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NDVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON NATIONAL DEFENCE AND VETERANS AFFAIRS

COMITÉ PERMANENT DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES ANCIENS COMBATTANTS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 23 mars 1999

• 1529

[Traduction]

Le président (M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.)): La réunion du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants est ouverte.

Chers collègues, nous allons entendre deux témoins qui ont suivi la procédure et qui ont demandé à comparaître. Je crois comprendre que d'autres personnes voudraient témoigner. Peut-être pourrais-je commencer la réunion ainsi. Bien sûr, nous devons suivre la procédure, par souci d'équité envers tout le monde, et si un particulier ou un groupe souhaite comparaître devant le comité, il a évidemment le droit de le faire, mais il ne suffit pas de se présenter en personne le jour de son choix. Toutefois, s'il y a des gens qui aimeraient prendre la parole, et si le temps nous le permet... Je ne voudrais pas léser les témoins ou les députés qui auraient des questions à poser, mais si nous avons le temps et si d'autres personnes voudraient prendre la parole, je laisserai au comité le soin de décider.

• 1530

Mais si ces gens n'ont pas l'occasion de se faire entendre aujourd'hui et s'ils souhaitent comparaître devant le comité, je les encouragerais à suivre la procédure habituelle et à écrire au greffier, et nous allons nous efforcer de les inscrire au calendrier des audiences, car nous voulons nous assurer, dans ce dossier très important, qu'aucun groupe ou particulier qui souhaite comparaître ne soit écarté.

Cela dit, avant d'entendre les témoins, j'aimerais vous faire savoir que nous avons discuté des projets de voyage qui sont envisagés relativement à la question de l'approvisionnement, et j'ai demandé aux partis d'opposition de s'assurer que leur leader à la Chambre appuie les déplacements de ce genre. J'aimerais demander à chaque député, en commençant par M. Hart, s'ils ont eu l'occasion de le faire. Ceci, afin que nous sachions où nous en sommes avant de demander au greffier et à nos recherchistes d'entreprendre le travail qu'exige l'organisation de ce voyage. Pouvons-nous donc demander à chaque député, en commençant par M. Hart, si les partis sont d'accord?

M. Jim Hart (Okanagan—Coquihalla, Réf.): J'ai envoyé une lettre au leader à la Chambre et au whip du parti, et j'ai aussi fait des démarches auprès du porte-parole en chef de la défense. Tout porte à croire qu'il n'y a aucun problème.

Le président: Merci, monsieur Hart.

Le Parti réformiste s'est donc engagé à appuyer les voyages dont nous avons parlé, il y a quelques réunions.

[Français]

Monsieur Laurin, pour le Bloc québécois, avez-vous étudié cela?

M. René Laurin (Joliette, BQ): Pas de problème.

[Traduction]

Le président: D'accord, nous avons aussi l'appui du Bloc québécois.

Monsieur Earle.

[Français]

M. Gordon Earle (Halifax-Ouest, NPD): Pas de problème.

[Traduction]

Le président: Merci.

Le NPD annonce qu'il appuie entièrement les voyages que nous avons dernièrement approuvés à titre provisoire.

Monsieur Price, du Parti progressiste-conservateur.

M. David Price (Compton—Stanstead, PC): Le PC estime que les voyages du comité sont très importants, et nous en ferons partie.

Le président: D'accord. Merci beaucoup.

Je sais que les députés de la majorité sont de cet avis, et je me réjouis que tous les députés du comité aient exprimé l'appui entier de leur parti pour les voyages dont nous avons discuté afin d'étudier la question de l'approvisionnement. Évidemment, notre personnel est maintenant au courant, et je lui demanderais d'entreprendre les démarches préliminaires pour nous préparer à effectuer ces voyages dès que notre horaire nous le permettra.

Merci beaucoup. Nous allons maintenant entendre les témoins.

[Français]

M. Laurin invoque le Règlement.

M. René Laurin: Monsieur le président, j'ai une question au sujet de l'organisation du prochain voyage.

Est-ce qu'il serait possible que nous soyons informés des dates choisies avant qu'elles ne soient arrêtées? Des rencontres avec d'autres délégations sont déjà prévues; plus particulièrement, il y en a une en juin concernant les anciens combattants, et je trouverais dommage que les dates soient incompatibles avec d'autres engagements déjà pris.

[Traduction]

Le président: Oui, c'est une question très pertinente. Je demanderais au personnel de nous proposer des dates possibles. Il connaît les engagements du comité. Nous voulons certainement régler ce dossier, dans toute la mesure du possible, avant d'interrompre nos travaux, sauf que nous devrons faire une pause lorsque le ministre de la Défense nationale sera en mesure de présenter ses prévisions. Donc, peut-être que dans un prochain avenir nous pourrons demander aux whips de nous proposer des dates possibles pour les déplacements envisagés, pour bien planifier notre calendrier.

Merci. C'est un excellent point.

Monsieur Price.

M. David Price: À ce sujet, il ne faut pas oublier l'Association parlementaire de l'OTAN, dont font partie bon nombre des députés du CPDNAC. C'est à la fin du mois de mai.

• 1535

Le président: Merci beaucoup de ce rappel. Peut-être que le personnel pourra nous présenter quelques propositions.

Je remercie les témoins d'avoir fait preuve de patience pendant que nous avons réglé certains points en suspens par ailleurs importants.

Nous nous sommes réunis pour entendre les opinions de nos deux témoins au sujet du versement éventuel d'une indemnisation aux marins marchands. Nous allons commencer par la Merchant Navy Coalition for Equality.

Monsieur Williams Bruce, êtes-vous prêt à commencer votre exposé?

M. William Bruce (Anciens combattants de l'Association de la marine marchande canadienne; Merchant Navy Coalition for Equality): Oui.

Le président: Je vous souhaite la bienvenue. Nous sommes heureux d'écouter votre exposé, et les députés vous poseront des questions lorsque vous aurez terminé.

M. William Bruce: Merci beaucoup.

Monsieur le président et honorables députés du comité permanent, je m'appelle William Bruce. Je vous remercie sincèrement de me donner l'occasion de comparaître devant vous, nos représentants parlementaires, et j'espère que vous en arriverez à une conclusion satisfaisante pour réparer l'injustice dont les anciens membres de la marine marchande du Canada sont victimes depuis beaucoup trop longtemps déjà. J'ai eu le plaisir de faire une démarche semblable à celle-ci le 3 juin 1993, pour appuyer mes anciens collègues de la marine marchande qui avaient été prisonniers de guerre.

J'aimerais présenter quelques personnes qui assistent à l'audience d'aujourd'hui. George Shaker est également témoin; il est accompagné de sa femme, Yvette. M. Gordon Olsmtead voulait venir, mais il n'a pas pu le faire. Mme Dorothy Olmstead est ici présente, accompagnée de son fils, Donald, qui voulait voir comment fonctionnent ces comités, son père ayant comparu si souvent devant eux.

Allan MacIsaac est président de la MNCE et président des Anciens combattants de l'Association de la marine marchande canadienne. Comme vous le savez, nous représentons le plus grand nombre de marins marchands du temps de guerre des associations de la marine marchande.

Bill Riddell, de l'Association de la marine marchande canadienne, n'est pas ici, mais vous le connaissez. Tom Brooks, capitaine au long cours, est un ancien président intérimaire de la coalition. M. et Mme John Vernie sont également présents. M. Fred Enderoff représente l'Association des officiers de la marine du Canada, et s'est montré d'un grand soutien.

Mme Muriel MacDonald, que vous avez rencontrée, est directrice exécutive de la coalition. Le professeur Foster Griezic est professeur auxiliaire d'histoire canadienne à l'Université Carleton et travaille à titre de conseiller et de consultant auprès de la coalition depuis plus de 10 ans, comme vous le savez.

Mes collègues de la marine marchande, Cliff Craig et Vic Fouve, ont survécu au naufrage du SS Point Pleasant Park, qui a été torpillé et coulé le 23 février 1945. M. Everett Arsenault, de Terrebonne, qui était également à bord du Point Pleasant Park, voulait assister à la réunion, mais il n'a pu le faire à cause de problèmes de santé. M. Jim Murray, de la Canadian Merchant Navy Prisoner of War Association, est également dans la salle.

J'aimerais faire un dernier commentaire avant de commencer mon exposé. La Direction nationale de la Légion royale canadienne a présenté un exposé le jeudi 18 mars. Cet exposé m'a déçu et exaspéré. La Légion ne nous a pas appuyés par le passé. Elle ne nous a pas intégrés en tant que membres ordinaires. Je le sais, car je suis l'un des marins marchands qu'elle a refusé d'admettre. Il en est de même de mon collègue, John Gill, de Greenfield Park, au Québec. Elle n'a pas voulu l'admettre non plus.

Elle dit qu'elle nous appuie maintenant, et pourtant elle veut intégrer entre autres le commandement des traversiers. Cela ne fait aucun sens. Elle dit parler au nom de la marine marchande. Nous ne parlons pas au nom de la Légion. Pourquoi essaie-t-elle de renverser le problème qu'elle a créé en 1991 par son groupe de contrôle, lorsqu'elle faisait la même chose? C'est dégoûtant.

Je tenais simplement à le dire officiellement. Elle nous a rencontrés afin que nous puissions collaborer. Pourquoi ne collabore-t-elle pas avec nous?

• 1540

Je témoigne devant vous pour mettre en lumière les lacunes du projet de loi C-61 et pour formuler quelques recommandations sur les moyens que vous pourriez prendre pour rectifier la situation des anciens membres de la marine marchande avant qu'ils décèdent tous.

J'exposerai aussi comment nous avons été recrutés pour servir dans la marine et comment nous avons ensuite été obligés de fréquenter une école d'entraînement. Cela se rapporte directement au projet de loi C-61, qui modifiera la loi C-84, restrictive, exclusive et fondée sur des définitions étroites.

Une des raisons pour lesquelles je comparais aujourd'hui devant vous tient à ceci: bien que l'honorable G.S. Merrithew, alors ministre des Anciens combattants, ait promis que la loi C-84 conférerait un statut égal à celui de nos collègues militaires du temps guerre, tel n'a pas été le cas.

En effet, son successeur, l'honorable Kim Campbell, a déclaré, dans une lettre datée du 8 avril 1993, que la loi susmentionnée ne nous avait donné accès qu'à certains des avantages et des services attribués à nos collègues des forces armées. Dans une autre lettre, datée du 30 avril 1993, elle a admis que les marins marchands auraient droit à des prestations de pension s'assimilant le plus possible à celles versées aux militaires du temps de guerre, mais non égales à celles-ci.

Elle a en outre admis que la définition du mot «service» avait été restreinte, de sorte que la période couverte ne comprenait pas les mois d'entraînement passés à Prescott, à St. Margaret ou à l'école de tir, ni les jours qu'il fallait pour se rendre au point d'embarquement selon les ordres reçus, ni le temps passé dans les dépôts d'équipage, ni même les périodes de navigation dans les eaux côtières où les sous-marins nazis torpillaient et coulaient des navires et où des Canadiens étaient tués. J'ai fait l'entraînement demandé, mais, pour une raison quelconque, cette période ne compte pas aux fins de la pension.

Le projet de loi C-61 corrigera des lacunes de la loi antérieure et répondra à certaines des plaintes des anciens marins marchands. Elle nous reconnaîtra enfin officiellement le titre d'anciens combattants, car nous relèverons de la Loi sur les allocations aux anciens combattants, bien qu'aux dires d'anciens combattants des forces armées cela ne pût se faire. De même, nous serons régis par la Loi sur les pensions des anciens combattants militaires; or, certains dirigeants des associations d'anciens combattants doutaient aussi que ce fût possible.

La marine marchande sera reconnue comme une arme en bonne et due forme, et tout le temps que nous y aurons passé comptera aux fins de la pension, de sorte que nous aurons enfin droit aux mêmes prestations réduites que celles versées à nos homologues des forces armées.

Le projet de loi comporte cependant de graves lacunes. Avant d'en parler, j'aimerais préciser pourquoi les anciens marins marchands méritent cette loi et attirer l'attention sur le dédommagement à titre gracieux qui n'y figure pas et sur les raisons pour lesquelles tout le temps passé par les prisonniers de guerre dans les camps d'internement doit compter et être reconnu aux fins du calcul de la pension, aspect que la loi proposée ne mentionne pas non plus.

