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NDVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON NATIONAL DEFENCE AND VETERANS AFFAIRS

COMITÉ PERMANENT DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES ANCIENS COMBATTANTS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 8 décembre 1998

• 1530

[Traduction]

Le président (M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.)): Je déclare ouverte cette séance du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants.

Je suis heureux d'accueillir de nouveau le général Baril. Nous sommes ravis de vous revoir, général. Je vous invite à nous présenter les gens qui vous accompagnent, puis nous nous en remettrons à vous pour la suite. Je crois savoir que vous avez une heure à passer avec nous. Après vos remarques liminaires, je sais que plusieurs députés, pour ne pas dire tous, voudront vous poser des questions. Encore une fois, bienvenue parmi nous, je suis très heureux de vous revoir.

Le général Maurice Baril (chef d'état-major de la défense, ministère de la Défense nationale): Merci beaucoup, monsieur O'Brien, monsieur Hanger et monsieur Pratt. Mesdames et messieurs.

Je suis accompagné de l'adjudant chef Guy Parent, adjudant chef des Forces canadiennes, qui me conseille sur toutes les questions concernant les sous-officiers et les hommes de troupe de la Réserve et de la Régulière.

Si vous me le permettez, monsieur le président, je vais commencer par une brève allocution d'une dizaine de minutes.

Ma dernière visite remontant à juin dernier, j'ai encore une fois le plaisir de me présenter devant vous cette fois pour mettre à jour un certain nombre de questions, notamment la qualité de la vie. S'il ne s'est produit aucun fait marquant à vous signaler, je tiens tout de même à insister encore une fois sur le climat général dans lequel les Forces canadiennes doivent travailler. Nous continuons de relever les divers défis que suscitent les changements à apporter à notre institution, la rareté de nos ressources et l'ampleur de nos engagements opérationnels.

[Français]

Le rythme des opérations n'a aucunement ralenti. En fait, nous sommes aujourd'hui encore plus occupés que la dernière fois que nous nous sommes rencontrés, en juin dernier. En plus de la vaste opération que nous menons en Bosnie et des autres engagements que nous avons envers les Nations unies, NORAD et l'OTAN, nous avons déployé notre équipe d'intervention en cas de catastrophe au Honduras afin d'aider ce pays à se remettre des ravages de l'ouragan Mitch.

Les hommes et les femmes de l'équipe DART accomplissent un excellent travail. Grâce à leurs efforts, le Canada démontre une fois de plus qu'il sait demeurer à la hauteur de l'excellente réputation dont il jouit à l'échelle internationale.

Je veux également vous assurer que le processus de changement qui vise l'ensemble des Forces armées canadiennes et du ministère de la Défense nationale est toujours en marche. Ces changements sont essentiels à l'avenir des Forces canadiennes, et nous ne manquerons pas à notre engagement d'aller de l'avant.

[Traduction]

En tant que chef des Forces canadiennes, j'ai continué d'insister pour que le respect des plus hautes normes de leadership et d'éthique demeure notre marque de commerce. J'ai envoyé un message clair à toutes les personnes relevant de mon commandement: ceux qui ne respectent pas ces valeurs n'ont pas leur place dans les Forces canadiennes. Le harcèlement des subalternes et collègues ne sera pas toléré.

En juin dernier, dans une lettre adressée à tous les membres des Forces canadiennes, j'ai traité en détail les questions du harcèlement sexuel, de l'inconduite sexuelle et de la discipline militaire en général au sein des Forces canadiennes. Tous les membres des Forces canadiennes sont conscients de la norme de comportement que j'exige d'eux et savent que je n'accepterai aucun comportement qui ne respecte pas cette norme.

Le changement fait partie du quotidien des Forces canadiennes depuis quelques années déjà. Vous aurez bientôt affaire à un certain nombre de défenseurs de la Réserve qui s'inquiètent des changements à venir. Nous aussi, nous les écoutons.

Mais il nous a fallu faire des choix difficiles en raison de notre situation financière actuelle, et aucun élément des Forces n'est à l'abri de ces ajustements difficiles, mais inévitables.

[Français]

Je tiens à vous assurer, comme nous l'avons aussi expliqué aux défenseurs de la réserve, que l'initiative de restructuration est nécessaire pour que la réserve demeure prête à prendre part aux opérations. Même si nous n'avons reçu que depuis peu votre rapport sur les questions de qualité de la vie, je profite de l'occasion pour faire quelques commentaires.

D'abord et avant tout, je tiens à vous remercier au nom des hommes et des femmes des Forces canadiennes pour le travail que vous avez exécuté. Votre rapport souligne clairement l'importance des questions de qualité de la vie pour la santé globale de cette importante institution nationale. Il démontre également que les préoccupations des hommes et des femmes des Forces canadiennes ont été entendues et comprises. Vos recommandations portent sur toute la gamme des initiatives possibles, y compris celles que le ministère n'a pas les moyens de lancer pour le moment.

Nous examinons avec grand intérêt chacune des recommandations du rapport. Lors de ma dernière rencontre avec vous, je vous ai appris que nous avions créé un bureau de projets chargé de coordonner les initiatives liées à la qualité de la vie. Ce bureau sera sous la direction stratégique d'un conseil supérieur d'examen. Ensemble, ces personnes veilleront à la mise en oeuvre complète et coordonnée des initiatives que nous avons les moyens d'entreprendre aujourd'hui et de celles que nous pourrons lancer plus tard.

[Traduction]

Je suis accompagné aujourd'hui de la directrice de projet de cette équipe que j'ai mentionné, la colonelle Preece.

• 1535

Permettez-moi, en terminant, de parler de l'introduction de votre rapport. À mon sens, elle présente l'argument le plus convaincant qui soit pour appuyer les hommes et les femmes qui arborent l'uniforme des Forces canadiennes, qui défendent les intérêts et les valeurs des Canadiens et en font la promotion. Si ces mots ne parviennent pas à convaincre les Canadiens de prendre la part des membres des Forces canadiennes, je me demande bien ce qu'on pourrait ajouter de plus.

[Français]

Je me suis rendu dans les régions et je me suis entretenu avec les personnes que vous avez rencontrées dans le cadre de votre étude. Je sais que nous avons tous le même sentiment d'admiration envers ces hommes et ces femmes exceptionnels. Les Canadiens sont fiers de la réputation que s'est taillée leur pays. Ils veulent que celui-ci défende certaines valeurs, certains intérêts. En tant qu'institution nationale, c'est notre raison d'être, mais comme on a tendance à ne percevoir les forces que comme une institution, on passe parfois à côté de quelque chose de très important.

[Traduction]

En effet, les hommes et les femmes qui ont permis au Canada d'acquérir une excellente réputation ne sont pas dans les Forces canadiennes, ils sont les Forces canadiennes mêmes. Ils risquent leur vie pour promouvoir les intérêts et les valeurs des Canadiens, comme l'ont fait le major Bruce Henwood, qui a perdu les jambes en Bosnie, et le caporal James Ogilvie, qui a perdu la vie au nom de ces mêmes valeurs.

Il en coûte très cher aux hommes et aux femmes des Forces canadiennes pour servir le Canada. Ils comprennent que pour servir leur pays, ils devront peut-être risquer leur vie, la perte d'un membre ou de la santé mentale, pour défendre et promouvoir les valeurs de leurs concitoyens. En reconnaissance de cette responsabilité illimitée, ils ne demandent qu'une chose: l'appui de leurs compatriotes. Ils demandent qu'on leur fournisse l'équipement nécessaire pour faire face au danger qui les menace et que le pays subvienne à leurs besoins ainsi qu'à ceux de leur famille.

Selon moi, un pays c'est un peuple qui partage le sentiment d'avoir accompli de grands exploits par le passé et le goût d'en réaliser encore davantage dans l'avenir. C'est ce qu'on pourrait dire du Canada, de ce que les Forces canadiennes ont fait pour le pays et de ce que nos hommes et nos femmes peuvent accomplir dans l'avenir. Cependant, si nous négligeons de voir au bien-être de ces hommes et de ces femmes, ce sont les Canadiens qui y perdront. En effet, si nous ne parvenons pas à attirer et à conserver dans nos rangs des gens prêts à servir notre pays dans des circonstances difficiles, alors, le Canada ne parviendra pas à réaliser les aspirations et les désirs des Canadiens.

[Français]

Monsieur le président, je vous remercie.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup, général.

Je sais pouvoir m'adresser ici au nom de tous les membres du comité et en fait de tous les députés de la Chambre. C'est la première fois que j'ai le plaisir de vous accueillir à un comité que je préside. Eh bien, j'espère que vous saurez transmettre à tous les hommes et à toutes les femmes des Forces canadiennes nos remerciements les plus sincères ainsi que toute notre gratitude pour l'excellent travail qu'ils effectuent, non seulement en Amérique centrale, mais dans de nombreux autres pays, dont le Canada.

Cela étant, nous allons tout de suite passer aux questions. Nous commencerons par M. Hanger, du Parti réformiste, pour dix minutes.

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Merci, monsieur le président, et merci à vous, général, pour votre exposé.

Je repense sans cesse à notre tournée des bases et à la possibilité qui nous a été donnée de nous entretenir avec des militaires. J'ai trouvé cette expérience très intéressante parce qu'elle m'a permis de mieux comprendre les affaires militaires.

Le comité a publié son rapport. Il était très clair, pour le parti au pouvoir, qu'il fallait limiter les dépenses militaires à 9,2 ou 9,3 milliards de dollars. Je me rends bien compte, à cause de cette contrainte budgétaire, qu'il vous sera difficile de donner suite à certaines des recommandations formulées par le comité. Le ministre a demandé une rallonge de 700 millions de dollars, justement pour vous permettre d'appliquer certaines des recommandations contenues dans le rapport du comité. Entre-temps, partout où je vais, que je parle à des sous-officiers ou des officiers, je me rends compte que nous allons manquer de près d'un milliard de dollars l'année prochaine. Et cela c'est sans même tenir compte de ce qu'il faudrait pour donner suite aux recommandations du rapport.

De toute façon, général, je voudrais que vous me disiez si l'armée de terre, l'armée de l'air et la marine vont être à court d'argent? Votre budget est-il déjà insuffisant et vous attendez- vous à ce que ce soit de nouveau le cas à la fin de l'année prochaine?

• 1540

Gén Maurice Baril: La loi nous interdit les déficits budgétaires et je peux donc vous dire, si c'est ce que vous vouliez savoir, que nous n'aurons pas de déficit.

Quant au manque budgétaire, on peut certainement affirmer qu'il se chiffre en milliards de dollars, selon ce qu'on voudrait avoir dans les Forces canadiennes aujourd'hui, dans cinq ans et dans dix ans d'ici.

Je ne suis pas en mesure de vous donner les chiffres précis quant à ce qu'il en coûterait pour mettre en oeuvre les recommandations de votre comité, à supposer que tout l'argent vienne d'une seule et même bourse—ce que j'aimerais beaucoup, personnellement. Pour vous donner une petite idée de ce que coûterait une de vos recommandations, sachez que toute augmentation de 1 p. 100 des soldes au sein des Forces canadiennes reviendrait à environ 38 millions de dollars par an. C'est cela que coûte cette recommandation.

Quant au manque budgétaire, son ampleur dépendra bien sûr de ce que nous ferons dans l'avenir ainsi que de la façon dont nous renouvellerons notre matériel, des améliorations que nous y apporterons et de la durée pendant laquelle nous pourrons en étirer l'utilisation.

Quelles menaces pèsent sur notre nation et de quelles capacités devons-nous disposer pour y faire face? Personnellement, j'estime que nous devons pouvoir compter sur des forces opérationnelles qui soient en mesure de remplir les missions d'aujourd'hui et de demain, de même que les missions qu'on nous confiera dans un an, dans cinq ans et dans dix ans d'ici. Dans l'immédiat, je dois veiller à ce que nos Forces puissent s'opposer aux menaces qui pourraient peser sur nous au cours des dix prochaines années.

Lors de la séance plénière du RMA à laquelle vous avez participé, vous aurez pu apprendre le caractère effrayant du genre de menaces qui est en train de naître, surtout quand on songe au genre de moyens et de dépenses qu'il nous faudra mettre en oeuvre pour y faire face.

Une voix: C'est vrai!

Gén Maurice Baril: Les Forces canadiennes et la nation tout entière devront s'interroger quant au genre de ressources que nous devrons déployer. Comme je le disais plus tôt, notre pays pourra compter sur les forces pour lesquelles il sera prêt à payer, et il nous appartient à nous, cadres et commandants des Forces canadiennes—autrement dit aux échelons supérieurs de la hiérarchie civile et militaire—de conseiller le gouvernement sur ce dont nous aurons besoin, sur le moment où il faudra en disposer et sur les sommes qu'il faudra dépenser. Nous devons veiller à tirer le maximum des ressources qu'on nous a confiées.

M. Art Hanger: Ce que vous venez de dire est très important, parce que cela va déterminer si le budget opérationnel sera insuffisant. Je crois savoir que c'est le cas pour l'instant et que, l'année prochaine, l'insuffisance budgétaire sera plus importante encore.

Même l'injection de 700 millions de dollars annoncée par le ministre ne permettra pas de donner suite aux recommandations de notre rapport touchant à l'amélioration de la qualité de la vie. De toute évidence, pour y parvenir, il faudrait réduire de nouveau les effectifs de l'armée. Est-ce cela que vous envisagez au ministère? J'ai entendu dire qu'on s'acheminerait vers un effectif de 40 000 personnes, plutôt que des 60 000 actuelles, et vers la naphtalisation d'une partie du matériel. Le dernier chiffre qu'on m'a annoncé était de 49 000 militaires. Est-ce cela dont il est question maintenant, soit de réduire de nouveau l'effectif?

Gén Maurice Baril: Vous êtes sans doute plus rapidement informé que moi.

