NDVA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON NATIONAL DEFENCE AND VETERANS AFFAIRS
COMITÉ PERMANENT DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES ANCIENS COMBATTANTS
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le lundi 26 janvier 1998
[Traduction]
Le président (M. Robert Bertrand (Pontiac—Gatineau—Labelle, Lib.)): Bonsoir à tous. Je tiens à souhaiter la bienvenue à chacun d'entre vous ici ce soir dans le cadre de la première étape de notre visite. Avant tout, j'aimerais inviter l'Amiral Moore à dire quelques mots.
Contre-amiral Russell Moore (Commandants des Forces maritimes du Pacifique, Forces armées canadiennes): Monsieur le président, membres du comité, membres de la communauté militaire et du secteur de la marine, et amis, je suis très heureux de vous voir ici en grand nombre.
Ce soir je n'ai que deux rôles. L'un est d'accueillir officiellement le comité chez les Forces maritimes du Pacifique. Nous avions très hâte de vous rencontrer et nous attendons beaucoup de votre travail, monsieur, et du travail de votre comité.
Mon deuxième rôle consiste simplement à vous renseigner sur le déroulement du programme jusqu'à présent. Le comité est monté à bord du HMCS Vancouver à Vancouver ce matin et au cours du passage jusqu'à Victoria a eu l'occasion de se familiariser avec le travail qui se fait sur nos navires et dans nos avions et avec notre contribution au Canada. Nous avons également tenu une table ronde au cours de laquelle un certain nombre de représentants de l'équipe du navire et des membres de mon quartier général chargés des questions de personnel ont eu l'occasion de s'entretenir avec les membres du comité.
On m'a dit que vous hésiteriez à présenter vos vues en présence d'un amiral et de certains hauts gradés. J'ai assuré le comité que ce n'est pas le cas. N'hésitez pas à vous présenter au micro pendant les séances ouvertes pour exprimer vos nombreuses préoccupations, puisqu'on vous en offre l'occasion.
Je tiens à vous remercier à nouveau d'être ici ce soir. Je pense que vous avez des préoccupations et des messages très clairs à communiquer à cet important comité. Ils sont ici pour vous écouter.
Le président: Je vous remercie, Amiral.
J'aimerais tout d'abord demander aux députés qui sont ici ce soir de se présenter, après quoi nous pourrons passer directement aux présentations. Nous pourrions commencer par M. Hangar.
M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Art Hanger. Je suis le député de Calgary-Nord-Est et le porte-parole du Parti Réformiste en matière de défense.
[Français]
Mme Pierrette Venne (Saint-Bruno—Saint-Hubert, BQ): Je m'appelle Pierrette Venne et je suis députée du Bloc québécois pour la circonscription de Saint-Bruno—Saint-Hubert.
[Traduction]
M. John Richardson (Perth-Middlesex, Lib.): John Richardson, secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale.
M. Bob Wood (Nipissing, Lib.): Bob Wood, député de Nipissing et vice-président du comité.
Mme Judi Longfield (Whitby—Ajax, Lib.): Judi Longfield, députée de Whitby—Ajax.
M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.): David Pratt, député de Nepean-Carleton.
Le président: Je m'appelle Robert Bertrand. Je suis le député de Pontiac—Gatineau—Labelle et président du comité de la Défense nationale.
Sans plus tarder, je demanderais à M. C.M. Thomas de faire sa présentation.
J'aimerais simplement préciser qu'une fois que vous aurez fait votre présentation, il est possible que les députés demandent aux témoins certains éclaircissements. Je tiens à souligner qu'il ne s'agit pas d'un contre-interrogatoire mais plutôt d'obtenir des éclaircissements. Si tout le monde est d'accord là-dessus, nous sommes prêts à commencer.
M. David Pratt: Monsieur le président, afin de faciliter les choses pour les membres du comité, il serait préférable que l'on évite d'utiliser des acronymes.
Beaucoup d'entre nous ne sommes pas habitués comme vous à tous ces acronymes. Pour ma part, ils me laissent perplexe.
Le président: Monsieur Thomas.
Vice-Amiral (à la retraite) C.M. Thomas (président, Réseau national des associations de la Défense, direction de la région du Pacifique): Monsieur le président, membres du comité. J'ai démissionné des Forces armées il y a environ six ans. J'étais chef adjoint d'état-major et j'ai démissionné pour une question de principe.
J'ai l'intention de discuter du mandat qui vous a été confié par le ministre de la Défense nationale. Vous êtes chargés d'examiner le type d'aide et de rémunération qui devrait être assuré aux membres des Forces armées. Ce mandat remonte jusqu'à l'époque de M. Young. Il s'agit d'un stratagème bureaucratique caractéristique d'Ottawa: lorsqu'il y a un problème vraiment déplaisant à régler, on charge quelqu'un de l'étudier. On privilégie le processus aux dépens des progrès concrets, et les faits sont là pour le prouver.
Vos données, les renseignements que vous avez reçus et le jeu des questions et réponses auquel vous vous êtes prêtés et dont j'ai pris connaissance grâce à l'accès à l'information, et aux enveloppes brunes, indiquent clairement que les membres, hommes et femmes, qui font partie de vos forces armées souffrent.
Les données que vous avez reçues et les séances d'information sont présentées en termes voilés. On y sent un climat de «défense du royaume». Cela est sans doute l'influence du sous-ministre. Il est responsable devant le Cabinet du Premier ministre et le Bureau du Conseil privé, et il n'aime pas qu'on fasse de vagues. C'est la première leçon qu'on nous apprend quand on arrive à Ottawa.
Certaines des questions que vous avez posées ne sont ni plus ni moins qu'une invitation à critiquer le gouvernement. Les officiers en activité de service ne peuvent pas critiquer le gouvernement. À moins de leur faire prêter serment, vous n'obtiendrez que des réponses évasives. Souvenez-vous ce qui est arrivé au dernier type qui a osé défendre publiquement ses troupes. C'était l'amiral Murray, et il s'est fait renvoyer. C'est le meilleur moyen d'abréger sa carrière.
Si le temps le permet, j'aimerais beaucoup passer en revue les questions que vous avez posées à l'amiral Maddison et les réponses que vous avez obtenues car je pourrais vous indiquer le genre de réponses que vous donnerait un amiral qui peut s'exprimer sans restrictions.
Il existe certaines indications d'un débat interne au sein du MDN. Il y a ceux qui sont partisans de dire les choses telles qu'elles sont et ceux qui craignent qu'en agissant ainsi, on révèle à quel point la situation est mauvaise et le leadership du MDN est inefficace. Eh bien, le moment est venu de donner l'heure juste. Vous avez suffisamment de données pour déterminer que les membres des Forces armées sont en train de se faire rouler. Ils le savent, donc ne craignez pas de le leur dire.
• 2215
La méthode actuelle d'équivalence avec la fonction publique
indique que leur rémunération est de 4 à 12 p. 100 inférieure à
celle en vigueur à la fonction publique. Ce n'est pas un événement;
c'est une situation. C'est une situation qui existe depuis des
années et ce manque à gagner de 4 à 12 p. 100 pendant des années
influe non seulement sur leur niveau de vie mais aussi sur leur
mode de vie. Elle influe aussi sur leur pension, et ils travaillent
longtemps pour leur pension.
La méthode utilisée pour établir la rémunération, peu importe que vous rendiez un jugement de Salomon à la fin de vos délibérations, n'a aucune importance si elle ne s'accompagne pas d'une volonté de justice et d'équité, comme c'est le cas à l'heure actuelle.
Ce sont des gens qui travaillent dur. Ils passent 200 jours par année loin de chez eux, plus une vingtaine à une trentaine de jours à assurer l'entretien du navire et à suivre des cours.
Les données établissent une certaine comparaison avec la marine marchande et les services de traversier. Cela n'a aucun sens. Passer deux cents jours sur un navire de guerre signifie être loin de chez soi pendant 200 jours. Les gens qui travaillent sur des traversiers rentrent chez eux chaque soir et se font payer des heures supplémentaires.
N'oubliez pas que ce n'est pas seulement cette année; c'est chaque année.
Les différents modes de prestation des services, la nouvelle expression à la mode au sein de la direction du MDN, signifient que le ratio d'emplois côtiers, l'hypothétique 70-30, n'existe plus. Donc pendant au moins la moitié de leur carrière, tous ces marins travailleront à bord d'un navire et resteront en mer à moins qu'ils suivent des cours à Halifax.
Ils ne sont pas payés pour leurs heures supplémentaires. Ce n'est pas comme la Sûreté du Québec ou les travailleurs de l'Hydro ou tous ceux qui sont appelés en cas de situations d'urgence.
Par ailleurs, dans cette ville, ils ne sont admissibles à une hypothèque sur une première maison d'environ 180 000$ qu'au moment où ils deviennent adjudants-maîtres, c'est-à-dire lorsqu'ils s'apprêtent à prendre leur retraite.
Le marché de la location suit la même tendance. En fait, au cours des cinq années de gel des salaires, le gouvernement a augmenté le loyer des logements familiaux jusqu'à 250$ par mois.
Dites-moi ce que ce comité ou un comité parlementaire ferait si une grosse société ou une banque agissait de la même façon à l'égard de ses employés?
La lettre que vous avez adressée au ministre de la Défense nationale, si vous faites abstraction de l'ambiguïté du langage bureaucratique, indique que pendant leur service, ils ont une responsabilité illimitée, que les aspects socio-économiques nuisent au moral du personnel et de leur famille—et je cite; qu'il y a des lacunes dans certains secteurs et qu'ils sont à la traîne de la fonction publique. On y admet les pénalités financières et la fluctuation du revenu disponible qu'entraînent les déplacements vers de nouveaux lieux de travail et la nécessité d'apporter des «rajustements» pour compenser les coûts plus élevés de la vie, etc.
La lettre du ministre de la Défense nationale reconnaît également l'existence d'un contrat social entre le gouvernement du Canada et les membres des Forces armées. Il se trouve que j'ai écrit au ministre une lettre ouverte à ce sujet le jour de sa nomination. Je l'ai remise à vos collaborateurs. Je pense qu'il en a adopté le libellé mais pas la notion.
Il ne s'agit pas d'une notion compliquée. Permettez-moi de vous la résumer.
Il ne faut pas traiter la vie et le travail des membres des Forces armées à la légère. Si le Parlement ou le Cabinet a l'intention de leur confier des missions dangereuses, c'est pour défendre les intérêts vitaux du Canada. Il ne suffit pas de convoiter le Prix Nobel.
Deuxièmement, les gouvernements et le Parlement n'enverront pas les Forces armées faire un travail pour lequel le gouvernement et le Parlement n'ont pas acheté les outils nécessaires. Cela signifie qu'il faut prévoir des dépenses en capital pour doter l'armée de sous-marins, d'hélicoptères et de toutes ces choses dont elle a besoin. Il faut que le gouvernement investisse aujourd'hui pour avoir des options demain, en cas de crise. C'est une question fondamentale pour le bien-être de ceux qui sont envoyés en mission.
• 2220
Enfin, le gouvernement et le Parlement doivent assumer la
responsabilité du bien-être des membres des Forces armées et de
leur famille.
Quels que soient les critères utilisés, vous-mêmes, le Parlement et le gouvernement n'avez pas rempli vos obligations à l'égard des membres des Forces armées. Vous avez rompu le contrat et ces gens souffrent. Vingt-cinq pour cent de ceux qui quittent les Forces armées—et cela provient de vos données—le font parce qu'ils n'arrivent pas à subvenir aux besoins de leur famille et qu'ils doivent essayer autre chose. C'est scandaleux et honteux.
Je crois que le comité et ses membres devront déterminer si les tendances habituelles du débat politique et de la discipline de parti continueront de prévaloir ou s'il décidera plutôt, individuellement et collectivement, de prendre des mesures utiles et rapides pour remédier au traitement effroyable et scandaleux que leur propre gouvernement réserve aux hommes et aux femmes des Forces armées.
Si, entre-temps, vous souhaitez trouver un système de rémunération plus idéal, n'hésitez pas. Mais pour l'instant, faites le nécessaire pour qu'ils reçoivent le salaire qu'ils méritent. Comblez l'écart entre les Forces armées et la fonction publique. Assurez l'application du contrat existant, c'est-à-dire une augmentation de salaire générale d'environ 10 p. 100.
Ne vous laissez pas démonter par les propos que tient le ministre dans la lettre qu'il vous a adressée, où il esquive toute responsabilité en invoquant la réalité financière, le caractère inabordable et irréalisable de la chose. Les Forces armées canadiennes ne devraient pas compter sur les membres des Forces armées pour qu'ils paient la note à la sueur de leur front afin que nous puissions avoir des forces armées. C'est la population du Canada qui devrait payer pour avoir des forces armées.
Toute cette situation fait songer à certaines histoires de Rudyard Kipling. Lorsqu'il s'agit de solde et d'indemnités militaires et de l'équipement nécessaire pour faire leur travail, ils n'ont pas un mot à dire et sont traités sans aucun ménagement. Mais lorsqu'il s'agit de Kanesatake, du golfe Persique, du Saguenay, de la Bosnie, des inondations à Winnipeg, en Afrique centrale, ou de la tempête de verglas, alors on les considère comme les héros de la nation. Cela ne suffit pas.
Je pense que les dirigeants de notre pays devraient avoir honte.
L'occasion s'offre à vous de réparer un grave tort. S'il vous plaît, saisissez-la.
Je répondrai à vos questions avec plaisir.
Le président: Madame Venne.
[Français]
Mme Pierrette Venne: Vous avez fait un lien entre les salaires des fonctionnaires fédéraux et ceux des membres des Forces armées. Est-il nécessaire de faire cette comparaison? Le Comité permanent de la défense nationale a demandé à la Bibliothèque du Parlement de faire une étude afin de savoir s'il existe, ailleurs dans le monde, un endroit où on compare les salaires des militaires et ceux des fonctionnaires comme on le fait ici, au Canada.
• 2225
L'étude faite par M. Koerner, qui est justement
ici, dit qu'une telle comparaison n'existe pas ailleurs dans
le monde, dans les pays où les forces armées
sont constituées de militaires professionnels non
conscrits.
Donc, trouvez-vous essentiel qu'on continue de fonctionner de
cette façon? Quant à moi, cela ne semble pas bien
marcher. Pourquoi ne pas simplement avoir un système propre aux
militaires?
[Traduction]
Vam C.M. Thomas: Vous m'excuserez de répondre en anglais. Il y a des années que je n'ai pas eu l'occasion de m'exprimer en français. Mon accent de la Colombie-Britannique n'est pas très agréable à entendre.
Ce qui importe selon moi, ce n'est ni le système en place ni celui auquel aboutira votre comité. Bien sûr que des pays ont des systèmes différents du nôtre. Ce qui importe, c'est que la rémunération soit équitable et juste et qu'elle ne pénalise pas les membres des Forces armées.
C'est un fait qu'il y a quelques années le gouvernement a décidé d'établir un lien entre les salaires des militaires et ceux des fonctionnaires. Il avait conclu ce marché mais a reculé par la suite.
Votre tâche comporte donc deux étapes. Vous devez d'une part faire honneur tout d'abord à l'engagement pris et, d'autre part, aboutir à un autre système. À l'heure actuelle, vous ne respectez pas le système en place et les militaires en subissent les conséquences. Il en sera ainsi tant que vous vous pencherez sur la question parce que votre étude n'est qu'un prétexte pour ne rien faire et c'est ce qu'aiment les bureaucrates. Chaque dollar dépensé pour la défense ne peut être consacré à autre chose qui les intéresse.
Peu de gens dans ce pays se préoccupent de la défense. La défense n'a pas d'appui sauf lors d'événements comme le déluge au Saguenay, la tempête de verglas ou la crise en Bosnie. C'est le seul moment où des appuis se manifestent. Aucun vote populaire n'exigera alors que les membres des Forces armées soient traités équitablement. Le gouvernement et, selon moi, les parlementaires ont la responsabilité morale de poser les gestes qui s'imposent.
Ce n'est pas le système mais le résultat qui importe le plus. Ce qui s'est passé au fil des ans, c'est que nous avons fait dériver les membres des Forces armées dans la catégorie des petits salariés et cela n'est pas satisfaisant.
Le président: Monsieur Hanger.
M. Art Hanger: Amiral, je vous sais gré de nous dire très franchement ce que vous pensez.
• 2230
J'aimerais dire que je suis parmi les membres du comité de la
défense—je sais que d'autres ici sont dans la même situation—qui
viennent tout juste d'arriver et qui ont beaucoup à apprendre. Je
crois que nous ferons certaines erreurs de jugement au fur et à
mesure que nous apprendrons, mais ce n'est pas une excuse pour ce
qui est de l'objet de votre exposé.
Depuis le peu de temps que je siège à ce comité, une chose m'inquiète et ce sont les compressions imposées aux dépenses militaires. Le budget devrait se situer autour de 9,2 milliards de dollars. Il est d'environ 10 milliards à l'heure actuelle, ce qui représente déjà une baisse de 2 milliards de dollars par rapport à il y a trois ans. D'importantes lacunes ressortent déjà au chapitre par exemple des salaires. Qu'arrivera-t-il si l'on retranche un autre milliard du budget de la défense, qui sera alors de 9,2 milliards de dollars. Il se peut même que les choses ne s'arrêtent pas là. Si vous décrivez la situation—et nous savons tous ce qu'elle est en fait à l'heure actuelle—quel sera l'impact d'une nouvelle coupe de 1 milliard de dollars?
Vam C.M. Thomas: La défense du Canada dépend uniquement du prix que vous êtes prêts à payer. Lorsque j'étais le vice- commandant de la défense—c'est-à-dire le directeur général du ministère—le budget se chiffrait à 12,3 milliards de dollars. J'ai démissionné parce que l'énoncé de politique promettait un niveau de service qu'il était impossible d'offrir dans le cadre de ce budget, étant donné la façon dont l'argent était dépensé. Toute organisation axée sur la technologie—et c'est le cas de la défense—qui ne consacre pas 30 p. 100 de son budget global à l'achat de nouveaux biens d'équipement est acculée à la faillite. Cette organisation se dirige dans cette direction. Le budget passera bientôt sous la barre des 10 milliards.
Si vous devez envoyer nos jeunes gens dans ces endroits horribles et dangereux, vous devez vous assurer qu'ils sont mieux équipés que les vilains dont ils doivent venir à bout. Et on ne parle plus de maintien de la paix, comme à l'époque de Lester B. Pearson. M. Pearson est mort et le concept a connu le même sort. On parle de rétablissement de la paix. Il en est question au chapitre 7 des règles des Nations Unies. C'est la guerre sous un autre nom. L'objectif en temps de guerre, comme l'a dit Patton, ce n'est pas de se faire tuer pour son pays mais de faire en sorte que quelqu'un d'autre soit tué pour le sien.
Nous mettons la vie de nos jeunes gens en péril lorsque nous les envoyons en Somalie, en Bosnie, en Afrique centrale, dans la mer Adriatique et dans le golfe Persique sans les équiper de façon adéquate. Nous les mettons en danger lorsque nous ne leur versons pas un salaire leur permettant de subvenir aux besoins de leur famille. Nous en faisons des citoyens de seconde zone. Ce n'est pas suffisant.
Les 9 milliards de dollars prévus ne permettront pas d'adopter la politique en matière de défense dont nous aurions besoin et de bien payer et équiper les militaires. Vous auriez intérêt à déterminer la politique de défense que vous voulez et pour laquelle vous êtes disposés à payer, mais vous ne devez pas vous en prendre à l'effectif.
Si vous voulez consacrer moins d'argent à la défense, ne profitez pas alors de la moindre tribune internationale pour vous porter volontaires. Nous ne pouvons peut-être plus assumer les tâches que nous accomplissions partout dans le monde en tant que moyenne puissance agissant de façon responsable. Peu importe la décision que vous prendrez, consacrez-y tout l'argent et l'équipement nécessaires pour ne pas ramener de ces aventures trois ou quatre cents jeunes gens dans des cercueils. Tous les parlementaires du pays, pas seulement le ministre de la Défense du moment, seront responsables.
M. Art Hanger: Au cours des quelques séances qu'a tenues ce comité itinérant et à certains des autres endroits où je me suis rendu personnellement, dans des bases par exemple, il est ressorti qu'une étude avait justement été faite il y a environ deux ans sur la question dont nous parlons ce soir. Des questionnaires et d'autres documents du même genre avaient alors été remplis. Il semble maintenant que ce comité—et je me moque de savoir de quel comité parlementaire vous parlez, car ils fonctionnent tous à peu près de la même manière—ne constitue dans une certaine mesure qu'un projet artificiel pour nous tenir occupés. Nous pouvons formuler des idées parfaites ou épatantes, nous pouvons faire des déclarations sensées mais, au Parlement, les décisions se prennent de haut en bas, ce qui complique davantage notre travail.
• 2235
Je parle ici en tant que député de l'opposition et non à titre
de député ministériel. Le parti ministériel n'est peut-être pas du
même avis, mais c'est ce qui semble se produire.
Nous parcourons le pays pour parler de toutes ces questions et les intervenants nous font part sans ambages des principaux problèmes auxquels ils sont confrontés. Il nous faudra ensuite passer le message aux banquettes ministérielles. Ce sera probablement la tâche la plus difficile que nous ayons à accomplir même si les membres du comité en arrivent à un consensus.
Nous pouvons continuer sans relâche à effectuer des études. Nombreux sont les militaires qui les ont sans doute parcourues. Cependant, les communications se déroulent presque toujours dans le même sens.
Notre comité pourrait être selon moi beaucoup plus efficace si nous battions du tambour à l'unisson dans les médias et ailleurs lorsque nous en avons la chance, et je crois que les occasions ne manquent jamais. Mais pour nous permettre de franchir une autre étape, qu'est-ce que vous ou quiconque dans cette pièce pourriez faire pour nous aider à livrer ce message haut et fort?
Vam C.M. Thomas: Eh bien! Je ne suis pas sûr lorsque vous parlez à quiconque dans cette pièce, parce que les personnes qui se trouvent là-bas derrière sont grandement limitées quant à leurs interventions.
M. Art Hanger: Oui.
Vam C.M. Thomas: Elles doivent assumer toutes les responsabilités, mais elles n'ont pas le droit de critiquer. Il s'agit là d'une situation très inhabituelle.
En tant que membres du comité, et peut-être plus particulièrement ceux qui sont du parti ministériel, vous me semblez être devant un dilemme moral. Qu'est-ce qui est plus important? Prendre les mesures qui s'imposent ou s'en tenir à la discipline de parti? Si je m'exprime ainsi, c'est que votre venue ici a suscité des attentes.
J'ai été déçu de constater que les médias n'avaient pas annoncé qu'un comité parlementaire tenait des audiences publiques dans une ville si importante. La collectivité militaire en avait été informée mais pas le grand public. Celui-ci devrait en demander la raison.
Du fait que vous êtes là et que vous entendez les témoignages qui vous sont présentés, vous éveillez des espoirs. Or, il ne serait vraiment pas bon de diminuer une fois de plus les espoirs des militaires.
Nos forces armées sont extraordinaires. Lorsque j'étais commandant de navire, ou amiral... il me suffit d'avoir un équipage de 300 jeunes Canadiens pour faire l'impossible. Par contre, il est très difficile de remplir son rôle de chef, lorsque l'on voit les militaires embrasser une autre carrière, étant donné que c'est le seul moyen dont ils disposent pour faire vivre leur famille. C'est ce à quoi ils sont poussés en ce moment.
Êtes-vous satisfait de ma réponse, monsieur?
M. Art Hanger: Oui, certainement. Merci.
Le président: Monsieur Wood.
M. Bob Wood: J'ai une seule question. Je l'ai posée cet après-midi et j'ai obtenu une réponse intéressante, mais j'aimerais connaître votre point de vue à ce sujet.
Selon moi, les priorités ont changé à un moment donné. En effet, je crois qu'auparavant c'était le personnel lui-même qui était la priorité et je pense qu'il faut revenir à cette philosophie. Il est peut-être temps que les militaires eux-mêmes soient la priorité de toute force armée et non pas les achats d'équipement militaire.
Vos priorités ont-elles changé à un moment donné? Vous étiez là.
Vam C.M. Thomas: Les miennes n'ont pas changé.
M. Bob Wood: Je ne veux pas parler des vôtres en particulier. Je connais vos priorités et vous en avez tout le mérite. Ceci étant dit, les priorités ont-elles changé?
Vam C.M. Thomas: Non, je ne le crois pas. J'ai passé la plupart des 15 dernières années de ma carrière à acheter les nouveaux navires que possède maintenant la marine. Si vous n'avez pas de nouveaux navires, vous n'avez pas de marine; par contre, si vous avez des navires, mais pas d'équipage, vous n'avez pas de marine non plus.