Nous sommes d'anciens combattants du temps de guerre. J'ai été recruté dans la marine marchande. Adolescent, j'estimais qu'il était de mon devoir de servir mon pays. J'ai essayé de m'enrôler dans l'armée, mais j'ai été réformé à cause d'une faiblesse de l'oeil droit. Tandis que je me promenais dans la Gare centrale de Montréal, j'ai aperçu une affiche qui disait: «Le Canada a besoin de toi. Engage-toi dans la marine marchande!» Comme je voulais servir mon pays, c'est ce que j'ai fait.

Je fus envoyé à l'École de mécanique navale de la marine marchande, à Prescott (Ontario), où j'ai passé trois mois à suivre un cours sur les chaudières, les moteurs et les pompes. Le gouvernement me versait la fabuleuse somme de 5 $ la semaine de sept jours. C'était là un salaire inférieur à la plus faible solde payée à un soldat de l'armée. En outre, je devais acheter moi-même mes vêtements civils et mes tenues de travail.

Avant que j'arrive à cette école, un accident avait tué deux stagiaires et en avait blessé un autre. Le gouvernement estima que c'était là des décès et des blessures «hypothétique», mais les noms des morts ont finalement été inscrits dans le Livre du souvenir grâce aux efforts du professeur Griezic.

• 1545

Nous étions obligés de servir, à titre de membres d'un élément paramilitaire. À la fin du cours, je n'aurais pas pu partir même si je l'avais voulu, car la police militaire ou la GRC m'aurait arrêté. On m'a envoyé à un dépôt d'équipage à Montréal pour que j'y attende mon embarquement. Je ne pouvais partir de là non plus.

Nous étions assujettis au Décret concernant les matelots marchands et aux directives du juge-avocat général (Marine). Pendant que j'attendais mon affectation, des matelots de la MRC m'ont donné un cours de tir. À bord des navires, nous faisions partie, à titre de membres de la marine marchande, des équipages qui utilisaient les canons. Nous aurions dû être désignés anciens combattants en 1945, et non 54 ans plus tard, aux termes du projet de loi C-61.

Nous étions tenus de faire ce que l'on nous demandait. La marine marchande avait l'ordre de livrer la marchandise. Nous naviguions en vertu d'ordonnances scellées de l'Amirauté. Nous transportions les troupes jusqu'à leurs destinations ou théâtres de guerre, en traversant des zones de guerre; nous acheminions les ravitaillements et le matériel de guerre; nous circulions dans des eaux dangereuses; nous avons contribué à forcer les Allemands à lever le siège à Malte; nous avons combattu l'ennemi et nous avons été tués ou blessés. Bon nombre d'entre nous ont été faits prisonniers de guerre.

Puis, après la guerre, nous avons dû endurer la négligence et les traitements injustes du gouvernement. Nous n'avons pas eu droit aux prestations versées aux anciens membres des forces armées. Un de mes amis qui avait été libéré de la marine et moi sommes allés à un bureau des anciens combattants, à Montréal, pour obtenir des prestations et de l'aide. Mon ami a été accueilli à bras ouverts. J'ai dit aux autorités que j'avais fait partie de la marine marchande; elles m'ont demandé si j'avais été blessé en mer par l'ennemi. J'ai répondu que non. Elles m'ont dit: «Il n'y a aucune prestation pour vous.»

Plus tard, j'ai fait des démarches, avec ce même ami, pour obtenir un permis de mécanicien de machines fixes (Commission du Québec). Mon ami a pu subir l'examen immédiatement. On m'a dit que je devais avoir 18 mois d'expérience à titre d'apprenti sous la direction d'un mécanicien accrédité avant de pouvoir subir l'examen donnant droit au permis. Rien d'étonnant à ce que les anciens marins marchands en veuillent au gouvernement canadien, vu la façon dont il nous a traités.

Ces exemples de négligence et d'injustice montrent pourquoi le gouvernement doit nous dédommager en nous versant une indemnité à titre gracieux comme il l'a fait pour les anciens combattants de Hong Kong et les anciens marins marchands faits prisonniers de guerre en Extrême-Orient. Nous ne demandons pas le même montant, mais plutôt 20 000 $ pour chaque ancien membre de la marine marchande du temps de guerre, ou pour son épouse, et un autre montant de 20 000 $ pour chacun de nous qui a été interné dans les camps de prisonniers—pour nous dédommager de ces mauvais traitements de la part du gouvernement.

La loi C-84 ne mentionne aucunement les anciens marins marchands faits prisonniers de guerre. Le projet de loi C-61 améliore le sort de ces marins et de leurs épouses, mais ce n'est pas suffisant.

Je n'ai pas l'intention d'aborder le dossier des anciens marins marchands faits prisonniers de guerre, dont M. Gordon Olmstead s'est si bien fait le champion et dont la cause a maintenant été confiée au compétent George Shaker, ancien marin marchand qui fut lui-même prisonnier de guerre et qui parlera de cette affaire.

Nos camarades du temps de guerre, qui ont été internés en Europe, au Japon ou ailleurs en Asie, ont été traités plus mal que nous à bien des égards. Ce sont aussi des anciens combattants. Ils ont été capturés par l'ennemi quand leur navire a été coulé, puis transportés et isolés dans des camps d'internement; ils étaient assujettis à la discipline militaire ennemie ainsi qu'à la discipline militaire imposée par leurs camarades militaires; malgré tout, ils ne sont pas considérés comme étant des anciens combattants.

Le 17 juin 1992, l'honorable M. Merrithew a déclaré que nous avions été délibérément exclus de la définition donnée à cette expression. J'ai demandé à plusieurs députés ce que nous étions, sinon des anciens combattants. J'attends toujours la réponse à cette question. Si nous le sommes effectivement, nous devrions bénéficier des mêmes lois que nos camarades militaires, comme le projet de loi C-61 le propose. La même situation existe en Australie.

• 1550

Comme les prisonniers de guerre de la marine marchande ont été internés très longtemps—en moyenne pendant 50 mois—et qu'ils ont connu des conditions pénibles, il est logique de leur accorder un dédommagement proportionnel à la période d'emprisonnement. Je recommande fortement de prévoir cela dans le projet de loi C-61.

Tout le temps d'internement doit ouvrir droit à pension, et non pas seulement 30 mois, comme c'est actuellement le cas. Cette période peut couvrir même 36 mois dans des circonstances spéciales, mais limiter cette période à 30 mois c'est écarter les deux cinquièmes, ou 40 p. 100, du temps passé dans les camps. Les députés envisageraient-ils de ne pas compter les deux cinquièmes de leurs années passées aux Communes, aux fins du calcul de leur pension? Je ne le crois pas!

Je vais terminer mon intervention.

Mes camarades et moi sommes insultés par les propos de M. Chadderton, qui soutient que nous devrions recevoir de 150 $ à 200 $ par mois comme dédommagement pour 54 années d'injustice. 150 $ par mois, cela représente 38 $ par semaine, 1 800 $ par année. Si vous recevez des prestations pendant cinq ans cela représente 9 000 $. C'est une insulte.

Quelle magnifique affaire pour 50 000 $, ce que même M. Chadderton a proposé dans son exposé du mois d'octobre. Il y a vraiment quelque chose qui cloche ici.

Le versement d'un tel dédommagement aux anciens marins marchands qui ont été prisonniers de guerre serait loin de grever le budget de l'État. En effet, le ministère des Anciens combattants a remis des millions de dollars au Conseil du Trésor, chaque année. Par ailleurs, il ne reste qu'un petit nombre d'anciens marins marchands. Nous avons été obligés de servir le Canada dans la marine marchande et nous avons participé à l'effort de guerre; après le conflit, le gouvernement ne s'est pas occupé de nous et a fait preuve de discrimination à notre endroit. Vous conviendrez avec moi, j'en suis sûr, que ce dédommagement, nous l'avons bien mérité.

Je vous remercie.

Le président: Merci, monsieur Bruce.

Nous passerons maintenant à la première ronde des questions de 10 minutes, en commençant par M. Hart, du Parti réformiste.

M. Jim Hart: Je tiens à vous remercier, monsieur Bruce, de votre intervention aujourd'hui.

Je dois avouer que lorsque j'ai été élu pour la première fois en 1993 j'avais cru que cette question serait réglée rapidement par le gouvernement du Canada. Il est clair qu'il existe une injustice. Les gens que j'ai connus au cours des dernières années et qui s'occupent de la question—M. Olmstead et M. Foster Griezic—ont certainement présenté l'affaire de façon très claire. J'espère que vos interventions sauront faire avancer le dossier.

J'aimerais obtenir un peu plus de renseignements sur le dédommagement offert aux prisonniers de guerre; pourriez-vous nous en dire un peu plus long? Je sais que d'autres anciens combattants qui ont été prisonniers de guerre ont en moyenne passé moins de temps dans les camps de prisonniers. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi les marins de la marine marchande ont passé plus de temps qu'eux et les membres des autres services dans les camps de prisonniers de guerre?

M. William Bruce: Puis-je demander à M. Shaker de répondre?

M. Jim Hart: Certainement.

M. George Shaker (président, Canadian Merchant Navy Prisoner of War Association; Merchant Navy Coalition for Equality): La bataille de l'Atlantique, qui s'est déroulée de 1939 à 1943, a été la plus longue bataille de la guerre; à mon avis, environ 90 p. 100 des membres de la marine marchande qui ont été faits prisonniers ont été faits prisonniers pendant cette période. Un plus grand nombre de navires ont été coulés pendant cette période que pendant toute autre période de la guerre. La bataille tirait à sa fin en 1943—moins de navires ont été coulés pendant cette période—mais l'ensemble de ceux qui ont été faits prisonniers ont été faits prisonniers pendant cette période, entre 1939 et 1943, et ont donc été dans un camp de prisonniers pendant quatre ans ou plus.

• 1555

Le président: Pardon, monsieur Shaker, avez-vous l'intention de présenter un exposé au comité?

M. George Shaker: Oui.

Le président: Très bien. Je m'excuse. Je crois que les choses iraient peut-être mieux si on vous demandait dès maintenant, monsieur Shaker, de présenter votre exposé. Puis lorsque vous aurez terminé nous passerons à la période des questions, en commençant par M. Hart. Je m'excuse.

Merci, monsieur Bruce. Nous entendrons maintenant M. Shaker.

M. George Shaker: Monsieur le président, honorables membres du comité permanent, je m'appelle George Shaker et je suis président de la Canadian Merchant Navy Prisoner of War Association, société membre de la Merchant Navy Coalition for Equality. Au nom des membres de l'association, je vous remercie de nous donner l'occasion de témoigner devant vous.

J'aimerais dédier ce mémoire à M. Gordon Olmstead, qui pendant de nombreuses années n'a pas ménagé ses efforts pour assurer la dignité et la fierté des membres de la marine marchande et des prisonniers de guerre de la marine marchande.

J'aimerais également remercier M. Foster Griezic, conseiller auprès de la Merchant Navy Coalition for Equality, qui nous a été d'une aide inestimable, car il a procédé à des recherches sur le rôle des membres de la marine marchande canadienne et sur leur traitement pendant les périodes de guerre.

J'aimerais maintenant aborder une autre question qu'on a peut-être oubliée. Cela n'a rien à voir avec mon mémoire, mais je pense aux prisonniers de guerre de l'Extrême-Orient de la marine marchande et au traitement horrible qu'ils ont reçu dans les camps japonais. Il est important de les mentionner, parce que le gouvernement continue à les oublier.

Lorsque eux, tout comme les prisonniers de guerre de Hong Kong et de Buchenwald, ont reçu un dédommagement à titre gracieux, les prisonniers de guerre de la marine marchande n'ont même pas été mentionnés dans les déclarations ou les communiqués de presse de l'honorable M. Axworthy, ministre des Affaires étrangères, ou de l'honorable M. Mifflin, ministre des Anciens combattants. En fait, c'est M. Griezic, qui interviewe actuellement les prisonniers de guerre, qui a communiqué avec ces survivants et qui a donné leurs noms au ministère afin d'assurer qu'ils seraient inclus dans la liste de ceux qui sont admissibles à ce paiement. J'ai la liste de ces membres de la marine marchande si vous voulez la consulter.