Le ministre a déjà déclaré, tout comme moi, que la qualité de la vie est notre grande priorité et que nous allons prendre soin de nos gens. Nous espérons pouvoir le faire avec l'argent que nous obtiendrons de l'extérieur. Nos ordonnances et règlements ne sont pas très précis quant à l'utilisation de fonds obtenus des Nations Unies au titre du remboursement de certaines opérations ou provenant de la liquidation de nos biens mobiliers, mais le ministre a déjà déclaré que si nous n'obtenions pas d'argent de l'extérieur, nous n'écarterions aucune autre possibilité dont celle que vous venez d'évoquer.

• 1545

M. Art Hanger: Vous envisagez donc de réduire vos effectifs à 49 000 personnes et d'assurer la qualité de la vie aux militaires qui resteront. C'est ce que vous nous dites?

Gén Maurice Baril: Ce n'est pas ce que j'ai dit. Vous m'avez demandé si nous en avions parlé et je vous ai répondu que oui, parce qu'il aurait été plutôt irresponsable de notre part de ne pas l'avoir fait.

M. Art Hanger: Très bien, général. Je vous remercie.

Dans votre rapport annuel sur l'état des Forces canadiennes, vous admettez certains défauts importants sur le plan de votre capacité opérationnelle, et vous dites ceci:

    Nos capacités sont limitées lorsque vient le moment de déployer nos forces [...] Nous avons des limites en ce qui concerne le déplacement des troupes, la capacité de transport, la collecte du renseignement et la capacité de diriger ou de coordonner des opérations multinationales avec efficacité. Nous avons constitué un groupe de travail qui se penchera sur ces questions.

Quand je lis cela, je me dis qu'il est plutôt grave que notre armée connaisse de telles limitations sur ces plans-là. D'où ma question: par-delà la constitution d'un groupe de travail, que faites-vous pour corriger cette situation? Par exemple, en quoi votre capacité de transport s'est-elle améliorée et quel genre de capacité voudriez-vous acquérir dans ce domaine pour les Forces canadiennes?

Gén Maurice Baril: Il faut replacer cet extrait de mon rapport dans le contexte d'une opération menée par le Canada avec ses alliés en Afrique centrale—au Zaïre occidental pour être plus précis—, où l'on nous avait demandé de diriger la coalition dans le cadre d'une opération humanitaire plutôt exigeante, ce que nous avions accepté. Cela étant, nous étions affligés des limitations que connaissent les petits pays, ce qui nous a empêchés finalement de diriger cette coalition à laquelle participaient d'autres pays pesant plus lourd que nous, comme l'Europe et les États-Unis.

Nous avons rendu publics les enseignements que nous avons tirés de cela. Nous avons constaté que nous étions limités dans notre capacité de diriger une opération d'envergure, pas uniquement sur le plan militaire, c'est-à-dire celui de la capacité du commandement et du contrôle, mais également sur le plan du renseignement. Notre service national du renseignement n'est pas présent sur le terrain pour nous dire ce qui se passe au coeur de l'Afrique. Nous ne disposons pas de tels moyens. Nous devons nous en remettre à nos alliés. Nous n'avions pas non plus la capacité voulue de transport aérien pour nous rendre en Afrique centrale. Nous avons une flotte assez importante d'Hercules, mais ces avions ne sont pas assez gros pour nous permettre d'emporter certains de nos équipements surdimensionnés.

Nous avons décidé de rendre tout cela public et de dire à nos supérieurs que s'ils souhaitent que le Canada dirige ce genre d'opérations dans l'avenir, il faudra nous affranchir de nos limitations, c'est-à-dire qu'il faudra régler les problèmes de la collecte de renseignements et de la capacité de transport de troupes, par la mer et par les airs. Nous avons déclaré à nos supérieurs que s'ils veulent nous voir participer à des opérations outre-mer, il leur faudra veiller à fournir aux militaires ce dont ils ont besoin et qu'il leur manque.

Nos avons sciemment structuré les Forces canadiennes en fonction des moyens dont nous disposions. Nous n'avions pas suffisamment de navires pour assurer la navette. Nous n'avions pas suffisamment d'argent pour acheter des C-17, des 141 ou des C-5A. Nous comptons donc sur nos alliés et sur nos partenaires de toutes les coalitions auxquelles nous participons et, quand nous acceptons de nous joindre à une coalition, nous le faisons en fonction de nos limitations du moment. Tout cela est parfaitement connu dans le monde militaire. Dès qu'il est questions que les Forces canadiennes participent à des opérations d'envergure conjointes, qu'il s'agisse de coalitions de l'OTAN, de l'ONU ou d'autres, nos responsables politiques savent très bien quelles sont nos limites.

M. Art Hanger: Merci, général.

Le président: Merci, monsieur Hanger.

[Français]

La parole est maintenant à M. Godin du Bloc québécois. Je lui accorde 10 minutes.

M. Maurice Godin (Châteauguay, BQ): Si vous me le permettez, je vais partager mon temps avec mon collègue de Chambly, M. Lebel, qui voudrait lui aussi poser une question.

Général Baril, il me fait plaisir de vous rencontrer pour la deuxième fois. Je vais revenir sur quelque chose de beaucoup plus terre à terre. On retrouve souvent dans votre rapport les mots «valeurs», «qualité de vie» et «bien-être». C'est une chose qui m'intéresse beaucoup parce qu'au cours des six ou sept derniers mois, c'est ce dont on a entendu parler. On en a aussi beaucoup parlé dans les médias.

• 1550

Dans ma circonscription—cet exemple me revient à l'esprit—, il y a un citoyen qui fait partie des Forces armées. Il faisait des études au niveau du doctorat. Depuis le mois de mai, il demande à l'armée de quitter ses rangs; il voudrait quitter l'armée parce qu'il ne s'y sent plus utile. Son travail a été changé et il voudrait quitter l'armée. Il serait prêt à rembourser ce qu'il vous doit.

Or, depuis le mois de mai, on essaie de parler à quelqu'un. C'est grief par-dessus grief. J'ai parlé au général Marleau et au général Laschkevich. Le 19 novembre, je vous ai écrit justement à ce sujet.

Il me semble que cela doit affecter énormément le moral des gens autour de lui. Je pense que c'est quelque chose qui pourrait être facilement solutionné. Pouvez-vous me dire pour quelle raison il faut tellement de temps pour libérer une personne de son engagement lorsqu'elle veut quitter l'armée?

Gén Maurice Baril: Vous parlez sûrement de quelqu'un qui est à contrat et qui nous doit du temps de service après avoir suivi un cours universitaire, que ce soit à une université civile ou à un des collèges militaires. Est-ce bien ce dont vous parlez?

M. Maurice Godin: Oui.

Gén Maurice Baril: Donc, quelqu'un s'est engagé consciemment à contrat dans les Forces canadiennes. À la fin de ses études, si une compagnie est prête à l'engager à un salaire plus élevé, il voudra évidemment nous abandonner. Quand un contrat a été signé, nous nous sentons responsables d'assurer à l'individu un emploi pendant cinq ans. En même temps, quand on a signé un contrat et qu'on a payé plusieurs dizaines de milliers de dollars pour l'entretenir, nous tenons à ce qu'il respecte lui aussi son contrat, à moins que ce ne soit pas dans l'intérêt des Forces canadiennes.

Toutefois, si vous voulez me donner son nom, tout de suite ou plus tard, j'examinerai son cas, mais c'est certainement un tel cas. Il est possiblement en génie électronique et, selon son diplôme et ses qualifications, il est sans doute très en demande à l'extérieur. Cependant, nous en avons aussi besoin.

M. Maurice Godin: Oui.

Gén Maurice Baril: Le bogue de l'an 2000 est annoncé et je ne suis pas prêt à laisser partir certains individus qui préféreraient aller travailler ailleurs à un salaire plus élevé. Un contrat, c'est un contrat.

M. Maurice Godin: Je verrai cela avec vous plus tard, mais il ne semble pas que ce soit le cas. C'est plutôt une personne qui n'est pas utilisée selon ses compétences, selon ce qu'elle dit, et qui a soumis une demande, et on semble lui donner raison. La personne serait prête à assumer les coûts encourus pour elle.

Gén Maurice Baril: Si c'est un cas de lenteur de la bureaucratie, il est possible que je puisse accélérer le processus.

M. Maurice Godin: Très bien. Merci.

Il est possible que ce cas ne soit pas unique et il est peut-être bon que vous soyez au courant. Naturellement, cela doit affecter le moral des troupes et, à tout le moins, la motivation de cet individu particulier.

Le président: Monsieur Lebel.

M. Ghislain Lebel (Chambly, BQ): Bonjour, général Baril.

Gén Maurice Baril: Bonjour, monsieur Lebel.

M. Ghislain Lebel: Nous nous sommes croisés à quelques reprises. Je sais que vous avez suivi de près les déplacements du comité spécial.

Quand je me suis joint au comité, celui-ci était sous la présidence de M. Bertrand, qui est en face de moi. Nous avons visité les bases militaires de l'Ontario, celles des Maritimes, etc. Quelques femmes sont venues se plaindre d'avoir été agressées sexuellement et d'être fréquemment victimes d'abus, sinon physiques, du moins verbaux. En tout cas, vous connaissez le problème.

Lorsqu'on était en période de réflexion cet été et que nos scribes rédigeaient le rapport, on s'est mis à signaler plusieurs autres cas, vraiment plus que ce qu'on croyait, à tel point qu'en Chambre, on s'est dit que c'était un cas par jour qui était dévoilé.

Est-ce que des mesures tangibles ont été prises sur le terrain pour arrêter cette espèce d'épidémie? Si ça ne mine pas le moral actuellement, je ne sais pas où cela vous entraînera. C'est affreux, vu de l'extérieur, ce qui se passe à l'endroit des femmes dans l'armée.

Gén Maurice Baril: Vous parlez d'épidémie. J'aimerais vous corriger quelque peu. Je pense que le premier article paru dans le magazine national qu'on connaît nous a lancé le signal que nous avions plus de problèmes que nous le pensions.

• 1555

Personnellement, j'ai été vraiment bouleversé de voir qu'autant de personnes avaient peur de sortir de chez elles. Je n'aurais pas dû être surpris; j'aurais dû le prévoir. Mais vous savez, dans la vie, il y a plusieurs choses qui sont claires mais qu'on ne voit pas venir. J'aurais aimé savoir, il y a 10 ans ou même seulement six mois, que des gens ne se sentaient pas rassurés, qu'on n'avait pas de mécanismes de sécurité qui leur permettent de sortir.

Je pense que maintenant, les mécanismes sont en place pour leur permettre de sortir et de venir nous parler. Comme vous le savez, dans notre société canadienne, les statistiques démontrent que seulement un incident sur 10 est rapporté, soit 10 p. 100. J'ose croire que dans les Forces canadiennes, ce taux concernant le rapport d'incidents est beaucoup plus élevé, surtout depuis le printemps dernier.

On a mis en place des mécanismes englobant nos policiers militaires, notre unité d'investigation nationale, l'ombudsman qui sera nommé, un numéro 800 et même mon propre bureau. Je pense que l'épidémie dont vous parlez ne porte pas tellement sur le nombre d'abus sexuels dans les Forces canadiennes, mais plutôt sur le nombre qui est rapporté.

Je dois vous dire, monsieur Lebel, qu'à mon bureau, on a rapporté un incident qui s'était produit en 1943, un viol de 1943. Cela fait partie de votre épidémie.

M. Ghislain Lebel: C'est possible.

Gén Maurice Baril: Donc, beaucoup de cas d'agression et de harcèlement, concernant des femmes et aussi des hommes, ou encore d'attaques remontent à un an ou même jusqu'à cinq ans. Cela démontre que le niveau de confiance est en train de monter. Je ne dis pas qu'il est entier, mais qu'il est en train de monter.

Je pense non seulement que ce niveau de confiance a arrêté cette vague de violence dont on ne connaissait pas l'existence, mais aussi qu'il est en train de renverser la vapeur. Comme je l'ai souvent dit, le harcèlement, sexuel ou autre, compromet gravement la qualité de la vie. Prendre soin de nos gens et leur procurer un milieu où ils peuvent vivre en sécurité, c'est le moins qu'on puisse fournir aux femmes qui veulent servir.

M. Ghislain Lebel: Je sais cela, général, et je vous en félicite. Ce n'est pas un blâme. Loin de moi l'idée de vous adresser un blâme, surtout pas à vous qui avez témoigné devant ce comité et qui avez pris action.

Mes collègues de langue anglaise n'ont probablement pas vu l'émission de la semaine dernière sur la présence des femmes dans les Forces armées. Vous vous souvenez de ce colonel de Québec qui ouvrait les bras des Forces armées tout grands aux femmes, qui leur souhaitait la bienvenue en disant que, dans son unité, il n'y avait pas de discrimination. Cependant, certains journalistes ont affirmé que lorsque les militaires étaient devant la caméra, à la télévision, ils disaient que les femmes étaient les bienvenues, mais qu'en aparté, ils disaient qu'elles n'avaient pas d'affaire à venir dans l'armée. Vous avez vu cela.

Le hasard fait drôlement les choses, car la semaine dernière, j'ai rencontré une petite jeune fille de ma circonscription, âgée de 21 ans. Elle s'était présentée à une entrevue, à Montréal, pour faire partie des forces de réserve. L'entrevue avait été totalement catastrophique. L'interviewer n'avait même pas été poli. Il lui avait fait sentir que, malheureusement il y avait des femmes qui étaient acceptées dans l'armée et que, d'après lui, moins il y en aurait, le mieux ce serait. L'entrevue s'était terminée ainsi. La jeune fille, qui est trilingue, est retournée chez elle en se disant que l'armée ne voulait pas entendre parler d'elle.

Est-ce que des directives strictes ont été données pour modifier cette tendance et ces attitudes?

Gén Maurice Baril: Des directives strictes ont été émises. Le cas particulier que vous citez démontre encore une fois qu'il existe encore des «caves» un peu partout, dans tous les coins du monde, et pas seulement chez les militaires. Il y en a un peu partout ailleurs.

