Attribution du droit de parole

À quelques exceptions près, un député peut prendre la parole sur toute motion pouvant faire l’objet d’un débat qui a été présentée à la Chambre3. Dans la gestion du débat relatif à une motion, le Président a la responsabilité de déterminer l’ordre dans lequel les députés se voient accorder la parole et d’appliquer les règles du débat qui régissent les questions comme la règle d’une seule intervention sur une motion, le droit de réplique4 et les interventions injustifiées.

Ordre de parole habituel

Le Règlement n’établit pas d’ordre officiel pour l’attribution du droit de parole aux députés ; la présidence s’en remet à cet égard à l’usage et aux précédents de la Chambre. Le Règlement autorise seulement celle-ci à donner la parole au député qui la demande en se levant de son siège5. Le député que la présidence « aperçoit » le premier se voit accorder la parole. L’expression anglaise employée en ce sens, « to catch the Speaker’s eye », remonte aux premiers temps de la procédure parlementaire anglaise6. Les whips des divers partis fournissent chacun à la présidence une liste de députés qui souhaitent prendre la parole, mais elle n’est pas tenue de la suivre7. Par tradition, on donne une certaine priorité de parole à certains députés, comme les chefs de parti, les ministres lorsque c’est à propos et, souvent, les porte-parole de l’opposition8. Le Règlement accorde des droits spéciaux à un nombre limité de députés, dont le premier ministre et le chef de l’Opposition, mais ces droits ont seulement trait à la durée de leurs discours9. Le Président a toute latitude de donner la parole aux députés10, mais il peut observer les ententes non officielles éventuellement prises11 ou encore être lié par un ordre de la Chambre établissant un ordre de parole précis12. Dans certaines circonstances, un député ayant obtenu la parole peut partager son temps de parole avec un autre député13.

Selon l’ordre habituel des affaires, après qu’une motion a été présentée à la Chambre, le Président donne la parole au motionnaire en premier. Si celui-ci choisit de ne pas intervenir, il est néanmoins réputé avoir eu la parole ; il est réputé avoir dit « je propose » en faisant simplement un signe de tête, et l’on considère qu’il est intervenu14. Le député qui appuie une motion n’est pas tenu de prendre la parole sur celle-ci à ce moment-là, mais il peut le faire plus tard au cours du débat15.

Le Président « aperçoit » ensuite les députés des côtés opposés de la Chambre selon une rotation raisonnable, en tenant compte du nombre de membres des divers partis reconnus qui siègent à la Chambre16, du droit de réplique17 et de la nature des travaux. Par exemple, au cours de la première ronde du débat sur les Ordres émanant du gouvernement, le Président donne la parole à un représentant du gouvernement et à un député de chacun des partis de l’opposition reconnus lorsqu’ils se lèvent pour intervenir. Lors des rondes suivantes du débat, il alterne entre les députés du gouvernement et ceux de l’opposition. Les Présidents donnent habituellement la parole à des députés indépendants et à des députés de partis non reconnus seulement après que les députés des partis reconnus ont participé au débat proportionnellement à leur nombre à la Chambre18. Lors de l’étude des Affaires émanant des députés, le Président redouble de prudence lorsqu’il donne la parole aux députés et s’assure que tous les partis et tous les groupes représentés à la Chambre se font entendre. Les jours réservés aux travaux des subsides, la présidence donne plus souvent la parole aux députés du parti qui parraine la motion de l’opposition19.

Au cours de la période de questions et d’observations qui suit la plupart des discours20, les députés peuvent poser des questions au député qui vient de terminer son discours ou faire de brèves remarques sur ce discours. Au moment de donner la parole aux députés, la présidence accorde alors la préférence à ceux qui appartiennent à des partis autres que celui de l’orateur initial, sans toutefois exclure les députés du parti de ce dernier, ainsi qu’à ceux qui sont particulièrement présents pendant la journée et qui suivent le débat21. Si la période de questions et d’observations est interrompue par d’autres travaux, elle se poursuivra seulement si, à la reprise du débat sur la motion, le député qui a prononcé le discours initial est présent22. Comme aucun temps précis n’est réservé pour la durée de chaque question ou observation, la présidence détermine parfois combien de députés souhaitent participer, puis répartit le temps alloué à chaque intervention en conséquence. Les députés qui se voient accorder la parole au cours de la période de questions et d’observations ne peuvent proposer de motions dilatoires23, d’amendements24 ou de motions tendant à prolonger les heures de séance25.

Motion portant qu’un député soit maintenant entendu

Si la Chambre adopte une motion portant qu’un autre député « soit maintenant entendu », cette motion a préséance sur la décision du Président concernant l’attribution du droit de parole au cours d’un débat. La décision prise sur cette motion règle immédiatement l’ordre du débat.

