La composition de la Chambre

Le Canada est divisé en 338 circonscriptions électorales, chacune élisant un député à la Chambre des communes10. On peut définir une circonscription électorale comme étant toute collectivité territoriale au Canada qui est habilitée à envoyer une personne pour la représenter à la Chambre des communes. Après chaque recensement décennal, on décide de la répartition des sièges entre les provinces en fonction de la population. Les limites des circonscriptions sont ensuite fixées par des commissions provinciales de délimitation des circonscriptions électorales.

La composition de la Chambre s’est enrichie considérablement depuis 1867. À l’ouverture de la 1re législature, il y avait 181 sièges à la Chambre des communes, selon la représentation suivante par province : 82 pour l’Ontario, 65 pour le Québec, 19 pour la Nouvelle-Écosse et 15 pour le Nouveau-Brunswick11.

Peu de temps après, de nouvelles provinces demandèrent à être admises au sein de la Confédération. Leur représentation au Parlement était alors considérée comme négociable et, souvent, n’était pas en rapport avec la population12. Lorsque le Manitoba se joignit au Canada, en 1870, quatre sièges furent ajoutés à la Chambre13. La Colombie-Britannique et l’Île-du-Prince-Édouard obtinrent chacune six sièges au moment de leur adhésion à la Confédération, en 1871 et en 1873 respectivement14. En 1886, les Territoires du Nord-Ouest reçurent quatre sièges et, en 1902, le territoire du Yukon en obtint un15. En 1905, lorsque la Saskatchewan et l’Alberta furent constituées à partir des Territoires du Nord-Ouest, elles obtinrent 10 et sept sièges respectivement ; les Territoires du Nord-Ouest n’avaient alors plus de siège à la Chambre16. L’année 1947 marqua la création de la circonscription de Yukon–Mackenzie River, composée de l’ensemble du Yukon et de la partie occidentale des Territoires du Nord-Ouest (appelée alors District du Mackenzie), qui reçut un siège17. Terre-Neuve adhéra à la Confédération en 1949 et obtint sept sièges18. En 1952, la circonscription de Yukon-Mackenzie River fut révoquée ; le District du Mackenzie des Territoires du Nord-Ouest obtint un siège et la circonscription originale du Yukon fut restaurée19. En 1962, on modifia la Loi sur la députation afin de donner un siège à l’ensemble des Territoires du Nord-Ouest20. En 1975, le nombre de sièges pour les Territoires du Nord-Ouest passa à deux21. Le 1er avril 1999, le territoire du Nunavut fut constitué à même la partie orientale des Territoires du Nord-Ouest et reçut l’un de leurs deux sièges22.

À l’heure actuelle, la Chambre compte 338 députés élus dans les 10 provinces et les trois territoires : 42 pour la Colombie-Britannique, 34 pour l’Alberta, 14 pour la Saskatchewan, 14 pour le Manitoba, 121 pour l’Ontario, 78 pour le Québec, 10 pour le Nouveau-Brunswick, 11 pour la Nouvelle-Écosse, quatre pour l’Île-du-Prince-Édouard, sept pour Terre-Neuve-et-Labrador23 et un pour chaque territoire, soit le Yukon, les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut (voir la figure 4.1, « Représentation depuis 1867 »).

Représentation

En 1867, les Pères de la Confédération adoptèrent le principe de la représentation d’après la population. Selon ce principe, on arrêta une formule pour calculer le nombre de sièges de chaque province à la Chambre des communes. L’Ontario, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse obtinrent chacune un nombre de sièges en fonction de leur part de la population totale par rapport à celle de la province de Québec, qui s’était vu garantir 65 sièges, le même nombre dont elle disposait à l’Assemblée législative de la Province du Canada24. Au fur et à mesure que des provinces et des territoires se joignaient au Canada et qu’évoluait la répartition de la population du pays, le Parlement modifiait la formule pour calculer le nombre de sièges.

