Séances spéciales ou inhabituelles

La Chambre ajuste parfois l’horaire normal de ses séances en fonction d’activités ou de cérémonies sortant de l’ordinaire. Ces séances spéciales ont eu lieu à diverses fins : dans le seul but d’assister à une cérémonie de sanction royale ; pour élire un Président ; pour tenir une séance secrète ; et pour entendre les allocutions de visiteurs de marque.

Séance dans le seul but d’assister à une cérémonie de sanction royale

La sanction royale, par laquelle un représentant de la Couronne donne son assentiment à un projet de loi, peut s’effectuer de deux manières : soit par déclaration écrite, soit dans le cadre d’une cérémonie traditionnelle, qui doit se tenir à la chambre du Sénat129.

La Loi sur la sanction royale prescrit qu’une cérémonie coutumière de sanction royale doit se tenir au moins deux fois par année, l’une des deux occasions devant servir à octroyer la sanction royale au premier projet de loi de crédits d’une session parlementaire130. La cérémonie réunit les trois constituantes du Parlement : la Couronne, le Sénat et la Chambre des communes. Les cérémonies traditionnelles de sanction royale peuvent aussi se tenir quand la Chambre ne siège pas. Dans ces cas, la Chambre doit être rappelée afin qu’elle se rende au Sénat pour assister à la cérémonie de sanction royale.

À la fin des années 1980, la Chambre adoptait régulièrement des ordres spéciaux qui permettaient au Président, pendant les périodes d’ajournement, de rappeler la Chambre dans le seul but d’assister à une cérémonie de sanction royale131. L’article du Règlement qui autorise le Président à rappeler la Chambre s’il juge que c’est dans l’intérêt public a aussi été invoqué pour rappeler la Chambre en vue d’une sanction royale132. En 1994, la Chambre a adopté l’article 28(4) du Règlement, qui autorise explicitement le Président à rappeler la Chambre à la demande du gouvernement dans le seul but d’assister à une cérémonie de sanction royale133.

Quand la Chambre est rappelée pour assister à une cérémonie de sanction royale, il s’agit d’un rappel en bonne et due forme et un préavis approprié doit être donné afin de permettre au Président, ou à son suppléant, de prendre les mesures nécessaires. Le Président avise ainsi le Greffier de la Chambre des communes et lui demande que soient entreprises les démarches nécessaires pour le rappel de la Chambre. Ce dernier s’acquitte de cette responsabilité en communiquant la date et l’heure de la séance spéciale aux bureaux des whips, des leaders à la Chambre, aux Occupants du fauteuil et aux députés indépendants.

Le quorum n’est pas nécessaire pour que le Président occupe le fauteuil lorsque l’huissier du bâton noir se présente à la Chambre pour inviter les députés à se rendre au Sénat, puisque, lorsqu’elle répond à une convocation de la Couronne, la Chambre est invitée simplement à attester un geste, plutôt qu’à prendre une décision134. À la fin de la cérémonie, le Président revient à la Chambre et, après avoir pris place au fauteuil, fait connaître à la Chambre qu’il a plu au gouverneur général de donner la sanction royale à certains projets de loi au nom du souverain. Il ajourne alors immédiatement la Chambre135 sans autre délibération136.

Une telle séance n’est pas considérée comme une séance régulière de la Chambre et comme un jour de séance complet. Le numéro de séance attribué à la séance régulière précédente de la Chambre est donc à nouveau attribué à la séance convoquée pour la sanction royale, auquel est ajoutée une lettre137.

Élection d’un Président

L’élection du Président de la Chambre des communes est prévue dans la Constitution. Une élection se tient à l’ouverture de la première session de chaque législature138, quand le Président démissionne ou annonce son intention de démissionner en cours de législature, ou s’il se produit une vacance pour une autre raison139. Cette exigence constitutionnelle sert de fondement aux articles du Règlement qui précisent à quel moment et dans quelles circonstances cette élection doit se dérouler140.

Tant qu’un Président n’a pas été élu, la Chambre des communes n’est pas officiellement constituée. Elle ne peut donc être saisie d’aucune autre affaire tant que le scrutin n’est pas terminé et que le nouveau Président n’a pas pris place au fauteuil. La Chambre ne peut non plus accueillir aucune motion d’ajournement ou autre. Le scrutin se poursuit jusqu’à ce qu’un candidat obtienne la majorité des voix141. Au besoin, la Chambre prolonge sa séance au-delà de l’heure ordinaire de l’ajournement quotidien142. Au moment où le Président est élu et prend place au fauteuil, le sergent d’armes prend la masse (symbole de l’autorité de la Chambre) qui est sous le Bureau et la pose sur celui-ci, ce qui signifie que la Chambre est dûment constituée. Après une période de remerciements et de félicitations, le nouveau Président communique habituellement aux députés le message du gouverneur général annonçant la date et l’heure du discours du Trône, puis ajourne la Chambre jusqu’à la séance suivante.