Lorsque deux députés se lèvent en même temps pour « attirer l’attention du Président », celui-ci donne la parole à l’un d’eux. En invoquant le Règlement, un autre député peut proposer que ce soit plutôt le député qui ne s’est pas vu accorder la parole qui l’obtienne26. La motion portant qu’un député « soit maintenant entendu » est une exception à la règle selon laquelle une motion ne peut être proposée sur un rappel au Règlement. Cette motion ne peut être présentée si le député à qui le Président a donné la parole en premier lieu a déjà commencé à parler27. Si le Président déclare la motion recevable, celle-ci est mise aux voix aussitôt sans débat. Un vote par appel nominal peut avoir lieu. Si la motion est adoptée, le député qui y est désigné peut prendre la parole28. Si elle est rejetée, le député qui avait obtenu la parole à l’origine avant la présentation de la motion conserve son droit de parole29. Dans un cas comme dans l’autre, une autre motion portant qu’un député « soit maintenant entendu » peut être présentée uniquement après que le dernier député à avoir obtenu la parole a terminé son discours30. Il est donc impossible de présenter une série de ces motions dans le but d’empêcher un député particulier de prendre la parole31. De plus, la motion ne peut être présentée :

  • si la Chambre n’est saisie d’aucune motion sujette à débat32 ;
  • si personne ne s’est encore vu donner la parole33 ;
  • si le député désigné dans la motion ne s’est pas levé à l’origine pour demander la parole34 ;
  • pour donner la parole à un député dont le discours aurait pour effet de clore le débat35 ;
  • au cours de la période de questions et d’observations consécutive à un discours36 ;
  • si la Chambre a adopté un ordre précisant l’ordre des interventions au cours du débat37.

Octroi de la parole lors du rappel d’un ordre

Un député dont le discours est interrompu soit en vertu d’un article du Règlement ou d’un ordre spécial38, soit par l’adoption d’une motion d’ajournement du débat, peut, à la reprise du débat sur la motion, poursuivre son intervention jusqu’à la fin de la période de temps qui lui est allouée. Si un député présente une motion d’ajournement du débat pendant son propre discours et qu’elle est rejetée, il perd le droit de reprendre son discours39. Si les travaux sont suspendus, le député qui avait la parole à ce moment-là conserve le droit d’intervenir lors de la reprise des travaux40. S’il n’est pas présent à la Chambre à la reprise du débat, il est réputé avoir cédé la parole et terminé son intervention41. Ce principe s’applique également à la période de questions et d’observations, à savoir que si le député qui a prononcé le discours n’est pas présent à la reprise du débat, la période de questions et d’observations prend fin, et un autre député obtient la parole42.

Conservation du droit de parole après une cérémonie de sanction royale

Si l’huissier du bâton noir se présente à la porte de la Chambre muni d’un message du gouverneur général la convoquant au Sénat pour une cérémonie de sanction royale, la Chambre interrompt ses travaux43. Aucun député ne se voit accorder la parole pour faire un rappel au Règlement ou pour soulever une question de privilège44. La Chambre ne peut reprendre ses travaux qu’à son retour du Sénat, là où elle les avait laissés, et la séance continue ; le député dont le discours a été interrompu par l’arrivée de l’huissier du bâton noir obtient la parole pour poursuivre son discours45.

Octroi de la parole avant et après les votes

Une fois que le Président a mis une question aux voix, il ne peut plus y avoir de débat, de rappels au Règlement, ni de questions de privilège46. Les députés doivent rester assis jusqu’à l’annonce du résultat du vote. Il est arrivé, après l’annonce du résultat, que des députés invoquent le Règlement pour expliquer pourquoi ils s’étaient abstenus de voter ou simplement pour le mentionner (afin que leurs paroles soient consignées dans les Débats)47 ; pour expliquer comment ils auraient voté s’ils avaient été présents à la Chambre lors de la mise aux voix ; pour solliciter le consentement de la Chambre en vue de faire inscrire leur vote après les faits48 ou pour informer la présidence de la façon dont ils souhaitaient voir leur vote inscrit lors de votes subséquents auxquels on devait appliquer les résultats49. À l’occasion, des députés ont invoqué le Règlement après un vote afin de solliciter le consentement unanime de la Chambre pour modifier leur vote50. Toutefois, un député ne doit pas faire un rappel au Règlement pour commenter la façon dont un autre député a voté51.

Une seule intervention sur une motion

Pour accélérer la conduite des travaux de la Chambre, le Règlement autorise les députés à intervenir une seule fois au cours du débat sur une motion donnée52. Si, par inadvertance, un député demande la parole une seconde fois, le Président l’interrompt et donne la parole à un autre député53.

Étant donné que les motions, amendements et sous-amendements constituent des questions distinctes, les députés peuvent intervenir une fois sur chaque question54. Toutefois, le député qui propose un amendement est réputé avoir pris la parole à la fois sur l’amendement proposé et sur la motion principale, et ne peut intervenir de nouveau sur l’une ou l’autre question55. De même, le député qui propose un sous-amendement est réputé être intervenu aussi sur l’amendement et ne peut intervenir de nouveau, mais cela ne touche pas son droit de prendre la parole sur la motion principale56. Après qu’un amendement (ou un sous-amendement) a été proposé, appuyé et présenté à la Chambre, tout député qui demande la parole intervient sur l’amendement (ou le sous-amendement), plutôt que sur la motion principale (ou l’amendement). Une fois qu’un amendement (ou un sous-amendement) a été adopté ou rejeté, tout député qui n’est pas encore intervenu sur la motion principale (ou l’amendement) peut le faire. Une motion principale modifiée n’est pas considérée comme une nouvelle question ; seuls les députés qui ne sont pas encore intervenus sur la motion principale peuvent prendre la parole sur la motion modifiée57.