Figure 4.1 Représentation depuis 1867
Année
Canada
Ontario
Québec
Nouvelle-Écosse
Nouveau-Brunswick
Manitoba
Colombie-Britannique
Île-du-Prince-Édouard
Saskatchewan
Alberta
Terre-Neuve-et-Labrador
Territoires du Nord-Ouest
Yukon
Nunavut

1867

181

82

65

19

15

1870

185

82

65

19

15

4

1871

191

82

65

19

15

4

6

1872

200

88

65

21

16

4

6

1873

206

88

65

21

16

4

6

6

1882

211

92

65

21

16

5

6

6

1886

215

92

65

21

16

5

6

6

4

1892

213

92

65

20

14

7

6

5

4

1902

214

92

65

20

14

7

6

5

4

1

1903

214

86

65

18

13

10

7

4

10

1

1905

221

86

65

18

13

10

7

4

10

7

1

1914

234

82

65

16

11

15

13

3

16

12

1

1915

235

82

65

16

11

15

13

4

16

12

1

1924

245

82

65

14

11

17

14

4

21

16

1

1933

245

82

65

12

10

17

16

4

21

17

1

1947

255

83

73

13

10

16

18

4

20

17

1

1949

262

83

73

13

10

16

18

4

20

17

7

1

1952

265

85

75

12

10

14

22

4

17

17

7

1

1

1966

264

88

74

11

10

13

23

4

13

19

7

1

1

1975

265

88

74

11

10

13

23

4

13

19

7

2

1

1976

282

95

75

11

10

14

28

4

14

21

7

2

1

1987

295

99

75

11

10

14

32

4

14

26

7

2

1

1997

301

103

75

11

10

14

34

4

14

26

7

2

1

1999

301

103

75

11

10

14

34

4

14

26

7

1

1

1

2004

308

106

75

11

10

14

36

4

14

28

7

1

1

1

2015

338

121

78

11

10

14

42

4

14

34

7

1

1

1

Historique

Lors de la Confédération, la Loi constitutionnelle de 1867 disposait que, pour assurer une représentation juste de la population de chaque province à la Chambre, le nombre de sièges de chacune devait être recalculé à l’issue de chaque recensement décennal à compter de celui de 187125. La toute première formule utilisée pour obtenir le nombre total de sièges consistait à diviser le chiffre de la population de chaque province par un nombre fixe appelé « quotient électoral », lequel était établi en divisant par 65 le chiffre de la population du Québec. Il y avait une exception : la « règle du vingtième » était une exigence garantissant qu’aucune province ne pourrait perdre de sièges lors d’un redécoupage électoral, à moins que le chiffre de sa population n’ait décru d’au moins cinq pour cent (un vingtième) par rapport à celui de la population nationale entre les deux derniers recensements.

Cette formule ne causa aucun problème pendant les 25 premières années de la Confédération, vu la croissance de la population du pays. En effet, en 1872, à la suite du Recensement de 1871, la représentation à la Chambre augmenta : l’Ontario reçut six sièges additionnels, la Nouvelle-Écosse, deux, et le Nouveau-Brunswick, un, ce qui, en comptant les nouveaux sièges accordés au Manitoba et à la Colombie-Britannique, augmenta le nombre total de députés à 200. Après le Recensement de 1881, la représentation à la Chambre augmenta encore une fois ; l’Ontario obtint quatre nouveaux sièges et le Manitoba, un, ce qui, en incluant les nouveaux sièges accordés à l’Île-du-Prince-Édouard, portait le nombre total de députés à 211. Toutefois, en 1892, pour la première fois, des provinces perdirent des sièges. En effet, les trois provinces maritimes perdirent quatre sièges au total, ce qui suscita de l’inquiétude, en particulier à l’Île-du-Prince-Édouard. Même si la population des provinces maritimes était à la hausse, elle diminuait par rapport au total national. En 1903, le rajustement de la représentation eut pour effet de réduire encore le nombre de sièges de l’Île-du-Prince-Édouard. Devant la Cour suprême, l’Île-du-Prince-Édouard soutint qu’elle devait pouvoir conserver les sièges qu’on lui avait attribués au moment de son entrée dans la Confédération. La Cour suprême détermina néanmoins que la représentation devait être basée sur l’ensemble de la population canadienne et qu’il n’y avait pas lieu de faire une exception pour l’Île-du-Prince-Édouard26.

