens à signaler que c'est ce qui s'est passé récemment dans le cas du Mexique, où il y a eu certains problèmes de l'avis de la communauté Mennonite, ce qui les a obligés à revenir au Canada, ou à partir au Canada—car nous ne sommes même pas certains qu'il s'agisse d'un retour—ou à Belize. Je voulais simplement signaler que je compatis avec les fonctionnaires à ce sujet car je suis convaincu qu'il ne faut pas considérer la citoyenneté de façon opportuniste. Tant que l'on offrira aux Mennonites, où qu'ils demeurent, la possibilité d'exercer leur droit de s'inscrire, avant l'entrée en vigueur du projet de loi C-63, je pense que le gouvernement aura rempli ses obligations.

Le président: Si vous le permettez, Andrew, je vais donner la parole à Sophia.

Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Merci, monsieur le président.

J'ai l'impression qu'un grand nombre de citoyens canadiens sont mal informés ou ne se rendent pas compte des privilèges dont ils jouissent, le fait que leurs enfants deviennent automatiquement... Il n'y a pas que les Mennonites. Je pense à d'autres personnes, d'origines et de races différentes. Elles se réjouissent de votre suggestion. S'il faut trouver une nouvelle façon de communiquer... cela représente évidemment du travail supplémentaire. Dans l'intervalle, pour empêcher cette perte, je pense que bon nombre de Canadiens ont été fiers de ce patrimoine. Et compte tenu du manque d'information, voire de la désinformation, si cela peut s'appliquer à d'autres groupes, et pas simplement aux Mennonites et aux nombreuses personnes originaires d'Asie—les gens ne sont pas toujours bien informés. Nous pouvons donc empêcher que ce genre de choses ne se reproduisent. Cela protégera tous les Canadiens. C'est une mesure souhaitable.

Le président: Merci, Sophia.

Monsieur Telegdi.

M. Andrew Telegdi: Monsieur le président, je pense que la suggestion faite par M. Mahoney a reçu un accueil très favorable, de sorte que lorsque nous passerons à l'étude article par article la semaine prochaine, nous en discuterons. Je constate qu'on fait front commun de l'autre côté de la table. Je ne voudrais pas être présomptueux, mais...

Le président: Venons-en à la question de l'adoption. Mme Atkinson, on a plus ou moins annoncé que vous étiez l'experte en la matière. S'agissant de la question de l'application de la loi à des cas survenus avant l'adoption et après l'adoption de la loi, mais dans des cas où les enfants avaient déjà été adoptés avant que celle-ci n'entre en vigueur, est-ce qu'il risque d'y avoir une application inégale de la loi?

Mme Joan Atkinson: Si je comprends bien votre question, vous me demandez ce qu'il advient des enfants adoptés avant l'entrée en vigueur du projet de loi C-63. En fait, je ne suis pas l'experte en matière d'adoption, et il va me falloir demander à mon collègue M. Sabourin de répondre à cette question.

Le président: Monsieur Sabourin, désolé d'avoir douter de vos compétences.

M. Norman Sabourin: Mme Atkinson et moi-même nous sommes penchés très attentivement sur ce dossier qui est très complexe. Pour ma part, je suis plutôt au courant de ce que les tribunaux nous ont dit quant aux distinctions à faire entre les enfants naturels et les enfants adoptés. En vertu du projet de loi C-63, le gouvernement essaye de mettre un maximum de personnes qui ont été adoptées par des citoyens canadiens au même niveau que celles qui sont nées de citoyens canadiens. Nous le faisons en nous assurant que toute personne adoptée par un citoyen canadien, lorsque l'adoption était légitime et conforme à la législation en vigueur dans le pays de résidence du parent et dans celui où a eu lieu l'adoption, que cet enfant, ou les parents au nom de l'enfant, pourra faire une demande de citoyenneté.

• 1710

Je signale que, à l'article 8 du projet de loi C-63, nous proposons d'accorder ce droit pour les demandes présentées après l'entrée en vigueur du projet de loi, mais lors de nos discussions avec nos conseillers juridiques, nous envisageons—et nous en ferons part à votre comité—de retourner en arrière et d'accorder ce droit à des personnes qui ont été adoptées par le passé par des citoyens canadiens à l'étranger.

Le président: Merci de ce renseignement et de cette initiative éventuelle.

La deuxième question, qui porte également sur l'adoption, est la suivante: qui va prendre les décisions sur ces cas-là à l'étranger? Est-ce que ce seront les agents des visas, ou une autre catégorie d'agents, qu'on pourrait appeler agents de citoyenneté?

Madame Atkinson.

Mme Joan Atkinson: Merci, monsieur le président. Je peux répondre à cette question.

Si je pouvais lire entre les lignes, vous voulez peut-être savoir qui connaît et comprend assez bien les lois d'adoption des pays étrangers. Comme vous le savez, dans le contexte de l'immigration, ce sont les agents des visas qui évaluent les demandes qui leur sont soumises par des citoyens canadiens ou des résidents permanents à l'égard d'enfants qui ont été adoptés à l'étranger.

Nous consultons actuellement le ministère des Affaires étrangères, qui est responsable des activités consulaires à l'étranger qui intéressent les citoyens canadiens, y compris les questions relatives à la citoyenneté qui doivent être réglées sur place, à l'étranger. Il serait donc logique, étant donné qu'ils ont une certaine expérience de l'adoption internationale à l'étranger, que les agents des visas s'occupent des cas d'adoption en vertu de la Loi sur la citoyenneté, et c'est ce que nous nous proposons de faire.

Le président: Vous admettez que ce sont ces agents qui possèdent les compétences en la matière; en cas de différends, de refus, il doit y avoir une possibilité d'appel, et qui entendra les appels? D'après ce que je comprends, ces cas seront soumis à une révision judiciaire.

Mme Joan Atkinson: C'est exact.

Le président: A-t-on envisagé de renvoyer ces causes devant la Commission d'appel de l'immigration?