Séances secrètes

Même si le Règlement ne le prévoit pas explicitement, la Chambre a le privilège, le droit historique et l’autorité de mener ses travaux en privé. L’expression « séance secrète » a été utilisée pour les désigner. La Chambre peut tenir toute une séance ou une partie de séance où les « étrangers », c’est-à-dire quiconque à l’exception d’un député ou d’un officiel de la Chambre des communes, ne sont pas admis ou encore sont priés de se retirer des tribunes143. Considérées comme des séances, ces réunions sont consignées comme telles dans les documents de la Chambre. Pour siéger en secret, la Chambre a soit adopté un ordre spécial en ce sens144, soit n’a simplement pas ouvert ses portes au public après la prière au début d’une séance145.

La Chambre s’est réunie en secret à cinq reprises, dont quatre fois en temps de guerre146. Pendant les premières années après la Confédération, la Chambre tenait, au début d’une séance, avant d’ouvrir les portes au public, une partie de ses séances à huis clos pour discuter de questions internes ou d’intendance147.

Allocutions de visiteurs de marque

La salle de la Chambre des communes sert parfois de tribune où des visiteurs de marque (habituellement un chef d’État ou de gouvernement) s’adressent aux deux chambres réunies. Depuis le début des années 1940, un grand nombre de visiteurs de marque y ont prononcé des discours devant les sénateurs et députés réunis (voir la figure 9.1, « Allocutions prononcées devant les chambres du Parlement réunies depuis 1940 »).

Figure 9.1 Allocutions prononcées devant les chambres du Parlement réunies depuis 1940

30 décembre 1941

Winston Churchill, premier ministre, Royaume-Uni

16 juin 1943

Madame Chiang Kai-shek, épouse du dirigeant de la République de Chine

1er juin 1944

John C. Curtin, premier ministre, Australie

30 juin 1944

Peter Fraser, premier ministre, Nouvelle-Zélande

19 novembre 1945

Clement R. Attlee, premier ministre, Royaume-Uni

11 juin 1947

Harry S. Truman, président, États-Unis

24 octobre 1949

Pandit Jewaharlal Nehru, premier ministre, Inde

31 mai 1950

Liaquat Alî Khân, premier ministre, Pakistan

5 avril 1951

Vincent Auriol, président, République française

14 novembre 1953

Dwight D. Eisenhower, président, États-Unis

6 février 1956

Sir Anthony Eden, premier ministre, Royaume-Uni

5 mars 1956

Giovanni Gronchi, président, République d’Italie

5 juin 1956

Achmed Sukarno, président, République d’Indonésie

4 mars 1957

Guy Mollet, premier ministre, République française

2 juin 1958

Theodor Heuss, président, République fédérale d’Allemagne

13 juin 1958

Harold Macmillan, premier ministre, Royaume-Uni

9 juillet 1958

Dwight D. Eisenhower, président, États-Unis

21 juillet 1958

Kwame Nkrumah, premier ministre, Ghana

17 mai 1961

John F. Kennedy, président, États-Unis

26 mai 1964

U Thant, secrétaire général, Nations unies

14 avril 1972

Richard M. Nixon, président, États-Unis

30 mars 1973

Luis Echeverria, président, Mexique

19 juin 1973

Indira Gandhi, premier ministre, Inde

5 mai 1980

Masayoshi Ohira, premier ministre, Japon

26 mai 1980

José Lopez Portillo, président, Mexique

11 mars 1981

Ronald W. Reagan, président, États-Unis

26 septembre 1983

Margaret Thatcher, premier ministre, Royaume-Uni

17 janvier 1984

Zhao Ziyang, premier ministre, Conseil des affaires d’État, République populaire de Chine