Dans le mémoire que je présente aujourd'hui, je vais relater certains chapitres de l'histoire de la marine marchande du Canada et mon expérience personnelle à titre de marin marchand et de prisonnier de guerre. Je présenterai en outre une demande que les anciens combattants de la marine marchande formulent pour être dédommagés de l'injustice du gouvernement qui leur a refusé les prestations de réadaptation et de démobilisation consenties par ailleurs aux anciens combattants des forces armées, avantage dont ils sont privés depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Le gouvernement actuel peut rectifier l'injustice du passé à bon prix, sans attendre le décès imminent des anciens membres de la marine marchande qui ont servi loyalement le Canada en guerre et qui ont donné leur vie pour lui. Les gouvernements canadiens successifs nous ont traités abominablement, nous qui sommes désormais vieux. Le gouvernement actuel a la chance de rectifier les erreurs du passé, et tous les Canadiens et les Canadiennes le féliciteraient s'il le faisait.

Nous remercions les membres du gouvernement et les autres partis de la coopération dont ils ont fait preuve pour adopter le projet de loi C-61. Je remercie aussi les membres du comité qui ont parlé avec vigueur en faveur des anciens combattants de la marine marchande au stade de la deuxième et de la troisième lectures. Après 54 ans, les prisonniers de guerre de la marine marchande du Canada bénéficieront enfin des mêmes services que ceux qui sont assurés aux anciens combattants des forces armées.

Le gouvernement sait très bien qu'il y a eu discrimination contre les marins marchands et les marins marchands prisonniers de guerre. L'État n'a toujours pas répondu aux demandes des nôtres qui, en 1945 et par la suite, ont réclamé des prestations et le statut d'ancien combattant. J'ai fait partie de ceux qui ont correspondu avec le ministre Ian MacKenzie pour obtenir un soutien. Gordon Olmstead était de ce nombre lui aussi.

Anciens combattants Canada continue d'affirmer que les prisonniers de guerre des forces armées et de la marine marchande ont été dédommagés de la même manière et que les deux groupes ont reçu un montant identique. Le ministère dit que le paiement compensatoire a été calculé en fonction de la durée d'internement, jusqu'à concurrence de 30 mois. Mais qu'en est-il des 48 à 58 mois passés dans les camps de concentration par les anciens prisonniers de guerre de la marine marchande?

L'honorable M. Merrithew, ministre des Anciens combattants, a entériné la résolution no 4 adoptée en 1992 au congrès de la Légion, résolution selon laquelle la durée d'internement est incalculable. C'est là un concept qu'il serait difficile de contester, mais le ministère n'y donne pas suite.

• 1600

Les officiers et les marins de la marine marchande du Canada étaient des Canadiens qui respectaient des ordres du gouvernement canadien et de l'Amirauté pour appuyer les alliés. Nous étions en état d'alerte une semaine avant le début de la Seconde Guerre mondiale. Nous avons assuré le transport des soldats, du personnel naviguant, des travailleurs de guerre, de carburant, de nourriture, de munitions et de tous les approvisionnements de guerre dans l'Atlantique vers la Grande-Bretagne et la Russie et d'autres régions du monde, là où les soldats canadiens avaient besoin de ces approvisionnements.

Les recherches faites par Gordon Olmstead, distingué président sortant de notre association, montrent qu'environ 12 000 marins marchands se sont portés volontaires pour servir le Canada au cours de la Seconde Guerre mondiale. Selon les dossiers du gouvernement, c'est la marine marchande qui a subi les pertes les plus lourdes de toutes les branches des forces armées: pour la marine, un membre sur 47, pour l'armée, un sur 32, et pour l'aviation, un sur 16. C'est aussi elle qui a enregistré le plus fort pourcentage de prisonniers de guerre dans ses rangs. Certains navires ont même été coulés dans le Saint-Laurent par des sous-marins.

On nous a dit que nous étions le cordon ombilical de l'effort de guerre. On nous a dit que nous représentions un service essentiel. On nous a dit qu'il fallait qu'on achemine les marchandises. Nous étions des marins canadiens fiers, venant de toutes les provinces. Nos marins parlaient l'anglais et le français.

Nos navires étaient lents, et naviguaient souvent sans protection de la marine, et pouvaient être attaqués par des sous-marins allemands, des bateaux de surface ou des avions ennemis. Nous avons traversé l'Atlantique Nord en hiver, avant que des radars, du matériel de survie moderne ou des méthodes de recherche et de sauvetage ne soient établis. Il ne faut pas oublier qu'on risquait toujours de rencontrer un ennemi efficace et souvent cruel.

Nous n'étions pas considérés comme étant les égaux de nos camarades militaires que nous transportions à travers une zone de guerre jusqu'à d'autres théâtres en Méditerranée, en Europe et dans le Pacifique. Nous étions payés moins que nos homologues militaires. Nous payions de l'impôt même sur nos bonus de guerre en 1942; des épargnes étaient obligatoirement déduites de notre salaire, mais peu d'entre nous purent les encaisser par la suite. Nous n'avions accès ni aux hôpitaux militaires ni aux soins de santé. Il n'existait pour nous aucun régime d'indemnisation pour accident du travail; les pensions étaient très restreintes, et nous n'avions droit à aucun avantage.

La bataille de l'Atlantique, c'est-à-dire la plus longue bataille de la guerre, a servi de toile de fond aux marins marchands canadiens qui ont été capturés par l'ennemi pendant le deuxième conflit mondial. Le gouvernement et les historiens du Canada n'ont pas reconnu l'ampleur désastreuse des pertes encaissées alors par la marine marchande.

Cent quatre-vingt-dix-huit marins marchands canadiens qui se heurtèrent à l'ennemi furent capturés en mer après que leur navire eut sombré. C'est là un pourcentage plus élevé que ceux enregistrés par les autres armes. Nous avons été emprisonnés plus longtemps que les membres des forces armées. La plupart des nôtres ont passé quatre ans—de 48 à 58 mois—dans des camps en Europe, mais 23 ont été internés pendant plus de trois ans en Extrême-Orient. Sur le théâtre du Pacifique, les conditions étaient on ne peut plus dégradantes. Les prisonniers de guerre membres de la marine marchande étaient traités comme des moins que rien.

Des preuves médicales réunies au Canada et aux États-Unis confirment l'effet nuisible qu'a eu l'incarcération dans les prisons ennemies. Le rapport Herman de 1973 a établi le lien entre l'internement pendant la guerre et la mort et le vieillissement prématurés, le stress, les traumatismes, la nervosité ou les troubles nerveux, l'angoisse, l'insécurité et d'autres effets physiologiques ou psychologiques. Des publications américaines et des recherches faites auprès d'anciens prisonniers de guerre américains confirment l'existence des problèmes affligeant les anciens prisonniers de guerre à la suite de leur incarcération. Aucune étude n'a été faite sur les anciens prisonniers de guerre de la marine marchande du Canada, et on n'a jamais suivi leur cas d'une façon officielle.

Les anciens marins marchands faits prisonniers de guerre étaient ingénieux, indépendants et patients et avaient du caractère. Ces qualités leur ont été fort utiles en 1945, quand ils sont rentrés au Canada, où, tant à bord des navires qu'à terre, on leur réserva un accueil officiel des plus froids.

Les anciens marins marchands faits prisonniers de guerre ont reçu et reçoivent certains avantages, mais la discrimination du gouvernement continue à leur égard. Cette injustice doit cesser immédiatement, et il est à espérer que les associations d'anciens combattants des forces armées nous accorderont ouvertement et activement leur appui en ce sens.

Mon expérience comme prisonnier de guerre ne se compare pas du tout à ce qu'ont vécu ceux qui ont été gravement blessés ou brûlés pendant la guerre et simplement abandonnés à leur sort. La majorité ont été ignorés par le gouvernement, et en fait ce dernier a même créé des obstacles pour certains d'entre eux.

En octobre 1940, j'ai reçu de l'Institut d'électronique du Canada un certificat d'opérateur radio décerné par le ministère des Transports. J'avais demandé un brevet d'officier dans l'aviation également. On m'a offert un poste d'opérateur radio à bord du vapeur canadien A.D. Huff, sur lequel je me suis embarqué à Halifax. Il s'agissait d'un cargo classique dont l'équipage comptait 42 membres et qui transportait du minerai de fer de Darmouth, en Nouvelle-Écosse, et du papier journal de Dalhousie, au Nouveau-Brunswick.

• 1605

Nous sommes partis pour la Grande-Bretagne. Nous avons reçu des consignes chiffrées de l'Amirauté qui indiquaient la route à suivre. Nous ne devions avoir aucune protection jusqu'à notre arrivée au large de l'Écosse, où nous nous sommes joints à un autre convoi et avons navigué le long de la côte est de la Grande-Bretagne, escortés par des avions et des croiseurs. La bataille d'Angleterre battait alors son plein. À Londres, les quais brûlaient. Nous avons jeté l'ancre dans la baie jusqu'à ce que les débarcadères fussent dégagés pour y recevoir notre chargement.

Nous avons quitté Londres le 11 février 1941 et avons remonté la côte est pour rejoindre le convoi à Oban. Le convoi est parti avec ses escortes, mais comme cela avait été le cas auparavant, les escortes sont retournées à leur base une fois que nous nous trouvions à 300 milles de la côte. Encore une fois, nous avons reçu des consignes chiffrées de l'Amirauté nous indiquant la route à suivre jusqu'au Canada.

Vers midi le 22 février 1941, le A.D. Huff se trouvait à environ 500 milles de Halifax quand un petit aéronef survola et largua sur le pont un message enroulé qui fut remis au capitaine MacDowell. Il le lut, le jeta par-dessus bord et donna l'ordre de poursuivre la route en avant toute.

En passant, le navire d'une des personnes qu'a présentées M. Bruce, M. Jim Murray, a été coulé six heures après notre navire. Nous avons été coulés par le Gneisnau, et son navire a été coulé six heures plus tard par le Scharnhorst. Les deux navires se trouvaient près des côtes du Canada et des États-Unis.

L'avion était un éclaireur qui avait décollé du cuirassé de poche allemand Gneisnau. Le capitaine m'a ordonné d'envoyer le message que nous étions attaqués par un corsaire de surface ennemi. Juste comme je commençais à envoyer le message, le cuirassé a ouvert le feu. Deux obus ont éclaté au-dessus du navire et les trois qui ont suivi ont touché la salle des machines; deux hommes furent tués et cinq autres brûlés. Le commandant en second, M. Kerr, subit des brûlures graves en se portant au secours des mécaniciens.

Nous n'avons reçu aucune réponse de la côte, car le cuirassé utilisait un puissant émetteur à éclateur pour brouiller nos messages. Le Canada n'avait d'ailleurs aucun bâtiment qui aurait pu égaler l'armement et la vitesse du Gneisnau.

Le capitaine nous a ordonné d'abandonner le navire. Mon opérateur, Gerald Conrod, et moi avons quitté la salle des radios, que des obus ont atteinte tout de suite après. Nous avons sauté à l'eau. Des chaloupes de sauvetage avaient été mises à la mer. Nous avons été heureux d'être repêchés avec le capitaine MacDowell et le manoeuvrier Ernie Shackleton. Tandis que nous nous éloignions du navire qui sombrait, le Gneisnau nous a intimé l'ordre d'accoster et nous a pris à bord en tant que prisonniers de guerre. C'est alors qu'ont commencé mes 1 528 jours d'incarcération comme prisonnier de guerre.

Nous avons été transférés en plein Atlantique sur un navire de prisonniers, l'Ermeland, pour nous rendre vers notre premier camp de prisonniers, en France. Après dix jours, on nous a mis dans des wagons pour nous acheminer vers notre premier camp de prisonniers de guerre allemand, le Stalag 10B. Les Allemands nous ont traités comme si nous avions été membres de l'armée, de la marine ou de l'aviation canadienne. À leurs yeux, nous étions des combattants.

Pendant ce temps, j'ai subi une opération à la cheville; je m'étais blessé quand je fus transféré du cuirassé au navire-prison. Je m'étais évanoui de douleur pendant l'appel, un matin, et l'on m'avait emmené chez le médecin du camp.

Les Allemands ne remplissaient aucun compte rendu de blessures, contrairement à ce que faisait le gouvernement canadien. Tous les dossiers du camp furent, semble-t-il, perdus ou détruits après la guerre. La cynique administration canadienne a invoqué l'inexistence d'un tel compte rendu pour refuser aux anciens combattants les indemnités auxquelles ils avaient droit. J'ai moi-même connu cet affront quand le gouvernement canadien a mis en doute l'origine de mes blessures.

Lorsque j'étais à l'hôpital j'ai reçu des nouvelles du Canada, et on m'annonçait qu'on m'offrait une commission dans l'aviation. Cependant, avec ma chance, les Allemands ne m'ont pas laissé retourner à la maison pour y subir un examen physique.