Il est toujours possible de morceler les choses et de ne pas avoir une vue d'ensemble; or, pour avoir une force armée digne de ce nom, il faut en supporter tous les coûts. Si les militaires de votre armée sont payés correctement, mais ne disposent pas de l'équipement nécessaire et qu'ils doivent donc se rendre en Bosnie, par exemple, armés de lances, tandis que les autres ont des chars d'assaut T-54, ils vont tous mourir. C'est ce qui nous est arrivé, en Somalie. Nous avons envoyé des soldats en Somalie et comme nous n'avions pas financé cette mission correctement, nous en avons subi les conséquences. Nos militaires ont passé six mois dans ce pays, sans cuisinier. Ils n'ont pas eu un seul repas chaud en l'espace de six mois. Vous pouvez toujours essayer de faire des économies en proposant des repas froids, des cartons-repas, pendant six mois aux prisonniers des pénitenciers fédéraux, mais la Commission canadienne des droits de la personne ne vous le permettrait pas, dans le cas de Clifford Olson, par exemple. Or, c'est le traitement que nous avons réservé à nos militaires.
On ne peut pas supprimer quoi que ce soit, cela ne marchera pas. Pour avoir une force armée digne de ce nom, il faut acheter l'équipement nécessaire et payer les militaires comme il se doit.
Il n'y a pas de changement dans les priorités. Le seul changement, c'est que les gouvernements considèrent que la défense a moins d'importance. Le mur de Berlin est tombé, les fonds ont été repris, alors que les factures n'ont pas été payées.
Toute démocratie peut légitimement décider de ne pas investir dans la défense. Je ne suis pas d'accord, mais c'est un choix légitime, au plan intellectuel. Par contre, si vous décidez d'avoir une capacité en matière de défense, vous devez être prêt à en supporter le coût. Vous ne pouvez le faire à rabais.
J'espère avoir ainsi répondu à votre question, monsieur Wood.
Le président: Monsieur Pratt.
M. David Pratt: Monsieur Thomas, vous avez parlé plus tôt d'une solution possible, soit une augmentation salariale générale de 10 p. 100. J'imagine que cela s'appliquerait à tous les grades.
Vam C.M. Thomas: Absolument. Après quelques calculs rapides, je me suis aperçu que pendant toutes ces années, les militaires ont perdu de 4 à 12 p. 100. Ils seraient probablement plus à l'aise si on leur accordait une augmentation de 10 p. 100 dès maintenant, avant même de décider si le nouveau régime de rémunération doit se rapprocher du régime américain, du régime britannique ou d'un autre.
M. David Pratt: C'est en fait la deuxième partie de ma question. Que proposez-vous d'autre qui permette de remédier à la situation actuelle?
Vam C.M. Thomas: Il faut tout d'abord avoir la volonté de faire ce qui s'impose. Vous devez être prêts à dire que nous n'accepterons plus que nos militaires ne puissent pas se permettre de vivre dans cette ville et qu'ils soient obligés de faire la navette entre Duncan et cette ville; c'est parce qu'ils font la navette que leurs épouses ne peuvent obtenir d'emplois.
De nos jours, les deux conjoints doivent travailler. Lorsque j'étais commandant, mon épouse était la seule épouse de commandant qui travaillait. Maintenant, toutes travaillent, par nécessité économique. Par contre, vous ne pouvez pas travailler si vous déménagez et si vous habitez trop loin des centres; vous ne pouvez pas trouver d'emploi en banlieue. Votre niveau de vie diminue.
Je n'ai pas de solution radicale et je ne dirais donc pas qu'il suffit d'imiter le régime britannique ou le régime américain. En fait, je n'ai rien contre le concept d'équivalence avec la fonction publique, car on dispose ainsi de repères visibles. Il faut par contre s'en tenir au régime que l'on décide d'adopter et en tirer le meilleur parti possible.
C'est le problème. Notre régime était moins coûteux. On a pu s'en tirer à bon compte—je veux parler du gouvernement qui a pigeonné le militaire et ne lui a pas versé le salaire qu'il méritait. Cela a duré des années.
Les bureaucrates ne se préoccupent pas de la question, alors qu'ils le devraient. S'ils ne s'y intéressent pas, c'est à vous de prendre le relais. Je crois en effet que ce sont les parlementaires qui dirigent notre pays et que le Parlement a plus d'importance que le caucus.
Le président: Merci beaucoup pour votre exposé, monsieur.
Je cède maintenant la parole à M. Jerry Frewen.
M. Jerry Frewen (président, Royal United Services Institute, Île de Vancouver): Notre organisme se compose d'officiers—en exercice et à la retraite—des trois services des Forces armées et de la GRC. L'Institut est associé à la Federation of Military and United Services Institutes of Canada. Il y a au Canada 27 instituts qui représentent plus de 12 000 personnes.
La mission de notre institut consiste en partie à améliorer et conserver des politiques efficaces en matière de sécurité et de défense nationale et à poursuivre des objectifs similaires en ce qui concerne la capacité des Forces armées; nous faisons donc des études, de la recherche et du développement et présentons des mémoires, des exposés de principes et des propositions de politiques au gouvernement et à ses organismes. C'est la raison pour laquelle je suis ici ce soir.
J'aimerais aborder deux questions qui sont de la plus haute importance pour les marins canadiens affectés à Victoria. Ces deux problèmes peuvent avoir un effet négatif sur le moral et sur le sentiment de bien-être, si nécessaires au maintien d'une force de combat. Il s'agit du logement et de la solde.
Soixante-treize pour cent des militaires mariés des Forces canadiennes sont affectés dans des bases et des escadres. Étant donné que tous les membres du personnel doivent payer le logement qu'ils trouvent sur les lieux de leur affectation, ils doivent avoir la garantie, pour des raisons évidentes, qu'ils seront en mesure de trouver un logement à un prix abordable.
L'obligation pour nos militaires de payer leur logement s'oppose aux politiques en vigueur dans les Forces armées en Australie, au Royaume-Uni et aux États-Unis. Dans ces pays, le régime de rémunération prévoit le financement du logement militaire par le gouvernement.
J'ai ici quelques diapositives que je vais m'abstenir de présenter au comité, pour rester bref.
D'après ces diapositives, que je ne vais pas projeter, une maison de base à Victoria coûte dans les 175 000$. Le revenu nécessaire pour supporter ce genre d'hypothèque, après versement initial de 5 p. 100 et paiement de taxes d'environ 200$ par mois, équivaut à la rémunération d'un premier maître de 1re classe ou d'un lieutenant de marine de niveau 5.
Vous trouverez dans la documentation que je vais déposer les salaires actuels du personnel non officier et des officiers du service général.
• 2250
À Victoria, le personnel de la marine dépasse légèrement la
barre des 4 000. Ce chiffre peut être ventilé comme suit. Il y a
2 300 célibataires, dont 50 p. 100 travaillent à terre et 50 p. 100
dans les navires. Les 1 800 militaires qui restent sont mariés.
Sept cent vingt logements familiaux sont prévus pour le personnel
de la marine.
Il y a deux listes d'attente au bureau du logement; la priorité est donnée à ceux qui ont des enfants. J'ai ici une ventilation des listes. Pour ce qui est des militaires avec enfants, il y a 50 membres du personnel non officier, 11 officiers subalternes et deux officiers supérieurs. Pour ce qui est des militaires sans enfant, il y a 150 membres du personnel non officier, 21 officiers subalternes et deux officiers supérieurs.
Certains d'entre eux pourraient fort bien acheter ou louer un logement sur le marché. Comme l'amiral l'a dit un peu plus tôt, depuis le gel des salaires sur cinq ans, le loyer des logements familiaux a été multiplié par cinq. Dans un cas particulier, une famille paie maintenant 250$ de plus par mois pour le même logement.
J'ai quelques recommandations précises à vous proposer. Vous avez sans doute vu dans le cadre de votre recherche qu'il existe une indemnité d'aide au logement. Nous recommandons d'étendre cette indemnité à tous, y compris à ceux qui achètent une maison, afin de compenser les frais d'intérêt supplémentaires des hypothèques que signent ceux qui achètent une maison dans des secteurs où les coûts sont élevés, comme Victoria.
En outre, nous recommandons d'adopter la même méthode que celle du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international pour ce qui est de l'indemnité non imposable de l'indice du poste à l'étranger. Il faudrait l'adopter pour le personnel des Forces canadiennes affecté au Canada. Cette méthodologie existe.
Nous recommandons de ne pas imposer l'indemnité d'aide au logement. Je suis sûr que les membres du comité sont au courant de précédents à ce sujet, puisqu'ils bénéficient eux-mêmes d'une indemnité non imposable qui leur permet de compenser les coûts du logement.
L'autre point de préoccupation est étroitement lié au problème du logement. On peut dire que la paie est ce qui empêche les marins de trouver un logement abordable à Victoria. C'est à cause de l'insuffisance de la rémunération que certains de nos militaires du rang, membres du personnel non officier, doivent recourir à l'aide des services sociaux civils. Ils bénéficient d'une aide au plan des aliments, des vêtements, des conseils financiers. Les militaires ne peuvent rien à cette situation honteuse, sûrement humiliante pour eux et embarrassante pour nos chefs militaires.
Je vous ai décrit certaines des caractéristiques intrinsèquement dysfonctionnelles du régime de rémunération des Forces canadiennes. Depuis l'instauration pour le personnel militaire d'échelles salariales équivalentes à celles de la fonction publique, des inégalités sont apparues au détriment des militaires. Par exemple, il n'y a pas dans la fonction publique d'équivalent à la solde des militaires au niveau du recrutement. Le militaire commence à un taux salarial beaucoup plus bas que son homologue civil et ne le rattrape jamais.
J'ai ici quelques diapositives qui illustrent les taux comparatifs de rémunération. La courbe rouge représente le profil d'un membre typique du personnel non officier. Vous voyez que l'écart entre la courbe rouge et la courbe noire est important et qu'il n'est jamais comblé. Le militaire est donc en retard au plan salarial, ce qui entraîne de graves répercussions en matière de pension.
• 2255
Voilà ici une comparaison entre les ingénieurs de la marine et
les ingénieurs civils qui poursuivent une carrière type. Là encore,
la courbe rouge, mis à part quelques exceptions momentanées, est
en-dessous de la courbe civile équivalente; les effets à long terme
en matière de pension sont également indiqués.
Nous avons ici une comparaison entre les conducteurs militaires de matériel roulant et ceux de la commission de transport locale; vous voyez qu'au départ, la différence est énorme.
Ce soi-disant lien avec la fonction publique n'a pas marché et ne marchera pas. Nous devons dissocier les deux régimes.
Encore une fois, comme élément de solution, nous soumettons les recommandations suivantes à votre considération.
Nous devrions revoir la structure salariale dans l'objectif de créer des règles de jeu équitables, en réexaminant les critères de base qui ont été utilisés pour établir le régime salarial lié aux salaires de la fonction publique, et corriger les injustices qui sont apparues au fil des ans. Nous devrions envisager un retour à la pratique qu'utilisait autrefois la fonction publique, qui était d'ajuster les échelles salariales au coût de la vie local. Troisièmement, il faudrait ramener le système d'incitatifs salariaux sans perte— c'est-à-dire qu'on devrait compenser les personnes en cause en leur versant des sommes qui équivaudraient aux pertes accumulées de primes incitatives perdues à cause du gel salarial.
Pour conclure, nous signalons que les marins de la côte ouest, pour ce qui est du logement et de la rémunération, ne peuvent égaler le niveau de vie ou la qualité de vie de leurs collègues de la côte est. La plupart d'entre eux ne peuvent pas constituer une mise de fonds suffisante pour l'achat d'une maison et pour ceux qui y arrivent, ce qu'ils peuvent acheter n'est nullement équivalent à ce qu'ils pouvaient s'offrir ailleurs. La plupart des marins se font dire que leur salaire est trop faible pour qu'ils puissent être admissibles à une hypothèque, et leur conjointe doit trouver du travail pour compenser le coût de la vie accru. Les marins qui sont postés à Victoria se voient donc imposer une pénalité financière directe due au coût de la vie accru, au manque d'occasions d'emploi pour les conjointes et au logement très cher.
Finalement, pour renforcer ce que disait l'amiral, je désire formuler un petit avertissement à l'intention des membres du comité. Vos travaux vont peut-être soulever des espoirs et des attentes irréalistes, qui seront eux-mêmes suivis d'un sentiment de trahison si les intéressés perçoivent que rien n'a été fait pour régler les préoccupations qui ont été soulevées.
Merci, mesdames et messieurs.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Frewen.
Y a-t-il des questions?
M. Bob Wood: Monsieur Frewen, est-ce que vous avez lu toutes vos recommandations sur le logement? Vous aviez dit que vous ne le feriez pas. Est-ce que cela vous dérange? Je pense que vous avez fait allusion à vos recommandations, mais vous alliez simplement nous les laisser.
M. Jerry Frewen: J'ai quelques diapositives que je vais remettre au comité.
M. Bob Wood: Pourrions-nous entendre vos recommandations afin que nous puissions en prendre note?
M. Jerry Frewen: Oui. Je vais aussi les remettre au comité, monsieur Wood.
Nos recommandations sont les suivantes: augmenter l'allocation de logement existante afin d'inclure ceux qui achètent des maisons pour compenser les frais d'intérêt hypothécaire accrus de ceux qui achètent dans des régions où le logement est très cher; deuxièmement, utiliser la même méthodologie que le ministère des Affaires étrangères et le ministère du Commerce international, qui utilisent un indice d'allocation non imposable pour certains postes à l'étranger, pour les membres des Forces armées postés à certains endroits au Canada, et utiliser la même méthodologie pour établir un système qui pourrait aider ceux qui sont envoyés dans des endroits où la vie est très chère.
M. David Pratt: Avez-vous une idée des sommes que cela pourrait représenter?
M. Jerry Frewen: J'ai présidé un comité pendant de nombreuses années quand je travaillais pour la fonction publique et le livre bleu est publié tous les deux mois; les chiffres fluctuent constamment. Cela est dû aux fluctuations des cours et à l'interruption de service pour toutes sortes de raisons: les famines, inondations, guerres, etc. C'est tout un défi que d'essayer d'être à jour en tenant compte de tous ces changements.
Troisièmement, les allocations de logement devraient être non imposables.
Est-ce que j'ai répondu à votre question, monsieur?
M. Bob Wood: Oui, merci. Celle qui a piqué mon intérêt était liée aux Affaires étrangères. Qu'est-ce que c'était encore?
M. Jerry Frewen: Cela concerne le ministère des Affaires étrangères et le ministère du Commerce international. Ils ont un système qui leur permet de compenser les fonctionnaires qui sont envoyés à l'étranger. Je pense que nous devrions envisager un système ou une méthode similaire pour compenser nos membres qui sont postés dans des régions du Canada où la vie est très chère.
M. Bob Wood: Oui, c'est une bonne idée. Je désirais simplement un complément d'information; je vous remercie.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Frewen.
Je demanderais maintenant à M. Kinsman de bien vouloir s'avancer.
M. William Kinsman (président, Comité des affaires maritimes, Association des officiers de marine, île de Vancouver): Mesdames et messieurs, l'Association des officiers de marine de l'île de Vancouver croit que la question des conditions sociales et économiques qui règnent au sein des forces et leur effet sur le moral des troupes recouvre la crainte que le gouvernement demandera encore à nos troupes d'agir dans des situations dangereuses sans l'équipement approprié. La défense canadienne se retrouve encore dans un état critique suite à une série regrettable de réductions d'effectifs et de projets d'équipement annulés ou remis à plus tard, ce qui pourrait causer un déclin désastreux de moral et d'efficacité.
En février 1994, le ministre de la Défense nationale a dit ce qui suit:
-
Mais la réalité au Canada est qu'au cours des 30 dernières années
la proportion des dépenses fédérales affectées à la défense est
passée de 24 p. 100 à 7 p. 100... De plus, on peut dire que ce ne
sont pas les dépenses militaires qui ont causé le déficit fédéral
inacceptable.
Entre 1984 et 1998, il y a eu une réduction totale de 21 milliards des dépenses militaires. Le gouvernement envisage maintenant de nouvelles réductions d'effectifs et du financement alloué aux militaires.
À cause de l'instabilité qui a cours aujourd'hui et des chambardements qu'on constate dans toutes les parties du monde, le Canada appuie l'utilisation que font les Nations Unies des forces armées pour effectuer diverses tâches; il s'ensuit qu'il est nécessaire d'avoir des forces armées de taille raisonnable, prêtes pour le combat et bien formées, disposant d'un équipement adéquat à tous les égards. Les Canadiens responsables n'accepteraient pas la suggestion que notre participation soit limitée à des opérations où nos troupes ne seraient pas mises en danger.
Pour relever ce défi il nous faut des forces navales efficaces et souples qui peuvent effectuer des missions diverses ici au Canada ou ailleurs sous l'égide de l'OTAN ou des Nations Unies, qu'il s'agisse de protection ou de surveillance, comme elles le font maintenant, ou d'opérations côtières à l'étranger, ou encore d'opérations très hostiles en haute mer. De telles opérations peuvent les opposer à des sous-marins, missiles ou avions antagonistes, comme il y en a partout de par le monde, qui augmentent en nombre et en capacité, et ils sont parfois entre des mains imprévisibles.
Ce qui est essentiel en matière d'équipement, et ce n'est pas généralement compris, est qu'il faut remplacer nos très vieux sous- marins de classe O. On entend souvent poser cette question: qui a besoin de sous-marins et qui a besoin d'équipement anti-sous-marin de nos jours? Il est inquiétant de constater que plus de 40 nations se sont dotées de 410 sous-marins traditionnels ces dernières années. Manifestement, ces pays sont très conscients de l'avantage énorme et de la transformation du rapport de forces qui survient quand on se dote de même un seul sous-marin. Ce sous-marin constitue une menace pour les forces navales, même les plus puissantes.
• 2305
Pour le Canada, les avantages des sous-marins sont les
suivants.
Si on les utilise pour les patrouilles de souveraineté et de surveillance, ils coûtent moins cher que les navires de surface pour ce qui est de leur personnel et de leurs opérations. Ils peuvent effectuer des patrouilles dissimulées de très longue durée sans se ravitailler en combustible et leur sonar très efficace à longue portée leur permet de couvrir de grandes distances et de prêter main forte aux navires et aux opérations des aéronefs de patrouille maritime. Ils peuvent effectuer des opérations sous- marines et anti-sous-marines et faire de la surveillance secrète dans le cadre d'activités typiques du genre de celles qu'on rencontre lors d'opérations des Nations Unies, surtout dans des eaux côtières où des sous-marins nucléaires alliés pourraient ne pas être aussi efficaces. Le seul fait qu'on possède des sous- marins, même s'ils ne sont pas nécessairement présent dans une région donnée, sera toujours perçu comme une menace par un ennemi éventuel.
Ils sont essentiels pour la préparation à la guerre, la formation AS, anti-sous-marins, des Forces canadiennes, américaines et britanniques qui doivent former leurs troupes pour qu'elles puissent contrer les sous-marins traditionnels, qui peuvent être plus difficiles à déceler que les sous-marins nucléaires. Si le Canada offrait une formation pour la lutte contre les sous-marins traditionnels à la marine royale et à la marine américaine qui n'ont pas de tels sous-marins, cela pourrait nous permettre de profiter d'avantages compensatoires dans d'autres domaines.
Si nous perdions nos capacités et nos connaissances en matière de sous-marins, nous ne pourrions jamais les remplacer à temps en cas de besoin. De plus, au fur et à mesure que la propulsion sous- marine non nucléaire et permettant de circuler sous la glace devient disponible, nous perdons toute possibilité d'effectuer de la recherche sous-marine et d'effectuer des patrouilles liées à la surveillance de notre souveraineté dans l'Arctique.
Notre marine doit pouvoir compter sur cette flexibilité sous- marine et doit aussi pouvoir combattre les sous-marins de tout type lors d'opérations maritimes de petite ou de grande envergure. Nous enjoignons le gouvernement de saisir l'occasion hautement favorable de se doter de quatre Upholders britanniques.
Passons maintenant aux hélicoptères: il a fallu 15 ans pour concevoir et construire 12 frégates de patrouille canadiennes. On avait prévu que leur capacité dans l'exécution de l'un de leurs divers rôles serait décuplée par l'ajout de l'hélicoptère EH-101, le seul hélicoptère ayant les spécifications voulues pour répondre aux exigences opérationnelles. Ce sont d'excellents navires. Il faut leur donner cette capacité essentielle outre-horizon qu'un hélicoptère de haute performance peut leur donner. Dans toute mission confiée à ces navires, qu'il s'agisse d'une mission qui fait appel à la surveillance aérienne, ou à la protection anti- missile ou anti-sous-marine d'autres troupes, la présence de nouveaux hélicoptères adéquats qui remplaceront les Sea Kings est essentielle, et il faut les acquérir le plus vite possible.
Mes expériences sur un destroyer dans la bataille de l'Atlantique et plus tard sur de sous-marins de guerre m'ont fait comprendre l'effet énorme de la présence des sous-marins lors de toute campagne. Aujourd'hui, ils sont encore plus efficaces et très versatiles. Croyez-moi, si vous aviez été présents sur un navire alors que même un seul sous-marin hostile était présent dans votre zone, vous auriez prié que votre escorte ait une capacité anti-sous-marine efficace.
Les Canadiens qui servent fièrement leur pays au sein des Forces armées méritent d'être reconnus et traités équitablement. Contrairement à leur homologues civils, ils ont offert leur vie pour le Canada. Il nous incombe de nous assurer qu'ils jouissent de bonnes conditions dans les Forces armées et qu'ils aient accès à l'équipement voulu pour leur permettre d'exécuter toute opération que le gouvernement leur demande d'exécuter en notre nom.
Monsieur le président, je vous remercie, vous et votre comité de votre patience. Nous vous demandons instamment d'accorder à nos recommandations une considération toute particulière, en tant que Canadiens, et non pas en tant que membres de partis politiques. Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Kinsman.
Monsieur Hanger.
M. Art Hanger: Monsieur Kinsman, j'ai une question qui a trait à un commentaire que vous avez fait à propos de la souveraineté. Vous avez lié l'équipement au moral... Ici, j'ai noté: «moral contre équipement», mais d'après vos commentaires vous dites que l'équipement et le moral des troupes vont de pair. Il vous faut un équipement décent, pour pouvoir bien fonctionner, et avec cette capacité opérationnelle votre moral s'en porte bien.
• 2310
Pour revenir à la souveraineté, nous étions à Yellowknife il
y a deux jours et nous nous sommes entretenus avec le commandant de
la base là-haut. On s'inquiète, dans les îles de cette partie
septentrionale du Canada, de l'insuffisance de notre présence là-
haut. Est-ce que la présence de sous-marins améliorerait les choses
réellement, sous la couche glaciaire? Si la nouvelle classe de
sous-marins Upholder—je pense que ce sont des appareils
britanniques—était utilisée, pourrait-elle bien servir notre
marine?
M. William Kinsman: Les sous-marins Upholder ne pourraient pas fonctionner sous la couche glaciaire. Mais comme vous le savez, la compagnie Ballard à Vancouver travaille à mettre au point des cellules de combustible et un système de propulsion anaérobie qui pourraient être installés à bord des Upholders en temps utile et qui les doteraient d'une capacité de naviguer sous la glace. Mais ce n'est pas ce que j'espère pour l'immédiat; je voulais simplement signaler qu'il y a là une occasion à saisir.
M. Art Hanger: Notre souveraineté est-elle menacée?
M. William Kinsman: Si les gens s'aperçoivent que vous ne vous occupez pas de vos propres intérêts, quelqu'un viendra tôt ou tard s'en occuper pour vous. À l'heure actuelle, la marine américaine envoie des sous-marins nucléaires dans nos eaux arctiques et nous n'avons ni contrôle ni connaissance de leurs activités; ils ne nous en avisent même pas. Si nous n'avons plus de sous-marins, ils nous informeront encore moins. Le service de sous-marins de la marine américaine n'informe même pas sa propre marine de ses activités. C'est un service très secret. Ils vont là-haut et font toutes sortes de choses. Nous ne disposons d'aucun moyen de savoir s'ils sont là. À un moment donné, on a parlé d'installer des câbles acoustiques sous-marins pour les écouter; mais nous n'avions aucune façon de réagir même si nous décelions leur présence.
Il est sûr que notre souveraineté là-haut laissera planer certains doutes tant que nous ne serons pas dotés de la capacité de mener des opérations sous les glaces.
Le président: Monsieur Pratt.