Mme Joan Atkinson: Nous savons que certains témoins que vous avez entendus ont soulevé la question des appels dans les cas d'adoption refusée. Le recours à la Commission d'appel de l'immigration pose un problème en ce sens qu'il s'agit d'une loi différente. La Loi sur la citoyenneté permet une révision judiciaire devant la Cour fédérale. Ainsi, si un agent de la citoyenneté oppose une fin de non-recevoir dans le cas d'une adoption, les parents adoptifs peuvent interjeter appel devant la Cour fédérale et demander une révision judiciaire. Comme vous le savez, le projet de loi C-63 ne renferme aucune disposition relative à un appel du genre.

Le président: Est-ce que les députés ont d'autres questions?

Grant.

M. Grant McNally: Avez-vous parlé du véritable lien? Je suis désolé, j'étais absent.

Le président: Oui, plus tôt. Vous voulez peut-être continuer dans cette voie. Allez-y.

M. Grant McNally: Je me demandais simplement, l'alinéa 8(b)(ii) au sujet de l'adoption parle de «l'adoption ayant créé un véritable lien de filiation entre l'adopté et l'adoptant»... Je sais que des témoins ont déjà exprimé des réserves quant à la façon de déterminer s'il existe un lien véritable et quant aux pouvoirs discrétionnaires qui sont délégués à cette fin. Je me pose des questions sur le bien-fondé de cet article. Qui va prendre cette décision? Peut-être en avez-vous déjà parlé.

Le président: C'est une bonne question.

Mme Joan Atkinson: Si vous me le permettez, monsieur le président, j'aimerais répondre à cette question.

• 1715

D'entrée de jeu, il faut dire que l'adoption internationale vise avant tout à donner une famille à l'enfant, et non à donner à l'enfant la citoyenneté ou le statut de résident permanent, selon le cas dans le contexte de l'immigration.

L'autre élément qu'il faut reconnaître en matière d'adoption, c'est que les liens avec les parents biologiques devraient être rompus. Encore une fois, si le but de l'adoption est de donner une famille à l'enfant, l'enfant quitte essentiellement sa famille biologique pour intégrer une nouvelle famille.

Conformément à nos obligations internationales en vertu de la Convention de la Haye sur l'adoption internationale, nous devons protéger les meilleurs intérêts de l'enfant et nous assurer qu'un véritable lien de filiation est crée entre l'adopté et l'adoptant. Dans le contexte de la loi concernant la citoyenneté, nous voulons nous assurer que les adoptions sont réalisées conformément à nos obligations en vertu de la Convention de la Haye, c'est-à-dire en essayant de s'assurer que l'adoption est dans l'intérêt de l'enfant, en ce sens qu'elle lui procure une nouvelle famille, et qu'elle ne sert pas uniquement à lui accorder la citoyenneté canadienne.

Donc, pour ce qui est de la création d'un véritable lien de filiation, nous devons examiner les circonstances entourant l'adoption et nous assurer qu'elle est authentique.

M. Grant McNally: Qui procède à cet examen? Vous affirmez que nous voulons examiner les faits, mais qui est chargé de le faire? Que doivent-ils examiner? Sur quels critères se base-t-on pour déterminer si le lien de filiation est véritable? Il me semble que c'est très vague.

Mme Joan Atkinson: Nous nous reportons à cet égard aux dispositions de la Loi sur l'immigration qui interdisent les adoptions pour la forme. L'Agent des visas établit si l'adoption était authentique et si elle crée un véritable lien entre le parent et l'enfant. Il s'assure autrement dit que l'adoption n'a pas été faite simplement pour permettre à l'enfant d'obtenir le statut de résident au Canada. Dans le cadre de la Loi sur la citoyenneté, les agents de la citoyenneté s'assurent également que les adoptions ont été faites de bonne foi et qu'il ne s'agit pas d'adoptions pour la forme.

Le président: En vertu de quel principe la décision d'un agent des visas ou d'une autre personne compétente peut-elle se substituer à la décision d'un tribunal? Comment concilions-nous le fait que nous nous en remettons à la décision d'une personne qui n'est pas tenue de respecter les règles rigoureuses gouvernant la preuve lorsque ce sont les tribunaux qui régissent l'adoption dans le pays d'origine de ces enfants?

Mme Joan Atkinson: On traiterait ce genre de relations dans le cadre de la Loi sur l'immigration comme nous traitons d'autres relations comme celles du mariage. Un mariage peut avoir été dûment contracté dans un autre pays, mais il n'en demeure pas moins que l'agent des visas, en vertu de la loi actuelle, est habilité à établir s'il s'agit d'un mariage pour la forme conclu dans le seul but d'obtenir que quelqu'un soit admis au Canada en vertu de la catégorie de la famille.

Dans le contexte des adoptions internationales, comme nous le faisons actuellement dans le domaine de l'immigration, un agent de la citoyenneté établira si la relation créée aux termes d'une loi d'un pays étranger, visait un autre but que celui de donner une famille à un enfant.

Il y a un autre facteur dont nous devons aussi tenir compte dans ce contexte. La Convention de la Haye sur l'adoption internationale nous oblige à nous assurer que les personnes qui donnent en adoption un enfant ne tirent pas un avantage excessif de cet acte.

Il s'agit ici de prévenir le trafic et le rapt d'enfants qui surviennent à l'occasion lors des adoptions internationales. Nous devons veiller à ce que les parents biologiques ont donné leur consentement à l'adoption le cas échéant et que cet enfant n'a pas été vendu ou fait l'objet d'un trafic.

• 1720

L'agent des visas dans le contexte actuel et l'agent de la citoyenneté dans le nouveau système doivent donc tenir compte d'un certain nombre d'autres facteurs, outre celui de la définition juridique de l'adoption, pour s'assurer que cette adoption est dans le meilleur intérêt de l'enfant.

Le président: Monsieur McNally, avez-vous d'autres questions à poser?

M. Grant McNally: Non.

Le président: J'aimerais poursuivre un peu sur le même sujet. Je crains toujours la possibilité d'abus. Voilà pourquoi j'insiste sur la question. Je comprends qu'il s'agit d'une question très vaste. Par ailleurs, nous voudrions faire respecter certains principes de droit. J'ai une formation de pédiatre, et à mon avis, je crois que seules les personnes ayant la formation voulue comme un pédiatre, un conseiller ou un spécialiste du domaine de la santé, peuvent établir s'il existe vraiment une relation véritable entre un parent et un enfant. Je reviens à la question que posait M. McNally. Comment pouvons-nous assurer que cette décision est prise par quelqu'un qui possède la formation voulue?