Laissez-moi vous dire que la présence des femmes dans les Forces canadiennes ne dépend plus des ordres qu'on pourrait nous donner; nous en avons besoin pour nous opérations. La population canadienne est constituée à 52 p. 100 de femmes. L'avenir, dont j'ai parlé dans mes réponses précédentes, qui est gros de menaces nouvelles, requiert les services de gens de talent et de grande valeur, de gens qui maîtrisent la haute technologie. On ne pourra pas s'empêcher d'aller recruter des gens dans l'autre 52 p. 100 de la population. Il y a des talents absolument exceptionnels partout au Canada. Cela irait complètement contre le sens des affaires que de ne pas vouloir les engager.

Cependant, il y a encore des dinosaures un peu partout. J'ai vu ces dinosaures donner des directives ou insinuer qu'il n'y avait jamais eu de femmes dans les forces de combat, que cela n'avait jamais causé aucun problème et que c'était bien ainsi.

• 1600

Je vous rappelle qu'en Israël et en Russie, il y avait beaucoup d'unités de femmes pendant la guerre, mais qu'après la guerre, elles ont été démantelées. Je crois bien qu'on n'en avait plus besoin. On a dit que cela n'avait pas marché pendant le temps de la guerre. On s'en était servi, pourtant, mais après la guerre, on les a abandonnées.

Donc, selon moi, la présence des femmes au sein des Forces canadiennes n'est plus une question de choix, mais une question de nécessité. Je ne suis pas en train de dire qu'on va changer les exigences dans les Forces canadiennes. Il n'est aucunement nécessaire et on n'a aucune intention de changer les exigences dans le but d'admettre qui que ce soit dans les Forces canadiennes.

M. Ghislain Lebel: Ai-je droit à une dernière question?

[Traduction]

Le président: Excusez-moi, mais non! J'essaierai de vous redonner la parole plus tard, mais vous avez largement entamé la onzième minute.

Je cède maintenant la parole au secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale, M. Bertrand.

M. Bob Wood (Nipissing, Lib.): Je pensais être le suivant.

Le président: Excusez-moi, monsieur Wood.

M. Bob Wood: C'est difficile d'avoir un bon président, n'est- ce pas?

Des voix: Ah, ah!

Le président: C'est vrai. J'ai Bob 1 et Bob 2 ici, alors je dois...

M. Bob Wood: C'est bien; de plus, vous allez vous en sortir, parce que j'ai l'intention de partager mon temps. Alors, ne vous en faites pas pour cela.

Le président: Très bien. Alors qui commence?

M. Bob Wood: Je crois que ce sera moi.

Le président: Très bien. Alors disons que c'est le secrétaire parlementaire du ministre des Anciens combattants qui prend la parole.

M. Bob Wood: C'est moi qui ai tiré la courte paille.

Général, j'ai une brève question à vous poser sur la qualité de la vie. Pourriez-vous nous parler un peu plus en détail de la mise en oeuvre de nos recommandations. Il est évident que des grands dossiers comme les augmentations salariales et l'amélioration des logements exigent une injection de fonds, mais combien de recommandations pourriez-vous mettre en oeuvre en vous débrouillant par vous-mêmes? Pourriez-vous nous parler un peu du nombre et du genre de changements que vous allez apporter, que ce soit en vous débrouillant à l'interne, au sein du ministère, ou en liaison avec d'autres ministères fédéraux. Je pense, par exemple, à ce qui pourrait se faire entre le MDN et le ministère des Anciens combattants.

Gén Maurice Baril: La réponse facile serait de vous dire que nous pourrions mettre en oeuvre toutes les recommandations qui ne coûtent rien et que nous pourrions confier au centre celles qui sont coûteuses.

Mais comme je le disais plus tôt, je suis accompagné de la directrice de projet, la colonelle Preece.

M. Bob Wood: Pourrions-nous l'entendre?

Gén Maurice Baril: Elle est ici.

M. Bob Wood: Avancez-vous!

Le président: Bienvenue, colonelle.

Colonelle Christine Preece (directrice de projet, Bureau de la gestion du projet de la qualité de la vie, ministère de la Défense nationale): Merci beaucoup, monsieur le président.

Le président: Pourriez-vous décliner pour le procès-verbal votre nom et votre grade.

Col Christine Preece: Oui! Je suis la colonelle Christine Preece.

Le président: Eh bien, je vous souhaite la bienvenue. Avez- vous entendu la question de M. Wood?

Col Christine Preece: Oui!

Pour l'instant, nous pensons être en mesure d'appliquer en principe, si ce n'est à la lettre, toutes les recommandations que le comité a formulées dans son rapport, étant entendu qu'il sera peut-être difficile d'en appliquer certaines vu la façon dont elles sont décrites. Nous adhérons, cependant, aux principes exprimés et nous croyons pouvoir être en mesure de régler les problèmes qui sont à l'origine des recommandations du rapport.

De notre côté, nous faisons tout ce qui n'exige pas de changement législatif ni d'apport important de fonds... ce qui est déjà pas mal. Pour vous donner un ordre de grandeur, je dirais que nous sommes en train de donner suite, à l'interne, à environ 70 de vos recommandations. Nous serons bien sûr prêts à répondre de tout cela au comité pendant tout le processus.

M. Bob Wood: Même moi je ne puis me rappeler le nombre de recommandations. Était-ce 86?

Col Christine Preece: Quatre-vingt-neuf.

M. Bob Wood: J'étais à court de trois. Il y en a donc 19 ou à peu près...

Col Christine Preece: ... pour lesquelles nous aurons besoin d'une assistance extérieure.

M. Bob Wood: ... sur lesquelles il faudra vraiment travailler.

Col Christine Preece: C'est cela.

M. Bob Wood: Mais vous estimez pouvoir mettre en oeuvre toutes les autres.

Col Christine Preece: Oui! C'est ce que nous faisons dans le cadre de ce projet.

M. Bob Wood: Pouvez-vous me donner un ou deux exemples? Je n'en ai pas besoin de beaucoup.

Col Christine Preece: Pour ce qui est des préposés aux centres de soins pour enfants dans les bases, nous avons déjà débloqué des ressources internes et les centres de ressources de familles militaires sont en train de recruter du personnel et de le muter un peu partout au Canada, par exemple, pour assurer les services aux conjoints.

M. Bob Wood: Très bien. Merci.

Le président: Monsieur Bertrand.

[Français]

M. Robert Bertrand (Pontiac—Gatineau—Labelle, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président. Premièrement, j'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins.

[Traduction]

Merci! soit dit en passant.

• 1605

[Français]

Je sais qu'on a travaillé d'assez près ensemble, depuis le début des audiences que le comité a tenues. Ma question touche un peu, malheureusement, à ce que M. Wood a soulevé. Vous avez dit dans votre présentation générale

[Traduction]

que «ce bureau sera sous la direction stratégique d'un Conseil supérieur d'examen».

[Français]

Qui fera partie de ce nouveau conseil?

Gén Maurice Baril: C'est le sous-ministre et moi qui présidons cette réunion. Tous mes conseillers de niveau 1, donc tous les chefs de la marine, de l'armée et de l'aviation, ainsi que tous les chargés du matériel et des communications sont membres de ce conseil de revue. En fait, c'est le Conseil de gestion de la Défense. C'est un terme que vous allez entendre de plus en plus dans votre nouveau poste.

Le Conseil de gestion de la Défense, c'est la réunion des membres du ministère au niveau de trois étoiles ou de sous-ministre adjoint.

M. Robert Bertrand: J'ai une autre question pour le colonel Preece.

[Traduction]

Combien de gens travaillent au Bureau de gestion du projet, pour l'instant?

Col Christine Preece: Trente-cinq en tout.

M. Robert Bertrand: Et vous allez porter ce nombre à...?

Col Christine Preece: Non, cet effectif n'augmentera pas. En fait, normalement, au fur et à mesure que nous progresserons dans la mise en oeuvre des recommandations du comité, l'effectif du Bureau de projet devrait diminuer. Comme nous avons recours à l'organisation actuelle des Forces canadiennes pour mettre ces recommandations en oeuvre, nous surveillons ce qui se fait pour nous assurer que l'argent est dépensé comme prévu et pour être en mesure de faire rapport, n'importe quand, sur la situation relative aux initiatives ou aux recommandations. À terme, nous devrions nous retrouver avec un petit secrétariat qui continuera de regrouper toutes les questions et tous les problèmes que soulève la qualité de la vie, et qui s'assurera que ce principe demeure un souci au sein des Forces canadiennes.

[Français]

M. Robert Bertrand: Merci beaucoup.

Ma dernière question s'adresse à vous, général. Vous avez mentionné tout à l'heure, et je l'ai noté ici en anglais,

[Traduction]

qu'il en coûterait 38 millions de dollars pour 1 p. 100 d'augmentation. Ai-je bien compris?

Gén Maurice Baril: Oui. À un ou deux millions près, c'est à peu près cela. Cela représente un total de 70 millions de dollars. Oui, c'est bien cela!

M. Robert Bertrand: Très bien. Dans notre rapport, aux points 3, 4 et 5, nous avions suggéré une augmentation des soldes de 10 p. 100. Si l'on retient les chiffres bruts, cela représente environ 380 millions de dollars. Nous avions recommandé d'accorder une augmentation de 10 p. 100 aux premiers échelons, après quoi

[Français]

les augmentations allaient en baissant. Donc, il ne serait pas nécessairement question de 380 millions de dollars. Ce pourrait être beaucoup moins.

Gén Maurice Baril: Vous avez raison. Vous ne pouvez pas extrapoler le 1 p. 100 en montant pour les 60 000 personnes et 30 000 réservistes qu'on a.

M. Robert Bertrand: C'est ça.

Gén Maurice Baril: Mais le gros de la force régulière et de la réserve est quand même constitué des rangs subalternes. Donc, le coût serait très élevé et se rapprocherait probablement des chiffres que vous citez.

M. Robert Bertrand: C'est tout, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Bertrand.

Il reste trois minutes au côté du gouvernement. Sur ma liste, j'ai M. O'Reilly, M. Proud, M. Pratt et M. Richardson. Je savais que beaucoup de gens voudraient vous poser des questions, général.

Monsieur O'Reilly.

M. John O'Reilly (Haliburton—Victoria—Brock, Lib.): Merci beaucoup.

Général, j'ai été intéressé par votre déclaration à propos de la DART, l'équipe d'intervention en cas de catastrophe, au Honduras. Je voulais savoir combien d'hommes et de matériel nous avons encore là-bas, et combien de temps encore cette mission va se poursuivre.

Gén Maurice Baril: L'équipe DART au complet est encore sur place, sauf deux hommes que nous avons rapatriés la semaine dernière pour les envoyer en mission d'information à travers le Canada, en compagnie de deux de nos ambassadeurs de la région. En plus de la DART, nous avons là-bas une sous-unité d'hélicoptères.

Nous commencerons à rapatrier l'équipe le 15 décembre. Cette mission est vieille de 40 jours et, après tout ce temps, elle commence à s'essouffler, parce qu'elle avait été prévue pour durer 40 jours, qu'elle disposait de l'approvisionnement et de la capacité nécessaires pour cela. Nous allons donc la rapatrier et tout le monde devrait être rentré vers le 25 décembre. Donc, nous allons ramener l'équipe ici.

• 1610

On nous a laissé comprendre qu'il était temps pour nous de nous retirer de cette mission humanitaire, parce que les administrations et les autorités locales prennent la relève. Comme nous devenons redondants, nous pouvons nous retirer. Tous les Canadiens devraient être rentrés aux environs de Noël et nous espérons même avant. Le retrait rapide débutera le 15 décembre.

M. John O'Reilly: Merci pour cette information.

Il semble que les réponses données dans le cadre du programme de recrutement soient longues à venir. Il y a des civils qui se prévalent de ce programme pour un premier engagement et il y a d'anciens militaires qui aimeraient réintégrer les Forces après avoir pris connaissance du rapport sur la qualité de la vie. C'est peut-être difficile à croire, mais il y a des gens qui veulent rengager.

J'ai été saisi de deux plaintes émanant de deux personnes. La première vient d'un civil désireux de s'engager, qui a fait sa demande à North Bay et qui n'a plus entendu parler de rien par la suite. Plusieurs mois se sont écoulés et l'on dirait qu'il ne parvient pas à obtenir de réponse. Cela m'amène à penser qu'il existe des contraintes budgétaires pour le bas de l'échelle. On dirait qu'il y a un délai systématique pour toutes les demandes d'engagement, de libération ou de rengagement. Doit-on cela à un simple cauchemar bureaucratique ou est-ce le fait de considérations budgétaires?

Gén Maurice Baril: Tout a toujours dépendu de nos ressources, bien sûr, mais dans tous les cas de figure, nous n'engageons ni ne rengageons de personnel au-delà de nos besoins. Malheureusement pour le demandeur dont vous parlez, il existe une liste d'attente. Si vous vérifiiez le dossier de cette personne qui est sans réponse depuis trois mois, vous verriez qu'elle est sur une liste d'attente. Selon sa place, il lui faudra peut-être attendre plusieurs mois encore, voire une année, en fonction de la spécialité demandée. S'il y a plus de demandes, nous avons aussi des places pour former les gens au sein des forces régulières.

Quoi qu'on dise à notre propos, il faut savoir que le niveau d'attrition est assez faible chez nous. Beaucoup de gens veulent s'engager. Cependant, je ne suis pas certain que nous recrutions les bonnes personnes. Nous avons surtout de la difficulté à attirer des femmes, au sein des forces en général mais surtout dans les armes de combat. Voilà pourquoi nous avons lancé cette campagne de recrutement il y a quelques mois. Elle n'a connu qu'un succès mitigé. Nous avons tiré beaucoup d'excellents enseignements de cette campagne de recrutement et nous sommes en train d'examiner tout le processus, de l'étape du recrutement à celle de la formation—en fin de processus—des personnes ayant accepté de relever le défi que constitue l'engagement dans les armes de combat.

