Durée d’une législature et d’un ministère

La durée d’une législature — c’est-à-dire la période de temps entre les élections durant laquelle le Parlement exerce ses pouvoirs — s’étend de la date fixée pour le retour des brefs après une élection générale jusqu’à la dissolution de la législature par le gouverneur général. La Loi constitutionnelle prévoit d’ailleurs qu’il s’écoulera un délai maximal de cinq ans entre les élections générales, ce délai étant calculé à compter de la date fixée pour le retour des brefs d’élection, et que le Parlement devra tenir une séance au moins une fois tous les 12 mois19. De plus, des modifications à la Loi électorale du Canada, adoptées en 2007, prescrivent la tenue d’élections générales tous les quatre ans20. Les dispositions législatives précisent que les élections générales ont lieu le troisième lundi d’octobre de la quatrième année civile qui suit le jour du scrutin de la dernière élection générale21. Cela étant, les mêmes dispositions n’ont pas pour effet de porter atteinte aux pouvoirs du gouverneur général, notamment celui de dissoudre une législature lorsqu’il le juge opportun.

La durée d’un ministère, organe qui exerce réellement les fonctions du gouvernement, tient compte du temps pendant lequel un premier ministre occupe son poste et est calculée à compter du jour où le premier ministre prête son serment d’office jusqu’au jour où il meurt, démissionne ou est destitué. Aucun mandat maximal n’est fixé pour un ministère.

Ces deux mandats — le mandat parlementaire, qui comporte une durée maximale, et le mandat du premier ministre, qui est sans limite — ne coïncident donc pas toujours parfaitement.

Durée des législatures

La figure 2.1, « Durée des législatures », illustre bien qu’environ le tiers des législatures depuis 1867 ont duré entre quatre et cinq ans, un autre tiers a duré entre trois et quatre ans et le dernier tiers, moins de trois ans22. Quatre législatures (la 7e (1891–1896), la 17e (1930–1935), la 19e (1940–1945) et la 34e (1988–1993)) se sont approchées de la limite maximale de cinq ans prévue par la Loi constitutionnelle et, dans le cas de plusieurs, il ne restait plus que quelques jours avant que le mandat de la Chambre des communes expire. Une législature, la 12e (1911–1917), a été prolongée23. Quatre législatures (la 15e (1925–1926), la 23e (1957–1958), la 25e (1962–1963) et la 31e (1979)) ont duré moins d’un an.