Mme Joan Atkinson: Il convient d'abord de reconnaître que nous n'intervenons pas seuls dans le domaine de l'adoption. Comme je suis sûr que vous le savez tous, l'adoption est un domaine de compétence provinciale. Nous collaborons donc avec les provinces pour établir si l'adoption est dans le meilleur intérêt de l'enfant visé. Nous collaborons également avec les provinces à la modification de la Loi sur la citoyenneté étant donné que l'adoption internationale est un domaine qui les intéresse évidemment de près. Nous consultons donc les spécialistes de l'aide à l'enfance dans les provinces pour nous assurer que les enfants auxquels nous accordons la citoyenneté canadienne ont bien été adoptés selon les règles établies.

Quant au rôle actuel des agents des visas et au rôle que joueront désormais les agents de citoyenneté, permettez-moi de vous donner quelques exemples de cas où les agents des visas cherchent actuellement à établir s'il s'agit d'une adoption authentique dans le dessein de donner une famille à un enfant.

Prenons le cas d'un enfant de 17 ou de 18 ans qui vit avec sa famille biologique. Supposons que cet enfant qui n'est pas maltraité ou négligé par sa famille soit adopté par un oncle, un cousin ou un autre membre de sa famille vivant au Canada. Supposons que l'adoption ait eu lieu il y a un certain temps et que l'enfant continue de vivre avec sa famille biologique. L'agent des visas se demandera si l'adoption a été faite pour créer une nouvelle relation parent-enfant ou pour d'autres raisons comme celle de permettre à l'enfant de venir au Canada pour faire ses études ou pour obtenir des soins de santé. Même si ces raisons peuvent être considérées comme des raisons valables pour faire venir un enfant au Canada, on ne peut pas vraiment dans ce cas parler d'une adoption authentique.

Le président: Oui, mais il s'agit d'une situation sans issue. Dans ce cas, l'enfant n'a pas pu venir au Canada parce qu'un visa lui a été refusé. Il lui a donc été impossible de rompre les liens avec ses parents biologiques. On pourra donc toujours invoquer ce fait pour dire qu'il n'y a pas eu d'adoption véritable parce qu'on lui a refusé la possibilité de quitter ses parents biologiques. Comment concilier ces points de vue contradictoires?

Mme Joan Atkinson: Nous nous reportons au document qui porte sur la relation. Vous avez raison de dire qu'il est peut-être impossible à l'enfant de demeurer avec ses parents adoptifs au Canada. Les parents adoptifs sont au Canada et l'enfant est dans son pays d'origine. L'agent se reportera alors aux documents qui prouvent qu'il y a une relation entre les parents adoptifs et l'enfant. Il cherchera à établir quelles ont été les communications entre l'enfant adopté et ses parents adoptifs. Il cherchera également à établir si les parents adoptifs ont subvenu aux besoins de l'enfant qui vit dans son pays d'origine. Il y a donc d'autres façons d'établir si un lien véritable a été créé entre les parents adoptifs et l'enfant qu'ils ont adopté.

Le président: Il nous reste une demi-heure, mais je peux lever la séance maintenant si personne n'a plus d'autres questions à poser.

• 1725

M. Grant McNally: Nous pouvons poser des questions sur n'importe quel sujet, n'est-ce pas?

Le président: Oui, pourvu qu'il se rapporte au projet de loi.

M. Grant McNally: Évidemment.

Le président: Allez-y, Grant.

M. Grant McNally: Excusez-moi si je vous pose une question que vous avez peut-être abordée dans votre exposé d'hier.

Certains groupes ont attiré notre attention sur le fait que le projet de loi accorderait de nouveaux pouvoirs discrétionnaires au ministre. Le paragraphe 27(2), dont le libellé est repris ailleurs dans le projet de loi, énonce:

    Dès que la déclaration est faite, toute demande de l'intéressé pour l'attribution ou la répudiation de la citoyenneté, ou la réintégration dans celle-ci, est réputée rejetée par le ministre.

C'est en fait les dispositions du paragraphe 27(3) qui suscitent des préoccupations:

    La déclaration est définitive et obligatoire et, malgré toute autre loi fédérale, n'est susceptible ni d'appel ni de contrôle judiciaire.

Des gens nous ont dit—et vous en avez peut-être discuté l'autre jour—qu'ils considèrent que cela pourrait faire l'objet d'une contestation en vertu de la Constitution quant à savoir si ce type de pouvoir discrétionnaire sans appel peut être même prévu par un projet de loi. Quelqu'un d'autre a-t-il déjà soulevé cette préoccupation?

Le président: Non.

M. Grant McNally: Très bien, alors je vais le faire. Je pense que cela figure dans certaines autres dispositions du projet de loi également. Je pense que cela a été signalé par le Conseil canadien pour les réfugiés lorsqu'ils ont comparu devant nous.

Le président: Oui, je crois que c'était le Conseil canadien pour les réfugiés qui a soulevé cette question.

M. Grant McNally: Oui. Je me demande ce que vous en pensez et ce que vous répondriez au conseil, qui considère que ce projet de loi accorderait au ministre de vastes pouvoirs discrétionnaires, pour reprendre l'expression utilisée par le conseil.

Le président: Monsieur Sabourin.

M. Norman Sabourin: Je vous remercie, monsieur le président. Je pense que la disposition dont on vient de parler fait partie d'une série de dispositions aux articles 23 à 27 du projet de loi, qui traitent de sécurité nationale. Il s'agit de toute évidence d'un aspect de la législation au Canada qui est très délicat et très difficile. Les questions de sécurité nationale sont toujours assez épineuses. C'est pourquoi dans la plupart des lois les activités ayant trait à la sécurité nationale et sûrement les activités du Service canadien du renseignement de sécurité sont soumises à l'examen du Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité.

Les articles 23 à 27 du projet de loi qui se trouve devant vous traduisent en majeure partie les dispositions de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité. Ils répètent ou adaptent en grande partie les dispositions de la loi en question à des fins de citoyenneté. Autrement dit, la loi vise à assurer que le gouverneur en conseil dispose de pouvoirs lui permettant de déclarer qu'une personne ne peut pas devenir citoyen parce qu'elle représente une menace pour la sécurité du Canada. C'est l'objectif de la loi. Donc, pour le faire, essentiellement on prend les dispositions de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité et on incorpore le processus prévu dans cette loi pour déterminer ce qui constitue une menace à la sécurité du Canada et qui est visé par cette définition.