M. John O'Reilly: Quel devrait être l'effectif des forces à la fin de cette année?

Gén Maurice Baril: Soixante milles et quelques centaines.

M. John O'Reilly: Et à la fin de 1999?

Gén Maurice Baril: La même chose: 60 000. L'effectif varie toujours à la baisse ou à la hausse quand on prend en compte les listes des gens en formation ou en formation avancée. La formation de base intervient au début et elle s'adresse aux gens qui n'occupent pas encore un poste de combat ou qui n'ont pas encore une place au sein des forces régulières. Nous les formons après quoi nous les intégrons dans l'effectif des 60 000.

M. John O'Reilly: Merci beaucoup, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur O'Reilly.

Monsieur Earle, pour dix minutes.

[Français]

M. Gordon Earle (Halifax-Ouest, NPD): Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Merci de votre exposé, général.

On nous a dit que, pour le moment, vous alliez appliquer 70 de nos recommandations en recourant à des moyens internes. Il en reste donc 19. Votre commission d'examen vous a-t-elle donné une idée de ce qu'il en coûterait pour mettre en oeuvre l'ensemble des recommandations du rapport? En avez-vous une idée?

Gén Maurice Baril: Je ne peux que reprendre la somme annoncée par le ministre, soit 700 millions de dollars.

M. Gordon Earle: Je vois!

J'ai déjà soulevé mon autre question. En fait, on a commencé par me la poser, puis, je l'ai soulevée à quelques reprises; mais je n'ai pas encore obtenu de réponse valable: avez-vous un inventaire de l'équipement entreposé un peu partout au Canada, équipement qui n'est plus utilisé et que vous ne prévoyez peut-être pas d'utiliser immédiatement? Disposez-vous de ce genre d'inventaire ou pourriez-vous nous fournir ce renseignement? Avez- vous du matériel de haute technologie, des aéronefs ou que sais-je encore, qui serait en cocon ou qui ne serait simplement pas utilisé? Quelle pourrait être la valeur d'un tel matériel et où se trouve-t-il, si je peux obtenir ce genre de renseignement?

Gén Maurice Baril: Je ne vois pas l'objet de votre question. S'agit-il d'accéder à une partie du matériel pour...?

M. Gordon Earle: Laissez-moi vous dire là où je veux en venir. On m'a déjà fait remarquer qu'il serait peut-être possible d'obtenir des fonds supplémentaires pour soutenir les efforts à déployer dans le sillage du rapport sur la qualité de la vie en vendant le matériel qui n'est plus utilisé. Supposons que vous ayez dix chasseurs entreposés quelque part, qui ne vous servent plus et que vous n'utiliserez plus jamais, eh bien vous pourriez peut-être les vendre à nos alliés de l'OTAN ou à d'autres pays qui, eux, pourraient s'en servir. Cet argent pourrait être réinjecté dans le système pour financer l'amélioration de la qualité de la vie.

• 1615

Êtes-vous en mesure de produire une liste d'équipement qui n'est plus utilisé et qui ne sera plus utilisé dans l'avenir, liste en précisant la valeur et la façon dont on pourrait l'écouler ailleurs?

Gén Maurice Baril: Tout le matériel que nous avons et qui est déclaré excédentaire—j'entends par là, irrémédiablement excédentaire, c'est-à-dire comme les Kiowa, les Twin Huey et toute une série de véhicules ne servant plus—est remis au Centre de disposition des biens de la Couronne. C'est lui qui se charge de vendre notre matériel excédentaire, au même titre que pour n'importe quel autre ministère fédéral. Dans le cas de terres ou de biens immobiliers, le processus est différent, parce que chaque vente est un projet en soi. Tout le matériel est remis au Centre de disposition des biens de la Couronne. Malheureusement, l'argent est versé au Trésor et il ne nous revient pas.

Je ne suis pas certain que nous obtenions une commission sur ces ventes; je ne puis vous dire. Mais je pourrais bien sûr me renseigner en votre nom et vous dire si nous disposons d'une liste de ce genre.

M. Gordon Earle: Avez-vous actuellement des équipements non utilisés, n'ayant pas été remis au Centre de disposition des biens de la Couronne et que vous n'envisagez pas d'utiliser dans l'immédiat?

Gén Maurice Baril: Grand Dieu! J'espère bien que nous n'avons pas une telle liste, parce que ce serait une dépense supplémentaire. Nous devons payer pour tout matériel que nous gardons et que nous n'utilisons pas. Bien sûr, nous avons du stock de remplacement, qui va des aéronefs aux véhicules—avant, nous appelions cela du stock de guerre—pour nous permettre d'assurer la rotation des parcs de véhicules et des autres matériels, de l'armement aux chars d'assaut, que nous avons en stock. Il peut toujours arriver que nous n'ayons pas encore décidé de ce que nous allons faire avec tel ou tel équipement ou matériel.

M. Gordon Earle: Merci.

S'agissant de harcèlement sexuel, sujet dont vous avez parlé dans votre exposé et dont il a été question plus tôt, il arrive qu'on ait vent d'incidents par les médias et l'on sait que les comptes rendus des médias ne sont pas toujours aussi véridiques que nous le souhaiterions. Il est d'ailleurs triste de constater que, très souvent, la presse donne l'impression au lecteur que tout va de travers et que rien n'est fait pour corriger la situation. J'aimerais savoir si, après avoir traité les plaintes et réglé les problèmes par le biais des mécanismes dont vous avez parlé, il est prévu de produire un rapport indiquant que les problèmes en question sont derrière nous afin d'informer le public et qu'il soit convaincu que quelque chose a été fait.

Gén Maurice Baril: Depuis le début du printemps, le Grand prévôt, la colonelle Samson, publie un rapport mensuel qui va tout à fait dans le sens que vous réclamez; le dernier a été publié ce lundi. Non seulement le rapport est rendu public, mais les médias sont invités à assister à son dépôt et à poser des questions au Grand prévôt qui est toujours disponible quand elle rend ses rapports publics.

D'un autre côté, je ne puis parler des enquêtes en cours, parce que l'unité des enquêtes nationales ne relève pas de moi et que je ne veux surtout pas me mêler de ses affaires. Mais dès que des mesures sont prises, le Grand prévôt publie normalement un communiqué que je vois passer toutes les semaines où j'apprends ce qui y a été fait, surtout dans le cas des enquêtes terminées et des accusations portées ou non, par nous-mêmes ou par la police civile. Comme vous le savez, près du tiers des enquêtes concernant des cas de harcèlement sexuel ou d'agression sexuelle ne sont pas réalisées par nous, puisque c'est la police civile qui s'en occupe. Nous n'avons pas compétence pour enquêter à ce propos. C'est le corps policier de la collectivité où a lieu l'incident qui doit nous confier l'enquête, pour un motif bien particulier.

[Français]

M. Gordon Earle: Est-ce ma dernière question?

Le président: Qui.

[Traduction]

M. Gordon Earle: Terminons par la question des hélicoptères à propos de laquelle on peut lire des articles dans la presse de temps en temps. Je sais que c'est un problème très grave et je ne veux pas ajouter à la confusion ni saper le moral que les gens essaient de retrouver, mais il faut reconnaître qu'on entend parler de problème de boulons sciés, de vis qui cèdent, de givrage et d'autres choses du genre. Dites-nous ce que vous pensez des problèmes de sécurité qui ont surgi à propos des hélicoptères de recherche et de sauvetage. Pouvez-vous nous dire où on en est. Devrions-nous demander au gouvernement de trouver des méthodes de remplacement accéléré ou de dénicher du matériel de substitution, à moins que vous soyez satisfait de la situation actuelle?

• 1620

Gén Maurice Baril: Tous les aéronefs des Forces canadiennes, qu'ils soient à voilure tournante ou à voilure fixe, sont sûrs, sont considérés comme tels et sont certifiés navigables, tout comme la flotte des aéronefs civils certifiés par Transports Canada. Certains peuvent s'écraser, certains se sont effectivement écrasés au cours des dernières semaines. Vous aurez sans doute pris connaissance, en lisant le journal, des accidents d'aéronefs qui s sont produits ce week-end, dans le Nord. Il s'agissait d'un article assez long. Je ne sais si les gens s'y intéressent, mais moi je m'y suis intéressé à cause de la controverse dont nous parlons.

Si ce qui a été dit est vrai, et je suppose que c'est vrai, tout cela est effrayant. Ce que nous disent les médias à propos de notre hélicoptère Labrador, comme vous le signaliez, est parfois troublant et ce n'est certainement pas de bon augure pour les équipages qui doivent les exploiter.

Eh bien, je vous dirais qu'au cours des 30 derniers jours, nos Labrador ont participé à 16 opérations réelles de recherche et de sauvetage. Je signale au passage que nous avons ainsi pu sauver sept vies pendant cette période, notamment à Montréal, où nous avions dépêché un Labrador de Trenton. Nous étions le seul organisme équipé pour une opération d'hélitreuillage de nuit lors de laquelle nous avons remonté deux blessés et sans doute sauvé leur vie, parce qu'ils auraient pu mourir de froid. Le Labrador qui s'est écrasé hier ne participait pas à des opérations de recherche et de sauvetage, mais il avait largué des plongeurs qui devaient surveiller la manoeuvre.

Donc, nos équipages pilotent ce genre d'appareils que nous dotons des toutes dernières modifications et nos mécaniciens les entretiennent. Il s'agit d'un appareil vieux de 35 ans et je ne sais pas quel âge avait celui qui a fait un amerrissage d'urgence dans le Golfe du Saint-Laurent. On me dit que l'hélicoptère de Montréal n'avait que trois ans. L'avion de la Swiss Air qui s'est écrasé au large de Halifax avait environ 25 ans.

Comme vous le voyez, les accidents n'ont rien à voir avec l'âge des appareils, ni avec la rupture de boulons qui viennent endommager les moteurs. Ce sont des problèmes qui se produisent très souvent. Nous avons une flotte importante et nous sommes très prudents dans ce que nous faisons.

Hier, la turbine d'un de nos hélicoptères Griffon, appartenant donc à notre flotte la plus récente, a pris feu au décollage. Il y a une sorte levier à l'intérieur du poste de pilotage qui permet de déclencher un extincteur à incendie. L'équipage l'a actionné puis à atterri. Ce sont des choses qui arrivent dans notre profession. Les machines très complexes comportent énormément de pièces qui tournent et qui battent dans tous les sens. Parfois quelque chose va de travers. Mais je garde la plus grande confiance dans le programme de maintenance des Forces canadiennes. Je suis prêt à monter dans n'importe lequel de nos aéronefs, dans n'importe quelles conditions, surtout dans des opérations de recherche et de sauvetage. Quand les gens décollent à bord de leur Labrador ou de toute autre machine, ils le font dans les limites des enveloppes d'exploitation des machines et de la capacité humaine.

M. Parent est un technicien de recherche et de sauvetage qui a passé toute sa carrière dans ce domaine. Je ne lui ferai pas l'affront de lui demander combien de vies il a sauvé ni combien de milliers d'heures de vol il a effectué à bord de ces aéronefs, mais si je lui demandais de repartir aujourd'hui à bord d'un Labrador, je sais qu'il le ferait.

[Français]

M. Gordon Earle: Merci beaucoup.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup, monsieur Earle.

Général, on me dit que vous pouvez rester avec nous jusqu'à 16 h 30 ce qui nous permet de passer à une deuxième série de questions de cinq minutes; nous commencerons par M. Hanger, du Parti réformiste.

M. Art Hanger: Colonelle, j'ai une brève question à vous poser. Vous nous avez dit pouvoir donner suite à environ 78 des recommandations du rapport.

Col Christine Preece: J'ai dit environ 70, c'est exact.

M. Art Hanger: Combien cela coûtera-t-il?

Col Christine Preece: Je n'ai pas de chiffres ici, mais pour les initiatives que nous pourrons réaliser à l'interne, nous avons déjà bloqué des fonds sans porter atteinte aux autres programmes ministériels.

M. Art Hanger: Dont la formation?

Col Christine Preece: Oui, monsieur, parce que nous effectuons essentiellement des transferts au sein du quartier général de la Défense. Autrement dit, nous travaillons de façon plus intelligente, nous faisons ce qu'il faut faire pour améliorer la situation dans les domaines que vous nous avez signalés dans vos recommandations.

M. Art Hanger: Allez-vous, pour cela, réduire l'effectif militaire?

Col Christine Preece: Non, monsieur.

M. Art Hanger: Donc, en maintenant l'effectif à 60 000 militaires, vous pourrez donner suite à 70 de nos recommandations, dans les limites du budget existant.

Col Christine Preece: Oui, monsieur.

• 1625

M. Art Hanger: Sans réduire le personnel et sans mettre du matériel en cocons, et cela sans injection de fonds supplémentaires?

Col Christine Preece: Tout à fait.

M. Art Hanger: Merci.

Le président: Monsieur Hart, pour trois minutes.

M. Jim Hart (Okanagan—Coquihalla, Réf.): Merci beaucoup. Comme nous n'avons que trois minutes, je me propose de vous poser quelques questions très rapides.

D'abord, général, sommes-nous aptes au combat?

Gén Maurice Baril: Bien sûr que nous le sommes!

M. Jim Hart: Ne mettez-vous pas un bémol à cette déclaration? Autrement dit, ne serions-nous pas plutôt aptes à ne combattre que dans un conflit de faible intensité?

Gén Maurice Baril: Je n'ai jamais dit cela. Vous savez, quand vous faites face à un ennemi qui vous tire dessus et que vous entendez les balles vous siffler aux oreilles ou les obus vous tomber dessus, il vous importe peu que le conflit soit de faible ou de forte intensité. Au cours des cinq ou six dernières années, nos troupes se sont retrouvées, soit dans des conflits de faible intensité soit, dans des conflits de forte intensité, mais jamais entre les deux. C'est ainsi.