Figure 2.1 Durée des législatures

Législature

Années

Durée

Ans

Mois

Jours

1

1867-1872

4

9

15

2

1872-1874

1

4

3

1874-1878

4

5

28

4

1878-1882

3

5

28

5

1882-1887

4

5

9

6

1887-1891

3

9

28

7

1891-1896

5

8

1896-1900

4

2

27

9

1900-1904

3

9

25

10

1904-1908

3

9

3

11

1908-1911

2

7

27

12 *

1911-1917

6

13

1918-1921

3

7

8

14

1922-1925

3

7

23

15

1925-1926

6

26

16

1926-1930

3

6

29

17

1930-1935

4

11

28

18

1935-1940

4

2

17

19

1940-1945

5

20

1945-1949

3

8

22

21

1949-1953

3

9

20

22

1953-1957

3

6

5

23

1957-1958

5

25

24

1958-1962

3

11

21

25

1962-1963

6

20

26

1963-1965

2

4

1

27

1965-1968

2

4

15

28

1968-1972

4

1

8

29

1972-1974

1

5

20

30

1974-1979

4

7

27

31

1979

6

4

32

1980-1984

4

4

33

1984-1988

4

8

34

1988-1993

4

8

28

35

1993-1997

3

5

13

36

1997-2000

3

4

37

2001-2004

3

5

6

38

2004-2005

1

4

11

39

2006-2008

2

6

27

40

2008-2011

2

4

23

41

2011-2015

4

2

11

42

2015-

* Prolongée au moyen d’une modification constitutionnelle

Durée des ministères

Depuis la Confédération, il y a eu 29 ministères, même si seulement 23 personnes ont servi comme premier ministre. En effet, un premier ministre dont le parti est reporté au pouvoir au cours d’élections générales successives demeure simplement à son poste à titre de chef du même gouvernement. Ainsi, sir Wilfrid Laurier, qui est devenu premier ministre en 1896, est demeuré à son poste au cours des élections générales de 1900, 1904 et 1908 avant de démissionner après que son parti eut été défait lors de l’élection générale de 1911. Par contre, un premier ministre qui démissionne après la défaite électorale de son parti, mais qui est plus tard reporté au pouvoir, doit former un nouveau ministère. Par exemple, Pierre E. Trudeau a été nommé premier ministre pour la première fois en 1968 et a alors formé le 20e ministère ; il a démissionné en 1979. L’année suivante, il a été réélu avec une majorité ; il est ainsi redevenu premier ministre et a formé le 22e ministère. Il peut aussi y avoir plusieurs ministères au cours de la même législature. Cela a été le cas lors de la 7e législature. Le premier ministre sir John A. Macdonald est mort à son poste peu de temps après sa réélection en 1891. De la date de son décès jusqu’aux élections de 1896, pas moins de quatre nouveaux ministères ont été formés. La figure 2.2, « Durée des ministères », illustre le caractère parfois éphémère et parfois durable des ministères24.

La fin d’un ministère

Un ministère prend fin lors du décès, de la démission ou de la destitution du premier ministre25. Cette fin n’entraîne pas nécessairement la dissolution de la législature. Il est vrai que la convention sur la confiance peut entraîner et a déjà entraîné la dissolution hâtive d’une législature26, mais on trouve également des exemples où plusieurs ministères ont été formés durant la même législature27. Les conséquences procédurales de la fin d’un ministère varient selon la façon dont il prend fin28.

Figure 2.2 Durée des ministères

Ministère

Premier Ministre

Années

Durée

Ans

Mois

Jours

1

Macdonald

1867-1873

6

4

5

2

Mackenzie

1873-1878

4

11

2

3

Macdonald

1878-1891

12

7

21

4

Abbott *

1891-1892

1

5

9

5

Thompson

1892-1894

2

8

6

Bowell *

1894-1896

1

4

7

7

Tupper

1896

2

8

8

Laurier

1896-1911

15

2

26

9

Borden

1911-1917

6

2

10

Borden **

1917-1920

2

8

28

11

Meighen

1920-1921

1

5

19

12

King

1921-1926

4

6

13

Meighen

1926

2

27

14

King

1926-1930

3

10

13

15

Bennett

1930-1935

5

2

16

16

King

1935-1948

13

23

17

St-Laurent

1948-1957

8

7

6

18

Diefenbaker

1957-1963

5

10

1

19

Pearson

1963-1968

4

11

29

20

P.E. Trudeau

1968-1979

11

1

15

21

Clark

1979-1980

8

29

22

P.E. Trudeau

1980-1984

4

3

27

23

Turner

1984

2

18

24

Mulroney

1984-1993

8

9

7

25

Campbell

1993

4

10

26

Chrétien

1993-2003

10

1

8

27

Martin

2003-2006

2

1

25

28

Harper

2006-2015

9

8

29

29

J. Trudeau

2015-

* Sénateur

** Gouvernement unioniste

Pour plus d’information, voir la note 1 du présent chapitre

Décès d’un premier ministre

Le décès d’un premier ministre a peu de conséquences sur le plan de la procédure et il n’entraîne pas la fin de la législature29. Si le décès survient durant une session parlementaire et alors que la Chambre siège, des hommages peuvent être rendus au défunt à la Chambre et celle-ci peut s’ajourner pour une période prolongée30. Depuis la Confédération, seulement deux premiers ministres sont morts en fonction : sir John A. Macdonald, en 1891, durant une session parlementaire, et sir John Thompson, en 1894, alors que le Parlement était prorogé31.

Démission d’un premier ministre

La démission d’un premier ministre peut être le résultat d’une défaite lors d’une élection générale, de l’application pure et simple de la convention sur la confiance, de l’application de cette convention suivie d’une défaite lors d’une élection générale, ou encore être attribuable à d’autres raisons, notamment le désir du premier ministre de se retirer de la vie publique.

Défaite lors d’une élection générale

Si le ministère démissionne lorsqu’une législature est dissoute, il n’y a bien sûr aucune conséquence sur le plan de la procédure. C’est habituellement le cas pour les gouvernements qui sont défaits lors d’une élection générale et qui démissionnent dans les jours qui suivent32. Il incombe alors au nouveau gouvernement de convoquer la Chambre.

À la suite des élections générales de 1925, une situation inhabituelle a suscité la controverse : le gouvernement de Mackenzie King a perdu sa majorité lorsque les Libéraux ont recueilli moins de sièges que le précédent parti de l’Opposition officielle, le Parti conservateur33. Il a néanmoins décidé de convoquer la Chambre afin de tester sa confiance, et il a réussi à la conserver jusqu’en juin 1926. Pour plus de détails sur cette affaire, voir ci-après.