L’arrêt de la Cour suprême ne mit pas fin à la dissension parmi certaines provinces dont la population allait en diminuant. En 1914, on proposa une première modification à la formule de représentation initiale en ajoutant un article à la Loi constitutionnelle de 1867 en vue de voir à ce que les plus petites provinces ne perdent pas davantage de sièges du fait du déclin relatif de leur population. Adopté en 1915 et en vigueur encore aujourd’hui, cet article, communément appelé la « clause sénatoriale », garantit que le nombre de députés d’une province ne sera pas inférieur au nombre de sénateurs représentant cette même province27.

Après le Recensement de 1941, on adopta une modification constitutionnelle visant à reporter le remaniement de la carte électorale à la première session que tiendrait le Parlement après la fin de la guerre, les provinces de l’Ouest craignant que les déplacements démographiques causés par la guerre n’aient une incidence sur la représentation à la Chambre28. En outre, nombre de provinces étaient insatisfaites des règles du découpage électoral, lesquelles ne prévoyaient la représentation selon la population que pour quatre des neuf provinces, tandis que les cinq autres étaient assurées de sièges additionnels en vertu soit de la clause sénatoriale, soit de la règle du vingtième29. Les demandes en vue d’une représentation d’après la population, en particulier de la part du Québec, entraînèrent une modification de la Loi constitutionnelle de 1867, introduisant une nouvelle formule de répartition des sièges et abolissant la « règle du vingtième » en 194630. Cette nouvelle formule fixait à 255 le nombre total de sièges, un pour le Yukon et les 254 autres répartis parmi les provinces en fonction de leur part de la population totale du pays et non plus en fonction de la population moyenne par circonscription électorale au Québec31.

Cependant, à la suite du Recensement de 1951, on constata que la population n’avait pas augmenté au même rythme dans toutes les provinces et on découvrit rapidement que, en appliquant la formule de 1946, la Nouvelle-Écosse, le Manitoba et la Saskatchewan perdraient des sièges en raison de leurs taux de croissance démographique plus faibles. C’est pourquoi, en 1952, on modifia de nouveau la Loi constitutionnelle de 1867 afin d’empêcher le déclin rapide du nombre de sièges de ces provinces. La modification stipulait qu’une province ne pouvait perdre plus de 15 pour cent du nombre de sièges auxquels elle avait eu droit en vertu du dernier rajustement. Elle stipulait également qu’une province plus populeuse qu’une autre ne pouvait avoir moins de sièges que cette dernière32. Malgré cette modification, après le Recensement de 1961, les trois mêmes provinces ainsi que le Québec perdirent des sièges et, après celui de 1971, Terre-Neuve en perdit également.

En 1974, inquiet de la perte constante de sièges dans certaines provinces, le Parlement adopta la Loi sur la représentation (1974). Cette dernière proposait une nouvelle formule, dite « de l’amalgame »33, pour calculer la représentation à la Chambre de façon qu’aucune province ne perde de sièges34. Comme dans la formule initiale, le Québec se vit attribuer un nombre fixe de sièges, soit 75 au lieu des 65 de l’époque, et on utilisa la population moyenne de ses circonscriptions pour calculer le nombre de sièges des autres provinces. À chaque rajustement subséquent, le Québec recevrait automatiquement quatre sièges pour faire contrepoids à la croissance démographique et diminuer la population moyenne de ses circonscriptions, principe constituant le fondement du calcul pour l’attribution des sièges parmi les autres provinces. En outre, on créa trois catégories de provinces : les grandes provinces (population de 2,5 millions d’habitants ou plus) ; les provinces intermédiaires (entre 1,5 et 2,5 millions d’habitants) ; et les petites provinces (moins de 1,5 million d’habitants). L’attribution des sièges selon une stricte proportion par rapport au Québec ne devait avoir lieu que dans le cas des grandes provinces ; des règles distinctes étaient établies pour les petites provinces et les provinces intermédiaires35. La formule de l’amalgame ne fut appliquée qu’une seule fois, en 1976, établissant ainsi 282 sièges à la Chambre.