Quand je dis que nous sommes aptes au combat, il faut préciser qu'il y a très longtemps que nous ne sommes pas allés au combat seuls. Nous l'avons toujours fait dans le cadre d'alliances, dans le cadre de coalitions ou dans le cadre l'ONU, et nous avons mis nos ressources en commun avec d'autres, tout comme nous l'avons fait lors de la tempête de verglas avec nos amis du Sud.

M. Jim Hart: Avez-vous un plan de mobilisation?

Gén Maurice Baril: Oui! En fait, vous venez de poser une excellente question. Il se trouve que le vice-chef d'état-major de la défense a préparé un cadre de planification de la mobilisation. Il vient d'être soumis au conseiller de premier échelon pour recueillir son évaluation et ses commentaires, mais aussi pour lui permettre de consulter ceux et celles qui seraient concernés par ce plan de mobilisation. En fait, on vient juste de le terminer. Il est assez exhaustif, car nous y avons investi beaucoup de travail. Il découle de l'orientation politique que nous avons arrêtée dans le livre blanc de 1994.

Monsieur le président, je me propose de vous en remettre un exemplaire.

Le président: Merci beaucoup. Je le ferai circuler auprès des députés.

M. Jim Hart: Oui, j'aimerais bien y jeter un coup d'oeil.

Est-ce que votre plan de mobilisation touche également les forces de réserve?

Gén Maurice Baril: Bien sûr!

M. Jim Hart: Sont-elles des piliers de la mobilisation, du moins en ce qui concerne les troisième et quatrième étapes?

Gén Maurice Baril: À la quatrième étape de la mobilisation, ce ne sont pas uniquement les forces de réserve qui sont concernées, mais tout l'appareil industriel du Canada et toute notre capacité de production nationale.

M. Jim Hart: Je vous ai posé ma première question parce que vous dites, d'un côté, que nous sommes aptes au combat et, de l'autre, que nous n'avons pas une bonne capacité de transport aérien et de transport maritime. Il est probable que nous ne sommes pas en mesure de déployer—à moins que je me trompe—un groupe de brigade pour une période indéfinie, dans un délai de 90 jours. Je me trompe?

Gén Maurice Baril: Oui.

M. Jim Hart: Mais comment y parvenez-vous sans une capacité de transport aérien ou maritime adaptée?

Gén Maurice Baril: Je ne pense pas que nous engagerions, de nous-mêmes, un corps de brigade où que ce soit dans le monde. Si vous vouliez que nous déployions une brigade complète quelque part sur la planète, en comptant uniquement sur notre flotte d'Hercules, je suppose que le gouvernement refuserait que nous y allions tout seul.

M. Jim Hart: Mais, en 1885, nous ne savions pas que nous allions avoir besoin de 8 000 hommes de troupe pour mater la rébellion dans les Territoires du Nord-Ouest. Nous ne savions pas que nous aurions besoin d'autant d'hommes de troupe en 1885. Nous ne savions pas que nous aurions besoin de troupes également lors de la Seconde guerre mondiale. Jamais dans l'histoire du Canada nous n'avons pu prévoir les événements qui nous ont frappés. C'est cela que je veux dire. Je ne pense pas que nous soyons prêts et je remets en doute notre aptitude au combat à ce point-là.

Mais j'aimerais passer à autre chose parce que je veux vous poser des questions sur la qualité de la vie.

Le président: Très rapidement, alors. Je me permets de vous interrompre un instant pour vous proposer de faire revenir le général, si tel est le voeu du comité. Je sais qu'il est toujours prêt à venir nous rendre visite. Ce n'est pas la dernière fois où nous pourrons le voir.

Donc, pour une dernière question...

M. Jim Hart: Elle sera très rapide et portera sur la qualité de la vie. On peut avoir également l'impression qu'on fait les choses à l'envers dans les Forces armées canadiennes. Il y a deux ou trois ans, nous avions lancé un PRF en vertu duquel nous payions pour éliminer une partie de l'effectif. Nous aurions dû payer pour garder les meilleurs, plutôt que de nous en débarrasser.

Afin de régler les problèmes de qualité de la vie que nous rencontrons actuellement, je me demande si nous ne pourrions pas faire preuve de créativité en accordant un revenu disponible supérieur aux membres des Forces armées canadiennes. Par exemple—et c'est une solution parmi d'autres que je vais vous donner, solution que j'ai déjà soumise au ministre—, on pourrait consentir une exonération fiscale de base pour service militaire au personnel des Forces canadiennes. On consacrerait ainsi le service tout à fait particulier que rend le personnel militaire. Ces gens- là risquent leur vie, comme on l'a vu en Bosnie. Ainsi, ils auraient un revenu disponible supérieur sans que nous entamions le budget et que nous nous retrouvions dans ce genre de situation où il faut remplacer les effectifs. C'est une idée originale, ne pensez-vous pas?

Gén Maurice Baril: Vous parlez d'exonération de base...

M. Jim Hart: Il s'agirait d'une exonération fiscale accordée au titre du service militaire.

Gén Maurice Baril: Cela existe déjà dans d'autres pays et je suis bien sûr d'accord avec toute formule qui permettrait aux hommes et aux femmes qui servent au sein des Forces canadiennes d'avoir un revenu disponible supérieur.

M. Jim Hart: Merci.

Le président: Merci, monsieur Hart. Merci, général.

La dernière question sera posée par M. Proud. Comme, de toute évidence, tout le monde est très intéressé par ces questions, je pense que nous allons réinviter le général.

Monsieur Proud.

• 1630

M. George Proud (Hillsborough, Lib.): Merci, monsieur le président.

Général, changeons de sujet pour un instant et passons aux forces de réserve. Les membres des réserves ont exprimé un grand nombre de préoccupations et nous allons d'ailleurs en accueillir certains après vous. Il y a d'abord la question de la rémunération des réservistes qui n'arrive pas à temps; il arrive même qu'ils ne soient pas payés; ils n'ont pas les mêmes avantages sociaux que leurs collègues de la régulière et ils vont sans doute devoir subir d'autres coupures. Comment voyez-vous nos forces de réserve dans un avenir prévisible? Les nombreuses études qu'on a conduit à ce sujet au cours des quatre dernières années ont donné lieu à quelques recommandations qui ont été adoptées. Mais comment voyez-vous l'avenir immédiat?

Gén Maurice Baril: Il y a sans doute eu beaucoup d'études, mais toutes les mesures que nous prenons aujourd'hui font suite au travail de la Commission spéciale Dickson sur la restructuration des forces de réserve. Ce sont les recommandations de cette commission que nous mettons actuellement en oeuvre. Nous en sommes à la phase d'évaluation, de consultation et de planification en vue de mettre ces recommandations en place.

Comme vous le savez sans doute, si vous avez été en contact avec la réserve de près ou de loin, il s'agit d'une question très émotive, surtout pour la milice, car on parle de restructuration ou de modification. La milice fait partie de notre tissu national. On retrouve ses unités un peu partout au Canada, dans presque toutes les villes et l'on retrouve un grand nombre de gens très influents qui entretiennent des liens avec la réserve et la milice. Dès qu'il est question de financement, de restructuration, de transformation des unités, de retrait de leur ordre de bataille...

La dernière restructuration des réserves remonte à 1965. Depuis, nous avons essayé de recommencer à de nombreuses reprises, mais nos efforts n'ont pas abouti. Aujourd'hui, cependant, grâce au système dont nous disposons, au plan que nous avons adopté, aux consultations et au rythme relativement lent de notre action, je crois pouvoir dire que nous allons dans la bonne direction.

D'un autre côté, j'affirmerais que les ressources nous font défaut. Je dois faire énormément avec le peu de ressources dont je dispose et nous faisons de notre mieux. Comme je le disais dans mes remarques liminaires, quand on passe par de tels changements, tout le monde fait sa part. Ainsi, les changements qui nous attendent auront une incidence sur la réserve.

M. George Proud: N'estimez-vous pas que les réserves paient en quelque sorte le prix de la qualité de la vie que nous voulons offrir aux membres des forces régulières?

Gén Maurice Baril: Non. La qualité de la vie concerne tous ceux et toutes celles qui portent un uniforme. Je ne fais aucune différence entre les hommes et les femmes, entre les forces régulières et les forces de réserve.

M. George Proud: Merci.

Le président: Merci, monsieur Proud.

Général, je vous remercie, vous-même ainsi que ceux qui vous accompagnent, de vous être rendu à notre invitation aujourd'hui. Nous avons hâte de vous accueillir de nouveau, l'an prochain. Merci beaucoup.

Gén Maurice Baril: C'est toujours un plaisir de venir ici, monsieur le président.

Le président: Merci.

Chers collègues, nous allons maintenant remercier le général et ses collaborateurs et, avant d'accueillir les autres témoins, j'aimerais donner la possibilité à M. Earle de présenter sa motion, qu'il a soumise un jour plus tôt, conformément aux règlements régissant ce comité.

Monsieur Earle.

M. Gordon Earle: Merci, monsieur le président.

Le président: Un instant. Mesdames et messieurs, le comité doit poursuivre ses travaux et nous apprécierions que la presse rencontre les témoins à l'extérieur.

Monsieur Earle.

M. Gordon Earle: Ai-je l'attention de tous les membres du comité? Très bien.

Je vais donc proposer ma motion. Je propose que le Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants appuie le rétablissement des Halifax Rifles et recommande au gouvernement fédéral de procéder à l'exécution de ce rétablissement à la fin de l'exercice financier 1998-1999.

Le président: Merci.

Chers collègues, vous êtes donc saisis de la motion de M. Earle. Voulez-vous faire quelques brèves remarques? Monsieur Hart.

M. Jim Hart: Monsieur le président. Je remercie le député de nous avoir soumis cette motion à l'avance. J'appuie entièrement les forces de réserve et plus particulièrement la milice, mais j'ai l'impression que nous avons entamé un processus d'examen et de restructuration des réserves.

Quand nous en arriverons au niveau du détail, j'aimerais définir exactement le rôle de la milice. Je sais que des gens sont inquiets. Le général vient de nous parler d'un plan de mobilisation. Tout cela se ramène à la question des réserves et j'estime qu'il serait prématuré que ce comité adopte maintenant une motion de ce genre.

Le président: Merci, monsieur Hart.

D'autres remarques? Monsieur Proud.

M. George Proud: Je suis tout à fait d'accord avec ce que M. Hart vient de déclarer. Votre idée est peut-être bonne, mais compte tenu de la façon dont les réserves sont structurées et du processus actuel, je dirais qu'il est probablement trop tôt pour faire quelque chose du genre.

Le président: Monsieur O'Reilly.

M. John O'Reilly: Monsieur le président, je suis d'accord avec l'essentiel de la motion, mais je ne suis pas d'accord pour qu'on isole ainsi un groupe en particulier.

• 1635

Mon unité a été démantelée en même temps que les Halifax Rifles et elle aussi aimerait être reconstituée et souhaiterait réinstaurer une présence militaire dans ma ville. J'estime qu'il faut envisager la chose à une échelle différente et ne pas faire en sorte que chaque unité soit obligée de faire un plaidoyer émotif pour être reconstituée. Il nous faut étudier ce problème sous l'angle global des unités de la milice qui ont été désintégrées.

(La motion est rejetée)

Le président: Je suis désolé, ça n'est pas passé, monsieur Earle. Je vous remercie.

Je suis heureux à présent d'accueillir notre deuxième groupe de témoins, Réserves 2000, en la personne du lieutenant-colonel Peter Hunter, retraité—bienvenue, colonel—et du brigadier-général Peter Cameron, également retraité. Bienvenue à vous aussi, général. Installez-vous le plus confortablement possible.

Au fait, j'ai négligé de souhaiter la bienvenue au lieutenant- colonel John Selkirk, également retraité. Bienvenue, colonel. Je n'avais pas vu votre nom qui est sur l'autre page.

Pendant qu'on est en train de distribuer votre document aux membres du comité, je vous invite à débuter votre exposé. Mais avant cela, je dois vous préciser que nous serons peut-être et malheureusement interrompus par la sonnerie, qui nous invitera à aller voter. Donc, si nous vous paraissons un peu nerveux, vous saurez pourquoi. Mais en autant que nous puissions partir cinq minutes avant la fin de la sonnerie, ce sera parfait.

Étant donné cette limite de temps qui nous est imposée, vous pourriez peut-être raccourcir vos interventions, si vous le pouvez, parce que je sais que les députés veulent poser des questions.

Allez-vous débuter, général?

Le brigadier-général Peter A.G. Cameron (retraité) (Réserves 2000): Je serai le principal porte-parole.

Je ne vous ai pas bien entendu. Puis-je me permettre de vous redemander à quelle heure nous devons en avoir fini?

Le président: Nous devrons probablement lever la séance à 17 h 15 quand la sonnerie nous appellera à aller voter en Chambre. Ainsi va la vie par chez nous. Ce pourrait être un peu plus tard, mais j'en doute. Vous nous avez fait remettre une documentation assez volumineuse. Cela étant, je vous incite à limiter vos remarques liminaires dans toute la mesure du possible pour permettre aux membres du comité de vous poser des questions.

BGén Peter Cameron: C'est très bien, monsieur le président. Ce sera peut-être un peu serré. Pour ce qui est du document qu'on vous a remis, nous avions l'intention de le commenter, de conclure en nous appuyant sur son contenu, et de vous laisser ensuite le soin de le parcourir parce que, de toute évidence, vous ne pourrez pas le faire dans le court laps de temps qui nous est imparti. Le greffier nous avait informés que tel pouvait être le cas et que nous aurions peut-être à revenir pour répondre à vos questions, après l'interruption des fêtes.

Le président: C'est aussi une possibilité, mais je sais que les députés veulent vous poser des questions aujourd'hui, si vous êtes prêts à y répondre.

Quoi qu'il en soit, commencez par votre exposé et nous prendrons les choses à partir de là.