En 1942, on nous fit marcher jusqu'à un camp de prisonniers de guerre navals appelé Marlag et Milag Nord. Les prisonniers étaient des membres de la Royal Navy et de la Marine royale du Canada. Nous avons commencé à recevoir des colis de la Croix-Rouge peu après notre arrivée dans ce camp. Cependant, il y avait de longues périodes pendant lesquelles aucun colis n'arrivait. Après que les alliés eurent franchi le Rhin, plus aucun colis ne nous parvint.

Notre camp était libéré le 28 avril 1945 par la Deuxième Armée britannique, précédée par le son des cornemuses. Ce n'est pas nécessairement mon instrument préféré, mais ce jour-là cette musique me parut divine.

• 1610

Les prisonniers membres de la Royal Navy et de la Marine royale du Canada furent déménagés du camp, et on les amena par avion en Grande-Bretagne d'abord. Ceux de la marine marchande canadienne durent attendre. Nous avons eu la chance d'arriver à Londres le jour de la Victoire, et les Britanniques nous réservèrent un merveilleux accueil.

Les militaires canadiens qui avaient été prisonniers de guerre furent amenés à Liverpool et rentrèrent aussitôt au Canada à bord du paquebot île de France. Les prisonniers de guerre membres de la marine marchande canadienne furent les derniers à être rapatriés. Lorsque nous sommes arrivés à Halifax, il n'y avait pas de fanfare, il n'y avait personne pour nous accueillir. En fait je ne suis arrivé à Toronto que le 16 juin 1945. Nous étions tellement affligés que la majorité d'entre nous voulaient retourner en Angleterre.

Le gouvernement canadien est le seul pays membre de l'Alliance occidentale qui n'a pas traité les membres de la marine marchande comme s'ils étaient des anciens combattants. Les Britanniques ont reconnu que les membres de la marine marchande méritaient la pleine compensation immédiatement après la guerre. Les Américains ont fait de même. Le gouvernement australien lui aussi, un tout petit peu plus tard. Le gouvernement canadien n'a pas accordé aux membres de la marine marchande le traitement ou les compensations qu'il a offerts aux autres membres des forces armées qui ont participé à la Seconde Guerre mondiale.

En passant, lorsque j'ai préparé cet exposé, j'ai passé en revue mes documents personnels. J'en fournis des copies au comité pour ceux qui désirent les consulter. J'ai été étonné de constater, en étudiant le relevé de mes allocations de détention, que celles-ci ont pris fin un mois avant mon retour au Canada. C'est moi qui ai payé mon voyage de retour au Canada, et il y a eu une déduction d'impôt sur le revenu. On ne m'a jamais vraiment expliqué pourquoi cela a été fait. J'ai les documents nécessaires pour le démontrer. Ceux qui le désirent pourront regarder ces documents.

J'ai quelques recommandations à formuler sur les avantages à accorder aux prisonniers de guerre ayant fait partie de la marine marchande. Le régime de dédommagement que je propose ici est justifiable, raisonnable et logique. Il équivaut à une petite partie de ce que le gouvernement nous doit, lui qui a fait preuve de discrimination et de négligence à notre égard.

Qu'un dédommagement soit accordé à tous les prisonniers de guerre, y compris ceux de la marine marchande, en fonction du temps réel passé dans les camps. Qu'aux fins de l'équité, les calculs soient extrapolés au-delà de la période de 30 ou 36 mois utilisée jusqu'ici et que les indemnités soient augmentées proportionnellement au nombre de mois d'internement dépassant cette période. Le ministère appuie cette demande en théorie, tout comme l'a fait l'ex-ministre en 1992. Il faut maintenant y donner suite.

Que le rajustement des indemnités soit rétroactif à la date de la première demande formulée en ce sens par l'Association des prisonniers de guerre de la marine marchande, soit 1989. Cela ne devrait pas coûter très cher.

Qu'étant donné l'horrible traitement réservé par les gouvernements successifs aux marins marchands faits prisonniers de guerre ou à leurs épouses ou époux, ceux-ci aient droit à un montant forfaitaire de 40 000 $ fait à titre gracieux et exempt d'impôt; cela compensera les avantages dont ils ont été privés au chapitre de la réadaptation et de la réinstallation.

Qu'étant donné la discrimination et la négligence dont les gouvernements successifs ont délibérément fait preuve à leur égard, les anciens combattants de la marine marchande ou leurs épouses ou époux aient droit à un paiement forfaitaire de 20 000 $ fait à titre gracieux et exempt d'impôt; cela compensera les avantages ou les possibilités dont ils ont été privés après la guerre.

Qu'étant donné l'inexistence d'un régime d'indemnisation des accidents du travail pour les marins marchands pendant la guerre et la discrimination et la négligence dont les gouvernements successifs ont délibérément fait preuve à leur égard, les anciens combattants de la marine marchande ou leurs épouses ou époux aient droit à un montant forfaitaire de 5 000 $ versé à titre gracieux et exempt d'impôt.

Enfin, que, même s'il est presque trop tard, pour reprendre le fameux titre que le sénateur Jack Marshall donna à son excellent rapport en 1991, vu l'âge des marins marchands en général et de ceux qui ont été prisonniers de guerre, en particulier, le gouvernement suive de plus près ceux qui vivent encore et qu'il agisse avant qu'ils soient tous décédés.

• 1615

J'aimerais ajouter un dernier commentaire. La majorité des prisonniers de guerre survivants ont plus de 80 ans. Nombre d'entre eux sont malades et ne peuvent avoir un niveau de vie acceptable. Pendant les quelques années qui leur restent ainsi qu'à leurs époux ou épouses, il faut absolument qu'on leur verse un montant forfaitaire qui leur permettrait de vivre leurs dernières années dans un certain confort. Rien de moins ne serait accepté.

Je tiens à vous remercier de l'intérêt que vous manifestez pour cette question. Je serai très heureux de répondre à vos questions. J'ai certains documents que vous pourriez consulter si vous le désirez.

Le président: Merci, monsieur Shaker.

Je suis très heureux que vous ayez mentionné la contribution de M. Olmstead à ce dossier. Je regrette qu'il ne puisse être des nôtres aujourd'hui, mais nous sommes heureux que son épouse et son fils soient des nôtres. Nombre d'entre nous ont eu le plaisir de le rencontrer et dans certains cas de voyager avec lui. C'est un chic type, et nous sommes heureux que vous veniez nous présenter ce dossier aujourd'hui, vous, M. Bruce et ceux qui vous accompagnent.

Avant qu'on ne passe aux questions, j'aimerais signaler que deux députés s'excusent de leur absence: M. Goldring, porte-parole du Parti réformiste, et Mme Wayne, porte-parole du Parti progressiste-conservateur. Ces deux députés ont dû s'absenter pour des raisons personnelles ou des raisons de maladie dans la famille. J'ai cru qu'il fallait le mentionner aux fins du procès-verbal, parce que ces deux députés s'intéressent vivement à cette question, ainsi qu'à toutes les questions qu'étudie notre comité. Cependant, ils s'intéressent tout particulièrement à ce problème.

Cela dit, nous passons au premier tour de questions de dix minutes, en commençant par M. Hart, du Parti réformiste.

M. Jim Hart: Merci, monsieur le président.

Je tiens encore une fois à vous remercier, monsieur Bruce et monsieur Shaker, non seulement de vos exposés, mais aussi de la façon dont vous avez servi le Canada comme membres de la marine marchande.

J'aimerais vous poser quelques questions sur les montants forfaitaires. Vous avez demandé à la troisième recommandation qu'un montant forfaitaire de 40 000 $ à titre gracieux et exempt d'impôt soit versé pour compenser les avantages dont les membres de la marine marchande ont été privés au chapitre de la réadaptation et de la réinstallation. Pouvez-vous nous expliquer comment vous en êtes arrivés à ce chiffre?

M. George Shaker: Je vous demande d'être un petit peu patient, et je vais vous lire un passage qui expliquera peut-être ce calcul.

M. Jim Hart: Certainement.

M. George Shaker: Il s'agit d'une lettre en date de septembre 1954. On y dit:

    Le requérant nous a adressé une demande d'indemnisation pour les mauvais traitements qu'il a subis lorsqu'il était prisonnier de guerre en Europe.

Le requérant, c'est moi.

    La preuve dont je dispose me permet d'affirmer que le requérant était citoyen canadien au sens de la Règle sur les réclamations de guerre au cours de toutes les années visées par cette règle, et que le requérant a été emprisonné pendant 1 528 jours au total. Il a été transporté en wagon couvert à cinq reprises. Il a été sous la garde de la Gestapo pendant 36 jours au total. Je constate également que le requérant a subi de mauvais traitements de la dernière inhumanité dans les cas suivants: (1) marche entre les camps; (2) 35 jours de détention dans un navire-bagne.

    Compte tenu de toutes les circonstances de ce cas, je recommande le versement d'une indemnité de 482,40 $ au requérant.

Je pense qu'on devrait toucher plus que 482,40 $, et que 40 000 $, c'est une indemnité bien maigre pour tout ce temps.

M. Jim Hart: Oui, c'est vrai que 400 $, ce n'est pas grand-chose comme indemnité. Mais est-ce qu'il existait une formule? Votre association utilise-t-elle une formule quelconque?

M. George Shaker: Certains membres de l'association voulaient que l'indemnité s'applique rétroactivement, ce qui nous aurait valu des indemnités de centaines de milliers de dollars. Moi, j'ai été prisonnier quatre ans, deux mois et six jours; un montant forfaitaire à effet rétroactif m'aurait donc valu plus de 100 000 $. On s'est dit que le gouvernement n'accepterait pas les paiements rétroactifs; alors on a donné une chance au gouvernement en lui proposant de nous verser un paiement à titre gracieux de 40 000 $, et ainsi il accepterait de nous verser une somme que nous pensons raisonnable.

• 1620

M. Jim Hart: Je suis ce dossier depuis 1993, et je dois dire que c'est un contentieux où la partisanerie n'intervient nullement, même si le comité est divisé entre les députés gouvernementaux de ce côté-là et les députés de l'opposition de ce côté-ci. Mais j'ai parlé à des députés de tous les partis représentés à la Chambre, et personne ne conteste la légitimité de votre revendication.

Le gouvernement peut agir très rapidement quand il le veut. Aujourd'hui, à la Chambre des communes, un peu plus tard, je crois, nous allons adopter en une seule journée un projet de loi ordonnant un retour au travail. Pourtant, lorsqu'il s'agit d'une revendication comme celle des marins marchands, qui ont attendu 54 ans pour obtenir l'indemnisation qui leur revient, la roue tourne très lentement.

Vous avez fait d'excellents exposés tous les deux, mais j'aimerais que vous exprimiez votre sentiment personnel et que vous nous disiez pourquoi à votre avis le Canada—je ne dirai même pas le gouvernement du Canada, parce que je ne veux pas donner dans la partisanerie—a littéralement tourné le dos aux anciens combattants de la marine marchande, et voulez-vous aussi nous dire l'effet que cela a eu sur votre vie personnelle?

M. George Shaker: Je ne sais pas si je peux vous donner une réponse complète, mais il est vrai qu'on a fait une mauvaise réputation à la marine marchande dans les années 40 et 50. Cela a été causé entre autres par le fait que Hal Banks a été mêlé à la Canadian Seamen's Union. À partir de ce moment, la marine marchande s'est mise à passer pour une bande d'agitateurs aux yeux du public. Mais nous ne sommes pas une bande d'agitateurs.

Moi j'ai été accepté par l'Aviation royale du Canada à mon retour, et j'étais content de ne plus être marin marchand, parce qu'ils ont été si maltraités, et leur réputation a été salie à cause de gens comme Hal Banks, qui les a fait passer pour une bande de communistes et d'agitateurs.

J'ai une lettre qui m'a été envoyée par le capitaine d'un navire qui a été à Cuba. Tout l'équipage de ce navire, les marins marchands, ont reçu l'ordre de faire la grève, et les Cubains les ont jetés en prison. Quand ils étaient tous en prison, l'un de mes camarades—qu'on appelait Boots Munro—ne s'est pas gêné pour leur dire: «Bon Dieu! j'ai été prisonnier de guerre en Allemagne pendant quatre ans, et aujourd'hui je suis dans une prison cubaine, et ils disent que je suis communiste.»

Voilà comment on a traité les marins marchands après la guerre. C'était en 1949. Ils s'étaient engagés dans la marine marchande, et on les a fait passer pour...

Voilà ce que j'ai à dire sur l'opinion que le public avait de la marine marchande. Ce n'est que depuis quelques années que la marine marchande a retrouvé une certaine fierté collective.