M. David Pratt: Monsieur Kinsman, je dois dire que personnellement je reconnais avec vous la nécessité d'avoir des sous-marins et des hélicoptères embarqués et de donner suite à certains des autres projets qui sont restés en suspens au cours des dernières années, mais cela ne résout pas le problème politique qui existe. Le Parlement compte plus de 300 membres et ils ne sont pas tous assis ce soir autour de cette table pour pouvoir entendre vos remarques et celles des témoins présents ici ce soir. Comment proposez-vous que nous fassions accepter cet état de choses, pas simplement pour ce qui est des améliorations à la rémunération et aux avantages que reçoivent les membres des Forces canadiennes mais pour expliquer le besoin de les doter du matériel qui est absolument essentiel pour leur permettre de s'acquitter de leurs tâches?
M. William Kinsman: J'aimerais pouvoir répondre à votre question, monsieur, parce que je suis associé au Réseau national des associations de la défense, dont l'amiral Thomas est président. Nous publions un bulletin qui est remis à tous les parlementaires et aux médias. Nous adressons sans cesse des lettres aux rédacteurs en chef des journaux. Je dois dire que localement nous obtenons un certain appui de la part des chroniqueurs en matière de défense nationale, mais sur ce littoral, nous avons constaté que le Globe & Mail était un obstacle infranchissable. Ce journal n'accepte de rien publier à ce sujet. Nous avons tenté par tous les moyens de faire exercer des pressions et de faire rédiger des articles par d'anciens membres des Forces armées mais j'aimerais que vous puissiez me donner la réponse.
M. David Pratt: Avez-vous constaté un changement dans l'état d'esprit des gens au cours du mois dernier? Je sais que les gens dans ma région... Nous avons été gravement éprouvés par la tempête de verglas. Le courant a manqué pendant plus d'une semaine dans la moitié de ma circonscription. Cela semble ironique mais depuis un an environ, la cote des Forces armées a remonté énormément en raison des tâches dont elles se sont acquittées et pour lesquelles elles n'avaient reçu aucune formation.
M. William Kinsman: C'est exact.
M. David Pratt: Je puis vous dire que dans ma collectivité les gens se sont assemblés dans les rues alors que les militaires du Royal Canadian Dragoons quittaient la ville une fois leurs tâches accomplies. C'était vraiment quelque chose à voir.
• 2315
J'imagine que c'est à cela que je veux en venir. Comment peut-
on utiliser la reconnaissance qui existe pour faire changer le
public d'opinion et lui faire accepter la nécessité d'accomplir les
choses qui sont nécessaires?
M. William Kinsman: Je suis d'accord avec vous. Les inondations et le verglas au Québec et en Ontario ont certainement suscité un appui énorme pour les Forces armées. Le public canadien est fait ainsi. Il apprécie qu'on lui vienne en aide et on constate un rapprochement social salutaire dans les collectivités, ce qu'on n'aurait jamais pensé voir se produire auparavant. Mais malheureusement lorsqu'il est question de «sous-marins»... c'est un mot à bannir. Dans l'esprit des gens d'un certain âge, cela rappelle la Seconde guerre mondiale et pour la jeune génération, la Guerre froide. Pour les très jeunes, cela ne signifie rien.
Lorsqu'on parle d'acheter un sous-marin, les gens vous demandent à quoi ils servent. Ils n'arrivent pas à concevoir ce qui s'est produit avant la Première guerre mondiale et avant la Deuxième guerre mondiale. Tout d'un coup nous étions en guerre. Je ne veux pas dire que l'on devrait enseigner aux élèves de nos écoles ce qui s'est produit avant la Deuxième guerre mondiale et le fait que nous avons été pris au dépourvu. On m'a dit qu'en Ontario en n'enseigne pas l'histoire antérieure à 1945 dans les écoles secondaires. Est-ce exact? C'est ce qu'on me dit.
M. David Pratt: Vous avez peut-être mis le doigt sur un aspect du problème.
M. William Kinsman: Ces jeunes ignorent ce qui peut se produire. Ils sont tout à fait absorbés par leur vie quotidienne, la technologie et l'Internet; tout le monde est captivé par ces questions là. Mais il y a quelques personnes qui s'efforceront de dire au monde et au Canada ce qui pourrait se produire et comment nous devrions nous y préparer. Notre petit groupe est du nombre.
Merci.
M. David Pratt: Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Kinsman.
Martine Brisson, s'il vous plaît.
[Français]
Mme Martine Brisson (présidente, Conseil administratif, Centre de ressources pour les familles militaires): Je m'appelle Martine Brisson.
[Traduction]
J'appartiens au CRFM, c'est-à-dire le Centre de ressources pour les familles des militaires. Je suis présidente du conseil d'administration et également l'épouse d'un militaire. J'ai habité à bien des endroits au Canada et à l'étranger. Dans chaque poste j'ai pris part à la collectivité militaire et les familles m'ont fait part de leurs difficultés.
Les pressions financières imposées aux familles des militaires pendant les longues périodes de séparation de nos conjoints et de nos familles élargies, est une difficulté manifeste. Les déménagements fréquents ont souvent des conséquences négatives sur le revenu de la famille. La vie d'une famille de militaire est déjà assez difficile sans qu'on y ajoute le fardeau constant de problèmes financiers.
L'un des sentiments que les gens ont exprimés au conseil d'administration du Centre de ressources pour les familles des militaires est que ces familles n'ont pas un soutien financier suffisant. Pendant la brève période de cinq minutes qui m'est accordée, je vais aborder le sujet du dédommagement pour compenser l'augmentation du coût de la vie en matière de déménagements et l'augmentation du programme de soins de santé de la fonction publique.
Comme vous le savez assurément, le personnel des Forces armées touche la même rémunération, indépendamment du lieu où les militaires sont appelés à servir au Canada. On ne nous dédommage pas lorsque nous sommes envoyés dans des régions comme la côte ouest, où le coût de la vie est notablement plus élevé que dans d'autres régions du pays.
La plupart des familles canadiennes de nos jours ont besoin de deux revenus pour vivre. C'est presque impossible pour les familles des militaires puisque nos vies sont bouleversées par des transferts fréquents, ce qui rend difficile pour les conjoints et conjointes d'avoir une carrière à eux. Si, à un endroit particulier, un conjoint ou conjointe a la bonne fortune de trouver un emploi, une fois la famille transférée ailleurs, lui ou elle se trouve désormais sans emploi. Ce facteur, outre le coût plus élevé de la vie, accroît le fardeau financier des militaires.
J'avoue que les familles qui louent un logement ont droit à une indemnité d'aide au logement. Nous sommes fermement d'avis qu'une indemnité de vie chère, offerte à tous, serait préférable et stabiliserait la qualité de vie de nos familles. Cette indemnité de vie chère pourrait être plus efficace que l'indemnité d'aide au logement et ne devrait pas faire de distinction entre les propriétaires et les locataires.
Pour ce qui est de l'accession à la propriété, à Victoria le prix moyen pour un condominium de deux chambres est de 150 000$. Une maison moyenne coûte 248 000$. Quand on est transféré ailleurs, on espère pouvoir vendre sa maison rapidement sans encourir de perte. Malheureusement, dans certains marchés, une perte est inévitable, surtout lorsqu'il s'agit d'un condo ici à Victoria.
• 2320
Dans l'état actuel des choses, il faut essuyer une perte de
10 p. 100 avant de pouvoir être dédommagé. À Victoria, cela
signifie une perte de 24 800$. Mais si nous perdons seulement
24 700 $, il n'y a aucun dédommagement. Or, peu de gens peuvent se
permettre une perte de mise de fonds de 24 000$, surtout pour des
raisons indépendantes de leur volonté. Si nous déménageons, c'est
parce que notre gouvernement a besoin de nous ailleurs.
Une autre question relative à la qualité de la vie est la suivante: il y a un an environ, le Régime de soins de santé de la fonction publique a porté la franchise annuelle pour la protection familiale de 40 à 100$, soit une augmentation de 150 p. 100 alors que les salaires sont gelés depuis un certain nombre d'années. Voilà qui a réduit notre revenu disponible. Par ailleurs, la protection dentaire a étendu de six à neuf mois la période entre les examens courants, nous donnant ainsi l'impression d'être des citoyens de deuxième ordre.
Pour terminer, j'aimerais réitérer les sujets que je vous prie d'étudier: nous aimerions que l'on mette en vigueur une indemnité de vie chère, nous aimerions une amélioration des indemnités de déménagement et également s'il faut absolument augmenter les franchises de nos régimes médical et dentaire, celles-ci devraient être plus raisonnables et plus conformes à l'indice du coût de la vie et également à notre rémunération.
J'aimerais vous remercier d'avoir bien voulu écouter nos sujets de préoccupation. Nous espérons que cet entretien donnera des résultats positifs. Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Deux ou trois personnes veulent poser des questions.
[Français]
Madame Venne, s'il vous plaît.
Mme Pierrette Venne: Merci, monsieur le président. Je me permettrai de faire un aparté. Je ne sais pas si c'est un effet de la réduction du budget de la Défense nationale, mais on gèle ici.
[Traduction]
Monsieur le président, j'ignore si c'est à cause de la réduction du budget de la Défense nationale mais nous gelons ici; j'espère donc que demain matin il fera un peu plus chaud.
[Français]
Madame, on sait que les problèmes financiers mènent souvent à d'autres problèmes, comme la violence conjugale, l'alcoolisme et l'usage de drogues. Avez-vous remarqué de tels problèmes et, si oui, à quel degré existent-ils? Vous n'en avez pas parlé.
Mme Martine Brisson: Puisque je ne disposais que de cinq minutes, nous avons décidé de ne pas en traiter. Nous vous remettrons toutefois un mémoire écrit.
Nous avons en effet constaté une augmentation en raison de problèmes financiers. Nous avons retenu les services d'une travailleuse sociale qui offre du counselling et d'un conseiller financier. Nous avons constaté un accroissement marqué des demandes de counselling auprès de ces deux spécialistes. Il s'agit d'un effet secondaire des problèmes financiers que vivent présentement les familles militaires.
Mme Pierrette Venne: De quel ordre était cette augmentation?
Mme Martine Brisson: Je ne saurais vous donner un nombre exact, mais je sais qu'ils sont très, très occupés.
Mme Pierrette Venne: Merci.
[Traduction]
Le président: Monsieur Hanger.
M. Art Hanger: Merci, monsieur le président.
• 2325
Madame Brisson, voudriez-vous bien dire au comité à quelle
situation vous êtes confrontée dans votre vie quotidienne,
hebdomadaire et mensuelle? Vous êtes mariée à un membre des Forces
armées. Avez-vous un autre emploi?
Mme Martine Brisson: Actuellement je suis l'une des rares à avoir la chance d'avoir trouvé de l'emploi à Victoria.
L'une des difficultés auxquelles nous nous heurtons, c'est que nous déménageons tous les deux, trois ou cinq ans et il est donc difficile de conserver une carrière. Nous sommes soit sous- employés, soit en chômage. Il faut aussi tenir compte du coût des frais de garderie. Étant donné que Victoria a une économie basée surtout sur le secteur des services, c'est dire que la plupart des emplois disponibles sont peu rémunérés. C'est dire également que si vous avez deux enfants, et devez donc avoir recours à des services de garderie, il ne paie pas de travailler à cause des frais de garderie en comparaison du salaire touché.
En outre, on est automatiquement sous-employé parce que les gens savent que nous serons ici, mettons, pour deux ou trois ans et ils n'ont pas vraiment besoin de nous, ils préfèrent quelqu'un qui peut rester pendant une plus longue période. Donc, il est assez difficile de trouver de l'emploi lorsqu'on est le conjoint ou la conjointe d'un militaire. C'est la perspective qu'a l'employeur.
M. Art Hanger: Occupez-vous des logements familiaux fournis par le gouvernement ou habitez-vous dans un logement à vous que vous louez ou dont vous êtes propriétaire?
Mme Martine Brisson: Nous avons acheté notre logement.
M. Art Hanger: Vous avez acheté une maison.
Mme Martine Brisson: Oui. Nous avons couru un risque, surtout ici à Victoria. Je travaille pour la Société canadienne d'hypothèques et de logement, donc, les chiffres que j'ai cités sont vrais d'après notre analyse du marché. Depuis 1994, le marché de l'immobilier à Victoria a fléchi sensiblement. Nous savons que pour la majorité des gens, s'ils doivent partir demain, ils perdront un montant important. À cause de la fameuse règle de la perte de 10 p. 100, si on ne perd que 9,7 p. 100, on n'est pas dédommagé et si c'est le cas à l'occasion de deux, trois ou quatre affectations, il ne reste rien de la mise de fonds.
Pour les fonctionnaires, les choses se passent mieux à Ottawa. On achète une maison et l'on y reste pour la plupart de sa vie. Dans notre cas, nous devons acheter une maison tous les deux, trois ou cinq ans. On ne peut se permettre d'essuyer une perte chaque fois que l'on déménage.
M. Art Hanger: Est-ce que l'époux ou l'épouse d'un matelot ordinaire peut boucler son budget avec le traitement qu'il ou elle touche, étant donné le loyer qu'ils doivent payer ici?
[Note de la rédaction: Rires dans l'assistance]
M. David Pratt: Voilà votre réponse je crois, Art.
Mme Martine Brisson: Je travaille aussi comme compagne de travail. Les familles des simples matelots que j'ai suivies n'arrivent pas à joindre les deux bouts ici à Victoria, même lorsqu'elles occupent les logements réservés aux militaires.
M. Art Hanger: D'accord. Je veux que ces personnes-là me le disent, en fait, nous le disent. Je sais qu'on a posé exactement ces questions déjà mais je crois qu'il est important pour nous que les gens réunis ici nous le disent. C'est une question importante.
Je crois savoir que le prix de location se situe aux environs de 900$ par mois...
Mme Martine Brisson: Si vous avez de la chance.
M. Art Hanger: ... si vous avez de la chance, et je crois que ce prix s'applique aux logements fournis par le gouvernement aux militaires. Est-ce essentiellement le prix qu'on exige?
Mme Martine Brisson: Les logements fournis par le gouvernement aux militaires sont censés être conformes aux logements des civils. C'est pourquoi le prix a monté. Mais il n'en va pas de même avec nos taux de rémunération. Des gens peuvent avoir été propriétaires de leur maison à Moose Jaw ou à Trenton mais lorsqu'ils déménagement à Victoria, ils constatent qu'ils ne peuvent pas acheter une maison dans ce marché-là. En outre, leur loyer ici est plus élevé que les paiements hypothécaires qu'ils versaient à la base où ils séjournaient avant. Cela crée énormément de difficultés aux gens. Après avoir payé le loyer, il ne leur reste presque aucun revenu disponible.
M. Art Hanger: D'accord. Il semble en général d'après vos observations que sur la côte ouest, et surtout dans cette région en particulier, la situation soit assez grave. Mais même dans certaines des villes plus petites dans d'autres régions du pays, la situation est précaire pour bien des gens. Si un ménage connaît un coup dur, il doit tout d'un coup recourir à sa carte de crédit pour faire face aux dépenses ce mois-là ou bien encore s'adresser à la banque alimentaire pour avoir suffisamment à manger.
Mme Martine Brisson: C'est ce qui arrive aux membres des Forces armées. Certains s'adressent effectivement aux banques alimentaires.
M. Art Hanger: J'ai posé une autre question à l'un des membres de la Défense nationale, l'un des officiers...
Mme Martin Brisson: Je veux simplement vous faire remarquer une chose. Peut-être que dans une petite collectivité, lorsqu'une famille connaît un coup dur, elle doit se servir de sa carte de crédit. La différence ici à Victoria c'est que le conjoint peut se trouver sur un navire quelque part dans le monde et son épouse est seule ici pour veiller en outre aux besoins de la famille.
M. Art Hanger: Oui, c'est différent. Je suis d'accord.
On m'a signalé que bien des militaires en particulier avaient dû acheter du matériel pour exercer leur emploi parce que le matériel qu'on leur distribuait ne convenait pas. Est-ce également le cas pour le personnel de la marine?
Mme Martine Brisson: Je ne suis pas au courant de cela. Je suis venue pour représenter les familles des militaires, non pas ceux qui achètent leur propre matériel.
M. Art Hanger: Je le comprends. Voici ce que je cherche à savoir en vous posant cette question. Si un militaire doit acheter ses bottes par exemple, ou quelqu'autre article d'équipement, ce sont des dollars qu'on retire au budget de la famille. Je sais que c'est la réalité. Même le chef d'État major des Forces terrestres l'a reconnu.
Je pose maintenant la même question, à savoir que si le matériel distribué au personnel de la marine est insuffisant ou incomplet, le budget familial s'en trouve d'autant amputé. Ces dépenses ne sont pas remboursées. Savez-vous si c'est le cas?
Mme Martine Brisson: Je ne suis pas au courant.
M. Art Hanger: Merci.
Le président: Madame Longfield.
Mme Judi Longfield: Je tiens à vous remercier, ainsi que les autres témoins, de votre attitude très franche et honnête. Nous vous en sommes reconnaissants. Je peux vous dire qu'en vous voyant ici, en vous écoutant face à face, cela a une influence très marquante sur mon point de vue.
Il n'a pas été beaucoup question des enfants dans cette situation. Je m'inquiète en particulier de la difficulté qu'éprouvent les parents lorsqu'ils doivent transplanter leurs enfants d'un système scolaire à un autre, parfois au milieu de l'année. En tant qu'ancienne enseignante, je sais qu'il est toujours très difficile aux enfants de s'adapter et vos enfants doivent le faire beaucoup plus souvent que d'autres.
J'ai deux questions à vous poser. La première, obtenez-vous un soutien quelconque en matière de counselling? Je sais que les écoles n'offrent pas ce service, surtout parce que le nombre des enfants concernés est limité mais est-ce que les militaires fournissent des services de counselling aux enfants pour les aider à surmonter certains de ces problèmes liés aux déménagements et à la réadaptation?
Mme Martine Brisson: Oui, il existe certains programmes, surtout ici à Victoria, lorsque le père ou la mère est muté pendant trois, quatre, cinq ou six mois. Il existe des programmes pour différents groupes d'âge, pour aider les enfants à faire face à ce genre de situation.
Mme Judi Longfield: Il s'agit là de faire face à la structure sociale au foyer. Je me demande s'il existe une autre forme d'aide pour leur permettre d'affronter les bouleversements qu'ils connaissent dans leurs études.
Mme Martine Brisson: Non.
Mme Judi Longfield: En outre, j'imagine qu'il y a bien des cas où le conjoint ou la conjointe ne déménage pas au même moment parce que les parents souhaitent que leur enfant finisse son année scolaire au milieu de ses amis. Existe-t-il une forme d'aide actuellement qui permette d'avoir deux lieux de résidence?
Mme Martine Brisson: Oui, il y en a. C'est une situation que l'on voit assez souvent. Le militaire part seul et sa famille suit plus tard, pour des raisons financières ou autres. Il y a en effet de l'aide financière. Je ne suis pas certaine du montant provenant des autorités militaires, mais il y a quand même une petite somme.
Mme Judi Longfield: S'agit-il d'une aide prolongée? Vise-t-elle uniquement l'année scolaire ou peut-elle s'étendre sur un an ou deux lorsque l'enfant approche la fin de ses études à un niveau donné?
Mme Martine Brisson: Cette aide est prévue lorsque le conjoint doit partir et que sa famille reste là.
Mme Judi Longfield: Oui, je sais, mais savez-vous combien longtemps l'aide est offerte.
Martine Brisson: Non. C'est aux autorités militaires d'en décider. Je sais qu'il y a de l'aide et je crois que c'est pour la durée de la mutation.
Mme Judi Longfield: Merci.
Le président: Monsieur Pratt, je crois que vous aviez une question.
M. David Pratt: Je vous remercie, monsieur le président.
En règle générale, un ménage consacre environ 30 % de son revenu pour se loger—c'est le cas du moins pour la plupart des gens dans le milieu civil. Le centre de ressources familiales a-t-il dressé des chiffres ou calculer approximativement quelle proportion de leur revenu est consacrée au logement?
Mme Martine Brisson: Pas pour le loyer, non.
M. David Pratt: Une autre petite question. Pour ce qui est de l'état d'entretien des logements familiaux et...
[Français]
Mme Martine Brisson: Les gens ne sont pas satisfaits de la façon dont on fait l'entretien.
[Traduction]
Ils ne sont pas satisfaits de l'entretien des logements familiaux. Il y a beaucoup de plaintes. Ils les trouvent impossibles à chauffer.
M. David Pratt: Impossibles à chauffer. Les normes d'isolation ne sont pas à la hauteur.
Mme Martine Brisson: Voilà. Ces logements sont vétustes et exigus. Ils sont très insatisfaits des logements militaires.
M. David Pratt: Donc on ne semble pas entretenir les habitations aussi bien que l'on semble entretenir les navires.
Mme Martine Brisson: Bien...
Des voix: Bravo!
Le président: Poursuivons. Monsieur Wood.
M. Bob Wood: J'ai une seule petite question. Nous avons entendu aujourd'hui un témoignage déchirant à propos des parents seuls qui partent en mer. Quel est l'appui que les centres de ressources humaines offrent à ces parents seuls qui se retrouvent dans une telle situation? Les parents seuls sont-ils nombreux?
Mme Martine Brisson: Oui, ils le sont. Leurs nombres se multiplient, surtout de nos jours. Malheureusement, le centre de ressources ne peut offrir que de l'aide à court terme si une crise se produit. Dans le cas d'un déploiement où le militaire part pour six mois, nous pouvons lui offrir un peu aide, mais nous sommes surtout là pour aider à court terme dans les situations de crise. Si une crise se produit et que le militaire doit partir le lendemain, nous sommes là pour l'aider.
M. Bob Wood: Peuvent-ils s'adresser ailleurs pour obtenir de l'aide?
Mme Martine Brisson: Il y a certains organismes civils et nous comptons plusieurs travailleurs sociaux chargés de les aider.
M. Bob Wood: Mais les Forces armées n'offrent aucune aide en particulier pour les parents seuls qui partent en mer.
Mme Martine Brisson: Non.
M. Bob Wood: Ils doivent se débrouiller seuls, trouver quelqu'un pour garder les enfants, s'occuper de tout.
Mme Martine Brisson: Oui.
M. Bob Wood: Vous ne faites rien. Ne pensez-vous que vous devriez aider? Est-ce une question de ressources?
Mme Martine Brisson: C'est une question de ressources. Notre organisme n'est qu'à ses débuts. Le centre de ressources familiales vient d'ouvrir ses portes. Nous sommes un organisme embryonnaire et nous essayons d'intervenir et d'aider chaque fois que nous le pouvons. À l'heure actuelle, nous ne pouvons pas compter sur les crédits nécessaires. L'année prochaine, c'est aspect devrait être réglé. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour intervenir dans tous les domaines où on a besoin de nous. La garde des enfants est l'un de ces domaines.
Le président: Je vous remercie infiniment de votre exposé.
Des voix: Bravo!
Le président: J'invite maintenant M. D. Provost à prendre la parole.
M. Doug Provost: (vice-président, Groupe financier de la Banque Toronto-Dominion: Bonsoir, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité. Je m'appelle Doug Provost. Je suis vice-président du Groupe financier de la Banque Toronto-Dominion.
J'aimerais vous faire part ce soir de certaines des choses que nous constatons en tant qu'institution financière lorsque nous avons affaire au personnel militaire. J'aborderai en même temps deux grandes questions, soit le logement et la gestion financière personnelle.
• 2340
Le coût du logement à Victoria est sans conteste le principal
problème dont nous parle le personnel militaire à tous les
échelons. La plupart des militaires qui arrivent à Victoria
d'autres bases ont beaucoup de difficultés à joindre les deux bouts
ici dans notre ville à cause du coût du logement. Nous recevons peu
de demandes de prêt hypothécaire de la part des caporaux et
soldats; la plupart de ces demandes viennent des sous-officiers et
des échelons supérieurs et, bien souvent, ces gens font appel à
leurs parents, même si les taux d'intérêt sont peu élevés à ce
moment-ci.
On nous parle souvent des longues listes d'attente dans le cas de ceux qui veulent un logement militaire. Je crois savoir que les choses se sont un peu améliorées, mais cela reste à confirmer. C'est une situation qui empire les soucis financiers. Nous avons même vu des cas de gens qui ont dépensé l'équivalent d'un versement initial pour payer un logement loué au prix fort sur le marché.
Nous sommes souvent témoins de l'exaspération des gens lorsqu'ils nous disent qu'en achetant une maison, ils vont perdre l'indemnité d'aide au logement, dont vous avez déjà entendu parler ce soir. C'est certainement une situation qui les décourage d'acheter. Nous avons vu des cas de militaires qui pouvaient se permettre d'acheter une maison mais qui ont choisi de demeurer dans un logement familial parce qu'ils ne voyaient aucun avantage à acheter leur propre maison. La période d'attente avant d'avoir accès à un logement familial aggrave sans doute la situation. De plus, je crois savoir que la période d'occupation d'un logement militaire a été limitée.
À l'instar de ceux qui ont déjà abordé la question ce soir, je maintiens qu'il serait bon que l'on envisage la possibilité d'offrir l'indemnité d'aide au logement aux propriétaires afin d'encourager les militaires à s'acheter une maison.