Tout député qui demande la parole pour présenter une motion sujette à débat doit donner le nom d’un deuxième député qui appuie officiellement celle-ci. Un ordre émanant du gouvernement doit être présenté par un ministre, mais il peut être appuyé par n’importe quel député58. Si un motionnaire choisit de ne pas prendre la parole immédiatement après la présentation de la motion à la Chambre, il perd son droit d’intervenir sur celle-ci, sauf en réplique59. L’appuyeur peut se voir accorder le droit d’intervenir sur la motion plus tard au cours du débat.

Si un député présente une motion dans le cadre de son discours (par exemple un amendement ou une motion d’ajournement du débat), cela met habituellement fin à son discours. Un député qui est déjà intervenu sur une question ne peut demander la parole de nouveau pour proposer ou appuyer un amendement ou pour présenter une motion d’ajournement du débat ou de la Chambre, mais il peut intervenir sur un amendement proposé par un autre député60. Si une motion d’ajournement du débat est présentée puis rejetée, le motionnaire est réputé avoir épuisé son droit de parole sur la question principale quoique la période de questions et d’observations peut prendre place61. Toutefois, si la motion est adoptée, le motionnaire peut intervenir en premier lors du prochain rappel de l’Ordre. S’il ne prend pas la parole à ce moment-là, il perd l’occasion d’intervenir62.

De temps à autre, la Chambre autorise du consentement unanime un député à intervenir une seconde fois sur une motion63. Le Règlement prévoit lui aussi une exception à la règle d’une seule intervention par question. Cette exception, rarement invoquée depuis l’instauration, en 1982, de la période de questions et d’observations de 10 minutes64, autorise un député à intervenir une seconde fois afin d’expliquer une partie importante de son discours pouvant avoir été mal citée ou mal interprétée65. Le député doit pour cela invoquer le Règlement et se borner à expliquer la citation ou l’interprétation présumée erronée ; il ne peut introduire aucun élément nouveau66.

Le droit de réplique

Tout député qui a présenté une motion de fond peut intervenir une seconde fois pour conclure le débat67. Ce droit est aussi accordé au député qui propose la deuxième lecture d’un projet de loi, mais il ne s’applique pas à ceux qui proposent des amendements, la question préalable, des instructions destinées à un comité, ni la troisième lecture d’un projet de loi68. Le droit de réplique se veut une occasion de réfuter les critiques et arguments formulés à l’encontre d’une motion de fond et a pour effet de clore le débat. Afin qu’aucun député désireux de participer à un débat ne soit empêché de le faire par l’exercice subit et non annoncé du droit de réplique, le Président doit, avant que l’auteur de la motion initiale commence sa réplique, aviser la Chambre que sa réplique aura pour effet de clore le débat69.

Si un député présente une motion au nom d’un autre député, un discours prononcé plus tard par l’un ou l’autre clôt le débat70. Toutefois, au cours du débat sur la motion portant deuxième lecture d’un projet de loi émanant du gouvernement, un secrétaire parlementaire peut clore le débat au nom du ministre qui a présenté la motion uniquement avec le consentement unanime de la Chambre71.

Bien que les ministres puissent exercer le droit de réplique72, ce sont habituellement les simples députés qui s’en prévalent. Ce droit est inscrit dans deux articles du Règlement qui régissent les Affaires émanant des députés. Le motionnaire d’une affaire émanant d’un député a le droit de prendre la parole pour répliquer pendant au plus cinq minutes à la fin du débat73. Lorsque le débat sur une motion portant production de documents sous la rubrique « Avis de motions (documents) » a duré une heure cinquante minutes au total, un ministre (ou un secrétaire parlementaire parlant au nom d’un ministre) peut parler pendant au plus cinq minutes, qu’il ait déjà pris la parole ou non, après quoi le motionnaire peut alors clore le débat après avoir parlé pendant au plus cinq minutes74.

Interventions

Lorsqu’un député prend la parole à la Chambre, aucun autre député ne peut l’interrompre, sauf dans le cas d’une question de privilège ou d’un rappel au Règlement imprévu75. Avant 1982 et l’instauration de la période de questions et d’observations consécutive à la plupart des discours76, un député souhaitant poser une question au cours d’un débat devait d’abord obtenir le consentement de celui qui parlait77. Le député qui admettait l’interruption n’était pas tenu de répliquer, et il hésitait souvent à le faire, car le temps ainsi employé était soustrait de son temps de parole.

Bien que les Occupants du fauteuil ne prêtent habituellement pas attention aux interruptions mineures que sont les applaudissements ou le chahut léger, ils interviennent promptement lorsqu’ils ont du mal à entendre le député qui a la parole ou si ce dernier n’est plus en mesure de continuer78.