M. Grant McNally: Ce que l'on craint, c'est qu'un groupe de gens ne décident de l'admissibilité ou de la non-admissibilité d'une personne, ou dans ce cas-ci de l'octroi de la citoyenneté, et que les gens touchés par cette décision n'aient aucun droit d'en appeler ou de savoir pourquoi on leur a refusé la citoyenneté. N'êtes-vous pas d'accord?

M. Norman Sabourin: Le projet de loi se trouve en fait à incorporer certaines mesures de protection, et ces mesures sont celles qui existent dans la loi actuelle. Si le ministre en arrive à la conclusion qu'une personne peut représenter une menace pour la sécurité du Canada, il doit alors présenter un rapport à cet effet au Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité. Mais le ministre doit également communiquer l'existence de ce rapport à la personne concernée.

• 1730

Une fois qu'il est saisi de la question, le comité de surveillance a un grand nombre d'obligations, en vertu de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, envers cette personne. Je pense que...

M. Grant McNally: Désolé de vous interrompre. Donc ce mécanisme existe au sein du comité de surveillance. La personne qui fait l'objet d'un examen est-elle au courant de cette information?

M. Norman Sabourin: Je dirais que c'est l'aspect auquel s'opposent habituellement certains groupes, à savoir que le principal intéressé n'est peut-être pas mis au courant de toutes les questions soumises à l'attention du comité de surveillance.

M. Grant McNally: Et c'est en fait, d'après ce que je peux comprendre, ce qui préoccupe ce groupe: qu'il existe certainement des mécanismes pour vérifier l'information examinée par le comité de surveillance, mais que les personnes mêmes qui font l'objet de l'examen n'ont pas pleinement accès à cette information et n'ont pas de mécanisme leur permettant d'avoir accès à cette information ou de faire appel par l'intermédiaire d'une instance indépendante, qu'il s'agisse d'un juge ou d'une autre partie qui examinerait l'information au grand jour et rendrait une décision. C'est une préoccupation qui a été exprimée, et cette disposition ne me semble pas y donner suite.

M. Norman Sabourin: Eh bien, j'aimerais bien souligner qu'évidemment toutes les décisions qui sont prises, soit par le ministre d'abord, soit ensuite par le comité de surveillance, et enfin par le gouverneur en conseil, sont sujettes à révision judiciaire. Donc, même s'il n'y a pas...

M. Grant McNally: La révision judiciaire est fort différente de l'appel.

M. Norman Sabourin: Oui.

M. Grant McNally: La révision judiciaire ne fait qu'étudier les mérites du cas lui-même; on ne cherche pas à savoir s'il y a de nouveaux renseignements ou des renseignements qui manquaient pour asseoir la décision. Nous devons le signaler aux fins du compte rendu: la révision judiciaire, en somme, c'est bien beau, et c'est quelque chose que les membres de ce comité peuvent appuyer, mais c'est très différent d'un appel lorsqu'une personne a l'occasion de présenter son cas, et peut-être même de présenter de nouveaux renseignements qui n'étaient pas disponibles au moment où la première décision a été prise, par exemple des documents en provenance du pays d'où elle vient, ou même d'autres renseignements. Lorsqu'il s'agit d'une révision judiciaire, ce n'est pas admissible en preuve quand il s'agit de maintenir ou de changer la décision.

M. Norman Sabourin: Je comprends fort bien ces préoccupations, et on pourra croire, dans ce que je vais dire, que j'invoque la loi du moindre effort, mais ce n'est pas le cas.

Ce que l'on trouve dans ces propositions sur la citoyenneté ainsi que dans la loi actuelle, comme je l'ai dit, ne fait que refléter les dispositions qui existent déjà en matière de sécurité nationale au Canada. Il existe donc cette procédure exceptionnelle où les conseillers privés, les gens qui sont au courant des secrets du Conseil des ministres, font partie du Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité, et ce comité, de par sa loi constitutive, a la responsabilité d'étudier les renseignements dont on le saisit et qui ne devraient pas être rendus publics parce que cela serait préjudiciable à l'intérêt national.

Je comprends que ce domaine du droit est difficile et parfois controversé, mais le projet de loi sur la citoyenneté ne fait ni plus ni moins que répéter et refléter cette procédure qui existe déjà pour tout ce qui s'appelle question de sécurité nationale au Canada.

Le président: Si vous me le permettez, Grant, à ce même propos, la loi actuelle stipule que le rapport sera remis à la personne en même temps que le rapport est rendu, ou dès que cela se fait. Cependant, d'après le projet de loi, cela se fera quand le comité de surveillance le jugera à propos, ce qui, évidemment, échappe au contrôle de quiconque. Je pourrais fort bien décider qu'il n'est pas à propos, pour moi, de vous remettre le rapport d'ici à la fin des temps. Avec un peu d'imagination, on voit où cela pourra mener.

Comment cela répond-il aux critères de justice naturelle, puisque la loi est nulle et non avenue dès sa date d'adoption à cause de ce déni de justice naturelle? J'ai un peu peur de ce changement d'intensité. Comme Grant le disait, une révision judiciaire, c'est une révision si vous vous conformez aux lois. Mais si la loi change, dans le sens où on l'étudie maintenant, alors le juge pourrait fort bien décider qu'on observe la lettre de la loi parce que le comité de surveillance a décidé qu'il n'est pas encore à propos de faire connaître sa décision. Et cela, jusqu'à la fin des temps. Comment fait-on pour concilier ces contradictions? Je crois que c'est l'inquiétude qu'a soulevée un des témoins.

M. Norman Sabourin: Monsieur le président, peut-être serait-il utile que je décrive maintenant les deux étapes à suivre pour lancer la procédure au niveau de ces questions de sécurité nationale.

Le président: S'il vous plaît.

• 1735

M. Norman Sabourin: Tout d'abord, le ministre doit décider qu'il y a une question de sécurité nationale. Le ministre doit communiquer avec la personne en question dans les dix jours suivant la date du rapport. Cette personne sait donc qu'il existe un rapport à son propos et que le ministre responsable de la citoyenneté croit que cette personne représente une menace pour la sécurité du Canada.