En ce qui concerne les finances personnelles, nos observations se rapportent en général aux caporaux et aux soldats ainsi qu'aux militaires des échelons intermédiaires. Voici certaines de ces observations.
On remarque en général que ces gens misent beaucoup sur leur pension et qu'il y a donc chez eux un certain manque de planification financière et d'orientation financière précise. La mesure dans laquelle la famille peut gérer ses finances est une question importante, surtout dans le cas de ménages ou un conjoint doit partir en mer, comme il en a été question tout à l'heure. Nous voyons rarement de plans d'épargne ou de cotisations à un REER dans le cas des caporaux et des soldats. Bien souvent, les avoirs sont minimes ou il n'y a pas de valeur nette et les gens sont vraiment coincés financièrement.
Les demandes de prêt que nous recevons des caporaux et des soldats concernent le plus souvent des voitures, des motocyclettes ou des biens de consommation comme des appareils stéréophoniques et des ordinateurs. Malheureusement, bien souvent, ces gens viennent nous voir pour des prêts de consolidation de la dette.
En général, les gens ne connaissent pas grand-chose des REER et de la planification de la retraite. Cela se voit aussi parmi ceux qui viennent de recevoir ou qui sont sur le point de recevoir une indemnité de cessation d'emploi ou de départ à la retraite.
Nous voyons souvent des comptes de carte de crédit où les paiements sont de 60 à 90 jours en retard. Nous connaissons tous les conséquences d'une telle situation pour ces personnes, mais aussi il y a toute la question de leur cote de solvabilité qui en souffre. Bien souvent, les nouveaux caporaux et soldats et aussi ceux qui sont célibataires ne connaissent pas l'épargne, ce qui est malheureux, car la vie militaire offre justement l'occasion d'épargner.
Si je peux faire une proposition pour ce qui est de la gestion financière, on devrait envisager selon moi un programme de gestion financière et de planification financière qui serait mis à la disposition de tous les militaires ou du moins des soldats et caporaux. Il devrait s'agir d'un programme obligatoire auquel leurs conjoints participeraient, car on nous a déjà décrit ce que vivaient les familles lorsque le militaire partait en mer.
Une fois que tous les militaires auront suivi ce programme, celui-ci pourrait être modifié et offert aux recrues, de sorte que tous ceux qui s'enrôlent reçoivent la formation financière nécessaire.
• 2345
Ce que je veux faire comprendre, c'est qu'au lieu d'augmenter
les ressources à long terme pour aider les gens aux prises avec de
graves problèmes financiers, il s'agirait d'offrir la formation
nécessaire pour éviter les problèmes ou du moins pour que ceux-ci
soient moins graves; il s'agit donc d'apporter une aide positive et
proactive plutôt qu'après coup.
Merci.
Le président: Je vous remercie beaucoup de votre exposé, monsieur.
J'invite maintenant le premier maître Wilmot à prendre la parole.
Premier maître Wilmot (conseiller financier de la base): Monsieur le président, mesdames et messieurs, je suis le premier maître Wilmot. Je suis conseiller financier de la base depuis un an. Au cours de cette période, j'ai interviewé ou conseillé environ 325 militaires qui connaissaient des difficultés financières quelconques. En général, ces entrevues tombent dans deux catégories: les entrevues préventives, soit environ 200 cas, et les entrevues correctives, soit environ 125 cas.
Le counselling préventif se fait dans les cas de dettes peu élevées mais contraignantes, par exemple les impôts impayés, le remboursement de trop-perçus, les réparations de véhicules et ainsi de suite. Bien souvent un petit prêt consenti par la Caisse d'assistance au personnel des Forces canadiennes suffit pour régler cette dette; le taux d'intérêt est faible et le calendrier de remboursement du prêt convient aux militaires.
Le counselling correctif s'applique aux dossiers plus graves. Bien souvent, il s'agit d'une dette accumulée considérable. Les raisons de telles dettes sont aussi nombreuses que mes clients; toutefois, elles se ramènent en général à un abus du crédit. Cela n'aide certainement pas non plus de ne recevoir aucune ou à peu près aucune augmentation salariale depuis six ans.
Dans le cas des militaires de plus haut rang qui viennent me voir, leurs dettes sont ordinairement le résultat du goût qu'on les gens d'avoir toutes ces choses matérielles qui nous sont essentielles aujourd'hui. Par conséquent, ils ont plusieurs comptes d'achat à crédit. Tous les coûts réunis que représente le règlement de ces comptes finissent par dépasser leur capacité de payer.
Le divorce est également une source de dette considérable. Je vois en moyenne deux de ces dossiers par mois. Dans de nombreux cas, il y a des versements de pension alimentaire ordonnés par le tribunal. Certes, de tels versements sont nécessaires et en général leurs montants sont fixés conformément aux directives du ministère de la Justice concernant les pensions alimentaires, mais il se présente parfois des problèmes lorsque le militaire assume, volontairement ou non, la responsabilité entière de la dette du ménage ou devient la victime d'un ancien conjoint résolu à le punir. Compte tenu des circonstances, la personne peut demander de l'aide exceptionnelle par le biais de la Caisse d'assistance au personnel des Forces canadiennes. Les autres mesures que l'on peut proposer dans ces dossiers vont de prêts bancaires et de prêts de consolidation à des programmes de remboursement ordonné parrainés par les gouvernements provinciaux.
Dans le cas des militaires des échelons inférieurs, il y a deux problèmes persistants. Premièrement, les jeunes recrues arrivent dans les Forces armées avec un bagage financier considérable, en général sous la forme de prêts d'études. J'ai vu des cas où cette dette s'élevait à 10 000 ou 12 000$. Pour bon nombre de ces prêts, des mesures de recouvrement ont été prises avant que le matelot ne se décide à demander de l'aide ou que quelqu'un ne l'envoie me voir pour de l'aide ou des conseils.
L'autre situation que l'on voit est celle d'un matelot de 3ème classe qui a au moins trois personnes à charge et qui essaie de s'en sortir avec la solde ordinaire du matelot. Au cours de l'année qui vient de se terminer, j'ai conseillé six matelots qui en tout avaient 21 enfants. Deux de ces matelots de 3e classe sont des parents seuls et leur métier les appelle à aller en mer. Selon Statistique Canada, ces familles vivent sous le seuil de la pauvreté établi pour une personne qui vit dans une ville de 100 000 à 500 000 habitants. Et ils continueront à vivre sous le seuil de la pauvreté tant que le salarié unique n'atteint le rang de matelot de 1re classe, ordinairement après quatre ans.
Le coût de la vie plus élevé que la moyenne ici à Victoria aggrave ces problèmes. Jusqu'ici, quatre demandes de prêt de détresse ont été présentées pour le compte de matelots de 3e classe. Une seule de ces demandes a été acceptée telle quelle. Dans un des trois autres cas, le montant accordé était inférieur à celui demandé. Une des demandes a été rejetée et la quatrième est encore à l'étude.
• 2350
Il s'agit d'une aide ponctuelle et elle ne permet pas de
régler le problème plus vaste, et ce n'est d'ailleurs pas là la
raison d'être de la Caisse d'assistance au personnel des Forces
canadiennes. La solde de nos caporaux et soldats doit leur
permettre de subvenir aux besoins de leurs familles, ou alors le
recrutement doit se faire de façon plus sélective. Lorsque les
métiers sont désignés, on devrait tenir compte de l'état civil des
recrues.
Un autre problème que je constate est la carte En Route. Il y a quelques années, on s'est dit que la distribution des cartes En Route permettrait de simplifier les méthodes et de réaliser des économies dans le traitement des demandes de remboursement des personnes en mission officielle temporaire. Je tiens à préciser que ces cartes En Route doivent servir uniquement dans le cas des déplacements en service commandé. N'empêche qu'au cours des six derniers mois, j'ai vu au moins 25 demandes de petits prêts visant à régler des dettes qui comprenaient un solde impayé de compte En Route. Les matelots de 3e classe ne constituaient qu'une partie de ces dossiers; la plupart des demandes venaient de matelots de 1re classe ou de rang supérieur.
D'après les entrevues que j'ai eues avec les matelots de 3e classe, selon la politique en vigueur de la base, autant ici qu'à l'école des recrues à St. Jean, ces cartes sont distribuées automatiquement, même s'il n'est pas confirmé que la personne en a besoin.
À l'heure actuelle, tous les niveaux de commandement se penchent sur ce problème. Pour que cette carte soit remplacée ou que ses données soient modifiées, il faut que sa distribution initiale fasse l'objet de mesures de contrôle. On devrait être obligé au moins de démontrer que la carte est nécessaire.
Je vous remercie de votre temps, messieurs et madame.
Le président: Merci infiniment, monsieur.
La première personne à poser une question est Judi.
Mme Judi Longfield: Merci.
Y a-t-il un montant maximum prévu dans le cas d'un prêt provenant de la Caisse d'assistance au personnel des Forces canadiennes?
Premier maître Wilmot: Oui, madame, il y a en un. L'aide offerte par le biais de la Caisse d'assistance au personnel des Forces canadiennes peut se situer dans l'une de quatre catégories. Celle à laquelle on a recourt le plus souvent concerne le progrès personnel et comporte un prêt maximal de 4 000$; il y a des conditions à respecter pour recevoir ce montant.
Mme Judi Longfield: Et quel est le calendrier de remboursement? Est-il fixe? Quel est le taux d'intérêt?
Premier maître Wilmot: Le taux d'intérêt est 3 p. 100. Les prêts de 2 000$ ou moins doivent être remboursés dans douze mois; le calendrier de remboursement peut s'étendre sur plus de deux ans dans le cas des prêts pouvant atteindre 4 000$.
Mme Judi Longfield: Vous venez de décrire l'une des catégories. Quelles sont les autres?
Premier maître Wilmot: L'autre catégorie est le fonds de détresse. Là encore, il faut satisfaire à des conditions très sévères pour y avoir droit. Un militaire n'a pas droit à cette aide de détresse s'il a dix cartes de crédit et qu'il a dépassé le montant maximal de débit pour chaque carte. Le montant maximal de ce prêt est de 15 000$, à zéro pour cent.
Mme Judi Longfield: Excusez-moi, quel est le montant?
Premier maître Wilmot: C'est 15 000$, à zéro pour cent. La personne peut avoir droit également à un octroi direct de 5 000$. C'est un comité à Ottawa qui fixe ces montants.
Mme Judi Longfield: C'est ce que j'allais vous demander.
Avez-vous des cas où quelqu'un a demandé à nouveau un prêt de détresse? C'est-à-dire que la personne a déjà reçu un prêt et se présente à nouveau pour en obtenir un second.
Premier maître Wilmot: Cela ne se voit pas ordinairement. Comme je l'ai dit tout à l'heure, je n'occupe ce poste que depuis un an, et, en effet, j'ai vu un cas de cette nature, un matelot de 3e classe.
Mme Judi Longfield: Merci.
Le président: Monsieur Hanger.
M. Art Hanger: Merci, monsieur le président.
Monsieur, Je...
Premier maître Wilmot: Premier maître, s'il vous plaît.
M. Art Hanger: Premier maître. Je crois savoir que le niveau d'appui pour la caisse, si vous me le permettez, a été réduit considérablement pour le personnel militaire, passant de 13 millions de dollars à 6 millions de dollars.
Premier maître Wilmot: Monsieur, ce sont là des choses qui ne me regardent pas.
M. Art Hanger: Vous êtes au courant de cette mesure particulière...
Premier maître Wilmot: Oui, monsieur, je suis très au courant, mais ce n'est pas mon domaine.
M. Art hanger: Ce n'est pas votre domaine. De quoi s'agit-il ici, où il est question de compressions?
Premier maître Wilmot: Mon budget n'a pas fait l'objet de compressions, monsieur. Je suis le conseiller financier de la base. Je conseille les militaires et leurs conjoints, s'ils veulent m'entendre, au sujet de l'endettement, de l'établissement d'un budget, des finances personnelles. Mon budget ne vient pas des 13 millions de dollars, monsieur.
M. Art Hanger: Donc qui administre cette caisse, cet argent?
Premier maître Wilmot: Les politiciens et le QGDN.
M. Art Hanger: Ils ne peuvent le faire. Il faut que ça passe entre les mains de quelqu'un, je dirais au niveau local ici.
Premier maître Wilmot: Donc ce serait l'amiral, monsieur, et non pas un humble premier maître comme moi.
M. Art Hanger: Donc vous n'êtes pas au courant de la façon dont cet argent particulier...
Premier maître Wilmot: Non, monsieur.
M. Art Hanger: Alors je vais vous poser cette question, parce que c'est quelque chose qui m'a dérangé lorsque j'ai entendu parler de la compression il y a environ quatre mois. C'est une caisse qui sert à aider les familles militaires. Elle est passée de 13 millions de dollars à 6 millions de dollars. Donc, qui fait l'évaluation à l'échelon local si ce n'est pas vous?
Premier maître Wilmot: Je n'en suis pas sûr. Le fonds que j'administre, le prêt d'autoperfectionnement des Forces canadiennes, est un fonds qui appartient aux militaires, constitué grâce à l'argent des militaires. Ce fonds a été mis sur pied au moment de la Seconde guerre mondiale à l'aide de la caisse de bienfaisance de l'armée et il existe toujours. Il s'agit de fonds non publics. C'est le propre argent des militaires. Il ne s'agit pas de fonds publics. Je n'ai aucune idée de ce à quoi sert ce budget.
M. Art Hanger: Très bien. Je vous remercie.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Hanger.
Premier maître, pourriez-vous me dire à nouveau à quoi ont servi les cartes En Route?
Premier maître Wilmot: Oui. Avant qu'on commence à utiliser ces cartes, un militaire qui se rendait de Victoria à Halifax pour y suivre un cours ou en service temporaire avait des frais de voyage et des frais généraux. Habituellement, nous obtenions une avance, allions suivre notre cours, revenions à Victoria, retournions au bureau de paye pour régler les formalités. Si on nous devait de l'argent, il nous était remboursé et si nous devions de l'argent à la Couronne, nous devions le rembourser.
Pour rationaliser le processus, le quartier général de la Défense nationale a décidé d'opter pour les cartes de crédit En Route, parrainées par le Diners Club. On voulait ainsi permettre au militaire d'utiliser sa carte de crédit pour payer son voyage et les coûts de son service temporaire, et à son retour de régler sa réclamation, puis payer sa facture En Route, dont l'intérêt serait de zéro pour cent.
L'utilisation de cette carte devait être conforme aux directives du Conseil du Trésor. Mais la personne qui signe la carte en est responsable. Qui peut dire qu'elle ne peut pas l'utiliser pour faire des achats personnels ou qu'elle ne le fera pas? L'essentiel, c'est qu'elle doit payer la totalité de son compte à la date d'échéance. Certaines personnes, particulièrement les simples marins, utilisent leur carte En Route pour prélever des avances en espèces simplement pour vivre. Comme je l'ai dit, à Victoria, un simple marin avec une personne à charge vit en-dessous du seuil de la pauvreté. Un simple marin qui a une femme et trois ou quatre enfants se trouve dans une situation encore plus difficile.
Le président: Je n'écoutais peut-être pas tout à l'heure mais pourriez-vous nous dire si cette méthode est toujours en vigueur?
Premier maître Wilmot: Comme je l'ai dit, on est en train de s'en occuper à tous les niveaux de commandement. Je crois comprendre qu'on est en train de la remplacer et qu'on établira des directives plus sévères pour l'utilisation de la carte de remplacement.
Le président: Mais cela est toujours en vigueur?
Premier maître Wilmot: Oui, monsieur.
Le président: Je vous remercie.
Allez-y, John.
M. John Richardson: Je trouve utile d'avoir un aperçu de certains des problèmes auxquels vous faites face dans l'Ouest lorsqu'il s'agit de vous déplacer d'un océan à l'autre pour aller suivre des cours à Halifax. Je crois comprendre que les responsables de la base ont pris certaines dispositions pour vous offrir certains de ces cours ici même afin de permettre aux membres d'économiser de l'argent et de passer moins de temps loin de chez eux. Il me semble que c'est une mesure judicieuse. Je pense que les responsables de la base devraient tâcher de mettre l'accent sur les avantages qu'offre une telle mesure. Je crois comprendre toutefois que certains cours ne peuvent être offerts que s'il y a suffisamment de participants; comme ils sont très spécialisés, il est possible qu'il faille les donner ici ou à Halifax.
• 0000
Il ne fait aucun doute que les membres des Forces armées sont
dans une situation très difficile. Il faut faire clairement
comprendre que bien qu'il y ait eu certains rajustements des
salaires—on a dit qu'ils ont été gelés pendant cinq ans, ils ne
sont pas suffisants pour répondre aux besoins exprimés ici.
Il n'y a pas de quoi se réjouir lorsqu'on doit constamment s'évertuer à joindre les deux bouts, établir sa carrière et travailler fort sans constater de progrès, qu'ils soient matériels ou spirituels. Je ne veux pas dire spirituels dans un sens religieux mais dans le sens où ils procurent un sentiment d'accomplissement.
Je pense que le message que nous avons reçu ce soir, de la part de l'amiral Thomas et des autres intervenants jusqu'à vous-même, est un message sans équivoque. Nous en ferons rapport à notre comité plénier de la Chambre des communes. J'espère que nous aurons l'influence et l'appui qui nous permettront d'y donner suite comme il se doit. Cela ne se fera pas rapidement mais nous espérons que cela se fera plus rapidement que par le passé.
Je vous remercie.
Le président: Je vous remercie.
Des voix: Bravo, bravo!
Le président: Monsieur Pratt.
M. David Pratt: J'ai une brève question. Certaines personnes à qui nous avons parlé aujourd'hui nous ont indiqué que leurs difficultés financières commençaient à perturber leur travail. Êtes-vous au courant de cas où des gens sont tellement préoccupés par la situation de leur famille qu'ils n'arrivent pas à se concentrer comme avant sur leur travail?
Premier maître Wilmot: Certains de mes clients me sont envoyés par le commandant en chef de leur division parce que leur endettement ou d'autres facteurs dans leur vie personnelle ont commencé à perturber leur travail et ainsi de suite. Je suppose que nous sommes tous trop fiers pour admettre que nous avons des problèmes financiers. Comme je l'ai dit dans ma présentation: un simple marin qui vit à Victoria vit en-dessous du seuil de la pauvreté et il ne peut pas s'attendre à s'en sortir avant d'être promu quartier maître—ou elle, car il y a des femmes dans ce métier.
Le président: Je vous remercie.
Je constate que nous avons un témoin de plus sur notre liste. Je propose que nous écoutions le colonel White, puis que nous prenions une pause-café de 15 minutes. À notre retour, nous pourrons avoir une discussion ouverte.
Colonel White, vous avez la parole.
Colonel (à la retraite) William White (commandant, Groupe-brigade du Canada 39): Monsieur le président, membres du comité permanent, je tiens à vous remercier de cette occasion de prendre la parole devant vous au sujet d'une question que je considère essentielle au sein de l'armée aujourd'hui, à savoir le bien-être de nos soldats.
Je suis le commandant du Groupe-brigade du Canada 39. Je prends la parole au nom des soldats de la Force régulière et de réserve de la Colombie-Britannique, c'est-à-dire les unités de l'intérieur, le lower mainland et l'île de Vancouver, soit en tout un effectif de plus de 1 200 soldats.
J'ai examiné attentivement les mémoires présentés à votre comité permanent, en commençant par celui du chef d'état-major, du chef des réserves et cadets et du commandant de l'armée. Les thèmes qui prédominent tout au long de ces présentations s'inscrivent tout à fait dans cette optique: premièrement, reconnaître l'engagement et l'éthique du travail que l'on exige du soldat canadien et le caractère unique de cette situation dans le contexte de travail canadien, reconnaître que les soldats veulent une rémunération adéquate pour leurs efforts et leurs sacrifices; deuxièmement, les soldats veulent les outils nécessaires pour faire le travail qu'on leur demande; troisièmement, les soldats veulent que leurs employeurs reconnaissent et comprennent leur travail et dans le cas des réservistes, cela vaut pour leurs employeurs civils; enfin, les soldats veulent une qualité de vie raisonnable pour eux-mêmes et leur famille.
• 0005
J'appuie entièrement les arguments présentés dans les mémoires
précédents. Cependant, je suis ici aujourd'hui pour vous parler des
questions particulières qui ont été portées à mon attention par les
unités de ma brigade. Un grand sujet de préoccupations, qui influe
sur tous les autres aspects, c'est la poursuite constante de normes
minimales de service. Qu'il s'agisse d'appui aux soldats, de
livraison de marchandises ou de modes différents de prestation des
services, les troupes en sont arrivées à s'attendre à des normes
minimales et à faire affaire avec le soumissionnaire le moins
offrant. Par exemple, des soldats à Vancouver se rendent à un
complexe industriel situé à Richmond pour acheter leurs lunettes
parce que c'est le soumissionnaire le moins offrant qui satisfait
aux normes minimales.
La chaîne de commandement appuie la notion de qualité de vie. Mais il faut aussi reconnaître que dans le climat actuel de crise financière, de réduction des dépenses et de compressions budgétaires, la qualité de vie est l'un des premiers aspects à être touché. Trois domaines suscitent en particulier des préoccupations. En ce qui concerne la paye et la prestation de services, le chef d'état-major et le commandant de l'armée ont souligné l'engagement unique du soldat et la comparaison relative avec le fonctionnaire qui lui sert de repère. Il y a très longtemps que les forces n'ont pas eu une augmentation de salaire importante. On sait très bien qu'il s'agit d'un très grave problème qui nuit à la qualité de vie. Pendant des années, on nous a constamment répété que la situation économique était grave et que tous les Canadiens étaient touchés. Aujourd'hui, la situation économique s'est nettement améliorée mais la situation du soldat est toujours déplorable.
Le commandant du personnel de la marine a indiqué les principales difficultés qu'il y a à trouver des logements abordables et convenables sur la côte Ouest, comparativement à d'autres affectations militaires. Nous avons besoin d'un ensemble d'avantages sociaux complets, qui comprendraient une augmentation de l'indemnité d'aide au logement, une indemnité de vie chère pour les propriétaires de maisons qui ont de grosses hypothèques et un gel des taux du bureau de logement des Forces canadiennes. Ces taux doivent correspondre à la norme nationale et non pas à la valeur de l'immobilier local.
Ces ensembles de paye et d'avantages sociaux doivent s'accompagner d'un système d'exécution efficace et rationalisé. Le système de paye remanié tel qu'il a été mis en oeuvre récemment pour les réserves ne fonctionne pas. Seulement 291 soldats sur 1 200 ont pu être payés à l'aide de ce système et les autres ont dû être payés à l'aide de fonds pour éventualités et de paiements locaux. Le système de paye pour les réserves est une source de grande inquiétude et un fardeau administratif considérable. Avant d'être adoptés, les systèmes nationaux doivent être mis à l'essai et mis au point.
Passons maintenant au recrutement et au maintien de l'effectif. Le recrutement est la première étape de la carrière d'un soldat. Le recrutement centralisé pour les premières réserves a créé un vaste appareil impersonnel où l'individu se sent perdu. Les réductions très récentes des fonds et du personnel affectés au recrutement nuisent à notre capacité de convaincre les Canadiens—particulièrement les jeunes—de s'enrôler dans les réserves.
Il faut ensuite maintenir l'effectif. Les soldats de la réserve qui ne sont pas satisfaits votent avec leurs pieds. Les principales causes d'insatisfaction sont la pénurie d'équipement et de vêtements militaires et le nombre insuffisant de places disponibles dans les cours de formation professionnelle, pendant les périodes où le réserviste est libre. Ce sont les raisons qui expliquent notre taux de roulement trop élevé.
Sans doute la plus grande cause d'insatisfaction pour le soldat est la pénurie de vêtements et d'équipement. Tout ce que veulent les soldats, c'est d'avoir les outils qui leur permettront de faire leur travail. La pénurie récente entre autres de vêtements de combat, y compris de sacs à dos et de vêtements imperméables, a nui à l'entraînement des réserves.
La pénurie d'équipement opérationnel est également préoccupante. Il arrive qu'une unité cuirassée, par exemple, qui devrait avoir des Cougars, n'a que des Iltis, un véhicule qui ressemble à une jeep, pour s'entraîner. Vous vous souviendrez peut-être que le Bison, un transport de troupes blindé, avait été acheté pour servir à l'entraînement de la réserve. Or, les réserves n'en ont aucun.
• 0010
À une époque, nous nous étions donnés comme principe que les
soldats devaient s'entraîner à l'aide du même équipement dont ils
se serviraient sur le terrain. Il est temps de rétablir ce
principe.