BGén Peter Cameron: Très bien, monsieur. Avant tout, comme vous l'avez précisé, je rappelle que je suis accompagné du colonel Hunter et du colonel Selkirk. Je veux également vous présenter deux autres membres de Réserves 2000 qui nous accompagnent, soit le général Pryer et le général Beno. Nous sommes tous des officiers de la force régulière ou de la réserve à la retraite. Nous sommes tous des cadres dans le secteur privé et nous sommes membres de l'organisme connu sous le nom de Réserves 2000.

La dernière fois que nous avons comparu devant votre comité remonte au 28 novembre 1995. À cette époque, nous vous avions exposé notre vision d'une force terrestre polyvalente, apte au combat, qui aurait pour mission de défendre la nation et d'en assurer la sécurité. Cette vision tenait compte de la nécessité, pour les forces terrestres—comprenant les forces régulières et les forces de réserve—d'être prêtes à assurer la défense du Canada et de l'Amérique du Nord, d'appuyer des opérations de sécurité internationale sous l'égide des Nations Unies ou de l'OTAN, ou menées de concert avec d'autres alliés, et d'appuyer les divers ordres de gouvernement canadiens en portant assistance aux autorités civiles dans des situations d'urgence, comme ce fut le cas lors des inondations au Manitoba ou de la tempête de verglas au Québec et en Ontario.

• 1640

La vision que nous vous avions exposée à cette époque correspondait à un équilibre judicieux entre les forces régulières et les forces de réserve afin de répondre aux besoins que je viens juste d'énumérer.

Dans notre exposé auprès de la commission spéciale sur la restructuration des forces de réserve ainsi que dans notre présentation à votre comité, nous avions fortement recommandé que les FTC produisent un plan de mobilisation portant sur les quatre étapes de la mobilisation, et cela en tant que condition préalable à l'adoption de quelque forme de structure organisationnelle. Je ne commenterai pas ces quatre étapes de la mobilisation, parce que je sais que vous les connaissez.

Quoi qu'il en soit, comme les FTC ne présentaient aucune structure d'organisation susceptible de répondre à l'ensemble des besoins du Canada, surtout pas aux étapes trois et quatre de la mobilisation, ni en ce qui avait trait à la sécurité nationale, nous avions ensuite recommandé d'opter pour le modèle de corps d'armée, composé des forces régulières et des forces de réserve. Nous avons également formulé des recommandations relatives à la structure et à l'emplacement des unités de réserve et des formations devant composer ce corps. À cette époque, nous avions montré à quel point il pouvait être facile de transformer l'organisation actuelle dans la structure proposée.

Nous avons formulé plusieurs recommandations relativement aux réserves de l'armée à l'appui de ce dont je viens de vous dire. Il a notamment été question: de l'efficacité et de la rentabilité à laquelle on pourrait parvenir en utilisant davantage les réserves de l'armée; de la nécessité d'inclure les réservistes dans le processus de planification globale; de la nécessité d'appliquer des normes de formation plus réalistes; de la prise en compte des qualifications civiles pour la progression des carrières dans les grades et les métiers; de la nécessité d'affecter les ressources de formation aux unités de réserve de l'armée, notamment en ce qui concerne l'équipement et la formation, les cours et le financement; de la prise en compte de la place importante qu'occupent les Forces armées canadiennes au sein des collectivités où elles sont situées; de la préservation du système régimentaire comme moyen le plus valable de répondre à l'ensemble de nos besoins militaires et civils; du leadership et du commandement des réserves de l'armée et, enfin, de l'établissement des unités et de l'administration ainsi que du financement des réserves.

Que s'est-il passé depuis notre dernière comparution devant vous? On peut parler de résultats positifs quand on songe aux orientations énoncées dans le livre blanc sur la défense de 1994, aux recommandations contenues dans le rapport de la commission spéciale et aux recommandations du CPDNAC lui-même ainsi que de son équivalent au Sénat. Au cours des quatre dernières années, le haut commandement de l'armée a réalisé des progrès considérables dans la mise en oeuvre de ces recommandations.

Comme l'a signalé le général Baril il y a quelques minutes, une consultation nationale a été entreprise à propos des réserves, consultation qui a permis au milieu des réservistes de participer à toutes les activités de planification.

Ces unités de partout au Canada ont été affectées à des groupes de brigade, qui remplacent l'ancien système de district.

Un système d'évaluation des unités, fondé sur un critère de réussite, a été élaboré de concert avec les commandants d'armée et les unités de réserve; il en est maintenant à sa troisième et dernière année.

On a déjà pris ou l'on est en train de prendre des mesures afin d'établir le coût réel de maintien d'une présence des forces de réserve dans presque toutes les villes canadiennes. J'ajouterai qu'on vient officiellement de déterminer que ces coûts sont sensiblement inférieurs à ceux annoncés il y a trois ans; soit dit en passant, ils correspondent davantage à ceux estimés par Réserves 2000 dans sa présentation à ce comité.

Il est admis, au niveau des commandements d'armée, que la milice a trois rôles principaux à jouer. Premièrement, elle constitue la base à une mobilisation éventuelle; elle est un maillon essentiel entre l'armée et les collectivités civiles au Canada; enfin, elle doit fournir des renforts aux forces régulières pour les opérations de sécurité internationale et dans les cas d'urgence nationale.

Le travail est en cours pour élaborer des normes et des exigences de formation plus réalistes pour les grades et les qualifications professionnelles, ce qui exige bien sûr qu'on reconnaisse les différences entre une progression de carrière au sein des forces régulières et une progression dans les réserves.

Pour résumer, je dirais qu'il y a lieu de féliciter le commandement de l'armée pour ce qu'il a réalisé jusqu'ici. Malheureusement, trois grands problèmes demeurent et tous ont été soulevés: dans le livre blanc de 1994, dans le rapport de la CSRR, par ce comité, par le comité sénatorial et par Réserves 2000 ainsi que, tout récemment, par la Commission de surveillance du ministre chargée de suivre les changements au MDN. Il s'agit de la mobilisation—et je ne vous décrirai pas ce que j'ai couché sur papier pour ne pas perdre de temps, parce que vous venez juste d'en débattre avec le dernier intervenant. Le cadre de mobilisation, que nous avons baptisé «l'armée du Canada de demain»... L'organisation actuelle de l'armée existe depuis plusieurs années. Le commandement et l'administration des unités, de la force régulière et de la force de réserve, sont répartis suivant quatre régions géographiques. Il faut se demander s'il s'agit là de la meilleure structure pour l'armée d'aujourd'hui et pour l'armée de demain et, dans la négative, quelle devrait être cette structure?

• 1645

Enfin, il est évident qu'il est essentiel d'assurer un financement régulier pour garantir l'existence de Forces canadiennes viables et efficaces. C'est particulièrement vrai dans le cas de la milice. Je n'en dirai pas plus et vous préciserai simplement que nous n'en sommes pas là. Malgré les garanties fournies par les deux ministres précédents, le budget de toutes les unités au Canada a été considérablement réduit. Les fonds alloués aux unités, au niveau des manèges militaires des collectivités canadiennes, sont bien inférieurs aux 36 jours de solde demandés par le ministre, sur vos conseils et sur les conseils d'autres.

Cela étant, comme il est quasiment impossible pour ces unités de satisfaire au critère d'évaluation, le processus d'évaluation est déficient. D'un point de vue plus stratégique, étant donné que les réserves ont pour rôle d'assurer le lien entre l'armée et les collectivités du Canada en cas de mobilisation nationale et qu'elles sont appelées à venir renforcer les forces régulières, tout nouveau déclin du financement compromettrait la capacité des réserves de l'armée de remplir ces rôles, en partie ou en totalité.

Nous tenons à revenir sur la question du financement, tout à l'heure.

Je vais maintenant céder la parole à mon collègue le colonel Hunter.

Le lieutenant-colonel Peter W. Hunter (retraité) (coprésident, Réserves 2000): Merci.

Monsieur le président, messieurs les membres du comité, depuis la fin de la Guerre froide et surtout depuis les quatre dernières années, la taille, la structure, l'équipement et la formation des forces terrestres canadiennes autrement dit de l'armée, ont dépendu presque exclusivement de l'enveloppe budgétaire. On n'a prêté que peu ou prou d'attention aux véritables besoins actuels ou futurs.

Résultat: l'armée que nous connaissions il y a à peine quelques années de cela, tant en ce qui concerne les forces de réserve que les forces régulières, a été émasculée. Il est révélateur et effrayant, tout à la fois, de constater que les effectifs de la force régulière canadienne—armée de terre, marine et armée de l'air confondues—pourraient facilement prendre place dans le SkyDome de Toronto. Quant à l'effectif de l'armée de terre régulière, on pourrait facilement l'installer dans le Centre Molson de Montréal et toute la réserve de l'armée, soit la milice, pourrait prendre place dans le Maple Leaf Gardens. Pourtant, miraculeusement, nos soldats ont répondu à l'appel pour remplir des missions de maintien de la paix et des missions humanitaires à l'étranger ou pour intervenir lors de catastrophes naturelles au Canada, comme les inondations de Winnipeg et du Saguenay, et la tempête de glace en Ontario et au Québec, ou encore pour servir lors de la crise d'Oka, par exemple, il y a quelques années. Ne perdons cependant pas de vue une chose: nous avons eu de la chance que ces événements ne se soient pas produits en même temps ou n'aient pas été plus graves. Si tel avait été le cas, l'armée canadienne n'aurait certainement pas pu suffire à la tâche.

Le Canada, pays de 30 millions d'habitants, est une des premières nations du monde. Nous sommes économiquement solides et nous faisons partie du G-7, de l'ONU et de l'OTAN. Nous faisons partie d'autres alliances qui, à l'instar de celles que j'ai citées, sont assorties d'obligations et d'engagements qui exigent que nous ayons des forces armées de taille raisonnable. Il est douteux, pour l'instant, que nous puissions faire face à de telles obligations, surtout si nous étions sollicités à plus d'un titre à la fois.

Aujourd'hui, je me limiterai à parler de l'élément Terre des Forces canadiennes; cependant, nous estimons que ce que nous allons vous dire s'applique également à la marine et à l'armée de l'air et peut donc également servir de modèle aux planificateurs de ces deux autres éléments. Dans notre mémoire, nous parlons des principes, des fondements, du processus de planification et du cadre ou du modèle de l'armée du Canada de demain. Ce document ne se veut pas un plan de mobilisation exhaustif ou détaillé ni une structure coulée dans le béton, car il indique plutôt la route à emprunter dans l'avenir et propose une formule pour l'armée du futur.

Nous savons que les budgets et les questions touchant au financement sont les moteurs actuels de la planification gouvernementale. Les gens d'affaires que nous sommes comprennent et respectent ce point de vue. Dans la même veine, force est de constater que cette situation risque de ne pas changer, ni à court terme ni à moyen terme. Ce que nous allons vous demander aujourd'hui ne coûte rien; c'est un peu trop tôt pour cela. Nous savons, cependant, que les changements nous permettront de réaliser des économies dans le temps. Nous savons également qu'il y a des façons plus rentables, plus économiques, de faire les choses. Et bien sûr, nous savons également qu'une structure nouvelle, élargie, de l'armée du Canada de demain finira par coûter davantage que l'armée d'aujourd'hui. Mais rien ne dit qu'il nous faille assumer tous ces coûts en même temps, car il est possible de les étaler.

• 1650

Afin qu'elle soit prête à appliquer un plan de mobilisation comme celui qui fait partie de la politique gouvernementale, l'armée—c'est-à-dire la force régulière et la milice—doivent d'abord subir une restructuration en profondeur. Les soldats de la force régulière et les réservistes ont tous un rôle très important à jouer. Les réservistes, situés au sein de nos collectivités canadiennes, sont à la base même de tout effort de mobilisation. Le fait que la force régulière soit renforcée par les réservistes permet d'abord au gouvernement de répondre à peu de préavis aux demandes nationales et internationales; deuxièmement, cela permet d'assurer une formation et un soutien à la milice. Les deux éléments doivent travailler en étroite collaboration, en tant qu'équipe intégrée ayant une mission commune, pour être aptes au combat, constituer une armée polyvalente, ayant le plus de capacités possible, notamment la capacité ultime de livrer combat.

Pour avoir ce genre d'armée, il faut imaginer une structure qui soit appropriée, qui soit d'une taille suffisante, qui soit souple et composée de tous les éléments nécessaires pour remplir les missions militaires de l'an 2000 et au-delà. Nous recommandons une organisation qui soit au moins en mesure de mobiliser un corps d'armée à la troisième étape de la mobilisation, d'après la définition de la politique gouvernementale.

Une fois établi et adopté, ce modèle devra être retenu dans tous les aspects de la planification dans l'armée. Même si, au début, il risque de ne pas être possible pour des raisons financières de doter entièrement une telle structure en hommes et en matériel, il faudra la maintenir intacte et lui donner vie au fur et à mesure que des fonds seront disponibles. Sinon, on se dotera d'une armée correspondant à une enveloppe budgétaire, mais incapable de remplir les missions exigées d'elle. Si ce principe était respecté, le Canada pourrait, dans des délais raisonnables, disposer de l'armée dont il a besoin pour assumer ses obligations et engagements nationaux et internationaux, d'une armée dont tous les Canadiens pourraient s'enorgueillir.

L'armée de l'avenir devra être «opérationnelle», proactive et non réactive. Elle devra être conçue de sorte à donner son maximum dans des opérations conjointes, non seulement en relation avec d'autres organisations militaires, mais aussi en relation avec des ministères, des ONG et des organismes civils. Sa structure devra être assez souple pour qu'on puisse ne sélectionner que certains de ses composants. Elle devra être prête à livrer une guerre de haute intensité, à être engagée dans des conflits régionaux et dans des opérations asymétriques, notamment dans des guerres de terrorisme, des guerres chimiques, des guerres électroniques et des guerres d'information. Enfin, elle devra être prête à faire face aux situations d'urgence nationale.