Après le Recensement de 1981, on se rendit compte que la formule de l’amalgame augmenterait substantiellement le nombre de sièges à la Chambre, dès lors et après les recensements subséquents. On donna donc au Comité permanent des privilèges et élections le mandat d’étudier la question de la représentation lors des 32e (1980-1984) et 33e (1984-1988) législatures36 et, en 1986, on adopta la Loi de 1985 sur la représentation électorale. En modifiant l’article 51 de la Loi constitutionnelle de 1867, la Loi établissait une nouvelle formule de calcul sur la base de 282 sièges, comme le prévoyait la formule de l’amalgame de 1976, et tenait compte des règles suivantes37 :

  • Deux sièges étaient attribués aux Territoires du Nord-Ouest et un était attribué au Yukon38 ;
  • La population totale des 10 provinces était divisée par 279 afin d’obtenir le quotient électoral ;
  • Le nombre de sièges de chaque province était calculé en divisant le chiffre de sa population totale par le quotient électoral ;
  • Les résultats dont la partie décimale dépassait 0,50 étaient arrondis à l’unité supérieure.

Une fois obtenu le nombre de sièges par province, on apportait des ajustements en appliquant la clause sénatoriale, ainsi que la nouvelle « clause de droits acquis »39 en vertu de laquelle aucune province ne pouvait avoir moins de sièges que ceux dont elle disposait en 1986, au moment de l’entrée en vigueur de la Loi de 1985 sur la représentation électorale40.

Avec cette formule, le nombre de sièges à la Chambre passa à 295 pour l’élection de 1988, à 301 pour celle de 1997 et à 308 pour celle de 2004.

À la suite du recensement décennal de 2011, on développa une nouvelle formule ayant pour effet de faire passer le nombre de sièges à la Chambre à 338 pour la 42e élection générale, tenue en 2015.

Formule actuelle

En décembre 2011, le Parlement adopta une loi visant à modifier la Loi constitutionnelle de 1867, la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales ainsi que la Loi électorale du Canada41. Connue sous le titre abrégé de « Loi sur la représentation équitable », la Loi introduisit une nouvelle formule de révision du nombre de sièges à la Chambre des communes42. Elle vint réduire le quotient électoral, ce dernier devant désormais être révisé avant chaque redécoupage ultérieur. Cette formule avait pour objectif d’assurer une représentation équitable aux citoyens vivant notamment en Ontario, en Colombie-Britannique et en Alberta, ces provinces étant devenues sous-représentées. De plus, elle visait à maintenir le nombre de sièges des plus petites provinces et la représentation proportionnelle du Québec, pour éviter que celles-ci ne deviennent elles-mêmes sous-représentées.

Selon cette nouvelle formule :

  1. Le nombre initial de sièges accordés à chaque province est calculé en divisant sa population par le quotient électoral, lequel a été fixé à 111 166. La Loi prévoit que le quotient électoral sera révisé avant le redécoupage qui suit chaque recensement ;
  2. Le nombre initial de sièges attribués à chaque province ayant été établi, des rajustements sont effectués en appliquant les clauses spéciales que sont la clause sénatoriale et la clause de droits acquis ;
  3. On applique ensuite la règle dite « de représentation ». Cette règle s’applique seulement à une province dont la population était surreprésentée à la Chambre des communes au terme du dernier processus de révision. Si une province devient sous-représentée à la suite des calculs ci-dessus, d’autres sièges lui sont attribués de façon à ce que son pourcentage de sièges à la Chambre des communes soit proportionnel à son pourcentage de la population totale du pays ;
  4. Une fois les clauses spéciales et la règle de représentation appliquées, le nombre de sièges pour chaque province est convenu, puis trois sièges sont ajoutés, soit un pour chacun des trois territoires, conformément au paragraphe 51(2) de la Loi constitutionnelle de 1867, ce qui établit le nombre final de sièges à la Chambre des communes.