Monsieur le président, mesdames et messieurs, la qualité de vie comporte de nombreux autres aspects dont je n'ai malheureusement pas le temps de parler ce soir. Mais les questions que j'ai soulevées sont les plus importantes et appuient sans aucun doute le témoignage de ceux que vous avez déjà entendus. J'ai voulu pour ma part mettre l'accent sur les préoccupations des soldats de la Brigade 39 en Colombie-Britannique. Je n'ai peut-être pas mâché mes mots autant que certains pour décrire les éléments qui laissent à désirer en ce qui concerne la qualité de vie. J'irai encore plus loin: tout ce que nous avons jusqu'à présent, ce sont des plans d'action et rien de concret.
Je terminerai en disant que selon la réalité des manèges militaires, ce qui nuit le plus à la qualité de vie, ce sont l'insuffisance et l'irrégularité de la paye, l'absence d'équipement adéquat et de mécanismes nécessaires pour recruter de jeunes Canadiens et maintenir l'effectif.
Monsieur le président, mesdames et messieurs, je vous remercie de votre attention.
Le président: Merci, colonel.
Madame Longfield.
Mme Judi Longfield: Colonel, vous avez commencé votre présentation en indiquant ce que veulent les soldats. J'espère que nous aurons une copie de votre mémoire écrit.
Avec votre permission, j'aimerais remplacer, dans chacun de ces cas, l'expression «ce que veulent les soldats» par «ce que méritent les soldats». Je pense que si les membres du comité adoptent cette optique et sont prêts à formuler ce type de recommandations à l'intention de notre gouvernement, et ont le courage et la volonté de soutenir ces recommandations et de se mettre au travail, nous obtiendrons des résultats. C'est assurément dans cette optique que je compte m'atteler à la tâche et je crois qu'il en sera de même des autres membres du comité.
Je vous remercie pour votre présentation. Comme je l'ai déjà dit, cette rencontre avec vous ainsi qu'avec tous les autres intervenants a eu un effet profond sur le comité.
Col William White: Je vous remercie.
Le président: Monsieur Hanger.
M. Art Hanger: Colonel, il y a plusieurs familles dans ma circonscription dont les jeunes se sont enrôlés dans la réserve. Ils se plaignent entre autres de devoir acheter une partie de leur propre équipement, en particulier les vêtements; que leur chèque de paie n'arrive jamais à temps, et c'est un commentaire que j'ai entendu assez souvent; et que la réserve, lorsqu'il s'agit de les faire assister à une activité opérationnelle, n'est pas organisée et semble improviser. Par conséquent, certaines familles m'ont indiqué que leurs jeunes ne voulaient pas rester dans la réserve. Ils sont tout à fait insatisfaits du peu d'attention qu'on leur accorde, de l'équipement et de cette incertitude constante. Est-ce une description qui vaut pour toutes les réserves?
Col William White: Je ne le crois pas. Je dirais que les unités de ma brigade sont relativement bien organisées pour ce qui est de leur entraînement. Nous suivons la procédure de combat. Je ne suis donc pas au courant de la situation que vous décrivez.
En ce qui concerne l'achat d'équipement, il ne fait aucun doute que par le passé, lorsque nous avions des vêtements imperméables qui laissaient passer l'eau, nous avions en fait constaté que les vêtements imperméables fabriqués aux États-Unis étaient plus efficaces. Ce sont donc les vêtements que les soldats ont achetés et portés. On a récemment modifié la qualité de nos vêtements imperméables et en fait la situation s'améliore.
• 0015
En ce qui concerne la paye, je peux dire que dans mon emploi
civil, car je travaille pour le gouvernement fédéral depuis près de
25 ans, je n'ai jamais eu de problème de paye du côté civil. Mais
du côté militaire, moi-même et un certain nombre de réservistes au
cours des ans n'avons pas toujours reçu notre paye à temps et avons
eu des problèmes de ce genre. C'est une question qui nous
préoccupe. Il ne fait aucun doute que c'est un problème qui nuit au
moral des soldats et au maintien de l'effectif. Je peux vous dire
que nous travaillons fort pour tâcher d'améliorer la situation au
sein de la brigade.
M. Art Hanger: Je pense que les réservistes sont probablement très proches de la communauté. Pourtant, on ne semble pas constater ce genre de présence. Je veux dire par là qu'on ne semble pas profiter des journées d'orientation qui se tiennent dans les écoles secondaires. Je ne sais pas si c'est un manque d'initiative de la part de l'école ou du commandant de la réserve. Existe-t-il une structure qui s'occupe de ce genre de choses, de ce genre de promotion, si vous préférez?
Col William White: Comme vous le savez, nous traversons une période de restructuration. L'un des critères d'évaluation des unités, c'est leur présence dans la collectivité. Au fil des ans, les unités ont beaucoup travaillé pour accroître leur visibilité au sein de la collectivité et participer aux événements communautaires. Je pense que cela est beaucoup plus facile à faire dans une petite collectivité que dans une grande ville très peuplée comme Vancouver, par exemple. Toute organisation qui veut se faire remarquer doit déployer certains efforts. C'est ce que font les unités mais ce n'est pas de toute évidence leur rôle principal. Elles ont recours à un certain nombre de mécanismes pour se faire connaître par l'intermédiaire de leur colonel honoraire, de leurs associations de régiment, de leurs contacts avec la collectivité. Il y a certainement des cas en Colombie-Britannique où les unités sont bien connues dans les collectivités.
M. Art Hanger: Je vous remercie, colonel.
Le président: Merci, colonel.
Col William White: Je vous remercie.
Le président: Nous allons maintenant faire une pause de 15 minutes. Lorsque nous reviendrons, nous donnerons la parole à tous ceux qui veulent exprimer leur opinion. Ne vous en faites pas. S'il y a 100 ou 200 personnes qui veulent prendre la parole, nous resterons pour les écouter. Je tenais simplement à ce que cela soit bien clair.
Le président: Je vous prie de bien vouloir vous présenter avant de faire votre exposé. Nous verrons par la suite si des membres du comité ont des questions à vous poser.
Mme Shannon Lemire (témoigne à titre personnel): Membres du comité, je m'appelle Shannon Lemire. Je côtoie les militaires depuis 28 ans, depuis un bon quart de siècle. Je l'ai fait premièrement en tant que fille de militaire et je le fais maintenant en tant qu'épouse de l'un d'entre eux.
Au fil des ans, j'ai été témoin de nombreux changements qui n'ont pas tous été très heureux. Chose certaine, la qualité de vie des membres des Forces armées a diminué. Comme l'a dit mon père, dans son temps beaucoup d'hommes choisissaient l'armée pour y faire carrière. Aujourd'hui, les choses ont changé. En effet, il s'agit maintenant d'un simple emploi de neuf à cinq—qui va en réalité au- delà du neuf à cinq—, un simple gagne-pain. La fierté et le moral en ont certes pris un coup au fil des ans.
Je ne suis peut-être pas une experte et je ne peux pas m'appuyer sur des études, mais l'armée a été mon champ d'observation au cours de ces années.
J'ai une question à l'intention de M. Pratt. Est-ce qu'il faut une catastrophe naturelle pour que les Canadiens éprouvent de la fierté à l'égard des Forces armées?
M. David Pratt: Je ne crois pas que cela devrait être le cas mais, pour parler franchement, c'est ce qui s'est produit avec certaines personnes de l'est du Canada. Il a fallu un sinistre pour qu'on témoigne de la reconnaissance envers nos militaires. J'estime que c'est très malheureux, mais à quelque chose malheur est bon. Cela a permis d'accroître l'estime pour l'armée. Toute cette bienveillance à leur égard ouvre plein d'horizons.
Mme Shannon Lemire: Puis-je me permettre de vous demander pourquoi alors ne pas parler davantage du bien que font les militaires, par exemple la construction d'orphelinats en Haïti ou d'autres services qu'ils ont rendus en Bosnie et à Sarajevo? Pourquoi ne pas attirer l'attention du public sur ces actions tout autant qu'on l'a fait pour les terribles choses qui se sont produites?
C'est épouvantable que mon père, après avoir passé 26 ans dans l'armée, conseille à mon mari de prendre sa retraite parce que ce travail ne mène nulle part. Cela fait peur quand on sait que les gens avaient l'habitude d'y faire carrière. Le mot «militaire» est à proscrire. Il n'inspire plus autant de fierté.
Le président: Je vous remercie.
Mme Dolores Kimak (témoignage À titre personnel): Je m'appelle Dolores Kimak. Comme je suis mariée à un militaire depuis presque 24 ans, j'ai été témoin d'un nombre incroyable de changements. J'ai dû me débrouiller seule lorsque mon mari a été affecté avec les Forces des Nations Unies pendant sept mois. J'ai eu la permission de ne pas déménager parce qu'au cours des quatre dernières années mon époux a eu quatre affectations différentes dans diverses régions en raison des compressions. Il n'y a rien de réjouissant à rester derrière.
La question a été posée au sujet de la «restriction imposée». La décision revient au commandant de la base. On accepte de vous accorder une année mais, les années suivantes, c'est à lui de décider. En règle générale, cela pose énormément de problèmes au conjoint.
Un de mes enfants est à Ottawa à l'heure actuelle. J'ai aussi une fille qui est retournée à Kingston pour terminer sa 13e année. De graves problèmes dentaires l'ont obligée à subir une intervention chirurgicale importante. J'ai donc dû retourner là-bas pour m'occuper d'elle. J'ai maintenant un fils ici à qui il manque un crédit pour terminer sa 13e année. Le système d'éducation de la Colombie-Britannique l'oblige à reprendre une année ici.
Ainsi, les quatre affectations de mon mari ont obligé mes enfants à s'adapter à trois systèmes d'éducation importants qui sont tout à fait différents les uns des autres. En Nouvelle-Écosse, la 12e année est la dernière année du secondaire. En Ontario, on entre à l'université après la 13e année, alors qu'ici, en Colombie-Britannique, il faut obtenir le diplôme de 12e année, mais la province n'accepte pas la 13e année de l'Ontario.
C'est vraiment pénible pour les enfants. Ils doivent laisser leurs amis derrière eux et s'adapter à un nouveau système d'éducation et ils ne disposent d'aucun soutien, sauf s'ils ont... Pour ce qui est de ma fille qui est en Ontario, l'armée verse un certain montant pour la pension. Il nous faut donc trouver un endroit qui accepte le taux que l'armée est disposée à payer.
• 0040
Il y a aussi le fait que, lorsque nous déménageons, nous
devons assumer les coûts pour nous rendre en voiture d'une région
à l'autre. Il nous en a coûté plus cher pour conduire l'une de nos
voitures jusqu'ici que le montant que nous a remboursé l'armée.
C'est une grosse dépense que nous devons nous-mêmes assumer.
Certains de nos meubles ont été abîmés pendant le déménagement. L'assurance venait tout juste d'être annulée. Très peu de gens sont au courant du fait, mais aucune assurance ne couvre nos meubles. Nous devons nous en remettre au déménageur et plaider notre cause pour être dédommagés, ce qui n'est pas juste.
Je ne peux plus compter sur le soutien de ma famille et de mes amis. J'ai dû renoncer à mon emploi à temps partiel. Les conjoints sont vraiment victimes de la situation.
Je suis enseignante, mais je n'ai jamais pu obtenir un emploi à temps plein parce que mon mari change d'affectation tous les trois ans. Vous vous retrouvez constamment au bas de l'échelle. Vous faites des remplacements et on finit par vous offrir un emploi à temps plein quand vous apprenez que votre mari est affecté ailleurs. Cela s'est produit à maintes reprises. Il est presque impossible pour une épouse de faire carrière et cela impose des contraintes financières.
Lorsque nous sommes arrivés ici après avoir vécu à Kingston, le montant que nous devons verser pour un logement familial a presque doublé et la maison n'est pas aussi grande.
Personne n'a encore parlé des produits alimentaires. Cela me coûte trois fois plus cher qu'à Kingston. Je peux vous donner quelques exemples: je paie une boîte d'ananas 1,98$ ici comparativement à 88¢ à Kingston; les tartes McCain, que j'adore, coûte 2,99$ alors que je me les procurais pour 99¢ à Kingston. Et je pourrais vous donner beaucoup d'autres exemples. Il faut presque un an pour savoir où faire ses emplettes afin d'obtenir les meilleurs prix. Il faut attendre de recevoir les dépliants publicitaires qui vous permettent de faire vos courses à prix raisonnable.
Nous éprouvons tous d'énormes difficultés à Victoria en raison du coût de la vie, peu importe le grade de nos maris. Le coût de la vie est de plus en plus oppressant. Notre revenu disponible est moindre cette année par rapport à qu'il était l'an dernier à Kingston. La différence est remarquable.
Il y a aussi les soins médicaux. Comme quelqu'un l'a dit, nous devons payer une franchise de 100$. Ce n'est qu'un début. Comme j'ai des troubles médicaux, je dois subir un traitement presque chaque semaine. Il m'en coûte personnellement 15$ de plus à Victoria qu'à Kingston pour le même traitement. Trouver des médecins, les listes d'attente... Il m'a fallu environ deux mois simplement pour trouver un généraliste, ce qui me permettra de voir des spécialistes.
Tout est à recommencer à chaque déménagement. Ce sont des épreuves pour la famille, et ma santé en a souffert. Je n'ai pu suivre tous mes traitements médicaux parce que les choses se font différemment en Ontario et en Colombie-Britannique et que cela coûte plus cher ici. On ne nous dédommage pas. Personne ne tient compte de ce fait.
C'est comme pour nos maisons. Vous trouvez qu'il fait froid ici? C'est comme cela dans la plupart des logements familiaux. Ils sont exposés à tous les vents et ne sont pas isolés.
[Note de la rédaction: Applaudissements dans l'assistance]
Mme Dolores Kimak: Nous nous sommes informés au sujet de l'isolation. On nous a répondu que nous pouvions isoler le sous-sol et qu'on nous fournirait les matériaux si nous exécutions nous- mêmes les travaux. Eh bien! Ce n'est pas une mince affaire d'isoler un sous-sol et de calfeutrer ici et là. Qui sait, nous déménagerons peut-être dans deux ou trois ans et quelqu'un d'autre en profitera. S'ils acceptaient de diminuer notre loyer ou de nous dédommager si nous acceptons de faire les travaux, cela nous serait égal. Mais s'il faut consacrer tout notre temps pendant deux ou trois ans peut-être simplement pour être au chaud, nous croyons que cela n'en vaut pas la peine, surtout lorsque nous le faisons à maintes reprises.
Nous habitons maintenant dans un logement familial parce que lorsque nous vivions à Winnipeg, nous avons perdu 10 000$ quand nous avons vendu notre maison, ce qui représente pour nous une somme assez importante. Lorsque cela se répète, vous ne voulez pas acheter de maison parce que vous n'en avez pas les moyens. Nous avons visité des maisons ici et nous ne pouvons nous permettre d'en acheter une. Il faudrait l'hypothéquer au maximum. Nous n'en avons tout simplement pas les moyens. Cela nous mine vraiment.
La plupart des gens qui prennent leur retraite n'ont plus d'hypothèque. Peu de militaires peuvent s'offrir ce luxe étant donné qu'ils déménagent constamment. Lorsque nous déménageons, nous n'avons d'autre choix que de vendre. Si le marché est à notre avantage lorsque nous achetons une maison, il se peut qu'il ne le soit pas lorsque nous la vendons. Mais nous n'avons pas le choix. Lorsque nous déménageons, nous devons vendre.
• 0045
L'autre point dont je veux parler—et cela nous touchera
tous—ce sont des veufs et des veuves de militaires. Ma belle-mère,
qui est très malade et que nous avons dû ramener au Canada, ne peut
obtenir d'être logée par le MAC parce qu'elle est veuve. Si son
mari était vivant, elle pourrait obtenir un logement. De plus, la
pension qu'elle touche est amputée de moitié, terriblement réduite,
parce que son mari est décédé.
Jusqu'à maintenant, j'ai consacré 24 années de ma vie à l'armée en tant que conjoint de militaire. Si mon mari devait mourir, sa pension serait automatiquement réduite de moitié. Ainsi, même après avoir renoncé à nos carrières et nous être dévoués pour suivre nos époux et élever les enfants, nous ne retirons aucun avantage. On réduit la pension de moitié. J'estime qu'on devrait se pencher sur ce problème qui se pose pour les militaires retraités étant donné que très souvent ils n'ont pas les moyens de s'acheter une maison. Un grand nombre de militaires pourraient profiter des logements subventionnés en raison simplement des contraintes financières qui leur sont imposées.
J'espère que vous examinerez les points que j'ai soulevés. J'ai de grands espoirs mais de temps à autre je suis confronté à la dure réalité et je sais très bien ce qui est arrivé à beaucoup de comités. J'espère donc que les faits me donneront tort et que vos travaux porteront vraiment fruit.
Je vous remercie.
Le président: Je vous remercie.
Mme Alison Davies (témoigne à titre personnel): Monsieur le président, membres du comité, je m'appelle Alison Davies. Je suis l'épouse d'un militaire. En outre, je suis présidente des relations publiques pour le Centre des ressources pour les familles des militaires et secrétaire du conseil d'administration du même organisme.
J'aimerais me limiter ici à quelques points dont un certain nombre seront abordés par d'autres.
Premièrement, en ce qui concerne les logements militaires, je voulais bien faire ressortir que lorsque les gens parlent de coûts différents... Une personne qui est affectée à Halifax pourrait payer entre 300 et 400$ pour la même catégorie de logement militaire qu'elle louerait à Victoria et aucune indemnité de vie chère ne compenserait cet écart. Comme il s'agit d'un logement militaire, même s'il est réglementé par l'entremise du BLFC, l'organisme des Forces canadiennes chargé du logement, je n'arrive absolument pas à comprendre qu'un membre des Forces armées devrait être pénalisé parce qu'il est affecté dans l'Ouest.
Si vous considérez des coûts de la vie différents, c'est autre chose qu'il nous faut examiner, par exemple des indemnités de vie chère. Cependant, j'estime que l'on peut faire quelque chose immédiatement pour ce qui est du montant que paient les militaires qui vivent dans les logements familiaux.
En outre, je voulais parler d'une autre question qui se pose pour les familles qui ont des enfants ayant des besoins spéciaux. J'ai une fille déficiente mentale. Comme nous vivions à Aldergrove avant de venir ici, les choses n'ont pas été aussi compliquées qu'elles l'auraient été, par exemple, pour une famille qui serait venu de Halifax ou d'ailleurs au pays.
Mais je peux parler pour nous tout spécialement... Ce que vous devez faire, c'est de présenter une demande là où vous allez, au commandant du nouveau navire. Elle est examinée par quiconque doit le faire. Vous pouvez demander des crédits supplémentaires pour vote indemnité d'affectation ou pour le voyage à la recherche d'un logement. Dans notre cas, comme nous arrivons dans une nouvelle ville avec un enfant ayant des besoins spéciaux, nous devons passer par l'entremise de divers organismes pour trouver des nouveaux établissements d'enseignement, différents organismes de soutien, etc. En ce qui nous concerne, notre demande a été refusée. J'ai donc dû venir ici six fois de plus en empruntant le traversier, à raison de 100$ au moins du billet pour chaque déplacement. Je peux imaginer les problèmes que cela aurait pu poser si j'avais dû venir de Halifax, étant donné que je n'aurais pas eu cette option.
Alors, bien sûr, lorsque vous venez vivre dans un endroit tout à fait inconnu, vous essayez de trouver les meilleurs endroits où pourriez être près de tout. Voilà le genre de choses qui peuvent vraiment accabler une personne ayant une déficience intellectuelle qui essaie simplement de s'occuper. Les activités quotidiennes peuvent être assez difficiles à accomplir.
• 0050
Il s'agissait donc là de quelques autres points.
Monsieur Wood, lorsque Martine a parlé, vous lui avez demandé si le centre de ressources pour les familles doit offrir des services à ces parents. Nous le faisons à coup sûr et nous vous saurions gré de toute la pression que vous pourriez exercer pour qu'ils obtiennent les fonds supplémentaires dont ils ont besoin pour offrir des programmes qui éviteraient de placer les parents célibataires devant des dilemmes de ce genre. La plupart de ceux qui siègent au conseil sont des militaires ou des conjoints de militaires. Nous sommes comme tout le monde, nous essayons de nous organiser et de faire notre possible. Nous serions sensibles à toute forme d'aide qui nous serait offerte.
Le président: Monsieur Wood.
M. Bob Wood: Alison, je n'ai qu'une ou deux questions. Pouvez-vous me dire de quel budget vous disposez? Pouvez-vous me donner un chiffre?
Mme Alison Davies: En fait, comme il vient tout juste d'être modifié je ne suis pas tout à fait sûre du montant. On me dit qu'il est de 461 000$.
M. Bob Wood: C'est le montant dont vous disposez?
Mme Alison Davies: C'est le montant dont nous disposerons et qui financerait tous les programmes... Il y a trois centres différents et tout le personnel qui y travaille, en plus des véhicules...
M. Bob Wood: L'autre chose que je trouve vraiment bizarre... Pouvez-vous me dire qui a refusé votre demande lorsque vous êtes venue pour chercher un logement? S'agissait-il de quelqu'un à Aldergrove ou de quelqu'un d'ici?
Mme Alison Davies: Non, c'est la personne qui commandait le navire sur lequel a été affecté mon mari. On connaît cotre situation là d'où vous venez. Lorsque vous demandez autre chose, votre demande n'est alors qu'une parmi tant d'autres.
M. Bob Wood: C'est vraiment difficile à croire.
Mme Alison Davies: Oui, ça l'est, n'est-ce pas?
M. Bob Wood: Incroyable.
Mme Alison Davies: C'est toujours vraiment difficile à croire.
M. Bob Wood: Je n'arrive pas à le comprendre. Je ne crois pas que personne ici puisse comprendre une chose semblable...
Mme Alison Davies: Il se peut que la plupart des gens qui se tiennent derrière moi puissent très bien le comprendre.
M. Bob Wood: De toute évidence, oui. C'est une révélation que d'apprendre que quelqu'un puisse agir de la sorte.
Je vous remercie beaucoup.
Le président: Je vous remercie. Nous passons au prochain témoin.
Mme Elizabeth Anthony (témoigne à titre personnel): Monsieur le président, membres du comité, je m'appelle Elizabeth Anthony. Je suis membre de l'armée depuis environ 37 ans. Je sais que je ne parais pas mon âge, mais j'ai grandi dans le milieu. J'ai déjà été soldat. J'en ai fait partie quelques années, j'ai eu des enfants et j'ai épousé un militaire. Je suis toujours liée à l'armée 37 ans plus tard.
J'aimerais tout d'abord reprendre les propos d'Alison au sujet des enfants ayant des besoins spéciaux, car il s'agit d'un point que je voulais souligner. Lorsque vous êtes affecté à un nouvel endroit, vous avez évidemment droit à un voyage à la recherche d'un logement, voyage de cinq jours, ce qui souvent n'est pas assez. Il serait bon que les familles militaires, surtout celles qui ont besoin de soins médicaux, disposent de plus de temps pour ce voyage.
Je suis arrivée ici de Calgary, ville où je disposais de tous les services dont j'avais besoin pour mon fils. Cela fait déjà un an et demi que je suis ici et je n'ai toujours pas accès aux services dont j'ai besoin.
Les services de physiothérapie varient d'une province à l'autre; certaines les financent, d'autres non. Lorsque vous avez huit spécialistes à consulter, ce qui est mon cas, il devient assez compliqué de tout organiser et de venir ici avec un seul revenu familial, vu que vous quittez votre emploi à plein temps à l'autre endroit, ce qui ne manque pas de multiplier les tensions.
Je voulais simplement le redire.
Le cas des militaires célibataires qui sont mutés et qui n'ont pas accès aux services de garde d'enfants me préoccupe. J'ai eu la chance de participer au démarrage d'une garderie d'enfants ouverte 24 heures sur 24 à la BFC Calgary. Si vous vous rendez dans cette ville, vous ne manquerez pas de l'apprendre. J'ai eu la chance d'y participer.
C'est une organisation très utile, puisqu'elle permet aux parents célibataires de ne pas «parquer» leurs enfants chez les grands-parents pendant leur mutation. Ils peuvent confier leurs enfants à ce centre qui est surveillé, sert de réseau de soutien et où les gardiennes sont formées pour ce genre de travail. Si une gardienne se sent épuisée, elle peut toujours bénéficier de notre aide. Si elle a besoin d'une pause, il est possible de la lui accorder. C'est un programme sensationnel.
• 0055
J'aimerais—et je crois que Leslie Climie, à Ottawa, sera
probablement du même avis—que l'on arrive à créer des centres
d'accueil dans les bases où les mutations sont longues, ou même
courtes. Il n'est pas rare que les emplois des militaires les
occupent jusqu'à 24 heures par jour, si bien qu'il est important
d'avoir accès à des services de garde d'enfants 24 heures par jour.