Le président: À ce propos, si vous me permettez une brève interruption, monsieur Sabourin, les témoins ont-ils raison de dire que la réception de ce rapport doit être définitive—en d'autres termes, sous pli recommandé, ou quelque chose de ce genre? En d'autres termes, on peut présumer qu'il a été envoyé, mais s'il n'y a pas eu réception du document, alors le geste présumé n'a pas été accompli. Cela se trouve-t-il dans la loi comme telle? Voilà la question que posaient les témoins.

M. Norman Sabourin: Monsieur le président, je suis à la Citoyenneté depuis dix ans seulement, et j'ai quand même une mémoire assez considérable de l'organisation, et je crois que depuis 1977 deux ministres seulement ont fait des déclarations aux termes des dispositions sur la sécurité nationale. Dans chaque cas, un huissier avait été embauché pour livrer personnellement l'avis à l'intéressé. En effet, nous comprenons à quel point il est important de communiquer avec l'intéressé.

Le président: Excellent, c'est noté.

M. Greg Fyffe: Monsieur le président, puis-je ajouter quelque chose?

Dans n'importe quelle loi, tout ce qui touche à la sécurité pose un problème particulier, car on essaie de trouver un point d'équilibre entre les nécessités de la sécurité et les autres droits fondamentaux. Dans certains cas, dont le nombre est assez limité, on peut craindre que le fait de révéler l'information ne révèle sa source. Si l'intéressé pose vraiment un problème de sécurité, le problème s'aggrave encore lorsqu'on révèle la source. C'est la raison pour laquelle dans de tels cas—et nous espérons qu'ils soient rares—il faut trouver un compromis.

Le président: Mais il est rassurant d'entendre, même si c'est seulement pour notre procès-verbal, que vous vous souvenez de deux cas seulement. Autrement dit, par le passé, au Canada, on a exercé son pouvoir discrétionnaire très judicieusement. En tout cas, nous avons l'occasion de noter cette information.

Vous voulez ajouter quelque chose à ce sujet?

M. Norman Sabourin: Je pense que M. Fyffe a bien fait le tour de la question. J'allais dire que l'étape suivante intervient lorsque le comité de surveillance est saisi de l'affaire. C'est la raison pour laquelle les membres du Conseil privé sont les seuls à pouvoir siéger à ce comité. En effet, c'est à eux de prendre cette décision très difficile: faut-il communiquer ou pas l'information à l'intéressé?

Le président: Je suis content de ne pas être avocat.

Monsieur McNally, d'autres questions?

M. Grant McNally: Oh, monsieur le président, j'ai beaucoup de questions...

Le président: Monsieur Telegdi, vous avez d'autres questions?

M. Grant McNally: ... par où voulez-vous que je commence?

M. Andrew Telegdi: Je veux seulement m'associer à vos inquiétudes en ce qui concerne l'avis. Les pouvoirs en question sont tellement énormes qu'il faut s'assurer que les choses ne déraillent pas. Certaines personnes nous ont dit qu'elles voudraient voir une garantie que l'intéressé aura reçu l'avis.

Le président: Une des questions qui ont été soulevées—je ne sais pas si c'était hier—par l'un de mes collègues porte sur le serment et la référence à Dieu. Aujourd'hui nous avons un distingué président de la Chambre des communes qui, à propos de ce que j'appellerais l'éthique de la conscience, parle d'un esprit humain suprême qui l'emporte sur les intérêts nationaux. Mais la question demeure: comment réglons-nous cela?

Comme vous le savez peut-être, la Constitution du Canada mentionne Dieu dans le préambule de la Charte des droits et libertés. Autrement dit, dans leur sagesse les Canadiens ont jugé bon de le mentionner dans notre instrument légal le plus fondamental et le plus suprême. Comme le serment parle de défendre ou de sauvegarder les droits du pays—je ne sais pas exactement quels sont les termes—est-ce qu'il ne faudrait pas mentionner également la Constitution du pays, puisque c'est un document légal fondamental? Monsieur Sabourin, qu'en pensez-vous?

M. Norman Sabourin: Monsieur le président, je pense que c'est à ce comité de décider de la sagesse qu'il y a à inclure ou à ne pas inclure ces termes.

• 1740

Le président: Je vous remercie du défi que vous nous posez.

Est-ce que les membres du comité ont d'autres questions?

M. Grant McNally: J'ai d'autres questions.

Le président: D'autres questions, très bien.

M. Grant McNally: Certaines vous auront peut-être été posées hier.

J'essaie de trouver la partie du projet de loi... Nous avons entendu un témoin exprimer les mêmes préoccupations au sujet de la question des conjoints de même sexe, mais je ne me souviens pas de quelle disposition précise il était question.

Le président: Vous parlez des personnes qui vivent à l'étranger aux fins de la loi—l'article 6?

M. Norman Sabourin: Le paragraphe 6(2), monsieur le président, ainsi que le pouvoir de réglementation prévu à l'alinéa i) de l'article 43.

M. Andrew Telegdi: À titre d'information, monsieur le président, je ne sais pas si M. McNally était présent lorsque nous en avons discuté, mais M. Bryden a proposé une modification à ce sujet. Il a proposé, dans les cas où il existe un état d'interdépendance, par opposition...

M. Grant McNally: Oui, je m'en souviens plus ou moins.

Sommes-nous à la page 4?

M. Norman Sabourin: Au paragraphe 6(2), page 4, et le pouvoir de réglementation relatif à ce paragraphe se trouve à l'alinéa i) de l'article 43.

M. Grant McNally: Vous dites que c'est le sous-alinéa 43(v): «la recherche dans les dossiers mentionnés au sous-alinéa (iii) et la fourniture ou la production de documents dans le cadre de cette recherche». Non.

M. Norman Sabourin: Si vous parlez de «conjoint», il faut se reporter à l'alinéa 43i), qui se trouve au tiers inférieur de la page.

M. Grant McNally: Très bien, je vois: «définir qui est un conjoint pour l'application de la présente loi». Bien; cela sera-t- il défini dans le règlement plutôt que dans le projet de loi? Il est évident que les règlements ne sont pas encore rédigés; ils sont encore en cours d'élaboration.