M. William Bruce: J'aimerais ajouter quelque chose. Je m'en veux de vous le dire à vous, messieurs, mais je blâme les politiciens aussi pour ça, depuis 1945. Ils ont toujours été au courant, mais personne n'a rien fait.

M. George Shaker: Sir Winston Churchill a dit que la marine marchande a joué un rôle capital pendant toute la Seconde Guerre mondiale. Plusieurs autres politiciens ont dit que, sans la marine marchande, on n'aurait jamais gagné la guerre. Tout le monde a fait l'éloge de la marine marchande dans les ouvrages d'histoire et ailleurs. Que ces éloges aient été faits dans des livres d'histoire ou non, ils ont été faits par des hommes très haut placés.

Il faut reconnaître l'apport de la marine marchande, parce que tous les autres pays l'ont fait. Nous étions si bien traités en Angleterre. Quand on arrivait en Angleterre, nous étions mieux traités que les soldats, en ce qui me concerne en tout cas.

• 1625

M. Jim Hart: Comme vous le dites, si les marins marchands n'avaient pas ravitaillé les soldats, l'effort de guerre n'aurait pas donné les résultats que l'on sait.

M. George Shaker: C'est vrai.

M. Jim Hart: Je n'ai plus de questions. Encore une fois, je vous remercie vivement pour ces exposés, et je tiens à vous rendre hommage à vous deux, messieurs, et au service que les marins marchands ont rendu à tous les Canadiens. Merci.

M. George Shaker: Merci.

M. William Bruce: Merci.

Le président: Merci, monsieur Hart.

[Français]

Monsieur Laurin.

M. René Laurin: Je voudrais d'abord poser quelques questions d'information sur le texte qu'a présenté M. Bruce. Vous avez dit que peu de temps avant votre arrivée à l'École de mécanique Laval, de la marine marchande, un accident était survenu; deux stagiaires avaient été blessés et il y avait même eu des décès.

Le gouvernement vous avait alors dit qu'il s'agissait de décès et de blessures hypothétiques. Je ne comprends pas le sens que vous donnez au mot «hypothétique». Est-ce que cela voulait dire que, pour le gouvernement, il s'agissait de décès accidentels tout simplement? Quel sens faut-il donner au mot «hypothétique»? On ne croyait pas que c'était vrai? Quel était le sens de cela?

[Traduction]

M. William Bruce: Tout cela s'est su avant que j'arrive à l'école, vous comprenez. Ces deux accidents se sont produits avant mon arrivé à l'école. Il y avait de la formation; ils étaient sur un petit bateau, et la chaudière a explosé. Deux gars se sont fait tuer.

On n'a pas admis qu'ils étaient morts, parce que c'était des marins marchands. Le gouvernement n'a pas voulu admettre qu'ils étaient morts. On a dit que leur mort était «hypothétique». Mais on trouve aujourd'hui leur nom sur la colline du Parlement, dans la tour de la Paix, dans le Livre du Souvenir des marins marchands. Auparavant, on ne reconnaissait pas qu'ils faisaient partie des forces armées.

[Français]

M. René Laurin: C'est quand même bizarre, monsieur le président. Si vous ne faites pas partie des forces armées, vous ne pouvez pas mourir? C'est presque cela, dirait-on.

J'ai une autre question. M. Bruce a mentionné deux montants de 20 000 $, un qui serait versé aux membres de la marine marchande en service pendant la guerre, ou aux épouses de ceux d'entre eux qui seraient décédés, et un autre montant de 20 000 $ pour ceux qui ont été dans des camps de prisonniers.

Est-ce que cela signifie que celui qui aurait fait partie de la marine marchande pendant la guerre et qui, par la suite, aurait été fait prisonnier aurait droit aux deux montants de 20 000 $?

[Traduction]

M. William Bruce: Si je vous comprends bien, ma réponse, c'est que nous voulons les 20 000 $. Nous voulons cela comme compensation pour ce que nous n'avons jamais reçu après la guerre. Les militaires ont eu droit à des logements, ils ont obtenu de petits prêts, et ils ont pu aller à l'université, à l'Université McGill, à l'Université de Montréal. Ils sont tous devenus avocats ou politiciens.

[Français]

M. René Laurin: Oui, mais ce n'est pas le sens de ma question, monsieur Bruce.

• 1630

Par exemple, un marin marchand aurait pu faire la traversée et être fait prisonnier après un mois seulement, alors qu'un autre qui aurait servi pendant trois ou quatre ans aurait été fait prisonnier après ces quatre ans. Ce dernier aurait été sur le théâtre de la guerre pendant trois ans et fait prisonnier par la suite, alors que le premier, n'ayant presque pas participé à la guerre, aurait été pu être prisonnier pendant quatre ans.

Donc, est-ce que le montant de 20 000 $ que vous réclamez est pour l'une ou l'autre de ces situations, ou si celui qui se serait retrouvé dans les deux situations devrait recevoir deux fois 20 000 $? Je ne sais pas si je me fais bien comprendre.

[Traduction]

M. William Bruce: Le fait est que les marins marchands veulent un montant forfaitaire de 20 000 $, et les prisonniers de guerre, je crois, ont droit à 20 000 $ de plus.

Comprenez-vous ma réponse?

[Français]

M. René Laurin: Alors, un marin qui n'aurait pas été fait prisonnier ne recevrait que 20 000 $?

[Traduction]

M. William Bruce: Tout marin marchand qui a servi pendant la Seconde Guerre mondiale a droit à 20 000 $ pour les avantages sociaux qu'il n'a pas reçus après la Seconde Guerre mondiale. Et pour ce qui est de nos prisonniers de guerre, ils ont droit à 40 000 $.

[Français]

M. René Laurin: En plus?

[Traduction]

M. William Bruce: C'est 20 000 $ plus 20 000 $.

[Français]

M. René Laurin: J'ai une autre question. Je sais que c'est une question délicate, mais je vais vous la poser quand même. Ne me prêtez pas de mauvaises intentions. J'essaye tout simplement de voir dans quel esprit vous faites une réclamation; je ne porte pas de jugement.

Lorsque vous demandez un montant forfaitaire, en quoi cela peut-il compenser pour les mauvais traitements que vous avez pu recevoir? Personnellement, je reconnais que vous méritez une compensation et que vous méritez une situation différente de celle que vous vivez, et j'espère que le comité aura des recommandations en ce sens. Cependant, je me demande de quelle façon on peut le mieux corriger certaines erreurs du passé. Imaginons qu'aujourd'hui je donne une automobile à quelqu'un qui aurait aimé en avoir une il y a 30 ans et qui, pour certaines raisons, n'en a pas eu. Si je lui donne une automobile alors qu'il ne peut plus conduire, est-ce que cela corrigera les erreurs commises par le passé?

C'est un peu comme cela que j'interprète le montant forfaitaire. À votre avis, un montant forfaitaire serait-il une correction pour une indemnisation qui n'aurait pas été faite? Est-ce qu'il ne vaudrait pas mieux vous accorder plutôt une pension, peut-être un peu plus généreuse, pour vous permettre d'en jouir pendant les années qui vous restent? J'aimerais avoir votre avis là-dessus.

[Traduction]

M. George Shaker: Il y a tellement de gens, qui n'étaient pas tous nécessairement prisonniers de guerre, mais marins marchands et prisonniers de guerre.

J'ai deux amis à Toronto qui étaient marins marchands et qui sont aujourd'hui frappés d'incapacité. L'un des deux est à l'hôpital, à l'aile K de l'hôpital militaire. Il a perdu la mémoire et l'usage de ses sens, mais sa femme vit toujours, et elle est aujourd'hui dure d'oreille. Son ouïe baisse constamment.

Cette indemnité de 40 000 $ pour prisonnier de guerre l'aiderait, elle, pas nécessairement lui. Il est à l'hôpital; on s'occupe de lui. Mais cela l'aiderait, elle, à finir sa vie dans une certaine dignité et un certain confort.

• 1635

[Français]

M. René Laurin: Dans un cas comme celui-là, est-ce qu'il ne serait pas mieux que madame reçoive tous les soins dont elle a besoin plutôt que de recevoir un montant d'argent?

[Traduction]

M. George Shaker: De quel traitement parlez-vous? Elle peut se déplacer, mais elle...

[Français]

M. René Laurin: Oui, mais vous dites que madame a des problèmes d'audition. Si la moyenne d'âge des anciens combattants est de 89 ans, j'imagine que madame ne doit pas être loin de cela.

En quoi un montant de 40 000 $ pourrait-il lui apporter une meilleure qualité de vie? Est-ce que la meilleure façon de lui rendre un témoignage de reconnaissance ne serait pas de lui accorder une meilleure qualité de vie? Ne serait-il pas mieux qu'elle ait de meilleurs traitements, de meilleurs soins de santé, un logement plus adéquat? Est-ce que ce ne serait pas mieux que de lui donner un montant forfaitaire qui ne la rendrait pas nécessairement plus heureuse?

[Traduction]

M. George Shaker: Si vous avez vécu à un âge aussi avancé avec un certain train de vie, il faut aujourd'hui un bon montant d'argent pour conserver le même train de vie, et avec la cherté de la vie aujourd'hui, vos économies fondent très rapidement. Si on lui verse une petite somme, comme ces 40 000 $, cela ne va pas lui durer longtemps, qu'elle ait 72 ou 82 ans. Cela ne va pas lui durer longtemps, mais ça pourrait l'aider à conserver la qualité de vie qu'elle a connue dans le passé, parce que son mari ne peut plus rien pour elle maintenant.

[Français]

Le président: Merci, monsieur Laurin.

[Traduction]

Merci, monsieur Shaker.

Monsieur Shaker, vous avez parlé plus tôt de documents supplémentaires que vous aviez. Je me demande si vous pourriez remettre des copies de ces documents au greffier—après la séance, ça ira, ou maintenant, si vous les avez en main—parce qu'ils seraient utiles aux délibérations du comité. Si vous n'en avez pas de copies maintenant, nous pouvons prendre des dispositions pour les obtenir plus tard.

M. George Shaker: Ma femme les a à l'arrière. Lorsqu'elle me les apportera...

Le président: D'accord, très bien. Merci. Nous les remettrons alors au greffier.

Je vais maintenant passer du côté de la majorité et à M. Wood, le secrétaire parlementaire du ministère des Anciens combattants.

M. Bob Wood (Nipissing, Lib.): Merci, monsieur le président.

Monsieur Shaker, j'ai quelques questions à vous poser, pour faire suite à celles que vous a posées M. Laurin. À la page 13 de votre mémoire, lorsqu'il est question de l'indemnisation, vous avez plusieurs chiffres là, et j'ai un peu de mal à me retrouver dans vos calculs. Au paragraphe C, vous demandez un montant forfaitaire de 40 000 $ exempt d'impôt; au paragraphe D, vous demandez 20 000 $; et ensuite au paragraphe E, vous demandez un montant forfaitaire pour les prisonniers de guerre. Est-ce que tout cela s'additionne?

M. George Shaker: Non, non. Les 5 000 $, c'est en plus. Ce montant vise à indemniser ceux qui n'ont reçu aucune indemnité. Je vais demander à M. Griezic d'expliquer ce montant.

Le président: Eh bien, malheureusement, messieurs, M. Griezic ne fait pas partie de la délégation aujourd'hui. J'imagine que si le comité le désire, nous pouvons l'entendre.

Monsieur Wood, voulez-vous entendre M. Griezic?

M. Bob Wood: Je ne connais pas notre horaire. Si nous devons entendre M. Griezic plus tard, à un autre titre, je peux certainement attendre.

Le président: Oui, nous allons l'entendre plus tard.

Messieurs, je pense que nous avons tous le problème que mentionne M. Wood. C'est 40 000 $, 20 000 $ et 5 000 $, et nous ne sommes pas sûrs comment...

M. George Shaker: On demande une indemnité de 5 000 $ parce que l'indemnisation des travailleurs n'existait pas à cette époque. Si on se blessait, on allait à l'hôpital, et il fallait payer les soins de santé de sa poche. Ce montant de 5 000 $ vise à compenser cela en particulier.

• 1640

En effet, si les membres des forces armées étaient blessés, on s'occupait d'eux sans qu'il leur en coûte un sou. Les médecins de l'armée ou de la marine ou d'ailleurs les soignaient pour rien. Mais si un marin marchand était blessé et envoyé à l'hôpital, il devait payer pour se faire soigner.