Application de la convention sur la confiance

La procédure joue un rôle dans l’application de la convention sur la confiance dans la mesure où celle-ci concerne le processus décisionnel à la Chambre des communes. Quand le gouvernement est défait lors d’un vote sur une question de confiance de la Chambre, il est convenu que le premier ministre doit démissionner34 ou demander la dissolution de la législature.

Le Président n’a pas à décider ce qui constitue une question de confiance. Plusieurs Présidents ont déclaré qu’il n’incombait pas à la présidence d’intervenir pour empêcher les débats ou la tenue d’un vote sur une question reliée à la convention sur la confiance, à moins que la motion présentée ne soit clairement irrégulière ou irrecevable sur le plan de la procédure35. Naturellement, lorsque le résultat est serré, les conséquences du pairage sur le plan de la procédure et la façon dont un vote est enregistré deviennent cruciales36.

Six gouvernements ont été défaits lors d’un vote à la Chambre sur une question de confiance claire et incontestée. En 1926, le gouvernement minoritaire de Meighen, qui ne datait que de trois jours, a perdu un vote (96-95) sur une question qui équivalait à une motion de censure à l’endroit du gouvernement37. En 1963, le gouvernement minoritaire de Diefenbaker a été clairement défait (142-111) sur une motion des subsides38. En 1974, le gouvernement minoritaire de P.E. Trudeau et, en 1979, le gouvernement minoritaire de Clark ont tous les deux perdu un vote sur un sous-amendement à la motion sur le budget (137-123 et 139-133 respectivement)39. En 2005, le gouvernement minoritaire de Martin a subi une défaite sans équivoque (171-133) sur une motion de censure explicite présentée par l’Opposition officielle un jour réservé aux travaux des subsides40 tout comme le fut le gouvernement minoritaire de Harper en 2011 (156-145)41. Les six premiers ministres ont demandé et obtenu la dissolution de la législature à la suite de ces défaites à la Chambre. De ces six gouvernements, les gouvernements Meighen, Diefenbaker, Clark et Martin ont par la suite été défaits lors d’élections générales et, dans chaque cas, le premier ministre a démissionné sans rencontrer les nouveaux élus. Seuls les gouvernements de P.E. Trudeau et de Harper ont été reportés au pouvoir avec une majorité et ont par la suite convoqué la Chambre.

Le gouvernement King de 1925–1926 s’est buté à une situation plus complexe à la suite de l’élection de 1925. Étant au pouvoir depuis 1921, King tient une élection le 29 octobre 1925. Auparavant, son gouvernement libéral détenait une faible majorité, soit 118 sièges sur 235. Le nombre de sièges qu’il détenait avait fluctué tout au long de la 14e législature et le gouvernement avait donc été parfois majoritaire, parfois minoritaire42. Cette élection a permis d’élire 101 libéraux, 116 conservateurs, 24 progressistes, 2 travaillistes et 2 indépendants43. Le Parlement se réunit le 7 janvier 1926. Le gouvernement King ne démissionne pas, mais choisit plutôt de convoquer la Chambre malgré le fait qu’il a recueilli moins de sièges que le Parti conservateur. Grâce à l’appui du Parti progressiste, il conserve l’appui de la Chambre jusqu’en juin 1926 lorsque l’Opposition officielle présente un amendement à une motion portant adoption d’un rapport de comité perçu alors comme une motion de censure à l’endroit du gouvernement. Le gouvernement King n’a pu obtenir l’appui de la Chambre sur une série de motions de procédure visant à écarter l’amendement à la motion de censure44. Avant que cet amendement ne soit même mis aux voix, le premier ministre King annonce sa démission à la Chambre dans l’après-midi du lundi 28 juin 1926. Il déclare qu’il démissionne étant donné qu’il a demandé la dissolution de la législature, mais qu’il n’a pu l’obtenir45. Quoi qu’il en soit, les événements qui ont mené à la démission du gouvernement montrent qu’il n’est pas toujours facile de déterminer clairement ce qui constitue une question de confiance. Certains ont déjà signalé qu’il s’agissait-là d’un exemple de démission attribuable à l’application de la convention sur la confiance46, même si King lui-même a déclaré qu’il avait démissionné parce qu’il n’avait pu obtenir la dissolution demandée47.