M. Greg Fyffe: Oui, ils sont en cours d'élaboration.

M. Grant McNally: Très bien. J'aimerais savoir pourquoi, au lieu de définir ce terme dans la loi même, on veut le faire dans le règlement. Une loi fait l'objet d'un examen minutieux, de toute évidence, par le comité et en présence des fonctionnaires. Pour les règlements, il n'y a pas d'examen aussi détaillé de la part du public. Je me demande donc pour quelle raison il a été décidé de définir «conjoint» dans le règlement. C'est une préoccupation qu'avait exprimée un de nos témoins également. Quelle est la définition? Et s'il doit s'agir d'une définition différente, qui englobe les conjoints de même sexe, pourquoi ne se trouve-t-elle pas dans le projet de loi, de façon à ce qu'on puisse en discuter?

M. Greg Fyffe: La réponse générale à cette question, c'est qu'il existe un grand nombre de lois fédérales qui font actuellement l'objet de contestations juridiques à cause de cette question même. Tous les ministères qui étudient actuellement un texte de loi dans lequel il est fait la moindre allusion à la définition de «conjoint», une définition de portée plus vaste, sont aux prises avec le problème de cette définition. L'obligation juridique n'est pas claire pour le moment, pas plus que l'initiative globale que le gouvernement souhaite prendre pour adopter une politique uniforme qui s'applique à tous ces textes de loi. Par conséquent, le gouvernement préfère s'accorder en l'occurrence une certaine marge de manoeuvre.

Il est fort possible que cela débouche sur une initiative qui porte sur plusieurs projets de loi en même temps, mais il ne nous paraît pas possible pour le moment de donner une définition précise, car celle-ci doit être compatible avec toutes les autres lois touchées par cette question.

M. Grant McNally: Lorsqu'on en arrive à l'étape de la réglementation, comment les choses se passent-elles? Il va sans dire que le règlement découle de ce projet de loi et de la mise en vigueur des véritables... Certains soutiennent que les règlements sont encore plus importants que le projet de loi proprement dit, car c'est en vertu des règlements que se fait l'application de la loi. Comment va-t-on donc procéder pour établir cette définition?

• 1745

M. Greg Fyffe: Nous allons préparer la définition de concert avec le ministère de la Justice, tout en tenant compte de la politique gouvernementale qui doit s'appliquer à tous les projets de loi. Le règlement sera ensuite élaboré et franchira évidemment toutes les étapes de la publication préalable.

M. Grant McNally: Autrement dit, les fonctionnaires du ministère de l'Immigration et vous-mêmes allez consulter les fonctionnaires du ministère de la Justice pour voir si le libellé est compatible avec celui d'autres règlements s'appliquant à d'autres lois.

M. Greg Fyffe: Le problème, c'est que même si la question est la même dans tout le secteur du gouvernement—quelle est l'incidence des décisions du tribunal concernant les conjoints de même sexe et autres types de rapports?—le libellé et la portée de celui-ci ne sont pas les mêmes. Dans un ministère, cela pourra vouloir dire «survivant», dans un autre «conjoint», et dans un autre encore il peut être évident qu'il existe un rapport. Dans un autre projet de loi, comme la Loi sur l'immigration, il se pourrait que ce soit l'existence même de cette relation qui soit en cause. C'est donc assez complexe lorsqu'on essaye d'adopter quelque chose qui puisse s'appliquer à un certain nombre de lois portant sur la question, mais vue sous des angles tout à fait différents.

M. Grant McNally: De toute évidence, on pourrait résoudre le problème si le gouvernement décidait de rendre une décision cohérente à l'égard de cette définition, décision qui s'appliquerait ensuite à tous les textes de loi, ce qui éviterait de passer par le processus de réglementation.

M. Greg Fyffe: Il ne s'agit pas tant d'une décision que d'un libellé qui tienne compte des exigences des décisions auxquelles nous avons affaire.

M. Grant McNally: Très bien. Je ne sais pas si quelqu'un d'autre a une question à poser à ce sujet.

Le président: Monsieur Telegdi.

M. Andrew Telegdi: Monsieur Fyffe, vous étiez là lorsque M. Bryden a fait une proposition au sujet du lien de dépendance et autres. Les gens du ministère y ont-ils réfléchi?

M. Greg Fyffe: Nous avons été invités à y réfléchir, et nous en avons même discuté. Je vais demander à M. Stevens d'ajouter quelque chose, sous réserve, bien entendu, de vérifier la pertinence de toute idée susceptible d'être mise de l'avant. Toutefois, il est vrai que nous en avons discuté.

M. Eric Stevens: Je dirai simplement que votre comité devra se pencher sur la question de savoir si un terme comme «dépendant» ou autres est préférable au terme «conjoint». Je ne peux pas en dire plus à ce sujet.

M. Andrew Telegdi: Si on se reporte au paragraphe 6(2), l'expression «son conjoint (du demandeur)» est remplacée par «un lien d'interdépendance avec une personne»... Je pense à une personne à l'emploi du service extérieur canadien qui parraine son père ou sa mère pour les faire venir au Canada. Il est évident que ces personnes résideraient ensemble, à l'étranger, ce qui permettrait aux parents d'être admissibles à...

M. Greg Fyffe: Cette disposition, toutefois, est censée s'appliquer à une situation plus précise que cela. Mme Atkinson pourra peut-être vous en dire plus.

Mme Joan Atkinson: Cette disposition s'applique aux personnes qui ont une relation quasi conjugale avec des employés du gouvernement du Canada—des agents du service extérieur, comme vous l'avez dit, des membres des forces armées, ou d'autres à l'emploi de la fonction publique du Canada ou d'une province—qui résident à l'étranger avec leur partenaire, quelle que soit la définition qu'on en donne. Un partenaire d'une relation conjugale n'est pas en mesure de remplir l'exigence relative à la période de résidence parce qu'il a accompagné la personne qui est à l'emploi du gouvernement du Canada ou d'un gouvernement provincial.

Comme l'a dit M. Fyffe, tous les ministères fédéraux sont aux prises avec la question de la terminologie. Il ne s'agit pas simplement de savoir définir les divers types de relations conjugales, mais également de décider du choix des termes à utiliser pour les décrire.