Cette indemnité de 5 000 $ ne serait versée qu'à ceux qui ont été blessés, et qui peuvent prouver qu'ils ont été blessés ou frappés d'incapacité à l'époque où ils étaient dans la marine marchande.

M. Bob Wood: Donc ce que vous dites, c'est—et corrigez-moi si j'ai tort, parce que je peux me tromper—vous demandez 65 000 $ en tout pour les conjoints?

M. George Shaker: Non, non.

M. Bob Wood: Vous dites un montant forfaitaire de 40 000 $ pour ceux qui ont été maltraités et à qui on a refusé des prestations de réadaptation et de réinstallation, un montant forfaitaire de 20 000 $ pour les prestations ou les possibilités dont ils ont été privés après la guerre, et ensuite une indemnité forfaitaire de 5 000 $ exempte d'impôt.

M. George Shaker: Non, vous n'avez pas compris.

M. Bob Wood: Très bien. Alors corrigez-moi, s'il vous plaît.

M. George Shaker: Les 20 000 $, c'est pour les marins marchands. Il s'agit d'un montant forfaitaire pour les marins marchands.

M. Bob Wood: Ou leurs conjoints.

M. George Shaker: Ou leurs conjoints. On ajoute ensuite 20 000 $ pour les marins marchands qui ont été prisonniers de guerre. C'est donc au total 40 000 $ pour les marins marchands qui ont été prisonniers de guerre, et 20 000 $ au total pour les marins marchands, et non pas un montant combiné...

M. Bob Wood: D'accord. J'ai compris. Très bien.

Comment pouvons-nous savoir qui sont ces marins marchands ou leurs conjoints? On nous a donné à croire qu'un bon nombre de ces dossiers ont été détruits.

M. George Shaker: J'ai des dossiers.

M. Bob Wood: Tous? Il y en a 12 000, n'est-ce pas? On nous a dit que 12 000 hommes s'étaient engagés dans la marine marchande au cours de la guerre. Vrai ou faux? C'est ce qu'on a donné à croire.

M. George Shaker: Si vous n'avez pas de dossiers sur les marins marchands, nous avons pour notre part des dossiers sur les marins marchands qui ont été prisonniers de guerre, et j'ai ces dossiers avec moi aujourd'hui même. Si vous voulez la liste des marins marchands, je peux vous la donner maintenant. Si le gouvernement lui-même n'a pas établi de dossiers, il devra accepter les nôtres. J'ai ici les listes de 1991, 1995 et 1999 des marins marchands et de leurs conjoints qui sont toujours vivants.

M. Bob Wood: Vous avez dit les vivants?

M. George Shaker: Il s'agit des marins marchands qui ont été prisonniers de guerre. Je n'ai pas les listes de tous les marins marchands. M. Allan MacIsaac, le président de la Canadian Merchant Navy Coalition for Equality, pourrait avoir des dossiers à lui.

M. William Bruce: Permettez-moi de vous dire que notre groupe s'affaire à compiler la liste des marins marchands et de leurs conjoints, et non pas uniquement des prisonniers de guerre.

M. Bob Wood: Monsieur Bruce, ce que j'essaie de savoir, c'est combien de marins marchands sont encore en vie, et leurs conjoints. Quand vous parlez d'indemnisation, monsieur, parlez-vous de gens qui sont décédés et dont les conjoints sont toujours en vie, ou parlez-vous de marins marchands qui sont encore en vie et de leurs conjoints?

M. William Bruce: S'ils sont décédés, l'indemnité sera versée aux conjoints. Ça s'arrêtera là.

M. Bob Wood: Est-ce qu'on parle de ceux qui sont encore vivants, monsieur, ou parlons-nous de ceux...

M. William Bruce: Si les conjoints sont encore en vie et que leurs maris sont décédés, ils devraient avoir droit à ce à quoi auraient droit les marins marchands qui sont morts.

M. Bob Wood: Mais c'est beaucoup de monde, n'est-ce pas? Comment allez-vous les trouver?

M. William Bruce: Eh bien, si le gouvernement a conservé ces dossiers...

Le président: Monsieur Wood, il serait utile que vous posiez votre question au grand complet et que les témoins puissent l'entendre, après quoi nous entendrons leur réponse complète sans interruption de quiconque. Je pense que ce serait utile.

Monsieur Wood.

M. Bob Wood: C'est une formule assez compliquée pour qui veut s'y retrouver; c'est tout ce que je dis. Je veux seulement savoir exactement de combien de personnes il s'agit ici; s'agit-il de 12 000 ou de 5 000 personnes? Je ne le sais pas. Je voulais seulement savoir si nos témoins ont un chiffre approximatif du nombre de conjoints qui sont encore en vie et du nombre de marins marchands qui sont encore en vie. C'est essentiellement ce que je veux savoir.

• 1645

M. William Bruce: Je ne vous donne pas de chiffre exact, mais je crois qu'il en reste 2 200 sur 12 000.

M. Bob Wood: Il s'agit de marins marchands, monsieur?

M. William Bruce: Oui, monsieur.

M. Bob Wood: Et combien de conjoints? Avez-vous une idée?

M. William Bruce: Non, mais comme je vous l'ai dit il y a un instant, nous sommes en train d'établir une liste.

M. Bob Wood: D'accord. Pourrez-vous nous remettre cette liste plus tard?

M. William Bruce: J'imagine qu'ils sont en train de le faire. M. MacIsaac comparaîtrait-il devant le comité?

M. Bob Wood: Oui.

M. William Bruce: Eh bien, j'imagine qu'il apportera la liste. Il n'a peut-être pas le montant total, mais nous obtenons un certain nombre de réponses à cette question.

M. Bob Wood: Bien. Excellent.

Le président: Monsieur Shaker, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. George Shaker: Monsieur Wood, le dernier chiffre que m'a donné Allan je pense était d'environ 1 769, si j'ai bonne mémoire. C'est peut-être celui qu'a cité M. Bruce. C'est autour de 2 000, je crois.

M. Bob Wood: Très bien.

Dans votre déclaration, vous affirmez que d'autres pays alliés ont reconnu et indemnisé leur marine marchande. Je conviens avec vous que tous les pays ont reconnu les membres de la marine marchande comme étant des anciens combattants, mais je me demandais si vous pourriez préciser de quelle façon d'autres pays, notamment l'Australie ou les États-Unis, comme vous l'avez mentionné, ont indemnisé leur marine marchande, et quand ils l'ont fait.

M. George Shaker: Je n'ai pas les dates exactes. J'ai ces renseignements dans un dossier que j'ai à la maison. Ces dates se trouvaient dans un mémoire qui a été présenté par quelqu'un d'autre. Je sais qu'ils les ont reconnus, mais je n'ai pas les dates exactes auxquelles ils l'ont fait.

Ils ne les ont pas reconnus de la même façon que l'ont fait les Britanniques. Les Britanniques les ont reconnus immédiatement après la guerre. Les autres l'ont fait plus tard, les États-Unis ayant été les premiers à le faire suivis des Australiens, mais cela fait un bon nombre d'années. Cela ne s'est pas fait tout récemment; c'était il y a un bon nombre d'années, peu après la guerre. Après que les Britanniques les aient reconnus, d'autres l'ont fait plus tard.

M. Bob Wood: Merci.

Le président: Merci, monsieur Wood.

Nous allons maintenant passer à M. Earle du NPD, pour 10 minutes.

M. Gordon Earle: Merci, monsieur le président. Je n'aurai pas besoin des 10 minutes, car on a déjà tiré au clair, en répondant à dans des questions précédentes, les points que je voulais soulever.

Cependant, aux fins du compte rendu, je voudrais féliciter les deux témoins pour leurs exposés et leur faire savoir que nous appuyons certainement cette cause, et que nous espérons pouvoir trouver une solution raisonnable à ce problème.

J'aimerais également, aux fins du compte rendu, rendre hommage à M. Gordon Olmstead pour l'excellent travail qu'il a fait dans ce dossier. Nous regrettons qu'il ne puisse être avec nous. On nous dit qu'il est malade en ce moment. Nous le remercions pour le travail qu'il a effectué dans ce dossier sur la marine marchande.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Earle.

Pour le Parti progressiste conservateur, M. Price.

M. David Price: Merci, monsieur le président.

Merci beaucoup, monsieur Bruce et monsieur Shaker, pour votre exposé. Elsie Wayne m'a prié de vous transmettre ses excuses. Comme vous le savez, c'est un dossier qui lui tient à coeur, et c'est une de mes associées. Normalement, je siège plutôt aux séances qui portent sur les forces armées, mais je la remplace ici aujourd'hui, car elle ne peut vraiment pas assister à la séance.

Il y a eu quelques surprises dont j'aimerais que vous me parliez davantage. Monsieur Shaker, vous avez mentionné que vous aviez dû payer votre passage pour rentrer d'Angleterre au Canada après la guerre?

M. George Shaker: Oui, pour revenir au Canada, alors que j'étais en Angleterre.

M. David Price: Et retourner ensuite chez vous?

M. George Shaker: Oui, il m'a fallu payer. J'ai les documents à l'appui.

M. David Price: J'ai trouvé cela vraiment incroyable.

Monsieur Bruce, vous avez dit que vous releviez du système de justice militaire, du juge-avocat général de la marine.

M. William Bruce: Oui, monsieur.

M. David Price: Donc, si vous aviez voulu déserter ou commettre un crime quelconque, vous releviez...

M. William Bruce: Oui, nous aurions pu être jetés en prison, sans procès, avec six mois de travaux forcés.

• 1650

M. David Price: Et aucun autre civil ne relevait de ce système à votre connaissance?

M. William Bruce: Eh bien, nous étions des civils. Nous étions les seuls dont on a pris les empreintes digitales. Je suppose qu'ils ne nous faisaient pas confiance.

M. David Price: C'est là où je veux en venir. Vous étiez donc vraiment traités comme des militaires. C'est assez clair.

Deviez-vous porter des armes, ou portiez-vous des armes?

M. William Bruce: Oui, sur les navires. Comme je l'ai dit dans mon mémoire, lorsque je suis arrivé au dépôt d'équipages à Montréal, qui se trouvait dans un hôtel quatre étoiles, l'ancien Hôtel Place Viger—cet immeuble abrite maintenant des bureaux de la ville de Montréal; c'était un hôtel du CP—j'ai attendu là. La Marine royale canadienne avait un centre d'entraînement au maniement des armes juste à côté, et nous avons suivi cette formation.

Nous avons armé les navires. À bord des navires canadiens, ils avaient ce qu'on appelle la DMG. Il y avait des membres de la marine à bord de ces navires qui s'occupaient des armes. Nous servions les canons avec la marine à bord des navires.

Comme je l'ai dit, ils auraient dû nous désigner comme anciens combattants en 1945, non pas 54 ans plus tard.

M. David Price: Oui, je suis d'accord. J'essaie d'en savoir un peu plus. Je regarde également d'autres fonctions sur un navire, notamment sur un navire de la marine où, disons, les cuisiniers et ceux qui travaillaient dans les cuisines ainsi que les personnes qui, au Canada, chargeaient ces navires, faisaient partie du personnel militaire. J'imagine que ces emplois étaient très semblables à ceux que vous occupiez.

M. William Bruce: J'ai pelleté du charbon un peu partout dans le monde.

M. David Price: Oui, le traitement était assez différent.

M. William Bruce: Oui. Nous avions tout de même de la discipline, comme on le dit.

M. David Price: Oui.

Monsieur Shaker, en ce moment, combien d'anciens prisonniers de guerre de la marine marchande vivent encore aujourd'hui? J'imagine que ce nombre est assez restreint.

M. George Shaker: Si on inclut ceux qui ont été faits prisonniers en Extrême-Orient, ils sont moins de 50.

M. David Price: D'après les documents que j'ai ici, il y en a environ 13 par mois qui décèdent.

M. George Shaker: Cela dépend du mois.

M. David Price: Ce n'est pas un chiffre chanceux.

M. George Shaker: En réponse à une chose que vous avez mentionnée tout à l'heure, nous avions un artilleur de la Marine royale à bord de notre navire qui servait le canon.

M. David Price: Vous aviez donc toujours une combinaison de membres des forces armées et...

M. George Shaker: Nous avions une compagnie de la Marine royale. Comme Bill l'a dit, nous avions des canons.

M. David Price: Oui.

On a certes dit clairement auparavant qu'il ne fait aucun doute que le centre nerveux de la guerre était la marine marchande, qui transportait le matériel en provenance du Canada et des États-Unis.