8 mai 1984

Miguel de la Madrid, président, Mexique

7 mars 1985

Javier Perez de Cuellar, secrétaire général, Nations unies

13 janvier 1986

Yasuhiro Nakasone, premier ministre, Japon

6 avril 1987

Ronald W. Reagan, président, États-Unis

25 mai 1987

François Mitterrand, président, République française

10 mai 1988

Sa Majesté la reine Béatrix des Pays-Bas

16 juin 1988

Helmut Kohl, chancelier, République fédérale d’Allemagne

22 juin 1988

Margaret Thatcher, premier ministre, Royaume-Uni

27 février 1989

Chaïm Herzog, président, État d’Israël

11 octobre 1989

Sa Majesté le roi Hussein Bin Talal, Royaume hachémite de Jordanie

18 juin 1990

Nelson Mandela, vice-président, Congrès national africain

8 avril 1991

Carlos Salinas de Gortari, président, Mexique

19 juin 1992

Boris Eltsine, président, Fédération de Russie

23 février 1995

William J. Clinton, président, États-Unis

11 juin 1996

Ernesto Zedillo, président, Mexique

24 septembre 1998

Nelson Mandela, président, République sud-africaine

29 avril 1999

Vaclav Havel, président, République tchèque

22 février 2001

Tony Blair, premier ministre, Royaume-Uni

9 mars 2004

Kofi Annan, secrétaire général, Nations unies

25 octobre 2004

Vicente Fox Quesada, président, Mexique

18 mai 2006

John Howard, premier ministre, Australie

22 septembre 2006

Hamid Karzaï, président, République islamique d’Afghanistan

26 mai 2008

Victor Iouchtchenko, président, Ukraine

27 mai 2010

Felipe Calderón, président, Mexique

22 septembre 2011

David Cameron, premier ministre, Royaume-Uni

27 février 2014

Son Altesse l’Aga Khan, 49e imam héréditaire des musulmans chiites ismaéliens

17 septembre 2014

Petro Poroshenko, président, Ukraine

3 novembre 2014

François Hollande, président, République française

29 juin 2016

Barack H. Obama, président, États-Unis

12 avril 2017

Malala Yousafzai, lauréate du prix Nobel de la paix

Depuis les années 1970, la pratique normale de la Chambre consiste à adopter une motion, sans débat, portant réunion des deux chambres pour la tenue ultérieure d’un discours148. En plus d’ordonner de publier l’allocution et les discours connexes en annexe des Débats149, la motion précise parfois aussi la date et l’heure d’ajournement de la Chambre, en plus d’assortir d’autres conditions à l’Ordre des travaux le jour de l’allocution. Depuis 1980, la motion autorise en outre les médias à retransmettre l’allocution et les discours connexes150.

Lorsqu’une allocution est prononcée devant les chambres réunies, les sénateurs et les députés se regroupent dans la salle de la Chambre des communes. Cela ne constitue pas une séance et la masse n’est pas posée sur le Bureau mais un protocole établi est néanmoins respecté.

L’attribution des places à la Chambre n’est pas celle d’une séance normale. Le Président de la Chambre occupe le fauteuil, et le Président du Sénat s’assoit à sa droite. Un lutrin est placé à l’extrémité du Bureau, qui est débarrassé de tout ce qu’on y trouve habituellement. Le premier ministre et le visiteur de marque prennent place du côté du Bureau qui se trouve à la droite du Président, en face du Greffier du Sénat et du Greffier de la Chambre des communes. Des sièges sont prévus, sur le parquet de la Chambre, devant le Bureau, pour le reste de la suite officielle, les juges de la Cour suprême et les sénateurs.

À son arrivée à l’édifice du Centre, le visiteur de marque est accueilli dans la rotonde du Hall de la Confédération par le premier ministre, les Présidents des deux chambres, les chefs de parti des deux chambres, les Greffiers du Sénat et de la Chambre des communes, l’huissier du bâton noir et le sergent d’armes. Le Président du Sénat et le Président de la Chambre des communes l’invitent ensuite à signer le livre des visiteurs de chacune des chambres. Puis, le premier ministre, le visiteur de marque, les deux Présidents et les deux Greffiers sont escortés au bureau du Président de la Chambre des communes par l’huissier du bâton noir et le sergent d’armes, tandis que les chefs de parti sont escortés à la Chambre des communes par les pages du Sénat et de la Chambre.

À l’heure fixée, la suite officielle pénètre dans la salle de la Chambre des communes. Après une courte introduction, le Président de la Chambre des communes invite le premier ministre à s’adresser à l’assemblée. Le premier ministre prend la parole et présente le visiteur de marque. Après l’allocution du visiteur de marque, le Président du Sénat le remercie, suivi du Président de la Chambre des communes, qui lève l’assemblée. La suite officielle quitte alors la Chambre et se rend au bureau du Président de la Chambre des communes dans l’ordre suivant : l’huissier du bâton noir, le visiteur de marque et le premier ministre, le Président du Sénat, le Greffier du Sénat, le sergent d’armes, le Président de la Chambre des communes et le Greffier de la Chambre des communes.