Il faut réinventer l'armée canadienne pour lui permettre de faire face aux gageures de l'avenir. Elle doit correspondre à un appariement approprié d'unités de la force régulière et d'unités de la force de réserve. Elle devra correspondre à un coût réaliste compte tenu de la taille du Canada. Elle devra être correctement dotée et ses effectifs devront être correctement formés et équipés. Il serait tout à fait irresponsable et antipatriotique que le Canada ait une armée ne correspondant pas au moins à cela. Nous devons nous doter d'un plan pour bâtir l'«armée du Canada de demain» et nous devons commencer tout de suite.

Le colonel John Selkirk va maintenant vous exposer les grandes lignes de notre plan.

Le lieutenant-colonel John A. Selkirk (retraité) (Réserves 2000): Monsieur le président, messieurs les membres du comité, je vais résumer mes remarques afin de gagner du temps.

Passons tout de suite à la diapositive quatre, s'il vous plaît. J'invite, cependant, les députés à ouvrir le document à la page 73 du français, qui présente notre vision. Après avoir lu ce paragraphe, le temps aidant, les choses vous apparaîtront très claires.

Nous voulions, dans la préparation de ce document, et comme vous pouvez le voir sur la diapositive, élaborer un concept de mobilisation de l'armée canadienne qui soit susceptible de répondre aux exigences du Canada en matière de défense et d'urgences nationales. Vous remarquerez qu'il n'est pas simplement question de conflits, mais également d'urgences nationales. Cela étant, nous avons pris en considération 21 facteurs qui, selon nous, ont une incidence sur la planification de la mobilisation. Nous avons ensuite déduit la façon dont chacun de ces facteurs pourrait influer sur le plan. Je vais vous résumer les facteurs en question ainsi que nos déductions.

Le premier facteur est la mobilisation. Nous estimons que la mobilisation est une activité logique et essentielle pour toute armée. Toutefois, les plans de mobilisation doivent être réalistes et être tenus à jour.

• 1655

Vous trouverez tout cela de façon plus détaillée dans la première partie du document qu'on vous a remis.

Tout plan de mobilisation doit comporter une déclaration d'intention. Il doit être testé périodiquement. Il doit être suffisamment souple pour être modifié en fonction des résultats des tests. Les plus hauts échelons de la hiérarchie militaire doivent s'approprier de tel plan.

À l'analyse de ce qui s'est passé lors des deux grandes guerres mondiales, on pourrait se dire que nous avions alors improvisé pas mal de choses; évidemment nous nous sommes fait prendre. Lors de ces deux grands conflits, nous avons connu des crises sur le plan du soutien à nos forces sur le terrain. Quand nous nous sommes enfoncés dans la Guerre froide, nous avons heureusement pu compter sur de nombreux anciens combattants de la Seconde guerre mondiale, et le plan improvisé que nous avons su faire évoluer a fonctionné. Cependant, les solutions ponctuelles ne permettent pas de répondre aux besoins de la nation.

L'autre facteur est celui des pratiques internationales en matière de planification de la mobilisation. La plupart des pays ont des plans de mobilisation qui représentent plus qu'une simple augmentation d'effectif des forces armées. Ils sont un moyen de bâtir la nation, puisque chaque citoyen est appelé à participer. Enfin, étant donné la taille de nos forces normales, le fait de pouvoir augmenter de façon pratique nos forces armées par le biais d'un plan de mobilisation, permettrait au Canada d'être mieux perçu par le reste du monde.

L'environnement stratégique: le fait que nous puissions, après la chute de l'Union soviétique, nous permettre un état de préparation immédiate de niveau inférieur, signifie que tout plan de mobilisation devient d'autant plus viable et que nous pouvons nous appuyer sur de tels plans pour augmenter la capacité de nos forces en dehors d'une guerre. Il se produira de nombreuses occasions où nous voudrons augmenter nos forces en dehors d'un conflit. Nous faisons partie de nombreuses alliances et coalitions internationales et nous devons disposer d'un plan pour assumer nos obligations dans le cadre de ces obligations et coalitions.

Le fait qu'il y ait quatre étapes de mobilisation signifie que les premières étapes, c'est-à-dire les étapes les plus simples, font l'objet d'importants efforts de planification. Nous estimons qu'il faut partir de l'étape la plus complexe, soit la quatrième étape, et progresser à rebours pour s'assurer qu'il sera possible, au travers des trois étapes précédentes, de parvenir à la dernière.

Quant au lien existant entre la milice et la mobilisation, il faut savoir que, pour le moment, la mobilisation de la milice est la façon la plus efficace d'augmenter les effectifs de l'armée. La milice est présente dans toutes nos collectivités et toute réduction de ses effectifs à ce stade risquerait de remettre très gravement en question la capacité de mobilisation du Canada dans l'avenir.

Il faut, en particulier, inclure la réserve supplémentaire dans tout plan de mobilisation. Comme la CSRR l'a remarqué, la réserve supplémentaire, qui est constituée d'un groupe d'officiers, de sous-officiers et d'hommes de troupe formés, est une ressource inestimable. Pour l'instant, nous ne l'utilisons pas.

Tout l'entraînement doit être axé sur la mobilisation. La milice a besoin de fonds suffisants pour cela et l'armée régulière doit prévoir un entraînement réaliste dans ses plans de formation. L'armée doit se transformer en organisation entièrement tournée vers l'apprentissage et chacun devrait être formé pour pouvoir occuper une fonction supérieure à la sienne.

Pour ce qui est de la gestion du personnel et des ressources humaines, nos actuels systèmes d'administration en temps de paix ne fonctionneraient sans doute pas en temps de guerre. Il faut soumettre tout ce que nous faisons actuellement à une même question: cela fonctionnerait-il en temps de guerre?

Démographie: nous devons inclure, dans notre planification, toutes les collectivités du Canada, mais aussi toutes les communautés, c'est-à-dire tous les groupements de personnes. La milice est la seule organisation représentée dans chaque ville canadienne.

Pour ce qui est de l'équipement, des armes et des véhicules opérationnels, nous ne pouvons bien sûr pas nous permettre d'entreposer pour un corps d'armée du matériel dont nous ne nous servirions pas. Cependant, il existe d'autres méthodes de planification novatrices pour équiper l'armée canadienne de l'avenir et il faut commencer tout de suite.

Le «service alternatif de livraison» tient à la façon dont on peut confier à contrat ce qui était fait auparavant par les militaires ou le personnel civil de la Défense nationale. Attention, cependant, un recours abusif à cette formule pourrait entraver notre capacité de nous mobiliser dans l'avenir.

• 1700

Vient ensuite l'industrie. Si l'industrie ne fait pas ce que nous voulons, elle ne saura pas comment nous aider dans l'avenir. Il nous faut donc disposer d'un plan pour qu'elle puisse comprendre nos besoins.

Le commandement et le contrôle. La responsabilité de la mobilisation doit être clairement établie aux divers échelons de la hiérarchie de l'armée et toutes les activités doivent découler de ce plan.

Vient ensuite l'organisation et la structure actuelles. Nous n'avons pas les forces suffisantes, aujourd'hui, pour aller bien au-delà de la deuxième étape de la mobilisation. Nous estimons qu'il nous faudrait au moins avoir la capacité d'un corps d'armée à la troisième étape. Par ailleurs, l'expérience nous a montré que nous devons pouvoir compter sur toutes les unités actuellement en ordre de bataille, tant dans l'armée régulière que dans la milice.

Viennent ensuite les lignes de conduite. Après avoir étudié ces 21 facteurs et tiré les déductions qui s'imposaient, nous avons déterminé quatre lignes de conduite possibles pour l'armée canadienne.

La première, bien sûr, consiste à ne répondre qu'aux besoins actuels. Bien que ce soit là la solution la plus simple, nous croyons qu'elle ne répond pas aux besoins réels de la nation.

La deuxième ligne de conduite va dans le même sens, c'est-à- dire de ce qui est abordable et réalisable. Elle ne nous donne cependant pas toute la gamme des solutions qui nous permettraient de répondre pleinement à nos engagements envisageables.

La troisième ligne de conduite énonce une base doctrinale solide pour l'armée. Elle prévoit une souplesse importante et une réponse progressive. Bien qu'elle prévoie l'exploitation maximale des capacités actuelles, elle n'exige pas de dépenses excessives correspondant à des possibilités purement théoriques. Le corps d'armée étant constitué de tous les éléments nécessaires à une formation supérieure, il est la base idéale pour planifier une expansion des forces.

La quatrième formule est à prendre en considération, mais pas de façon aussi détaillée que la troisième ligne de conduite. Le plan détaillé de la quatrième étape serait élaboré dans le prolongement naturel de la troisième étape. Nous recommandons donc d'adopter la troisième ligne de conduite et d'entamer sans tarder une planification détaillée avec application immédiate.

Pour conclure, Réserves 2000 propose dans ce document un plan de mobilisation qu'il conviendrait de préparer pour l'armée canadienne. Nous avons donné une indication de ce qu'il fallait faire pour transformer en un plan l'analyse, les facteurs et les déductions. Cela se trouve d'ailleurs dans la deuxième partie du document où les paragraphes sont renumérotés à partir de un.

Notre document n'est pas un plan définitif, mais il énonce les principes et les processus de planification ainsi que le cadre nécessaire à la préparation d'un plan de mobilisation.

En conclusion, nous sommes d'avis que notre analyse montre très clairement qu'il est nécessaire d'adopter un plan de mobilisation. Ce dernier doit porter sur les trois premières étapes de la mobilisation. Il doit permettre de constituer un corps d'armée à la troisième étape. La planification doit être le fondement même de la doctrine de l'armée, de la formation et du perfectionnement professionnel des troupes. Enfin, la milice doit être à la base de tout effort de mobilisation.

Merci.

BGén Peter Cameron: C'était une véritable course, monsieur le président.

Le président: Nous compatissons, mais vous devez savoir que c'est tout le temps comme cela ici.

BGén Peter Cameron: Je suis désolé que le colonel Selkirk n'ait pas eu le temps de vraiment passer au travers de ce qui représente des centaines d'heures de travail. Nous espérons que vous lirez ce document avant que nous recomparaissions devant vous—je dirais même que nous vous en implorons—parce que c'est un document très important.

Je vais vous résumer ma conclusion—à laquelle j'avais penser consacrer sept minutes—en vous disant que vous devriez vous poser une question. Imaginez que vous adoptiez le concept de la mobilisation en trois étapes, ainsi que le concept de corps d'armée. Vous pourriez alors vous demander combien cela coûterait. Eh bien, je vais vous répondre en vous disant qu'initialement cela coûtera un peu plus que l'armée actuelle.

Si nous voulons appliquer le modèle dans son intégralité et le mettre en oeuvre rapidement, il est évident qu'il faudra augmenter le financement. Jusqu'à quelle hauteur? Eh bien, cela dépendra de la rapidité avec laquelle nous voudrons doter, équiper et former notre armée pour en arriver au modèle définitif. Bien évidemment, il faudra adapter notre rythme de progression en fonction des budgets de la défense qui, ces temps-ci, croissent et décroissent.

J'attire votre attention sur le fait que ce plan présente une souplesse inhérente. Le chef d'état-major, qui nous a précédés, vous a dit ne pas avoir les fonds voulus. Fort bien! Vous pouvez très bien adapter le concept, puis doter progressivement les postes du corps d'armée. Quand vous aurez plus d'argent, vous pourrez augmenter le rythme de progression.

Pour terminer, monsieur le président, et étant donné la façon dont nous représentons la milice, vous ne serez pas surpris que nous concluions notre exposé en affirmant que tout commence par une milice viable et rentable. En ayant recours à la milice, nous pourrions mettre en oeuvre le modèle proposé beaucoup plus rapidement que par tout autre moyen conventionnel.

Voilà, c'était la version tronquée de ce que je voulais vous dire. Nous serons très heureux de répondre à vos questions.

• 1705

Le président: Merci beaucoup.

Messieurs, nous avons apprécié votre exposé, surtout étant donné les limites de temps qui nous sont imposées. Au besoin, je serais heureux de vous accueillir de nouveau. Je sais que les députés trouveront grand intérêt à lire votre mémoire.

Nous avons suffisamment de temps pour entamer une première série de questions de cinq minutes chacune. Avec un peu de chance, nous devrions pouvoir la mener à terme. Je vais donc commencer par M. Hanger du Parti réformiste.

M. Art Hanger: Merci, monsieur le président.

Messieurs, je tiens à vous remercier pour votre exposé. J'aurais aimé que vous puissiez nous en dire plus. J'espère que notre comité tiendra compte de cela dans ses plans, quand nous nous pencherons sur la question des réserves en général.

Le président: Effectivement. Nous serions heureux d'accueillir de nouveau ces témoins, si tel est le voeu du comité.

M. Art Hanger: Je vais partager mon temps avec mon collègue M. Hart.

Je commencerai par une brève question. Le ministre a mis sur pied un comité chargé d'examiner les changements militaires de la Défense nationale. Je crois savoir qu'il est dirigé par le juge en chef Dickson.

Lcol Peter Hunter: Le Comité de surveillance est dirigé par M. John Fraser.

M. Art Hanger: C'est cela, il s'agit de M. John Fraser. Or, la commission en question a critiqué l'intention du gouvernement de restructurer les réserves. La commission spéciale est celle qui relève de M. Dickson.

J'aimerais savoir une chose. À la suite des réductions budgétaires de 1998-1999, on a appris que le nombre de jours d'entraînement rémunéré de certaines unités avait été réduit de 65 par an à tout juste 36. Une brigade a même dû annuler complètement son programme d'entraînement pour 1999.

Tout d'abord, de quelle brigade s'agit-il? Jusqu'à quel point ces problèmes liés à l'entraînement sont-ils graves?

BGén Peter Cameron: Puis-je faire une correction?