En fait, il est écrit quelque part qu'en 1939 les Britanniques ont mis la marine marchande sur un même pied par rapport aux autres militaires, et en 1986, les États-Unis ont acheté des régimes d'assurance-vie et les Allemands ont également indemnisé leur marine marchande, ce que j'étais surpris d'entendre.

Je n'ai pas d'autres questions pour l'instant. Merci.

Le président: Merci, monsieur Price. Nous allons maintenant faire un deuxième tour de table à raison de cinq minutes par intervenant.

Si le temps le permet, lorsque les députés auront posé leurs questions, il y a une autre personne, monsieur Marsolais, qui aimerait avoir une minute ou deux. Si nous n'en avons pas le temps, nous le réinviterons à un autre moment. Nous verrons selon le temps qu'il nous restera.

Nous commençons toujours le deuxième tour de table en donnant la parole à l'opposition. Monsieur Hart, vous avez cinq minutes.

M. Jim Hart: Ça va. On a répondu à toutes mes questions.

Le président: Très bien.

[Français]

Monsieur Laurin, est-ce que vous avez d'autres questions?

M. René Laurin: Non, je vous remercie. Tout a été couvert.

Le président: Je vous remercie.

[Traduction]

M. Wood et nous reviendrons ensuite à M. Earle.

M. Bob Wood: Merci, monsieur le président.

M. Shaker et M. Bruce, les attachés de recherche viennent tout juste de porter à mon attention le fait que lorsque nous parlons d'indemnisation, l'une des questions qui a déjà été soulevées devant notre comité est celle des paiements qui pourrait être versée à la succession. Les paiements pourraient être faits aux membres de la marine marchande ou à sa conjointe, mais pourraient également être versés à la succession.

• 1655

Une voix: On n'en fait mention nulle part, je ne crois pas, du moins.

M. Bob Wood: Je pense que oui. Oui, la question a été soulevée au cours de nos délibérations, peut-être pas tout de suite, mais...

Le président: Je crois, monsieur Wood, me rappeler que M. Chadderton a dit la même chose: si la conjointe du matelot est décédée, alors c'est la succession qui reçoit le paiement. Il me semble me rappeler de cela. Plusieurs d'entre nous s'en rappellent. Nous allons tirer la question au clair et la discussion...

M. Bob Wood: Qu'en pensez-vous?

M. George Shaker: Qu'en pense le gouvernement?

Des voix: Oh, oh!

M. Bob Wood: Vous êtes le témoin. Nous pouvons toujours changer de place.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Les choses sont censées fonctionner de la façon suivante: monsieur Wood pose la question et vous devez lui donner une réponse.

Des voix: Oh, oh!

Le président: C'est une question sérieuse cependant. Pouvez-vous répondre maintenant ou préféreriez-vous attendre pour le faire plus tard?

M. George Shaker: Je n'ai pas de réponse à donner à ce moment-ci, car je ne pense pas que le gouvernement va être d'accord de toutes façons, alors qu'est-ce que je pourrais répondre?

M. Bob Wood: Très bien.

M. William Bruce: Puis-je dire quelque chose, monsieur?

Le président: Oui.

M. William Bruce: J'ai ici une lettre que j'ai reçue de M. Chrétien en date du 19 septembre 1991. Voici ce qu'il dit dans cette lettre:

    Monsieur Bruce:

    Je vous remercie pour votre lettre concernant les anciens combattants de la marine marchande de la Seconde Guerre mondiale.

    Le Parti libéral a soulevé la question à la Chambre des communes. J'ai inclus un exemplaire des observations faites à la Chambre des communes par M. George Proud, porte-parole libéral pour les affaires des anciens combattants, pour appuyer la reconnaissance de la contribution des marins marchands du Canada.

    Encore une fois, je vous remercie pour votre lettre concernant cette question importante.

M. Bob Wood: Pourrions-nous obtenir cette lettre, monsieur? Seriez-vous d'accord pour que nous en fassions faire une photocopie, nous pourrions vous la rendre par la suite?

M. William Bruce: Allez-vous me la rendre?

Des voix: Oh, oh!

M. Bob Wood: Certainement.

M. William Bruce: Lorsqu'il la rapportera, je lirai ce que M. Proud a dit.

M. Bob Wood: Entre-temps, puis-je poser une autre question à M. Shaker?

Dans quelques articles de journaux, on laisse entendre que les marins marchands ont reçu les mêmes avantages que les membres de la force régulière il y a seulement 12 jours, alors que le projet de loi C-61 a été adopté en troisième lecture à la Chambre. N'est-il pas vrai que les membres de la marine marchande ont pleinement accès à ces avantages depuis 1992?

Vous pourriez peut-être nous faire part de votre expérience personnelle, particulièrement en ce qui a trait aux programmes destinés aux prisonniers de guerre et quand ils ont été offerts aux membres de la marine marchande. Je me rappelle qu'ils ont été offerts en 1976. Je me trompe peut-être, mais je pense que c'était à ce moment-là. Je ne sais pas si vous en avez profité ou non. Pourriez-vous nous en parler un peu?

M. George Shaker: Je suis pensionné. J'ai deux nouveaux genoux. J'ai demandé une pension pour mon premier genou, pour une blessure que je me suis faite lorsque je suis passé d'un navire à un autre, alors que je me suis également blessé à la cheville. J'ai demandé une pension plus tôt. Ensuite, en 1992, j'ai demandé une pension pour cela, et je n'ai pu prouver que je m'étais blessé au genou, car il n'y avait aucun dossier.

Dans le Stalag 10B, ils n'avaient aucun dossier sur les blessures, qu'on soit ou non allé à l'hôpital là-bas. J'ai été à l'hôpital dans le Stalag 10B. Ceux qui en ont été témoins sont tous décédés aujourd'hui. J'ai tenté de trouver quelqu'un qui aurait pu se rappeler de m'avoir amené là-bas, mais je n'ai pas réussi à le prouver.

• 1700

Ils m'ont finalement donné une pension pour mon genou gauche en 1992, mais je ne l'ai pas reçue avant 1996, de façon rétroactive. J'ai eu un paiement rétroactif en 1996.

J'ai aussi présenté une demande pour mon genou droit où je m'étais blessé en jouant au rugby anglais dans le camp. On a accepté ma demande, mais seulement parce que j'ai présenté des lettres que m'avait envoyées mon frère et dans lesquelles, il me demandait comment allait mon genou et auxquelles j'avais répondu en lui disant que mon genou allait mieux et que j'avais passé trois jours à l'hôpital. Mon frère avait conservé toutes mes lettres. Je les ai apportées à l'avocat au bureau des pensions qui m'a dit que je pourrais obtenir une pension pour cela. J'ai donc eu une pension pour mes deux genoux.

En ce qui a trait à la pension, je ne crois pas recevoir celle que je mérite. Je ne pourrais vous dire précisément ce que je devrais recevoir, car c'est difficile à calculer. D'ailleurs, j'ignore comment les employés du bureau des pensions font ce calcul.

Le numéro de téléphone du médecin qui a soigné mes genoux est 492-KNEE. C'est l'un des meilleurs à Toronto, et mes genoux vont maintenant bien. Mais il y a quelques jours à peine, pendant que je marchais, mon genou a cédé, car j'ai certain... Je dois prendre des anti-inflammatoires et d'autres comprimés pour pouvoir marcher, mais je peux m'effondrer n'importe quand.

Pour le reste, je ne pourrais vous donner de chiffre précis. L'indemnisation de 40 000 $ représente le minimum de ce qu'on me doit. Tous les marins marchands qui ont été prisonniers de guerre devraient l'obtenir, pas nécessairement comme pension, mais plutôt pour les occasions manquées. C'est mon frère qui a payé mon instruction; je poursuivais des études universitaires en vue d'obtenir un baccalauréat spécialisé, mais j'ai dû quitter l'université, car ma mère... Dans ma famille, nous étions sept enfants et mon père est mort lorsque j'avais quatre ans; ma mère a donc dû seule prendre soin de sept enfants.

J'ai près de 80 ans. Mon frère s'est occupé de moi après la guerre et a payé mes cours à l'université. J'ai obtenu mon BA en deux ans afin de pouvoir travailler avec mon frère qui voulait se lancer en affaires. C'est ce que j'ai fait. Nous n'avions pas d'argent. L'argent que nous avions...

Compte tenu du manque d'instruction et de toutes les occasions que j'ai ratées, j'aurais peut-être été à la place de M. Chrétien ou fait autre chose de ce genre, si j'avais été plus instruit. Cela aussi, ça compte.

Le président: Merci. Monsieur Wood.

M. Bob Wood: Je tenais à remercier M. Shaker de ses remarques.

Je vous en sais gré. Je suis très heureux que vous nous ayez fait part de votre expérience.

Le président: Merci beaucoup. Il y a d'autres questions. Passons donc à ces autres questions; nous pourrons peut-être alors aborder d'autres points.

Monsieur Earle, avez-vous d'autres questions?

M. Gordon Earle: Non.

Le président: D'accord. Merci.

Monsieur Clouthier, avez-vous une question à poser?

M. Hec Clouthier (Renfrew—Nipissing—Pembroke, Lib.): Oui.

Monsieur Bruce, à la page 2 de votre mémoire, je crois, vous dites avoir fréquenté l'École de mécanique maritime de la marine marchande, à Prescott, en Ontario, et l'on vous versait, comme vous l'avez dit, la somme considérable de 5 $ pour une semaine de sept jours. C'est le gouvernement du Canada qui vous payait?

M. William Bruce: C'était le ministère des Transports.

M. Hec Clouthier: Le ministère des Transports du gouvernement du Canada vous payait?

M. William Bruce: Oui, monsieur.

M. Hec Clouthier: Je vois. Lorsque vous avez travaillé comme marin marchand, sur un navire, avez-vous été payé par le gouvernement du Canada? Qui vous versait votre salaire?

M. William Bruce: Une compagnie de navigation. Le gouvernement du Canada avait mis sur pied la Park Steamship Limited. Nous travaillions pour le Canadien pacifique, le Canadien national et d'autres sociétés de transports maritimes.

M. Hec Clouthier: Mais votre salaire, votre chèque de paie...

M. William Bruce: Nous étions payés par la compagnie de navigation.

M. Hector Clouthier: Je vois.

Monsieur Shaker, pendant que vous étiez prisonnier de guerre, étiez-vous payé pour ce temps-là par la compagnie de navigation?

M. George Shaker: Non. Le ministère des Transports me versait un salaire, mais il défalquait chaque cent que je dépensais en Angleterre. Nous n'avons pas reçu d'argent lorsque nous sommes rentrés du camp de prisonniers, alors, nous... Je crois que nous avions le droit de retirer 20 livres par jour à Canada House, à Londres.

• 1705

Je ne suis rentré au Canada qu'en juin, alors j'ai eu près d'un mois pour m'amuser. Nous obtenions 20 livres de Canada House presque tous les jours pour nos amuser dans les pubs. Mais cela a été déduit de notre salaire lorsque nous sommes rentrés au Canada.

M. Hector Clouthier: Lorsque vous étiez sur le navire, avant d'être fait prisonnier, vous avez été payé par une entreprise de transport maritime.

M. George Shaker: Oui, par les Produits forestiers CIP.

M. Hector Clouthier: Puis, pendant que vous étiez prisonnier de guerre, vous avez été payé par Transports Canada?

M. George Shaker: C'est exact.

M. Hector Clouthier: C'est intéressant.

Ça va. Je vous remercie.

Le président: Merci, monsieur Clouthier.

Monsieur Price.

M. David Price: J'aurais besoin d'une précision. Monsieur Shaker, vous avez dit avoir un ami dans un hôpital d'ACC. À titre de marin marchand ayant été fait prisonnier de guerre, quand avez-vous pu vous faire soigner dans les hôpitaux d'ACC? À quand cela remonte-t-il? Et je vous pose tout de suite ma question complémentaire: est-ce que les anciens combattants de la marine marchande qui n'ont pas été prisonniers de guerre ont accès aux hôpitaux d'ACC ou y ont-ils déjà eu accès?

M. George Shaker: Je ne le sais pas vraiment.

Je me suis fait opérer à la cheville et, en 1947, j'ai consulté mon médecin de famille car j'avais une longue ligne rouge sur la jambe qui partait de ma cicatrice, sur la cheville. Mon médecin m'a demandé comment il se faisait que j'avais cette cicatrice et quand je le lui ai expliqué, il m'a répondu: «Vous devriez aller à l'hôpital de Christie Street», c'est-à-dire, à l'époque, l'hôpital des anciens combattants. J'y suis allé; on m'a fait une injection de pénicilline dans la fesse et, le lendemain, on m'a renvoyé à la maison.