C'est tout ce que j'ai à dire au comité et je me ferais un plaisir de répondre aux questions.
Le président: Merci beaucoup.
Officier marinier Ken Waldron (témoigne à titre personnel): Je suis maître mécanicien de marine ou, selon l'appellation familière, graisseur.
Je pourrais passer des heures à parler de ce que j'ai à proposer, mais je vais m'en tenir à deux points principaux.
La qualité de vie n'est pas uniquement reliée à une question d'argent, même si l'argent peut changer les choses et pose effectivement un problème; je le répète, la qualité de vie n'est pas uniquement reliée à une question d'argent.
Si seulement le comité pouvait me rendre un petit service... Si mon exposé vous ennuie, regardez les personnes présentes et essayez de deviner qui est militaire, qui est personne à charge ou personnage-clé d'un militaire.
Je veux tout d'abord parler de l'uniforme. Quand je suis entré dans l'armée, nous portions un uniforme vert. Je ne sais pas si les membres du comité connaissent l'histoire des Forces armées canadiennes, mais il reste que nous portions tous des uniformes verts, que nous soyons marins, soldats ou aviateurs. Nous avons maintenant un très bel uniforme de cérémonie et pratiquement chaque année, les autres éléments de notre tenue changent. Depuis cinq ans, depuis que je m'intéresse à la question, on nous a dit à plusieurs reprises qu'une décision allait être prise au sujet de l'uniforme à porter pour le travail, pour les déplacements, pour les emplois de bureau. Puis, on nous a dit qu'il y avait changement de programme et que l'on pouvait acheter l'uniforme à l'Économat, mais qu'il se peut que d'autres changements interviennent.
Ce que je veux dire, c'est qu'il faut donner aux marins un uniforme qu'ils peuvent porter ou leur indiquer l'endroit où ils peuvent acheter leur uniforme; il reste qu'une décision doit être prise, qu'elle soit politique à cause de l'industrie textile d'autres régions du pays, ou qu'elle soit motivée par ce qui convient le mieux aux marins. Il faut prendre une décision au sujet de l'uniforme des marins.
Si vous avez regardé les personnes ici présentes, comme j'ai demandé aux membres du comité de le faire pendant mon exposé, et si vous avez deviné celles qui sont des militaires, je parie que très peu d'entre vous sont en mesure de dire exactement quelles femmes sont dans la marine. Les hommes ressortent, puisqu'ils ont les cheveux courts. Les femmes peuvent avoir les cheveux longs ou courts, comme elles le veulent. Je n'ai rien contre les cheveux longs en temps ordinaire, mais je suis contre les cheveux longs à bord d'un navire. Le gouvernement, ou un de ses ministères, ne cesse de dire au grand public—nous parlions plus tôt des relations publiques, monsieur Pratt—qu'au sein des Forces armées canadiennes, l'égalité existe bel et bien, qu'il n'y a pas de discrimination sexuelle ni de harcèlement sexuel. Pourtant, les femmes, en raison de leur sexe uniquement, peuvent avoir les cheveux aussi longs qu'elles le désirent.
Cela m'amène à la dernière partie de mon exposé, dont M. Pratt a d'ailleurs fait mention, c'est-à-dire l'opinion du public.
Je suis relativement nouveau dans les Forces, puisque je n'ai que 17 ans à mon actif. Mon grand-père, ainsi que quelques-uns de mes cousins, ont passé toute leur vie dans les Forces armées.
L'opinion du public et la capacité des militaires de faire le travail qui est attendu d'eux, en temps et lieux, ne sont pas reliées. Le Canada est le meilleur pays au monde; il suffit de demander à n'importe quel étranger de nous expliquer pourquoi, ce qu'il se fera un plaisir de faire. Il est impératif que nous-mêmes, membres des Forces armées, et vous-mêmes, qui prenez des décisions au sujet de ce qui sert les meilleurs intérêts du Canada et des Forces, comprenions que le Canadien moyen s'attend à ce que les militaires fassent leur travail. L'opinion du public n'est pas ce qui permet de décider si un tel travail va être financé ou non. Les Canadiens s'attendent à ce que le travail se fasse et rien ne doit changer à cet égard.
Merci beaucoup.
Le président: Merci beaucoup.
Mme Kathy Couture (témoigne à titre personnel): Bonsoir, membres du comité. Je suis l'épouse d'un militaire.
Ce dont je veux parler ce soir porte essentiellement sur les déménagements imposés. Les Forces nous font constamment miroiter l'avantage d'une pension et de la sécurité, et comme, en 1998, il s'agit de denrées rares dans le civil, on ne peut se permettre de cracher dessus. Il faut donc déménager même si le salaire n'est pas imposant et même s'il n'y a pas d'augmentation à la clé.
Lorsque nous déménageons, nous perdons notre foyer, notre maison, nos amis, l'emploi de notre conjoint, etc. Nous avons personnellement perdu notre maison. Entre la perte de la maison, malgré le soi-disant plan de rachat militaire qui n'est pas si sensationnel, puisque dans notre cas particulier, nous avons perdu plus de 17 000$... à cause, en partie, du rachat militaire et aussi à cause de ce que nous appelons le différentiel d'intérêt. Nous avons en effet dû payer une pénalité d'intérêts hypothécaires; si elle avait correspondu à trois ou six mois, les Forces nous auraient remboursés, mais comme nous avions acheté notre maison à l'époque où les taux d'intérêt étaient élevés et que nous l'avons vendue au moment où ils étaient bas, on nous a simplement dit: «Désolés, nous n'avons aucun contrôle là-dessus et nous ne pouvons donc pas vous rembourser».
Nous avons perdu tellement d'argent... Lorsque nous sommes arrivés dans cette province, où le coût de la vie est plus élevé qu'à Halifax, nous avons dû nous adresser à la banque alimentaire, alors que mon mari est matelot-chef. Nous avons demandé de l'aide aux banques alimentaires, à nos voisins, à nos amis et nous avons utilisé nos cartes de crédit au maximum—nous avons tout essayé. Les Forces nous ont également dit: «Bien sûr que vous pouvez acheter une maison; vous êtes ici pour cinq ans au moins». Onze mois plus tard, nous avions notre message d'affectation.
Nous avons fini par nous retrouver à la banque alimentaire, au Value Village et à l'Armée du Salut, parce que nos enfants avaient besoin d'espadrilles, de chaussures et de vêtements. Qui plus est, nous avons fini par utiliser nos cartes de crédit au maximum et avons dû aller consulter le conseiller financier de la base pour consolider nos dettes.
Le pire nous attendait ici après avoir perdu tout cet argent; il a fallu essayer de trouver une banque qui voulait bien nous consentir un prêt afin de rentrer dans nos frais à la suite de la vente de la maison. Essayez donc de trouver une banque prête à vous donner 11 000$—nous avions un peu d'argent—lorsque vous n'avez rien à proposer en garantie. Vous venez de perdre votre maison et votre emploi et vous vous retrouvez dans une province où le coût de la vie est plus élevé, alors que vous ne gagnez pas beaucoup d'argent. Vous êtes obligé de vivre dans un logement militaire, car vous ne pouvez pas vous permettre de vivre dans le monde civil. Vous êtes obligé d'accepter une maison, qu'elle vous convienne ou non, sinon vous perdez votre priorité. Vous acceptez donc une maison qui ne convient pas nécessairement à votre famille, vous acceptez d'y loger, qu'elle ait un sous-sol ou non, qu'elle comporte suffisamment de chambres; vous la prenez uniquement parce que vous ne pouvez vivre ailleurs. Il est malheureux d'avoir à vivre pareille expérience.
Non seulement le déménagement s'accompagne-t-il d'une perte d'argent, d'emploi, de moral, et tout ce qui s'ensuit, mais on perd aussi sa famille; en effet, la mienne vit dans l'Est du Canada. Nous n'avons pas eu le choix, il fallait venir ici. Nous vivons de pratiquement rien et avons du mal à joindre les deux bouts à cause des cartes de crédit, ce qui est malheureux. Dans l'Est, nous avions un bon emploi, une maison, de l'argent à la banque, un petit coussin. Ici nous n'avons rien.
Non seulement n'ai-je rien, mais j'ai aussi l'impression de ne pas avoir suffisamment d'appui, puisque ma famille se trouve dans l'Est du Canada. Je ne sais pas si vous avez déjà entendu parler des vols militaires, mais sachez que vous ne pouvez y avoir de place sauf si votre mari est haut gradé et s'il a beaucoup de points.
Je me retrouve donc ici pour cinq ou sept ans, probablement, sans argent à la banque et sans aucune possibilité d'aller rendre visite à ma famille, pour obtenir l'appui dont j'ai besoin, pour amener mes enfants voir leurs grands-parents. Cela ne se fera pas, puisque je n'ai pas d'argent à la banque à cause d'un déménagement qui nous a été imposé. «Vous y allez ou vous quittez les Forces»: c'est exactement ce qui a été dit à mon mari. C'est à vous de choisir, vous déménagez ou vous quittez.
On lui a simplement dit que la date de changement d'effectif, date à laquelle il devait se présenter ici, serait sa date de libération, s'il le voulait. Nous avons trois enfants, la sécurité d'un emploi et le droit à une pension au bout du compte. Nous n'avons pas eu le choix. Bien sûr, mon mari pourrait travailler dans une station-service sur la côte est, mais compte tenu de la situation économique actuelle, nous nous sommes demandés s'il fallait réintégrer le monde civil ou conserver cette sécurité, cette pension, malgré un salaire peu élevé. Nous avons décidé de déménager, uniquement parce que nous avions l'impression de ne pas avoir d'autre choix.
Je me retrouve maintenant ici, à 7 000 milles de mon réseau d'appui... je ne peux pas prendre un vol militaire, parce que mon mari n'a pas suffisamment d'années à son actif ou parce que nous n'avons tout simplement pas de priorité. Les Forces peuvent nous envoyer où elles le veulent, mais ne peuvent pas nous garantir le retour. Je me retrouve donc ici et, malheureusement, cela ne me plaît pas; je ne pense pas être la seule à vivre pareille situation. Je fais de mon mieux, pour mes enfants et avec ce dont je dispose, mais c'est un véritable enfer.
Merci.
Le président: Merci beaucoup. Au suivant.
Mme Donna Hooper (témoigne à titre personnel): Bonsoir, monsieur le président et membres du comité.
Je m'appelle Donna Hooper et je suis maintenant épouse d'un militaire et mère de famille. Je faisais auparavant partie des Forces armées, plus précisément de la réserve, en 1982, avant de devenir membre de la force régulière. J'ai ensuite fait un autre tour à la réserve jusqu'à ce que je ne puisse plus supporter ce genre de vie, aux plans professionnel, moral et éthique.
J'aimerais également souligner qu'il m'est impossible d'être à la fois militaire et mariée à un militaire; en effet, il faut que l'un des deux fasse un choix et à notre époque de restrictions, il n'est pas possible que deux conjoints poursuivent une carrière militaire.
J'ai quelques points de préoccupation dont j'aimerais vous faire part, même s'ils ont déjà été soulevés.
J'aimerais qu'en tant que membres du comité, vous alliez demander aux responsables des explications au sujet du plan garanti de vente d'habitation; en effet, je ne sais pas combien l'armée a payé dans le cas de ceux qui ont dû quitter leur foyer. Tout ce que je sais, c'est que j'ai dépensé 52$ pour faxer des documents à une société à Toronto et que je n'en ai jamais entendu parler; on ne m'a jamais proposé de prix pour ma maison et j'ai dû faire affaire avec une personne anonyme à Toronto qui m'a simplement dit qu'elle était trop occupée et qu'elle me contacterait de nouveau dans six mois. Se peut-il que le gouvernement du Canada finance de tels services?
J'aimerais également parler de la façon dont j'ai été traitée comme épouse, en ce qui a trait aux affectations. Heureusement pour moi, j'ai un peu d'expérience de l'armée si bien que j'ai pu négocier avec la salle des rapports de la base et aussi bénéficier de l'appui d'amis militaires. Si je n'avais pas eu une telle expérience...or, même avec cette expérience, ce que j'ai vécu a été des plus affligeant.
Par exemple, le personnel administratif m'a dit que je devais accepter de faire seule un voyage de neuf jours à la recherche d'un logement, sous prétexte qu'il était moins coûteux de me réserver une place à bord d'un vol militaire. Le fait que mon mari ait été affecté en Bosnie pendant huit mois n'avait aucune importance.
Je me suis aperçue également qu'à cause de cette affectation, j'ai été lésée financièrement, car j'ai dû utiliser mes congés pour trouver le lieu de résidence de ma famille.
Je me suis également rendu compte d'un manque de communication; en effet, il semble que l'armée ne soit absolument pas tenue de communiquer des renseignements aux conjoints. Par exemple, comment allais-je connaître la date d'affectation de mon mari, si des amis à Winnipeg, notre base d'origine, n'étaient pas intervenus? Mon mari n'a pas été mis au courant comme il aurait dû l'être, lorsqu'il se trouvait en Bosnie, or, nous avions une maison à vendre. Nous avons été avisés de l'affectation à la fin d'avril, en plein milieu des inondations au Manitoba. Je vous mets au défi de vendre une maison en l'espace de moins de six semaines en plein milieu des inondations.
Par ailleurs, certains membres du personnel administratif m'ont causé beaucoup de problèmes du fait qu'ils fixaient des rendez-vous et ne les tenaient pas. À plusieurs occasions, j'ai engagé des gardiennes, j'ai pris des congés non payés pour me présenter à des rendez-vous qui avaient été annulés de façon arbitraire à cause de déjeuners, etc., ou simplement parce que la personne qui devait me recevoir avait tout simplement oublié le rendez-vous. Cette façon de traiter les gens, tout à fait inacceptable, m'a coûté cher.
La façon dont les déménageurs nous ont traités est également inacceptable. Les déménageurs sont nommés par le MDN et à compter de cette année, le ministère n'assume plus aucune responsabilité à cet égard et ne veut pas s'occuper des problèmes qui peuvent surgir. Notre société de déménagement nous a trompés, sous prétexte que nous avions signé au mauvais endroit, comme nous l'avaient indiqué les chauffeurs. Pour forcer la société à nous rembourser, nous allons devoir engager un avocat.
Pour ce qui est du logement, comme nous venions de Winnipeg, le marché de l'immobilier...malgré l'argent dont nous disposions pour un acompte et en dépit du grade de mon mari, nous n'avons pas pu nous permettre d'acheter une maison et ne pouvons envisager un tel achat. Le loyer d'un logement familial correspond maintenant à un loyer civil et avec un enfant seulement, nous n'avons pas droit à un logement familial; j'avais vendu ma maison et je ne trouvais pas à me loger, à cause de problèmes liés aux listes d'attente.
Il y a de nombreuses autres préoccupations qui s'ajoutent à celles-ci.
J'ai ici les cartes d'affaires de l'officier des services de l'escadre à Comox qui, malheureusement, ne pouvait se joindre à nous aujourd'hui. J'aimerais les distribuer... Elle voudrait qu'un des membres du comité communique avec elle pour qu'elle puisse lui parler des difficultés qu'elle a connues et de l'impact que cela a eu sur sa famille. Il est question ici d'un militaire en activité de service qui est assujetti à certaines restrictions. Cette personne mène une vie très difficile et a vécu de graves choses. C'est à sa demande que je distribue ces cartes, où figurent son nom et celui de son mari. Si vous pouviez communiquer avec eux...
• 0110
Je connais d'autres personnes qui viendront ou non vous
rencontrer, mais les Forces canadiennes n'accordent aucun soutien
aux familles. Mon ancien superviseur a été obligé de nommer un
tuteur pour ses deux enfants parce qu'elle et son mari ont été
affectés, chacun de leur côté, à des endroits différents pendant
plus de deux ans. Ce n'est pas quelque chose que j'étais prête à
envisager et, encore une fois, il fallait que je mette un terme à
cette existence. Je ne voudrais pas vivre comme cela, et je ne
crois pas non plus que vous accepteriez de le faire.
Le président: Merci beaucoup. Au témoin suivant.
Mme Margo Lisick (témoigne à titre personnel): Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je m'appelle Margo Lisick et je suis mariée avec un militaire. Je suis également le maire suppléant du conseil local de Work Point, et c'est avec plaisir que nous vous accueillons au sein de notre communauté. Demain, le maire Jean Lavallée s'adressera au comité au nom du conseil. Toutefois, ce soir, j'aimerais personnellement vous faire part de mes inquiétudes concernant les régimes d'assurance- maladie et de soins dentaires.
Comme on vous l'a déjà indiqué, notre franchise, l'année dernière, est passée de 40 à 100$. Pour notre famille, qui doit composer avec des allergies alimentaires et autres, 100$, c'est beaucoup. Certains articles, comme les housses qui protègent contre la poussière de maison et les appareils pour soulager les crises d'asthme, ne sont pas couverts par le régime d'assurance-maladie, de sorte que nous devons payer nous-mêmes ces articles. Par exemple, quand nous avons appris qu'une housse de protection pour le lit de mon fils coûtait 125$, nous avons décidé d'attendre avant de l'acheter, même si elle était indispensable à sa santé. Nous avons attendu quatre mois avant d'en faire l'achat. J'ai été obligée d'en payer une partie avec ma carte de crédit.
Nous avons parfois été obligés d'attendre avant d'acheter des médicaments parce que nous ne pouvions pas nous permettre de les payer ce mois-là. Nous avons été obligés d'attendre un mois avant de les acheter, ou encore de les payer avec nos cartes de crédit, qui sont déjà souvent à leur maximum.
Nos enfants n'ont le droit de voir le dentiste qu'une fois tous les neuf mois et non pas tous les six mois, comme le recommandent la plupart des dentistes. Cela nuit à leur santé, à leur croissance. Vous pouvez les amener voir le dentiste s'ils ont un problème précis, sauf qu'ils n'ont pas droit à un nettoyage à ce moment-là. Le dentiste s'occupe uniquement de traiter le problème.
Au sujet des logements, nous payons un loyer plus élevé ici que dans la plupart des bases au Canada. Les loyers provenant de toutes les régions du Canada sont versés dans un compte géré par l'entremise du BLFC. L'argent est mis en commun et utilisé en fonction des besoins. Ce que nous voudrions ici, à Victoria, puisque les loyers et le coût de la vie sont plus élevés, que les matériaux de construction coûtent sans doute plus cher, c'est que l'argent ainsi versé soit réinvesti dans les logements, qui ont besoin d'être mieux isolés, de nouveaux toits. Nous aimerions qu'on mette l'accent sur nos logements. Ce programme pourrait être appliqué à l'échelle du pays, je ne le sais pas.
Merci.
Le président: Merci beaucoup. Au témoin suivant.
Mme Christina Wheeler (témoigne à titre personnel): Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je m'appelle Christina Wheeler et je suis veuve. J'habite à Victoria par choix, parce que c'est ici que se trouvent ma famille, mes amis de longue date, mon réseau de soutien. Toutefois, il n'est pas facile de vivre avec une pension d'ancien combattant, comme vous l'ont indiqué les autres témoins.
• 0115
J'aimerais ce soir vous parler non pas de ma situation
financière, mais de notre existence et de la façon dont nous avons
été traités par les militaires depuis le décès de mon mari.
Il y a six ans se produisait un accident qui n'aurait jamais dû avoir lieu. Cet accident ne se serait d'ailleurs jamais produit si les consignes de sécurité avaient été respectées. Les militaires ont admis avoir fait preuve de négligence, mais ils n'ont jamais voulu assumer la responsabilité de leurs actes.
Mes enfants et moi sommes traités depuis le début comme de vrais parias. Nous n'avons pas de statut, nous n'avons personne à qui nous adresser, nous n'avons accès à aucun renseignement. On m'a versé une pension. J'ai été écartée du revers de la main sans recevoir de réponses, d'explications.
Il y a un an, j'ai entrepris de nouvelles démarches pour faire rouvrir l'enquête. Elle a été menée à terme, mais une semaine avant que je ne rencontre les autorités pour recevoir une copie du rapport, la réunion a été annulée. Aucune autre date n'a été fixée. On ne m'a fourni aucune explication valable. Encore une fois, c'est le silence total.
Mon mari est décédé alors qu'il servait son pays en temps de paix. Mes enfants et moi sommes confrontés à cette réalité tous les jours. Toutefois, nous devons également composer avec le fait que sa mort était tellement insignifiante qu'elle a été traitée comme un incident mineur. Personne n'est responsable, personne n'a de comptes à rendre, la vérité est cachée.
Ma fille a des problèmes d'apprentissage. Elle manque de confiance en elle. Elle n'arrive pas à accepter la mort de son père. Nous avons besoin de réponses, car sans elles, je ne peux lui venir en aide. Je vous demande de m'aider.
Le député de ma circonscription a l'intention de soulever cette question à la Chambre de communes. J'espère que vous allez l'écouter.
Merci.
Matelot de 1re classe Jessen (témoigne à titre personnel): Honorables membres du comité, j'aimerais vous souhaiter la bienvenue au nom de l'équipage du navire Calgary. Je suis le matelot de 1re classe Jessen, et cela fait bientôt trois ans que je sers à bord du Calgary.
Au cours de la dernière année, j'ai eu l'honneur d'agir en qualité de représentant de la campagne Centraide à bord du navire. Mon travail consistait essentiellement à recueillir des fonds pour Centraide dans la région de Victoria. Tout le monde connaît cet organisme.
Nous avons très bien fait cette année. Toutefois, j'ai constaté, au cours de cette période, une chose qui est restée gravée dans ma mémoire: certains membres de l'équipage ne pouvaient faire de dons parce qu'ils recevaient des prestations de Centraide. Presque 5 p. 100 des membres de l'équipage, qui en compte 225, reçoivent des prestations de Centraide.
Les militaires qui servent honorablement leur pays ont placé leur confiance dans leur gouvernement. Or, ils doivent se tourner vers un organisme de l'extérieur pour obtenir de l'aide. Ce genre de situation ne devrait pas exister.
Il est très difficile de voir un matelot de 3ème classe—et ce ne sont pas tous les matelots de 3ème classe, mais les caporaux et soldats dans leur ensemble—recevoir des prestations, ne pas être en mesure de subvenir à ses besoins avec l'argent qu'il devrait gagner, lui qui est tous les jours au service de son pays.
Personne n'en a parlé, mais notre solde a été rajustée à la hausse. Juste avant Noël, nous avons eu droit à une petite majoration que l'équipage a qualifiée de salaire de rattrapage. C'est tout ce que c'est. Ils ont essayé de nous verser le manque à gagner qu'ils estimaient—je ne sais qui—que nous avions perdu au cours des années où nous n'avons eu droit à aucune hausse. Toutefois, comme les cotisations au RPC et à l'A.-C. ont été majorées, plus de 90 p. 100 des membres de l'équipage gagnent moins qu'avant, et ce, malgré l'augmentation que nous avons reçue.
La semaine dernière, on a annoncé que l'allocation de logement triple A allait être coupée. Elle a été réduite de 20$. C'est peu pour quelqu'un qui gagne beaucoup d'argent, mais pour le jeune matelot de 3ème classe qui compte chaque dollar, c'est énorme.
• 0120
Ces personnes sont des victimes. Ce genre de situation ne
devrait pas exister. Si vous avez des mesures à proposer pour nous
aider à améliorer notre sort, nous serions bien heureux de les
entendre.
Nous avons parlé des déménagements forcés et de choses de ce genre. À l'heure actuelle, je travaille—et je continuerai toujours de faire ce travail tant que je resterai dans les Forces—comme technicien de mécanique marine. Les navires ne peuvent prendre la mer sans les graisseurs. C'est nous qui faisons fonctionner le navire. C'est aussi simple que cela. Or, il existe une pénurie de marins d'expérience, et nous avons besoin de ces marins pour prendre la mer. Nous manquons d'effectifs sur la côte Ouest, mais nous avons un excédent d'effectifs sur la côte Est. La solution de la marine, bien entendu, c'est de transférer ces personnes de la côte Est à la côte Ouest. Elles ne veulent pas venir ici. On les oblige à déménager.
Je suis à ce grade depuis un peu plus de six ans. Je fais partie de la marine depuis dix ans, dont neuf passés à la mer. Il y a peu d'espoir que je sois affecté à terre parce que je ne peux me permettre ce genre d'affectation—je perdrais ma solde de marin- -et la maison que je possède actuellement... Ma femme doit travailler. Je ne peux pas avoir d'enfants. Autrement, je risque de perdre ma maison. C'est aussi simple que cela.
Ces marins de la côte Est ne veulent pas venir ici, mais il y a présentement là-bas un excédent de marins qui ont le même grade que moi. Il n'y a aucune possibilité d'avancement dans mon métier. Je sais que, au cours des dix prochaines années, j'aurai peut-être droit à une promotion, mais c'est tout.