M. Art Hanger: Je vous en prie.

BGén Peter Cameron: Les 65 jours signalés par le chef de l'armée représentent le nombre de jours qu'il faut, au niveau du manège militaire, pour assurer le maintien d'une milice. Après répartition du budget jusqu'au niveau du manège militaire, les réservistes devraient avoir 36 jours de solde potentielle. Le reste du budget est réparti entre les différents quartiers généraux pour d'autres fins. Donc, ces 36 jours correspondent à la période de service minimale devant être rémunérée, suivant les recommandations de la CSRR, pour chaque soldat et au cours d'une même année.

En introduction, j'ai dit que ce minimum de 36 jours n'est pas respecté depuis au moins deux ans à cause des réductions budgétaires imposées à la milice.

Quant à la question de la brigade, je vais céder la parole à un de mes collègues, parce que je ne sais pas exactement de quelle brigade il s'agit, mais j'ai l'impression qu'elle se trouve dans l'Ouest, bien que je n'en sois pas sûr.

Lcol Peter Hunter: C'est effectivement une brigade de l'Ouest. Je ne puis vous donner son numéro de matricule, mais je crois que son QG est en Colombie-Britannique. Le nombre de jours rémunérés est tombé en dessous de 36, et je crois qu'il est de 24. C'est ce que j'ai cru comprendre. Ne prenez pas ce que je dis pour parole d'Évangile, mais je crois savoir que le budget ne permettait pas plus et c'est beaucoup trop peu pour attirer des réservistes. Dans ces conditions, les gens se consacrent à d'autres besognes. Ce faisant, les unités sont très rapidement émasculées.

BGén Peter Cameron: J'aurais une dernière remarque à faire à ce sujet. Je ne crois pas qu'aucune brigade ni aucun soldat au Canada aient obtenu ses 36 jours au cours de l'exercice financier écoulé. Cela est dû aux réductions budgétaires imposées à la milice et donc aux unités et aux soldats sur le terrain.

M. Art Hanger: Je cède la parole à mon collègue.

Le président: Merci.

Monsieur Hart, vous avez deux ou trois minutes.

M. Jim Hart: Merci beaucoup.

Félicitations pour votre travail, messieurs. Il était temps que nous ayons un cadre pour un plan de mobilisation. Félicitations!

J'ai deux questions à vous poser portant sur des aspects problématiques. D'abord, nous avons une armée de métier au Canada. Qu'avez-vous prévu dans votre stratégie de mobilisation en ce qui concerne les réservistes qui viennent occuper des emplois à temps partiel? Avez-vous pensé à recourir à une loi sur la protection des emplois, aux troisième et quatrième étapes de la mobilisation? Commencez par répondre à cette question.

Lcol John Selkirk: Monsieur Hart, dans notre document initial, nous sommes partis du principe que la législation nécessaire serait appliquée à la quatrième étape, mais pas avant. Il est donc possible que le fait de constituer un corps d'armée à la troisième étape, sans le recours à d'autres lois, pose problème.

BGén Peter Cameron: L'essentiel à retenir de tout cela, monsieur Hart, est que ce concept est celui d'un corps d'armée constitué de divisions, de brigades, de corps de troupe et de troupes divisionnaires, dans lequel nous rassemblerions toutes les unités de la force régulière et de la force de réserve.

• 1710

Tout cela ne serait pas suffisant pour constituer un corps d'armée, et nous ne pourrions d'ailleurs pas nous permettre de le faire tout de suite. Mais si nous ne perdons pas ce modèle de vue et si nous confions une mission à chaque unité en fonction de la mobilisation, nous aurons une amorce de corps d'armée que l'on pourra renforcer dans le temps, au fur et à mesure que les budgets seraient débloqués et que les fonds du MDN actuellement consacrés à des choses moins utiles seront consacrés à l'élaboration de ce concept de corps d'armée. Cela répond peut-être à la question que vous vous posiez à l'arrière plan.

Le président: Merci. Voilà donc pour les cinq minutes.

Nous allons passer à M. Godin.

[Français]

M. Maurice Godin: Je remercie nos témoins du mémoire qu'ils ont déposé. Au cours des 25 dernières années, on a souvent eu recours à l'armée pour effectuer des missions relatives à la sécurité civile et on s'aperçoit qu'elle est de plus en plus utilisée pour des missions de paix. Or, j'ai lu quelque part qu'on suggérait d'utiliser les réservistes pour les missions de paix ou de sécurité civile et de conserver l'armée régulière ou active pour ce qu'on pourrait appeler les missions de guerre. Est-ce que ce serait possible et qu'en pensez-vous?

[Traduction]

BGén Peter Cameron: Effectivement, les Forces armées canadiennes seront employées aux missions de maintien de la paix. Nous estimons qu'elles devraient continuer à être utilisées dans ce rôle. La sécurité internationale dont nous parlons, est une autre façon de désigner les missions de maintien de la paix. Cependant, il pourrait ne pas s'agir de maintien de la paix, mais de rétablissement de la paix.

Effectivement, nous estimons que ce sont principalement les forces régulières qui devraient être consacrées à ce genre de missions. Cependant, nous estimons que l'armée doit se consacrer à beaucoup plus qu'aux missions de maintien de la paix, parce qu'elle doit se préparer à l'avenir, d'où notre recommandation d'adopter un plan de mobilisation. Ce plan prévoirait la mobilisation de l'armée pour qu'elle puisse aller à la guerre si besoin est, honorer ses engagements en matière de maintien de la paix et assumer son rôle en cas d'urgence nationale, comme elle l'a déjà fait à l'occasion de la tempête de verglas au Québec et en Ontario, l'hiver dernier.

Notre plan prévoit le panachage de forces régulières et de forces de réserve pour la réalisation de ces missions. La situation dictera s'il doit s'agir uniquement de forces régulières, sans l'apport des forces de réserve, de forces régulières renforcées par la réserve ou d'un mélange des deux. On pourrait même imaginer des missions de surveillance de points vitaux en cas d'urgence, à cause de problèmes occasionnés par le bogue du millénaire. Nous prêchons en faveur d'une armée réorganisée et mobilisée autour de la notion de corps d'armée.

Je ne sais si cela répond vraiment à votre question, mais si quelqu'un d'autre veut s'y essayer, qu'il ne se gêne pas.

[Français]

M. Maurice Godin: J'aurais aussi souhaité que vous me disiez si les réservistes, qui sont des gens qui viennent du milieu, seraient beaucoup plus aptes à accomplir une mission de paix qu'un soldat qui est formé pour la guerre.

[Traduction]

Lcol Peter Hunter: Je dirais, monsieur, que les soldats entraînés pour la guerre ont reçu la formation maximale, ultime. Après avoir été entraîné pour ce genre de travail, on est compétent pour presque toutes les autres missions, qui peuvent être aussi banales que donner un coup de main à la suite d'une tempête de verglas, qui peuvent constituer à remplir des missions de maintien de la paix ou des missions humanitaires comme on l'a vu au Honduras.

Quand on a été entraîné pour faire la guerre, on est parfaitement entraîné et, à ce point-là, c'est le commandement qui fait la différence. C'est lui, en effet, qui ordonne aux soldats ce qu'ils ont à faire dans telle ou telle situation. L'entraînement ne varie pas beaucoup en fonction des différentes missions.

• 1715

BGén Peter Cameron: Une autre chose, si vous me le permettez. Il n'est pas prévu, dans ce que nous proposons, d'envoyer des réservistes en mission de guerre sans leur avoir d'abord donné un entraînement en conséquence.

[Français]

Le président: Merci, monsieur Lebel.

[Traduction]

Nous allons maintenant passer au côté libéral et mes collègues ont convenu que M. Jordan serait le premier à prendre la parole. Monsieur Jordan.

M. Joe Jordan (Leeds—Grenville, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je tiens à vous remercier pour votre rapport et je conviens avec vous qu'il nous faudra un certain temps pour digérer ce cadre de mobilisation. Je reconnais également que c'est une bonne idée de définir d'abord ce qu'il faut faire, avant de passer à l'action.

Je veux que nous parlions du rôle des réserves à l'échelon local, parce qu'il se trouve que j'appartiens à une circonscription qui a été touchée par la tempête de verglas. J'ai vu, de mes yeux, les réservistes littéralement sauver des vies dans ma circonscription grâce aux ressources qu'ils ont déployées: par exemple, avec leurs cuisines mobiles pour éviter que les gens fassent la cuisine chez eux, à cause des risques de contamination; en participant aux vérifications dans les secteurs ruraux ou en livrant du bois et de l'eau, bref en faisant toutes sortes de choses. J'ai également constaté la valeur de leur formation en logistique. Moi qui viens du monde de l'entreprise, j'ai vu des jeunes appliquer des compétences tout à fait pratiques et j'ai été très impressionné de constater toutes les compétences dont ils ont fait preuve. Ce sont les mêmes compétences qu'on exige dans l'industrie.

Hier, nous avons annoncé le déblocage d'un milliard de dollars au titre du programme Emploi-jeunesse. J'espère que quelqu'un s'est rendu compte qu'il y a peut-être des possibilités de recoupement sur ce plan.

Passons à la question des réductions budgétaires. Dans le mémoire du général Baril, on peut lire:

    Mais il nous a fallu faire des choix difficiles en raison de notre situation financière actuelle, et aucun élément des forces n'est à l'abri [...]

Cela m'inquiète, parce que je ne crois pas que les réserves soient un simple poste budgétaire. Si l'on y regardait de plus près, on se rendrait compte que les réserves constituent une partie de la solution pour quelques-uns des défis auxquels l'armée fait face, sur le plan financier, sur celui de la réduction de sa capacité et sur celui également de l'augmentation du niveau de compétence, étant donné les nouvelles gageures qui attendent les militaires. Vous pourriez vous tourner vers l'industrie et prendre les éléments dont vous avez besoin pour un temps, sans avoir à les payer 365 jours sur 365.

J'ai deux brèves questions à vous poser. D'abord, estime-t-on que les réserves gagnent aux dépens des forces régulières? Je suis en train de me demander comment on peut passer de la situation actuelle à ce qu'il faudrait faire. Je pense, par exemple, à mon régiment qui ne peut se permettre d'envoyer les gens suivre des cours, ce qui lui vaut une mauvaise note à l'évaluation. C'est sans issu.

Deuxièmement, reconnaît-on dans l'armée que le processus d'évaluation de la viabilité des unités est complètement faussé sur le plan du mandat? Les règles du jeu ont été modifiées en cours de route. Va-t-on continuer d'exiger des unités de la réserve qu'elles se plient à cette évaluation de la viabilité ou se rend-on maintenant compte qu'elles doivent prendre...?

BGén Peter Cameron: Je vais répondre à la deuxième moitié de votre question, après quoi j'inviterai le général Beno—officier à la retraite de la force régulière—à vous donner une réponse sans doute plus éclairée que je le pourrais.

Effectivement, il est maintenant admis que le processus d'évaluation est défaillant. Le commandant de l'armée, lui-même, l'a admis à Réserves 2000. Cependant, nous ne savons pas par quoi ce processus d'évaluation va être remplacé, quand on aura décidé de le supprimer graduellement. Nous croyons, qu'en sa qualité d'homme équitable, le commandant lancera un processus de réflexion sur les objectifs et les justifications, mais je ne peux répondre autrement à votre question pour l'instant, qu'en vous disant que je suis d'accord avec vous.

Je cède le micro au général Beno qui va répondre à votre question plus large.

Le président: Pourriez-vous décliner votre nom pour le procès- verbal, général?

BGén Peter Cameron: Je vous l'ai présenté au début, monsieur le président. Il fait partie de notre équipe. Le général Ernie Beno est à la retraite des forces régulières et il est maintenant homme d'affaires.

Le président: Merci, et bienvenue.

Nous entendons la sonnerie de 15 minutes et il nous reste peut-être 12 minutes avant d'aller voter. Si vous voulez commencer par répondre, je permettrai ensuite à M. Jordan de poser une deuxième question, après quoi nous devrons nous rendre en Chambre.

Le brigadier-général Ernest B. Beno (retraité) (expert- conseil, Réserves 2000): Tout d'abord, pouvez-vous me rappeler la deuxième partie de la question? Nous ne vous entendions pas de là- bas.

M. Joe Jordan: Bien sûr, et je n'ai pas de deuxième question.

Une chose m'inquiète: quand l'armée envisage de réduire le budget, elle le fait de façon systématique. J'espère simplement que quelqu'un en viendra à se dire qu'il serait possible de faire plus avec moins grâce aux réserves. C'est faire preuve de courte vue que de réduire les effectifs des réserves alors qu'elles sont synonymes de souplesse et qu'elles permettent d'accroître la capacité des forces régulières sans qu'il soit nécessaire de la faire tourner au ralenti entre-temps.

• 1720

Bgén Ernest Beno: Je vous répondrais en disant que tout est question d'équilibre, parce que si l'on réduit de façon considérable les forces régulières, on les prive dès lors des moyens nécessaires pour former les réserves, pour appliquer la doctrine, pour entretenir les réserves et pour travailler à leur côté. Tout est question de partenariat et chaque partenaire apporte ses forces et ses limitations. La force régulière n'est pas au contact de la société civile, contrairement aux réservistes, comme dans votre circonscription. Il y a donc des avantages à pouvoir compter sur les forces régulières et sur les forces de réserve.

Il faut réaliser l'équilibre entre les deux. Il faut se garder de les opposer les unes aux autres. Il s'agit d'un effort concerté. Dans ce genre de partenariat, on exploite les points forts de chaque partenaire, mais on reconnaît aussi ses limitations. Voilà essentiellement ce que j'avais à dire.

Le président: Merci beaucoup. Je tiens à remercier nos invités que nous serons heureux d'accueillir de nouveau. Nous sommes désolés d'avoir dû limiter votre intervention.

Le comité se réunira de nouveau en février et je transmets tous mes voeux du temps des Fêtes à mes collègues membres du comité. Merci à vous tous.

La séance est levée.