Lorsque j'ai demandé une pension pour ma cheville, le médecin du bureau des pensions a examiné ma cheville et m'a dit: «C'est une belle cicatrice. Tout va bien maintenant. Vous ne pouvez obtenir une pension pour cela.». Et voilà.

Alors, je présume que si vous aviez été blessé, vous pouviez vous faire soigner dans un hôpital des anciens combattants, mais si vous n'aviez pas été blessé, vous n'aviez pas accès à ces soins si vous étiez marin marchand à la différence du personnel militaire.

M. William Bruce: Pourrais-je intervenir avant de me faire mettre à la porte?

Des voix: Oh, oh!

M. William Bruce: Dans les années 50, les hôpitaux des anciens combattants ont accueilli les marins marchands, comme l'a indiqué M. Shaker, puis on a mis fin à cette pratique pour la reprendre par la suite. Les marins marchands peuvent maintenant se faire soigner à l'Hôpital Sainte-Anne, le seul hôpital militaire qui reste au pays.

M. David Price: Vous dites que vous y avez été admis dans les années 50, mais que l'on a ensuite mis fin à cette pratique.

M. William Bruce: Oui, pour une raison que j'ignore, puis on a repris cette pratique.

M. David Price: L'accès a-t-il été refusé pendant longtemps?

M. William Bruce: Je présume que oui, mais je ne sais pas pendant combien de temps.

Il y a cinq marins marchands à l'hôpital militaire de Sainte-Anne. Il y a deux semaines, il y en avait sept; deux sont décédés depuis.

M. George Shaker: Vous deviez prouver que vous aviez été blessé pendant la guerre pour être admis à l'un de ces hôpitaux.

M. David Price: Oui, ce qui signifie qu'on vous considérait comme des militaires.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Price.

Le dernier intervenant sera M. Wood.

M. Bob Wood: Monsieur Shaker, j'étais tellement captivé par votre histoire que j'ai oublié de vous poser cette question-ci: j'ignore si vous me l'avez dit ou non, mais quand avez-vous obtenu votre première indemnité de prisonnier de guerre?

M. George Shaker: Quand ai-je commencé à recevoir une indemnité?

M. Bob Wood: Oui.

M. George Shaker: En 1992.

M. Bob Wood: Bon. Vous avez parlé de certaines des prestations d'après-guerre que pouvaient recevoir les marins marchands. Sont-elles incluses dans les chiffres sur l'indemnisation qui figurent dans ce mémoire?

M. George Shaker: Oui.

M. Bob Wood: Très bien.

Le président: Merci, monsieur Wood.

Monsieur Bruce et monsieur Shaker, je vous remercie beaucoup d'être venus témoigner devant notre comité aujourd'hui, de nous avoir présenté des mémoires très intéressants et d'avoir bien voulu répondre à nos questions. Nous vous en savons gré.

• 1710

M. Marsolais a demandé à s'adresser au comité. Puisque nous avons un peu de temps, nous avons accepté de lui accorder cinq minutes. Nous ne savions pas qu'il voulait prendre la parole.

Veuillez prendre place, monsieur Marsolais. Je vous demande de faire vos remarques en cinq minutes, car j'aimerais que les députés aient quelques minutes au moins pour vous poser des questions. Nous devons lever la séance à 17 h 30, comme le prévoit l'ordre du jour, car nous serons convoqués à la Chambre pour voter dans quelques minutes.

Alors, si les membres du comité sont d'accord—je présume que tout le monde est d'accord...

M. Bob Wood: J'ai entendu une partie de ce qu'a à dire M. Marsolais lors d'une réunion, et je crois que tout le monde devrait l'entendre.

Le président: Donc, monsieur, je vous prierais de faire vos observations en cinq minutes environ, pour que nous puissions vous poser des questions. Merci.

M. Willis Marsolais (témoignage à titre personnel): Merci beaucoup. Je crois que je n'aurai pas le temps de lire ceci.

Le président: Vous avez deux choix, monsieur Marsolais. Vous pouvez déposer votre mémoire aux fins du compte rendu ou faire quelques brèves remarques et revenir témoigner plus tard.

Cependant, le problème est le suivant: le comité est disposé à entendre quiconque veut venir témoigner, mais on doit nous prévenir à l'avance. Peut-être aviez-vous mal compris que c'est ainsi que nous procédons. Je vous ferai donc une suggestion. Faites quelques remarques maintenant et revenez témoigner; vous pourrez alors faire d'autres remarques et déposer votre mémoire ou, si cela ne vous plaît pas... C'est à vous d'en décider, monsieur. Que voulez-vous faire?

M. Willis Marsolais: Quelques questions ont été soulevées ici cet après-midi. Lorsque le Royaume-Uni et l'Australie...

Le président: Vous aimeriez répondre à certaines des questions qui ont déjà été posées?

M. Willis Marsolais: C'est exact.

Le président: D'accord. Allez-y.

M. Willis Marsolais: D'accord.

Les marins marchands britanniques sont devenus des anciens combattants en 1939, lorsque la guerre a éclaté. Les Australiens ont emboîté le pas en 1940. Moi, j'ai navigué sur des navires britanniques. Je ne lirai pas mon mémoire, mais j'y dis que, en 1939, les marins marchands britanniques ont été indemnisés à titre de prisonniers de guerre et ont obtenu tout ce qu'ils réclamaient. Ils ont été indemnisés en 1939 en Grande-Bretagne. J'ignore quand cela s'est fait aux États-Unis, mais, en Australie, on a fait comme en Grande-Bretagne.

En 1941, j'ai été fait prisonnier à bord d'un navire polonais du nom de Danskie. J'ai été blessé ce soir-là et emmené en Allemagne. Là, on m'a envoyé à l'hôpital où on a retiré la balle de ma jambe. J'ai ensuite été mis en prison où je suis resté sept semaines. On m'a ensuite transféré au stalag des marins, mais on m'a ensuite dit qu'il n'y avait pas de place pour moi là.

Je n'étais pas considéré comme prisonnier de guerre. D'après ce qu'on m'a dit, j'allais être fusillé car j'étais un civil dans un pays étranger. On m'a ensuite envoyé au camp no 10, près de la Belgique où j'ai passé sept mois. Puis, huit d'entre nous avons été transférés au camp no 12.

• 1715

Je suis rentré au pays en 1944, grâce aux Français qui nous ont libérés. J'étais si heureux lorsque je suis arrivé dans le Kent. J'ai passé trois mois à l'hôpital, dans le Kent.

J'avais trois frères outre-mer. Ils étaient dans l'armée. L'un d'entre eux était parachutiste, les autres étaient simples soldats. Mon frère qui était en Écosse a été tué pendant l'invasion de Normandie, en 1944. J'ai demandé à la Croix-Rouge si elle paierait mon voyage jusqu'au Beaver Club, à Londres, pour que je puisse voir mon frère, mais lorsque je suis arrivé, j'ai appris que mon frère s'était cassé la clavicule en sautant.

Je suis rentré dans le Yorkshire. Je n'étais qu'un adolescent. Je ne savais pas ce qui m'attendait lorsque je me suis enrôlé dans la marine marchande. Croyez-moi, j'ai beaucoup souffert. Et je souffre encore aujourd'hui. Lisez mon mémoire: tout ce que j'y dis est vrai.

Lorsque je suis arrivé à Halifax en 1944, on m'a dit qu'on avait réservé l'hôtel Place Viger, à Montréal, aux marins marchands. J'ai obtenu un billet de l'un des commissaires. À mon arrivée à Montréal, ma jambe était aussi enflée qu'un tuyau de poêle. On m'a alors envoyé à l'hôpital.

Je n'avais pas encore vu mes parents. Mes parents ignoraient où j'étais. Je n'avais pu leur envoyer de lettre par l'entremise de la Croix-Rouge, car les officiers SS ne le permettaient pas. Au dépôt d'équipages, à Montréal, on m'a dit que je devais m'enrôler pour pouvoir aller à l'école de mécanique maritime, comme ces messieurs. Mais j'avais déjà de l'expérience. Pourquoi devais-je retourner à l'école? C'est ce que j'ai répondu au capitaine Richards, au dépôt d'équipages. Je lui ai dit: «j'ai passé 18 mois en prison». Il m'a répondu: «je n'y peux rien. C'est ainsi que ça fonctionne au ministère des Transports.».

On m'a donc envoyé à Ottawa. Je suis allé voir mes parents en passant. Je risquais de me faire licencier car j'étais arrêté voir mes parents. On était très strict dans la marine marchande.

Quoi qu'il en soit, je suis allé à l'école mécanique maritime, à Prescott, en Ontario. Je n'y suis resté que trois semaines. On m'a renvoyé à Montréal, au dépôt d'équipages. Le capitaine Richards m'a demandé si je pouvais travailler. Je lui ai répondu oui. Il m'a demandé: «Votre jambe vous fait-elle souffrir?». J'ai répondu: «Pas beaucoup.». J'étais jeune.

À l'hôtel Place Viger, je suis descendu un matin et j'ai vu mon nom sur l'un des tableaux, comme ces messieurs. S'ils ont aussi habité à l'hôtel Place Viger, ils savent qu'au bas de l'escalier, il y avait un grand tableau où on inscrivait des noms, n'est-ce pas?

M. William Bruce: C'est exact.

M. Willis Marsolais: On y inscrivait aussi l'heure de votre départ et d'autres renseignements. Quiconque était entré à l'hôtel Place Viger, n'importe quel espion, aurait pu voir à quelle heure le navire partait. Croyez-moi, il nÂy avait aucune mesure de sécurité. N'est-ce pas vrai?

• 1720

M. William Bruce: C'est vrai.

M. Willis Marsolais: Il n'y avait aucune mesure de sécurité.

Personne, sauf le ministère des Transports, m'a aidé lorsque je me suis retrouvé à l'hôpital à Montréal. À l'hôpital, le médecin m'a demandé qui m'avait battu car toutes les veines de mon dos... ce n'était pas beau à voir. Ce médecin m'a dit: «Si vous quittez la marine marchande, M. Marsolais, vous pourrez aller vivre avec mes parents à Toronto et je paierai pour que vous ayez une bonne instruction.». J'ai répondu: «Non, merci. j'ai des frères outre-mer; j'y retourne.». Et j'ai recommencé à naviguer.

Je suis allé en Amérique du Sud. J'ai fait 18 aller-retour vers l'Angleterre. J'ai fait mon dernier voyage en 1946. Je n'ai pas fait qu'un seul voyage; j'ai navigué sur différents navires.

Le dépôt d'équipages se trouvait dans ce qui était à l'époque l'un des plus beaux hôtels de Montréal. Les draps et le service étaient comparables à ce qu'ont ici, sur la Colline, les députés. Croyez-moi, le service est magnifique.

Le président: Ce n'est pas le cas là où je demeure.

Des voix: Oh, oh!

M. Willis Marsolais: Excusez-moi. Quoiqu'il en soit, à l'hôtel Vichy—est-ce que je me trompe?—les draps et les chambres étaient magnifiques, comme dans une chambre d'hôtel, et le ministère des Transports était aux petits soins pour nous.

Je n'ai pas honte de dire que je suis libéral et que je le serai toujours. Et je n'appartiens, croyez-moi, à aucune coalition. J'ai connu Gordon Olsmtead pendant de nombreuses années. C'est un pur gentleman. Il a toujours sa place dans mon coeur. Mais j'ai travaillé avec lui et il y avait beaucoup de choses sur lesquelles nous n'étions pas d'accord. Croyez-moi, Gordon a fait beaucoup pour la marine marchande.

Je ne sais pas ce que je pourrais dire de plus, mais lorsque mon mémoire sera invoqué la prochaine fois, je pourrai continuer.

Le président: C'est parfait. Nous vous remercions de nous avoir fait part de ces souvenirs manifestement pénibles. Je vous remercie beaucoup, monsieur.

Il nous reste encore un peu de temps pour une ou deux petites questions, si vous voulez. Non?

Je vous remercie donc beaucoup, et si vous voulez revenir, monsieur Marsolais, vous savez maintenant comment vous mettre en rapport avec le greffier, n'est-ce pas? D'accord.

Encore une fois merci à vous trois, messieurs, pour nous avoir relaté votre vécu et répondu à nos questions. Et merci également à tous ceux qui sont venus vous prêter main-forte.

Le comité suspend ses travaux jusqu'à jeudi matin 9 heures précises.