Au lieu d'accorder une promotion aux mécaniciens de la côte Ouest, la marine en fait venir de la côte Est. Elle les arrache non seulement à leurs racines, mais elle me prive d'une promotion en faisant venir ces gens ici. Je ne sais pas si les membres du comité en sont conscients ou non, mais c'est ce qui se passe présentement, non seulement dans mon métier, mais dans de nombreux autres. Cette situation est inacceptable.
On peut bien nous donner des augmentations de 25 à 30 p. 100, mais ce n'est pas suffisant. De nombreux dirigeants importants ont déclaré au fil des ans—et ils n'ont pas tort—que les hausses de salaire ne contribuent pas à rehausser le moral à long terme. Il s'agit d'un expédient à court terme. Bien entendu, toute augmentation est utile, mais le moral, au sein de la marine, n'est pas très bon et il faut prendre des mesures pour corriger la situation. Les déménagements forcés ne contribuent qu'à saper encore plus le moral au sein de la marine.
Le fait qu'il n'y ait pas de possibilité de promotion nous empêche également de bénéficier d'une rémunération plus élevée. Dans mon cas, il n'y aura aucun changement. Si nous obtenons une hausse de rémunération, bien entendu, nous allons avoir plus d'argent. À défaut d'une promotion, c'est la seule façon que je peux gagner plus.
Comme l'ont déjà mentionné quelques témoins, il faut être adjudant-chef ou premier maître de 1re classe pour pouvoir posséder une maison ou obtenir une hypothèque. Si je n'obtiens pas de promotion, je ne peux gagner plus. Ce serait bien d'avoir une augmentation, mais il faut faire quelque chose au sujet des promotions.
C'est tout ce que j'ai à dire. Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Caporal Richard Clark (témoigne à titre personnel): Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je fais partie des Forces armées canadiennes depuis bientôt 14 ans. J'ai occupé divers postes aussi bien au sein de la Réserve que de la Force régulière. J'ai été affecté ici en 1994.
Je suis d'accord avec l'observation qu'a formulée une des intervenantes, à savoir que la date de changement d'effectif serait la même que la date de libération si l'affectation n'était pas acceptée.
Je ne savais pas à l'époque qu'une affectation en Colombie- Britannique coûterait si cher. Si j'avais su, j'aurais fait d'autres arrangements pour ma carrière. Je suis venu ici dans l'espoir d'obtenir une promotion afin de mieux subvenir aux besoins de ma famille.
• 0125
Ma femme n'a pas pu se joindre à nous. Elle a écrit une lettre
que j'aimerais vous lire:
-
Membres du Comité permanent de la défense fédérale et des affaires
des anciens combattants,
-
Je suis désolée de n'avoir pu assister à la réunion de ce soir mais
nous n'avons pas les moyens de nous payer une gardienne. Je suis
une femme de militaire et nous avons un fils de cinq ans. Mon mari,
un caporal, est dans l'armée depuis 1986 et excelle dans son
travail. En août 1994, nous avons été affectés ici à Victoria. Nous
étions auparavant à Calgary. Lorsque nous vivions en Alberta, nous
avions deux voitures, des économies, des REER et il nous restait de
l'argent à la fin du mois. Nous avions une vie sociale et n'avions
jamais de souci d'argent. Lorsque nous sommes arrivés ici, nous
avons dû attendre un an avant d'avoir un logement familial. Nous
avons été obligés de louer un appartement beaucoup trop cher et de
payer des frais supplémentaires pour l'entreposage. Nous avons été
obligés de vendre une voiture que nous n'avions plus les moyens
d'assurer. Notre impôt sur le revenu a augmenté et nous avons dû
faire face à une taxe de vente provinciale de 7 p. 100. La
nourriture coûte plus cher ainsi que l'essence et les services
publics. Tous nos rêves de devenir un jour propriétaires se sont
évanouis. Lorsque nous avons obtenu notre logement familial, nous
avons dû payer un autre déménagement et payer à nouveau tous les
branchements aux services publics, sans compter un cabanon et une
clôture que nous avons dû remplacer et laisser là.
-
Aujourd'hui, en 1998, nous n'avons aucune économie, notre compte
bancaire est à découvert, nous n'avons plus de REER. Les vêtements
sont devenus un luxe, nous redoutons l'approche de Noël et nous ne
participons à aucune fonction payante. J'ai un grave problème de
santé chronique mais je ne prends pas régulièrement mes médicaments
parce que je n'en ai pas les moyens—surtout depuis que la
franchise du régime d'assurance médicale a augmenté de plus de
100 p. 100. Nous allons chez le dentiste moins souvent maintenant
que ce qui est recommandé à cause des changements apportés au même
régime.
-
L'augmentation de 4,2 p. 100 de salaire en 1997 a disparu. Notre
indemnité d'aide au logement a diminué, les cotisations au RPC ont
augmenté et notre loyer va également augmenter. Nous n'avons plus
les moyens d'acheter des fruits et des légumes frais aussi souvent
qu'auparavant. Je ne me fais plus couper les cheveux. J'apporte une
calculatrice au supermarché pour ne pas dépasser mon maigre budget.
Mon fils ne participe pas aux activités parascolaires et aux sports
qui l'intéressent.
-
Nous vivons dans des maisons inférieures aux normes exigées, qui ne
sont pas isolées et où les cas d'asthme et d'allergie sont plus
fréquents. Nous sommes obligés d'acheter notre propre réfrigérateur
et notre propre poêle, des rideaux et des tapis—car des tuiles mur
à mur, c'est plutôt frisquet.
-
Malgré tout cela, mon mari travaille très fort pour le MDN. Il a
reçu un prix d'excellence l'année dernière. Je fais partie du
conseil communautaire, mon mari travaille pour le centre de la
jeunesse. Nous participons tous les deux aux activités de l'école.
Nous tâchons de garder notre cour propre et nous sommes très fiers
de notre chez-nous. Nous assumons avec fierté les séparations
annoncées à la dernière minute, les longues journées de travail et
les fonctions du service. Nous acceptons les déménagements, de
quitter notre famille et nos amis et de recommencer au bout de
quelques années. En retour, nous voulons une forme quelconque de
reconnaissance. Nous ne devrions pas être obligés de vivre de
chèque de paye en chèque de paye, sans savoir si la prochaine fois
nous devrons faire appel à l'aide sociale ou à la banque
d'alimentation. Nous avons besoin d'un salaire décent et d'une
indemnité de vie chère dans les régions notoires pour leur coût de
vie élevé. Compte tenu de l'état des logements, le loyer est élevé.
Nous pensons que nous valons mieux que cela!
-
Je vous remercie d'avoir écouté les préoccupations de la conjointe
d'un militaire.
M. David Pratt: Monsieur le président, je me demande si nous ne pourrions pas obtenir une copie de cette lettre pour nos dossiers.
Caporal Richard Clark: Oui, bien sûr.
Le président: Au suivant, s'il vous plaît.
Mme Kim Loeper (présentation individuelle): J'aimerais tout d'abord remercier Judi Longfield et Leon Benoit d'avoir répondu au mémoire précédent que j'ai adressé au comité. J'ai depuis fait de la recherche et recueilli de nouveaux renseignements qui devraient vous être utiles.
Les deux plus grands sujets de préoccupation pour les militaires de la côte Ouest sont la paye et le logement—on n'a cessé de vous le répéter et vous continuerez de l'entendre—et la façon dont ces deux aspects influent sur notre qualité de vie. Il faut aussi bien comprendre que si on donne suite à ces deux aspects, c'est-à-dire la paye et le logement, il y aura, à mon avis, d'autres problèmes dont il faudra s'occuper et qui ont été brièvement mentionnés ce soir. Selon la hiérarchie des besoins de Maslow, il faut garantir les besoins essentiels, c'est-à-dire la paye et le logement. Il y a ensuite la question de sécurité. Je pense qu'on en a traité.
• 0130
Il faut mentionner que la nature même de la vie militaire est
préjudiciable aux besoins sociaux. Nous sommes séparés de nos
familles élargies et de nos amis. Puis, on perturbe régulièrement
la famille nucléaire lorsqu'un conjoint est envoyé en mer ou en
formation. Bien que cet aspect ne puisse être entièrement changé,
il mérite d'être examiné.
L'estime de soi et les besoins d'accomplissement se concrétiseront lorsque la base de la pyramide sera stable et que les membres des Forces armées commenceront alors à exiger une satisfaction professionnelle, des possibilités d'avancement et d'autres éléments de satisfaction personnelle.
Ce qui m'effraie le plus, ce n'est pas le nombre de gens qui sont ici ce soir mais le nombre de gens qui n'y sont pas. Je crains que la collectivité militaire soit devenue suffisante, apathique et découragée. Je crains que dans le pire des scénarios, comme au milieu des années 30 en Allemagne, quelqu'un essaie de profiter d'eux et de l'état d'esprit dans lequel ils se trouvent.
En tant que citoyens et membres de la collectivité militaire, on nous a demandé à plusieurs reprises ce que nous considérons important et ce que nous voulons voir changer. Nous avons écrit aux politiciens, raconté notre histoire aux journaux. Nous avons reçu de l'aide sociale. Nous avons tâché de faire en sorte que notre vote compte, et pourtant rien ne change.
De nombreux hauts gradés ont mis beaucoup d'espoir dans ce comité et sa capacité de faire bouger les choses. Je vous implore, comme vous l'avez entendu ici ce soir, de ne pas laisser passer cette occasion.
La presse n'a sûrement pas contribué à relever le moral de la collectivité militaire. Elle a rapporté très peu de bonnes choses et beaucoup de choses terribles à propos des militaires. Toutes ces choses doivent être révélées pour empêcher les coupables de s'esquiver en invoquant l'ancienne règle du secret et l'esprit de clan. Mais la presse doit également nous faire la courtoisie de rapporter le bien que nous faisons.
Je crois que la couverture négative de la presse nuit aussi au moral des militaires.
Je ne vais pas vous lire tout le document.
Les militaires n'ont pas eu d'augmentation de salaire depuis 1992. J'ai passé un peu de temps à la bibliothèque pour déterminer comment cela influe sur notre pouvoir d'achat. J'ai annexé les chiffres à ce document pour votre information mais j'espère que vous n'oublierez pas que c'est moi qui en ai discuté avec vous.
Par suite de toutes les augmentations de paye que nous avons reçues cette année, en 1997, notre revenu brut a augmenté de 1 000$. Il s'agit du revenu brut; l'impôt n'a pas encore été déduit. Les cotisations au RPC ont également augmenté de même que les cotisations au régime de prestations supplémentaires de décès, à l'assurance-invalidité, sans compter l'impôt. Nous nous attendons à ce que l'indemnité d'aide au logement diminue, ce qui n'est pas encore le cas pour nous, mais ne saurait tarder. Nous prévoyons également une augmentation de loyer.
Le gouvernement—quel qu'il soit—ne veut pas que nous ayons l'impression que nos augmentations récentes sont en train d'être grugées, même si nous le savons fort bien.
En 1992, le salaire minimum en Colombie-Britannique était de 5,50$. Le 1er avril de cette année, il devrait s'élever à 7,15$. C'est une augmentation de 30 p. 100. C'est une augmentation à laquelle les militaires n'ont pas eu droit.
Au sujet du logement: nous louons à l'heure actuelle une maison mobile à deux éléments sur la base pour 697$ en plus d'une facture d'électricité de 73$ par mois. Le bureau du logement ne cesse de nous dire que nous devons payer un loyer qui correspond aux loyers en vigueur sur le marché de l'habitation à Victoria, conformément aux indications de la Société canadienne d'hypothèques et de logement. Ma question a toujours été la suivante: Pourquoi?
Le commandant de la base a finalement répondu à ma question. Il a expliqué que Revenu Canada considérerait toute différence entre les taux en vigueur à Victoria et ceux des logements familiaux comme un bénéfice imposable et que cela figurerait sur nos T-4. De plus, le Conseil du Trésor ne croit pas que les Forces canadiennes devraient s'occuper de fournir du logement.
Comme tout changement au système de logements familiaux se heurterait à l'opposition de Revenu Canada et du Conseil du Trésor, je pense que nous devrions envisager une taxe différente. Un très grand nombre de résidents de logements familiaux ont réclamé une diminution des loyers ou du moins l'absence d'augmentation des loyers. Je ne crois pas que cela se produira.
La solution la plus simple et la plus économique consiste à vendre tous les logements familiaux au pays, tout en assurant une indemnité de vie chère, qui soit acceptable. Cette indemnité devrait être liée à l'indice des prix à la consommation pour la région où un membre réside chaque mois de l'année.
De plus, Revenu Canada insistera pour que cette indemnité soit imposable. C'est donc un facteur qui devrait être pris en considération.
J'aimerais souligner que M. Allen Roy, un conseiller en matière d'utilisation des terres que la base avait engagé par le passé, avait déclaré publiquement que les logements familiaux à Belmont et à Work Point sont tellement inférieurs aux normes en vigueur aujourd'hui que le gouvernement de la Colombie-Britannique ne les considérerait pas acceptables pour des prestataires d'aide sociale.
• 0135
En conclusion, je suis persuadé que le gouvernement fédéral
n'a pas respecté le contrat social qu'il a conclu avec les
militaires. Je comprends la nécessité des restrictions financières.
Je ne comprends pas pourquoi les classes moyenne et inférieure
doivent être celles qui en souffrent. Quand cela cessera-t-il? Ou
allons-nous continuer à semer les germes de l'injustice sociale et
provoquer une révolution, grande ou petite?
N'oubliez pas qu'il
s'agit des gens qui contribuent à votre sentiment de sécurité. Est-
ce trop demander de s'occuper de leur sécurité à eux?
Je suis prête à donner de mon temps et à partager mon expérience si cela est nécessaire. J'aimerais également répondre à certaines des questions qui ont été posées plus tôt.
Vous vouliez savoir ce que nous pouvons faire en tant que groupe pour soumettre des idées au gouvernement. Je pensais que c'est ce que nous faisions aujourd'hui. Peut-être ai-je mal compris. Vous êtes ceux qui comprennent ce système. Dites-nous ce que vous voulez que nous fassions et nous le ferons.
Vous avez également demandé ce qui pourrait être fait à court terme pour alléger les difficultés financières des membres. La solution la plus simple serait de toute évidence une augmentation de salaire. À court terme, il faudrait augmenter l'indemnité d'aide au logement pendant que l'on revoit le système. L'indemnité actuelle n'est pas suffisante. Faites-moi confiance. Le coût de la vie n'a pas diminué de 32$ par mois à Victoria l'année dernière; bien au contraire.
Je proposerais également que l'on maintienne les taux des logements familiaux à leur niveau actuel pendant que l'on réévalue le système. Ici encore, ce n'est pas fonctionnel. Il n'y a aucune raison pour qu'un officier marinier qui vit à Halifax ramène chez lui deux fois plus d'argent que mon mari parce qu'il vit sur la base.
Une autre proposition, modeste mais quand même utile: que les cotisations de mess soient déductibles d'impôt. Dans le civil, personne n'est obligé d'adhérer à un groupe sans pouvoir déduire les cotisations de leur revenu.
Vous demandez comment nous pouvons convaincre le Parlement etle public de consacrer de l'argent à la défense nationale. En toute honnêteté, je ne sais pas comment répondre à cette question. Il nous faudrait peut-être quelques catastrophes naturelles de plus.
Matelot-chef William Sparling (présentation individuelle): Monsieur le président, membres du comité, je suis le matelot-chef William Sparling. Je fais partie des Forces canadiennes depuis 1981.
Simplement pour vous situer le contexte, on pourrait dire que c'est, pour moi, une affaire de famille. Ma famille a servi la Couronne de façon continue depuis plus de 500 ans. On pourrait dire que j'ai une certaine perspective historique des choses.
Monsieur Pratt, vous avez demandé ce que l'on peut faire pour sensibiliser la population canadienne et les députés. Je pense qu'il serait préférable de demander ce que l'on doit faire. À l'heure actuelle, nous sommes en pleine période de remise en question. Les Forces canadiennes souffrent d'un manque de leadership politique, non seulement dans nos propres rangs, mais aussi au niveau de la direction de notre pays.
Le MDN comprend deux éléments: les membres des Forces canadiennes en uniforme et l'élément civil, qui appuie les militaires et qui est dirigé par des bureaucrates. Les décisions purement militaires concernant les affectations et l'équipement sont prises par des ronds-de-cuir. Il s'agit d'une situation qui n'existe nulle part ailleurs.
Le rôle des militaires est d'appuyer le gouvernement civil, en présentant une menace crédible de recours à la force à l'extérieur de nos frontières, en temps normal. Cela signifie que nous défendons notre pays ici et à l'étranger. Dans des circonstances exceptionnelles, nous assurons cette force au sein même de notre pays comme en témoignent les événements d'Oka et la crise du FLQ qui continue d'ailleurs de nous hanter encore aujourd'hui. Seul un gouvernement civil dûment constitué peut nous demander d'intervenir. Le gouvernement nous indique quelle est notre mission, la force que nous sommes autorisés à utiliser, puis nous laisse exécuter notre mission. Nous demeurons responsables devant le gouvernement civil et nous exécutons la mission qu'il nous confie.
• 0140
Vous avez constaté les résultats des missions qui ont dérapé
en Somalie, en Bosnie, en Corée et ailleurs. Mais il n'y a pas
longtemps que l'on voit l'ensemble des militaires tenus
responsables des agissements d'une poignée d'entre eux.
En ce qui concerne Mme Wheeler—je pense qu'elle est partie et je la comprends—j'ai revêtu l'uniforme et suivi la tradition familiale. Cet uniforme me confère une responsabilité totale ainsi qu'à tous ceux qui le porte. Il est possible qu'un jour—et j'espère de tout coeur que ce jour n'arrivera pas—je sois appelé à donner ma vie. D'autres militaires, hommes et femmes, se trouveront dans la même situation. D'autres l'ont fait, que ce soit en temps de paix ou en temps de guerre. Je ne crois pas qu'il soit déraisonnable que la population canadienne et notre propre gouvernement nous appuient.
Amiral, vous avez cité un extrait du poème de Kipling «Tommy». J'aimerais vous laisser sur les derniers vers de ce poème.
Ce poème a été écrit dans les années 1800. Il décrit la situation qui existait en Grande-Bretagne à l'époque lorsque les Tuniques rouges, comme on les appelait, étaient dénigrées par leurs propres compatriotes. C'est pratiquement ce qui se passe aujourd'hui, mais pas tout à fait.
Les derniers vers du poème parle du mensonge des politiciens qui contrôlent leur destinée, non seulement en matière économique mais pour ce qui est d'envoyer des gens inutilement à la mort.
Ce poème dit essentiellement qu'il ne faut pas mentir à Tommy. Il voit ce qui se passe. Il sait à quoi s'en tenir. Il n'est pas stupide. Il sait exactement pourquoi il va mourir et ce n'est certainement pas pour ceux assis autour d'une table de comité. Le drapeau représente tant de choses, pas seulement pour ceux d'entre nous qui sommes en uniforme mais pour ceux devant lesquels nous nous tenons.
Passons maintenant à d'autres aspects.
La situation économique: Vous avez entendu tous les arguments. Les membres des Forces canadiennes connaissent de graves difficultés de même que leurs familles. Nous nous attendons à devoir faire des sacrifices mais pas à ce que nos familles fassent des sacrifices pendant que nous sommes loin d'elles. On en a assez dit à ce sujet.
L'équipement: Vous avez entendu les arguments. La situation est difficile mais nous pouvons nous débrouiller pendant que vous faites le nécessaire pour nous obtenir l'équipement dont nous avons besoin.
Le moral: C'est un aspect extrêmement important. Le moral des membres est très bas. Nos membres ont l'impression d'être tout à fait sous-estimés et sous-évalués, non seulement sur le plan économique mais sur le plan émotionnel. Pourquoi un homme devrait- il passer dix mois de l'année loin de sa famille et revenir chez lui pour se faire injurier par ses voisins? Pourquoi devrait-il aller aider les résidents d'une autre région du pays, qui sont victimes d'une catastrophe naturelle, lorsqu'un mois plus tard ses efforts auront été oubliés ou, pire encore, dénigrés?
Nous pouvons nous occuper de nos problèmes et c'est ce que nous faisons. Nous nous en occupons non seulement aux plus hauts échelons mais aussi au niveau subalterne. Ici encore, nous nous attelons tous ensemble à la tâche et nous agissons. Mais nous avons besoin d'un certain appui des politiciens et cela ne signifie pas nous mettre au pilori chaque fois qu'un soldat en permission va dans un bar. Devrait-il être puni pour cela? Peut-être. Mais il sera dûment puni par le système. Il n'a pas besoin que cela soit étalé dans les journaux, ni crié à la Chambre des communes. Et sa famille n'a certainement pas besoin de le voir aux nouvelles du soir se faire traiter de salaud simplement parce qu'il voulait boire une bière.
• 0145
Quant au reste d'entre nous, nous avons tous des tâches à
exécuter. Certaines sont plus difficiles que d'autres. Je pense
personnellement que la tâche la plus difficile de toutes est celle
du conjoint. Nous avons notre travail à faire et nous savons
pourquoi nous sommes là. Notre conjointe ou conjoint et notre
famille ne sont pas au courant de notre emploi du temps quotidien.
Ils ignorent si nous allons rentrer. Essayez d'obtenir des réponses
du système si le seul message que vous avez reçu est le suivant:
«Votre conjoint a été blessé». C'est ce qu'a vécu ma femme lorsque
je me suis cassé la jambe. En mer, à deux jours du port le plus
proche, le message lui a été transmis par quelqu'un qui la
connaissait et qui lui a téléphoné pour lui dire: «Bill a été
blessé; c'est tout ce que je sais; pour en savoir plus, il faudra
attendre qu'il arrive à San Diego». Ce n'est pas si grave que ça.
Je n'ai pas été grièvement blessé. Ma femme comprend qu'en mer, il
peut arriver toutes sortes de choses. Mais qu'est-ce qui se passe
dans le cas de la famille d'un militaire affecté dans le Grand
Nord, en Bosnie, au Rwanda, en Somalie, dans des endroits comme
cela? Nos conjoints doivent endurer tellement de choses que nous-
mêmes n'avons pas à endurer.
J'avais promis de ne pas me fâcher. Vous constaterez qu'un grand nombre d'entre nous avons des opinions très arrêtées. Nous ne serions pas humains autrement.
On m'a déjà dit que les seules personnes qui savent vraiment comment diriger le pays correctement sont les chauffeurs de taxi, les coiffeurs et les militaires. Je ne sais pas dans quelle mesure cela est vrai mais il ne fait aucun doute que nous avons nos opinions et que nous avons l'habitude de les exprimer—peut-être pas toujours de façon vraiment politiquement correcte mais nous les exprimons. Ce serait bien si juste une fois on nous écoutait.
Je terminerai en disant, et si quelqu'un a des questions, je me ferai un plaisir d'y répondre... Pendant les guerres puniques, il y a environ 3 000 ans, les mères romaines avaient l'habitude de faire peur aux enfants en criant «Hannibal est à nos portes». Vous vous souviendrez qu'Hannibal est le général qui a traversé les Alpes avec son armée carthaginoise, un incroyable exploit militaire. Il avait tellement terrorisé les Romains que jusqu'à la fin de leur empire, c'est ce qu'on criait pour faire peur aux enfants.
Mesdames et messieurs, Hannibal est à nos portes.
Si nous voulons que notre armée demeure crédible et soit prise au sérieux dans le monde, non seulement au niveau de la démonstration de force, mais politiquement, économiquement et socialement, nous devons nous occuper de nos problèmes, de nos lacunes et y donner suite.
Je vous remercie.
Le président: Je vous remercie.
Mme Jennefer Jenks (témoigne à titre personnel): Monsieur le président et membres du comité, je suis une femme de militaire et j'aimerais vous parler un peu de ma vie. Je suis mère de deux enfants, de trois ans et quatre ans. Mon mari est actuellement affecté en mer. Donc, il me quitte parfois jusqu'à sept mois par année. Je n'ai aucune famille dans ce pays. J'ai abandonné une carrière d'infirmière pour devenir mère, pour élever mes filles afin qu'elles deviennent de bonnes citoyennes. Nous n'avons pas de père à la maison. Je ne veux pas confier mes enfants à une gardienne en espérant qu'elles grandiront sans problème. C'est pourquoi je reste à la maison avec elles.
Certains des sacrifices que nous avons dû faire... Nous avons dû vendre notre voiture pendant sept mois. Pendant l'hiver, j'ai dû faire mes courses à pied, dans la neige et la glace, en transportant mon épicerie dans un chariot, en portant ma fille de huit mois sur mon dos, et ma fille de deux ans dans mes bras et des sacs d'épicerie attachés à mon sac à dos.
Mon mari est un matelot de 1re classe. Il vit dans un logement familial et nous payons 695$ par mois. C'est assez cher. Nous manquons parfois d'argent. Nous vivons de chèque de paie en chèque de paie. Je tâche de faire de mon mieux pour nous assurer un style de vie acceptable.