C'est une chose sur laquelle votre comité devra peut-être se pencher lors de l'étude article par article. Toutefois, nous-mêmes, de concert avec les autres ministères fédéraux et avec le ministère de la Justice, essayons de trouver une solution à ce problème de terminologie.

• 1750

Le président: Sur cette note, pour l'application de la présente loi, pouvez-vous me rappeler, en les énumérant, quelles sont les dispositions où le terme «conjoint» s'appliquera?

M. Norman Sabourin: Il y a deux dispositions, mais elles concernent fondamentalement les gens qui veulent être naturalisés—des gens qui ne sont pas des citoyens canadiens, mais qui sont des résidents permanents du Canada, qui vont à l'étranger en compagnie d'un citoyen canadien à l'emploi des forces armées, ou d'un agent du service extérieur, ou d'un fonctionnaire provincial. La disposition vise évidemment à s'assurer que, lorsque nous envoyons un citoyen canadien à l'étranger au service du gouvernement, et que cette personne a un conjoint qui est un résident permanent du Canada, ce dernier ne soit pas obligé de rester au Canada pour accumuler les mois nécessaires de façon à remplir le critère de résidence aux fins de la citoyenneté.

Cette disposition est prévue aux paragraphes 6(2) et 19(2), qui portent tous deux sur la naturalisation. Le premier concerne les résidents permanents, le deuxième les anciens Canadiens.

Le président: Vous avez utilisé le terme «conjoint» dans le sens où nous l'entendons ici. Y a-t-il d'autres circonstances où il peut s'agir de cette relation de dépendance...?

M. Norman Sabourin: Dans la loi actuelle ou le projet de loi sur la citoyenneté, il n'existe aucune autre disposition où le fait d'être le conjoint d'une autre personne a la moindre incidence pour l'obtention de la citoyenneté.

Mme Joan Atkinson: Si vous me permettez d'ajouter quelque chose, monsieur le président, si j'ai bien compris le sens de votre question et celle qu'a soulevée M. Telegdi, nous n'avons pas l'intention d'accorder la citoyenneté à un parent d'un citoyen canadien qui est un résident permanent, mais pas citoyen canadien. Il s'agit donc vraiment des conjoints, mais, compte tenu de la jurisprudence touchant les avantages et privilèges des conjoints, comme l'a dit M. Fyffe, il nous faut élargir la définition de conjoint telle que nous la connaissons traditionnellement et tenir compte d'autres sortes de relations conjugales, comme celle entre personnes de même sexe. C'est le problème que nous essayons de résoudre en élaborant cette définition et en trouvant les mots justes.

Le président: On a utilisé le terme «dépendance», et cela a évidemment soulevé des questions sur-le-champ.

Mme Joan Atkinson: C'est exact.

Le président: L'interdépendance, bien entendu, c'est quand il y a les deux—personne n'est dépendant et personne n'est indépendant. Les deux partenaires sont à la fois dépendants et indépendants. C'est cela? Très bien. Il y a donc d'une part le terme «interdépendance». C'est une bonne chose; cela reflète la paix et l'harmonie. Est-ce un terme que l'on pourrait éventuellement utiliser?

Mme Joan Atkinson: Oui, éventuellement.

Le président: Y a-t-il d'autres questions?

Mme Sophia Leung: Monsieur le président, j'ai une question. Si un citoyen américain devient résident permanent au Canada, peut-il faire une demande de naturalisation, pour devenir citoyen canadien, et conserver la double citoyenneté?

M. Norman Sabourin: Oui, monsieur le président, c'est le cas à l'heure actuelle, et rien dans ce projet de loi ne change cet état de choses. Le citoyen américain de votre exemple qui vient au Canada, devient résident permanent, remplit l'exigence de trois ans de résidence et obtient la citoyenneté canadienne pourra jouir de la double citoyenneté, celle du Canada et celle des États-Unis.

Mme Sophia Leung: Est-ce acceptable également aux États-Unis?

M. Norman Sabourin: Aux termes du droit américain, il y a eu énormément de progrès ces dernières années, et les tribunaux américains reconnaissent désormais la double citoyenneté.

Le président: Monsieur Telegdi.

M. Andrew Telegdi: Merci, monsieur le président. Je crois qu'il se dégage un consensus assez net entre un certain nombre de témoins que nous avons entendus sur cette question précise. Je ne sais pas comment je réagirais dans le cas d'une personne qui a été à l'emploi du gouvernement et qui voudrait faire cela pour un père ou une mère qui est peut-être son seul parent encore en vie. Je ne sais pas s'il est souhaitable d'être aussi précis que vous voulez l'être quant à l'application de cette disposition. Que direz-vous à la personne qui n'a pour seul parent que son père ou sa mère, et pourquoi leur refuser cet avantage?

L'autre problème que nous pose ce...

Le président: Veuillez m'excuser, monsieur Telegdi. Pour que tout soit bien clair, dans l'exemple que vous donnez, le parent est-il également un résident du Canada?

M. Andrew Telegdi: Non. En vertu des dispositions actuelles, il est possible que ce soit un père plutôt qu'un conjoint, si vous voulez...

Le président: Mais il s'agit d'un résident du Canada.

M. Andrew Telegdi: ... puis la personne part à l'étranger.

Le président: Oui.

• 1755

M. Andrew Telegdi: Il y a donc un lien d'interdépendance entre les deux personnes, et il pourrait s'agir d'un père...

Le président: Mais il faut que le parent accompagne l'autre dans ses déplacements à l'étranger.

M. Andrew Telegdi: C'est exact.

Le président: Très bien.

M. Andrew Telegdi: Il peut facilement s'agir d'un parent âgé.

Le président: Monsieur Sabourin, à ce sujet, cela va-t-il élargir l'application de la loi proposée?

M. Norman Sabourin: C'est sans nul doute possible, et je vais vous replacer les choses dans leur contexte. Cette disposition a été proposée parce que, peu après l'entrée en vigueur de la loi de 1977, un projet de loi d'initiative parlementaire, si ma mémoire est bonne, a été présenté au Parlement—je pense que c'était en 1980—qui répondait aux préoccupations des agents du service extérieur et des membres des forces armés en poste à l'étranger. Ces personnes disaient: «J'ai été envoyé à l'étranger pour servir le gouvernement du Canada, je n'ai pas le choix, cela fait partie intégrante de mon emploi, et je représente le Canada à l'étranger. Lorsque je vis dans ce pays étranger, au sein des forces armées, je vis plus ou moins dans une enclave canadienne, je vis dans une base des Forces canadiennes en Allemagne avec ma famille, ou encore je suis en poste dans une ambassade du Canada, et il y a un club canadien avec les conjoints, les enfants et autres.»