La Chambre s’ajourne après cette annonce. Le lendemain matin, le gouverneur général demande à Arthur Meighen, le chef de l’Opposition, de former un nouveau gouvernement. Lorsque la Chambre se réunit plus tard le même jour, le gouvernement et l’Opposition officielle ont changé de côté à la Chambre et le leader parlementaire intérimaire, sir Henry Drayton, fait une déclaration annonçant des changements au ministère48. La Chambre reprend ensuite ses travaux. Deux jours plus tard, le gouvernement Meighen perd un vote sur une motion de censure49.

Les défaites des gouvernements sur des votes ne sont pas toutes automatiquement considérées comme des questions de confiance50. Sous le gouvernement Pearson, le 19 février 1968, une motion portant troisième lecture d’un projet de loi fiscal a été rejetée par un vote de 82 voix contre 8451. Le premier ministre Pearson n’était pas d’accord pour considérer cette défaite comme l’expression d’une perte de confiance à l’endroit du gouvernement comme certains le soutenaient. Le gouvernement a présenté une motion voulant « Que la Chambre ne considère pas son vote du 19 février lors de la troisième lecture du Bill C-193, qui avait été approuvé à toutes les étapes antérieures, comme un vote de défiance à l’endroit du gouvernement ». Cette motion a été adoptée le 28 février1968 par un vote de 138 voix contre 11952. Du 20 au 28 février 1968, la Chambre a uniquement cherché à régler cette question et ne s’est penchée sur aucune autre affaire du 20 au 22 février 196853.

De la même façon, le 20 décembre 1983, une disposition d’un projet de loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu et d’autres lois a été rejetée en comité plénier par un vote de 28 voix contre 6754. L’Opposition officielle soutenait que le résultat de ce vote constituait une défaite du gouvernement de P.E. Trudeau sur une question de confiance et exigeait que le gouvernement démissionne ou demande la dissolution de la législature. Le gouvernement n’était pas de cet avis55. Comme dans d’autres situations semblables, il ne s’agissait pas d’une question de procédure sur laquelle la présidence pouvait statuer56.

En 2005 et par la suite, les gouvernements Martin et Harper ont perdu des votes sur plusieurs motions, mais n’ont pas considéré ces défaites comme l’expression d’une perte de confiance57. De plus, les partis de l’opposition, conservateur en 2005 et libéral de 2006 à 2008, ont tous deux eu recours à l’abstention massive pour plusieurs votes cruciaux, ce qui a permis au gouvernement en place de survivre58.

La confiance est devenue une question particulièrement litigieuse en mai 2005, l’opposition ayant décidé, comme en 1926, de recourir à des motions portant adoption de rapports de comité pour vérifier si le gouvernement minoritaire de Martin avait toujours la confiance de la Chambre. Le 22 avril, le 2 mai et le 9 mai 2005, l’opposition a proposé des amendements à des motions portant adoption de rapports de comité de façon à demander aux comités de réviser leurs rapports pour recommander la démission du gouvernement59. Le 10 mai 2005, un amendement de ce genre a été adopté, tout comme la motion principale60, et tandis que les partis de l’opposition réclamaient la démission du gouvernement, le leader du gouvernement à la Chambre déclarait que la motion n’était qu’une instruction donnée au comité et non une question de confiance61. Dans les jours qui ont suivi, le gouvernement a perdu une série de votes sur des questions de procédure62 et n’a pas été capable de régler la question de confiance avant le 19 mai 2005, date à laquelle il a remporté de justesse un vote de confiance sur la motion de deuxième lecture de son projet de loi d’exécution du budget grâce à la voix prépondérante du Président exercée en raison d’une égalité des voix (153-152)63.

Par la suite, le 21 novembre 2005, la Chambre a adopté une motion de l’opposition présentée par le Nouveau Parti démocratique et visant à ce que le premier ministre Martin demande la dissolution dans la semaine du 2 janvier 2006 et fixe la date du prochain scrutin au lundi 13 février 2006. La motion visait également à ce que le Président transmette le texte à la gouverneure générale64. Après le vote, le gouvernement a déclaré qu’il ne tiendrait pas compte de la résolution parce qu’elle ne faisait que proposer une ligne de conduite et n’indiquait pas expressément que le gouvernement avait perdu la confiance de la Chambre65. Le 28 novembre 2005, le gouvernement Martin a finalement subi une défaite sur une motion de censure66.