J'ai vécu certaines choses... Ma fille a été hospitalisée pendant deux jours au début de la semaine. Le navire de mon mari avait quitté le port et était immobilisé devant Royal Roads. Un officier de service m'a dit que même si ma fille était sous perfusion et vomissait du sang... que ce n'était pas assez important pour appeler mon mari à l'aide du cellulaire et l'autoriser à venir voir ma fille à l'hôpital. J'ai donc dû me débrouiller toute seule: j'ai dû appeler une amie pour l'implorer de s'occuper de ma fille de trois ans et de la garder pour la nuit.
• 0150
C'est le genre de choses que j'ai vécues pendant mes cinq ans
et demi ou six ans comme femme de militaire, et c'est très dur.
Nous dépensons beaucoup d'argent en factures de téléphone
simplement pour garder le contact et entretenir notre relation.
Au cours des trois dernières années, il y a eu trois divorces en face de chez moi. Mes voisins qui vivent, comme moi, dans des logements familiaux ont divorcé; trois couples en trois ans. C'est un divorce par année. J'essaie de garder ma famille unie en restant à la maison et en assurant une base solide afin d'avoir au moins un semblant de mariage lorsque mon mari rentre à la maison.
Je vous remercie de m'avoir écouté.
Le président: Au suivant.
Caporal Karl Rayment (témoigne à titre personnel ): Membres du comité, je suis le caporal Rayment. Je fais partie des Forces canadiennes depuis 13 ans et je sers à l'heure actuelle à bord du NCSM Protecteur.
Monsieur Pratt, vous avez posé une question plus tôt. Vous avez dit que vous n'êtes qu'un comité; comment pouvez-vous faire comprendre aux 300 députés de la Chambre des communes ce que nous sommes en train de vivre? Eh bien, je serais prêt à inviter chaque membre du comité ou tout député qui le veut à m'accompagner pendant un mois et à faire mon travail pour le même salaire que moi. Vous pourriez rester chez moi et voir ce que ma femme et moi devons endurer.
Les hommes des Forces canadiennes reçoivent une indemnité d'entretien de l'habillement de 17$ par mois. C'est assez pour acheter trois paires de chaussettes. Je suis désolé, mais si je dois aller acheter une tunique que les Forces canadiennes m'obligent à faire nettoyer à sec pour que j'aie belle apparence pendant les parades, je dois dépenser pratiquement 70$ en nettoyage. Cela équivaut à huit mois d'indemnité d'entretien de l'habillement.
Je vis avec ma femme et mes deux enfants dans un logement familial où on vient tout juste d'installer de nouvelles fenêtres. Lorsque je suis assis sur mon sofa, devant la fenêtre, j'attrape un torticolis à cause des courants d'air. Il n'y a pas d'isolation.
Je suis allé au bureau du logement des Forces canadiennes pour leur demander d'installer du tapis dans ma maison. «Très bien, nous viendrons mettre du tapis en bas mais pour les chambres à coucher en haut—désolé, ce ne sera pas possible parce que nous manquons d'argent». Quand je vais au lit, je dois porter des pantalons de survêtement et utiliser trois couvertures parce que ma chaufferette n'arrive pas à chauffer toute la maison. C'est inacceptable.
Ma femme avait un emploi à Ottawa avant notre arrivée ici. Elle est venue jusqu'ici. Elle n'arrive pas à trouver d'emploi. Les emplois qu'elle arrive à trouver...tout son argent va en frais de garderie. Cela aussi est inacceptable. Il faut prévoir des moyens pour permettre aux femmes de militaires de laisser leurs enfants dans des garderies ou même d'obtenir des subventions pour nos frais de garde afin que nous ayons les moyens de vivre ici.
À l'heure actuelle, j'ai les moyens d'acheter une maison à Halifax. Mes parents ont commencé à faire des recherches pour moi. Je peux acheter une maison de trois chambres à coucher à Halifax pour 78 000$ avec une acre de terrain. La même maison ici vaudrait 250 000$. Je n'ai pas ce genre de moyens.
Lorsque j'ai quitté Ottawa, le loyer de mon logement familial était de 500$ par mois, ce qui comprenait le chauffage, l'électricité et une place de stationnement. Ici, je paye pratiquement 700$ et on parle d'augmenter mon loyer de 200$ par mois. Je ne peux pas me le permettre. Si cela se produit, je devrai faire appel à l'aide sociale.
Au lieu d'enlever de l'argent aux militaires chaque fois qu'il présente son budget, il est peut-être temps que le gouvernement ferme les frontières, donne des emplois aux gens de ce pays et oblige les prestataires d'aide sociale, qui sont aptes à travailler à aller ramasser les ordures s'ils veulent être payés. Il ne doit pas leur permettre de rester à la maison à attendre leur chèque d'aide sociale pour aller jouer au bingo et acheter de l'alcool.
J'aimerais ajouter autre chose. Lorsque je suis allé à Haïti avec les Forces armées canadiennes, voici dans quel état se trouvaient les Forces armées canadiennes. Nous avons dû apporter avec nous à Haïti des véhicules qui étaient bons pour la casse. Si nous l'avons fait, c'est uniquement parce que les Forces canadiennes ne voulaient pas dépenser l'argent pour les envoyer à la casse. Nous les avons expédiés à Haïti et nous les avons utilisés jusqu'à ce qu'ils tombent en morceaux. On ne pouvait même pas les comparer à certains véhicules haïtiens; et certains véhicules haïtiens étaient vraiment dans un état lamentable.
Il est temps de dépenser les sommes nécessaires à l'achat d'équipement adéquat. Lorsque j'étais à Haïti, nous sommes allés au centre-ville avec nos armes à la main mais nous n'étions même pas autorisés à transporter les balles dans nos fusils. Nous devions les transporter dans nos poches. Nous ne pouvions pas charger nos fusils à moins qu'on nous l'ordonne, même si quelqu'un pointait un fusil vers nous, chargé ou non—ce que nous ne savions pas. Nous avions droit à cinq balles. Qu'est-ce qu'on peut faire avec cinq balles?
• 0155
Je suis désolé. C'est ma vie. Je ne veux pas laisser une veuve
à la maison avec des enfants—pas avec ce que les Forces
canadiennes me paient.
Je vous remercie.
Officier marinier Cooper (témoigne à titre personnel): Je suis maître de 2ème classe Cooper. Je suis dans la marine depuis 16 ans. Tout le monde parle de discrimination; comment aimeriez-vous faire l'objet de discrimination régionale?
Si vous vivez dans une région où votre maison coûte 200 000$ alors qu'ailleurs elle coûte 100 000$, c'est une perte de 10 p. 100. Ici je perds 20 000$ alors que pour la même maison à Halifax, cette perte est de 10 000$. S'ils perdent 10 001$, ils récupèrent tout leur argent. Si je perds 15 000$, 16 000$ ou 17 000$, je n'obtiens rien parce qu'il faut que je dépasse ce seuil de 10 p. 100. Donc, peu importe notre lieu d'affectation, nous touchons le même salaire et sommes censés nous débrouiller avec le même chèque de paie.
Autre chose: quelqu'un a mentionné les congés et les vols militaires. Après m'être enrôlé, j'ai passé neuf ans et demi à essayer d'assurer un logement convenable à ma femme et à mes enfants. Je n'ai jamais eu suffisamment d'argent pour voyager ou même pour songer à traverser le pays pour rendre visite à mes parents à Terre-Neuve.
Si on demande à prendre un vol militaire, on vous répond, désolé, revenez plus tard lorsque vous aurez suffisamment de points. Lorsque vous êtes chef et que vous pouvez vous permettre d'aller cogner à leur porte et de leur demander combien de points vous avez, vous pouvez voyager partout au pays. Un jeune matelot de 3ème classe, un matelot de 1re classe, un matelot-chef, un maître de 1re classe et un maître de 2ème classe doivent gravir tous ces échelons avant de pouvoir atteindre cet objectif final, c'est-à-dire rentrer chez soi. À ce moment-là, vous faites aussi bien de prendre simplement votre retraite parce que vous n'avez pas suffisamment d'argent pour profiter de votre congé après avoir travaillé d'arrache-pied pendant des années.
J'espère que le comité pourra transmettre le message à Ottawa, et ne se contentera pas de le transmettre à un autre comité qui le confiera à un autre comité et ainsi de suite. On entend beaucoup de choses qui ne mènent à rien. Nous espérons que vous nous croirez sur parole, et il se peut même que la prochaine fois, nous vous obligions à tenir parole.
Je vous remercie.
Major Marian Miszkiel (témoigne à titre personnel): Monsieur le président, mesdames et messieurs, je suis le major Marian Mizskiel, ingénieur militaire. J'ai servi dans un régiment, j'ai servi sur une base aérienne comme ingénieur sur le terrain et j'ai servi dans la marine.
Nous, les militaires, consentons le sacrifice ultime lorsque nous partons pour la guerre, affronter le chaos de la guerre. Cependant, nous travaillons dans un milieu extrêmement industrialisé. Le régime d'indemnisation des travailleurs présente une importante disparité entre le secteur militaire et le secteur civil.
À l'heure actuelle, en vertu de la Loi sur les pensions, quiconque est blessé dans une zone de service non spécial n'a pas droit à l'indemnisation des travailleurs. Toute personne blessée à Haïti, en Bosnie, tous ceux déployés dans le golfe Persique sur un navire de la Couronne—s'ils sont blessés dans un accident de travail ou un accident dû à la guerre, seront indemnisés pour leurs souffrances et douleurs ou pour leur perte économique, pour la perte de qualité de vie qu'ils subissent ou que subit leur famille.
Mais le graisseur qui travaille au port, l'ingénieur qui travaille dans un égout ou celui qui travaille dans un magasin de vêtements, s'ils subissent un accident du travail, doivent attendre jusqu'à la retraite. C'est ce que prévoit le paragraphe 21(4) de la Loi canadienne sur les pensions.
Sa Majesté prendra soin de vous à l'hôpital. Elle vous mettra sur une liste d'attente. Elle vous affectera à un service réduit, de retour parmi vos collègues. Puis elle vous paiera votre salaire normal.
Si vous êtes graisseur et que vous vous êtes brûlé la jambe et avez des cicatrices, vous pouvez continuer votre service. Mais vous ne serez pas indemnisé pour vos blessures, vos peines et vos souffrances, comme l'est un civil en vertu du régime d'indemnisation des travailleurs. Il vous faudra attendre d'être à la retraite, c'est-à-dire 4, 10, 15 ou 25 ans plus tard.
• 0200
C'est ce que prévoit le paragraphe 21(4). Cette disposition
doit être abrogée ou modifiée pour permettre l'indemnisation des
travailleurs dans les zones de service non spécial.
Je vous remercie.
Matelot de 1re classe Lise Curley (témoigne à titre personnel): Je suis Lise Curley, matelot de 1re classe. Je suis un peu nerveuse. Avec tout le respect que je vous dois à tous, je n'ai pas toutes les bonnes réponses et je risque parfois de mal m'exprimer, mais voici.
On m'a dit que ce serait ma dernière affectation. Je viens juste d'apprendre que mon affectation a été prolongée de trois ans. C'est ce qu'on appelle un engagement consécutif. Je ne savais pas que cela se passerait comme ça, donc ce que je croyais être ma dernière affectation ne le sera pas. Je vais me retrouver sur un navire. Cela me pose un certain problème puisque je fais partie des Forces canadiennes depuis pratiquement 20 ans et que j'avais l'intention de prendre ma retraite l'année prochaine. Je prévoyais aller travailler dans le civil.
Comme c'est difficile. Laissez-moi me ressaisir une minute, s'il vous plaît.
[Note de la rédaction: Applaudissements dans l'assistance]
Matelot de 1re classe Lise Curley: Je voulais simplement remercier les Forces de m'avoir accordé ce bonus de trois ans. Cependant, comme parent seul, les Forces armées sont ma seule famille. Si je vais travailler en mer, comme j'en ai toujours rêvé depuis que je suis toute petite, cela risque de créer un grave problème pour ma fille. J'aimerais savoir qui va s'occuper d'elle, qui va s'occuper de son éducation? Qui va s'occuper des aspects légaux avec lesquels je me débats depuis les cinq dernières années avec son père? Il ne nous a pratiquement pas versé un sou. Nous avons dû nous battre pour obtenir une pension alimentaire. On a dû lui confisquer son salaire pour nous permettre de joindre les deux bouts. C'est une expérience qui a été très éprouvante pour moi tant sur le plan émotionnel que physique. J'ose à peine imaginer ce que j'éprouverai si je vais en mer.
Vous ne pouvez pas savoir le sentiment qu'on éprouve lorsqu'un rêve de jeunesse d'aller en mer est sur le point de se réaliser et qu'on vous l'enlève. Ce que je veux dire, c'est que j'ai toujours voulu aller en mer et que je ne le pourrai pas parce que je ne veux pas renoncer à être une maman. Je ne sais plus où j'en suis. Je veux faire pour le mieux. Je veux occuper ce poste. Vous savez, vous voulez être... Oh, c'est tellement difficile.
Je suppose qu'au bout du compte, les Forces m'ont donné un choix: sortir de l'armée ou aller en mer. Je ne crois pas que ce soit juste; c'est là où je veux en venir. Comme je l'ai dit, l'armée a été ma famille. J'ai eu une enfance très difficile et je pensais que l'armée me servirait de famille, et c'est d'ailleurs ce qui est arrivé. Mais il y a eu tellement de changements ces derniers temps. Des problèmes surgissent, mais vous n'avez aucune solution à nous proposer.
Je vais simplement vous lire ce que j'ai écrit ici. Je pars du principe que s'il existe des droits pour les gais et les lesbiennes, il devrait exister des droits pour les parents seuls, parce que leurs droits sont tout aussi importants. Je n'ai rien contre les gais et lesbiennes. Mon frère est gai. Je ne voulais pas devenir un parent seul mais je l'accepte tout comme vous devriez reconnaître notre existence. Je ne veux pas qu'on me plaigne, ni qu'on me rabaisse. Je veux simplement qu'on m'accepte. C'est là où je voulais en venir.
Le président: Merci à vous.
Matelot de 1re classe Desroches (témoigne à titre personnel): J'aimerais aborder la question du moral. Bien entendu, la paye est un aspect important comme vous l'avez entendu ce soir. J'aimerais également parler des répercussions des compressions du personnel.
Les compressions du personnel ont eu des répercussions sur le moral et sur les troupes, puisque chaque membre des Forces armées a vu sa charge de travail doubler. Certains métiers ont dû être fusionnés. La plupart d'entre vous ne le savez peut-être pas mais oui, j'ai choisi de porter l'uniforme et j'ai choisi de servir mon pays, comme bien d'autres, mais lorsque je travaille en mer, ma journée de travail est en moyenne de 12 à 16 heures. Lorsqu'on travaille de cette façon pendant six à huit mois, cela fait beaucoup d'heures. Nos heures supplémentaires ne sont pas rémunérées.
Cela ajoute à la détresse de ces gens et nuit considérablement à leur moral.
La violence verbale, la discrimination et le harcèlement sont d'autres problèmes avec lesquels il faut apprendre à composer, et comment en parler à son superviseur. Si le superviseur est l'auteur de ces agissements, on a alors l'impression de n'avoir aucun moyen de se défendre. C'est pourquoi on préfère fermer les yeux, accepter ce traitement et faire comme si de rien n'était. C'est une chose qui en dérange beaucoup. Une personne célibataire a l'option de dire: ça suffit, je sors de l'armée. Mais pour ceux qui ont une famille à soutenir, c'est un stress supplémentaire. C'est l'un des problèmes auquel nous faisons face.
Il y a un manque de leadership. Je ne veux pas dire que nous n'avons pas de bons dirigeants. Il y a effectivement des gens qui font du bon travail mais les rares personnes qui agissent mal nuisent au moral des gens qui vous servent. Ce pays a besoin d'aide, et vous êtes en mesure de nous donner l'aide dont nous avons besoin.
Je vous remercie.
Le président: Merci beaucoup.
Premier maître Doug McLeod (témoigne à titre personnel): Monsieur le président et membres du comité, vous me demandez de vous proposer des solutions possibles. Je ne vais pas insister sur la solution évidente. La paye est l'un des aspects, surtout au niveau subalterne, qui influe sur le moral et parfois sur la capacité de nos gens.
Il est significatif que vous soyez le Comité permanent de la défense nationale. Nous engageons des gens qui ont le même niveau d'instruction pour faire le même travail que fait la Garde côtière pour les pétroliers ou que la B.C. Ferry Corporation fait pour les pétroliers. La différence, c'est que...
Examinons un instant la situation en mer. Lorsqu'un matelot de 3e classe arrive à bord, il se trouve dans un nouvel environnement. On lui fait subir non seulement une formation de matelot mais aussi une formation dans les métiers parce que c'est ce qu'il doit faire s'il veut commencer sa carrière. On le met immédiatement au travail parce que dans la marine chacun a un travail à faire et il a donc un travail rémunéré à exécuter à bord du navire.
Donc en plus de la formation dans les métiers, de sa formation de matelot et de son travail normal, pour lui rendre la vie un peu plus difficile, nous procédons à des manoeuvres appelées des transbordements par va-et-vient et toutes sortes de manoeuvres de matelotage quand nous sommes en mer.
Nous, les matelots de niveau supérieur, avons beaucoup de travail à faire. Donc il arrive que le subalterne ici encore dans le cadre de sa formation et aussi parfois parce qu'il est un matelot subalterne, soit debout au milieu de la nuit en train de larguer les amarres côte à côte avec un autre navire.
Or, le même type qui fait le même travail dans la Garde côtière travaille moitié moins d'heures et bénéficie de la protection des dispositions du Code canadien du travail, ce qui n'est pas le cas pour nos matelots de 3e classe.
Si vous voulez mettre les choses en branle, vous pourriez envisager la situation sous un autre angle et dire, attendez un instant, voici des gens qui, s'ils quittaient un navire de guerre pour aller travailler sur un navire fédéral de la Garde côtière, seraient protégés et ne seraient pas dans la misère. Ils n'auraient pas besoin de l'aide sociale. En fait, si nous lui versions le même salaire que son collègue de la Garde côtière, il ferait 52 000$ par année, si on compte les heures supplémentaires. Ce pourrait être une façon de procéder.
• 0210
Je m'excuse, je ne me suis pas présenté. Je m'appelle Doug
McLeod et je suis premier maître de 1re classe. Je sers dans la
marine depuis beaucoup trop longtemps.
Vous avez constaté, entre autres, qu'il existe chez nous un sentiment de frustration qui est attribuable à divers facteurs, dont un en particulier qu'il convient de mentionner: soit ce que certains appellent la politisation des Forces.
Comme l'a indiqué David Bercuson, un de nos grands historiens, un de nos problèmes présentement, c'est que nous ne savons pas pourquoi nous avons besoin d'une force militaire. Les Canadiens ne savent pas quel rôle remplissent les militaires. Si vous leur demandez si le Canada a besoin de sous-marins pour protéger sa souveraineté, c'est comme si vous demandiez aux gens ici présents qui est le chef du Parti libéral.
Ce qu'il faut avant tout retenir, c'est que nous sommes mal informés. C'est, à mon avis, le plus gros obstacle que vous devrez surmonter. Vous devez porter ce message au gouvernement, au caucus, aux autres députés, et vous devez leur faire comprendre que, parce que nous connaissons si mal les problèmes fondamentaux qui existent, nous n'avons pas respecté nos engagements envers ceux qui ont contribué à l'édification de ce pays...il y a beaucoup d'étudiants d'histoire qui prétendent que nous avons obtenu le droit de nous affirmer en tant que nation à Vimy.
Le public est mal informé. Et si l'information ne lui est pas transmise, il est difficile de le convaincre de l'utilité d'acheter des sous-marins. «Pourquoi avons-nous besoin d'hélicoptères?» Eh bien, nous avons besoin d'hélicoptères pour des raisons bien précises. Or, tant que cette information ne sera pas transmise au gouvernement et que ce dernier n'aura pas le courage de dire, écoutez, nous n'annulerons pas ce programme parce qu'il est politiquement correct de le faire. Ce que nous avons l'intention de faire, comme l'a dit l'amiral Thomas, c'est de prendre les mesures qui s'imposent et de dire aux Canadiens que ces hélicoptères sont nécessaires pour telle et telle raison. Nous allons réunir des arguments... C'est la seule façon que nous allons nous débarrasser d'une partie de ce sentiment de frustration.
Nous avons beaucoup parler des caporaux et des soldats. J'aimerais dire en fait quelques mots au sujet des commandants et des autres officiers supérieurs. Je ne voudrais pas être à leur place. À une certaine époque, quand vous étiez le capitaine du navire, vous étiez le maître à bord. Ces gens font aujourd'hui de la politique. Je ne voudrais absolument pas être à leur place.
Si nous ne revenons pas aux principes de base, que nous n'expliquons pas aux Canadiens le rôle que jouent les militaires, alors au lieu d'envoyer toute une génération à sa mort, laissons tout tomber et disons tout simplement, nous n'avons pas besoin de forces militaires. Si vous n'êtes pas prêt à comprendre et à défendre le concept—le vrai concept, pas le concept politique—de la force militaire, alors il vaut mieux tout laisser tomber parce que, trop souvent, nous avons vu ce qui arrive lorsque nous envoyons dans un théâtre d'opérations des troupes qui sont mal préparées, mal équipées ou peu motivées.
Merci beaucoup.
Le président: Mesdames et messieurs, au nom du comité, j'aimerais remercier chacun des témoins pour leur exposé, leurs observations, leurs suggestions.
J'aimerais savoir s'il y a des membres du comité qui souhaitent dire quelques mots. David.
M. David Pratt: Merci, monsieur le président. Bon nombre des commentaires formulés ce soir s'adressaient à moi. J'aimerais avoir l'occasion d'y répondre.
J'ai demandé plus tôt comment nous allions justifier cette dépense au public. Je pense avoir obtenu ma réponse ce soir: en le renseignant. Nous devons faire plus pour informer le public sur le rôle des militaires.
Au cours des derniers jours, nous avons eu l'occasion de vous voir à l'oeuvre. Et par cela, je veux dire les militaires et les conjoints, parce que vous formez une équipe, vous arrivez à accomplir ce que beaucoup de familles seraient incapables de faire dans les mêmes circonstances.
Monsieur le président, quand je suis arrivé ici ce soir, je craignais recevoir une version édulcorée des faits. Cette crainte s'est maintenant dissipée. J'ai assisté à beaucoup de réunions publiques au fil des ans—j'ai fait de la politique au niveau municipal—et je n'ai jamais vu un groupe de personnes nous exposer un problème de façon aussi claire et précise.
• 0215
Vous avez très bien exposé les problèmes: qu'il s'agisse de la
solde, des logements, de la surcharge de travail, du fait que les
gens quittent les Forces parce qu'ils sont frustrés.
Nous avons un devoir à accomplir. Nous avons eu l'occasion de vous voir à l'oeuvre au cours des derniers jours, d'abord à Yellowknife et aujourd'hui ici, à bord du NCSM Vancouver. Nous avons également une responsabilité à assumer en ce sens que nous devons informer nos collègues. Je ne veux pas créer de fausses attentes, mais j'espère tout simplement que nous serons en mesure d'accomplir notre devoir comme vous l'avez si bien fait. Si je dis cela, c'est parce que vous avez un rôle important à jouer.
J'ai toujours considéré les militaires comme une sorte de police d'assurance. Si nous ne versons pas les primes, nous allons un jour le regretter. Je ne voudrais pas que cela se produise, et ce, pour bien des raisons.
J'aimerais vous remercier sincèrement pour les renseignements que vous nous avez transmis. J'ai beaucoup appris ce soir, et je vous en remercie.
Le président: Avant de lever la séance, j'aimerais vous signaler que le capitaine Marshall, s'il est ici, a quelques diapositives à vous présenter.
Capitaine David Marshall (commandant, BFC Esquimalt): Je ne voulais pas vous présenter des diapositives, mais tout simplement vous dire quelques mots en guise de conclusion.
Quelqu'un a demandé, à un moment donné, qui défendait les intérêts des militaires. Je crois que c'est vous, monsieur Hanger, qui avez posé cette question à bord du Vancouver, aujourd'hui.
Vous avez eu l'occasion d'entendre certains de nos défenseurs, dont l'amiral Thomas et bon nombre des personnes qui nous secondent lorsque nous sommes en mer. Ce sont eux qui défendent nos intérêts, et maintenant c'est à votre tour de le faire.
Il y a cependant une autre personne qui a probablement beaucoup plus d'influence à l'échelle nationale que n'importe qui d'autre dans cette pièce.
[Note de la rédaction: Difficultés techniques]
Le président: La séance est levée. Nous allons nous réunir demain, à 8 h 15. Bonne soirée.