Ces personnes estiment qu'il n'est pas normal que, parce qu'elles ont épousé une personne qui est un résident permanent et qui n'a pas encore rempli l'exigence relative quant à la période de résidence au Canada, il ou elle soit obligé de rester au Canada pour satisfaire cette condition. Ces personnes devraient être en mesure d'accompagner le citoyen canadien à l'étranger. C'est ce qu'a décidé le Parlement en adoptant un amendement au projet de loi, et c'est pourquoi nous avons actuellement le paragraphe 5 (1.1) dans la loi actuelle.

Le président: Il s'agit donc simplement de remplir le critère de la période de résidence, ce qui ne serait pas possible autrement.

M. Norman Sabourin: C'est exact, monsieur le président.

Le président: Il incombe donc au comité... oui, madame Atkinson?

Mme Joan Atkinson: Si je peux ajouter quelque chose, le problème pour les personnes qui sont envoyées comme agents du service extérieur ou membres des forces armées, c'est que leur conjoint ne passe jamais assez de temps au Canada pour accumuler la période de résidence requise, parce qu'il y a un roulement. Ces personnes reviennent au Canada, y passent un an ou deux, pour repartir ensuite. Leur conjoint n'accumule jamais assez de temps au Canada pour remplir le critère relatif à la période de résidence. C'est une autre façon de voir les choses.

Le président: Bien sûr, il est possible—c'est au comité d'en décider—dans le cadre de ce projet de loi, d'aller plus loin que l'objet initial de la disposition actuelle, que cette mesure vise à préciser. Il y a eu certaines réticences pour une raison de terminologie. Si nous nous limitons à cela, il faut choisir un terme qui soit conforme à l'esprit de l'objet initial de la loi.

Parallèlement, bien sûr, monsieur Telegdi, le comité pourrait faire preuve d'originalité et déclarer que lorsqu'il y a un lien de dépendance avec un partenaire, un conjoint—ou quel que soit le terme qu'on retient—ou avec un enfant, car il peut s'agir d'un enfant unique à la charge de l'employé en question, ou d'une personne âgée, ce sera au comité de prendre la décision et de proposer quelque chose, s'il souhaite le faire.

Quelqu'un veut-il ajouter quelque chose?

Mme Joan Atkinson: L'enfant sera automatiquement citoyen, puisqu'il sera né... Aux termes du nouveau projet de loi, si l'enfant est adopté par ce citoyen canadien, il aura également la citoyenneté. Il n'y a donc aucun rapport. Le problème ne concerne manifestement pas les enfants.

Le président: Et s'il s'agit d'un parent qui est à la charge de la personne en question qui n'a pas été affectée?

Mme Joan Atkinson: Là encore, c'est une chose sur laquelle le comité devra se pencher.

Quant au statut de cette personne, s'il s'agit d'un résident permanent du Canada, elle conservera son statut de résident permanent. Aux termes des articles actuels de la loi portant sur les résidents de retour et les résidents permanents au sens de la Loi sur l'immigration, cette personne ne perdra pas son statut de résident permanent pendant la période qu'elle a passée à l'étranger avec son enfant.

Le président: Donc il n'est pas nécessaire de prévoir autre chose.

Mme Joan Atkinson: Si, pour ce qui est du statut d'immigrant et de résident permanent.

Le président: En effet.

Monsieur Telegdi.

• 1800

M. Andrew Telegdi: Toutes les raisons pour lesquelles on dit que cette situation est bonne pour les conjoints s'appliquent également aux parents à charge.

Le président: Vous faites allusion à un père ou à une mère à charge?

M. Andrew Telegdi: Oui. Une personne pourrait avoir un père ou une mère à charge et pourrait être en poste à l'étranger. Une des ces obligations serait peut-être que les parents aillent à l'étranger, et il est incontestable que...

Le président: Mais, monsieur Telegdi, Mme Atkinson vient de nous rappeler qu'il existe déjà un mécanisme dans la Loi sur l'immigration...

M. Andrew Telegdi: Pour la résidence permanente. Il s'agit ici de la citoyenneté. La situation est différente pour ce qui est des conjoints et des parents.

Le président: Mais si j'ai bien compris ce qu'a dit M. Sabourin, le but de la loi, c'est d'assurer le respect de l'obligation concernant la résidence. Autrement dit, la période de résidence continue d'être calculée lorsqu'on s'absente du pays. Mais, d'après ce que Mme Atkinson a dit, la Loi sur l'immigration prévoit que la période de résidence continue d'être calculée si on a un permis de séjour à l'extérieur du Canada.

Mme Joan Atkinson: Le statut de résidence permanente n'est pas perdu, mais il faut bien comprendre que l'exigence de présence physique pour ce qui est de la citoyenneté est différente. Je pense que c'est ce qui inquiète M. Telegdi.

Le président: Il s'agit d'une question différente dont le comité devra discuter.

Il est maintenant 18 h 05. Y a-t-il d'autres commentaires? Monsieur Fyffe, le mot de la fin est à vous.

M. Greg Fyffe: Je pense que le nombre de personnes dans ce groupe serait assez limité. Il s'agit d'un parent du conjoint d'un diplomate canadien qui n'a pas satisfait à ses obligations en matière d'immigration et qui a dû aller travailler à l'étranger avec sa famille.

Je pense que ce groupe de personnes serait assez restreint. Dès qu'on essaie de définir ce petit groupe, on se heurte à toutes sortes de complications, comme c'est toujours le cas, concernant des groupes comparables à qui on serait obligé d'appliquer une disposition semblable par souci d'équité.

Le président: Au nom du comité, je vous remercie de nouveau, monsieur Fyffe, et vos collègues.

Je remercie les membres du comité de leur patience. Nous avons dépassé l'heure de seulement six minutes.

La prochaine réunion aura lieu le mardi 4 mai à 15 h 30. La séance est levée.