La question de la confiance a aussi été soulevée à la fin de novembre 2008 sous le gouvernement minoritaire de Harper. Le 27 novembre, après que le ministre des Finances eut présenté à la Chambre un énoncé économique controversé, les trois partis de l’opposition (formant la majorité des députés) ont indiqué qu’ils avaient l’intention de faire tomber le gouvernement à la première occasion, notamment par voie d’une motion de l’opposition à être proposée à la prochaine séance réservée aux travaux des subsides67. Le gouvernement a réagi en annonçant, le 28 novembre, qu’il repoussait au 8 décembre le jour réservé aux travaux des subsides qui devait se tenir le 1er décembre. Le 1er décembre, le chef de l’Opposition a écrit à la gouverneure générale pour l’informer que le gouvernement avait perdu la confiance des trois partis de l’opposition et que deux de ces partis avaient convenu de former un nouveau gouvernement avec l’appui du troisième, dans le cas où elle envisagerait d’exercer son pouvoir constitutionnel et de lui demander de former un gouvernement68. Le 4 décembre, le premier ministre Harper a demandé et obtenu la prorogation, soit un peu plus de deux semaines après l’ouverture de la 40e législature69.

Démissions pour d’autres raisons

Plusieurs premiers ministres ont démissionné pour d’autres raisons que celles mentionnées jusqu’à maintenant. La plupart ont posé ce geste parce qu’ils souhaitaient se retirer de la vie publique70. Il y a toutefois quelques cas où ce départ est attribuable à d’autres motifs.

Par exemple, en 1873, le premier ministre sir John A. Macdonald, plutôt que devoir faire face à une défaite presque certaine de son gouvernement sur une motion de censure, a démissionné alors qu’il se trouvait mêlé à un scandale71. Selon un témoin, le 5 novembre 1873, « sir John s’est levé et a brièvement annoncé que le gouvernement avait démissionné. Cette annonce a été faite dans le plus grand silence. Tout de suite après, l’Opposition a traversé de l’autre côté de la Chambre jusqu’à ses nouveaux pupitres72 ». Le chef de l’Opposition, Alexander Mackenzie, a formé un nouveau gouvernement et la session a été prorogée le 7 novembre 187373. Le 2 janvier 1874, il a demandé et a obtenu la dissolution sans avoir présenté un programme législatif à la Chambre.

Un autre exemple est celui du premier ministre le sénateur sir Mackenzie Bowell qui, en 1896, a fait face à une sérieuse révolte de son Cabinet (démission de sept ministres, soit la moitié du ministère) et a dû finalement démissionner lui-même le 27 avril de la même année, trois jours après avoir obtenu la dissolution de la législature74. Sir Charles Tupper lui a succédé mais a dû démissionner peu de temps après, par suite d’une défaite électorale75.

Destitution d’un premier ministre

Le pouvoir de destituer un premier ministre, pouvoir qui existe depuis la Confédération, est décrit à l’article 5 des Lettres patentes constituant la charge de gouverneur général (1947)76 et figure parmi les prérogatives et pouvoirs discrétionnaires du gouverneur général. Au Canada, sur la scène fédérale, ce pouvoir n’a jamais été exercé77 alors qu’au niveau provincial, il ne l’a pas été depuis 190378. Au Royaume-Uni, aucun premier ministre n’a été destitué depuis 178379. En Australie, en 1975, le gouverneur général a destitué le premier ministre étant donné la crise constitutionnelle qui opposait la Chambre des représentants au Sénat80.

Les circonstances pouvant entraîner une destitution ont néanmoins été abondamment débattues dans le milieu académique81.

Crise ministérielle

Il est arrivé que la Chambre siège alors que la composition du ministère était changée en raison d’une crise ministérielle. Il était normal alors qu’elle s’ajourne d’un jour à l’autre (à moins qu’elle en décide autrement) jusqu’à ce que les changements soient terminés82. Dans ces cas, la Chambre ne s’occupe habituellement que des affaires courantes les jours où elle se réunit, et des questions peuvent être posées concernant les progrès qui sont faits dans la reconstitution du ministère83. Quand un nouveau ministère doit être formé à la suite du décès, de la démission ou de la destitution du premier ministre, il convient également que la Chambre s’ajourne d’un jour à l’autre (à moins encore une fois qu’elle n’en décide autrement)84, mais aucune question ne peut être posée sur les progrès qui sont réalisés puisqu’il n’y a plus de ministère85. Les chefs des partis peuvent cependant faire des déclarations86. Lorsque la crise ministérielle est résolue, l’un des dirigeants du caucus gouvernemental fait habituellement une déclaration afin d’expliquer à la Chambre les changements apportés au ministère87.